FASCICULE 22 Interrogatoires préalables à l`instruction

Transcription

FASCICULE 22 Interrogatoires préalables à l`instruction
FASCICULE 22
Interrogatoires préalables à l’instruction
Geneviève COTNAM
Avocate et associée, Stein Monast
À jour au 20 août 2014
POINTS- CLÉS
1. Les règles concernant l’assignation et l’audition des témoins, celles relatives à la prise
de dépositions et celles concernant la représentation et l’audition d’un mineur ou d’un
majeur inapte s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires préalables à l’instruction (V. nos 1 à 27).
2. Le protocole de l’instance devrait normalement prévoir les conditions entourant la
tenue des interrogatoires préalables à l’instruction (V. nos 47 à 49).
3. Les principes directeurs édictés aux ar ticles 17 et suiv. C.p.c. (2014) sous-tendent
l’ensemble des décisions qui seront prises en matière d’interrogatoires préalables à
l’instruction (V. nos 51 à 54).
4. Les règles de preuve s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux interrogatoires
préalables à l’instruction au même titre qu’au procès (V. nos 6 et suiv.).
5. Il n’est pas permis d’interroger au préalable dans un dossier où la somme réclamée
est inférieure à 30 000 $ et la durée des interrogatoires sera fonction de la nature du
recours et de la valeur de la réclamation dans certains cas (V. nos 32 et suiv.).
6. L’interrogatoire préalable à l’instruction porte sur l’ensemble des faits en litige (V. nos 87
et suiv.).
7. Le caractère exploratoire de l’interrogatoire préalable exige que ce dernier demeure
confidentiel tant et aussi longtemps que la partie qui y procède n’a pas exercé sa prérogative de le produire au dossier de la cour (V. nos 91 et suiv.).
8. La communication de documents est permise lors d’un interrogatoire préalable à
l’instruction dans la mesure où les documents existent et sont pertinents au litige.
Le témoin devra cependant répondre aux questions malgré une objection soulevée à
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 1
22 / 1
2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse
moins qu’elle ne concerne la contraignabilité du témoin, les droits fondamentaux ou
un intérêt légitime important. (V. nos 16 et suiv.).
9. L’interrogatoire hors la présence du tribunal déroge au principe que les témoins sont
entendus au procès. Il sera notamment utilisé lorsque le témoin ne sera pas en mesure
de témoigner devant la cour à la date prévue pour l’audition (V. nos 102 et suiv.).
10. L’interrogatoire écrit vise notamment à obtenir des aveux de la part de la personne
interrogée (V. nos 129 et suiv.).
TABLE DES MATIÈRES
I.
II.
Règles applicables à tous les interrogatoires préalables à l’instruction : 1-31
A. Convocation des témoins : 2-5
B. Objections : 6-22
1. Possibilité de soumettre une objection avant la tenue de l’interrogatoire :
7-12
a) Principe : 7-8
b) Exemples d’objections susceptibles d’être déterminées à l’avance :
9-12
2. En cours d’interrogatoire : 13-22
a) À quel moment? : 13-15
b) Principales difficultés susceptibles de surgir en cours d’interrogatoire :
16-22
C. Règles relatives à l’audition des témoins : 23-24
D. Conservation du témoignage : 25-27
E. Engagements souscrits lors d’un interrogatoire : 28-31
1. Obligation du témoin : 28
2. Défaut de donner suite : 29-31
Interrogatoire préalable (art. 221-230 C.p.c. (2014)) : 32-104
A. Conditions du droit d’interroger et limites : 32-54
1. Montant en jeu et nature du recours : 32-45
2. Entente sur le déroulement de l’instance : 47-49
3. Défense orale : 50
4. Règle de la proportionnalité : 51-54
B. Convocation et formalités : 55-56
1. Assignation : 55-56
C. Qui peut être interrogé? : 57-86
1. Parties : 57-64
2. Représentant, agent ou employé : 65-68
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 2
22 / 2
2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
3. Toute autre partie : 68-70
4. Dans une action en responsabilité, la victime et toute personne impliquée
dans la commission du fait générateur du préjudice : 71
5. Personne au nom de qui une partie agit comme administrateur du bien
d’autrui, prête-nom, à titre de subrogé ou de cessionnaire : 72
6. Tiers : 73-83
7. Possibilité de réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé : 84-85
8. Possibilité d’interroger plus d’une personne : 86
D. Qui peut interroger? : 87-89
1. Parties principales : 87-88
2. Autres parties : 89
E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 90-98
1. Étendue : 92-93
2. Confidentialité : 94-96
3. Demande de communication de documents : 97-98
F. Utilisation : 99-104
1. Qui peut introduire en preuve l’interrogatoire? : 99-104
III. Interrogatoire des témoins hors la présence du tribunal (art. 295296 C.p.c. (2014)) : 105-132
A. Conditions du droit d’interroger et limites : 106-116
1. À quel moment? : 106
2. Convocation : 107-108
3. Motifs : 109-116
B. Convocation des témoins : 117-122
1. Assignation du témoin : 117-119
2. Consignation de la déposition : 120-122
a) Par affidavit : 120
b) Par sténographe : 121-122
C. Qui peut être interrogé? : 123-126
1. Partie : 123
2. Tiers : 124-126
D. Qui peut interroger? : 127-128
1. Toutes les parties : 127
2. Le commissaire : 128
E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 129-131
1. Comme si recueilli à l’audience : 129-131
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 3
22 / 3
2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse
IV.
F. Utilisation : 132
1. Comme si le témoignage avait été recueilli à l’audience : 132
Interrogatoire écrit (art. 223-225 C.p.c. (2014)) : 133-150
A. Conditions du droit d’interroger et limites : 133
1. À quel moment? : 133
B. Convocation et formalités : 134-136
1. Formalités : 134
2. Notification : 136
C. Qui peut être interrogé? : 137-139
D. Qui peut interroger? : 140-141
1. Partie ayant requis l’interrogatoire : 140
2. Le tribunal : 141
E. Étendue et portée de l’interrogatoire : 142-151
1. Quel type de litige? : 142-144
2. Étendue : 145-146
3. Effet de l’interrogatoire : 147-151
INDEX ANALYTIQUE
Abus, 5
Défaut du témoin, 5
Action collective, 62-64
Interrogatoire préalable, 62-64
Assignation des témoins, 1-3
Frais de déplacement, 2
Interrogatoire écrit, 135
Interrogatoire hors la présence du tribunal,
117-122
Interrogatoire préalable, 55
Régulière, 2
Résident hors Québec, 4
Sanction, 5
Confidentialité, 94
Autres instances, 94
Interrogatoire préalable, 94
Média, 94
Ordonnance, 11, 95
Déclaration antérieure, 10, 93, 100, 103
Défaut de comparaître comme témoin
Mandat d’amener, 5
Sanction, 5
Déposition, 25
Affidavit, 120
Enregistrement, 25, 121
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 4
Sténographie, 25, 122
Document, 11, 12
Communication, 12
Confidentiel, 19
Déclaration à un expert en sinistre, 12
Dossier médical, 12
Expédition de pêche, 97
Notes personnelles, 16
Possession du témoin, 94
Privilège relatif au litige, 19
Production, 99-104
Secret professionnel, 19
Sous pli cacheté, 11
Engagement, 28
Impossibilité, 30
Portée, 28
Refus, 30
Sanction, 29, 31
Expert
Interrogatoire hors la présence du tribunal,
110, 115, 125
Interrogatoire préalable, 68, 81
Présence, 17
Expert en sinistre
Interrogatoire préalable, 68
22 / 4
2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
Interrogatoire hors la présence du tribunal,
105-132
Affidavit, 120
Âge, 112
Assignation, 117-122
Commissaire, 128
Consentement, 107
Contenu, 130
Crédibilité, 121, 124, 125
District, 119
Éloignement, 114
Enregistrement, 121
État de santé, 111
Expert, 110, 115, 125
Familial, 126
Handicap, 111
Motifs, 109, 110
Objection, 131
Partie, 123
Production au dossier, 132
Sténographie, 122
Stress, 113
Tiers, 124
Interrogatoire préalable, 32-104
Action collective, 62-64
Agent, 65
Assignation, 55
Cessionnaire, 72
Confidentialité, 94
Conseiller municipal, 66
Crédibilité, 93
Délai, 49
Employé, 65
Exclusion des témoins, 96
Expédition de pêche, 97
Expert, 68
Expert en sinistre, 68
Exploratoire, 94
Extraits indissociables, 101
Garantie, 61, 70, 88
Interdiction, 32-41
Calcul du 30 000 $, 32, 38
Demande reconventionnelle, 36
Document, 41
Impact des intérêts courus, 38
Jonction d’actions, 35
Jonction de recours, 33
Sanction, 44, 45
Interruption, 54
Lieu, 56
Mineur, 60
Parties, 57-64, 69, 86
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 5
Personne morale, 59
Représentant de l’État, 58
Subrogé, 72
Tiers, 73-83
Autorisation du tribunal, 75
Conditions, 80
Consentement, 73
Critères, 79
Délai, 77, 78
Document, 78
Fardeau de la preuve, 74
Représentation, 83
Victime, 71
Interrogatoire écrit, 133-150
Aveu, 147
Moment, 133, 134
Notification, 135
Personne morale, 139
Personne physique, 138
Preuve supplémentaire, 148
Proportionnalité, 144
Protocole de l’instance, 134
Question, 146
Réponse, 147
Sanction, 147, 151
Mandat d’amener, 5
Objection, 6
Communication de documents, 11, 12
Confidentialité, 11
Contraignabilité du témoin, 9, 14, 15, 131
Déclaration antérieure, 10, 100, 103
Droits fondamentaux, 14, 15, 19, 94, 97,
131
Intérêt légitime important, 9, 14, 15, 19,
94, 97, 131
Interrogatoire hors la présence du tribunal,
131
Moment, 7, 8, 13
Moyen de preuve, 22
Pertinence, 18, 19, 91, 97
Préalable, 7
Secret d’état, 9
Secret du délibéré, 9, 21
Secret professionnel, 9, 19
Sources journalistiques, 20
Sous réserve, 14
Témoin (identité), 22
Précisions (demande de), 42
Preuve (règles de), 6
Application aux interrogatoires, 6
Proportionnalité, 7, 51
Assignation hors Québec, 4
22 / 5
2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse
Décision préalable sur une objection, 7
Interrogatoire écrit, 143
Interrogatoire hors cour, 110
Interrogatoire préalable, 51
Interruption d’un interrogatoire, 54
Moyens financiers, 52
Nombre de témoins, 86
Protocole de l’instance, 47
Ressources judiciaires, 53
Protocole de déroulement de l’instance
Contenu, 47
Défaut, 48, 49
Interrogatoire écrit, 134
I.
Interrogatoire préalable, 44, 47
Proportionnalité, 47
Secret d’État, 9
Secret du délibéré, 9, 21
Secret professionnel, 9, 19
Témoin, voir aussi Expert; Expert en
sinistre
Assignation, 2, 3
Avocat, 9
Contraignabilité, 9, 14, 15, 131
Hors Québec, 4
Notes personnelles, 16
Sanction en cas de défaut, 5
RÈGLES APPLICABLES À TOUS LES INTERROGATOIRES
PRÉALABLES À l’INSTRUCTION
1. Dispositions générales – Les interrogatoires hors cour répondent à des règles particulières en ce qui a trait à leur tenue, à leur étendue et à leur dépôt. Par ailleurs, le législateur
a choisi d’appliquer aux interrogatoires hors cour, dans la mesure où elles sont compatibles, les dispositions traitant de l’assignation des témoins1, celles référant à l’audition des
témoins2, celles concernant la conservation du témoignage3 et, finalement, celles encadrant
la représentation et l’audition d’un mineur ou majeur inapte4. Nous ne nous attarderons pas
à ces dispositions, car elles font l’objet de commentaires spécifiques dans d’autres sections
du présent ouvrage. Nous nous limiterons à souligner certains aspects qui méritent notre
attention en ce qui a trait aux interrogatoires hors cour.
1.
2.
3.
4.
Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section I du Code de procédure civile (2014).
Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section III du Code de procédure civile (2014).
Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section IX du Code de procédure civile (2014).
Livre II, Titre IV, Chapitre II, Section IV du Code de procédure civile (2014).
A. Convocation des témoins
2. Assignation du témoin – Les interrogatoires préalables à l’instruction sont, à moins que
le Code de procédure civile (2014) n’exige l’autorisation du tribunal, généralement tenus de
consentement dans la mesure et aux conditions prévues au protocole de l’instance. Dans
ces circonstances, le témoin comparaît de plein gré sans qu’il ait été formellement assigné. L’assignation régulière du témoin sera cependant nécessaire, notamment si une partie
soupçonne que le témoin ne se présentera pas ou s’il s’agit d’un tiers qui n’a pas consenti à
l’interrogatoire. Ainsi, pour forcer la comparution d’un témoin, les frais de témoin doivent
lui avoir été avancés avant l’interrogatoire1. Cette obligation n’existe plus en vertu du Code
si le témoin ainsi convoqué est une partie à l’instance2. Les règles ordinaires d’assignation
s’appliqueront donc sous réserve des adaptations nécessaires.
1. Fakhri c. Diapolo, 2012 QCCS 6103 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2012 QCCA
2245).
2. Art. 273 C.p.c. (2014).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 6
22 / 6
2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
3. Témoin résidant au Québec – Lorsque le témoin réside au Québec, il devra être assigné
par subpoena pour être interrogé, à moins d’entente entre les procureurs, conformément
aux ar ticles 280 et suivants C.p.c. (2014). La partie qui souhaite que le témoin produise
des documents lors de cet interrogatoire devra lui transmettre un subpoena duces tecum
identifiant les documents recherchés.
Rappelons que pour qu’un témoin soit contraignable, il est nécessaire de lui avancer pour
la première journée l’allocation pour la perte de temps et pour les frais de déplacement
conformément à l’ar ticle 284 C.p.c. (2014). À défaut de ce faire, il ne sera pas possible de
forcer le témoin à comparaître à l’interrogatoire ou, à défaut, de sanctionner son absence.
4. Assignation d’un témoin résidant à l’extérieur du Québec – Le Code modifie de
façon importante les règles en ce qui a trait à la convocation des témoins qui ne résident
pas au Québec. Outre les dispositions particulières en matière de commission rogatoire,
lesquelles seront traitées en détail dans un autre fascicule du JurisClasseur Québec1, le
législateur a spécifiquement prévu la comparution à distance du témoin résidant dans une
autre province ou territoire du Canada2.
Ainsi, cette personne comparaîtra à distance à moins qu’il ne soit établi, à la satisfaction du
tribunal, que sa présence physique est nécessaire ou est possible sans inconvénient majeur
pour le témoin. Cette mesure facilitera certainement la comparution de témoins résidant
ailleurs qu’au Québec tout en limitant les coûts inhérents à leur témoignage.
Une préparation préalable est cependant essentielle afin de s’assurer que le témoin disposera des documents requis afin de pouvoir répondre de façon efficace et intelligible aux
questions posées.
La convocation du témoin se fera sur ordonnance expresse du tribunal, laquelle sera inscrite sur la citation à comparaître. Cette dernière devra être notifiée conformément aux
règles applicables au lieu de résidence du témoin et les frais devront avoir été avancés.
À moins qu’il ne soit présent au Québec au moment de son défaut, le témoin défaillant ne
pourra être sanctionné que par le tribunal du lieu de sa résidence.
1. Frédérique SABOURIN, Geneviève COTNAM et Joséane CHRÉTIEN, « Demandes intéressant le droit international privé », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Procédure civile II, 2e éd., fasc. 8, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, par. 46 à 81.
2. Art. 497 C.p.c. (2014).
5. Défaut de la partie dûment assignée de se présenter à un interrogatoire – Le législateur a spécifiquement prévu les conséquences du défaut de se soumettre à un interrogatoire
dans le cas d’un interrogatoire de la personne qui a produit une déclaration sous serment1
ou du défaut de répondre à un interrogatoire écrit2. En ce qui concerne l’interrogatoire oral,
aucune disposition particulière ne prévoit la sanction applicable. Nous présumons donc que
le droit antérieur continuera de trouver application. Ainsi, l’assignation du témoin selon les
règles prescrites est essentielle si une partie souhaite se prévaloir des sanctions prévues
par le Code de procédure civile (2014) en cas de défaut du témoin de se présenter à un
interrogatoire fixé en vertu dudit Code3. Une fois le défaut enregistré, il sera possible de
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 7
22 / 7
2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse
contraindre le témoin à se soumettre à un interrogatoire en obtenant de la part du tribunal
l’émission d’un mandat d’amener conformément à l’ar ticle 274 C.p.c. (2014).
Bien que cela ne soit pas spécifiquement prévu, le refus d’une partie de se présenter à un
interrogatoire, alors que dûment convoquée, pourrait donner ouverture à une sanction
pour abus de procédure en vertu des ar ticles 51 à 54 C.p.c. (2014) et entrainer, selon le
cas, le rejet de la demande en justice ou la forclusion du droit de produire une défense. En
effet, par le passé, les tribunaux n’ont pas hésité à assimiler le défaut de se présenter à un
interrogatoire à un refus d’être interrogé4.
En ce qui concerne le témoin résidant dans une autre province ou territoire du Canada,
l’ar ticle 497 C.p.c. (2014) prévoit spécifiquement que la sanction du défaut appartiendra au
tribunal du lieu de résidence du témoin qui pourra déterminer la sanction applicable sur le
vu de l’attestation de défaut délivrée par le tribunal saisi, à moins que le témoin n’ait été
présent au Québec à la date où le défaut a été enregistré.
1. Art. 105 et 222 C.p.c. (2014).
2. Art. 225 C.p.c. (2014).
3. Ruggles c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal, J.E. 2001-249 (C.S.); Thurlow
c. Wedel, [1968] R.P. 396 (C.A.).
4. I.A. c. N.B., [2006] R.D.F. 248, [2006] J.Q. no 2203 (C.A.); Gaudet c. Maguelone Construction Ltée, [1992] R.J.Q. 3, [1991] J.Q. no 2044 (C.A.); Burnett c. Banque Royale du Canada,
[1992] R.J.Q. 261 (C.A.).
B. Objections
6. Application des règles de preuve au stade des interrogatoires préalables à l’instruction – Les règles de preuve s’appliquent aux interrogatoires préalables à l’instruction
au même titre qu’au procès, avec les adaptations nécessaires1. Nous ne reprendrons pas ici
l’ensemble des motifs possibles d’objection à la preuve. À cet égard, nous vous référons à
la section pertinente du présent ouvrage2. Nous nous contenterons de discuter de quelques
principes s’appliquant spécifiquement aux interrogatoires hors cour.
1. Textiflex Inc. c. Blumenthal, 2005 QCCA 1001, [2005] J.Q. no 15726.
2. Stéphane REYNOLDS, « Audition des témoins », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit
civil », Procédure civile I, 2e éd., fasc. 28, Mont réal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles.
1. Possibilité de soumettre une objection avant la tenue de l’interrogatoire
a) Principe
7. Interrogatoire préalable – Antérieurement, l’ar ticle 396.3 C.p.c. (ancien) permettait à
une partie de soumettre à un juge, avant la tenue d’un interrogatoire préalable, toute objection anticipée pour qu’il en décide. Cette disposition s’inscrivait dans la foulée des amendements apportés à l’ancien Code qui visaient à promouvoir la proportionnalité et le respect
des témoins. Le législateur espérait ainsi éviter débats, pertes de temps ou déplacements
inutiles de témoins en soumettant à l’avance certaines objections à un juge pour décision.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 8
22 / 8
2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
L’ar ticle 228 du Code de procédure civile (2014) va encore plus loin en prévoyant, dans le
cas d’un interrogatoire oral, que les parties pourront non seulement soumettre à l’avance
des objections anticipées, mais pourront également requérir d’un juge des directives pour
la conduite de l’interrogatoire.
8. Application du principe à d’autres types d’interrogatoires – Le droit de soumettre
à l’avance une objection à un juge pour décision ou directive semble cependant limité, de
par la situation « géographique » de l’ar ticle 228 C.p.c. dans le Code de procédure civile
(2014), uniquement aux interrogatoires oraux. Nous croyons cependant que rien n’empêcherait une partie de s’inspirer des principes sous-jacents à l’ar ticle 228 C.p.c. (2014)
pour l’appliquer à d’autres types d’interrogatoires tel un interrogatoire tenu en vertu des
ar ticles 105 ou 222 C.p.c. (2014). En effet, les larges pouvoirs de gestion accordés par le
législateur au tribunal semblent militer en faveur d’une telle approche. Dans la mesure
où les parties se rendent compte, avant même d’entreprendre l’interrogatoire, qu’une telle
difficulté se présentera inévitablement ou que des directives sont nécessaires pour encadrer
la tenue d’un tel interrogatoire, nous ne voyons pas ce qui les empêcherait de soumettre
immédiatement l’objection pour adjudication. Cette approche a d’ailleurs indirectement
été retenue par le tribunal dans l’affaire Mulroney1, le juge, en autorisant la commission
rogatoire, ayant voulu s’assurer au préalable que le témoin était bel et bien contraignable
dans sa juridiction.
