COM 96, Axe 1 Regards croisés sur l`œuvre de Jorge Semprun dans

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COM 96, Axe 1 Regards croisés sur l`œuvre de Jorge Semprun dans
COM 96, Axe 1
Regards croisés sur l’œuvre de Jorge Semprun dans la mise en récit de l’expérience
traumatique.
Béatrice Delplanche. Université du Québec à Rimouski (UQAR)
Innombrables sont les récits du monde. C’est d’abord une variété prodigieuse de
genres, eux-mêmes distribués entre des substances différentes, comme si toute
matière était bonne à l’homme pour lui confier ses récits.
Roland Barthes1
C’est le même Roland Barthes qui en 1968 décrétait la mort de l’Auteur 2, et le
structuralisme des années 70 ne concevait pas d’autre objet pour la narratologie que « le texte,
rien que le texte ».
Dans la modernité avancée, le sujet écrivant semble reprendre une place qu’on lui déniait
par crainte de tomber dans le « biographisme », à savoir l’œuvre expliquée par la vie de l’auteur
et les études du philosophe Paul Ricoeur, tout comme les théories de la lecture, ont contribué
entretemps à sortir le texte de sa clôture.
Je crois que la narratologie aurait intérêt à s'enrichir des travaux issus d’autres disciplines
qui débattent plus ouvertement des enjeux épistémologiques et méthodologiques de l'approche
biographique. Inversement, une connaissance des avancées théoriques de la narratologie et de la
linguistique de l’énonciation serait profitable à ceux qui mettent le récit de vie au cœur de leur
pratique ou de leurs recherches.
Le champ dans lequel je m’inscris est celui des études littéraires, ma recherche doctorale
portant sur l’œuvre de Jorge Semprun, écrivain français d’origine espagnole, connu surtout pour
sa contribution à la littérature concentrationnaire en tant que rescapé du camp de Buchenwald.
L’œuvre de Jorge Semprun se nourrit en grande partie de son expérience
concentrationnaire, des rappels de sa mémoire traumatique, intrusive et fragmentée. « Tous les
récits possibles ne seront jamais que les fragments épars d’un récit infini, littéralement
interminable3. » Variant la distance narrative, il nous décrit parfois d’un texte à l’autre la même
1BARTHES, R. (1966). Introduction à l’analyse structurale des récits, Communications 8, Paris :
Seuil, p.7.
2
BARTHES, R. (1968). La mort de l’auteur dans Le bruissement de la langue. Essais critiques IV
(1984), p. 63-69. Paris : Seuil.
23 SEMPRUN, J. (1980). Quel beau dimanche!, Paris : Grasset, p. 227.
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scène, le même cauchemar. Pour saisir la portée des récits de Semprun, l’intra textualité et
l’intertextualité sont incontournables.
Les récits qui concernent explicitement l’expérience de Buchenwald sont Le grand
voyage (1963), Quel beau dimanche! (1980), L’Écriture ou la vie (1994) et Le mort qu’il faut
(2001). Ces quatre récits constituent un corpus qui permet de rendre compte des rapports d’un
sujet à son trauma, par le truchement du narrateur, sur une période de plus de cinquante ans. On
peut y lire comment se décline son identité, comment, traversée par la mort, elle se désagrège, et
comment, en retrouvant le chemin de l’écriture, le sujet réintègre son moi profond, son identité
naissante d’écrivain prometteur arrêté dans son élan par la déportation et rendu muet par elle.
Cette longue quête de, et par l’écriture, c’est dans L’Écriture ou la vie que Semprun en rend le
mieux compte. C’est là qu’il montre comment il a vaincu l’indicible. La critique en avait fait un
lieu commun, voire un interdit, et Adorno n’y est pour rien malgré sa célèbre sentence : « Écrire
un poème après Auschwitz est barbare 4. » J’ai pu le vérifier au cœur même de l’œuvre de
Semprun qui, dans L’Algarabie (1981)5, reprend les premiers propos d’Adorno et les remet en
perspective grâce aux écrits ultérieurs du philosophe qui affirme alors :
La sempiternelle souffrance a autant de droit à l’expression que le torturé celui de hurler
; c’est pourquoi il pourrait bien avoir été faux d’affirmer qu’après Auschwitz il n’est plus
possible d’écrire des poèmes. Par contre, la question moins culturelle n’est pas fausse,
qui demande si après Auschwitz on peut encore vivre […]6
Vivre après l’expérience concentrationnaire, ou plutôt malgré elle, fut un des angles de
ma lecture de L’Écriture ou la vie (1994) dans un mémoire de maîtrise où j’ai exploré
l’inscription du traumatisme psychique et la possibilité de la reconstruction du sujet par l’écriture.
