Cystite interstitielle et syndrome urétral

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Cystite interstitielle et syndrome urétral
Cystite interstitielle et syndrome urétral
B. Deval et F. Haab
La cystite interstitielle reste une maladie mystérieuse. Aucune étiologie (trouble de la perméabilité, inflammatoire, allergique, auto-immune) n’est satisfaisante. Elle associe douleur,
urgence mictionnelle et pollakiurie. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. L’examen cytobactériologique des urines doit être stérile. Le bilan urodynamique élimine une vessie hyperactive. La cystoscopie confirme le diagnostic : il existe deux variétés, ulcéreuse et non ulcéreuse.
Le traitement associe des règles diététiques, une hydrodistension vésicale lors de la cystoscopie,
des antidépresseurs tricycliques, des antihistaminiques et des instillations vésicales en cas de
résistance aux traitements médicaux. En cas d’échec, une chirurgie d’agrandissement vésical
a pu être proposée.
INTRODUCTION
CYSTITE INTERSTITIELLE
Les troubles sensitifs du bas appareil urinaire
associent douleur, pollakiurie et urgence mictionnelle. À des degrés différents, il semble légitime de rassembler ces symptômes en une seule
et même pathologie la cystite interstitielle (CI)
dont l’infection urinaire récidivante serait la
phase de début, le syndrome urétral la seconde
phase, la cystite interstitielle la phase d’état
(fig. 1). L’infection urinaire récidivante (IUR) se
définit par plus de deux infections en six mois
et/ou plus de trois infections en un an, 15 % des
5 millions de femmes ayant une infection urinaire basse vont récidiver leur infection. D’autre
part, à propos des 8,5 millions de femmes présentant une incontinence urinaire d’effort, 40 %
ont une instabilité de vessie ou des troubles de la
sensibilité vésicale. Plus de 500 000 femmes ont
une cystite interstitielle, et leur qualité de vie est
souvent plus altérée que la vie des patientes dialysées de même âge.
La cystite interstitielle est une cause de syndrome
douloureux pelvien, elle associe à des degrés
divers, douleur pelvienne, urgence mictionelle et
pollakiurie diurne et nocturne. La variabilité dans
l’intensité des symptômes permet de définir des
patientes douloureuses sans être ni pollakiuriques
ni impérieuses et d’autres impérieuses et pollakiuriques sans être douloureuses. Son association
à des troubles digestifs, gynécologiques et ou des
troubles de la statique pelvienne est classique (1).
Au cours des années 1980, l’augmentation de la
prévalence de la cystite interstitielle a conduit la
mise en place de critères diagnostiques du NIH
(National Institute of Health) et du NIDDK
(National Institute of Diabete and Digestive and
Kidney Diseases) afin de définir les critères d’inclusion dans le cadre de recherches cliniques et
fondamentales dans le diagnostic de cystite interstitielle (fig. 1) (2). Ces critères du NIH reposent sur
l’association de symptômes cliniques et sur des
Sévérité des symptômes
Infection urinaire récidivante
============>
(IUR)
Fig. 1 – Échelle des symptômes.
Syndrome urétral
(SU)
============>
Cystite interstitielle
(CI)
344
Pelvi-périnéologie
signes cystoscopiques (pétéchies, nodules sousmuqueux, limitation de la capacité vésicale, fibrose,
ulcération de Hunner). Toutefois si l’on retient
essentiellement les critères diagnostiques du NIH,
60 % des patientes porteuses de CI sont non diagnostiquées (3). D’ou la nécessité d’une prise en
charge différente regroupant les critères symptomatiques et de nouveaux critères diagnostiques .