1. Mulroney c. Canada (Procureur général), J.E. 96-2151 (C.S.).
b) Exemples d’objections susceptibles d’être déterminées à l’avance
9. Contraignabilité du témoin – La contraignabilité du témoin est, à sa face même, une
question qui devrait être soumise au tribunal avant le début d’un interrogatoire afin d’éviter
un déplacement inutile ou de circonscrire l’étendue de l’interrogatoire. Le principe de base
énoncé à l’ar ticle 276 C.p.c. (2014) est à l’effet que toute personne peut être contrainte à
témoigner à moins d’être inapte à relater les faits dont elle a connaissance, et ce, en raison
de son âge ou de son état physique ou mental.
Outre ces cas, certaines situations sont susceptibles de poser problème, tels le secret professionnel1 ou le secret d’État2. Les circonstances particulières de chaque cas devront être
considérées et la teneur de l’interrogatoire devra parfois être connue avant que le tribunal
ne puisse se prononcer sur cette question. Ainsi, le simple fait que le témoin soit avocat ne
permet pas de conclure que son interrogatoire violera nécessairement le secret professionnel3. Le procureur de la partie adverse sera même contraignable s’il est en état de rapporter
certains faits dont il a eu connaissance4. Par contre, il ne sera pas possible d’interroger le
membre d’un tribunal statutaire qui est protégé par le secret du délibéré5. Certaines restrictions existent également au niveau du témoignage d’un notaire, d’un arpenteur-géomètre,
d’un huissier6 et d’un conjoint7.
Notons qu’en vertu de l’ar ticle 228 du Code, la question de la contraignabilité du témoin,
tout comme celle de l’atteinte à un droit fondamental ou à un intérêt légitime, fait partie
des rares objections pouvant justifier le refus du témoin de répondre à une question. Il
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 9
22 / 9
2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse
serait donc intéressant de faire déterminer à l’avance la contraignabilité d’un témoin pour
ne pas retarder la tenue de l’interrogatoire.
1.
2. Art. 284 C.p.c. (2014).
3. Art. 283 C.p.c. (2014).
3. De Grandpré, Chait c. 167363 Canada Inc., J.E. 2005-169, [2004] J.Q. no 14452 (C.A.); Cinar
Corporation c. Weinberg, 2007 QCCS 4380, [2007] J.Q. no 10830; Jolicoeur c. Plomberie
Saint- Jovite Inc., 2006 QCCS 5069, [2006] J.Q. no 24459; Société d’habitation du Québec
c. Hébert, J.E. 2005-1916, [2005] J.Q. no 14749 (C.S.).
4. ABN Amro Bank Canada c. Performance Guarantees (Quebec) Inc., J.E. 98-176 (C.A.).
5. Comité de révision de l’aide juridique c. Denis, 2007 QCCA 126, [2007] J.Q. no 630.
6. Art. 270 C.p.c. (2014).
7. Art. 282 C.p.c. (2014).
10. Déclaration antérieure – La possibilité de référer, lors d’un interrogatoire, à des
déclarations antérieures d’un témoin peut également faire l’objet d’une demande de décision anticipée. Si, en principe, l’interrogatoire préalable ne doit pas avoir pour seul but de
reprocher un témoin1, il demeure permis de le questionner sur des déclarations antérieures
incompatibles après avoir pris soin de poser des questions introductives d’usage.
Le tribunal doit cependant veiller à ce que les règles d’administration de la preuve soient
respectées durant un interrogatoire préalable et donc s’assurer que l’usage de ces déclarations antérieures est permis. Ainsi, dans la mesure où le Code des professions2 prévoit
à son ar ticle 149 que le témoignage rendu par un professionnel devant le comité de discipline ne peut être retenu contre lui, il ne sera pas davantage permis d’introduire les notes
sténographiques de cet interrogatoire lors d’un interrogatoire préalable3. La notion de
déclaration antérieure est interprétée largement et pourra inclure la déclaration faite à un
expert en sinistre, celle faite à un policier, le témoignage rendu dans une autre instance et
même au cours d’une commission d’enquête.
Si la déclaration antérieure est utilisée, il appartiendra au juge du fond de déterminer la force
probante qu’il accordera à celle-ci compte tenu de l’ensemble de la preuve administrée4.
1. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993]
R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.).
2. RLRQ, c. C-26.
3. Société Coopérative Agricole de Montmagny c. Cloutier, 2008 QCCS 1493, [2008]
J.Q. no 3070.
4. Canada (Procureur général) c. Groupaction Marketing Inc., 2008 QCCS 216, [2008]
J.Q. no 488.
11. Demande de production d’un document ou d’interrogatoire sous pli cacheté –
L’interrogatoire et les documents communiqués à l’occasion de celui-ci sont considérés
comme confidentiels tant et aussi longtemps que l’interrogatoire n’est pas produit par
la partie qui y a procédé1. Les seules exceptions à ce principe sont celles énoncées aux
ar ticles 2870 et suivants C.c.Q. La demande préalable d’une ordonnance visant à s’assurer
qu’un interrogatoire ou un document communiqué lors d’un interrogatoire soit produit
sous scellés, alors que l’interrogatoire n’a pas encore eu lieu, sera donc considérée comme
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 10
22 / 10
2015-04-08 23:14:52
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
prématurée2. Par ailleurs, des demandes d’ordonnance de confidentialité pour protéger
certains renseignements sensibles, tels le secret industriel ou une pathologie intime,
peuvent être présentées avant le dépôt des notes sténographiques3. Cette question pourrait
d’ailleurs faire l’objet d’une demande de directive en vertu de l’ar ticle 228 C.p.c. (2014).
L’ar ticle 16.1 C.p.c. (2014), qui s’inspire de l’ar ticle 815.4 C.p.c. (ancien), prévoit d’ailleurs
certain types de document devant être produits sous pli cacheté.
1. Art. 227 C.p.c. (2014).
2. Marois c. Taillon, 2008 QCCS 4473, [2008] J.Q. no 9295.
3. Lamarre c. Trois-Rivières (Ville de), 2013 QCCS 1814.
12. Communication d’un document requis pour l’interrogatoire – L’ar ticle 228 C.p.c.
(2014) pourra également servir à trancher à l’avance une objection à la communication d’un
document dont une partie soutient avoir besoin pour les fins de préparer l’interrogatoire
et d’interroger le témoin. Ainsi, dans l’affaire Dallaire c. Éli Lilly Canada Inc.1, la Cour
supérieure, saisie d’une demande en vertu de l’ar ticle 396.3 C.p.c. (ancien), a permis de
poser des questions relativement à l’état médical du témoin et, par le fait même, a ordonné
que copie de son dossier médical soit communiquée à la partie qui désirait l’interroger.
La même question a été soulevée relativement aux déclarations à un expert en sinistre2.
Le tribunal pourrait également à cette occasion se prononcer à l’avance sur le caractère
confidentiel ou privilégié d’un document ou sur sa pertinence3. Les documents ainsi
demandés devront être utiles, appropriés et susceptibles de faire progresser le débat pour
être considérés pertinents4. Si une objection à la communication d’un document est jugée
prématurée, elle pourra être soulevée de nouveau durant l’interrogatoire5.
1. Groupe Radio Astral Inc. c. Lavoie, J.E. 2002-1400 (C.A.); Dallaire c. Eli Lilly Canada
Inc., 2008 QCCS 1422, [2008] J.Q. no 2940.
2. L’Unique Compagnie d’Assurances Générales c. Osborne, J.E. 2004-1837, [2004] J.Q.
no 8217 (C.S.); Ouellette c. La Capitale Compagnie d’Assurances, [1998] R.R.A. 505,
[1998] J.Q. no 5534 (C.S.); Boiler Inspection Insurance c. St- Louis de France, [1994]
R.D.J. 95, [1993] J.Q. no 2022 (C.A.); Drouin c. Axa Assurances Inc., J.E. 2007-1911, [2007]
J.Q. no 10970 (C.Q.).
3. Evaporateurs Waterloo Inc. c. Intégra Environmental Inc., B.E. 2004BE-732, no AZ50258732 (C.S.); Biomérieux Inc. c. Genohm Sciences Canada Inc., 2007 QCCA 77, [2007]
J.Q. no 274.
4. Roy c. Bégin, 2013 QCCS 1858.
5. Dunn c. Wightman, no AZ-50185050 (C.S.).
2. En cours d’interrogatoire
a) À quel moment?
13. Importance de soulever les objections en temps opportun – Il est essentiel qu’une
partie soulève en temps opportun les objections à la preuve qui semblent s’imposer. Sous
réserve des dispositions particulières en matière de commission rogatoire dans lesquelles
le législateur a spécifiquement prévu que le défaut de ce faire n’empêchera pas la partie
de soulever l’objection ultérieurement lors de l’audition1, le défaut de soulever l’objection
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 11
22 / 11
2015-04-08 23:14:52
III. Procédure contentieuse
en temps utile pourrait être interprété comme une renonciation à soulever ce moyen ultérieurement2. De la même façon, une partie pourrait être présumée avoir renoncé implicitement à la confidentialité d’un document qu’elle a communiqué lors de l’interrogatoire3.
1. Art. 502 C.p.c. (2014)
2. Caisse populaire Desjardins Centre-Est du Témiscamingue c. Viandes Abitémis, 2006
QCCS 6385, [2006] J.Q. no 15237.
3. Biomérieux Inc. c. Genohm Sciences Canada Inc., 2007 QCCA 77, [2007] J.Q. no 274.
14. Objection prise sous réserve – Sous l’ancien Code, un témoin pouvait en principe
refuser de répondre à une question lorsqu’une objection était soulevée à moins que les
parties ne consentent à ce qu’il ne réponde sous réserve, étant entendu qu’elles pourraient
soumettre la question à la cour ultérieurement si cela devenait pertinent1. Le législateur a
choisi d’aller plus loin en adoptant l’ar ticle 228, al. 2 C.p.c. (2014) lequel prévoit spécifiquement que, à moins que l’objection ne porte sur la contraignabilité du témoin, ou qu’elle
soit relative aux droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important, le témoin ne
pourra refuser de répondre. L’interrogatoire se poursuivra alors normalement et l’objection
sera éventuellement tranchée lors de l’instruction à moins qu’elle ne puisse être entendue
sur le champ par le tribunal. En pratique, si l’interrogatoire n’est pas produit, la réponse
à la question ayant fait l’objet de l’objection n’aura plus d’importance. Ce n’est donc que
si l’interrogatoire est produit que le juge saisi du fond aura à déterminer la légalité et la
pertinence de la question 2. Notons que cette disposition est conforme à la pratique où les
tribunaux rendaient d’office des ordonnances au même effet3.
1. Art. 395 C.p.c. (ancien).
2. Croteau c. Perreault Mathieu Cie, [1990] R.D.J. 217, [1990] J.Q. no 640 (C.A.).
3. Banque HSBC Canada c. Khurana, 2012 QCCS 4108, no AZ-50889973, (2012) J.Q. no 8152.
15. Soumettre l’objection pour adjudication – L’ar ticle 228 C.p.c. (2014) prévoit qu’une
objection soulevée relativement à la contraignabilité du témoin, aux droits fondamentaux
ou à un intérêt légitime important devra être soumise pour adjudication au tribunal dans
les cinq jours pour qu’il en décide. Les autres objections seront, nous l’avons vu, soumises
au juge qui présidera l’instruction lors de celle-ci à moins qu’elles ne puissent être entendues par le tribunal sur le champ. L’objectif poursuivi est clairement d’éviter des délais
importants et le report d’interrogatoires en raison d’objections non fondamentales.
Ce souci d’efficacité du législateur transparaît également à l’ar ticle 324 C.p.c. (2014) où il
a pris soin de prévoir un délai de deux mois pour rendre un jugement en cours d’instance,
mais qui réduit ce délai à un mois lorsque le tribunal est appelé à rendre jugement relativement à une objection à la preuve soulevée lors d’un interrogatoire au préalable portant
sur la contraignabilité du témoin, sur les droits fondamentaux ou sur une question mettant
en cause un intérêt légitime important.
b) Principales difficultés susceptibles de surgir en cours d’interrogatoire
16. Référence à un document lors de l’interrogatoire – Un témoin témoigne normalement de mémoire. La partie qui, au cours de son interrogatoire, se réfère à des notes
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 12
22 / 12
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
personnelles ou à des écrits pour se rafraichir la mémoire doit en donner communication
à la personne qui l’interroge1. Cela n’implique pas que le document sera nécessairement
produit en preuve, mais confère à la partie adverse le droit d’en prendre connaissance. Ce
droit ne se limite pas à la partie du document consultée par le témoin et pourra s’étendre
à l’ensemble du document. Somme toute, en consultant un document en cours d’interrogatoire, le témoin peut se trouver à renoncer à son caractère privilégié2.
Le fait de faire référence à un rapport d’enquête dans un affidavit n’implique pas nécessairement renonciation implicite au caractère confidentiel de ce rapport, car il ne faut pas
présumer trop facilement qu’une partie a abandonné le bénéfice de la confidentialité d’un
document3. Par contre, s’il est allégué pour prouver la bonne foi de celui qui l’allègue, le
rapport cesse de bénéficier de son privilège de confidentialité4. Si le témoin a, à son dossier, des notes personnelles mais qu’il n’y réfère pas lors de son interrogatoire, il ne sera
alors pas possible pour la partie adverse d’en forcer la production5.
1. Kansa General International Insurance Company Ltd. c. Ogilvy Renault, [1999] J.Q. no 819
(C.S.), j. Claude Guérin; Point Virgule communication Inc. c. Communications Québecor
Inc., C.Q. Longueuil, no 505-22- 003302-983, 28 mai 1999, j. Rémillard.
2. Commercial Union c. Nacan Products Limited, [1991] R.D.J. 394 (C.A.); Smith c. Équipement Fédéral Inc., no AZ-50206224 (C.S.); Lessard c. Nappert, 2007 QCCS 5038, [2007]
J.Q. no 14820.
3. CIBC Mellon Trust Company c. Stolzenberg, 2006 QCCA 10, [2006] J.Q. no 74; 3312402
Canada Inc. c. Accounts payable Chexs Inc., J.E. 2005-1645, [2005] J.Q. no 12030 (C.S.).
4. Fortier Auto (Montréal) Ltée c. Brizard, J.E. 2000-177, [2000] J.Q. no 5 (C.A.).
5. Système Internationale Gemnar c. Multidev Tehnologies Inc., 2009 QCCA 368, [2009]
J.Q. no 3757; Hamel c. Sainte-Anne-de- Beaupré (Ville de), B.E. 2005BE- 898, no AZ50327286 (C.S.).
17. Présence d’un expert lors de l’interrogatoire – Un avocat peut se faire assister par
un expert lors du procès et, en principe, ce dernier pourra être présent lors des interrogatoires préalables. La cour a même reconnu à une partie le droit d’être accompagnée par un
psychologue lors d’un tel interrogatoire afin de lui permettre de mieux cibler ses questions.
L’expert ne sera pas considéré comme un membre du public assistant à l’interrogatoire,
mais comme un auxiliaire de l’avocat lié par le même secret professionnel1.
1. Duchesne c. Fondation Duchesne, 2006 QCCS 2779, [2006] J.Q. no 4876.
18. Pertinence – L’objection sur la pertinence n’a plus lieu d’être au stade de l’interrogatoire préalable au procès compte tenu du texte clair de l’ar ticle 228 C.p.c. Il convient
cependant de rappeler que cela n’implique pas que la partie qui interroge pourra sortir
impunément du cadre raisonnable des procédures, le tribunal ayant toujours la possibilité,
sur demande présentée en vertu de l’ar ticle 230 C.p.c. (2014), de mettre un terme ou de
limiter un interrogatoire qu’il estime abusif ou inutile.
Au niveau pratique, le fait que de nombreuses objections soient ainsi prises sous réserve
peut soulever certaines difficultés au niveau de la transcription de l’interrogatoire. Il serait
sans doute souhaitable d’obtenir une transcription intégrale des notes sténographiques pour
fin de compréhension quitte à caviarder les passages pertinents suite aux décisions rendues
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 13
22 / 13
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
sur les objections. Un cahier séparé pourrait également être préparé pour les questions
sous objection qui devront être débattues ultérieurement.
19. Caractère confidentiel d’un document – Une partie peut en principe choisir de caviarder l’information de nature confidentielle dans un document au stade de l’interrogatoire
préalable. Ceci avait notamment été reconnu lorsque la divulgation de cette information
aurait pour effet de procurer un avantage commercial indu à une partie1. Ainsi, l’information confidentielle, si elle était pertinente, n’était pas communiquée au stade préliminaire,
mais sa divulgation pouvait se faire devant le juge au moment de l’audition sur le fond du
litige, le juge du fond étant alors davantage en mesure d’apprécier la preuve à la lumière
des véritables enjeux du dossier2. Notons que le simple fait que le document puisse contenir
des informations de nature confidentielle n’empêchera pas automatiquement une partie
d’en obtenir copie dans la mesure où celui-ci est pertinent au litige et où, le cas échéant,
des mesures sont prises pour assurer la confidentialité de l’information3.
Ainsi, certains documents, par leur nature, sont protégés contre une communication éventuelle. Ce sera le cas notamment d’un rapport ou autre document4 préparé pour l’usage
des avocats en cas de poursuite, incluant un rapport qui n’est pas spécifiquement requis
par le procureur, tel celui d’un enquêteur5 ou celui de l’expert en sinistre6. Ce privilège ne
s’étend toutefois pas au rapport préparé par un employé et destiné à son employeur, alors
que l’employé est un témoin personnel des faits7, à moins que le document ne soit également
rédigé dans le but de préparer un litige. Les tribunaux considèrent qu’il y a lieu d’assurer
la confidentialité des documents lorsqu’un « objet important, l’objet principal ou le seul
objet est la préparation du litige »8. Ainsi, s’il appert que le rapport aurait été préparé, peu
importe qu’une poursuite ait été intentée ou non, dans le but d’informer les dirigeants de
l’entreprise d’une situation, force est de conclure que le document avait une utilité propre
avant même que la poursuite ne soit intentée et qu’il ne peut, dans ces circonstances, avoir
un caractère privilégié9.
Le fait d’invoquer l’existence d’un règlement à l’amiable10 dans une procédure ou de faire
état de certains échanges entre procureurs11 peut être interprété comme une renonciation
implicite de la part de la partie justifiant d’autoriser des questions à cet égard.
Cela étant dit, l’ar ticle 228 du Code est, selon nous, susceptible de modifier la pratique à
cet égard. En effet, le fait que le contenu d’un document ne soit pas pertinent au litige ne
devrait pas justifier le témoin de refuser de le produire dans son intégralité, l’objection
soulevée quant à la pertinence du document étant soumise au juge du fond. La plupart
des cas énumérés précédemment seront, selon nous, couverts par l’exception visant les
droits fondamentaux et l’intérêt légitime important. Bien que cette dernière notion devra
être définie par les tribunaux, nous pouvons croire que le secret commercial, le privilège
relatif au litige, etc., seront visés par cette exception.
1. Système International Genmar c. Multidev Technologies Inc., 2009 QCCA 368, [2009]
J.Q. no 3757; Instruments scientifiques Cleanearth Inc. c. V.W.R. Canlab, J.E. 20021033 (C.A.).
2. Havana Club Holding, s.a. c. Bacardi & Co., J.E. 2001-1884, [2001] J.Q. no 4513 (C.S.).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 14
22 / 14
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
3. Tate & Lyle North American Sugars c. Somavrac Inc., 2005 QCCA 458, [2005] J.Q. no 4997;
Mapei c. Tri-Tex co Inc., 2006 QCCS 4612, [2006] J.Q. no 8321.
4. Allendale Mutual Insurance Company c. St- Georges (Ville de), J.E. 2004-2229, [2004]
J.Q. no 11106 (C.S.); Axor Construction Canada Inc. c. McCormick Rankin Corporation,
REJB 2003- 45465 (C.S.); Québec (Procureur général) c. Roche ltée, groupe- conseil,
2012 QCCS 5844.
5. Société coopérative agricole de St-Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007]
J.Q. no 596; Champagne c. Scotia McLeod, [1992] R.D.J. 247, [1991] J.Q. no 2301 (C.A.); Lab
Chrysotile c. Société Asbestos Ltée, [1993] R.D.J. 641, [1993] J.Q. no 1426 (C.A.); Montréal
c. Chubb du Canada, REJB 1998- 04956, [1998] J.Q. no 470 (C.A.); Biochem Pharma Inc.
c. Pouliot, [1997] R.J.Q. 1, [1996] J.Q. no 3827 (C.A.); Ciment du St-Laurent c. Barette,
REJB 1997- 01469, [1997] J.Q. no 2048 (C.A.).
6. Gerling Global Compagnie d’assurance générale c. Sanguinet, [1989] R.D.J. 93, [1989]
J.Q. no 236 (C.A.).
7. Société coopérative agricole de St- Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317,
[2007] J.Q. no 596; Gerling Global Compagnie d’assurance générale c. Sanguinet, [1989]
R.D.J. 93, [1989] J.Q. no 236 (C.A.).
8. Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319; au même effet : Compagnie
Montréal Trust du Canada c. 2732-1413 Québec Inc., J.E. 2000-1938 (C.A.).
9. Société d’énergie de la Baie- James c. Lafarge Canada Inc., [1991] R.J.Q. 645 (C.A.);
Société coopérative agricole de St-Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007]
J.Q. no 596.
10. Boisvert c. Corporation Planagex Ltée, J.E. 2000-1062 (C.A.); Gillet c. Arthur, 2007 QCCS
2885, [2007] J.Q. no 6283; Marcotte c. Collège des médecins, 2006 QCCS 285, [2006]
J.Q. no 455.