Mais pour appréhender l’histoire de vie de ce sujet singulier, il est nécessaire d’élargir le
corpus à l’œuvre dans son entièreté parce que, dans les romans dont la diégèse ne concerne pas le
camp, il y a malgré tout de nombreux éléments de référence au vécu concentrationnaire.
On présente donc souvent Jorge Semprun comme un témoin de la mémoire des camps. Il
l’est assurément car il possède cette mémoire expérientielle de la machine concentrationnaire
nazie. Mais il ne faut pas oublier que Jorge Semprun est aussi un exilé de la guerre d’Espagne, il
fut militant communiste clandestin dans l’Espagne de Franco puis, bien plus tard, ministre de la
4ADORNO, T. W. (1986). [1955 dans la version allemande] Prismes. Critique de la culture et de la
société, Paris : Payot, p. 23.
5SEMPRUN, J. (1981). L’Algarabie, Paris : Fayard, p. 189-190.
6ADORNO, T. W. (1978). [1966 dans la version allemande] Dialectique négative, critique de la
politique, Paris : Payot, 1978, p. 284.
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culture dans le gouvernement de Felipe Gonzalez. Et il fut très tôt orphelin de mère. Ce sont des
expériences majeures qui, à elles seules, constituaient un terreau pour l’écriture.
Ainsi, Adieu vive clarté (1998), est le récit autobiographique mémoriel de l’adolescence
vécue dans l’arrachement à la terre natale, à la langue maternelle. L’Algarabie (1980) est un
roman très dense, une uchronie. Mais c’est aussi dans ce roman, en apparence de fiction, que
l’écrivain aborde pour la première fois la mort de sa mère. Elle ouvre une plaie originelle dont il
parle peu. Jorge Semprun a huit ans lorsque sa mère meurt de septicémie en juillet 1931. La trace
mémorielle en affleure dans certains récits par un motif récurrent, de façon diffuse, rarement
explicite, sauf justement dans l’Algarabie (1981), dans Adieu vive Clarté… (1998) et dans
Federico Sanchez vous salue bien (1993) où l’auteur donne des clefs de lecture pour L’Algarabie.
J’avais écrit des années auparavant tout un roman, L’Algarabie, pour pouvoir parler de
ce couloir, de cette chambre, de ce souvenir mortel 7.
La figure maternelle est centrale également parce qu’elle est l’énonciatrice du projet parental pour
cet enfant-là, le choix originel de son identité d’écrivain. Jorge Semprun est conscient de la place
privilégiée que sa mère lui a assignée.
Il était établi que je serais écrivain, que je poursuivrais la tradition paternelle. C’était
une évidence familiale […] La seule alternative à cette vocation d’écrivain qui m’était
attribuée, inscrite dans mon hérédité familiale, c’était ma mère qui la formulait parfois,
avec une tendresse ironique. Ou amusée, du moins. « Écrivain ou président de la
République! » proclamait-elle à la cantonade8.
Jorge Semprun est également un scénariste de renom, le complice de réalisateurs comme
Costa Gavras ou Alain Resnais. Ce fut aussi le meilleur ami d’Yves Montand dont il a signé une
biographie9 où il livre au lecteur bien plus de son intimité que dans aucun autre de ses écrits.
Une lecture interdisciplinaire de l’œuvre testimoniale de Jorge Semprun se justifie
pleinement, mais elle a aussi ses limites, au risque de mettre à mal certains noyaux durs des
sciences humaines, et pas seulement de la narratologie, quand il s’agit d’interpréter les
mécanismes textuels de cette œuvre complexe dans sa configuration.
