Cystite interstitielle et syndrome urétral
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Cystite interstitielle et syndrome urétral
Cystite interstitielle et syndrome urétral B. Deval et F. Haab La cystite interstitielle reste une maladie mystérieuse. Aucune étiologie (trouble de la perméabilité, inflammatoire, allergique, auto-immune) n’est satisfaisante. Elle associe douleur, urgence mictionnelle et pollakiurie. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. L’examen cytobactériologique des urines doit être stérile. Le bilan urodynamique élimine une vessie hyperactive. La cystoscopie confirme le diagnostic : il existe deux variétés, ulcéreuse et non ulcéreuse. Le traitement associe des règles diététiques, une hydrodistension vésicale lors de la cystoscopie, des antidépresseurs tricycliques, des antihistaminiques et des instillations vésicales en cas de résistance aux traitements médicaux. En cas d’échec, une chirurgie d’agrandissement vésical a pu être proposée. INTRODUCTION CYSTITE INTERSTITIELLE Les troubles sensitifs du bas appareil urinaire associent douleur, pollakiurie et urgence mictionnelle. À des degrés différents, il semble légitime de rassembler ces symptômes en une seule et même pathologie la cystite interstitielle (CI) dont l’infection urinaire récidivante serait la phase de début, le syndrome urétral la seconde phase, la cystite interstitielle la phase d’état (fig. 1). L’infection urinaire récidivante (IUR) se définit par plus de deux infections en six mois et/ou plus de trois infections en un an, 15 % des 5 millions de femmes ayant une infection urinaire basse vont récidiver leur infection. D’autre part, à propos des 8,5 millions de femmes présentant une incontinence urinaire d’effort, 40 % ont une instabilité de vessie ou des troubles de la sensibilité vésicale. Plus de 500 000 femmes ont une cystite interstitielle, et leur qualité de vie est souvent plus altérée que la vie des patientes dialysées de même âge. La cystite interstitielle est une cause de syndrome douloureux pelvien, elle associe à des degrés divers, douleur pelvienne, urgence mictionelle et pollakiurie diurne et nocturne. La variabilité dans l’intensité des symptômes permet de définir des patientes douloureuses sans être ni pollakiuriques ni impérieuses et d’autres impérieuses et pollakiuriques sans être douloureuses. Son association à des troubles digestifs, gynécologiques et ou des troubles de la statique pelvienne est classique (1). Au cours des années 1980, l’augmentation de la prévalence de la cystite interstitielle a conduit la mise en place de critères diagnostiques du NIH (National Institute of Health) et du NIDDK (National Institute of Diabete and Digestive and Kidney Diseases) afin de définir les critères d’inclusion dans le cadre de recherches cliniques et fondamentales dans le diagnostic de cystite interstitielle (fig. 1) (2). Ces critères du NIH reposent sur l’association de symptômes cliniques et sur des Sévérité des symptômes Infection urinaire récidivante ============> (IUR) Fig. 1 – Échelle des symptômes. Syndrome urétral (SU) ============> Cystite interstitielle (CI) 344 Pelvi-périnéologie signes cystoscopiques (pétéchies, nodules sousmuqueux, limitation de la capacité vésicale, fibrose, ulcération de Hunner). Toutefois si l’on retient essentiellement les critères diagnostiques du NIH, 60 % des patientes porteuses de CI sont non diagnostiquées (3). D’ou la nécessité d’une prise en charge différente regroupant les critères symptomatiques et de nouveaux critères diagnostiques . En 1997, O’Leary et al. (4) ont créé un questionnaire score symptôme permettant au travers de l’histoire pollakiurique, impérieuse et douloureuse de la femme, de retrouver une sensibilité et une spécificité de respectivement 90 et 95 %, pour un score supérieur à 6 dans le diagnostic de cystite interstitielle. En 1998, Parson et al. (5), rapportent la découverte