En 1997, O’Leary et al. (4) ont créé un questionnaire score symptôme permettant au travers
de l’histoire pollakiurique, impérieuse et douloureuse de la femme, de retrouver une sensibilité et
une spécificité de respectivement 90 et 95 %,
pour un score supérieur à 6 dans le diagnostic de
cystite interstitielle. En 1998, Parson et al. (5),
rapportent la découverte d’un test de provocation
d’impériosité mictionelle au KCl. Autre évolution, de nombreux travaux sont actuellement
développés dans le but de trouver des marqueurs
urinaires permettant une sensibilisation du diagnostic de CI (6-9) malheureusement le caractère
hétérogène des populations étudiées ne permet
pas d’individualiser un ou plusieurs marqueurs
spécifiques à la CI. Malgré tout, l’association des
critères diagnostiques d’O’Leary, du test au
potassium, des marqueurs urinaires et des résultats cystoscopiques pourraient permettre une sensibilisation au diagnostic de cystite interstitielle.
Épidémiologie-étiopathogénie
Historique et épidémiologie
Le terme de cystite interstitielle fut rapporté par
Skène en 1887, l’association d’un syndrome douloureux pelvien, d’ulcération vésicale et d’une
pollakiurie fut évoquée en 1907 par Nitze. C’est
en 1915 que Guy Hunner associe son nom à la
forme ulcéreuse type de la cystite interstitielle
associant fibrose vésicale, congestion muqueuse
et syndrome hémorragique suivant l’hydrodistension vésicale. En réalité, il faut attendre 1988
et la publication des critères de diagnostic du
NIH pour voir se multiplier les travaux sur cette
pathologie.
La prévalence de la CI est variable, elle
est estimée à 80/100 000 aux USA (10), de 8 à
16/100 000 en Hollande (11), à 18/100 000 en
Finlande (1), à 4/100 000 au Japon 700 000 (12),
1,8 millions de patientes étant affectées par la
maladie aux USA (13) . Quoiqu’il en soit, l’impact économique de la cystite interstitielle serait
de 1,7 millions de dollars par an aux USA. L’âge
moyen de survenue est de quarante ans, toutefois
25 % des patients rapportent le début de leurs
symptômes à la petite enfance (14). Des observations aux deux extrêmes de la vie ont été rapportées (15, 16). La prépondérance féminine est
très nette (90 % de femmes). Cause ou conséquence, le taux de suicides noté dans cette population dépasse celui de la population générale et
est multiplié par quatre. Compte tenu du manque
de spécificité des signes cliniques, biologiques et
cystoscopiques le retard de diagnostic est estimé
entre quatre et sept ans (17). Cette variabilité
dans les critères épidémiologiques de la cystite
interstitielle doit conduire à des recherches cliniques et fondamentales permettant de définir des
critères diagnostiques fiables.
Étiopathogénie
Les facteurs étiopathogéniques sont inconnus, les
théories les plus fréquemment retrouvées sont les
troubles de la perméabilité de la paroi vésicale,
les théories allergiques ou auto-immunes. Rien ne
permet de dire que la cystite interstitielle est une
véritable maladie ou un syndrome clinique
correspondant à différentes pathologies de la
vessie (18).
Dysperméabilité vésicale
Parmi toutes les théories évoquées, l’altération
de la perméabilité de l’urothélium vésical est
probablement une des mieux étayée. Plusieurs
travaux fondamentaux ont permis de mettre en
évidence une diminution du taux de glycoaminoglycanes (GAG) (6) et une augmentation
du taux d’acide hyaluronique (19) entraînant une
perméabilité pathologique de la paroi vésicale
pour l’urine. Le passage transmural du potassium, entraînerait une réaction inflammatoire,
une dégranulation mastocytaire et de fait un syndrome douloureux pelvien.
Théorie inflammatoire
Cause ou conséquence, il existe un syndrome
inflammatoire marqué dans la cystite interstitielle, le dosage des cytokines urinaires interleukines 6 et 8 (IL6- 8) est élevé (20), l’IL1 reflet de
l’infection n’est pas augmenté (9).
Théorie allergique
Autre théorie largement étayée, la dégranulation
mastocytaire. Les patientes suivies pour cystite
Cystite interstitielle et syndrome urétral
interstitielle ont une augmentation de l’histaminurie et de la méthylhistaminurie (21).
Théorie auto-immune
La théorie auto-immune de la CI est basée sur
des modèles expérimentaux de CI (Ac antivessie) et une association fréquente avec diverses
pathologies comme le lupus erythémateux disséminé, la polyarthrite rhumatoïde ou encore la thyroïdite de Hashimoto.
