L`imagerie mentale

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L`imagerie mentale
L’imagerie mentale
Gérald Ansart
Article publié dans Arts Martiaux Magazine n° 48
L'imagerie mentale
Si nous ne devons pas confondre le Yi qui renferme des
notions d'intentions, d'intuitions ou de perceptions avec
notre pensée trop intellectuelle, il n'en demeure pas
moins vrai que nous créons nos images par la pensée.
Nous savons qu'elle possède une répercussion sur
l'organisme qui lui-même, comme il a été démontré
dans le cadre de cet entretien, influence le psychisme.
L'utilisation ou l'indication mentale pour guider la
pratique n'est donc pas anodine, bien au contraire.
Etre entouré d'ennemi, faire l'ace à des bêtes féroces, rentrer dans un état de folie artificielle, représente des
formes de manipulation de l'esprit. Comme le signale un pionnier de la sophrologie européenne, le Dr Abrezol, la
conscience ne connaît que le présent, le fait d'imaginer un état le rend "réel" dans l'instant, il s'accomplit dans le
corps donc il y a une imprégnation (identification) totale.
Face aux connaissances que nous avons en neuro-endocrinologie, il est surprenant que certains enseignants de Yi
Quan ne poussent pas plus loin leurs interrogations sur les principes physiques de l'excitabilité neuro-musculaire, et
des neuromédiateurs ou neuro-modulateurs comme entre autres : la noradrénaline, la sérotonine et plus
accessoirement la dopamine.
On dit dans le Xin Yi, la source du Yi Quan, "la pensée ou l'idée associée à la forme". Si, l'on suit cette perspective,
les écrits de Geneviève Goreux-Marois (Docteur ès science de l'Université de Paris diplômée de l'enseignement de
neuro-endocrinologie de l'Université de Paris V, chercheuse au laboratoire de la Faculté de Médecine de Saint
Antoine) sont instructifs "Visualiser, c'est évoquer une image. Cette image, prolongation de la vision, est vibration
de fréquences. Or nos cellules comprennent le langage des vibrations. C'est pourquoi Eccles, prix Nobel, croit aux
effets positifs de la pensée sur la santé.
Feldenkrais facilite l’apprentissage du mouvement en le faisant d’abord visualiser sur le côté gauche du corps après
l’avoir fait exprimer avec le côté droit. Nos cellules musculaires sont en effet aptes à à réagir au message émis par
le système nerveux, en réponse au langage parlé et à la pensée non exprimée."
N'oublions pas que toutes les cellules vivantes présentent la particularité de se contracter et bien sûr. les cellules
nerveuses et musculaires. Leur excitabilité dépend de la perméabilité de la membrane cellulaire (membrane qui
entoure la cellule) et du passage des ions à travers cette même membrane Sodium, Potassium, Calcium,
Magnésium, hydrogène). Il n'est alors pas faux de considérer que la pratique mal conduite, tant de la pensée "que
des sorties de la force", augmente l'excitabilité neuro-musculaire pourrait provoquer divers troubles somatiques.
Cette dernière déviée peut amener à certains dérèglements hormonaux et des troubles ioniques. Ces effets pervers
peuvent s'inscrire dans le temps, occasionnés par des micro-lésions non perceptibles dans l'immédiat.
Le docteur Rubinstein (neurologue à l'hôpital de Saint-Joseph) nous indique que les facteurs psychologiques, en
particulier l'état anxieux, interviennent dans la libération de la noradrénaline, ceci à partir de la médullosurrénale
par action sur les centres de l'émotion situés dans le cerveau Iambique. D'où l'extrême prudence, quand nous
créons des images stressantes d'ennemis extérieurs, car même s'il s'agit d'une forme imagée, la conscience elle,
l'introduit comme une forme vécue, avec toutes les répercutions psychologiques et donc physiques qu’elle entraîne.
Nous pouvons plus facilement comprendre les états d’euphorie, d’angoisse ou voire même de phobie.
© Sakura L’Art du Mouvement – 2013
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Gérald Ansart
Article publié dans Arts Martiaux Magazine n° 48
Je connais un enseignant qui me disait faire de nombreux cauchemars après son entraînement du soir. J’ai
rencontré également des pratiquants qui ont présenté de sérieux troubles du comportement. S’il est évident qu'ils
portaient en eux les germes de leur dérèglement, leur pratique associée à l’imagerie n’a fait qu'amplifier leur
déséquilibre sous-jacent. Evidemment, l'enseignant a ici une grande part de responsabilité.
Alors, peut-être, le calme, l'écoute, la détente préconisés par des méthodes traditionnelles de Qi Gong (dont des
adeptes du Yi Quan ont bien souvent une piètre opinion) véhiculent une genèse de la cellule pleine de sagesse et
d'équilibre. Il vaut mieux rester très prudent, mais aussi modeste, pour que nous n'interprétions pas trop
hâtivement les "démangeaisons de notre système nerveux" comme des manifestations d'éveil de notre force
spontanée. Reconnaissons que la pensée, l'intention ou tout autre processus créateur mental, représentent aussi
une nourriture du corps, et que ce dernier informera le psychisme de sa "digestion". Pourtant, me direz-vous, les
Chinois ne semblent pas souffrir des mêmes dysfonctionnements. Et bien justement, la structure psychologique
d'un Chinois diffère radicalement de celle d'un Occidental. Les mêmes images employées n'auront pas les mêmes
répercussions, ni la même représentation. Sans compter que leurs rythmes de vie s'inscrivent totalement en
divergence des nôtres, et qu'il ne suffit pas d’un mimétisme pour intégrer une différence culturelle.
Pour une approche du Yi Quan éducative et saine, il est nécessaire d’étudier les motivations psychologiques qui
poussent un être humain à vouloir retrouver le sentiment d’une « force instinctive ». Peut-être est-ce dû à une
certaine paranoïa d’insécurité ambiante, bien entretenue par les médias ou une image personnelle qui à besoin
d’atténuer ses frustrations, son manque de confiance ou toute autre déficience de l'estime de .soi. Mais aborder
certaines images mentales pour préparer l'homme au combat instinctif total et à mort, comme il est écrit ou
enseigné dans certains traités de Yi Quan, est, pour le travailleur social que je représente, qui a. eu à charge de
côtoyer, de s'occuper de jeunes criminels et de délinquants, complètement puéril, voire même tendancieux dans
son approche. Comme le dît si bien Jean-Yves Leloup, docteur en psychologie, philosophie et théologie : "L'homme
aime suivre ce penchant qui le ramène à l'animal qu'il était et qu'il est encore pour s'épargner l'épreuve de la
connaissance et l'exigence du discernement". Et pour aborder notre violence contemporaine, c'est surtout de
discernement dont nous avons besoin.
Il y a sans doute à retrouver dans l'Art Martial et dans le combat, une approche éducative qui nous conduise à une
véritable conscience. Le pratiquant qui voudra aborder l'aspect martial de sa pratique devra rencontrer un véritable
guide, réaliste, sérieux et compétent, car ce n'est pas l'appellation Yi Quan authentique qui nous prémunira des
effets néfastes d'un enseignement incomplet.
© Sakura L’Art du Mouvement – 2013
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