Toys Redux – on Play and CRiTique

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Toys Redux – on Play and CRiTique
Une institution du Pour-cent culturel Migros
Toys Redux –
On Play and Critique
30.05.–16.08.2015
Cory Arcangel – Alex Bag & Patterson Beckwith – Judith Bernstein – Vittorio Brodmann
– Marvin Gaye Chetwynd – Simon Denny – Harun Farocki – Jan Peter Hammer – Nic Hess
– Danny McDonald – Dawn Mellor – Claus Richter – Tabor Robak – Timur Si-Qin –
Michael Smith – Lily van der Stokker – Julia Wachtel – Hannah Weinberger
L’exposition collective Toys Redux – On Play and Critique rassemble des artistes qui
s’approprient des formats et des univers issus de la culture populaire, habituellement
adressés à des enfants ou à des adolescents. La reprise et la manipulation de figures de
jeux vidéo, de séries télé, de films et de bandes dessinés ne sont pas seulement à
considérer comme des témoins de la culture populaire, mais ils sont également un
commentaire de la production capitaliste de ces mondes marchands. L’esthétique pop
et la promesse d’un monde enfantin ou fantastique ludique et « innocent » contrastent
avec la réalité des stratégies marchandes et publicitaires néo-libérales. Cette exposition thématique réunit des travaux d’artistes de diverses générations et intègre
également des œuvres de la collection du Migros Museum für Gegenwartskunst. Elle
poursuit une problématique récurrente du musée, déjà traitée lors des expositions
suivantes : Cory Arcangel (2005), Marvin Gaye Chetwynd (2007), Deterioration, They
Said (2009) et Alex Bag (2011).
Commissaires:
Raphael Gygax
(commissaire, Migros Museum
für Gegenwartskunst) et
Judith Welter (commissaire de la
collection, Migros Museum für
Gegenwartskunst)
L’exposition sera accompagnée
d’une publication chez
JRP|Ringier rassemblant des
contributions d’Esther Buss,
Alexander R. Galloway, Raphael
Gygax, Hans Ulrich Reck et
Judith Welter, ainsi que des
interviews des artistes.
Depuis le début des années 2000, Cory Arcangel (*1978 à Buffalo, États-Unis) travaille majoritairement sur l’esthétique et les fonctions de technologies considérées comme obsolètes et
dépassées. Ses œuvres, souvent ludiques et pleines d’humour, dépassent les frontières habituelles
entre les différents médias. Pour son œuvre Super Landscape #1 (2005), d’aspect relativement
austère, Arcangel reprend le grand classique Super Mario Bros. (1985) ainsi qu’un autre jeu de
course automobile. Il pirate les puces électroniques de ces jeux et supprime, chez le premier,
tous les éléments à l’exception des nuages et il ne conserve, chez le second, que le tracé de la
piste et l’arrière-plan. Puis, il projette au mur l’image d’un parcours fantomatique sur une route
serpentant sur fond de paysage coloré psychédélique, encadré d’écrans passant des nuages
défilant au ralenti. En s’appropriant ainsi la culture du jeu-vidéo, Arcangel ne se réfère pas uniquement
aux stratégies du pop art mais, à travers l’effet monochromatique d’une image abstraite, également
au minimalisme, principalement axé sur la réduction et la répétition en lien avec l’utilisation de
matériaux « industriels ». Dans les travaux d’Arcangel, on ne franchit plus de niveaux et on ne
collecte plus de pouvoirs magiques. Dans le contexte actuel d’un « capitalisme ludique » dans
lequel jeu et course à la croissance vont de pair, la façon dont Arcangel détourne la finalité originelle
du jeu peut aussi être perçue comme une intervention critique.