345
Gynécologue
Urologue
Gastro-entérologue
Chirurgien colorectal
Rhumatologue
Nutritioniste
Psychologue
Neuropsychiatre
Acupuncteur
Fig. 3 – Membres de l’équipe multidisciplinaire.
Diagnostic : les critères du NIH (fig. 3)
Signes fonctionnels
Signes d’exclusion
Le diagnostic de cystite interstitielle ne peut être
retenu qu’en l’absence de toute autre pathologie
urologique infectieuse ou néoplasique, il s’agit
d’un diagnostic d’exclusion. Les urines doivent
être stériles. Il ne doit pas exister d’antécédent de
radiothérapie pelvienne, cet élément devant alors
plutôt faire rechercher une cystopathie radique
qui partage avec la CI un certain nombre de
symptômes (pollakiurie douloureuse, hématurie).
Critères positifs
Catégorie A : au moins un de ces éléments cystoscopiques
> 10 pétéchies / quadrant dans au moins trois quadrants
de la vessie
Ulcère de Hunner
Catégorie B : au moins un de ces éléments symptomatiques
Douleur
Impériosités mictionnelles
Critères d’exclusion
Âge < 18 ans
PKU < 8/J ou < 2 nuit
Capacité vésicale > 350 ml
Contractions non inhibées du détrusor
Instabilité vésicale
Infection urinaire ou prostatique de moins de 3 mois
Infection herpétique évolutive
Évolution des symptômes de moins de 9 mois
Cancer de l’un des organes pelviens de moins de 5 ans
Lithiase vésicale, urétérale
Diverticule urétral
Pathologie vésicale, chimio, Rxtt
Échec tt A/C
NIH (National institute of Health)
NIDDk (National institute of Diabete and Digestive and
Kidney Diseases)
Fig. 2 – Critères du NIH et NIH-NIDDK.
De même, la notion de chimiothérapie antérieure
doit faire évoquer une cystite cytotoxique.
Signes irritatifs
Douleur, urgence et pollakiurie sont les symptômes classiques de la CI. L’association des trois
signes n’étant retrouvée que dans 7 % des
cas (22). La douleur est prémictionnelle, calmée
par la miction, parfois associée à une hématurie.
La tenue d’un calendrier mictionnel permet de
vérifier l’existence d’une pollakiurie diurne (> 8
par jour ) et nocturne (> 2 par nuit), des fréquences mictionnelles à 60 mictions par jour et
à 20 mictions la nuit ont été décrites. Les mictions sont dictées non pas tant par un besoin
urgent d’uriner, mais par la nécessité de soulager
une douleur vésicale, pelvienne, avec parfois des
irradiations périnéales accompagnées d’une sensation de spasmes, de ténesmes vésicaux (23).
La miction arrive souvent à immédiatement soulager ce phénomène douloureux qui réapparaît
parfois rapidement en quelques dizaines de
minutes. Des phénomènes d’anxiété, voire des
manifestations vagales en raison de l’intensité
de la douleur et de son vécu parfois exacerbé en
raison de la chronicité des symptômes, peuvent
accompagner les signes urinaires. Le taux de suicides de patientes porteuses de CI est trois à
quatre fois plus élevé que dans la population
générale (24).
La dyspareunie peut être un motif de consultation, il est retrouvé chez 50 % des patientes
selon Simon (25) ; le syndrome douloureux pouvant survenir pendant le rapport sexuel ou au
décours du rapport sexuel, la recrudescence de la
symptomatologie pouvant être annoncée la
semaine précédant les menstruations (23, 26).
346
Pelvi-périnéologie
Signes d’accompagnement
Il n’y a en règle pas d’autres troubles mictionnels,
et notamment pas d’incontinence urinaire tant par
urgence, que liée aux efforts, pas de dysurie, pas
de résidu postmictionnel, pas d’énurésie, pas de
trouble de la perception du besoin d’uriner ou de
la perception du passage urétral des urines. Cependant, il est classique d’observer une discrète attente
mictionnelle, voire quelques poussées abdominales
concomitantes à la miction, les patientes urinant
pour des faibles volumes dont on sait qu’ils peuvent induire une diminution de l’efficience du
réflexe mictionnel, suppléé par une telle poussée.