d’un test de provocation d’impériosité mictionelle au KCl. Autre évolution, de nombreux travaux sont actuellement développés dans le but de trouver des marqueurs urinaires permettant une sensibilisation du diagnostic de CI (6-9) malheureusement le caractère hétérogène des populations étudiées ne permet pas d’individualiser un ou plusieurs marqueurs spécifiques à la CI. Malgré tout, l’association des critères diagnostiques d’O’Leary, du test au potassium, des marqueurs urinaires et des résultats cystoscopiques pourraient permettre une sensibilisation au diagnostic de cystite interstitielle. Épidémiologie-étiopathogénie Historique et épidémiologie Le terme de cystite interstitielle fut rapporté par Skène en 1887, l’association d’un syndrome douloureux pelvien, d’ulcération vésicale et d’une pollakiurie fut évoquée en 1907 par Nitze. C’est en 1915 que Guy Hunner associe son nom à la forme ulcéreuse type de la cystite interstitielle associant fibrose vésicale, congestion muqueuse et syndrome hémorragique suivant l’hydrodistension vésicale. En réalité, il faut attendre 1988 et la publication des critères de diagnostic du NIH pour voir se multiplier les travaux sur cette pathologie. La prévalence de la CI est variable, elle est estimée à 80/100 000 aux USA (10), de 8 à 16/100 000 en Hollande (11), à 18/100 000 en Finlande (1), à 4/100 000 au Japon 700 000 (12), 1,8 millions de patientes étant affectées par la maladie aux USA (13) . Quoiqu’il en soit, l’impact économique de la cystite interstitielle serait de 1,7 millions de dollars par an aux USA. L’âge moyen de survenue est de quarante ans, toutefois 25 % des patients rapportent le début de leurs symptômes à la petite enfance (14). Des observations aux deux extrêmes de la vie ont été rapportées (15, 16). La prépondérance féminine est très nette (90 % de femmes). Cause ou conséquence, le taux de suicides noté dans cette population dépasse celui de la population générale et est multiplié par quatre. Compte tenu du manque de spécificité des signes cliniques, biologiques et cystoscopiques le retard de diagnostic est estimé entre quatre et sept ans (17). Cette variabilité dans les critères épidémiologiques de la cystite interstitielle doit conduire à des recherches cliniques et fondamentales permettant de définir des critères diagnostiques fiables. Étiopathogénie Les facteurs étiopathogéniques sont inconnus, les théories les plus fréquemment retrouvées sont les troubles de la perméabilité de la paroi vésicale, les théories allergiques ou auto-immunes. Rien ne permet de dire que la cystite interstitielle est une véritable maladie ou un syndrome clinique correspondant à différentes pathologies de la vessie (18). Dysperméabilité vésicale Parmi toutes les théories évoquées, l’altération de la perméabilité de l’urothélium vésical est probablement une des mieux étayée. Plusieurs travaux fondamentaux ont permis de mettre en évidence une diminution du taux de glycoaminoglycanes (GAG) (6) et une augmentation du taux d’acide hyaluronique (19) entraînant une perméabilité pathologique de la paroi vésicale pour l’urine. Le passage transmural du potassium, entraînerait une réaction inflammatoire, une dégranulation mastocytaire et de fait un syndrome douloureux pelvien. Théorie inflammatoire Cause ou conséquence, il existe un syndrome inflammatoire marqué dans la cystite interstitielle, le dosage des cytokines urinaires interleukines 6 et 8 (IL6- 8) est élevé (20), l’IL1 reflet de l’infection n’est pas augmenté (9). Théorie allergique Autre théorie largement étayée, la dégranulation mastocytaire. Les patientes suivies pour cystite Cystite interstitielle et syndrome urétral interstitielle ont une augmentation de l’histaminurie et de la méthylhistaminurie (21). Théorie auto-immune La théorie auto-immune de la CI est basée sur des modèles expérimentaux de CI (Ac antivessie) et une association fréquente avec diverses pathologies comme le lupus erythémateux disséminé, la polyarthrite rhumatoïde ou encore la thyroïdite de Hashimoto. 