Alex Bag (*1969 à New York, États-Unis), étudie l’interaction entre les cultures populaire et
élitiste et analyse les caractéristiques structurelles et économiques de la scène artistique. Avec
une précision désarmante, Bag fait une critique du marché et de la société et exprime un malaise
profond envers la culture actuelle marquée par une pression dans la course à la réussite età
l’innovation. De 1994 à 1997, Bag et Patterson Beckwith (*1972 à New York, États-Unis) ont
travaillé sur une émission télévisée hebdomadaire de 30 minutes, d’abord intitulée Cash from
Chaos puis Unicorns & Rainbows, diffusée à 2h30 du matin sur une chaîne new yorkaise. Les
différents épisodes rassemblaient des reportages tournés par eux sur les absurdités du quotidien
new yorkais, reprenaient des images d’autres émissions, notamment des vidéos musicales piratées
sur MTV, des expériences menées par les deux artistes sur la consommation de diverses drogues,
ainsi que des appels piégés à des services de consommateurs. L’émission compilait beaucoup de
ce qui composait le monde d’un jeune des années 1990. Son esthétique du « Do it yourself »
rejetait clairement le professionnalisme des émissions télévisées habituelles. Cela en faisait un
simulacre qui était parvenu à se glisser dans le monde de la télé et à en faire surgir une critique
de l’intérieur. Dans une perspective actuelle, il ne s’agit plus seulement d’y voir un témoignage du
flot d’images apparu à cette époque, mais également de considérer ce document audiovisuel comme
une ressource d’archives sur toute la génération de cette décennie.
Migros Museum für
Gegenwartskunst
Limmatstrasse 270
Postfach 1766
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Depuis la fin des années 1960, Judith Bernstein (*1942 à Newark, États-Unis) utilise une iconographie
sexuellement explicite, inspirée du vocabulaire visuel des jeunes qu’elle combine avec des fragments
de textes. De nombreux motifs de ses peintures évoquent les griffonnages et les graffitis que l’on peut
trouver dans les toilettes publiques. Bernstein explore en profondeur une culture visuelle masculine et
sexiste pour mieux critiquer les structures de pouvoir dominées par les hommes. Dans Cockman #1 et
#2 (1966), elle traite notamment la guerre du Vietnam. Dans le dernier, on distingue un pénis anthropomorphe de bande-dessinée. Il tient un drapeau américain sur lequel est inscrit, d’un coup de pinceau
expressif, « Fuck Vietnam ». La combinaison entre agression sexuelle, autonomisation et critique de la
violence soumit à maintes reprises la carrière de Bernstein à la censure et fut longtemps un frein à la
tenue de ses expositions. Aujourd’hui encore, les travaux de Bernstein se situent dans le champ de la
guerre et de la critique des structures patriarcales. Son dessin Fucked by Number (2013), occupant
la surface entière d’un mur, confronte le spectateur à un pénis de 9 mètres de long, sur lequel sont
inscrits les mots « Moral Injury ». Le motif est encadré de fragments de textes et de nombres qui reflètent
la dimension financière des actions de guerre menées par les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan.
Les toiles de Vittorio Brodmann (*1987 à Ettingen, Suisse) sont peuplées d’étranges personnages
humains, semblant tout droit sortis de bandes dessinées. Brodmann allie humour et éléments de
caricature à un style expressionniste. Dans ses travaux, il met en lumière les clichés sur les relations
humaines ou sur certains aspects psychologiques tels que la solitude ou la tristesse. Brodmann
peint des hommes qui communiquent exclusivement par écrans interposés, sirotent des cafés du
Starbucks et arpentent leur monde des écouteurs sur les oreilles. Ses tableaux sont réalisés dans
des formats qui correspondent à ceux des appareils de l’électronique de divertissement qui exercent
aujourd’hui d’une grande influence sur notre consommation et sur l’interprétation d’images. Ainsi,
nos regards sont habitués aux formats 4/3 ou 16/9. Un autre aspect majeur de l’œuvre de Brodmann
concerne également la diffusion illimitée, la reproduction et l’exploitation commerciale des images
que nous voyons sur différents écrans. L’installation Frog (2015) conçue pour être participative,
traite de l’appropriation de traditionsculturelles, en opposition à un impérialisme européen sous-jacent.
