0c. FR_Palabras al V Capítulo Provincial

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0c. FR_Palabras al V Capítulo Provincial
5º CAPÍTULO PROVINCIAL
5º CAPITOLO PROVINCIALE
5eme CHAPITRE PROVINCIAL
#Contigo200+ #AvecToi200+
En face de nous,
c’est le futur : je ne vous laisse que ça.
Mots d’ouverture du Ve Chapitre Provincial
Guardamar, 2 – 5 janvier 2016
1.- Mémorial de la reconnaissance
« Revenir à la mémoire, c’est revivre »
Frère José Luis Vallejo
Le numéro 13 d’Evangelii Gaudium affirme que la mémoire est une
dimension de notre foi, que nous pourrions appeler “deutéronomique », en
analogie avec la mémoire d’Israël. L’exhortation apostolique nous rappelle
dans ce numéro que nous sommes débiteurs de la foi de nos aînés, et que
le fait de regarder derrière nous, faire mémoire, a comme objectif de nous
lancer en avant, la mémoire reconnaissante étant une grâce que nous devons demander, et le fait de l’avoir reçue ne se réduit pas à un acte concret, mais à une attitude devant la vie. Le croyant est essentiellement
homme de mémoire.
C’est cela que j’aimerais être en ces moments, lorsque « le passé
n’est pas négociable mais qu’il est possible de revenir à la mémoire » : un
croyant, essentiellement un homme de mémoire. Et je veux dédier à cela
ces premières lignes.
En premier lieu, rappeler avec une mémoire reconnaissante ces six
années durant lesquelles j’ai essayé d’accomplir le service de provincial.
Comme je vous le disais dans ma dernière lettre : Ces années m’ont donné l’opportunité de grandir en tant que personne, de mieux connaître les
hommes, de mûrir comme religieux, et, même si cela pouvait sembler paradoxal, je crois que j’ai appris à obéir un peu plus et un peu mieux en
exerçant le service de l’autorité. Vous avez été le moyen à portée de la
main et le plus approprié que le Seigneur ait mis ainsi sur ma route. Au
plus profond de moi-même résonne avec fermeté et grandeur, comme
dans une grande cathédrale sonore, aussi bien le « Te Deum laudamus, te
Dominum confitemur », que le « Magnificat anima mea Dominum ».
Permettez-moi de continuer en exprimant ma gratitude sincère et
profonde à ceux qui ont fait partie du Conseil Provincial. Je vous avoue
franchement que, avec eux, il devenait plus facile pour moi d’être provincial. Cela ne veut pas dire que, en des décisions importantes, tous pensaient pareil ; ni qu’on a pris des décisions à l’unanimité. Je suis convaincu que, si dans un groupe de personnes intelligentes et créatives tous
pensent pareil, c’est qu’ils pensent peu.
À part le Conseil Provincial, je veux mentionner explicitement les
Frères Onorino Rota, José Luis Elías, Francis Lukong et Juan Ignacio Poyatos, pour leur travail d’animation et de gouvernement dans des aires
comme l’Italie, le Liban, le District et l’Administration Provinciale. Je leur
ai fait pleinement confiance. Non seulement ils ne m’ont pas déçu, mais ils
ont fait mieux que ce que je ne pouvais penser et faire. Ils ont réussi,
entre autres points, à ce que la barrière, mes barrières, avec les langues
ne devienne aussi un mur de silence.
Autant dans le Conseil qu’en vous quatre j’ai trouvé appui, compréhension et sens du discernement. Plus encore, devant certains problèmes,
vous êtes toujours venus avec la solution et parfois vous les avez résolus
sans que je le sache.
Les mots me manquent pour vous en remercier, et je n’en ai qu’un
seul : Merci! Plus un sentiment est intense et profond pour moi, plus le
silence est allié à lui pour l’exprimer. Que le « Maître des vignes » et la
Bonne Mère, qui savent que vous avez pris soin du champ, de l’aube au
coucher du soleil, vous donnent le prix à la fin de la journée.
À vous mes Frères ici présents, je voudrais vous remercier de votre
présence en tant que capitulants, et vous encourager à travailler avec enthousiasme dans le service que les Frères attendent de vous et qu’ils vous
ont explicitement confié. Et je voudrais spécialement mentionner le seul
Frère capitulant dont l’absence parmi nous est justifiée par des causes externes dramatiques : Frère Georges Sabé, membre de la communauté
crucifiée d’Alep. Georges, nous savons que tu es présent avec ton cœur.
Je remercie aussi, en mon nom et en celui de vous tous et de la
Province, la présence du Frère Emili, Supérieur Général, pour sa présence
proche et éclairante à travers sa parole et ses écrits, particulièrement à
travers la lettre qu’il a adressée à la Province le 8 décembre passé. Merci
aussi Frère Ernesto, toujours prêt à venir à la Province ou au District et à
nous donner un coup de main. Nous te remercions de ton esprit
d’Emmaüs, de ton être et de ta présence comme compagnon de route.