345 Gynécologue Urologue Gastro-entérologue Chirurgien colorectal Rhumatologue Nutritioniste Psychologue Neuropsychiatre Acupuncteur Fig. 3 – Membres de l’équipe multidisciplinaire. Diagnostic : les critères du NIH (fig. 3) Signes fonctionnels Signes d’exclusion Le diagnostic de cystite interstitielle ne peut être retenu qu’en l’absence de toute autre pathologie urologique infectieuse ou néoplasique, il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Les urines doivent être stériles. Il ne doit pas exister d’antécédent de radiothérapie pelvienne, cet élément devant alors plutôt faire rechercher une cystopathie radique qui partage avec la CI un certain nombre de symptômes (pollakiurie douloureuse, hématurie). Critères positifs Catégorie A : au moins un de ces éléments cystoscopiques > 10 pétéchies / quadrant dans au moins trois quadrants de la vessie Ulcère de Hunner Catégorie B : au moins un de ces éléments symptomatiques Douleur Impériosités mictionnelles Critères d’exclusion Âge < 18 ans PKU < 8/J ou < 2 nuit Capacité vésicale > 350 ml Contractions non inhibées du détrusor Instabilité vésicale Infection urinaire ou prostatique de moins de 3 mois Infection herpétique évolutive Évolution des symptômes de moins de 9 mois Cancer de l’un des organes pelviens de moins de 5 ans Lithiase vésicale, urétérale Diverticule urétral Pathologie vésicale, chimio, Rxtt Échec tt A/C NIH (National institute of Health) NIDDk (National institute of Diabete and Digestive and Kidney Diseases) Fig. 2 – Critères du NIH et NIH-NIDDK. De même, la notion de chimiothérapie antérieure doit faire évoquer une cystite cytotoxique. Signes irritatifs Douleur, urgence et pollakiurie sont les symptômes classiques de la CI. L’association des trois signes n’étant retrouvée que dans 7 % des cas (22). La douleur est prémictionnelle, calmée par la miction, parfois associée à une hématurie. La tenue d’un calendrier mictionnel permet de vérifier l’existence d’une pollakiurie diurne (> 8 par jour ) et nocturne (> 2 par nuit), des fréquences mictionnelles à 60 mictions par jour et à 20 mictions la nuit ont été décrites. Les mictions sont dictées non pas tant par un besoin urgent d’uriner, mais par la nécessité de soulager une douleur vésicale, pelvienne, avec parfois des irradiations périnéales accompagnées d’une sensation de spasmes, de ténesmes vésicaux (23). La miction arrive souvent à immédiatement soulager ce phénomène douloureux qui réapparaît parfois rapidement en quelques dizaines de minutes. Des phénomènes d’anxiété, voire des manifestations vagales en raison de l’intensité de la douleur et de son vécu parfois exacerbé en raison de la chronicité des symptômes, peuvent accompagner les signes urinaires. Le taux de suicides de patientes porteuses de CI est trois à quatre fois plus élevé que dans la population générale (24). La dyspareunie peut être un motif de consultation, il est retrouvé chez 50 % des patientes selon Simon (25) ; le syndrome douloureux pouvant survenir pendant le rapport sexuel ou au décours du rapport sexuel, la recrudescence de la symptomatologie pouvant être annoncée la semaine précédant les menstruations (23, 26). 346 Pelvi-périnéologie Signes d’accompagnement Il n’y a en règle pas d’autres troubles mictionnels, et notamment pas d’incontinence urinaire tant par urgence, que liée aux efforts, pas de dysurie, pas de résidu postmictionnel, pas d’énurésie, pas de trouble de la perception du besoin d’uriner ou de la perception du passage urétral des urines. Cependant, il est classique d’observer une discrète attente mictionnelle, voire quelques poussées abdominales concomitantes à la miction, les patientes urinant pour des faibles volumes dont on sait qu’ils peuvent induire une diminution de l’efficience du réflexe mictionnel, suppléé par une telle poussée. Il