République tchèque: après des années de violences contre les

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République tchèque: après des années de violences contre
les roms, les néo-nazis s'attaquent de la même manière
aux musulmans
Date : 11 mars 2015
Dans de nombreux pays européens, on constate la montée préoccupante de la xénophobie, du
racisme, des mouvements nationalistes et des partis et groupuscules d’extrême-droite qui
prospèrent grâce à la crise économique frappant le continent.
C’est le cas en Hongrie par exemple où le parti d’extrême droite Jobbik a connu une
progression fulgurante, devenant le second parti du pays avec 26% des sièges au parlement.
La rhétorique anti-Roms, les attaques verbales et physiques contre les Roms occupent une
place centrale dans ce mouvement hongrois.
En France, le Front national, qui vise également des minorités déjà vulnérables et/ou fortement
discriminées tels que les Roms ou les musulmans, est arrivé en tête lors des dernières
élections européennes et menace de poursuivre ses conquêtes électorales d’ici l’élection
présidentielle de 2017. Le tout sur fond de perte vertigineuse de légitimité des partis
traditionnels, notamment l’UMP et le Parti socialiste et d’absence de progression de l’extrêmegauche. Derrière les discours politiques, des attaques physiques de familles Roms se sont
produites, notamment à Marseille. Et les paroles et actes anti-musulmans et antisémites se
multiplient, notamment depuis les attentats meurtriers des 7 et 9 janvier 2015 à Paris contre
l’hebdomadaire Charlie Hebdo et un petit supermarché casher.
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En République tchèque, on trouve également un ferment d’extrémisme préoccupant: des
groupes nazis organisent des marches contre des quartiers ou des maisons habités par des
Roms depuis deux ans. Ces manifestations haineuses devenaient chaque fois plus brutales et
plus violentes. Mais ce phénomène a connu une accalmie dans les six derniers mois,
notamment grâce au courage et à l’inventivité d’un groupe de jeunes Roms et non-Roms de
l’association Konexe, qui a organisé des « contre-manifestations » pendant les marches néonazies. Ces contre-manifestations consistaient à réserver et occuper l’espace dans les rues
proches des quartiers Roms et à organiser différents ateliers avec des enfants, des concerts et
des activités pendant les marches néo-nazies. Elles ont fait naître chez de nombreux citoyens
tchèques une sympathie et une solidarité à l’égard des Roms et une forte antipathie à l’égard
des néo-nazis.
photo Gustav Pursche
2013, République tchèque: des néo-nazis provoquent la police à Duchcov, espérant pouvoir
passer vers un quartier Rom, cible de leur marche haineuse
Mais ces derniers mois, notamment après l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris, les néo-nazis
ont continué à utiliser les mêmes techniques de violences verbales et physiques, ils ont
simplement changé de cible en se livrant à des assauts contre des représentants de la
minuscule minorité musulmane de République tchèque (environ 10.000 musulmans dont
quelque 3.000 pratiquant sur une population totale de 11 millions en République tchèque). Pour
l’association Konexe et les militants anti-nazis, cette nouvelle situation a montré la nécessité de
ne pas se laisser enfermer dans une attitude et une rhétorique de défense exclusive des Roms
afin de combattre les violences néo-nazies dans leur globalité, qu’elles relèvent de la
Romaphobie ou de l’Islamophobie. Voici les leçons que tire de cette expérience récente
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Miroslav Broz, directeur de Konexe, une association qui soutient directement les populations
Roms lors des manifestations néo-nazies, mais mène également des initiatives dans le
domaine de l’éducation ou encore de la commémoration du génocide des tsiganes.
Miroslav, quelle est la situation actuelle des populations musulmanes en République
tchèque ?
« Nous baignons dans l’absurdité la plus totale. Il se produit en République tchèque depuis
plusieurs semaines une vague de manifestations contre les musulmans or il n’y a pratiquement
pas de musulmans dans ce pays. En République tchèque, il y a des citoyens bosniaques qui
ont obtenu l’asile politique durant la guerre en ex-Yougoslavie et plus tard la nationalité
tchèque. Ils ne sont pas identifiables en tant que musulmans car ils sont laïcs. Il existe une
minuscule minorité religieuse musulmane à Prague – pour la plupart des diplomates et des
étudiants – et il y a aussi quelques centaines de musulmans dans la seconde ville du pays Brno
et dans la ville de cures thermales de Teplice, où se rendent de nombreux ressortissants des
pays du Golfe.