Merci à vous tous qui avez accepté de joindre le Chapitre pour des
services auxiliaires, renonçant à des jours de vacances bien mérités.
Et je finis ce mémorial de la gratitude en remerciant Frère Juan Carlos pour son acceptation. Je crois que tu es le Provincial adéquat pour le
moment adéquat. Personnellement, je suis convaincu que les grâces
d’état existent, et tu les auras, soit à travers des médiations, soit directe2
ment par des motions de l’Esprit. La Province attend beaucoup de toi,
mais tu recevras davantage d’elle. Je te dis aussi que je crois à la parole
de Jésus quand il affirme que : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger».
Et je te rappelle ces vers du poème « Sembradores de vida (Semeurs de vie) » que tu nous as appris et que nous avons prié ensemble
parfois, qui commencent en disant :
Je voudrais être
semeur d’amour
pour finir en affirmant:
et c’est ce que je veux être,
semeur de vie.
2.- La densité du présent
Mais parlons maintenant
Non de ce temps enfui
Mais de celui-ci qui est encore à nous.
Frère José Luis Vallejo
Je voudrais rappeler des lignes que j’ai adressées au XIIe Chapitre
Provincial de l’ancienne Province de Levante, le 15 novembre 1997, parce
qu’elles sont une constante en moi. Je disais :
« Je ne peux pas laisser passer ces mots sans faire référence à ce
qui est au noyau d’une responsabilité de gouvernement : la prise de décisions, et la prise de décisions lorsque, au milieu, on trouve les personnes,
faisant partie d’une unité provinciale au service d’une mission provinciale
aussi.»
J’ai essayé de toujours respecter les critères raisonnables, les sentiments et le propre processus de discernement de chaque Frère. Jamais
je ne me suis permis d’affirmer que ce que j’avais pensé ou décidé, dans
les aires d’organisation et d’orientation, était la volonté de Dieu. Je pense
que cette certitude nous est interdite. Mais ceci étant clair, je me permets
de partager ce qui suit.
J’ai pris, nous avons pris, des décisions que le futur jugera bonnes
ou moins bonnes, et des décisions que même le futur n’arrivera pas à clarifier ; mais quoi qu’il en soit il y a des décisions ressenties comme arbitraires ou mauvaises. Il y a eu des Frères qui les ont acceptées à partir de
leur propre réalité spirituelle, et ils s’y trouvent encore là. De même que
d’autres, avec mon respect et mon consentement, restent dans ce qui
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était leur décision, même si cela ne veut pas dire que je partage cette décision.
Les Constitutions, au numéro 45, nous disent que « l'exercice de
l'obéissance évangélique est l'expression de notre liberté et de notre disponibilité », et entre les deux se trouve la conscience comme témoin de
l’équilibre difficile entre les deux. Cela doit être difficile, car même chez
les jésuites le compte de conscience est obligatoire si le supérieur le juge
nécessaire, dans le processus de discernement, même en matière du for
interne. Sans juger personne moralement, je respecte toujours les décisions de tous, mais je veux adresser un remerciement sincère et profond
à ceux qui ont plutôt exprimé leur liberté dans la pratique du service et de
la disponibilité demandées, laissant ce qu’ils étaient pour devenir ce qui
était nécessaire. À ces mots je dois ajouter aujourd’hui que la joie qui
vient d’un oui de disponibilité à tout, dépasse la tristesse de plusieurs non.
Je n’aime pas regarder en arrière, ni personnellement ni collectivement, et bien sûr encore moins de le faire avec colère ou de façon iconoclaste. La vie m’a appris, ou au moins c’est ainsi que je l’ai appris, qu’en
général la plupart des problèmes de type institutionnel que nous devons
résoudre aujourd’hui ont leurs origines dans les solutions mises en place
hier.
Notre présent est un présent dense, ou condensé, comme on aime
le dire aujourd’hui, parce qu’il est chargé d’un passé récent et d’un futur
imminent. Pour les grecs, Chronos est le temps linéaire, successif, courant, et Kairós est le temps spécial, significatif, condensé. Sans aucun
doute, notre présent provincial et institutionnel est un kairós. Sinon, ditesmoi que serait un temps pouvant être l’année de la vie consacrée, l’année
de la miséricorde et les vêpres du bicentenaire de la fondation ?
Je ne ferai pas un bilan de ce passé immédiat, nous le trouvons
doublement dans la lettre du Frère Emili à la Province, le 8 décembre passé, voix autorisée s’il en est, et dans les rapports des différentes commissions et équipes qui ont fonctionné dans la Province et que vous avez aussi à votre disposition.
Je n’ai jamais eu d’agendas cachés, mais oui des constantes qui
m’orientaient. Après mon passage par le Groupe Edelvives et mon retour
comme provincial à la Province Méditerranéenne, avec toute sa complexité
– et quand je dis complexe je ne dis pas compliquée –, aussi bien les deux
Conseils que votre serviteur nous avons compris que pour atteindre les
priorités que les Chapitres nous avaient indiqués, nous avions besoin de
trois outils :
1.- Unifier les critères d’animation et de gouvernement, dans une
province géographiquement et culturellement diversifiée.