Il n’existe pas de troubles anorectaux associés, bien que des études récentes aient pu montrer la plus forte prévalence dans cette population de la colopathie fonctionnelle et de la
dyschésie anorectale. L’association à une fibromyalgie, à un syndrome de Sjogren, à une vulvodynie, à une migraine doit être cherchée et ne
serait pas forcément fortuite, justifiant la prise
en charge de la cystite interstitielle multidisciplinaire (fig. 4).
Signes cliniques
L’examen clinique peut retrouver une sensibilité
anormale de la paroi antérieure du vagin. Il est
toujours normal, qu’il s’agisse de l’examen urogynécologique ou de l’examen neuropérinéal.
Il n’existe ainsi aucun trouble trophique ou
infectieux locorégional (périnéo-vulvo-vaginal),
aucun signe de vestibulite, la trophicité vulvo-vaginale est normale, il n’existe pas de segment vaginal
prolabé, la cloison recto-vaginale est souple, il
n’existe aucune masse annexielle, les ligaments
utérosacrés sont libres de lésion nodulaire.
L’examen neurologique est normal, tant dans la
sensibilité périnéale que dans la tonicité des sphincters, et les réflexes du cône médullaire (réflexe anal
à la toux et réflexe clitorido-anal) sont présents.
Examens complémentaires
ECBU
L’examen cytobactériologique des urines doit être
impérativement stérile de même que les prélèvements urétraux et vaginaux. Il est parfois retrouvé
une hématurie devant conduire à l’échographie
rénale et à l’urographie intraveineuse si une anomalie est retrouvée (obstruction, calcul, diverticule, fistule). S’il est réalisé, le bilan biologique
est normal en dehors des cas exceptionnels où
des anticorps antinucléaires sont détectés.
BUD
Le bilan urodynamique est réalisé afin d’éliminer
une vessie hyperactive (1). Suivant les critères
du NIH, il n’y a jamais d’instabilité vésicale, le
detrusor devant rester parfaitement stable sans
contraction non inhibée, toutefois l’existence de
contractions non inhibées du detrusor est décrite
dans 20 % des cystites interstitielles (27). La
capacité vésicale fonctionnelle est généralement
réduite , une moyenne de 350 ml étant retrouvée
dans la littérature (16). Le remplissage vésical
est en règle douloureux avec parfois même une
hématurie en fin de cystomanométrie. Il existe
selon le ICDB (Interstitiel Cystitis Data base)
une corrélation urodynamique entre la pollakiurie, la capacité vésicale fonctionnelle et le
premier besoin en cystomanométrie (27). Il est
parfois noté une amélioration de la symptomatologie de CI dans les jours qui suivent le bilan
urodynamique, la distension effectuée pour monitorer l’activité vésicale ayant, nous le reverrons,
un effet thérapeutique.
Cystoscopie
L’examen cystoscopique a une valeur diagnostique, thérapeutique et pronostique. Deux soustypes sont individualisés, les formes ulcéreuses et
non ulcéreuses (28). Dans les formes non ulcéreuses, les lésions sont pétéchiales ou glomérulaires, elles affectent les patientes jeunes et se
traduisent par des vessies de capacité supérieure
aux formes ulcéreuses. Dans les formes ulcéreuses, l’ulcère est isolé. Il existe un parallélisme
anatomoclinique entre la symptomatologie et les
signes endoscopiques. Les formes ulcéreuses à
capacité réduite pour le sujet âgé, les formes non
ulcéreuses à capacité plus élevée chez les sujets
jeunes.
La cystoscopie permet d’éliminer une lésion
vésicale (carcinome vésical, corps étranger, infection chronique spécifique parasitaire, tuberculeuse ou infectieuse, ...), d’évaluer la capacité
vésicale fonctionnelle, de définir s’il s’agit d’une
forme classique ou ulcéreuse, cette dernière étant
retrouvée dans 5 à 10 % des CI (26).