Ainsi, dans les séminaires du cycle « Roman familial et trajectoire sociale » à l’Institut de
sociologie clinique de Paris, j’ai pu expérimenter que la présentation de notre récit de vie était
chaque fois la réécriture d’une même histoire, même si les événements ont été vécus une seule
fois. Cela m’a rappelé une discussion que j’ai eue avec Jorge Semprun à propos de la fréquente
réécriture dans son œuvre des mêmes événements. Nous avions discuté, entre autres, de la lecture
erronée qu’en faisait Susan Rubin Suleiman, professeur à Harvard, dans son livre « Crisis of
7SEMPRUN, J. (1993). Federico Sanchez vous salue bien, Paris : Grasset, p. 245.
8SEMPRUN, J. (1998). Adieu vive clarté…, Paris : Gallimard, p. 20.
9SEMPRUN, J. (1983). Montand, la vie continue, Paris : Denoël.
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Memory and the second world war 10» Jorge Semprun m’a confirmé qu’il s’agissait bien, comme
je le soupçonnais, d’une question d’horizon d’attente, une anecdote réelle, d’abord tue dans le
premier récit de 1963, relatée comme fictive en 1980 et ensuite comme réelle en 1994 étant
irrecevable par son caractère étonnant pour lecteur de 1963 ou de 1980, mais acceptable pour le
lecteur de 1994, le lectorat ayant évolué. Pour Susan Suleiman, les variations dans la relation
d’une scène qui concerne l’arrivée de Semprun à Buchenwald témoignaient soit d’une erreur de
l’écrivain, soit de l’aspect traumatique de sa mémoire. Cela n’est pas faux de voir dans la
réécriture toujours inachevée de l’expérience de Buchenwald une manifestation du traumatisme,
nous le verrons par ailleurs, mais pas dans la scène analysée. Jorge Semprun m’a confirmé
l’erreur de lecture de Susan Suleiman et a ajouté : « La scène est véridique et même, je n’ai pas
encore dit toute la vérité de cette scène pourtant véridique mais impensable au lecteur de 1963. »
« L’événement a été vécu une seule fois », me dit Semprun, « mais je peux le relater encore et
encore en fonction du lectorat qui évolue ou de ma propre relecture ». Cela nous a ramenés aussi
aux notions de temps vécu et de temps raconté qu’a développées le philosophe Paul Ricoeur.
L’identité narrative, autre concept clef chez Paul Ricoeur, peut se résumer ainsi : « en me
racontant, je rassemble les éléments épars de mon moi morcelé en un tout qui fait sens ». La
réécriture de l’événement, chez Jorge Semprun, témoigne de son propre aveu de la difficulté à
rassembler les éléments épars de son moi morcelé par une vie aussi tourmentée. L’œuvre de Jorge
Semprun est un palimpseste, une vie sans cesse réécrite dans les méandres de l’œuvre, qu’elle soit
de pure fiction ou explicitement autobiographique.
Cette hybridité générique fait la richesse de l’œuvre mais en complique la lecture.
Philippe Lejeune définit l’autobiographie comme « le récit rétrospectif en prose qu’une personne
réelle fait de sa existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur
l’histoire de sa personnalité 11». Le pacte autobiographique est un contrat que l’auteur passe avec
le lecteur. Ce contrat c’est « l’affirmation, dans le texte, de l’identité du nom [auteur-narrateurpersonnage] renvoyant en dernier ressort au nom de l’auteur sur la couverture 12».
Tantôt, même si le pacte autobiographique est scellé, Semprun déroge à certains des
principes énoncés par Philippe Lejeune. Il mêle malgré tout la fiction au réel. D’un autre côté,
dans ses romans les plus fictionnels, c’est le réel qui parfois fait irruption, tout comme l’auteur
lui-même, parfois, qui s’invite de lui-même dans la diégèse. Semprun use souvent de ce procédé
auquel Gérard Genette a donné le nom de « métalepse ». Cela permet à l’écrivain de manifester
son autorité narrative. « Je suis le dieu tout-puissant de la narration » revendique-t-il
fréquemment.
10SULEIMAN RUBIN S., (2006). Revision: Historical Trauma and Litery Testimony. The
Buchenwald memoirs of Jorge Semprun, in Crises of Memory and the second World War,
Cambridge/London : Harvard University Press, p. 132-158.
11LEJEUNE, P. (1975-1996), Le pacte autobiographique, Paris : Seuil, p. 14.