n’existe pas de troubles anorectaux associés, bien que des études récentes aient pu montrer la plus forte prévalence dans cette population de la colopathie fonctionnelle et de la dyschésie anorectale. L’association à une fibromyalgie, à un syndrome de Sjogren, à une vulvodynie, à une migraine doit être cherchée et ne serait pas forcément fortuite, justifiant la prise en charge de la cystite interstitielle multidisciplinaire (fig. 4). Signes cliniques L’examen clinique peut retrouver une sensibilité anormale de la paroi antérieure du vagin. Il est toujours normal, qu’il s’agisse de l’examen urogynécologique ou de l’examen neuropérinéal. Il n’existe ainsi aucun trouble trophique ou infectieux locorégional (périnéo-vulvo-vaginal), aucun signe de vestibulite, la trophicité vulvo-vaginale est normale, il n’existe pas de segment vaginal prolabé, la cloison recto-vaginale est souple, il n’existe aucune masse annexielle, les ligaments utérosacrés sont libres de lésion nodulaire. L’examen neurologique est normal, tant dans la sensibilité périnéale que dans la tonicité des sphincters, et les réflexes du cône médullaire (réflexe anal à la toux et réflexe clitorido-anal) sont présents. Examens complémentaires ECBU L’examen cytobactériologique des urines doit être impérativement stérile de même que les prélèvements urétraux et vaginaux. Il est parfois retrouvé une hématurie devant conduire à l’échographie rénale et à l’urographie intraveineuse si une anomalie est retrouvée (obstruction, calcul, diverticule, fistule). S’il est réalisé, le bilan biologique est normal en dehors des cas exceptionnels où des anticorps antinucléaires sont détectés. BUD Le bilan urodynamique est réalisé afin d’éliminer une vessie hyperactive (1). Suivant les critères du NIH, il n’y a jamais d’instabilité vésicale, le detrusor devant rester parfaitement stable sans contraction non inhibée, toutefois l’existence de contractions non inhibées du detrusor est décrite dans 20 % des cystites interstitielles (27). La capacité vésicale fonctionnelle est généralement réduite , une moyenne de 350 ml étant retrouvée dans la littérature (16). Le remplissage vésical est en règle douloureux avec parfois même une hématurie en fin de cystomanométrie. Il existe selon le ICDB (Interstitiel Cystitis Data base) une corrélation urodynamique entre la pollakiurie, la capacité vésicale fonctionnelle et le premier besoin en cystomanométrie (27). Il est parfois noté une amélioration de la symptomatologie de CI dans les jours qui suivent le bilan urodynamique, la distension effectuée pour monitorer l’activité vésicale ayant, nous le reverrons, un effet thérapeutique. Cystoscopie L’examen cystoscopique a une valeur diagnostique, thérapeutique et pronostique. Deux soustypes sont individualisés, les formes ulcéreuses et non ulcéreuses (28). Dans les formes non ulcéreuses, les lésions sont pétéchiales ou glomérulaires, elles affectent les patientes jeunes et se traduisent par des vessies de capacité supérieure aux formes ulcéreuses. Dans les formes ulcéreuses, l’ulcère est isolé. Il existe un parallélisme anatomoclinique entre la symptomatologie et les signes endoscopiques. Les formes ulcéreuses à capacité réduite pour le sujet âgé, les formes non ulcéreuses à capacité plus élevée chez les sujets jeunes. La cystoscopie permet d’éliminer une lésion vésicale (carcinome vésical, corps étranger, infection chronique spécifique parasitaire, tuberculeuse ou infectieuse, ...), d’évaluer la capacité vésicale fonctionnelle, de définir s’il s’agit d’une forme classique ou ulcéreuse, cette dernière étant retrouvée dans 5 à 10 % des CI (26). Les biopsies réalisées lors de la cystoscopie permettent de quantifier le nombre de mastocytes dans la lamina propria et dans le muscle detrusor. Cependant aucun de ces critères n’est pathogno- Cystite interstitielle et syndrome urétral Syndrome urgence-pollakiurie syndrome urétral cystite