Elle s’appuie sur un jeu de plateau traditionnel du Pérou nommé Sapo (tortue en espagnol) et issu
d’une légende inca. Le but du jeu est de lancer des jetons dans de petits trous du plateau. Les
conquistadors espagnols le rapportèrent en Europe où il est particulièrement populaire dans les
pubs anglais.
Marvin Gaye Chetwynd (*1973 à Londres, Royaume-Uni) – d’abord connue sous le nom de
Lali, puis de Spartacus Chetwynd – accéda à la postérité dans les années 2000 grâce à ses
performances de carnaval qui ne sont pas sans évoquer les mystères du Moyen Âge, les défilés
du Mardi-Gras ainsi que certains éléments classiques du théâtre itinérant. Chetwynd, qui peint
également, fait des reprises visuelles des classiques de l’histoire de l’art et crée de complexes
systèmes de référence en les combinant à des allusions à la culture pop. À plusieurs reprises,
Chetwynd reprit des motifs de la littérature médiévale dans ses performances, notamment dans
Money (2009) pour laquelle elle utilisa des extraits des Contes de Canterbury (vers 1387) de
Geoffrey Chaucer. L’occasion pour elle de s’intéresser à l’aspect moral de ces épopées en vers
traitant de trahison, de convoitise et de jalousie et de tracer des parallèles avec notre monde du
travail néo-libéral. Entre 2010 et 2014, Chetwynd réalisa près de 200 collages faits de simples
photocopies. Comme dans ses performances, elle y développe un réseau dense fait de motifs des
débuts de l’histoire de l’art et de représentations de ses amis et connaissances. La présentation
faite sur un fond également réalisé en collage donne à voir une expérience spatiale qui évoque un
décor de théâtre et permet, avec des moyens simples, de produire un effet remarquable.
Au cœur des travaux de Simon Denny (*1982 à Auckland, Nouvelle-Zélande), on retrouve les
aspects économiques et de divertissement de la technologie d’information. Dans The Personal
Effects of Kim Dotcom item 102. Artwork, Predator Statue (1) (2013), Denny étudie les notions de
propriété et de vol à l’ère numérique. La sculpture est la réplique d’un article de merchandising et
appartient à un ensemble d’œuvre plus large, fondé sur une liste précise des 110 objets confisqués
lors d’une descente faite chez le millionnaire Kim Schmitz alias Kim Dotcom. Après avoir commencé
sa carrière comme hacker, Dotcom fonda la plateforme de partage en ligne Megaupload. Depuis
2012, le FBI enquête sur lui pour de présumées infractions au droit d’auteur. La copie de la statue
Predator rend visible un certain nombre de thèmes analysés par l’artiste : il ne s’agit pas seulement
d’une sculpture mais sa valeur symbolique et immatérielle lui confère également un statut d’objet
digne de collection. Cette réplique d’un original réalisée par Denny rajoute à la valeur immatérielle
de l’œuvre, l’artiste répétant et révélant ainsi les mécanismes de l’investissement fétichiste. Avec
cette mise en lumière de Kim Dotcom, Denny s’intéresse également à la circulation de valeurs
économiques générée par une industrie de divertissement destinée notamment aux enfants et aux
adolescents.
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Limmatstrasse 270
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Dans ses travaux vidéo, Harun Farocki (*1944 à Nový Jičín, République tchèque ; † 2014 à Berlin,
Allemagne) s’est confronté pendant près de quarante ans à la question de la représentation de la
réalité et de l’histoire en lien avec les potentialités de ce médium. L’installation vidéo Parallele I-IV
(2014) étudie les possibilités, mais également les limites des mondes virtuels et de leurs protagonistes
dans les jeux vidéo et les jeux d’ordinateur ainsi que leur histoire. Parallele I retrace l’évolution stylistique
des jeux vidéo, caractérisée par une imitation au plus près de la nature. Malgré cette tendance à une
recréation de la réalité et à une approche naturaliste, les jeux vidéo et leurs héros présentent des
limites que Farocki place au centre des autres volets de son œuvre. Parallele II et III analysent les
restrictions spatiales et géographiques des décors de jeux vidéo toujours fixés par des règles programmées qui semblent inévitables. Le volet final de la série, Parallele IV, se concentre sur les protagonistes
du jeu, présentés sans caractéristiques individuelles. Ils n’ont reçu ni éducation ni formation et n’existent
qu’en tant qu’objet d’identification pour le joueur. Le travail de Farocki n’est pas seulement une réflexion
sur un média mais également sur les images qu’il a produites : un monde virtuel créé par l’homme et
l’influence que cet univers exerce sur notre réalité et notre perception.