Les biopsies réalisées lors de la cystoscopie
permettent de quantifier le nombre de mastocytes
dans la lamina propria et dans le muscle detrusor.
Cependant aucun de ces critères n’est pathogno-
Cystite interstitielle et syndrome urétral
Syndrome urgence-pollakiurie
syndrome urétral
cystite interstitielle
Histoire des symptômes : urgence mictionelle, douleur pelvienne, périnéale ou urétrale
dyspareunie
fréquence diurne > 8, fréquence nocturne > 2
dysurie
Critères d’exclusion
: cystite radiochimique, antécédent de cancer gynécologique et / ou urologique
Examens complémentaires : cytologie urinaire négative
Examens radiographiques : UIV, échographie normale
Examen clinique :
critères d’exclusion : cloison recto-vaginale souple
annexe souple
vestibule normal, absence d’infection vulvo-périnéale
critères d’inclusion : sensibilité de l’urètre et de la vessie
Alcalinisation des urines
Analgésiques simples
Règles diététiques
anticholinergiques
Surv.
Cystoscopie, hydrodistension, biopsie vésicale
Absence de processus carcinomateux
Absence de lithiase
Pétéchies/Ulcère après hydrodistension
Réduction de la capacité vésicale
Syndrome d’urgence mictionelle
Biopsie : mastocytes fibrose Test au potassium positif
Fig. 4 – Conduite diagnostique.
347
348
Pelvi-périnéologie
monique et l’intérêt principal des biopsies est
l’exclusion du cancer de la vessie.
Dans 30 à 50 % des cas, l’hydrodistension permettra l’amélioration transitoire des symptômes
avec un délai de sécurité de trois à six mois (29).
Il est ainsi possible en fonction du prélèvement
d’élaborer une thérapeutique. Ainsi, il est légitime de penser que la vessie ulcéreuse ou de
faible capacité fonctionnelle répondra peu aux
traitements médicaux , que la présence de mastocytes en nombre lors du prélèvement permettra
d’orienter le traitement vers un traitement antihistaminique.
Marqueurs urinaires
La recherche de techniques non invasives dans le
diagnostic de cystite interstitielle a conduit la
recherche de marqueurs urinaires.
Métabolites urinaires des GAG (GP-51) : il
n’existe pas de consensus quant au taux d’acide
hyaluronique urinaire retrouvé dans les cystites
interstitielles, diminué pour les uns (30), augmenté pour les autres (31) la variabilité des résultats rend nécessaire les études de corrélation entre
les biopsies de vessie et le taux urinaire de GAG
retrouvé.
Facteurs de croissance (HP-EGF, EGF, IGF) :
les résultats sont variables en fonction du facteur
de croissance testé, diminué pour le HP-EGF,
augmenté pour l’EGF et l’IGF (7). Le taux
des marqueurs antiprolifératifs (APF) est augmenté (7).
Métabolites histaminiques (méthylhistamine,
tryptase, glycosaminoglycanes, épinéphrine) : la
recherche de métabolites histaminiques dans les
CI reflète la dégranulation mastocytaire). Malgré
la controverse concernant les résultats des prélèvements urinaires, élevés pour les uns (21), bas
pour d’autres (32). Il semble toutefois qu’une histaminurie élevée puisse orienter le diagnostic et
le traitement.
Dosage des cytokines ( IL1-6-8 ) : reflet du
syndrome inflammatoire, le dosage des IL1-6-8
sont en cours d’étude. Au-delà de leur valeur diagnostique, il semble se confirmer que le dosage
des cytokines (IL6) élevé dans les cystites bactériennes et les carcinomes de vessie puisse également être corrélé aux symptômes de CI (8).
Quant aux dosages des cytokines IL 1 et IL 8, les
résultats sont actuellement trop discordants pour
être concluants (32, 33).