11. Pothier c. Raymond, 2008 QCCA 1931, [2008] J.Q. no 9993; Repentigny (Ville de) c.
Carignan, J.E. 2003-72, [2002] J.Q. no 5289 (C.A.); St-Alban c. Récupération Portneuf
Inc., [1999] R.J.Q. 2268, [1999] J.Q. no 3058 (C.A.).
20. Protection des sources – Un journaliste ou un animateur de radio ou de télévision ne
sera pas tenu de révéler ses sources au stade d’un interrogatoire préalable1.
1. Grenier c. Arthur, J.E. 2001-698, [2001] J.Q. no 1170 (C.S.); Landry c. Diffusion Métromédia
C.M.R. Inc., REJB 1999-12769, [1999] J.Q. no 2069 (C.S.); Tremblay c. Hamilton, [1995]
R.J.Q. 2440, [1995] J.Q. no 2949 (C.S.).
21. Secret du délibéré – Les tribunaux reconnaissent que le décideur ne peut en principe
être interrogé sur son délibéré1. La Cour d’appel a cependant considéré que ce privilège ne
peut s’étendre à un organisme exerçant une fonction administrative2.
1. Québec (Commission des affaires sociales) c. Tremblay, [1992] 1 R.C.S. 952, [1992] A.C.S.
no 20.
2. Autorité des marchés financiers c. Assomption Compagnie d’assurance, 2007 QCCA 1062,
[2007] J.Q. no 8263.
22. Droit de ne pas communiquer un moyen de preuve ou le nom de ses témoins – Il
est de jurisprudence constante qu’une partie n’a pas à divulguer lors d’un interrogatoire
préalable ses moyens de preuve ni le nom de ses témoins indépendants1. Il existe cependant
certaines exceptions à ce principe. Ce sera notamment le cas en matière de diffamation,
de personnes ayant participé aux faits en litige, ou de témoins à qui un aveu judiciaire
aurait été fait2.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 15
22 / 15
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
Le texte de l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) précise désormais qu’une personne pourra être interrogée sur tous les faits pertinents se rapportant au litige et sur les éléments de preuve qui les
soutiennent. Cette référence aux éléments de preuve pourrait possiblement donner ouverture à certaines questions visant la divulgation des moyens de preuve quoique l’utilisation
du terme « élément » semble viser davantage des documents ou des éléments matériels que
le nom de témoins éventuels.
1. Farand c. Farand, 2008 QCCA 1131, [2008] J.Q. no 5172; McCallum Transport Québec
Ltée c. Québec (Commission des accidents du travail), [1995] R.D.J. 190 (C.A.); Blaikie c.
Québec (Commission des valeurs mobilières), [1990] R.D.J. 473, [1990] J.Q. no 457 (C.A.).
2. Nortech Fibronic Inc. c. Ingénierie Électro-Optique Exfo Inc., J.E. 97-2015 (C.A.); Cogestion
Léga-Ray Ltée c. Gosselin, J.E. 2001-1238 (C.S.); Montréal Tramways c. Brodeur, (1937)
62 B.R. 342; BMG Canada Inc. c. Gestion 3485 St-Laurent Inc., B.E. 2006BE-281, no AZ50356639 (C.A.); Constructions Bé-con Inc. c. Québec, J.E. 2002-1796 (C.A.).
C. Règles relatives à l’audition des témoins
23. Interrogatoire et contre-interrogatoire – Les règles pour l’interrogatoire et le contreinterrogatoire d’un témoin prévues aux ar ticles 276 et suivants C.p.c. (2014) s’appliquent,
avec les adaptations nécessaires, aux interrogatoires hors cour. Ainsi, lors d’un interrogatoire préalable, une partie pourra poser des questions suggestives à la partie adverse et
à un tiers si ce dernier a des intérêts opposés, cherche à éluder une question ou cherche à
favoriser une autre partie1.
1. Art. 306 C.p.c.; Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada,
[1993] R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); Valois c. Lafleur, no AZ-50159206 (C.S.).
24. Droit d’interroger son propre témoin lors d’un interrogatoire préalable – En principe, le procureur de la partie interrogée lors d’un interrogatoire préalable pourra interroger
son témoin uniquement afin de lui permettre de compléter, préciser ou expliquer certaines
réponses données lors de son interrogatoire. Il ne pourra cependant aborder des sujets qui
n’ont pas fait l’objet de l’interrogatoire principal1.
1. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993]
R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); Ridley c. Financière Manuvie, [2000] R.J.Q. 1880,
[2000] J.Q. no 1854 (C.S.).
D. La conservation du témoignage
25. La conservation du témoignage – L’article 227 C.p.c. (2014) incorpore les dispositions
des ar ticles 300 et suivants C.p.c. (2014) relativement à la prise de déposition des témoins.
Généralement, les dépositions sont prises en sténographie ou enregistrées de toute autre
manière autorisée par le gouvernement1.
1. Art. 300 C.p.c. (2014)
26. Propriété des notes sténographiques – L’ar ticle 227 C.p.c. (2014) réserve à la partie
qui a procédé à l’interrogatoire préalable la faculté de produire ou non les notes sténo(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 16
22 / 16
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
graphiques de l’interrogatoire au dossier de la cour. Ce privilège se limite cependant à
la décision de produire les notes et ne confère pas un droit exclusif de détenir le support
matériel de l’interrogatoire1. La partie interrogée aura donc le loisir de soumettre les notes
sténographiques de son interrogatoire à son expert, lequel pourra en faire mention dans son
rapport, sous réserve de la valeur qui lui sera accordée en fonction de la preuve soumise2.
1. Blanchet c. Constructions Ferclau Inc., J.E. 2005-1041, no AZ-50310183, [2005] J.Q. no 4619
(C.S.); Castonguay c. Anctil, REJB 2002-34846 (C.A.).
2. Garmaise c. Scotia Capital inc., 2012 QCCS 5946.
27. Vidéoconférence – L’utilisation de la vidéoconférence ou de tout autre mode de communication pour la tenue d’un interrogatoire préalable, d’un interrogatoire sur affidavit ou
d’un interrogatoire hors cour était spécifiquement prévue à l’ar ticle 45.2 du Règlement de
procédure civile de la Cour supérieure1 et a été incorporée à l’ar ticle 26 du Code qui invite
à privilégier l’utilisation des moyens technologiques disponibles. La règle de la proportionnalité2 peut justifier d’autoriser la tenue d’un interrogatoire par vidéoconférence lorsque
l’utilisation de ce moyen offre une solution à la fois pratique et économique3. À défaut
d’entente entre les parties, une demande devra être soumise au tribunal qui décidera en
tenant compte des circonstances de l’affaire, de la nature de l’interrogatoire, de la fiabilité
du moyen proposé et des installations disponibles. L’utilisation de tels moyens technologiques semble d’ailleurs la règle en ce qui a trait aux témoins résidant dans d’autres provinces qui seront interrogés à distance4.
1. Règlement de procédure civile, RLRQ, c. C-25, r. 11.
2. Art. 18 C.p.c. (2014)
3. Arsenault c. Turcotte, 2007 QCCS 454, [2007] J.Q. no 799; Maskatel Inc. c. Télécom
Québec Inc., 2006 QCCS 5403, [2006] J.Q. no 13491; Gameday Leadership Management
Consultants Inc. c. Kirdy, 2012 QCCS 6211.
4. Art. 497 C.p.c. (2014).
E. Engagements souscrits lors d’un interrogatoire
1. Obligation du témoin
28. Principe – Il arrive fréquemment lors d’un interrogatoire que le témoin prenne l’engagement de valider certains éléments ou de fournir des documents requis par la partie
adverse1. Le témoin devra alors donner suite à cette promesse sous peine des sanctions
prévues par la loi.
L’engagement souscrit par une partie doit être respecté, et ce, même si l’engagement n’a
pas été confirmé par une ordonnance judiciaire. La Cour d’appel a d’ailleurs reconnu la
force d’un tel engagement en concluant qu’une partie ne peut exiger d’une autre qu’elle
procède conformément à la prochaine étape prévue dans l’entente sur le déroulement de
l’instance si elle n’a pas respecté ses propres engagements2.
Le délai de production des engagements souscrits lors d’un interrogatoire préalable à l’instruction devrait être prévu au protocole de l’instance3.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 17
22 / 17
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
1. Structure Laferté Inc. c. Cosoltec Inc., 2009 QCCS 3326, [2009] J.Q. no 7413, appel accueilli
aux seules fins de substituer une condamnation en dommages et intérêts à la sanction imposée par le juge de première instance, 2010 QCCA 1600, [2010] J.Q. no 8853.
2. Djoufo c. Isabelle, B.E. 2002BE-912, no AZ- 02019161 (C.A.).
3. Art. 148 C.p.c. (2014).
2. Défaut de donner suite
29. Avis de gestion pour forcer la production des engagements – Lorsqu’une partie
tarde à fournir les engagements souscrits lors d’un interrogatoire, la partie à l’égard de qui
cette promesse fut faite peut s’adresser au tribunal afin d’obtenir une ordonnance visant
à en forcer la communication.
30. Motifs pour refuser de fournir les engagements – La jurisprudence et la doctrine
semblent reconnaitre que, bien qu’il eût été préférable que la partie refuse simplement de
souscrire à un engagement, elle peut subséquemment refuser d’y donner suite si elle établit,
à la satisfaction du tribunal, qu’elle subirait un préjudice en donnant accès au document.
Ainsi, le tribunal a libéré une partie de son obligation de transmettre un plan d’affaires
confidentiel1. Il sera également possible pour une partie d’être libérée de ses obligations si
elle démontre que ses engagements sont impossibles à tenir2. Nous retenons que le défaut
ne doit pas résulter de l’insouciance ou du laxisme de la partie, ou de sa volonté de cacher
un document à la partie adverse3.
1. Dimension DPR Inc. c. Promotions A.M. Inc., B.E. 99BE-92, no AZ-99036045 (C.Q.).
2. Pépin c. Banque Laurentienne du Canada, 2005 QCCA 621, [2005] J.Q. no 8198; Gicquel
c. Syndicat des copropriétaires de l’immeuble détenu en copropriété divise, [1996]
R.J.Q. 584 (C.A.).
3. Ellesse International Trade c. Groupe Giroux Maçonnex Inc., B.E. 2004BE-60, no AZ04019014 (C.A.).
31. Sanction en cas de défaut – Soucieux d’assurer le respect de tels engagements, les
tribunaux n’ont pas hésité à sanctionner la partie qui refusait de donner suite aux engagements souscrits par elle lors d’un interrogatoire. Dans la mesure où le délai pour fournir les
engagements est prévu au protocole, nous présumons que la sanction serait celle résultant
du défaut de respecter celui-ci. L’ar ticle 150 C.p.c. (2014) laisse une certaine discrétion au
tribunal, mais prévoit, entre autres sanctions, la condamnation aux frais de justice1 engagés par l’autre partie. Sous l’ancien Code, les tribunaux avaient recours aux ar ticles 54.3
et 54.4 prévoyant les remèdes en cas d’abus de procédure pour sanctionner le défaut de la
partie. Généralement cependant, la sanction était imposée principalement dans les situations où une ordonnance avait déjà été obtenue afin de contraindre la partie à respecter
ses engagements2 et que cette dernière, malgré ce fait, négligeait de s’y conformer. Nous
pouvons nous interroger à savoir si, désormais, une telle ordonnance serait nécessaire dans
la mesure où le délai de production des engagements est prévu au protocole. En effet, en
principe, l’article 150 du Code oblige les parties à respecter l’entente sous peine de sanction.
La réponse sera possiblement au niveau de la gradation des sanctions. La gravité de la
sanction imposée dépendra de divers facteurs, notamment des motifs justifiant le non(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 18
22 / 18
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
respect du protocole, le nombre d’engagements souscrits, la proportion d’engagements
fournis par rapport aux engagements souscrits, etc.
1. Art. 339 et suiv. C.p.c. (2014).
2. Société Robader Ltée c. Banque Nationale du Canada, [1997] R.J.Q. 2923, [1997]
J.Q. no 3480 (C.A.); Gicquel c. Syndicat des copropriétaires de l’immeuble détenu en
copropriété divise, [1996] R.J.Q. 584 (C.A.).
II.
INTERROGATOIRE PRÉALABLE À L’AUDITION
(art. 221-230 C.p.c. (2014 C.p.c.)
A. Conditions du droit d’interroger et limites
1. Montant en jeu ou nature du recours
32. Interdiction d’interroger dans des dossiers de moins de 30 000 $ – Lors des modifications apportées au Code de procédure civile en 2002, le législateur avait choisi d’interdire la tenue d’interrogatoires préalables dans des dossiers où la somme réclamée ou la
valeur du bien réclamé était inférieure à 25 000 $1. L’ar ticle 229 du Code augmente le seuil
monétaire de l’interdiction à 30 000 $. La terminologie employée par le législateur à l’article 229 C.p.c. (2014) s’apparente à celle utilisée pour la détermination de la compétence
des tribunaux. Il est donc toujours possible de référer à l’interprétation donnée à cet égard
afin de déterminer quels dossiers sont visés par la prohibition de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)2.
1. Art. 396.1 C.p.c. (ancien).
2. 9134- 4291 Québec inc. c. Daharpro Construction inc., 2008 QCCA 1224, [2008] J.Q.
no 5772; Tremblay c. Bouchard, 2010 QCCQ 7545, [2010] J.Q. no 8874; Gagnon c.
Futuroto inc., 2010 QCCQ 174, [2010] J.Q. no 302; Leblanc c. Allard, J.E. 2004-1165,
[2004] J.Q. no 5746 (C.Q.); Betty c. Re/Max Bois-Francs Inc., 2008 QCCQ 5061, [2008]
J.Q. no 5501; Orfanos c. La Capitale, Assurance Générales, B.E. 2005BE-897, no AZ50330049 (C.Q.).
33. Jonctions de plusieurs recours de moins de 30 000 $ – La jonction de plusieurs
recours dont la valeur considérée individuellement était inférieure à 25 000 $, mais dont
la valeur totale excédait ce montant avait, par le passé, soulevé certaines interrogations1.
Nous retenons qu’en l’absence d’indication du législateur à cet effet, il convient toujours de
considérer chacun des recours cumulés individuellement pour déterminer le seuil monétaire pour les fins de l’application de l’article 229 C.p.c. (2014). Cette interprétation s’inscrit
dans la logique adoptée par le législateur à l’ar ticle 67 C.p.c. (ancien) pour déterminer la
compétence de la cour et reprise par l’ar ticle 35 C.p.c. (2014)2.
1. Crane c. Sécurité nationale, compagnie d’assurance, [2005] R.J.Q. 56, [2004] J.Q.
no 13746 (C.A.).
2. Fréchette c. Fréchette, B.E. 2004BE-1005, no AZ-50277562 (C.Q.); Hamel c. Dubé, 2013
QCCQ 2363.
34. Amendement – Un amendement ayant pour unique effet de réduire la réclamation en
deçà de la limite de 25 000 $ n’a pas été retenu comme un obstacle à la tenue de l’interro(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 19
22 / 19
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
gatoire au préalable1. Le même principe devrait s’appliquer à l’ar ticle 229 C.p.c. avec les
adaptations nécessaires.
1. Talbot c. 9057-2041 Québec inc., 2013 QCCS 5337.
35. La jonction d’actions – De la même façon, si le demandeur choisit de joindre deux
réclamations distinctes de moins de 30 000 $, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit toujours
de deux réclamations et il ne sera pas possible de procéder à des interrogatoires préalables
sans contrevenir à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)1.
1. C.N.T. c. Kamal, REJB 2004- 62095 (C.Q.).
36. Demande reconventionnelle – La production d’une demande reconventionnelle
supérieure à 30 000 $ aura pour effet d’écarter l’application de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)
comme c’était le cas sous l’ancien Code1 permettant, par le fait même, la tenue d’interrogatoires préalables. Comme c’était le cas antérieurement, une partie ne pourra s’arroger le
droit d’interroger au préalable dans un dossier où la réclamation principale est inférieure
à 30 000 $ en gonflant artificiellement une demande reconventionnelle à plus de 30 000 $
simplement pour justifier sa demande d’interrogatoire2. Il ne sera pas davantage permis
d’additionner les montants de la demande principale et ceux de la demande reconventionnelle afin d’autoriser la tenue d’un interrogatoire préalable3.
1. Ganin c. 2773821 Canada Inc., 2006 QCCQ 3566, [2006] J.Q. no 3908.
2. Centre du Tapis Couture Inc. c. Dufault, J.E. 2004-937, [2004] J.Q. no 3672 (C.Q.).
3. Leblanc c. Allard, J.E. 2004-1165, [2004] J.Q. no 5746 (C.Q.).
37. Conclusions en dommages accessoires à l’exercice d’un autre recours – Il arrive
fréquemment que les conclusions en dommages ne soient en réalité qu’accessoires à l’exercice d’un autre recours. La règle est qu’une partie a le droit d’interroger au préalable sous
réserve de l’interdiction prévue à l’article 229 C.p.c. (2014). Cette disposition doit être interprétée restrictivement. Ainsi, si la demande de dommages et intérêts s’ajoute à l’exercice
d’un autre recours, il y a lieu de permettre la tenue de l’interrogatoire. Cette logique a été
appliquée notamment en matière d’injonction1, de passation de titre2 et à des conclusions
de nature déclaratoire3 sous l’ancien Code.
1. Syndicat de la copropriété Les Maisons de ville Lebourgneuf c. Royer, 2006 QCCS 2173,
[2006] J.Q. no 3761.
2. Philibert c. Première Nation Malécite de Viger, 2007 QCCQ 10488, [2007] J.Q. no 10890.
3. Michaud c. Industrielle Alliance, assurances et services financiers Inc., 2008 QCCQ 11383,
[2008] J.Q. no 12823.
38. Impact des intérêts courus – L’expression « somme demandée » que l’on trouve
à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) réfère au capital demandé et ne comprend pas les intérêts
courus indéterminés, non liquidés ni cristallisés1, ce qui est d’ailleurs conforme à
l’ar ticle 35 C.p.c. (2014) qui prévoit que la somme réclamée ne tient pas compte des
intérêts.
1. Tremblay c. Bouchard, 2010 QCCQ 7545, [2010] J.Q. no 8874.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 20
22 / 20
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
39. Lois particulières – Un interrogatoire préalable pourra cependant être tenu s’il a lieu
dans un litige découlant de l’application d’une loi particulière, et ce, même si la valeur
réclamée est inférieure à 30 000 $. Ainsi, un tel interrogatoire a notamment été permis
dans le cadre de la contestation d’un avis de cotisation intentée devant la Cour du Québec
en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu1.
1. Srougi c. Québec (Sous-Ministre du Revenu), 2008 QCCQ 2879, [2008] J.Q. no 3300.
40. Interrogatoire écrit – Sous l’ancien Code, les parties ont rapidement examiné la
possibilité de recourir à d’autres moyens procéduraux afin d’obtenir les informations additionnelles sur les faits allégués dans une procédure. La jurisprudence avait reconnu que
l’interdiction visée à l’ar ticle 396.1 C.p.c. (ancien) n’empêchait pas la tenue d’un interrogatoire sur les faits se rapportant au litige en vertu des ar ticles 405 et suivants1.
Nous pouvons nous interroger sur la portée à donner au fait que l’ar ticle 229 du nouveau
Code se retrouve dans le chapitre intitulé « Interrogatoire préalable à l’instruction » qui
regroupe à la fois l’interrogatoire oral et l’interrogatoire écrit et à l’utilisation par le législateur des termes « aucun interrogatoire préalable à l’instruction ». Cette rédaction visait-elle
à mettre un terme à la possibilité de procéder à un interrogatoire écrit dans les dossiers de
moins de 30 000 $? Une telle conclusion pourrait s’inférer du fait que le législateur n’ait
pas indiqué « aucun interrogatoire oral », mais une inférence contraire pourrait également
être tirée du fait que l’ar ticle 229 du Code est situé non pas dans les dispositions générales, mais dans la section portant sur l’interrogatoire oral. Il s’agira donc d’une question
intéressante à débattre, le cas échéant.
Il est cependant utile de rappeler que l’objectif poursuivi par l’interrogatoire oral diffère
considérablement de celui d’un interrogatoire sur les faits en litige, maintenant l’interrogatoire écrit, le premier ayant un caractère davantage exploratoire alors que le second vise
plutôt à obtenir des admissions2.
1. Robillard c. Pedneault, B.E. 2005BE-999, no AZ-50332528 (C.Q.).
2. Comité paritaire du camionnage du district de Québec c. G. Gagné Transport Inc.,
J.E. 2004-1384, [2004] J.Q. no 8241 (C.Q.).
41. Assignation en vertu des ar ticles 221 C.p.c. (2014) afin d’obtenir communication d’un écrit – Dans le cadre d’un litige où la somme demandée ou la valeur du bien
réclamé est inférieure à 30 000 $, une partie ne pourrait davantage assigner l’autre partie
afin d’obtenir communication et laisser prendre copie de certains documents en vertu de
l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), cette disposition faisant partie de la section portant sur les interrogatoires préalables et non de celle sur la production de documents. Ainsi, l’ar ticle 229
du Code, comme c’était le cas sous l’ar ticle 396.1 C.p.c. (ancien), semble s’appliquer sans
distinction à tout interrogatoire préalable1. Dans la même optique, un tribunal ne pourrait ordonner la communication de documents demandés lors d’un interrogatoire tenu en
contravention avec l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)2.