Le film The Jungle Book (2013) de Jan Peter Hammer (*1972 à Kirchheim unter Teck, Allemagne)
est une adaptation d’un format télévisuel de divertissement éducatif. Les marionnettes faites de personnages créés à l’aide de chaussettes colorées rappellent des émissions telles que 5, rue Sésame
(1969). La complexité des mécanismes de la finance néolibérale dont parlent les poupées crée un
contraste avec les valeurs habituellement évoquées dans ce genre de format, à savoir l’amour du
prochain ou l’importance de l’amitié. Le script, développé par Hammer et Ana Teixeira Pinto, présente le
capitalisme contemporain comme un système universel immuable. Le titre qui compare ce système à
une vision du monde dans laquelle règne l’hégémonie historique, reprend celui du livre pour enfants
mondialement connu de Rudyard Kipling qui n’avait pas seulement une dimension d’agrément mais qui
tendait également à légitimer le colonialisme (britannique). L’adaptation par Disney de l’histoire de
Kipling et le succès commercial qu’elle connut renvoie à une autre thèse centrale du film de Hammer : «
Children Are Money ». Les enfants, en tant que futurs producteurs et consommateurs sont les clients
parfaits du système néolibéral. The Jungle Book révèle également l’ambiguïté de ces formats conçus
pour les enfants. Depuis la « découverte » du temps libre par l’industrialisation, le caractère de liberté
et l’absence de toute notion de résultat dans les jeux et les loisirs des enfants s’accompagnent désormais d’une portée pédagogique.
Au cours des vingt dernières années, Nic Hess (*1968 à Zurich, Suisse) a réalisé un ensemble
d’installations graphiques dont les images sont présentées sur une grande variété de supports.
Ainsi, il peint et colle sur des murs, des cages d’escalier et des plafonds. Les images obtenues sont
également réalisées sur des supports plus classiques, notamment des toiles ou des panneaux de
bois. L’esthétique et les matériaux auxquels Hess a recours proviennent des registres de la vie de
tous les jours et de la culture populaire. Mais il travaille également avec des références à l’histoire
de l’art ou avec des symboles du monde politique et économique. À la fin des années 1990, Hess
utilisa de célèbres logos d’entreprises comme signe principal de ses installations – pour kollekTIEREnd
(1998) par exemple, il reprit des logos composés d’images d’animaux (NdT : Tier en allemand
signifiant animal). L’artiste s’intéresse aux spécificités (en lien avec les caractéristiques de l’animal)
et aux attitudes véhiculées par l’utilisation de ces symboles. Dans les années 1990, des marques
internationales sont devenues, à travers des logos facilement reconnaissables, des icônes du
capitalisme grandissant ambiant. La réflexion de Hess sur ce phénomène est guidée par un intérêt
pour l’aspect ludique de l’utilisation simple et percutante de tels symboles. En inscrivant ces signes
dans un nouveau contexte, l’artiste dévoile toute leur expressivité et s’interroge sur la migration des
symboles à une époque où la globalisation ne cesse de gagner du terrain.