Test au potassium (PST)
Sans être réellement spécifique le test de Parson
(34) ou test au KCl ou Potassium Sensivity Test
(PST) consistant en l’instillation vésicale de 40mEq
de KCl dilué dans 100 ml de sérum physiologique
et laissé en place dans la vessie pendant cinq
minutes peut venir en aide au diagnostic. La survenue d’une douleur, d’une impériosité mictionelle
ou d’une pollakiurie est notée par la patiente (Pain
Urgency Frequency score), le score de provocation
étant noté de 0 à 5 (0 : absence de provocation ; 5 :
provocation marquée). Un test positif étant défini
par une évolution du score supérieure à 2. Cinquante-quatre à 83 % des patientes porteuses d’une
cystite interstitielle ont un PST positif (35, 36).
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Le diagnostic de CI répond à des critères précis.
Une durée d’évolution de moins de neuf mois,
la moindre infection clinique ou biologique,
aiguë ou chronique, des antécédents de néoplasie,
de chimio ou de radiothérapie, excluent le diagnostic. La cystoscopie et les biopsies vésicales
sont systématiques afin d’éliminer, carcinome in
situ, cystites chroniques bactériennes, infectieuses
et parasitaires.
En règle, les autres douleurs pelviennes ne
sont pas rythmées par la miction, qu’il s’agissent
des lésions gynécologiques ou colorectales. Une
hormonodépendance est parfois retrouvée dans
ce cas. L’endométriose vésicale est responsable
de douleurs cycliques accompagnées de troubles
mictionnels (pollakiurie, urgence mictionnelle,
parfois fuites sur impériosité) rythmées par les
menstruations.
Les cystalgies fonctionnelles quant à elles sont
très difficiles à distinguer de la CI. Seule l’analyse des critères du NIH permet parfois le diagnostic. Enfin, le mode de présentation des douleurs périnéales neurologiques (syndromes du
canal d’Alcock ou du ligament sacro-épineux)
est radicalement différent avec des douleurs non
influencées par la miction, plutôt à type de brûlures ou de dysesthésies périnéales, augmentées
par la position assise et de siège franchement
périnéal (vulvaires, anorectales).
Cystite interstitielle et syndrome urétral
SYNDROME URÉTRAL
TRAITEMENT (fig. 5)
La symptomatologie du syndrome urétral est caractérisée par l’association de pollakiurie, d’urgence
nocturne, d’urgence diurne, de douleur urétrale et
de dysurie, en dehors de tout contexte infectieux.
Un climat hypo-œstrogénique peut être responsable de la symptomatologie du syndrome
urétral, à ce stade la cystoscopie est normale, il
est retrouvé une spasticité musculaire pouvant
répondre au biofeedback.
Diagnostic et traitement sont similaires à ceux
de la cystite interstitielle avec en plus la possibilité d’une dilatation urétrale.
Règles diététiques-hydrodistension
349
Il faut débuter la prise en charge thérapeutique
par des règles diététiques simples : hydratation et
mictions régulières, contre-indications à une alimentation épicée ou contre-indication à la prise
de boissons alcoolisées et acides (fig. 6). Alcalinisation des urines, la prise médicamenteuse
d’antalgiques et d’ antispasmodiques peut améliorer 40 à 60 % des patientes. La possibilité de
cures à base de bains alcalins permettra d’améliorer la symptomatologie de la patiente.
Règles diététiques, alcalinisation des urines, traitement anticholinergique, biofeedback, nutritioniste
Hydrodistension
Hydrodistension répétée
Antidépresseur
antihistaminique
anticonvulsivants
Elmiron*
Instillations vésicales
Neurostimulation
Fig 5 – Conduite thérapeutique.
350
Pelvi-périnéologie
TEST AU POTASSIUM
Mesure de la perméabilité à une solution de KCl
40 ml, 400 mEq/l
Vessie normale : aucune symptomatologie
Cystite interstitielle : le potassium stimule la sensibilité de vessie et induit douleur et impériosité
La réponse est positive lorsqu’il n’existe aucune
sensibilité au remplissage à l’eau et une impériosié
déclenchée à l’instillation de KCl
Aliments et boissons contre-indiqués
Alcool, bière
Jus de fruit (orange, citron, raisin)
Thé, café, chocolat
Tomate
Vinaigre, poivre, piments
Oignons
Fromages fermentés
Fig 6 – Test au potassium.