1. Importations Avaco Canada Ltée c. Lisi, J.E. 2005-1257, [2005] J.Q. no 7184 (C.Q.).
2. Hamel c. Dubé, 2013 QCCQ 2363.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 21
22 / 21
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
42. Gestion de l’instance. – Compte tenu de la contrainte imposée par l’ar ticle 229 C.p.c.
(2014) aux droits d’une partie d’interroger, il sera essentiel dans les dossiers de moins de
30 000 $ de faire bon usage des dispositions du Code en matière de gestion de l’instance1.
Ainsi, bien que l’objectif poursuivi par certains moyens préliminaires telles les demandes
de précisions2 ou en communication de documents diffèrent de celui de l’interrogatoire
avant instruction, il s’agit de précieux instruments afin d’obtenir d’une partie l’information
nécessaire à la défense des droits d’une autre partie. Le protocole de l’instance permet,
outre les moyens préliminaires, de prévoir les modalités et les délais de constitution et de
communication de la preuve avant l’instruction.
1. Art. 148 C.p.c. (2014).
2. Aubin c. Brissette, [1994] R.D.J. 13, [1993] J.Q. no 1201 (C.A.); Giroux c. Truchon, [1994]
R.D.J. 506, [1994] J.Q. no 728 (C.A.); Godin c. Association coopérative des taxis Québec,
2008 QCCS 893, [2008] J.Q. no 1714; Picard c. Hydro- Québec, 2006 QCCS 3806, [2006]
J.Q. no 6967; Juneau c. Groupe Promutuel, B.E. 2001BE-284 (C.S.); Gendron c. CGU
Compagnie d’assurances, 2003 CanLII 48821, no AZ-50179517 (C.Q.); Delisle c. PromutuelLévisienne, B.E. 2004BE-1036, no AZ-50280276 (C.Q.).
43. Absence de discrétion du tribunal – Comme c’était le cas sous l’ancien Code, le
législateur n’a accordé aucune discrétion au tribunal afin de permettre des interrogatoires
dans des dossiers de moins de 30 000 $1.
1. Lavergne c. Lacoste, J.E. 2004- 691, [2004] J.Q. no 3408 (C.Q.); Bienstock c. Candappa,
J.E. 2005-1258, [2005] J.Q. no 6022 (C.Q.).
44. Protocole de l’instance – Le protocole de l’instance devant être soumis à l’approbation du tribunal, ce dernier devra normalement en retirer un interrogatoire dont les parties
auraient convenu en contravention de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014)1. Rappelons qu’il ne saurait
y avoir de transaction entre les parties sur une question de procédure2.
1. Fréchette c. Fréchette, B.E. 2004BE-1005, no AZ-50277562 (C.Q.); Bienstock c. Candappa,
J.E. 2005-1258, [2005] J.Q. no 6022 (C.Q.).
2. Garage Ste- Sophie inc. c. Belley, [1995] R.D.J. 152, [1994] J.Q. no 2823 (C.Q.); Hamel c.
Dubé, 2013 QCCQ 2363.
45. Retrait des notes – Le tribunal pourra également ordonner le retrait des notes sténographiques de l’interrogatoire tenu en contravention de l’ar ticle 229 C.p.c. (2014). En
effet, permettre la production des notes sténographiques au dossier de la cour reviendrait à cautionner une entente entre les parties qui auraient, malgré l’interdiction de l’article 229 C.p.c. (2014), procédé à un interrogatoire, et à les autoriser à faire indirectement
ce que le législateur leur a interdit de faire directement1.
Dans la décision Grenier c. 2849-8541 Québec Inc., le demandeur avait initialement intenté
son recours pour une somme de 27 000 $. Il avait été interrogé par le défendeur et, par la
suite, avait choisi de réduire sa réclamation à un montant inférieur à 25 000 $. Saisi d’une
requête en rejet de la demande basée sur l’ar ticle 75.1 C.p.c. (ancien) au soutien de laquelle
était déposée la transcription de l’interrogatoire du demandeur, le tribunal a rejeté la requête
au motif qu’il ne pouvait permettre la production des notes sténographiques, lesquelles
constituaient, compte tenu du montant du recours, un élément de preuve interdit par la loi.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 22
22 / 22
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
1. Bienstock c. Candappa, J.E. 2005-1258, [2005] J.Q. no 6022 (C.Q.); Grenier c. 2849- 8541
Québec Inc., B.E. 2006BE-305, no AZ-50337127 (C.Q.); Québec (Commission des normes
du travail) c. Centre de santé et de services sociaux du Lac St- Jean-Est, 2008 QCCQ 168,
[2008] J.Q. no 129.
46. Impact du montant du recours et de la nature de celui-ci sur la durée de l’interrogatoire – Outre l’interdiction d’interroger dans les dossiers dont la valeur est de moins
de 30 000 $, l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) pose certaines limites en établissant des durées
d’interrogatoire en fonction de la valeur du dossier ou de la nature du recours.
Ainsi, sous réserve de l’approbation du tribunal, un interrogatoire tenu dans un dossier
dont la valeur en litige est inférieure à 100 000 $ ne pourra excéder trois heures. Les parties
peuvent, en cours d’interrogatoire, convenir de prolonger la durée de trois à quatre heures.
La même règle s’applique en matière familiale.
Dans les dossiers dont la valeur est supérieure à 100 000 $, la durée d’interrogatoire est
limitée à cinq heures et peut, du consentement des parties pendant l’interrogatoire, être
prolongée à sept heures. Toute prolongation au-delà de cette durée nécessitera l’autorisation du tribunal.
Il sera donc important, comme nous le verrons plus loin, d’anticiper la durée de l’interrogatoire au moment de convenir du protocole de l’instance afin de solliciter dès ce moment
l’autorisation d’interroger pour une durée additionnelle afin d’éviter des difficultés lors de
certains interrogatoires.
2. Protocole de l’instance
47. Contenu du protocole de l’instance – Les paramètres des interrogatoires préalables,
qu’ils aient lieu avant ou après défense, devront être fixés dans le cadre du protocole de
l’instance. Celui-ci devra normalement indiquer les interrogatoires écrits et oraux à être
tenus, leur nécessité, leur nombre et leur durée1. Le protocole devant être approuvé par les
tribunaux2, nous présumons que ces derniers seront plus stricts à cet égard, obligeant les
procureurs à faire preuve de rigueur lors de la négociation de l’entente.
Le protocole devra nécessairement tenir compte des durées limites prévues par le législateur à l’ar ticle 229 du Code. Il sera donc important de requérir dès ce stade l’autorisation du tribunal si les parties anticipent, en raison de la nature ou de la complexité
du dossier, que les interrogatoires se poursuivront au- delà de la durée prescrite. Nous
pouvons présumer que les principes directeurs prévus aux ar ticles 17 et suivants du
Code guideront le tribunal dans sa décision d’autoriser des interrogatoires dont la durée
excède celle prévue.
Le protocole devrait également indiquer clairement les tiers qui seront interrogés de
consentement ou avec l’autorisation du tribunal.
1. Art. 221 et 148 C.p.c. (2014).
2. Art. 150 C.p.c. (2014).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 23
22 / 23
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
48. Défaut de prévoir un interrogatoire au protocole – Il est parfois difficile au début
d’un dossier de prévoir avec précision le déroulement de l’instance. Ainsi, si l’interrogatoire
d’une partie ou d’un tiers n’a pas été spécifiquement prévu au protocole de l’instance, celuici devra être soit modifié du consentement des parties ou, à défaut, avec l’autorisation du
tribunal1. Cette autorisation sera requise si les délais anticipés pour l’interrogatoire excèdent
ceux énoncés à l’ar ticle 229 du Code. À cet égard, la demande d’autorisation devra être
examinée, comme c’était le cas sous l’ancien Code, à la lumière des principes directeurs,
notamment ceux relatifs à la raisonnabilité et à la proportionnalité2. Comme c’était le cas
pour le calendrier des échéances sous l’ancien Code, le protocole ne devrait pas être vu
comme un « carcan rigide » qui aurait pour effet de faire perdre des droits à une partie3.
L’ar ticle 150 C.p.c. (2014) limite la possibilité pour les parties de modifier le protocole de
consentement aux délais convenus et aux éléments propres à faciliter le déroulement de
l’instance. Elles doivent cependant, lorsqu’elles modifient le protocole, respecter les décisions spécifiques du tribunal. Il est donc douteux que les parties pourraient de consentement
modifier le protocole afin de prévoir un nouvel interrogatoire si le juge a limité le nombre
d’interrogatoires en vertu des pouvoirs conférés à l’ar ticle 158(3) C.p.c. (2014).
1. Art. 150 C.p.c. (2014); Corporate Assets Inc. c. 9214- 6463, l.p., 2013 QCCA 673, no AZ50956278 (C.A.).
2. Art. 17 et suiv. C.p.c. (2014); Croteau c. Ferme Les Deux B. inc., 2011 QCCQ 15729, no AZ50818685, [2011] J.Q. no 19268; Staveris c. Kalipolidis, 2007 QCCS 557, [2007] J.Q. no 17857.
3. SSAB Hardox c. McCarthy, 2006 QCCA 152, [2006] J.Q. no 904.
49. Délai pour procéder à un interrogatoire préalable – L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) ne
fixe aucun délai pour procéder à un interrogatoire préalable. L’interrogatoire après défense
peut techniquement avoir lieu en tout temps avant l’émission du certificat d’état de cause1.
Par contre, l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) spécifie que les interrogatoires doivent avoir lieu
conformément aux conditions prévues au protocole de l’instance.
Ainsi, comme c’était le cas antérieurement, le défaut d’interroger avant le dépôt de l’inscription et donc à l’intérieur des délais prescrits par le protocole pourrait justifier le tribunal à
refuser l’autorisation d’interroger. Ainsi, le fait qu’un procureur n’avait pas en temps utile
demandé de modifier le protocole ou, à la rigueur, demandé de proroger le délai d’inscription pour permettre d’interroger, choisissant plutôt de demeurer silencieux, sans manifester
son intention d’interroger jusqu’à un mois après l’attestation de dossier complet, a, sous
l’ancien Code, mené au refus par le tribunal d’une demande visant à interroger un témoin
au préalable2. A contrario, certaines décisions accordent à une partie, malgré son laxisme,
le droit d’interroger après l’émission de l’attestation de dossier complet puisque cette autorisation n’avait pas pour effet de retarder le dossier et que la partie avait manifesté son
désir d’interroger dans l’entente sur le déroulement de l’instance même si l’interrogatoire
n’avait pas eu lieu dans les délais prescrits3. Également, la substitution de procureurs après
la mise en état du dossier a déjà justifié l’autorisation d’interroger après la mise en état du
dossier, d’autant plus que l’interrogatoire ne retardait pas indument la poursuite du dossier 4.
1. Banque Toronto-Dominion c. MacDonald, J.E. 93- 486, [1993] J.Q. no 80 (C.A.).
2. Genest c. (Québec) Régie des rentes, J.E. 2005-352, [2004] J.Q. no 13111 (C.S.).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 24
22 / 24
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
3. Rodrigue c. Simard, 2011 QCCS 5836, [2011] J.Q. no 16043; Empire Life Insurance Company
c. Thibault, 2010 QCCS 4297, [2010] J.Q. no 9061; Côté c. Maltais, 2009 QCCS 5659, [2009]
J.Q. no 15128; Dumont c. Bombardier Inc., B.E. 2005BE-318, no AZ-50291457 (C.S.).
4. Naud c. London Life, compagnie d’assurance-vie, 2013 QCCQ 4297, no AZ-50964134 (C.Q.).
3. Défense orale
50. Interrogatoire au préalable – Comme c’était le cas sous l’ancien Code, il est possible
de tenir des interrogatoires préalables à l’instruction quelle que soit la forme de la défense1.
1. Accurso c. Gravel, 2009 QCCS 6443; 9244-5006 Québec inc. c. Shahak, 2013 QCCS 4916.
4. Règle de la proportionnalité
51. Application systématique – Le principe de proportionnalité édicté à l’ar ticle 18 C.p.c.
(2014) doit guider le tribunal dans le cadre de la gestion d’un dossier, notamment en regard
des questions soulevées en matière d’interrogatoires préalables. Les tribunaux devront
appliquer cette règle de la proportionnalité de façon systématique et évaluer l’impact de
leur décision à la lumière de ce principe. La règle de la proportionnalité permettra dans
certains cas de limiter le nombre de représentants interrogés ou le nombre d’interrogatoires1
auxquels un témoin devra se soumettre2.
1. Comité de régime de retraite des employées et employés de la Ville de Sherbrooke c. Mercer
Consultation en ressources humaines ltée (Mercer (Canada) ltée), 2011 QCCS 5403, [2011]
J.Q. no 14789.
2. Québec (Procureur général) c. Couvertures Victo inc., 2010 QCCS 5722, [2010] J.Q.
no 12196.
52. Les moyens financiers des parties – Les enjeux de nature financière sont souvent au
centre des débats lorsqu’il est question de l’application du principe de la proportionnalité. Il
ne s’agit cependant pas du seul critère. Que les parties aient des ressources extraordinaires
ou qu’elles ne disposent pas de ressources suffisantes ne justifie pas, dans un cas comme
dans l’autre, le tribunal à faire abstraction de l’application du principe de proportionnalité1, et
ce, même si l’article 18 C.p.c. (2014) tient compte des coûts pour évaluer la proportionnalité.
1. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251,
[2006] J.Q. no 16727.
53. Utilisation des ressources judiciaires – Un autre critère considéré lors de l’application du principe de proportionnalité sera l’impact de la décision sur l’ensemble du système
judiciaire et son accessibilité pour les justiciables1.
1. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251,
[2006] J.Q. no 16727.
54. Possibilité pour le tribunal de mettre un terme à l’interrogatoire – Comme c’était
le cas en vertu de l’article 396.4 C.p.c. (ancien), l’article 230 C.p.c. (2014) permet au tribunal
de mettre un terme à un interrogatoire préalable s’il le juge à propos. Cette disposition est
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 25
22 / 25
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
une illustration du principe de la proportionnalité. En effet, le simple fait de se voir conférer
le droit d’interroger ne saurait justifier des interrogatoires interminables entrainant délais,
coûts et multiples objections, lesquelles devront ultimement être tranchées par le tribunal.
L’interrogatoire doit viser à favoriser l’avancement du dossier et non à en retarder la bonne
marche1. Ainsi, le tribunal pourra, sur demande, mettre fin à un interrogatoire qui lui paraît
abusif 2. Ce caractère abusif pourra notamment s’inférer de la durée de l’interrogatoire,
du nombre d’objections soulevées, de la quantité d’engagements requis, etc. Dans l’affaire
Parsons c. Communimed3, le tribunal n’a pas hésité à mettre un terme à l’interrogatoire,
étant d’avis que la liste des documents requis était clairement hors proportion avec la nature
du litige, que les questions posées étaient en grande majorité inutiles et abusives et qu’elles
débordaient clairement du cadre du litige, suscitant de multiples objections. Soulignons
que l’ar ticle 45.1 du Règlement de procédure civile de la Cour supérieure4 permet à un
sténographe de suspendre un interrogatoire préalable pour obtenir des directives du juge
s’il est d’avis qu’il y a non-respect du témoin.
1. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., [2006] QCCS 7251,
[2006] J.Q. no 16727.
2. Art. 396.4 C.p.c.; Érablière DP inc. c. Fédération des producteurs acéricoles du Québec,
2011 QCCS 4307, [2011] J.Q. no 10997.
3. Parsons c. Communimed Inc., J.E. 2005-1042, [2005] J.Q. no 3944 (C.Q.).
4. RLRQ, c. C-25, r. 8.
B. Convocation et formalités
1. Assignation
55. Assignation – L’ar ticle 226 C.p.c. (2014) prévoit que la partie qui entend procéder à
un interrogatoire préalable à l’instruction doit informer le témoin au moins cinq jours à
l’avance en lui précisant la raison de sa convocation ainsi que la nature, l’objet, le moment
et le lieu de l’interrogatoire. Si l’interrogatoire ne peut être fixé de consentement, le témoin
devra alors être cité à comparaître, la citation devant être signifiée au moins cinq jours
avant la date prévue de l’interrogatoire. Rappelons qu’en vertu de l’article 273 C.p.c. (2014),
la partie qui convoque une partie n’a plus à avancer les frais contrairement à la situation
qui prévalait anciennement1.
1. Foh c. Sundang, (1992) R.D.J. 620, (1992) J. Q. no 1044 (C.A.).
56. Lieu – L’interrogatoire pourra avoir lieu au palais de justice ou au bureau de l’un des
avocats.
C. Qui peut être interrogé?
1. Parties
57. Identification du témoin – En principe, il appartient à la partie qui interroge d’identifier le témoin qu’elle souhaite interroger. En effet, comme le rappelait le juge Dalphond,
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 26
22 / 26
2015-04-08 23:14:53
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
« [l]’examen au préalable est une procédure à la disposition et sous le contrôle de la partie
qui décide de s’en prévaloir et non de la partie adverse »1. Ce choix est cependant sujet à
contestation par la partie adverse qui pourra soumettre la question au tribunal par voie de
requête en cassation de subpoena2 ou en soulevant une objection à la tenue de l’interrogatoire3. Le désaccord des parties quant à l’identité du témoin à interroger pourrait à notre
avis être tranché soit au stade de la négociation du protocole de l’instance, soit par le juge
avant la tenue de l’interrogatoire en application de l’ar ticle 228 C.p.c. (2014).
1. Labarre c. Spiro Mega Inc., J.E. 2000-319, [1999] J.Q. no 4690 (C.S.).
2. Mitchell c. Future Electronics Inc., B.E. 2005BE-896, no AZ-50326759 (C.S.).
3. Kowarsky c. Québec (Procureur général), [1984] R.D.J. 167 (C.S.).
58. Représentant de l’État – Lorsque l’État est impliqué dans un litige, un représentant pourra être soumis à un interrogatoire. Par contre, l’État a le privilège de désigner
son représentant pour les fins de l’interrogatoire. Une partie insatisfaite du représentant
ainsi désigné pourra s’adresser au tribunal si elle estime qu’une autre personne devrait
être interrogée afin d’éviter que son droit d’interroger soit lésé, notamment si la personne
interrogée s’est avérée non informée ou incapable de s’informer1.
1. Olymel S.E.C. c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2013 QCCS 5275;
Festival Canadien des Films du Monde c. Téléfilm Canada, J.E. 2006-973, [2006]
J.Q. no 2791 (C.S.).
59. Personne morale – Si la partie est une personne morale, ce sont normalement les
administrateurs ou les dirigeants de l’entreprise qui seront interrogés1.
1. Labarre c. Spiro Mega Inc., J.E. 2000-319, [1999] J.Q. no 4690 (C.A.).
60. Mineur ou majeur inapte – Un mineur pourra être contraignable pour les fins d’un
interrogatoire sous réserve des dispositions des ar ticles 160, 290 et 291 C.p.c. (2014).
Ainsi, le juge pourrait ordonner que le mineur soit représenté pour les fi ns de l’interrogatoire, que l’interrogatoire se tienne hors la présence des parties ou en présence du
juge1. L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) prévoit toutefois que dans le cas du mineur ainsi que
dans celui du majeur inapte, l’autorisation du tribunal sera requise pour procéder à un
tel interrogatoire.
1. King Ruel c. Centre de ski Le Relais (1988) Inc., [1994] R.D.J. 618, [1994] J.Q. no 897 (C.A.).
61. Recours en garantie ou l’intervenant – La notion de partie sera interprétée restrictivement. Ainsi, la partie appelée en garantie dans un litige sera considérée comme un
tiers par rapport au dossier principal et une demande d’interrogatoire ne sera autorisée
que dans la mesure où elle respecte les principes établis par les tribunaux pour autoriser
un tel interrogatoire1. Il en va autrement de la partie mise en cause dont les droits sont
susceptibles d’être affectés par le recours principal2.
1. Hôtel Motel Du Pignon Inc. c. Saint-Apollinaire (Municipalité de), B.E. 2005BE-548,
no AZ-50301395 (C.S.).
2. Girafe Santé Inc c. Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, 2011 QCCA 218;
3093-9920 Québec inc. c. Métro Richelieu inc. 2014 QCCS 2183.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 27
22 / 27
2015-04-08 23:14:53
III. Procédure contentieuse
62. Droit d’interroger le représentant – L’article 587 C.p.c. (2014) en matière d’action collective fait l’objet de commentaires dans un autre fascicule du JurisClasseur Québec1. Nous ne
nous y attarderons pas si ce n’est que pour rappeler que cette disposition, comme c’était le cas
sous l’ancien Code, restreint le droit des défendeurs d’interroger avant défense en permettant
uniquement l’interrogatoire du représentant ou de l’intervenant, à moins d’une permission
du tribunal. L’utilisation par le législateur du terme « interrogatoire préalable » vient étendre
l’application de l’article 587 du Code tant à l’interrogatoire oral qu’à l’interrogatoire écrit.
1. Mathieu BOUCHARD, « Action collective – Avis, déroulement, jugement et mesures
d’exécution », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Procédure civile II, 2e éd.,
fasc. 22, Mont réal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles.
63. Critère pour l’autorisation – Le tribunal autorisera l’interrogatoire d’un membre
autre que le représentant ou l’intervenant s’il considère que cet interrogatoire sera utile à
l’adjudication des questions de droit ou de fait traitées collectivement1. Ainsi, l’autorisation
d’interroger certains membres du groupe sera refusée s’il appert que les témoins identifiés auraient un intérêt qui, en partie, serait opposé à celui des autres membres du groupe.