Membre fondateur du collectif d’artistes Art Club 2000 (1992–2000) et longtemps collaborateur
de la galerie American Fine Arts de Colin de Land (1956–2003), Danny McDonald (*1971 à
Los Angeles, États-Unis) orienta sa carrière, dès ses débuts, vers une activité artistique caractérisée
par une attitude critique envers les mécanismes du marché de l’art. Les sculptures de McDonald,
assemblages de figurines d’action en plastique et d’articles pour fans, proposent des récits qui
sont autant d’analyses de la société aussi caustiques que pleines d’humour. Les thèmes balaient
un spectre allant du colonialisme à la croissance insatiable du marché financier en passant par le
génie génétique : il présente par exemple une figurine triomphante de l’Oncle Sam devant une
poupée indienne sanguinolente (This is What Happened, 2015) ou encore un vautour remettant,
sous les yeux observateurs de l’Oncle Sam, une carte American Express à un rat (Credit Card
Offering 2 (Uncle Sam in a Hat with Vulture & Rat), 2012). Sa reprise de la figurine d’Oncle Sam,
la plus connue des allégories des États-Unis, montre une existence brisée au bord du gouffre.
Dans les travaux de McDonald, les ready-mades de l’industrie de divertissement, personnifications
d’une économisation croissante du désir et de la culture fan, deviennent les protagonistes de
« dangereux » scénarii : on en vient à des collisions entre des personnages de diverses origines
culturelles et sémantiques, ainsi qu’à des tableaux miniatures illustrant, sous forme de bandes
dessinées, des situations critiques.
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Dans ses peintures narratives grand format, Dawn Mellor (*1970 à Manchester, Royaume-Uni) étudie
les dimensions socio-politiques du vedettariat. Les motifs de départ de ses toiles sont des célébrités,
des idoles et des icônes provenant de différents domaines et de différentes époques, qu’elle soumet à
une déconstruction grotesque en les recontextualisant dans de nouveaux récits et en leur attribuant de
nouvelles charges symboliques et iconographiques. Dans son cycle grand format Dorothy, – dont le
personnage principal est Dorothy Gale du film Le Magicien d’Oz (1939), interprétée par Judy Garland
– Mellor poursuit son analyse de l’iconographie de la culture populaire et de ses effets sur les stéréotypes
de modèle social. Elle exploite les multiples codifications du personnage : si, dans le film, la figure de
Dorothy est une allégorie bourgeoise du passage à l’âge adulte d’une jeune fille blanche, elle se fond
néanmoins par la suite avec le personnage réel de Judy Garland dont les problèmes de drogue firent
les gros titres et qui devint finalement une icône du mouvement homosexuel. Dans ses tableaux, elle
continue à suivre l’évolution du personnage dans de nouveaux récits intégrant d’une part l’histoire
complexe de la réception du personnage, d’autre part l’iconographie du film original.
Les tableaux en relief, sculptures et installations scéniques de Claus Richter (*1971 à Lippstadt,
Allemagne) reprennent une iconographie et des matériaux issus du monde du jeu, de la culture de
loisirs et du fantastique. Il se penche souvent sur des jouets historiques, par exemple des jeux de
marionnettes, qu’il reconstruit à l’identique et qu’il met ensuite en action dans ses performances.
En outre, Richter collectionne des jeux de différentes époques. Il serait pourtant réducteur de
décrire ses travaux comme une affirmation du « monde perdu » de l’enfance. Les travaux de Richter
se caractérisent par sa réflexion et par un humour décapant qui révèlent que cette fuite est une
construction fictive, dont l’ « idée romantique » dissimule les intérêts économiques de tiers.
L’installation créée pour l’exposition Very Large Self-Portrait with Train and Colored Lights (2015),
faite d’un empilement de paquets cadeaux illustre bien l’ambivalence entre un jeu présenté come
un cadeau à connotation positive d’une part et un objet de la société de consommation capitaliste
d’autre part. L’œuvre reproduit le temps de la consommation excessive, créée et encouragée par
l’industrie du jouet et par des empires économiques tels que celui de Walt Disney.