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2.- Sensibiliser et motiver, particulièrement les Frères, pour le
changement. Devant une réalité différente, c’est suicidaire de prétendre
continuer sans changer. Seulement ce qui évolue subsiste, et l’évolution la
plus flexible est celle qui aura le plus de garanties de subsistance.
3.- Former des équipes stables, en sorte que les personnes, bien
qu’étant toutes nécessaires, aucune ne soit indispensable.
Nous pouvons réfléchir et partager à propos de ce que nous avons
réussi et de ce qui nous reste à atteindre.
3.- Je ne vous laisse que ça
En face de nous,
c’est le futur : je ne vous laisse que ça.
Blas de Otero
Le futur “per se” est ouvert, dynamique, flexible et changeant ; il ne
sera pas nécessairement comme nous l’imaginons ; nous sommes des
prophètes d’un futur qui n’est pas à nous. Mais, d’autre part, nous ne
pouvons pas oublier que les choses les plus belles de la vie existent parce
que d’abord quelqu’un les a rêvées.
Vous conviendrez avec moi : jamais n’est mauvaise année pour trop
de blé. Pourquoi je dis cela ? Parce que nous arrivons à ce Ve Chapitre
avec des antécédents qui, s’ils ne vont pas nous épargner du travail, peuvent le faciliter énormément. Concrètement, je fais référence à la lettre à
la Province du Frère Emili, où il nous parle de réussites et de défis, des
rapports des commissions et des équipes de la Province, avec ses lumières, ses ombres et ses défis, et finalement le futur anticipé du 2 janvier 2019, qui est le document dont nous a fait cadeau « l’Assemblée Provinciale de Frères et Laïcs ».
En mathématiques, avant de foncer droit à résoudre un problème, il
faut définir de façon claire et concrète les conditions du contour. Et que
sont les conditions du contour ? Par conditions du contour, on comprend
celles qui définissent le comportement d’un modèle dans ses limites. En
simplifiant, les solutions de beaucoup de problèmes sont autant concrètes
que sont concrets l’espace et le temps de sa validité.
Ernst Friedrich Schumacher, le célèbre économiste auteur du livre
« Lo pequeño es hermoso (Le petit est beau) » et précurseur de la socioéconomie, introduit à l’époque, pour le monde des organisations, la distinction entre problèmes convergents et divergents. Les problèmes convergents sont ceux dans lesquels les solutions offertes pour ceux qui cherchent à les résoudre tendent à s’approcher d’une réponse unique. Les
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problèmes divergents, par contre, sont ceux qui, lorsqu’ils sont étudiés
par un certain nombre de personnes capables, génèrent des réponses
contradictoires. Les espaces mécaniques, opératifs et informatiques sont
clairement des régions de problèmes convergents. Mais dans la région qui
couvre les personnes, les problèmes sont divergents.
Comment combiner avec succès l’animation et la gestion, la créativité et le contrôle, l’innovation et l’ordre, la liberté et le besoin, l’autonomie
individuelle et la cohésion du groupe, les changements personnels et institutionnels, que certains vivent avec déchirement, d’autres avec paralysie
et beaucoup, Dieu merci, avec équilibre. La logique aristotélicienne, en
général, ne fonctionne pas dans la solution de ces tensions bipolaires,
nous devons avoir recours à la logique paradoxale, celle qui nous dit que
le contraire d’une vérité profonde n’est pas une erreur, mais une autre
vérité profonde, comme nous avait dit Pascal et que Niels Bohr répéta.
Martin Buber nous dit que dans ces dialectiques bipolaires, où les
hommes sont au centre, les moi et les toi, les moi-toi, le plus important
n’est pas de trouver des solutions aux problèmes, – qui d’ailleurs, nous le
savons, sont divergents et qui nécessairement doivent passer par les expériences subjectives –, mais que le plus important est le dialogue et les
rencontres que ces tensions dialectiques provoquent.
Le futur imminent nous l’avons déjà dans ce présent condensé de «
Le journal de la Province Méditerranéenne » du mercredi 2 janvier 2019.
C’est le fruit de la rencontre merveilleuse de l’Assemblée Provinciale de
Frères et Laïcs pour explorer notre futur. Ce Ve Chapitre a l’obligation de
continuer à explorer et à élargir les horizons de notre futur.
Sans doute, il est très important et il est intelligent de fréquenter le
futur, tel que le recommandait le Dr Cardoso à M. Pereira dans le roman
« Sostiene Pereira » de Antonio Tabucchi : « … Arrêtez de fréquenter le
passé, fréquentez le futur. Quelle belle expression ! dit Pereira » : Fréquenter le futur.
A. Giménez de Bagüés
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