interstitielle Histoire des symptômes : urgence mictionelle, douleur pelvienne, périnéale ou urétrale dyspareunie fréquence diurne > 8, fréquence nocturne > 2 dysurie Critères d’exclusion : cystite radiochimique, antécédent de cancer gynécologique et / ou urologique Examens complémentaires : cytologie urinaire négative Examens radiographiques : UIV, échographie normale Examen clinique : critères d’exclusion : cloison recto-vaginale souple annexe souple vestibule normal, absence d’infection vulvo-périnéale critères d’inclusion : sensibilité de l’urètre et de la vessie Alcalinisation des urines Analgésiques simples Règles diététiques anticholinergiques Surv. Cystoscopie, hydrodistension, biopsie vésicale Absence de processus carcinomateux Absence de lithiase Pétéchies/Ulcère après hydrodistension Réduction de la capacité vésicale Syndrome d’urgence mictionelle Biopsie : mastocytes fibrose Test au potassium positif Fig. 4 – Conduite diagnostique. 347 348 Pelvi-périnéologie monique et l’intérêt principal des biopsies est l’exclusion du cancer de la vessie. Dans 30 à 50 % des cas, l’hydrodistension permettra l’amélioration transitoire des symptômes avec un délai de sécurité de trois à six mois (29). Il est ainsi possible en fonction du prélèvement d’élaborer une thérapeutique. Ainsi, il est légitime de penser que la vessie ulcéreuse ou de faible capacité fonctionnelle répondra peu aux traitements médicaux , que la présence de mastocytes en nombre lors du prélèvement permettra d’orienter le traitement vers un traitement antihistaminique. Marqueurs urinaires La recherche de techniques non invasives dans le diagnostic de cystite interstitielle a conduit la recherche de marqueurs urinaires. Métabolites urinaires des GAG (GP-51) : il n’existe pas de consensus quant au taux d’acide hyaluronique urinaire retrouvé dans les cystites interstitielles, diminué pour les uns (30), augmenté pour les autres (31) la variabilité des résultats rend nécessaire les études de corrélation entre les biopsies de vessie et le taux urinaire de GAG retrouvé. Facteurs de croissance (HP-EGF, EGF, IGF) : les résultats sont variables en fonction du facteur de croissance testé, diminué pour le HP-EGF, augmenté pour l’EGF et l’IGF (7). Le taux des marqueurs antiprolifératifs (APF) est augmenté (7). Métabolites histaminiques (méthylhistamine, tryptase, glycosaminoglycanes, épinéphrine) : la recherche de métabolites histaminiques dans les CI reflète la dégranulation mastocytaire). Malgré la controverse concernant les résultats des prélèvements urinaires, élevés pour les uns (21), bas pour d’autres (32). Il semble toutefois qu’une histaminurie élevée puisse orienter le diagnostic et le traitement. Dosage des cytokines ( IL1-6-8 ) : reflet du syndrome inflammatoire, le dosage des IL1-6-8 sont en cours d’étude. Au-delà de leur valeur diagnostique, il semble se confirmer que le dosage des cytokines (IL6) élevé dans les cystites bactériennes et les carcinomes de vessie puisse également être corrélé aux symptômes de CI (8). Quant aux dosages des cytokines IL 1 et IL 8, les résultats sont actuellement trop discordants pour être concluants (32, 33). Test au potassium (PST) Sans être réellement spécifique le test de Parson (34) ou test au KCl ou Potassium Sensivity Test (PST) consistant en l’instillation vésicale de 40mEq de KCl dilué dans 100 ml de sérum physiologique et laissé en place dans la vessie pendant cinq minutes peut venir en aide au diagnostic. La survenue d’une douleur, d’une impériosité mictionelle ou d’une pollakiurie est notée par la patiente (Pain Urgency Frequency score), le score de provocation étant noté de 0 à 5 (0 : absence de provocation ; 5 : provocation marquée). Un test positif étant défini par une évolution du score supérieure à 2. Cinquante-quatre à 83 % des patientes porteuses d’une cystite interstitielle ont un PST positif (35, 36). DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Le