Les œuvres de Tabor Robak (*1986 à Portland, Étas-Unis) sont des successions visuelles
d’animations créées sur ordinateur qui imitent l’esthétique des surfaces de jeux vidéo. Les séquences
programmées dans Analphabetic Aquarium (2014) sont pourtant dénuées de toute fonction
ludique. Il s’agit d’emprunts qui donnent une impression de déjà-vu, bien qu’elles soient inventées
ou modifiées. L’artiste accumule ces effets de façon éclectique et excessive pour créer des
séquences rythmées et répétitives. Robak ne se contente pas de critiquer une standardisation
commerciale de la publicité et du divertissement, mais également la matérialité des mondes
numériques. Les écrans plats utilisés par l’artiste et la façon dont il les agence mettent en avant
le point de rencontre entre le monde numérique et le monde réel. À l’inverse de projections, les
écrans permettent au spectateur de s’approcher de l’image jusqu’à en discerner chaque pixel.
Alors que les jeux vidéo accordent au joueur un rôle supposé actif, le spectateur des travaux de
Robak est séparé du jeu par les surfaces lisses et plates des écrans auxquelles il ne peut accéder.
Les animations de Robak ne restent pas dans le cadre fixé par l’écran mais elles prolifèrent et
s’étendent à l’écran voisin.
Timur Si-Qin (*1984 à Berlin, Allemagne) fait partie d’une génération d’artistes qui a grandi
avec Internet comme outil de divertissement ainsi qu’avec les principes néolibéraux des marchés
du numérique et de la globalisation. Au cœur de ses travaux, on trouve l’intérêt de l’artiste pour
l’esthétique et pour les images universelles du langage de la publicité et de la consommation
culturelle, créée par ce contexte. Son ensemble d’œuvres rassemblé sous le titre Axe Effect (2013)
est composé de divers arrangements dans lesquels des bouteilles de gel douche de la marque
Axe sont embrochées sur des épées Excalibur ou des sabres de samouraï en jouets. Les bouteilles
percées laissent s’échapper leur contenu qui goutte de façon incontrôlée sur le sol et le support,
produisant ainsi des « Drip-Paintings » abstraites et multicolores. Cette série met en lumière des
objets et des formes de publicité pour ces produits, qui sont ceux adressés au public adolescent.
Le titre se réfère à un slogan d’Unilever, fabricant d’Axe, selon lequel le fameux effet Axe, obtenu
par l’utilisation des produits permet aux jeunes hommes de réussir leur entrée sur le marché néolibéral
des relations et du romantisme. Quiconque fait l’acquisition de ce produit peut obtenir cet effet.
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Depuis le début de son activité artistique au début des années 1970, Michael Smith (*1951 à Chicago,
Étas-Unis) a recours, pour ses films, ses vidéos et ses performances, à divers formats télévisuels dont
il commente avec humour les répercussions sur notre société. Dans ses travaux, Smith prend
l’apparence de son alter ego Mike – sorte d’Américain moyen un peu ringard – et utilise toutes sortes
de formats télévisuels (talkshows, clips ou soap-opéras) comme supports de son récit. Dans son cycle
Mike Builds a Shelter (1983–1985), composé de plusieurs installations sculpturales, de photographies
et d’un film du même nom, Smith soulève la question suivante : que faut-il faire dans le cas d’un accident
nucléaire ? Son alter ego Mike tombe sur un dépliant de gouvernement américain qui propose, pour
prévenir une potentielle attaque, de se faire construire un abri nucléaire chez soi. Dans les années
1950, de telles mesures furent en effet suggérées à la population par le gouvernement. Le film de
Smith traite avec un humour toujours plus hermétique la question de la responsabilité des gouvernements
en cas de catastrophes – lecture d’autant plus pertinente dans la situation actuelle après les expériences
désastreuses de Tchernobyl et de Fukushima.