Dans son évaluation de l’utilité de l’interrogatoire, la cour devra notamment s’assurer
que l’interrogatoire requis pourra servir « à vérifier la preuve des faits en possession de la
partie adverse ou à obtenir des admissions pouvant éventuellement lier les demandeurs »2.
1. Art. 587 C.p.c. (2014).
2. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251,
[2006] J.Q. no 16727; Pellemans c. Lacroix, 2008 QCCS 1967, [2008] J.Q. no 4054.
64. Absence d’interrogatoire préalable dans le contexte d’une demande en autorisation – L’interrogatoire préalable prévu à l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) s’applique en principe
dans le contexte de l’instruction au fond d’une audience basée sur une demande introductive
d’instance, ce qui n’est manifestement pas le cas d’une demande en autorisation. La procédure d’autorisation n’étant pas substantiellement modifiée par le Code, nous présumons
que les tribunaux continueront à appliquer les mêmes principes. Or, il a été décidé que
permettre un tel interrogatoire à ce stade des procédures irait à l’encontre de la volonté
du législateur qui a choisi d’abolir l’exigence voulant que la requête en autorisation soit
accompagnée d’un affidavit dans le but d’alléger son traitement. À défaut d’avoir un droit
automatique à l’interrogatoire préalable en matière d’autorisation, il a toutefois été reconnu
qu’il était possible de requérir la permission du juge pour interroger afin de permettre la
présentation d’une preuve appropriée au stade du recours collectif1.
1. Marcotte c. Banque de Montréal, [2008] R.J.Q. 1735, [2008] J.Q. no 8216 (C.S.).
2. Représentant, agent ou employé
65. Interprétation de l’expression « agent ou employé » – La notion d’agent ou d’employé
implique que cette personne a autorité ou, à tout le moins, la capacité « d’engendrer des
relations légales entre tierces parties et la personne qui occupe la position de principal »1.
1. 9009-1356 Québec Inc. c. Métivier, 2001 CanLII 9251, no AZ-50102956 (C.S.); Hervé Houde
Ltée c. Corporation de l’Hôpital St-François D’Assise, [1975] C.S. 362, [1975] J.Q. no 48.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 28
22 / 28
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
66. Conseiller municipal – Un conseiller municipal ne sera pas considéré comme l’employé de la municipalité. À moins de consentement, il faudra donc demander la permission
du tribunal pour interroger ce témoin1. Toutefois, le maire ou la mairesse sera considéré(e)
comme l’« agent » de la municipalité2.
1. Girard c. Saguenay (Ville de), B.E. 2003BE- 473, no AZ-50161872 (C.S.).
2. Pascan Aviation inc. c. Développement de l’aéroport St-Hubert de Longueuil, 2011 QCCS
6032, no AZ-50805311, [2011] J.Q. no 16647.
67. Ancien employé – Le droit d’interroger une partie sous l’ar ticle 221 C.p.c. (2014)
est automatique dans la mesure où la personne citée pour l’interrogatoire en est une qui
représente la partie adverse et qui est contraignable1. Or, dans certaines circonstances,
la personne la mieux à même d’éclairer les parties sur les faits en litige est en réalité
un ancien employé de l’entreprise. Les circonstances entourant le départ de l’employé
peuvent subjectivement susciter certaines craintes de la part de l’ex-employeur relativement à cet interrogatoire. Malgré cela, le fait que la personne ne soit plus à son emploi
ne saurait justifier une partie à requérir la cassation d’une citation à comparaître. Par
contre, s’il devient évident que le témoin tente de favoriser la partie qui l’interroge, il sera
possible d’invoquer les dispositions des ar ticles 280 et suivants C.p.c. (2014). Conclure
autrement reviendrait à présumer que l’ex- employé ne dira pas la vérité même s’il est
sous serment2.
1. Consultants en taxes de vente Inc. (Les) c. Westburne Industrial Enterprises Ltd, 2003
CanLII 23241, no AZ-50163741 (C.S.).
2. Gestion Charles Clément Ltée c. Betcon, B.E. 2002BE-707, no AZ-50136643 (C.S.).
68. Expert et expert en sinistre – L’expert mandaté par une partie pour les fins d’un
dossier sera considéré comme un agent de la partie pour les fins de l’interrogatoire. Il ne
sera donc pas nécessaire d’obtenir l’autorisation du tribunal pour encadrer la tenue de cet
interrogatoire1 en l’absence de consentement. Le même raisonnement s’applique à l’interrogatoire d’un expert en sinistre2. Par contre, l’interrogatoire ne pourra porter que sur les
constatations factuelles de l’expert et non sur ses conclusions3. Un employé de la partie qui
a également un statut de professionnel, tel un ingénieur, pourra être interrogé4.
1. Royal & Sun Alliance du Canada c. Isolation C.T.L. Inc., 2007 QCCS 115, [2007]
J.Q. no 262; La Mauricienne Société mutuelle d’assurance générale c. Gaston Brouillette
Inc., REJB 1999-11782 (C.S.).
2. Boiler Inspection and Insurance Co of Canada c. St-Louis de France, J.E. 93-1869, [1993]
J.Q. no 2022 (C.A.).
3. La Mauricienne, Société mutuelle d’assurance générale c. Gaston Brouillette Inc.,
REJB 1999-11782 (C.S.); Prelco inc. c. 63362222 Canada inc. (Le Groupe Créatech),
2012 QCCS 5367, [2012] J.Q. no 11258.
4. Vachon c. Montréal (Ville de), B.E. 99BE- 638, no AZ-99026328 (C.S.).
3. Toute autre partie
69. Toute autre partie – Le législateur a prévu la possibilité, à l’ar ticle 221 C.p.c. (2014),
d’interroger « les parties ». Cette expression permet notamment aux défendeurs de s’inter(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 29
22 / 29
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
roger mutuellement1. Par contre, il ne sera pas permis au demandeur d’interroger un intervenant avec qui il a des intérêts communs2.
1. 862952 Ontario Ltd c. Gatineau (Ville de), 2008 QCCS 4034, [2008] J.Q. no 8494.
2. Société d’énergie Foster Wheeler Ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets Inc., B.E. 2000BE- 445, no AZ- 00026214 (C.S.).
70. Recours en garantie – L’expression « les parties » réfère aux parties impliquées dans
l’action principale et non celles dans un recours en garantie1. La mise en cause dont les
droits sont susceptibles d’être affectés directement par le recours principal est assimilée
à une partie2.
1. Hotel Motel du Pignon c. St-Apollinaire (Municipalité de), B.E. 2005BE 548, no AZ50301395 (C.S.); Banque Nationale c. Hamelin, J.E. 93-8066 (C.S.).
2. Girafe Santé Inc c. Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, 2011 QCCA 218;
3093-9920 Québec inc. c. Métro Richelieu inc. 2014 QCCS 2183.
4. Dans une action en responsabilité, la victime et toute personne impliquée
dans la commission du fait générateur du préjudice
71. Qui est visé? – Conscient de la réalité de certains dossiers en responsabilité civile,
le législateur a choisi de ne pas limiter le droit d’interroger aux seules parties. En guise
d’exemple, la victime peut parfois ne pas être la partie demanderesse. Songeons à un
recours en responsabilité intenté par un entrepreneur qui soutient avoir subi une perte à la
suite de l’incendie dont fut victime un sous-traitant. Dans ce cas, l’interrogatoire du soustraitant pourrait être permis. De plus, un simple témoin qui a pris part au fait préjudiciable
pourrait être interrogé même s’il n’est pas l’auteur de la faute1. En principe, la participation
active de ce témoin au fait fautif devrait être alléguée aux procédures2. Notons le remplacement de l’expression « commission du fait préjudiciable » que l’on retrouvait sous l’ancien
Code par « fait générateur du préjudice ».
1. Fournier c. Clément, [2006] R.J.Q. 1351, [2006] J.Q. no 4865 (C.A.).
2. Acadia Subaru c. Michaud, 2012 QCCS 5669, [2012] J.Q. no 12805; Groupe Enico inc. c.
Agence du revenu du Québec, 2012 QCCS 6987.
5. Personne au nom de qui une partie agit comme administrateur du bien
d’autrui, prête-nom, à titre de subrogé ou de cessionnaire
72. Objectif – Cette disposition vise à étendre le droit d’interroger non seulement au
demandeur lui-même, mais également à la personne au nom de qui le demandeur agit,
laquelle est généralement celle qui est la plus au courant des faits du dossier. Songeons
au seul actionnaire et administrateur d’une société faillie lorsqu’un recours est intenté
par un syndic ou à l’assuré dans le cadre de l’exercice d’un recours subrogatoire par
l’assureur1.
1. Merrill Lynch Canada Inc. c. Richter & associés Inc., [2000] J.Q. no 3754 (C.A.).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 30
22 / 30
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
6. Tiers
73. Droit d’exception – Le droit d’interroger un tiers au préalable est un droit d’exception puisque, rappelons-le, le principe veut qu’un témoin soit entendu devant le tribunal1.
L’ar ticle 221 C.p.c. (2014) prévoit maintenant la possibilité d’interroger un tiers sans qu’il
soit nécessaire d’obtenir la permission du tribunal lorsque le tiers et les autres parties y
consentent. En l’absence de consentement, l’autorisation du tribunal demeure requise. Le
tribunal jouit cependant d’une grande discrétion à cet égard.
1. Allstate Insurance c. Sarrieu, [1986] R.D.J. 457, [1986] J.Q. no 1213 (C.A.); Tessier c.
Société Radio- Canada, B.E. 2001BE-5, no AZ- 01026005 (C.S.); Alumico Architectural
inc. c. Hydro- Québec, 2011 QCCS 2892, [2011] J.Q. no 6911; Acadia Subaru c. Michaud,
2012 QCCS 5669, [2012] J.Q. no 12805.
74. Fardeau de la preuve – Même si les tribunaux interprètent largement les dispositions
permettant d’interroger un tiers, il appartiendra à la partie qui demande la permission
d’interroger de démontrer, à la satisfaction du tribunal, que le tiers peut fournir des renseignements utiles et pertinents et qu’il est nécessaire de l’interroger au préalable pour les
obtenir1. Pour ce faire, il sera nécessaire d’alléguer les raisons justifiant le tribunal d’exercer
cette discrétion2. Une partie ne pourrait se limiter à alléguer que le tiers est au courant de
certains faits et qu’elle a intérêt à l’interroger.
1. Pascan Aviation inc. c. Développement de l’aéroport de St-Hubert de Longueuil, 2011
QCCS 6032, [2011] J.Q. no 16647; Promutuel Haut St-Laurent, Société Mutuelle d’assurances générales c. Desjardins, 2011 QCCS 5534, [2011] J.Q. no 15218.
2. Steinberg Inc. c. Lamat Investment Inc., J.E. 89-1620, [1989] J.Q. no 1879 (C.A.); Hôtel
de la Grande-Allée Inc. c. Canada Permanent Trust Company, [1985] R.D.J. 608, [1985]
J.Q. no 592 (C.A.); Atelier d’usinage G.D. Inc. c. Produits d’énergie du Canada Inc.,
[1994] R.D.J. 172, [1993] J.Q. no 2254 (C.A.); Couture c. Cantin, [1993] R.D.J. 229, [1992]
J.Q. no 2002 (C.A.); National Bank of Greece c. Maris, 2007 QCCS 334, [2007] J.Q. no 651;
Lazaro c. Parc six flags Montréal Inc., 2006 QCCQ 6919, [2006] J.Q. no 7237; Valois c.
Lafleur, no AZ-50159206 (C.S.); Investissements André et Yvon Dupuis Ltée c. General
Accident compagnie d’assurance du Canada, J.E. 95-1060, [1995] J.Q. no 3448 (C.S.);
Raffiani c. Mailhot, J.E. 85-865, [1985] J.Q. no 614 (C.S.); 9149-9442 Québec inc. c. 92524396 Québec inc., 2013 QCCS 1079.
75. Nécessité d’obtenir l’autorisation du tribunal – La protection de la vie privée
demeure l’une des pierres angulaires de notre système judiciaire. À moins d’y consentir,
une personne ne pourra être contrainte de révéler des informations ou de communiquer
des documents que si la loi l’exige ou si un tribunal l’ordonne. Ainsi, l’avocat ne pourra
pas simplement procéder par subpoena pour contraindre un tiers à lui communiquer des
documents sans avoir obtenu, a priori, son consentement ou l’autorisation du tribunal1. La
partie qui souhaite interroger un tiers pour obtenir la communication de documents devra
aussi, en l’absence de consentement du témoin et des autres parties, obtenir l’intervention
préalable du tribunal pour que ce dernier s’assure que cette demande se limite à ce qui est
pertinent et nécessaire.
1. Art. 221 in fine C.p.c. (2014), Migaszewski c. 9092-98960 Québec Inc., 2008 QCCS 5008,
[2008] J.Q. no 10658; McCue c. Younes, J.E. 2002-2128, [2002] J.Q. no 9277 (C.S.).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 31
22 / 31
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
76. Contenu de la demande pour permission d’interroger – La partie qui requiert
l’autorisation du tribunal afin d’interroger un tiers hors cour se doit d’alléguer les motifs
justifiant de déroger au principe suivant lequel les témoins sont interrogés lors du procès.
Ces motifs serviront d’appui au tribunal appelé à exercer sa discrétion afin d’analyser
l’utilité de l’interrogatoire et, plus particulièrement, en quoi il est nécessaire afin d’obtenir l’information recherchée1. En guise d’exemple, l’interrogatoire d’un témoin fut permis
parce que la partie n’était pas en mesure de témoigner sur les circonstances de l’accident2.
1. Rousseau c. Optimum Assurances Agricole Inc., J.E. 2005-1867, [2005] J.Q. no 5959 (C.S.);
9022-9444 Québec Inc. c. Compagnie d’assurance Transamérica du Canada, [2000]
R.R.A. 519, [2000] J.Q. no 7209 (C.S.).
2. Longpré c. Ferme A & A Lachance Enr., B.E. 2004BE-575, REJB 2004- 61043, [2004]
J.Q. no 4794 (C.S.).
77. Protocole de l’instance – L’interrogatoire du tiers doit normalement être prévu au
protocole de l’instance. Si, nous l’avons vu, les parties peuvent convenir de modifier le
protocole de l’instance afin de faciliter le déroulement de l’instance, nous ne croyons pas
qu’une telle modification puisse aller à l’encontre d’une décision spécifique du tribunal
rendue en vertu de l’article 158 du Code. Ainsi, si le juge a fixé les conditions des interrogatoires préalables ou en a limité le nombre, nous sommes d’avis que les parties ne pourraient
modifier le protocole de l’instance pour prévoir l’interrogatoire d’un tiers. L’autorisation
du tribunal serait alors requise conformément à l’ar ticle 150 C.p.c. (2014).
78. Avant la déclaration commune – À moins que la partie ne soit en mesure de justifier
son retard, la permission d’interroger un tiers ne sera pas accordée, en principe, si elle est
présentée après la mise en état du dossier1.
1. Rousseau c. Optimum Assurances Agricole Inc., J.E. 2005-1867, [2005] J.Q. no 5959 (C.S.);
Thibault c. Turgeon, B.E. 98BE-1038, no AZ-98026543 (C.S.).
79. Critères pour obtenir l’autorisation – Le tribunal dispose d’une large discrétion pour
examiner les motifs allégués afin d’obtenir l’autorisation. Il devra être convaincu que la
preuve des faits recherchés peut avoir un impact sur l’issue du dossier1.
Rappelons que l’objectif de l’interrogatoire préalable n’est pas de remplacer le procès2. Il
faut également préciser que les faits allégués peuvent reposer sur le témoignage de personnes autres que le demandeur lui-même. Cela ne justifie cependant pas d’interroger
au préalable tous ces témoins. Le tribunal n’hésitera donc pas à refuser une permission
d’interroger un tiers si le but poursuivi de la demande est simplement d’obtenir un moyen
de preuve plutôt que la découverte des faits3. La seule pertinence de l’information recherchée n’est pas un élément suffisant en soi pour justifier la permission d’interroger. Encore
faut-il que l’information ne puisse être obtenue directement des parties elles-mêmes4. La
demande sera également refusée si le seul objectif consiste à attaquer la crédibilité d’une
partie5. Par contre, il peut exister des circonstances où le rôle joué par le tiers est tellement
important que cela justifie qu’il soit interrogé avant la partie elle-même6.
1. Groupe Enico inc. c. Agence du revenu du Québec, 2012 QCCS 6987.
2. Fillion c. Charbonneau, no AZ-50177784, [2003] J.Q. no 6560 (C.S.).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 32
22 / 32
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
3. 9022-9444 Québec Inc. c. Compagnie d’assurance Transamérica du Canada, [2000]
R.R.A. 519, [2000] J.Q. no 7209 (C.S.).
4. Brodeur c. Lévesque, 2013 QCCQ 11522.
5. Tessier c. Société Radio- Canada, no AZ-01026005 (C.S.); Mylonopoulos c. Stamatopoulos,
B.E. 2005BE-504, no AZ-50312746 (C.S.).
6. Lessard c. Financière GMSL inc., 2011 QCCS 4470, [2011] J.Q. no 11305; Szpiro c. Gigante,
2012 QCCS 6081.
80. Conditions de l’interrogatoire – Le législateur a accordé à l’article 158(3) C.p.c. (2014)
le pouvoir au tribunal de fixer les conditions d’un interrogatoire. Les articles 397 et 398 C.p.c.
(ancien) prévoyaient également que le tribunal autorise l’interrogatoire d’un tiers « aux conditions qu’il détermine ». Bien que la notion de « conditions » puisse être interprétée comme
permettant au tribunal de circonscrire les sujets abordés lors de l’interrogatoire du tiers, il
ressort du contexte que les conditions sont essentiellement des conditions matérielles, tels
le lieu, la durée, les frais, l’éloignement du témoin ou des circonstances d’ordre médical1.
1. Delisle c. Cossette, 2002 CanLII 23221, no AZ-50148932 (C.S.).
81. Expert – Il est parfois utile de procéder à l’interrogatoire d’un expert qui n’est pas
l’expert mandaté par une partie, mais un tiers qui, de par sa profession, a été amené à faire
certaines constatations ou à préparer un rapport. Ainsi, un expert pourrait posséder des
informations sur l’état d’un immeuble ou sur la nature de travaux réalisés. Tout comme
l’expert de la partie, le tiers-expert sera contraignable pour témoigner sur les faits à sa
connaissance personnelle ou pour donner communication des documents consultés pour
fins de la préparation de son rapport1. Il ne pourra cependant être contraint de produire
son rapport, de faire état des étapes de son enquête ou de donner son opinion2, l’objectif
n’étant pas d’établir le bien-fondé de son opinion.
1. Compagnie d’assurance Allianz du Canada c. Bourdages, B.E. 2000BE-219, no AZ00026094 (C.S.); Citadelle Compagnie d’Assurance c. Normand, J.E. 2003-118, [2002]
J.Q. no 5456 (C.S.).
2. Fulton c. Reinblatt, J.E. 2003-1377, [2003] J.Q. no 5591 (C.S.); L’Ancienne-Lorette (Ville
de) c. Drolet Zérounian, architectes s.e.n.c., J.E. 2002-307, no AZ-50110433 (C.S.).
82. Communication de documents – Il est possible de requérir d’un tiers la communication de documents lors de son interrogatoire. Par contre, les tribunaux font preuve de
réticence lorsqu’il est question d’exiger d’un tiers qu’il procède à un travail d’analyse ou à la
confection d’un document qui n’existe pas ou à tout le moins pas dans la forme demandée1.
1. Commission scolaire des Affl uents c. Québec (Commission des droits de la personne),
2006 QCCA 81, [2006] J.Q. no 479; Mutuelle du Canada c. Compagnie d’Assurance-Vie
Manufacturers, [1987] R.D.J. 192, [1987] J.Q. no 286 (C.A.).
83. Représentation du tiers lors de l’interrogatoire – Le tiers qui est interrogé pourra
être assisté par un procureur. Ce dernier ne pourra toutefois pas représenter le témoin ou
intervenir durant l’interrogatoire. Il ne pourra pas en principe s’objecter aux questions
posées au témoin. La seule exception que semblent envisager les tribunaux serait celle
où le témoin voudrait soulever un privilège prévu par la loi et qu’il ne peut le faire luimême. Le procureur représentant le témoin ne pourra pas non plus poser de questions à
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 33
22 / 33
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
son client1. Les problèmes de cette nature gagneraient également à être soumis à un juge
avant le début de l’interrogatoire.
1. Landry c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2008 QCCQ 1159, [2008] J.Q. no 1572.
7. Possibilité de réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé
84. Principe – L’autorisation du tribunal sera, à moins que les parties n’y consentent,
requise pour pouvoir réinterroger un témoin qui a déjà été interrogé.
85. Production de nouvelles pièces – La production d’un rapport d’expertise supplémentaire ou de nouvelles pièces constitue une preuve nouvelle pouvant justifier la tenue d’un
nouvel interrogatoire de la partie qui le produit1.