L’hydrodistension sous anesthésie locorégionale ou générale est un traitement transitoire, de
réalisation facile lors de la cystoscopie, l’instillation de 600 ml de sérum gardés pendant dix
minutes permet d’améliorer 30 à 54 % des
patientes. Dans la majorité des cas, l’hydrodistension permet seulement de reculer l’échéance
de la prise en charge médicamenteuse.
Traitements médicaux oraux
prouvée, de traiter 40 % des patientes à une dose
de 75mg/jour. Les raisons de l’efficacité des antihistaminiques sont multiples : propriété sédative,
stabilisation de la dégranulation mastocytaire,
propriétés anticholinergiques.
Pentosanpolysulfate (Elmiron*)
Le pentosanpolysulfate sodium (Elmiron*) est un
polysaccaride sulfaté qui permet de stabiliser la
perméabilité de l’urothélium vésical. L’Elmiron*
est excrété dans les urines et permet de traiter la
dysperméabilité de l’interstitum vésical. La
symptomatologie à type de douleur et d’urgence
mictionnelle est améliorée à la dose de 300 mg
par jour dans 42 à 62 % des cas (37). Dans moins
de 4 % des cas les patientes décrivent une alopécie, une diarrhée ou un syndrome nauséeux (37),
actuellement l’Elmiron® n’est pas disponible en
France, mais il est disponible en Allemagne, en
Belgique et en Angleterre.
Instillations vésicales
Les instillations vésicales sont réalisées en cas de
résistance aux traitements antérieurs.
DMSO
Une solution associant 50 ml de dimethylsulfoxide (DMSO), 10 000 unités d’héparine, 10 mg
de triamcinolone, 44 mEq de NaHCO3 instillés
une fois par semaine pendant six semaines.
Le DMSO a des propriétés antalgiques antiinflammatoires, l’héparine possédant une activité
identique aux GAG.
Antidépresseurs tricycliques
Ils ont un effet central et périphérique, ce sont des
anticholinergiques bloquant la recaptation de
sérotonine et de norépinéphrine, ils ont de plus
des propriétés antihistaminiques.
L’amitriptyline est habituellement donnée à la
dose de 10 à 25 mg le soir avant de se coucher
en ayant prévenu la patiente de la possibilité
d’une somnolence douze heures après la prise
médicamenteuse.
D’autres antidépresseurs peuvent être proposés : doxépine hydrochloride 10 à 75 mg/jour,
paroxétine hydrochloride 10 à 25 mg/jour ou
fluoxétine hydrochloride (Prozac®) 20 mg/jour.
Acide hyaluronique (Cystistat*)
L’instillation consiste en la mise en place d’acide
hyaluronique (40 mg dilué dans 50 ml de sérum
physiologique) à J0 ,7 ,14, 21 au 1er, 2e, 3e mois.
Les résultats ont été jugés sur une période de
trois ans, à propos de 20 patientes permettant de
retrouver un taux de succès de 66 % (38).
Antihistaminiques
L’hydroxyzine a permis, dans un contexte d’histoire allergique et de dégranulation mastocytaire
En cas de résistance aux techniques d’instillation, peuvent être discutées : la rééducation périnéale (39) ; la neuromodulation des racines
sacrées (40) ; l’injection intradétrusorienne de
Autres
Cystite interstitielle et syndrome urétral
toxine botulique, la cystectomie supratrigonale
avec entérocystoplastie d’agrandissement.
351
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CONCLUSION
Fréquentes, mal explorées, en règle sévères en
termes de retentissement, trop souvent uniquement attribuées à un dysfonctionnement au substratum psychogène prédominant, les cystites
interstitielles répondent à des critères diagnostiques précis. La cystoscopie et les biopsies vésicales permettent d’éliminer nombre de pathologies pouvant reproduire la symptomatologie
vésicale algique et les troubles mictionnels à type
de pollakiurie. Le traitement repose avant tout
sur l’hydrodistension, dont l’échec peut conduire
à une chirurgie d’agrandissement vésical.
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