12LEJEUNE, P. (1975-1996), Le pacte autobiographique, Paris : Seuil, p. 26.
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En narratologie, ce parti pris ne va pas nécessairement de soi et la polémique entre
ségrégationnistes et intégrationnistes sur la question de la part de la fiction et du réel dans les
textes autobiographiques est un débat qui a fait couler beaucoup d’encre. On peut en lire une
synthèse dans l’article d’Yves Baudelle sur les problèmes de transposition fictionnelle dans le
roman autobiographique paru dans Protée13.
Mais la position de Jorge Semprun à revendiquer la fiction dans ses récits qui concernent
son vécu à Buchenwald dépasse le débat de la critique littéraire. L’auteur est aussi un témoin. Son
histoire personnelle rejoint la grande histoire. Et l’écrivain se voit alors investi d’un rôle qui le
place pour certains critiques ou théoriciens des disciplines qui étudient la veine des récits
concentrationnaires dans l’obligation de rendre compte de l’expérience sans aucun artifice.
Autobiographie et témoignage ne renvoient pas à la même réalité et ne semblent pas avoir
la même finalité. Alain Goldschläger distingue ces deux modes d’écriture. Dans l’autobiographie,
c’est le sujet qui est au centre du récit. « L’événement ne joue que le rôle d’un révélateur des
limites et de la personnalité du Je. Dans le cas du témoignage, le but s’inscrit dans une
connaissance de l’événement et l’individu ne se présente que comme un instrument du savoir 14. »
Le Je est au second plan.
L’écriture de Semprun, pourtant, ne s’inscrit pas seulement dans la transmission d’une
mémoire collective, mais dans la reconstruction de son identité fracturée par l’expérience
concentrationnaire. C’est le Je qui se déploie dans son œuvre, depuis sa désagrégation par
l’entreprise de déshumanisation des Nazis, jusqu’à la réintégration de son Moi profond, son
identité d’écrivain, au-delà de celle de militant communiste, lorsqu’il aura trouvé la forme
narrative pour exorciser son vécu paroxystique.
Dans un entretien que l’écrivain a accordé au journal L’Express en mai 201015, il
rapporte d’ailleurs le reproche qui lui a été parfois fait : « En fait, tu écris moins des livres sur une
époque que des livres sur toi, des livres individualistes. Et puis, tu racontes ta vie mais tu ne
racontes pas toute ta vie. » Je ne reprendrai pas ici les justifications de Semprun à cet égard, ce
n’est pas le lieu.
L’éthos biographique est un concept qui veut rendre compte de l’image se soi construite
dans le discours qui peut mener l’interlocuteur, ou ici le lecteur, à légitimer ou non le discours et
son énonciateur au nom d’une doxa pré-établie ou des positionnements propres au lecteur. Jorge
Semprun se décrit lui-même plus d’une fois comme un témoin encombrant du fait de l’hybridité
générique de son œuvre. Sa revendication d’introduire de l’artifice dans ses récits qui concernent
13BAUDELLE, Y. (2003). Du roman autobiographique. Problèmes de la transposition fictionnelle,
in Protée, la transposition générique, Presses de l’Université du Québec à Chicoutimi, 31-1, p. 726
14 GOLDSCHLÄGER , A. (1997). La littérature de témoignage de la Shoah. Dire l’indicible - Lire
l’incompréhensible, in Texte, Revue de critique et de théorie litéraire, Toronto : Trintexte, p. 263.