1. Lavoie c. Gaudreault, 2008 QCCS 3240, [2008] J.Q. no 6787.
8. Possibilité d’interroger plus d’une personne
86. Interrogatoire de plus d’un représentant d’une partie – Une partie peut interroger plus d’un représentant d’une partie si elle démontre que les faits sont connus par plus
d’une personne et qu’elle établit la nécessité de procéder à un tel interrogatoire1. Ce sera
notamment le cas lorsque plusieurs employés sont au courant des faits. Cette démarche
n’est pas soumise à une autorisation préalable à moins que l’autre partie ne s’y objecte2. En
principe, le fait que plus d’un témoin soit interrogé devrait être mentionné au protocole.
Si la demande d’interroger plus d’un représentant est contestée, le fardeau de la preuve
reposera sur les épaules de celui qui réclame le droit d’interroger une autre personne. Il lui
faudra établir la nécessité de procéder à un autre interrogatoire et alléguer les faits qui le
justifient. La règle de la proportionnalité prévue à l’ar ticle 18 C.p.c. (2014) exige cependant
de faire preuve de circonspection lorsqu’il est question d’interroger plus d’un représentant
d’une partie3. Ainsi, il a été décidé que le fait qu’un témoin dont l’interrogatoire n’est pas
terminé prend sa retraite ne justifie pas d’interroger un autre représentant de la partie4.
Le juge de première instance dispose d’une grande discrétion lorsque vient le moment
d’autoriser l’interrogatoire de plus d’un représentant d’une partie5. Ainsi, afin d’éviter de
déplacer inutilement un nombre important de témoins, les tribunaux peuvent permettre au
représentant d’une partie qui est interrogé de témoigner sur certains faits qui ne sont pas
à sa connaissance personnelle, mais sur lesquels d’autres employés pourraient témoigner.
Songeons à un représentant d’un assureur qui ferait état des notes au dossier inscrites par
d’autres employés6 ou aux notes du personnel infirmier dans un dossier médical.
Nous pouvons également nous interroger relativement à l’impact du fait que plus d’un
témoin représentant une partie soit interrogé sur la durée de l’interrogatoire de chacun.
Le délai prévu à l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) semble viser chaque interrogatoire individuellement. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une question où le tribunal pourrait exercer
le pouvoir de gestion conféré par l’ar ticle 158(3) du Code et autoriser l’interrogatoire de
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 34
22 / 34
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
plus d’un représentant en autant que le temps total d’interrogatoire n’excède pas le temps
alloué par le législateur en fonction de la valeur du dossier.
1. Twelve-Fifty Company Ltd. c. Avogesco Inc., 2006 QCCS 5588, [2006] J.Q. no 18883;
Gingras c. Centre hospitalier universitaire de Québec, B.E. 2000BE-220, no AZ-00026093
(C.S.); Comité du régime de retraite des employées et employés de la Ville de Sherbrooke
c. Mercer Consultation en ressources humaines ltée (Mercer (Canada) ltée), 2011 QCCS
5403, [2011] J.Q. no 14789; Prelco inc. c. 63362222 Canada inc. (Le Groupe Créatech),
2012 QCCS 5367, [2012] J.Q. no 11258.
2. 9055-5947 Québec inc. c. Centre de réadaptation de l’Estrie inc., 2012 QCCS 2278, [2012]
J.Q. no 4845.
3. National Bank of Greece c. Maris, 2007 QCCS 334, [2007] J.Q. no 651.
4. Vennat c. Canada (Procureur général), 2006 QCCS 2691, [2006] J.Q. no 4708.
5. Tardif c. Hyundai Motor America, 2005 QCCA 992, [2005] J.Q. no 15573; Rousseau Sauvé
Warren c. Régie des installations olympiques, J.E. 2004-2041, [2004] J.Q. no 11006 (C.A.).
6. Canadian Pacific Railway c. Blais, [1969] C.S. 466; Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608.
D. Qui peut interroger?
1. Parties principales
87. Les parties – L’ar ticle 221 C.p.c. ne fait plus la distinction entre l’interrogatoire avant
et après défense. Les parties au litige pourront donc procéder à l’interrogatoire au moment
prévu au protocole de l’instance. Autrefois, la portée de l’interrogatoire étant différente
avant et après défense, la décision d’interroger le demandeur après défense plutôt qu’avant
faisait partie de la stratégie du procureur. Puisque l’interrogatoire préalable porte maintenant sur tous les faits se rapportant au litige et les éléments de preuve qui le soutiennent,
rien, si ce n’est des considérations pratiques, ne justifierait le défendeur à reporter après
défense son interrogatoire du demandeur.
88. Recours en garantie – L’article 221 C.p.c. (2014) donne le droit aux parties de procéder
à des interrogatoires dans le cadre de l’instance. Étant donné que le recours en garantie
est distinct de l’instance principale, le défendeur en garantie qui souhaite interroger le
demandeur principal devrait en principe requérir l’autorisation du tribunal1. La possibilité d’interroger des tiers de consentement évitera en principe des débats à ce niveau, les
parties consentant généralement à ce que l’interrogatoire se tienne conjointement dans les
deux instances, surtout si celles-ci seront éventuellement réunies pour audition commune,
et ce, afin d’éviter la multiplication des déplacements et des coûts.
1. Stikeman c. Danol Holdings Inc., [1991] R.D.J. 360, [1991] J.Q. no 718 (C.A.); Banque
Nationale du Canada c. Hamelin, J.E. 93- 806, [1993] J.Q. no 2557 (C.Q.); Plourde c.
Promutuel Rivière-du-Loup, 2013 QCCS 5596.
2. Autres parties
89. Tiers impliqué dans une procédure incidente – L’interrogatoire préalable ne
sera pas ouvert à un tiers qui désire contester une requête en cours d’instance, tel le
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 35
22 / 35
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
saisissant qui souhaiterait contester la requête d’un tiers en opposition à une saisie
avant jugement1.
1. A. Amyot et Fils Ltée c. Robillard, B.E. 2001BE- 443, no AZ-50084783 (C.Q.).
E. Étendue et portée de l’interrogatoire
90. Objectif global – L’interrogatoire préalable vise à permettre à une partie d’obtenir du
témoin les éléments nécessaires pour prendre position dans le dossier, limiter les points
en litige, et ce, dans l’optique de faire progresser le dossier. Ainsi, l’interrogatoire vise à
favoriser la divulgation de la preuve, à explorer la crédibilité des témoins et, potentiellement, à obtenir des aveux1.
1. Commercial Union c. Nacan Products Ltd., [1991] R.D.J. 399, [1991] J.Q. no 818 (C.A.).
91. Durée – L’intervention du législateur au niveau de la durée de l’interrogatoire préalable
représente un changement important au niveau des interrogatoires préalables à l’instruction
puisque antérieurement, la durée des interrogatoires était à la discrétion de la partie qui
interrogeait. Les objections sur la pertinence et la possibilité de demander l’intervention
du tribunal pour empêcher les abus venaient encadrer indirectement la durée.
L’ar ticle 229 du Code vient maintenant fixer une durée limite aux interrogatoires, la durée
ainsi imposée par le législateur ne pouvant être excédée sans l’autorisation du tribunal.
Ainsi, dans le cas des affaires où la valeur en litige est inférieure à 100 000 $ ou en matière
familiale, les interrogatoires ne pourront excéder trois heures, les parties pouvant, en cours
d’interrogatoire, prolonger la durée à quatre heures.
Le même principe s’applique aux dossiers où la valeur en litige est supérieure à 100 000 $.
La durée d’interrogatoire maximale étant alors de cinq heures et pouvant être prolongée
de consentement à sept heures.
Le tribunal pourra, en vertu des pouvoirs conférés à l’ar ticle 158 C.p.c., fixer d’autres
conditions pour les interrogatoires, mais ne devrait pas pouvoir réduire les durées allouées
par le législateur.
1. Étendue
92. Portée élargie – Autrefois, l’interrogatoire tenu en vertu de l’article 397 C.p.c. (ancien)
se limitait aux faits se rapportant à la demande1. Cette expression réfère aux faits contenus
dans la requête introductive d’instance par opposition à des faits non allégués qui feront
l’objet d’allégations éventuelles dans une défense2. Essentiellement, l’interrogatoire avant
défense avait pour but de contrôler le bien-fondé de la requête introductive d’instance. Les
questions posées devaient être en lien avec les allégations de la demande3. L’interrogatoire
après défense portait, quant à lui, sur l’ensemble des faits en litige tels qu’allégués dans
les procédures.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 36
22 / 36
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
En adoptant l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), le législateur a fait disparaître cette distinction en
prévoyant désormais que l’interrogatoire écrit ou oral portera sur tous les faits pertinents
se rapportant au litige et aux éléments de preuve qui les soutiennent. L’interrogatoire
permettra également d’obtenir communication d’un document. Ce changement facilitera
la gestion efficace des dossiers, évitant multiples objections sur la portée de l’interrogatoire.
1. Ramsay c. 9226-7558 Québec inc., 2013 QCCS 1087.
2. Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Banque Royale du Canada, [1993]
R.J.Q. 1072, [1993] J.Q. no 625 (C.A.); La Maritime Compagnie d’Assurance c. Centre du
Camion et Ressorts Charland, J.E. 98- 0231, [1997] J.Q. no 4354 (C.A.); Conseil québécois
sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2006 QCCS 7251, [2006] J.Q. no 16727;
Hyman Wienstein c. Swift Canadian Co. Ltd, [1976] C.A. 253, [1976] J.Q. no 173; Scarpelli
c. Montréal Trust, [1975] J.Q. no 25 (C.A.).
3. Sino Publishing House c. Tormont Publications Inc., B.E. 2004BE- 644, no AZ- 04019145
(C.A.).
93. Crédibilité du témoin – L’interrogatoire visera donc à renseigner la partie qui interroge sur les faits allégués et à obtenir communication de certains documents. En principe,
l’interrogatoire préalable permettra également de vérifier la crédibilité du témoin en le
confrontant par exemple à des déclarations antérieures. Les questions relatives à la crédibilité devront cependant être pertinentes et viser une cause de reproche précise dont la partie
soupçonne l’existence. Les questions ne pourront avoir pour but d’humilier le témoin1.
1. Fonds d’indemnisation des victimes d’accidents d’automobile c. Agnesi, J.E. 80-993, no AZ80011164 (C.A.).
2. Confidentialité
94. Confidentialité d’un interrogatoire – Le caractère exploratoire de l’interrogatoire
préalable présuppose un engagement de confidentialité de la part de ceux qui y assistent.
Ainsi, pour reprendre les propos du juge Binnie dans l’arrêt Juman c. Doucette1 :
L’idée générale est que métaphoriquement, tout ce qui est divulgué dans la
pièce où se déroule l’interrogatoire préalable reste dans cette pièce, sauf si cela
est finalement révélé en salle d’audience ou suite à une ordonnance judiciaire.
À moins bien entendu que la partie use de sa prérogative lui permettant de produire
l’interrogatoire au dossier de la Cour.
En principe, les parties au litige s’engagent donc à ne pas utiliser les documents ou les
renseignements obtenus lors de l’interrogatoire à d’autres fins que celles de l’instance au
cours de laquelle ils ont été recueillis, et ce, même si les informations ne sont pas en soi
de nature confidentielle. L’objectif est donc de limiter à ce stade des procédures l’atteinte
à la vie privée en balisant celle-ci à ce qui est nécessaire aux fins de la préparation du
procès. Rappelons que même si l’ar ticle 228 C.p.c. (2014) impose certaines contraintes au
niveau des objections, le témoin pourra refuser de répondre à des questions qui porteraient
atteinte à ses droits fondamentaux ou à un intérêt légitime important.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 37
22 / 37
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
L’interrogatoire préalable n’étant pas une audience, l’information obtenue lors de celuici ne doit pas être communiquée au public ou aux médias à moins que le tribunal n’en
décide autrement2. Précisons cependant que cette règle de confidentialité ne protège que
l’information obtenue grâce à l’interrogatoire et non celle qui serait autrement disponible
au public. La confidentialité de l’interrogatoire au préalable empêchera également que son
contenu soit utilisé dans une instance criminelle3. Il ne sera donc pas davantage possible,
sauf exception, de référer à un interrogatoire tenu dans une autre instance et qui n’aurait pas
été déposé4. La nature privée de l’interrogatoire préalable a même été interprétée comme
pouvant empêcher le demandeur principal d’assister aux interrogatoires préalables dans
l’instance en garantie et de recevoir les documents qui y sont échangés5.
1. Juman c. Doucette, [2008] 1 R.C.S. 157, [2008] A.C.S. no 8.
2. Lac de l’Amiante du Québec Ltée c. 2858- 0702 Québec Inc., [2001] 2 R.C.S. 743, [2001]
A.C.S. no 49; Crane c. Sécurité Nationale Compagnie d’Assurance, [2005] R.J.Q. 56, [2004]
J.Q. no 13746 (C.A.); Chabot c. Provident Compagnie d’Assurance-Vie, J.E. 2004-1336,
[2004] J.Q. no 6974 (C.S.); Garmaise c. Scotia Capital inc., 2012 QCCS 5946.
3. Bergeron c. Tremblay, 2012 QCCA 1301, no AZ-50874425, [2012] J.Q. no 6889.
4. Grenier c. Arthur, [2001] R.J.Q. 674, [2001] J.Q. no 1170 (C.S.).
5. Brochu c. Société des loteries du Québec, 2008 QCCS 132, [2001] J.Q. no 1170.
95. Autorisation du tribunal – L’engagement de confidentialité est en fait un engagement
d’origine judiciaire1. Le tribunal pourra donc, lorsque les circonstances le justifient, relever
une partie de cet engagement2.
1. Paysystems Corporation c. Pago Etransaction Services, 2008 QCCA 714, [2008] J.Q. no 2915.
2. Girard c. Canadian Broadcasting Corp., [2005] R.J.Q. 2937, [2005] J.Q. no 16047 (C.S.).
96. Exclusion des témoins – Le corollaire de cet engagement de confidentialité est que
l’exclusion des témoins pendant l’interrogatoire semble justifiée1. Une telle demande ne
pourra bien entendu s’étendre aux parties2.
1. Immeubles Jutland Ltée c. Da Costa Charron, [1980] R.P. 291, [1980] J.Q. no 149 (C.A.);
Poly-Mécanique Inc. c. Groupe Innovation 2000 Inc., J.E. 2003-570, [2003] J.Q. no 352
(C.Q.).
2. De Stefano c. De Stefano, J.E. 2001- 657 (C.S.).
3. Demande de communication de documents
97. Expédition de pêche et communication d’écrits – L’interrogatoire préalable ne
doit pas être vu comme une expédition de pêche1. Les écrits demandés en vertu de l’article 221 C.p.c. (2014) devront être « utiles, appropriés et susceptibles de faire progresser
le débat »2. La jurisprudence considérait que la demande de communication de documents
présentée en vertu de l’ar ticle 398 C.p.c. (ancien) ne devait pas être interprétée comme permettant de forcer la partie adverse à dévoiler ses moyens de preuve ou le nom des témoins
indépendants3. Ainsi, la liste des documents requis devra être circonscrite, l’objectif n’étant
pas de conférer à une partie la possibilité de faire une vérification interne dans les dossiers de l’autre partie dans le seul but de bonifier sa position4. Les critères utilisés par les
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 38
22 / 38
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
tribunaux5 pour déterminer la pertinence d’une question ou d’une demande de documents
pouvaient se résumer comme suit :
1) la demande doit se rapporter au litige;
2) la divulgation de cette preuve est de nature à faire progresser le débat en mettant à
la portée de celui qui interroge des faits ou des écrits dont il n’a pas déjà connaissance personnelle ou une possession actuelle;
3) les questions posées et les documents demandés doivent être suffisamment précis
pour éviter que la recherche de la preuve ne dégénère en expédition de pêche;
4) dans le cas d’un écrit, qu’il fasse preuve en soi.
Quant à ce dernier critère, nous notons un certain assouplissement depuis l’adoption du
Code civil du Québec en 1994 puisque, en guise d’exemple, des rapports contenant à la fois
des faits et des analyses peuvent désormais être admis en preuve à certaines conditions6.
L’écrit dont la communication était requise ne devait pas nécessairement émaner du témoin
mais devait se rapporter au litige7. Il sera également permis de demander à un témoin,
incluant un témoin expert, une copie des documents en sa possession qui ont servi à la
préparation d’un autre document8. La notion d’« écrit » est par ailleurs interprétée largement et peut même inclure la communication d’une vidéocassette9.
Nous pouvons nous interroger sur l’impact qu’aura l’adoption de l’ar ticle 221 du Code eu
égard à la communication des documents. D’une part, l’ar ticle prévoit spécifiquement que
le témoin peut être interrogé non seulement sur les faits en litige, mais également sur les
moyens de preuve qui les soutiennent. Ce changement au texte pourrait donc permettre
de distinguer les décisions qui permettaient de ne pas divulguer un moyen de preuve au
stade de l’interrogatoire.
Le législateur a également choisi de parler de la communication d’un document sans
reprendre la notion de « se rapportant au litige ». Nous pouvons nous interroger sur la
portée de cette modification qui semble inviter à une expédition de pêche dans un contexte
où, au surplus, il n’est plus possible d’empêcher la communication d’un document en soulevant une objection sur la pertinence. Reste à espérer que la durée limitée de certains
interrogatoires et la possibilité de mettre un terme à un interrogatoire abusif permettront
de contrôler les débordements sinon, les tribunaux risquent d’être rapidement submergés
par des objections invoquant les droits fondamentaux ou un intérêt légitime important.
1. Prelco inc. c. 63362222 Canada inc. (Le Groupe Créatech), 2012 QCCS 5367, [2012]
J.Q. no 11258; Unique (L’), assurances générales inc. c. Dussault, 2013 QCCS 5489.
2. Bal Global Finance Corporation c. Aliments Breton du Canada Inc., 2007 QCCS 610,
[2007] J.Q. no 1029.
3. Poulin c. Vaillancourt, J.E. 88-1382, [1988] J.Q. no 2040 (C.A.); Morin c. Axa, J.E. 2006280, [2005] J.Q. no 18743 (C.Q.).
4. Twelve-Fifty Company Ltd. c. Avogesco Inc., 2006 QCCS 5588, [2006] J.Q. no 18883;
Honco c. Société Canadienne de transfert technologique (SCATT) Inc., 2006 QCCS 1624,
[2006] J.Q. no 2757; Bombardier inc. c. Eagle Globe Management Ltd., 2011 QCCS 2737,
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 39
22 / 39
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
5.
6.
7.
8.
9.
[2011] J.Q. no 6473 (requêtes pour permission d’appeler rejetées, 2011 QCCA 1513, [2011]
J.Q. no 10714).
Wise c. Paquin, J.E. 88- 617, [1988] J.Q. no 442; Westinghouse Canada Inc. c. Arkwright
Boston Manufacturer, [1993] R.J.Q. 2735, [1993] J.Q. no 2020 (C.A.); Croteau c. Perreault
Mathieu Cie Ltée, [1990] R.D.J. 217, [1990] J.Q. no 640 (C.A.); Bufete Alvarez Y Asociados
c. Corporation Dexco, 2012 QCCQ 3983, [2012] J.Q. no 4902; Groupe Ledor inc., Mutuelle
d’assurances (Division Lévisienne-Orléans) c. Équipements Berbour inc., 2011 QCCS 6277,
no AZ-50808229, [2011] J.Q. no 17389.
Industries GDS Inc. c. Cabothech Inc., 2005 QCCA 655, [2005] J.Q. no 8748; Société coopérative agricole de St-Damase c. Coopérative Fédérée, 2007 QCCS 317, [2007] J.Q. no 596.
Gerling Global c. Sainte-Foy (Ville de), REJB-9810130 (C.S.), no AZ-99026082 (C.S.).
Gerling Global c. Sainte-Foy (Ville de), REJB-9810130 (C.S.), no AZ-99026082 (C.S.).
Fabrikant c. Légaré, B.E. 2001BE-777, no AZ- 01026346 (C.S.).
98. Document en possession du témoin – En principe, comme c’était le cas sous l’ancien
Code, une demande de communication de documents sous l’ar ticle 221 C.p.c. (2014) ne
permettra pas de forcer un témoin à produire un document qui n’est pas en sa possession,
qui n’existe pas ou qu’il devrait constituer à partir d’autres documents pour satisfaire à
la demande1. La partie qui requiert communication d’un document devra non seulement
établir que les documents existent, mais également qu’ils sont en la possession du témoin
ou, à tout le moins, de la partie2. Le témoin ne doit pas nécessairement être l’auteur du
document3.
1. Construction Ondel Inc. c. Groupe Axor Inc., J.E. 2001-1403, [2001] J.Q. no 3232 (C.S.).
2. Industries GDS Inc. c. Cabothech Inc., 2005 QCCA 655, [2005] J.Q. no 8748.
3. Syndicat les cascades St-Laurent c. Residev Monaco Inc., J.E. 2000-360 (C.S.); Société en
commandite de Copenhague c. Corporation Corbec, 2011 QCCS 39, [2011] J.Q. no 116.
F. Utilisation
1. Qui peut introduire en preuve l’interrogatoire?
99. Partie qui a procédé à l’interrogatoire – L’article 227 C.p.c. (2014) réserve à la partie
qui a procédé à un interrogatoire préalable le droit de décider si elle désire introduire cet
interrogatoire en preuve. Le fait de conserver le contrôle d’un interrogatoire confère à la
partie qui interroge une grande liberté puisqu’elle ne s’expose pas à ce que les réponses du
témoin fassent preuve contre elle. La partie adverse ne pourra la contraindre à produire les
notes sténographiques de l’interrogatoire, mais le témoin interrogé a tout de même droit
d’obtenir une copie des notes1. Ainsi, la partie qui interroge peut sans crainte évaluer les
forces et les faiblesses de son dossier2.