diagnostic de CI répond à des critères précis. Une durée d’évolution de moins de neuf mois, la moindre infection clinique ou biologique, aiguë ou chronique, des antécédents de néoplasie, de chimio ou de radiothérapie, excluent le diagnostic. La cystoscopie et les biopsies vésicales sont systématiques afin d’éliminer, carcinome in situ, cystites chroniques bactériennes, infectieuses et parasitaires. En règle, les autres douleurs pelviennes ne sont pas rythmées par la miction, qu’il s’agissent des lésions gynécologiques ou colorectales. Une hormonodépendance est parfois retrouvée dans ce cas. L’endométriose vésicale est responsable de douleurs cycliques accompagnées de troubles mictionnels (pollakiurie, urgence mictionnelle, parfois fuites sur impériosité) rythmées par les menstruations. Les cystalgies fonctionnelles quant à elles sont très difficiles à distinguer de la CI. Seule l’analyse des critères du NIH permet parfois le diagnostic. Enfin, le mode de présentation des douleurs périnéales neurologiques (syndromes du canal d’Alcock ou du ligament sacro-épineux) est radicalement différent avec des douleurs non influencées par la miction, plutôt à type de brûlures ou de dysesthésies périnéales, augmentées par la position assise et de siège franchement périnéal (vulvaires, anorectales). Cystite interstitielle et syndrome urétral SYNDROME URÉTRAL TRAITEMENT (fig. 5) La symptomatologie du syndrome urétral est caractérisée par l’association de pollakiurie, d’urgence nocturne, d’urgence diurne, de douleur urétrale et de dysurie, en dehors de tout contexte infectieux. Un climat hypo-œstrogénique peut être responsable de la symptomatologie du syndrome urétral, à ce stade la cystoscopie est normale, il est retrouvé une spasticité musculaire pouvant répondre au biofeedback. Diagnostic et traitement sont similaires à ceux de la cystite interstitielle avec en plus la possibilité d’une dilatation urétrale. Règles diététiques-hydrodistension 349 Il faut débuter la prise en charge thérapeutique par des règles diététiques simples : hydratation et mictions régulières, contre-indications à une alimentation épicée ou contre-indication à la prise de boissons alcoolisées et acides (fig. 6). Alcalinisation des urines, la prise médicamenteuse d’antalgiques et d’ antispasmodiques peut améliorer 40 à 60 % des patientes. La possibilité de cures à base de bains alcalins permettra d’améliorer la symptomatologie de la patiente. Règles diététiques, alcalinisation des urines, traitement anticholinergique, biofeedback, nutritioniste Hydrodistension Hydrodistension répétée Antidépresseur antihistaminique anticonvulsivants Elmiron* Instillations vésicales Neurostimulation Fig 5 – Conduite thérapeutique. 350 Pelvi-périnéologie TEST AU POTASSIUM Mesure de la perméabilité à une solution de KCl 40 ml, 400 mEq/l Vessie normale : aucune symptomatologie Cystite interstitielle : le potassium stimule la sensibilité de vessie et induit douleur et impériosité La réponse est positive lorsqu’il n’existe aucune sensibilité au remplissage à l’eau et une impériosié déclenchée à l’instillation de KCl Aliments et boissons contre-indiqués Alcool, bière Jus de fruit (orange, citron, raisin) Thé, café, chocolat Tomate Vinaigre, poivre, piments Oignons Fromages fermentés Fig 6 – Test au potassium. L’hydrodistension sous anesthésie locorégionale ou générale est un traitement transitoire, de réalisation facile lors de la cystoscopie, l’instillation de 600 ml de sérum gardés pendant dix minutes permet d’améliorer 30 à 54 % des patientes. Dans la majorité des cas, l’hydrodistension permet seulement de reculer l’échéance de la prise en charge médicamenteuse. Traitements médicaux oraux prouvée, de traiter 40 % des patientes à une dose de 75mg/jour. Les raisons de l’efficacité des antihistaminiques sont multiples : propriété sédative, stabilisation de la dégranulation mastocytaire, propriétés