Lily van der Stokker (*1954 à Bois-le-Duc, Pays-Bas) accéda à la postérité à la fin des années
1980 grâce à ses peintures murales colorées de motifs floraux et de nuages dont l’esthétique et les
coloris évoquent le pop art. Souvent, l’artiste complète ses modèles de courts textes ou de simples
mots. Dans sa peinture murale Interesting Work (2003/2014), l’extrait de texte est une autoréflexion
sur ses motifs et sa pratique. Le texte court et plein d’humour ne traite pas seulement de la réception
de ses œuvres mais décrit également des contraintes économiques du marché de l’art. Le langage des
formes plein de fantaisie de van der Stokker divise sans cesse depuis trente ans et son œuvre fut
souvent réduite par la critique à un « art de fille » obsessionnel, aux décors répétitifs. Pourtant, le
« projet long-terme » de Stokker se nourrit de l’un des critères fondamentaux et éléments principaux
de l’art conceptuel, le déplacement ou transfert d’une telle iconographie au White Cube. En outre, le
geste répétitif se retrouve également dans la tradition de l’art minimaliste, dans lequel peut s’inscrire
l’œuvre de van der Stokker dans sa totalité.
Le travail de Julia Wachtel (*1956 à New York, Étas-Unis) explore les thèmes de la « Pictures
Generation » – un groupe informel d’artistes rassemblés autour de personnalités comme Sherrie
Levine, Robert Longo et Jack Goldstein, qui proposa à partir de la fin des années 1970 un contre-projet
au minimalisme et au conceptualisme, omnipotents à l’époque. Le groupe replaça la fabrication et
la signification des images au centre de sa démarche et s’inscrivit de la sorte dans la tradition du
pop art. Julia Wachtel travaille elle aussi sur l’appropriation d’images dans lesquelles apparaissent
certains thèmes et stéréotypes récurrents. Depuis les années 1980, elle reprend des personnages
dessinés de cartes de vœux commerciales, considérées comme appartenant à la culture de masse
et comme produit d’une « culture bas de gamme ». Après avoir d’abord copié les personnages, elle
engagea par la suite des cartoonistes pour créer des figures spécialement pour ses toiles. Pour elle,
ces personnages sont intéressants car ils remettent la représentation des émotions humaines au
centre de l’œuvre. Dans ce genre d’illustration, les figures sont très stylisées, condensées et transformées en une créature commercialement exploitable.
Les sons subtiles et minimalistes des œuvres de Hannah Weinberger (*1988 à Filderstadt,
Allemagne) imitent le caractère des ambiances sonores que l’on peut rencontrer dans les centres
commerciaux, les magasins, les ascenseurs ou autre lieux publics. Ce flot ininterrompu de
musique crée délibérément une sorte de confidentialité qui, en perdant sa fonction, prend dans le
cadre du musée une dimension envahissante et angoissante. Dans d’autres travaux, elle utilise des
participants dans le public en leur faisant produire de la musique sur leurs portables avec des
programmes comme GarageBand. La création (collective) de musique est un thème central dans
les travaux de Weinberger, qui explore également les différentes économies de production à l’ère
des marchés numériques en ligne. La production de ses œuvres est souvent le résultat d’une
coopération dans laquelle les participants contribuent à définir le produit artistique. La paternité
de l’œuvre devient un processus collectif au sein duquel l’artiste agit en tant que chef d’orchestre.
Les spectateurs sont littéralement invités à jouer. Ainsi, Weinberger ne se contente pas de
remettre au goût du jour la conception d’un art participatif souvent connotée d’un espoir idéaliste
concernant la pertinence sociale de l’art, mais les matériaux qu’elle utilise ne laissent aucun doute
sur le fait qu’il s’agisse d’un modèle depuis longtemps récupéré par les marchés.
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Les commissaires de cette exposition sont Raphael Gygax (commissaire, Migros Museum für
Gegenwartskunst) et Judith Welter (conservatrice de collection, Migros Museum für Gegenwartskunst).
Événements:
Samedi 13.06 13h00
Artist’s Talk (entrée libre, en anglais)
Judith Bernstein dialogue avec Raphael Gygax et Judith Welter
Samedi 13.06 17h00
Performance (entrée libre, nombre de places limité)
Claus Richter : Das schlaue Tier und seine Feinde (2015)
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