1. Rainville c. Nappert, 2011 QCCS 4263, [2011] J.Q. no 10722.
2. Imperial Tobacco c. Proulx, J.E. 2002-1596 (C.A.); Jolicoeur c. Hippodrome Blue Bonnets
Inc., [1989] R.D.J. 69, [1989] J.Q. no 692 (C.A.); Ridley c. Financière Manuvie, [2000]
R.J.Q. 1880, [2000] J.Q. no 1854 (C.S.).
100. Déclaration antérieure d’un témoin – L’ar ticle 2871 C.c.Q. permet d’introduire en
preuve une déclaration antérieure d’un témoin, non seulement pour porter atteinte à sa
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 40
22 / 40
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
crédibilité, mais également pour valoir comme preuve. Il pourra s’agir indifféremment
d’une déclaration extrajudiciaire ou judiciaire. Cette possibilité est cependant modulée,
comme c’était le cas en vertu de l’ar ticle 398.1 de l’ancien Code, par l’application de l’article 227 C.p.c. (2014) en vertu duquel si la personne comparaît comme témoin, il ne sera
pas permis de lui opposer des déclarations antérieures faites dans le cadre d’un interrogatoire préalable non déposé. En principe, seule la partie qui a interrogé un témoin qui est
décédé avant le procès peut produire son interrogatoire1. Le seul tempérament à ce principe
consisterait à obtenir la permission du tribunal afin de produire les notes sténographiques
d’un interrogatoire tenu par une autre partie au motif qu’il serait désormais impossible
d’obtenir la comparution du témoin2.
1. Compagnie d’assurances Guardian du Canada c. Coméca, J.E. 94-385, [1994] J.Q. no 2640
(C.S.).
2. Ridley c. Financière Manuvie, [2000] R.J.Q. 1880, [2000] J.Q. no 1854 (C.S.); Services de
santé du Québec c. Manoir du Fleuve, REJB 2000-19941 (C.A.).
101. Droit de la partie adverse – Le législateur a cependant réservé à la partie adverse la
possibilité de réclamer de la partie ayant procédé à l’interrogatoire de produire l’intégralité
de ce dernier ou, à tout le moins, des extraits indissociables. L’objectif poursuivi est clairement d’éviter que le dépôt fragmentaire des interrogatoires ait pour résultat de déformer
les propos d’un témoin. Le critère de l’autorisation sera donc le caractère indissociable des
extraits. Un extrait indissociable signifie que :
L’extrait ne peut être relié comme étant apparenté à ce qui est sujet ou objet de la
preuve. Cela veut dire que tout ce qui est admissible ou pertinent en preuve sur
un sujet ouvert par l’interrogeant peut être ajouté aux extraits déposés.1
1. Bal Global Finance Canada Corporation c. Aliments Breton (Canada) inc., 2009 QCCS
4757, [2009] J.Q. no 11745; Lamontagne c. Régie intermunicipale des loisirs de Princeville,
B.E. 2000BE-1017, no AZ- 00026485 (C.S.); Jolicoeur c. Hippodrome Blue Bonnets Inc.,
[1989] R.D.J. 69, [1989] J.Q. no 692 (C.A.).
102. Appropriation des questions de l’autre partie – Il est maintenant d’usage que,
lors d’un interrogatoire dans un dossier impliquant de multiples parties, les autres parties
s’approprient les questions des autres interrogatoires pour les intégrer aux leurs. Certains
voyaient dans cette pratique une limite implicite à leur liberté d’interroger. Or, les tribunaux ont reconnu que la gestion efficace du dossier justifie cette façon de procéder1.
Dans certaines situations, les parties conviennent même à l’avance que les interrogatoires
seront communs, permettant ainsi à chaque partie, sous réserve de la partie interrogée,
de déposer la totalité ou une partie des interrogatoires tenus2. Malgré cette tendance, la
Cour supérieure, dans Alumico Architectural inc. c. Hydro- Québec3, a affirmé que le principe de proportionnalité ne suffit pas pour faire échec au privilège de l’ar ticle 398.1 C.p.c.
(maintenant 227 C.p.c.) à moins d’une autorisation du tribunal ou de l’accord des parties.
Cette question est donc susceptible de faire encore l’objet de débats devant les tribunaux.
1. Pellemans c. Lacroix, J.E. 2008-239, [2007] J.Q. no 14285 (C.S.); Jolicoeur c. Hippodrome
Blue Bonnets Inc., [1989] R.D.J. 69, [1989] J.Q. no 692 (C.A.).
2. Pellemans c. Lacroix, J.E. 2008-2249, [2008] J.Q. no 11104 (C.S.).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 41
22 / 41
2015-04-08 23:14:54
III. Procédure contentieuse
3. 2011 QCCS 5390, [2011] J.Q. no 14622.
103. Force probante de l’interrogatoire – Une fois versé au dossier, l’interrogatoire fera
partie de la preuve au même titre que si le témoin avait été interrogé lors de l’audience. Le
témoin pourra cependant être réinterrogé lors du procès1. Notons que l’interrogatoire ne
sera opposable qu’aux parties qui ont été convoquées à cet interrogatoire à moins qu’elles
n’y consentent 2. L’interrogatoire qui n’a pas été versé au dossier pourra quand même
être utilisé comme déclaration antérieure afin d’attaquer la crédibilité du témoin lors de
l’audience3. Il appartiendra au tribunal d’en apprécier la crédibilité. Enfin, la partie qui a
produit un interrogatoire pourrait être forclose de s’objecter à certaines questions lors de
l’audition si elle a elle-même interrogé sur des faits inadmissibles en preuve lors du procès4.
1.
2.
3.
4.
Art. 279 C.p.c. (2014).
Pépin c. Grimard, [1964] B.R. 022.
Art. 2071 C.c.Q.
Iarrera c. Iarrera, [1987] R.D.J. 223, [1987] J.Q. no 831 (C.A.).
104. Interrogatoire tenu dans un dossier connexe – La production des notes sténographiques d’un interrogatoire tenu dans un dossier connexe entre certaines parties identiques peut être autorisée, sous réserve de permettre aux procureurs qui n’auraient pas
eu la possibilité d’interroger le témoin dans le dossier connexe de lui poser des questions
additionnelles afin de compléter ledit interrogatoire1.
1. Constructions Lavacon inc. c. Hydro- Québec, 2011 QCCS 6793, [2011] J.Q. no 19222.
III.
INTERROGATOIRE DES TÉMOINS HORS LA PRÉSENCE DU
TRIBUNAL (art. 295 et 296 C.p.c. (2014))
105. Principe – En règle générale, l’ar ticle 279 C.p.c. (2014) prévoit que les témoins seront
interrogés à l’audience, c’est-à-dire en présence du juge. Cela permet notamment au tribunal d’apprécier la crédibilité du témoin. Exceptionnellement, le législateur permettra
que le témoignage soit recueilli hors cour. Ce sera notamment le cas lors d’interrogatoires
préalables produits au dossier de la cour, de commissions rogatoires et d’interrogatoires
hors cour.
A. Conditions du droit d’interroger et limites
1. À quel moment?
106. À quel moment? – L’interrogatoire des témoins hors la présence du tribunal peut se
faire en tout état de cause. Le fait que les parties conviennent de la tenue d’un tel interrogatoire dans le cadre du protocole de l’instance est suffisant. Il ne sera donc pas nécessaire
d’obtenir l’autorisation de la cour pour interroger un tiers à moins que cette demande ne
soit contestée par l’autre partie1. L’interrogatoire d’un témoin hors la présence du tribunal
pourrait même être décidé lors de l’instruction ou même après si un témoin n’a pu, pour
des raisons de maladie ou autres, se présenter au procès2.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 42
22 / 42
2015-04-08 23:14:54
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
1. Cerisière c. Proulx, 2005 QCCA 690, [2005] J.Q. no 9930.
2. Art. 287 C.p.c. (2014).
2. Convocation
107. Du consentement des parties – Les parties peuvent convenir qu’un témoin sera
entendu hors cour, sauf en matière de recours collectif où l’autorisation de la cour est
requise par l’ar ticle 587 C.p.c. (2014).
108. Avec l’autorisation du tribunal – À défaut d’entente, le tribunal pourra, à la demande
d’une partie, permettre l’interrogatoire d’un témoin hors cour.
3. Motifs
109. Recours d’exception – Il convient de rappeler toutefois que l’ar ticle 296 C.p.c. (2014)
déroge à la règle générale prévue à l’ar ticle 279 C.p.c. (2014) voulant qu’un témoin soit
entendu devant le tribunal. Lorsque saisi d’une demande d’autorisation pour interroger
un témoin hors cour, le tribunal devra donc s’assurer que les motifs justifiant la demande
d’interrogatoire sont sérieux et valables et que le fait d’autoriser l’interrogatoire n’aura pas
pour conséquence d’imposer un fardeau plus onéreux à l’une des parties1. Il est en principe
souhaitable pour une saine administration de la preuve que les témoins soient entendus
devant le tribunal dans un ordre logique par rapport aux autres témoins et aux pièces. Le
juge peut ainsi apprécier la crédibilité du témoin, trancher sur-le-champ les objections
soulevées et poser les questions qu’il juge nécessaires au témoin.
Permettre l’interrogatoire hors cour du témoin soulève également le risque qu’une partie
veuille reprocher ce témoin en se servant de certains éléments qui n’auront pas encore été
mis en preuve, tous les témoins n’ayant pas été entendus et toutes les pièces n’étant pas
encore produites officiellement au dossier de la cour. L’ensemble de ces préoccupations
devront être pondérées par le tribunal au moment de déterminer s’il doit accorder ou non
l’autorisation d’interroger. Il est donc permis d’affirmer que l’autorisation recherchée est
exceptionnelle2.
1. Robinson c. Weinberg, B.E. 2005BE-764, no AZ-50317616 (C.S.); Mathieu c. Marcotte,
[1968] C.S. 233, [1968] J.Q. no 23.
2. National Bank of Greece c. Maris, 2007 QCCS 334, [2007] J.Q. no 651; Centre hospitalier
Robert- Giffard c. Hôpital du Sacré- Cœur, J.E. 90- 461, [1990] J.Q. no 2598 (C.S.).
110. Motifs – Plusieurs raisons peuvent amener les parties à convenir d’interroger un
témoin hors cour. Ainsi, parmi les plus fréquentes, l’état de santé du témoin1, sa nondisponibilité au moment du procès ou même parfois des considérations financières peuvent
justifier cette décision. Les parties peuvent, par exemple, convenir de faire la preuve du
quantum hors cour afin de réduire le temps de présence des experts au procès, notamment
dans les dossiers où la crédibilité de ces témoins n’est pas en cause. Il faut cependant retenir
que si cette demande est contestée, il appartiendra alors à la partie qui requiert l’autorisation de faire la démonstration devant le tribunal des motifs allégués.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 43
22 / 43
2015-04-08 23:14:55
III. Procédure contentieuse
1. Droit de la famille – 13278, 2013 QCCS 495, no AZ-50935791 (C.S.).
111. État de santé – Si le motif invoqué est l’état de santé d’un témoin, il sera nécessaire
de soumettre une preuve médicale établissant la probabilité que l’état de santé du témoin
se dégrade et ne lui permette pas d’être présent au procès. Dans le cas d’un interrogatoire
ad futuram memoriam, il faudra démontrer qu’il existe une probabilité que le témoin
décède avant que la cause ne procède. À cet égard, les tribunaux ont considéré qu’une
simple appréhension hypothétique ne sera pas suffisante1.
Précisons que le législateur a prévu des modalités particulières pour favoriser le témoignage d’un témoin malade. Ainsi, l’ar ticle 296 C.p.c. (2014) prévoit que si le handicap ou
la maladie d’un témoin l’empêche de se rendre à l’audition, le tribunal peut, même d’office,
ordonner que l’interrogatoire se tienne à distance par un moyen technologique ou nommer
un commissaire pour recueillir son témoignage.
1. Robinson c. Weinberg, B.E. 2005BE-764, no AZ-50317616 (C.S.).
112. Âge – De la même façon, le simple fait qu’un témoin soit âgé et qu’une partie craigne
qu’il ne soit pas disponible lors du procès ne sera pas en soi suffisant pour justifier un
interrogatoire sous l’ar ticle art. 295 C.p.c. (2014) en l’absence d’une preuve médicale1.
L’interrogatoire d’un tiers a cependant été permis lorsque la preuve révélait que le témoin
était âgé et que la tenue de l’enquête n’était pas envisageable avant un long délai2.
1. Hudon c. Lamontagne, J.E. 2001-745 (C.S.).
2. Isoco Construction c. Caplan (Municipalité de), B.E. 2000BE-103, no AZ-00026054 (C.S.);
Thibault c. Bussières, 2011 QCCS 4988, [2011] J.Q. no 13312.
113. Stress – Une partie qui, pour des raisons médicales, n’est pas en mesure de subir le
stress d’un procès, pourrait également être interrogée hors cour. En effet, dans Laberge c.
Laberge1, le juge a eu recours à l’ar ticle 404 de l’ancien Code (art. 295 C.p.c. (2014)) pour
régler une impasse dans un dossier où la demanderesse demandait une remise du procès
parce qu’elle ne pouvait supporter le stress de celui-ci. Or, permettre une remise pour ce
motif plaçait le défendeur dans une situation intenable, retardant possiblement indéfiniment
la tenue de l’audition. L’ar ticle 404 C.p.c. a donc permis d’offrir une alternative dans la
mesure où la demanderesse ne souhaitait pas se désister de son recours.
1. Laberge c. Laberge, REJB 1999-11227 (C.S.).
114- L’éloignement – L’éloignement du témoin pourrait en principe justifier une demande
d’interrogatoire hors la présence du tribunal. Or, l’ar ticle 296 C.p.c. (2014) prévoit que
dans une telle situation, le tribunal peut ordonner, même d’office, que le témoignage soit
recueilli par un moyen technologique ou par un commissaire.
115- L’objet du témoignage – L’objet du témoignage peut également être considéré parmi
les motifs justifiant d’accorder ou non l’autorisation d’interroger un témoin hors la présence
du tribunal. Ainsi, le tribunal a refusé d’autoriser l’interrogatoire hors cour d’un expert au
motif que la partie qui l’avait assigné craignait qu’il ne soit pas disponible lors du procès
en raison de son âge. Le juge a rappelé que la partie avait en toute connaissance de cause
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 44
22 / 44
2015-04-08 23:14:55
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
choisi de retenir les services d’un expert âgé de près de 80 ans. Or, contrairement à d’autres
témoins, l’expert n’avait aucune connaissance personnelle des faits en litige. De plus, la
preuve démontrait qu’il n’était pas le seul spécialiste dans le domaine et qu’il ne possédait
pas de connaissances exclusives essentielles à la preuve de la partie demanderesse. Dans
ces circonstances, advenant que l’expert n’eût pas été disponible lors du procès, la partie
n’aurait pas été dans l’impossibilité de faire sa preuve et aurait toujours eu le loisir d’engager un nouvel expert si cela devenait nécessaire1.
Il convient de rappeler que, dans ce cas particulier, les parties ne consentaient pas à la
tenue d’un tel interrogatoire.
1. Hudon c. Lamontagne, J.E. 2001-745 (C.S.).
116. Protection de la jeunesse – L’ar ticle 85 de la Loi sur la protection de la jeunesse
prévoit spécifiquement qu’il est possible de référer à certaines dispositions du Code de procédure civile dans la mesure où celles-ci ne sont pas incompatibles avec l’objet de la Loi1.
Or, si cette loi fait référence nommément à l’ar ticle 295 C.p.c. (2014) relativement à l’audition des témoins devant le tribunal, force est de constater qu’elle ne fait aucunement état
de la possibilité de tenir des interrogatoires préalables ou hors cour. Au contraire, l’article 77 de la Loi interdit spécifiquement de recourir aux interrogatoires préalables, commissions rogatoires ou interrogatoires hors cour en matière de protection de la jeunesse.
Le législateur insiste sur le fait que tout interrogatoire doit se faire en présence du juge.
De la même façon, il ne serait pas davantage possible de verser au dossier de la cour pour
valoir comme témoignage les notes sténographiques d’un interrogatoire hors cour tenu en
contravention de l’ar ticle 77 de la Loi2.
1. Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ, c. P-34.1, art. 85.
2. M.A.K. (Dans l’affaire de), [2001] R.J.Q. 820 (C.Q.).
B. Convocation des témoins
1. Assignation du témoin
117. Assignation du témoin – Le témoin sera assigné pour témoigner conformément aux
dispositions des ar ticles 269 et suivants C.p.c. (2014).
118. Avis aux autres parties – L’ar ticle 295 C.p.c. (2014) prévoit que toutes les parties
doivent être appelées. En effet, l’interrogatoire hors cour remplace en réalité le témoignage
de la personne lors du procès. Chaque partie doit donc avoir l’occasion d’interroger et de
contre-interroger le témoin. Un avis d’interrogatoire devra donc être signifié aux autres
parties ou à leurs procureurs avant de procéder à l’interrogatoire.
119. District – L’interrogatoire hors cour faisant partie du déroulement de l’instance, ce
dernier doit en principe se tenir dans le district où le recours a été intenté à moins qu’il
n’en soit décidé autrement. En effet, l’interrogatoire dans un autre district ne sera alors
possible que si des circonstances exceptionnelles sont démontrées1. L’interrogatoire, outre
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 45
22 / 45
2015-04-08 23:14:55
III. Procédure contentieuse
les cas spécifiquement prévus à l’ar ticle 296 C.p.c. (2014), pourra même avoir lieu à distance, par l’utilisation d’un moyen technologique, s’il se déroule dans un cadre qui en
assure l’intégrité2.
1. Desjardins c. Québec (Procureur général), B.E. 2004BE-576, no AZ-50233438 (C.S.).
2. 117087 Canada inc. c. Québec (Sous- ministre du Revenu), 2010 QCCQ 9930, [2010]
J.Q. no 11888.
2. Consignation de la déposition
a) Par affidavit
120. Affidavit – L’ancien ar ticle 404 C.p.c. permettait de consigner l’interrogatoire hors
cour sous forme d’affidavit suffisamment détaillé pour faire la preuve de tous les faits
nécessaires au soutien des conclusions recherchées. La partie adverse avait alors le loisir
d’interroger l’affiant conformément aux dispositions de l’ar ticle 93 C.p.c. (ancien) ou de
l’interroger de nouveau au procès.
Non seulement l’ar ticle 295 du Code ne fait-il plus référence à la possibilité d’obtenir des
affidavits détaillés, mais l’emploi par le législateur des termes « la déposition du témoin
sera entendue » et le fait que la déclaration soit enregistrée laissent sous-entendre qu’il
n’est plus possible de consigner le témoignage sous forme d’affidavit.
b) Enregistrement
121. Enregistrement– Le législateur a prévu que le témoignage hors la présence du tribunal devra être enregistré, faisant ainsi référence à l’ar ticle 300 du Code. Outre la sténographie, l’enregistrement pourra se faire par tout moyen permettant d’assurer l’intégrité
de la déposition.
Bien que ce moyen ne soit pas spécifiquement prévu par le législateur, les tribunaux1 ont
par le passé autorisé les parties à enregistrer sur bande vidéo une déposition ad futuram
memoriam et à produire cette dernière au dossier de la cour conjointement avec les notes
sténographiques de l’interrogatoire, l’objectif recherché étant de permettre au tribunal
d’apprécier la crédibilité du témoin même si l’interrogatoire a été tenu hors la présence du
juge du fond. Rappelons que la Cour suprême a considéré qu’une bande vidéo claire et de
qualité, non trafiquée, parle d’elle-même2.
Cet enregistrement par bande vidéo semble se justifier par le fait qu’il s’agit en réalité
d’une mesure conservatoire d’une preuve, sans laquelle elle sera inexorablement perdue.
Dans l’affaire Leblanc3, cette déposition était prise par un sténographe et filmée par le
même sténographe.
1. Leblanc c. Keyserlingk, [1998] R.J.Q. 877 (C.S.); Cadieux c. Service de gaz naturel de Laval
Inc., [1991] R.J.Q. 2490, [1991] J.Q. no 1636 (C.A.).
2. R. c. Nikolovski, [1996] 3 R.C.S. 1197.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 46
22 / 46
2015-04-08 23:14:55
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
3. Leblanc c. Keyserlingk, [1998] R.J.Q. 877 (C.S.).
122. Sténographe – Plus souvent qu’autrement, les parties se contenteront d’avoir recours
au service d’un sténographe officiel afin de consigner la teneur de l’interrogatoire et pouvoir le produire plus aisément au dossier de la cour.