anticholinergiques. Pentosanpolysulfate (Elmiron*) Le pentosanpolysulfate sodium (Elmiron*) est un polysaccaride sulfaté qui permet de stabiliser la perméabilité de l’urothélium vésical. L’Elmiron* est excrété dans les urines et permet de traiter la dysperméabilité de l’interstitum vésical. La symptomatologie à type de douleur et d’urgence mictionnelle est améliorée à la dose de 300 mg par jour dans 42 à 62 % des cas (37). Dans moins de 4 % des cas les patientes décrivent une alopécie, une diarrhée ou un syndrome nauséeux (37), actuellement l’Elmiron® n’est pas disponible en France, mais il est disponible en Allemagne, en Belgique et en Angleterre. Instillations vésicales Les instillations vésicales sont réalisées en cas de résistance aux traitements antérieurs. DMSO Une solution associant 50 ml de dimethylsulfoxide (DMSO), 10 000 unités d’héparine, 10 mg de triamcinolone, 44 mEq de NaHCO3 instillés une fois par semaine pendant six semaines. Le DMSO a des propriétés antalgiques antiinflammatoires, l’héparine possédant une activité identique aux GAG. Antidépresseurs tricycliques Ils ont un effet central et périphérique, ce sont des anticholinergiques bloquant la recaptation de sérotonine et de norépinéphrine, ils ont de plus des propriétés antihistaminiques. L’amitriptyline est habituellement donnée à la dose de 10 à 25 mg le soir avant de se coucher en ayant prévenu la patiente de la possibilité d’une somnolence douze heures après la prise médicamenteuse. D’autres antidépresseurs peuvent être proposés : doxépine hydrochloride 10 à 75 mg/jour, paroxétine hydrochloride 10 à 25 mg/jour ou fluoxétine hydrochloride (Prozac®) 20 mg/jour. Acide hyaluronique (Cystistat*) L’instillation consiste en la mise en place d’acide hyaluronique (40 mg dilué dans 50 ml de sérum physiologique) à J0 ,7 ,14, 21 au 1er, 2e, 3e mois. Les résultats ont été jugés sur une période de trois ans, à propos de 20 patientes permettant de retrouver un taux de succès de 66 % (38). Antihistaminiques L’hydroxyzine a permis, dans un contexte d’histoire allergique et de dégranulation mastocytaire En cas de résistance aux techniques d’instillation, peuvent être discutées : la rééducation périnéale (39) ; la neuromodulation des racines sacrées (40) ; l’injection intradétrusorienne de Autres Cystite interstitielle et syndrome urétral toxine botulique, la cystectomie supratrigonale avec entérocystoplastie d’agrandissement. 351 9. Martins SM, Darlin DJ, Lad PM et al. (1994) Interleukin-1B: a clinically relevant urinary marker. J Urol 151: 1198-1201 10. Jones CA, Nyberg L (1997) Epidemiology of interstitial cystitis. Urology 49: 2-9 CONCLUSION Fréquentes, mal explorées, en règle sévères en termes de retentissement, trop souvent uniquement attribuées à un dysfonctionnement au substratum psychogène prédominant, les cystites interstitielles répondent à des critères diagnostiques précis. La cystoscopie et les biopsies vésicales permettent d’éliminer nombre de pathologies pouvant reproduire la symptomatologie vésicale algique et les troubles mictionnels à type de pollakiurie. Le traitement repose avant tout sur l’hydrodistension, dont l’échec peut conduire à une chirurgie d’agrandissement vésical. 11. Bade JJ, Rijcken B, Mensink HJ (1995) Interstitial cystitis in The Netherlands: prevalence, diagnostic criteria and therapeutic preferences. J Urol 154: 20357; discussion 2037-8 12. Ito T, Miki M, Yamada T (2000) Interstitial cystitis in Japan. BJU Int 86: 634-7 13. Parsons CL (1996) Interstitial cystitis. Int J Urol 3: 415-20 14. Messing EM, Stamey TA (1978) Interstitial cystitis: early diagnosis, pathology, and treatment. Urology 12: 381-92 15. Toozs-Hobson P, Gleeson C, Cardozo L (1996) Interstitial cystitis-still an enigma after 80 years. Br J Obstet Gynaecol 103: 621-4 16. Steinkohl WB, Leach GE (1989) Urodynamic findings in interstitial cystitis. 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