15http://www.lexpress.fr/culture/livre/jorge-semprun-je-ne-suis-ni-espagnol-ni-francais-je-suisun-ancien-deporte-de-buchenwald_891830.html
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le camp ne touche pas seulement à un noyau dur de la critique littéraire mais aussi à celui d’autres
disciplines que la veine concentrationnaire intéresse. Ainsi, Jean-François Chiantaretto,
psychanalyste et professeur de psychologie à Paris –XIII, dans son essai Le témoin interne,
Trouver en soi la force de résister (2005) met en cause « le caractère indécis ou indécidable [du]
registre narratif16 » de Jorge Semprun et sa revendication de la fiction dans ses tentatives pour
transmettre son expérience concentrationnaire. Il cite in extenso une conversation de Semprun
avec d’autres rescapés présente dans l’Écriture ou la vie, qui s’interrogent sur la meilleure façon
de témoigner de leur expérience. Pour Semprun, il ne fait pas de doute qu’il faille introduire de
l’artifice dans la relation des événements, notamment pour ménager l’auditoire. Plutôt que
d’insister sur le caractère indicible de l’expérience concentrationnaire, Semprun développe un
argumentaire qui tient compte de l’auditeur ou du lecteur du récit : « Raconter bien, ça veut dire :
de façon à être entendu. On n’y parviendra pas sans un peu d’artifice… Il faudrait une fiction,
mais qui osera17? Chiantaretto refuse cette position, « le critère permettant d’apprécier la valeur
d’un témoignage écrit, consiste dans la justesse de l’acte de certification personnelle (dé)posé par
l’auteur dans son texte18 ».
Mais si on se replace dans la position du lecteur ou de celui qui a à entendre le témoin, la
configuration du récit en conditionne également la réception et ce que le lecteur en fera. Cela me
semble essentiel au vu, notamment des théories du trauma, qui insistent sur l’importance, pour la
personne victime, d’être entendue. Paul Ricoeur, une fois de plus, alimente cette posture
fondamentale dans ce qui se joue entre l’auteur et son lecteur.
C’est la tâche de l’herméneutique de reconstruire l’ensemble des opérations par
lesquelles une œuvre s’enlève sur le fond opaque du vivre, de l’agir et du souffrir, pour
être donnée par un auteur à un lecteur qui la reçoit et ainsi change son agir. Pour une
sémiotique, le seul concept opératoire reste celui du texte littéraire. Une herméneutique,
en revanche, est soucieuse de reconstruire l’arc entier des opérations par lesquelles
l’expérience pratique se donne des œuvres, des auteurs et des lecteurs 19.
L’œuvre de Semprun, et le fait d’en côtoyer l’auteur (non, l’auteur n’est pas mort), a bien
évidemment contribué à « changer mon agir », mon objet d’études aussi. Ainsi, de la lecture de
l’inscription du traumatisme dans son œuvre, j’en suis venue à vouloir plutôt étudier la question
16CHIANTARETTO, J.-F. (2005). Le témoin interne. Trouver en soi la force de résister. Paris :
Flammarion-Aubier, p. 120.
17SEMPRUN, J. (1994). L’Écriture ou la vie, Paris : Gallimard, p. 135-138.
18CHIANTARETTO, J.-F., (2005). Op. cit., p. 120.
19RICOEUR, Paul (1983).. Temps et récit. 1. L’intrigue et le récit historique. Paris : Seuil, p. 106.
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du Mal, de la souffrance et du rapport à l’Autre. Ce n’est pas anodin. En dehors de ma recherche
doctorale, j’accompagne des personnes en fin de vie dans une maison de soins palliatifs. Je suis
donc plus d’une journée par semaine amenée à entendre des fragments d’histoires de vie où
l’enjeu, pour les patients est, si pas de trouver un sens à la maladie et plus largement à leur
existence où la mort vient s’inscrire comme un événement à court terme, du moins de diminuer
l’angoisse que leur mort prochaine provoque en eux. Cela passe par le dire ou le taire, un regard
parfois suffit… ou non. Il faut être capable d’accueillir la parole du mourant, celle de ses proches
aussi. Car il s’agit bien de cela, et Jorge Semprun me semble être un des seuls écrivains de la
veine des récits concentrationnaires à avoir formulé explicitement non pas tant la question de
l’indicible, mais celle, corollaire, de l’inaudible.
On peut tout dire en somme. L’ineffable dont on nous rebattra les oreilles n’est qu’un
alibi. Ou signe de paresse. On peut toujours tout dire, le langage contient tout. […]…
Mais peut-on tout entendre, tout imaginer? Le pourra-t-on? En auront-ils la patience, la
passion, la compassion nécessaire20?
Telle est l’appropriation majeure que j’ai faite d’une lecture de la souffrance et de
l’altérité dans l’œuvre de Jorge Semprun. C’est devenu mon credo dans ma posture
d’accompagnante.
20SEMPRUN, J. (1994). L’Écriture ou la vie, p. 23-24
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