C. Qui peut être interrogé?
1. Partie
123. Partie – Une partie peut évidemment être interrogée en vertu des ar ticles 295 et suivants C.p.c. (2014). Il ne s’agira toutefois pas de la solution idéale. Le juge du fond accorde
une grande importance au fait de pouvoir entendre la partie lors de l’audition afin d’apprécier sa crédibilité. De son côté, le procureur de la partie souhaite également que son client
soit présent et puisse entendre l’ensemble de la preuve présentée afin d’avoir l’occasion d’y
répondre en temps opportun, ce qui ne sera manifestement pas possible si le témoin a été
interrogé hors cour. Dans ces circonstances, il sera généralement préférable de demander une remise de l’audition si la partie n’est pas disponible pour des raisons médicales
ou autres lors du procès. Toutefois, l’interrogatoire hors cour sera favorisé lorsqu’il est à
craindre que, pour des raisons médicales, la partie ne sera pas en mesure de participer au
procès, même s’il devait être remis, ou ne sera plus en vie au moment où ce dernier sera
tenu. Encore une fois, d’autres solutions pourraient être envisagées, telle la requête pour
audition par préséance, si l’état d’avancement du dossier le justifie. Dans l’éventualité où
il est nécessaire de recourir à l’interrogatoire hors cour d’une partie, l’enregistrement sur
bande vidéo pourrait également être favorisé afin de permettre au juge d’apprécier la crédibilité du témoin.
2. Tiers
124. Témoin ordinaire – Le témoin ordinaire est également susceptible d’être interrogé
hors cour. Les parties envisageront souvent cette solution lorsque le témoin n’est pas disponible à la date du procès, que ce soit pour des raisons de santé ou autres. Le recours à
l’interrogatoire hors cour dans de tels cas sera d’autant plus pertinent lorsque la crédibilité du témoin n’est pas en cause bien que son témoignage soit essentiel pour compléter la
preuve. Le fait de procéder de cette façon permettra d’éviter une remise et de faire encourir
aux parties des frais et des délais additionnels.
125. Expert – Le témoignage hors cour du témoin expert, bien que possible, est cependant plus délicat. En effet, l’expert a souvent besoin, pour les fins de son témoignage, de
tenir compte des faits qui seront prouvés lors de l’audience afin d’asseoir son opinion sur
la preuve présentée. Le fait d’interroger hors cour avant le procès présente un risque réel
que le témoin expert soit interrogé sur des éléments de preuve qui ne seront possiblement
jamais admis ou encore qu’il ne puisse tenir compte lors de son témoignage de certains
éléments additionnels qui auraient pu être révélés lors de l’audition. La solution extrême
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 47
22 / 47
2015-04-08 23:14:55
III. Procédure contentieuse
serait alors d’interroger l’expert hors cour une fois l’enquête terminée. Cela n’est cependant
pas sans inconvénients au niveau de l’administration de la justice.
L’interrogatoire hors cour des experts demeure néanmoins une avenue intéressante pour
les parties lorsque leur crédibilité n’est pas en cause et que les faits à la base de leurs
expertises sont essentiellement admis. Ainsi, les experts pourraient être interrogés sur
certains éléments particuliers de leurs expertises, lesquels feront l’objet de plaidoiries
ultérieurement. Cette solution peut notamment présenter un avantage quant aux coûts et
à la disponibilité des experts. Nous pouvons songer en guise d’exemple à un différend
entre les experts portant sur un aspect seulement du quantum. Dans ces circonstances, il
serait préférable que les experts de toutes les parties sur le sujet soient entendus hors cour
et témoignent l’un en présence de l’autre.
126. Matière familiale – Sous l’ancien Code, l’interrogatoire hors cour était permis s’il
s’agissait d’une demande non contestée en séparation de corps ou en divorce1. Par contre,
s’il s’agissait d’une demande en nullité de mariage ou d’union civile, même non contestée,
ou d’une demande contestée en séparation de corps ou en divorce, la partie demanderesse
devait témoigner à l’audience. Cette exception n’existe plus dans le nouveau Code.
1. Art. 196 C.p.c. (2014).
D. Qui peut interroger?
1. Toutes les parties
127. Comme à l’enquête – La partie qui fait entendre le témoin l’interroge en premier et
les autres parties ont ensuite la possibilité de le contre-interroger.
2. Le commissaire
128. Le commissaire – L’ar ticle 296 C.p.c. (2014) permet à la cour, même d’office,
lorsqu’une personne ne peut témoigner pour cause de maladie, de handicap ou en raison
de l’éloignement, de charger un commissaire de recueillir le témoignage. C’est le tribunal
qui, comme dans le cas d’une commission rogatoire, donnera au commissaire les instructions nécessaires pour le guider dans l’exécution de sa charge.
Le juge déterminera le délai dans lequel l’interrogatoire devra avoir lieu et les frais qui
devront être avancés.
L’interrogatoire sera enregistré ou consigné par le commissaire. Ce dernier pourra également prendre copies des pièces dont le témoin ne veut pas se départir. L’interrogatoire sera
communiqué aux parties et au tribunal avec les pièces produites par le témoin.
Une partie peut être représentée lors de l’interrogatoire dans la mesure où elle avise le
commissaire en temps utile et désigne son représentant.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 48
22 / 48
2015-04-08 23:14:55
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
E. Étendue et portée de l’interrogatoire
1. Comme si recueilli à l’audience
129. Comme à l’audience – L’interrogatoire hors cour se déroule comme s’il était tenu
lors de l’audience et portera sur l’ensemble des faits soulevés dans les procédures1.
1. Simard (Succession de), 2011 QCCS 2, [2011] J.Q. no 9.
130. Contenu – Le témoin ordinaire pourra donc relater les faits à sa connaissance personnelle, produire des documents ou autres pièces alors que l’expert pourra donner son
opinion. L’interrogatoire portera sur l’ensemble des éléments sur lesquels le témoin aurait
légalement pu témoigner lors de l’audience.
131. Objection – De la même façon qu’elles auraient pu le faire lors du procès, les parties
peuvent, lors de l’interrogatoire hors la présence du tribunal, soulever des objections. Le
témoin devra cependant répondre aux questions malgré l’objection à moins que cette dernière
ne concerne une question de contraignabilité, de droits fondamentaux ou d’intérêt légitime
important. Les objections seront soumises au tribunal dès que possible pour qu’il en décide1.
1. Art. 297 C.p.c. (2014).
F. Utilisation
1. Comme si le témoignage avait été recueilli à l’audience
132. Production obligatoire au dossier – L’interrogatoire hors la présence du tribunal
faisant partie du dossier de la cour comme s’il avait été recueilli à l’audience, les notes
sténographiques ou l’enregistrement devront nécessairement être produits au dossier de
la cour. Cela signifie également que, contrairement à la situation qui prévaut en matière
d’interrogatoire préalable, l’interrogatoire n’est pas visé par l’obligation de confidentialité.
IV.
INTERROGATOIRE ÉCRIT (art. 223-225 C.p.c. (2014))
A. Conditions du droit d’interroger et limites
1. À quel moment?
133 À tout moment – L’interrogatoire écrit étant traité comme un interrogatoire préalable
au sens de l’ar ticle 221 C.p.c. (2014), il pourra se tenir à tout moment, soit avant ou après
défense, contrairement à la situation qui prévalait sous l’ancien Code où l’interrogatoire
sur les faits se rapportant au litige avait nécessairement lieu après défense ou après l’inscription pour défaut de comparaître ou de plaider1.
1. Art. 405 C.p.c. (2014).
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 49
22 / 49
2015-04-08 23:14:55
III. Procédure contentieuse
B. Convocation et formalités
1. Formalités
134. Protocole de l’instance – Normalement, la tenue d’un tel interrogatoire écrit, tout
comme un interrogatoire au préalable, devra être prévue au protocole de l’instance et les
modalités pourront être fixées par le juge, le cas échéant, selon les pouvoirs conférés à
l’ar ticle 158(3) du Code.
135. Absence d’autre formalité – Outre le fait de prévoir l’interrogatoire écrit au protocole
de l’instance, aucune autre formalité ne semble avoir été imposée par le législateur. Il n’est
plus nécessaire d’obtenir une ordonnance du greffier comme c’était le cas antérieurement1.
1. Art. 406 C.p.c. (ancien).
2. Notification
136. Notification– La partie qui désire interroger par écrit doit notifier l’interrogatoire
écrit à la partie qu’elle désire interroger et la sommer de répondre dans le délai indiqué,
lequel ne doit pas être inférieur à quinze jours ni supérieur à un mois. Dans le cas où la
personne interrogée n’est pas la partie, celle qui désire interroger par écrit doit notifier
l’interrogatoire au témoin après en avoir informé l’autre partie1.
Notons que le législateur a choisi le procédé par notification. Compte tenu de la présomption
de véracité qui découle de l’absence de réponse à un interrogatoire écrit, nous présumons
que le tribunal sera attentif aux efforts faits pour notifier le témoin. Notons que l’article 225
du Code prévoit que le tribunal peut, pour raison valable, relever la partie ou le témoin de
son défaut et lui permettre de répondre aux conditions qu’il juge à propos.
1. Art. 223 C.p.c. (2014).
C. Qui peut être interrogé?
137. Toute personne – L’ancien ar ticle 405 C.p.c. prévoyait clairement que seules les parties au litige pouvaient être soumises à un interrogatoire portant sur les faits se rapportant
au litige, ce qui n’est plus le cas en vertu des nouvelles dispositions sur l’interrogatoire écrit.
Toute personne peut maintenant être interrogée pourvu que l’autre partie en soit informée.
138. Personne physique – Le fait d’interroger par écrit une personne physique ne pose
aucune difficulté particulière outre possiblement celle de la notification mentionnée précédemment.
139. Personne morale – Il en va cependant autrement lorsque la partie impliquée est
une personne morale. Dans ce cas, c’est la personne morale elle-même qui doit être
assignée à comparaître et non un représentant identifié par la partie adverse1. Cette
dernière n’aura dans les faits aucun choix quant à l’identité du témoin qui répondra au
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 50
22 / 50
2015-04-08 23:14:55
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
questionnaire. En effet, considérant l’impact pour la partie d’un tel interrogatoire, il est
normal que cette dernière puisse décider elle-même si elle entend répondre à l’interrogatoire et, le cas échéant, par qui et de quelle façon elle transmettra ses réponses. Une
ordonnance visant à identifier un représentant autre que la partie sera considérée comme
irrégulière et illégale.
Par contre, lorsque l’interrogatoire vise une personne morale, une société en nom collectif
ou en commandite ou encore une association au sens du Code civil ou un autre groupement
sans personnalité juridique, le législateur prévoit désormais à l’ar ticle 224 du Code que la
réponse pourra être donnée par un administrateur, un dirigeant ou un employé autorisé sans
exiger, comme c’était le cas auparavant, que la personne qui répondra sous serment au nom
de la personne morale soit porteuse d’une procuration générale ou spéciale lui permettant
de ce faire2. La personne morale pourra également choisir d’arrêter ses réponses par une
délibération spéciale, lesquelles seront par la suite versées au dossier par une personne
dûment autorisée à cette fin.
1. Fromagerie P’tit Plaisir Inc. c. Bergeron, J.E. 2005-104, [2004] J.Q. no 13230 (C.Q.).
2. Art. 409 C.p.c. (ancien); Corporation d’hébergement du Québec c. Decarel inc., 2012 QCCS
4444, [2012] J.Q. no 8972.
D. Qui peut interroger?
1. Partie ayant requis l’interrogatoire
140. Partie ayant requis l’interrogatoire – Il appartient à la partie ayant requis l’ordonnance de transmettre les questions auxquelles elle souhaite obtenir une réponse. Ces questions devront, nous le verrons, être conformes aux exigences posées par le législateur à
l’ar ticle 223 C.p.c. (2014).
2. Tribunal
141. Tribunal – Autrefois, le témoin appelé à répondre à un interrogatoire sur les faits
se rapportant au litige devait comparaître devant le juge ou le greffier pour répondre aux
questions posées. L’article 413 C.p.c. (ancien) prévoyait que la personne devant qui la partie
avait été assignée pouvait poser certaines questions. Les questions devaient cependant
être nécessaires et pertinentes. La partie était alors tenue de répondre à ces questions au
même titre que si elles étaient contenues dans l’interrogatoire soumis, à défaut de quoi,
les faits sur lesquels portent les questions étaient tenus pour avérés. Une exclusion était
cependant prévue dans le cas d’une personne morale qui a choisi d’arrêter ses réponses
lors d’une délibération spéciale.
Bien que le Code ne prévoit plus la comparution du témoin devant le greffier ou le tribunal, l’ar ticle 225 C.p.c. (2014) qui permet de relever la personne de son défaut de répondre
permet au tribunal de poser les questions jugées nécessaires et pertinentes au témoin à
cette occasion. La personne interrogée devra alors répondre, sans quoi les faits sur lesquels
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 51
22 / 51
2015-04-08 23:14:55
III. Procédure contentieuse
portent les questions du tribunal seront tenus pour avérés. Notons que l’exception visant
les personnes morales n’a pas été reprise.
E. Étendue et portée de l’interrogatoire
1. Quel type de litige?
142. Tout type de dossier – Le Code de procédure civile ne pose aucune restriction en
ce qui concerne l’utilisation de l’interrogatoire écrit.
143. Dossier de moins de 30 000 $ – Le législateur, par l’adoption de l’ar ticle 229 C.p.c.
(2014), est venu restreindre le droit des parties de procéder à des interrogatoires préalables
dans les causes où la somme demandée ou la valeur du bien réclamé est inférieure à
30 000 $. Sous l’ancien Code, il avait été décidé que l’interdiction d’interroger dans les
dossiers de moins de 25 000 $ prévue à l’ar ticle 396.1 ne s’appliquait pas aux interrogatoires sur les faits se rapportant au litige, lesquels étaient régis par une autre section du
Code de procédure civile1.
La question risque de se soulever de nouveau puisque l’ar ticle 229 C.p.c. (2014) s’inscrit
dans le chapitre intitulé « Interrogatoire préalable à l’instruction » qui regroupe à la fois
l’interrogatoire oral et l’interrogatoire écrit et le législateur a utilisé les termes « aucun
interrogatoire préalable à l’instruction » pour prohiber les interrogatoires dans les dossiers
de moins de 30 000 $. Nous pourrions donc déduire qu’à défaut par le législateur d’indiquer
« aucun interrogatoire oral », il souhaitait proscrire tout interrogatoire dans ces dossiers.
Par contre, une inférence contraire pourrait être tirée du fait que l’ar ticle 229 du Code est
situé non pas dans les dispositions générales, mais dans la section portant sur l’interrogatoire oral. Il s’agira donc d’une question intéressante à débattre, le cas échéant.
1. Robillard c. Pedneault, B.E. 2005BE-999, no AZ-50332528 (C.Q.); Comité paritaire du
camionnage du district de Québec c. G. Gagné Transport Inc., J.E. 2004-1384, [2004]
J.Q. no 8241 (C.Q.).
144. Règle de la proportionnalité – Certains ont tenté de soutenir que la tenue d’un tel
interrogatoire, notamment dans les dossiers où la valeur en litige est inférieure à 30 000 $,
allait à l’encontre de la règle de la proportionnalité prévue à l’époque à l’ar ticle 4.2 C.p.c.
(ancien). Les tribunaux n’ont pas hésité à écarter cette prétention et à conclure que la
règle de la proportionnalité prêche au contraire en faveur d’interrogatoires sur les faits se
rapportant au litige puisque, loin de retarder le déroulement de l’instance, un tel interrogatoire pourrait avoir pour effet de faciliter la preuve et possiblement de réduire la durée
d’audition1.
1. Robillard c. Pedneault, B.E. 2005BE-999, no AZ-50332528 (C.Q.); Comité paritaire du
camionnage du district de Québec c. G. Gagné Transport Inc., J.E. 2004-1384, [2004]
J.Q. no 8241 (C.Q.); MS Vocal Inc. c. 6557562 Canada Inc., 2008 QCCQ 4458, [2008]
J.Q. no 4825.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 52
22 / 52
2015-04-08 23:14:55
Fasc. 22 – Interrogatoires préalables à l’instruction
2. Étendue
145. Faits en litige – L’interrogatoire écrit pourra porter sur l’ensemble des faits se rapportant au litige conformément à ce qui est indiqué à l’ar ticle 223 C.p.c. (2014).
146. Teneur des questions – La partie procédant à un interrogatoire écrit devra s’assurer
que les questions posées soient claires et précises tel qu’exigé par l’ar ticle 223 C.p.c. (2014).
Ces dernières ne doivent pas laisser place à ambigüité dans l’esprit de la personne qui
devra y répondre, considérant les conséquences rattachées à la réponse ou à l’absence de
réponse. Il sera possible pour une partie de demander le rejet d’une question non pertinente1
ou trop complexe2. À cet égard, les questions doivent pouvoir se répondre par « oui » ou
« non »3 bien que les réponses tout en étant directes, catégoriques et précises, puissent être
qualifiées4. Rappelons qu’à la base, l’objet de l’interrogatoire sur les faits se rapportant au
litige est d’obtenir de la partie un aveu ou un commencement de preuve.
1. Thurlow c. Wedell, [1969] B.R. 1115.
2. Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2011 QCCS 2279,
[2011] J.Q. no 5033 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2011 QCCA 1356, [2011]
J.Q. no 9471).
3. Corporation d’hébergement du Québec c. Decarel inc., 2012 QCCS 4444, [2012] J.Q. no 8972.
4. Norcan Hydraulic Turbine c. Sherbrooke (Ville de), 2011 QCCS 4292, [2011] J.Q. no 10907;
Lamothe c. Sklar, 2011 QCCQ 10483, [2011] J.Q. no 12609.
3. Effet de l’interrogatoire
147. Absence de réponse – L’absence de réponse à une question posée dans le cadre d’un
interrogatoire écrit, que ce soit une question posée par écrit1 ou encore une question posée
par le tribunal2, est lourde de conséquences. En effet, dans les deux cas, le législateur a
prévu à l’ar ticle 224 C.p.c. (2014) que, contrairement à la règle habituelle selon laquelle
le silence ne peut être considéré comme une admission, l’absence de réponse signifie que
les faits sur lesquels porte la question seront tenus pour avérés. C’est donc dire que, si la
partie à qui l’interrogatoire a été légalement notifié fait défaut d’y donner suite, l’ensemble
des faits sur lesquels portait l’interrogatoire seront tenus pour avérés.
1. Art. 223 C.p.c. (2014).
2. Art. 225 C.p.c. (2014).
148. Preuve supplémentaire – Sous l’ancien Code, le tribunal pouvait exiger de la partie
qui a le fardeau de la preuve qu’elle procède à une preuve additionnelle lors de l’audition1
malgré l’absence de réponse du témoin. En effet, l’interrogatoire sur les faits du litige n’a
pas pour but de favoriser une partie qui a des lacunes importantes dans sa preuve. Ainsi,
dans l’affaire Sears Canada Inc. c. Lalancette2, le Tribunal a refusé de rendre jugement
par défaut contre la partie qui avait omis de répondre à un interrogatoire en vertu de l’article 405 C.p.c. (ancien), car la demanderesse avait négligé d’établir la base même de sa
créance, soit la demande de carte de crédit dument signée par la défenderesse. Cette disposition n’a pas été reprise comme telle dans le nouveau Code, mais l’ar ticle 225 C.p.c. (2014)
permettra au juge de poser les questions supplémentaires dans certaines circonstances.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 53
22 / 53
2015-04-08 23:14:55
III. Procédure contentieuse
1. Art. 411 C.p.c. (ancien).
2. Sears Canada Inc. c. Lalancette, B.E. 2006BE-121, no AZ-50336652 (C.Q.).
149. Relever une partie de son défaut – L’ar ticle 225 C.p.c. (2014) permet également au
tribunal de relever une partie qui a fait défaut de répondre à l’interrogatoire et ainsi lui permettre de répondre aux questions, aux conditions qu’il détermine. La rédaction de l’ar ticle
suggère que le droit de poser des questions additionnelles sera par contre réservé au juge.
150. Nature de la réponse – En principe, une question claire et précise de la part de la
partie qui procède à l’interrogatoire sur les faits et ar ticles devrait appeler une réponse
directe, catégorique et précise du témoin. La réponse est consignée par écrit et les faits
ainsi contenus dans la réponse font alors partie de la preuve1.
Il est essentiel que la personne soumise à l’interrogatoire s’assure qu’elle réponde réellement, complètement et adéquatement à la question posée.
1. Art. 223 et 224 C.p.c. (2014).
151. Sanction en cas de réponse imprécise – La réponse imprécise pourrait être rejetée à
la demande de la personne ayant procédé à l’interrogatoire. Si la réponse est ainsi rejetée,
les faits sur lesquels portait la question seront tenus pour avérés. Notons toutefois que les
tribunaux feront preuve d’une certaine retenue avant de rejeter une réponse fournie par
une partie. Ainsi, répondre que la question posée n’est pas à notre connaissance personnelle a été jugée admissible1.
1. Mathieu c. Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec,
J.E. 2004-740, [2004] J.Q. no 1342 (C.S.); The Century Insurance Company Ltd. c.
G. Paquette, [1957] R.P. 150 (C.S.); Larry c. Sun Valley Farm Inc., [1964] R.P. 337 (C.S.).
BIBLIOGRAPHIE
CHAMBERLAND, L., Le nouveau code de procédure civile commenté, Montréal, Éditions
Yvon Blais, 2014.
DUCHARME, L., L’administration de la preuve, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010.
FERLAND, D. et B. EMERY, Précis de procédure civile, 4e éd., Cowansville, Éditions
Yvon Blais, 2008.
ROYER, J.-C. et S. LAVALLÉE, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon
Blais, 2008.
TESSIER, P. et M. DUPUIS, « La preuve avant le procès », dans Collection de droit 20132014, École du Barreau du Québec, vol. 2, Preuve et procédure, Cowansville, Éditions
Yvon Blais, 2013.
(6074)
6074_JurisClasseur_Fascicule 22.indd 54
22 / 54
2015-04-08 23:14:55