La page Facebook intitulée en langue tchèque « Nous ne voulons pas d’Islam en République
tchèque » a plus de 10.000 inscrits. C’est un nombre assez élevé car ce réseau social n’est
pas très suivi en République tchèque. Après l’attentat contre Charlie Hebdo, les manifestations
anti-musulmanes ont commencé à prendre de l’ampleur et il y en a actuellement presque
chaque week-end. Parallèlement, plusieurs attaques se sont produites contre des lieux
identifiés comme musulmans: le groupe faciste Pro-Vlast (« pour la patrie » ndrl) a projeté une
grande quantité de sang de porc sur une mosquée à Prague et a publié la vidéo de cette
agression sur internet. Le week-end suivant, deux magasins considérés comme « musulmans »
(un magasin de nourriture orientale et un restaurant Kebab) ont également été aspergé de
liquide rouge, probablement du sang de porc.
Quelle est la position de Konexe en tant qu’association de défense des droits des Roms
à propos de cette situation ?
Pour Konexe, c’est une situation complètement nouvelle…Nous ne savons pas beaucoup de
choses sur l’Islam et les musulmans ! Mais ce que nous connaissons très bien c’est la haine,
quelle que soit sa cible, le fait de rendre un groupe de population collectivement responsable de
tous les maux, le phénomène des foules violentes…Les mécanismes à l’oeuvre dans les
manifestations de haine visant aujourd’hui les musulmans sont très proches de ceux qui
régissaient les marches néo-nazies contre les Roms. Souvent les organisateurs sont d’ailleurs
les mêmes. Nous avons donc décidé d’utiliser avec les musulmans pris pour cibles les
tactiques mises au point pour défendre les Roms au cours des dernières années. Actuellement
nous sommes dans une phase d’approche avec les populations musulmanes, afin d’apprendre
à mieux nous connaître, à dialoguer et à créer des solidarités. J’ai personnellement visité des
mosquées – pas les mosquées touristiques et c’est la première fois que j’entreprends cette
démarche – au cours des derniers mois. Nous avons aussi utilisé nos tactiques de réservation
et d’occupation des rues voisines des bâtiments ciblés par les néo-nazis afin de les empêcher
de les atteindre – que ce soit des maisons habitées par des Roms ou des mosquées où prient
des musulmans. Et nous avons réservé auprès des autorités l’espace situé immédiatement
devant la mosquée de Prague pour nos propres rassemblements publics pour les six prochains
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mois.
Quelle est la position des autres religions ou institutions dans le pays face à ces
violentes manifestations contre les musulmans ?
La République tchèque est probablement le pays le plus athée au monde. Peu de personnes
sont croyantes, pratiquantes et membres d’une organisation ou institution religieuse. Mais les
chrétiens jouent un rôle majeur dans la lutte contre l’islamophobie ici. Particulièrement l’église
évangélique de Brethren et leur pasteur Mikulas Vymetal, qui est responsable du dialogue interreligieux avec les musulmans depuis des années. Konexe coopère avec Mikulas depuis 2011
lorsqu’il est devenu un membre de notre groupe multidisciplinaire de volontaires, déployés à
chaque manifestation à haut risque contre des Roms en République tchèque.
Comment pensez-vous que la situation va évoluer au cours des prochains mois, sur la
base de ce que Konexe a observé lors des manifestations contre les Roms ?
Teplice sera sans doute un lieu à haut risque à l’avenir. C’est une station thermale de 50.000
habitants située dans le nord de la République tchèque. Il existe des commerces et services liés
à la présence de curistes des pays du Golfe tels que des magasins de nourriture halal. Des
hommes d’affaire musulmans locaux souhaitaient acheter un terrain et construire un quartier
pour les visiteurs musulmans, mais les néo-nazis ont enterré des têtes de porcs et des abats de
porc sur les lieux et ont publié ces actions sur les réseaux sociaux. Cela a donc mis un terme à
ce projet. Prague et Brno, qui ont un petit nombre d’habitants musulmans, sont des villes
cosmopolites tandis que Teplice est située dans la région la plus pauvre du pays, ayant de
nombreux problèmes structurels, des niveaux d’éducation très bas et un niveau très élevé de
soutien à l’extrême-droite. C’est dans cette même région que la plupart des émeutes antiRoms se sont produites au cours des dernières années.
Irvin Mujcic
lire aussi :
http://www.depechestsiganes.fr/en-republique-tcheque-le-combat-pour-lhistoire-des-roms/
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