La modélisation participative comme spécification d`une

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La modélisation participative comme spécification d`une
La modélisation participative comme spécification d’une
organisation d’agents « sous-modèles » par un utilisateur
Participative modeling as user’s specification of “submodels” agents’ organization
Samuel Poujol, Nils Ferrand, Cemagref Montpellier
[email protected], [email protected]
Summary
We introduce the objectives, multi-agent design principles and implementation of a
participative modelling platform for watershed management, Aquabot.
It aims at supporting formulation and coevolution of models by groups of non expert users.
The system’s design has to cope with two different objectives, often contradictory:
ergonomics, and models’ validity in regard to various objectives. The former addresses
accessibility, attractiveness and usability for any kind of user (including profane public after a
very limited training). The latter includes issues related to coherency, basic scientific validity
and relevance of the obtained model for knowledge elicitation and cognitive conflicts
mitigation.
Our proposal is based on the user setting an organization of agents, each one representing a
sub-model of specific grain, selected from a catalogue. By structuring agents’ interactions, the
user shows her vision of interdependencies, and can evaluate dynamically the simulated
results. Practically, users can choose bricks (agents) types within a list, and can instantiate
them in a design space. They get information on the brick’s behaviour and can easily
parameterize them. Next step is for them to specify interactions by dragging links between
bricks. Hence the system becomes “runnable” and can be tested.
We describe also the types of constraints we have introduced for valid organizations, and we
specify principles for automatic instantiation of interactions, following predefined rules. It
will produce some new instances when required e.g. by resources migration in the system.
We introduce the prototype platform we have developed on top of [MadKit], a multi-agent
development kit including a specific graph editor, SEdit.
We conclude on opportunities for future developments in a multi-users version.
Résumé
Nous présentons ici les objectifs, les principes de conception multi-agents et la réalisation
d’une plate-forme de modélisation participative dédiée aux bassins versants, Aquabot.
Il s’agit à terme de pouvoir faire formuler et co-évoluer des modèles collectivement par
plusieurs utilisateurs issus d’un public non expert. La conception répond à deux objectifs
souvent contradictoires : ergonomie et validité du modèle produit en regard des objectifs
fixés.
Notre proposition se fonde sur l’organisation par l’utilisateur d’un ensemble d’agents qui
représentent des sous-modèles de grain variable, disponibles dans un catalogue. En structurant
les interactions entre agents, l’utilisateur manifeste sa vision ou sa compréhension des
interdépendances et peut en évaluer les résultats dynamiques. Nous abordons ici les formes de
contraintes que nous avons introduites sur les organisations admissibles, et nous précisons les
modalités de création dynamique d’interactions, en fonction de règles préétablies.
Nous présentons enfin le prototype de plateforme que nous avons développé à partir du
système [MadKit].
Enjeux et contraintes de la modélisation participative
On définit la modélisation participative comme « le processus associant des personnes
intéressées pour construire ensemble un modèle de situation ou de système, sans qu’elles ne
soient nécessairement réputées expertes, et afin qu’elles mêmes ou le système cible en tirent
un bénéfice individuel et collectif ». Les enjeux de cette approche sont divers. Elle a une
valeur pédagogique, puisque chacun des participants peut gagner en connaissances sur la
réalité modélisée, et sur les perceptions des autres (modélisation médiatrice [Haradji, Ferrand,
Li, 2004]). Elle démocratise davantage le processus de décision, en y intégrant des acteurs de
terrain, ce qui peut à la fois améliorer le contenu même des modèles, et la légitimité des
savoirs [Feldman, Le Grand, 1996] ou décisions produits, en réduisant la distance modèle acteurs.
La nature des utilisateurs ciblés par les processus participatifs de gestion de l’eau (« n’importe
qui » en général), impose à terme de surmonter des problèmes difficiles d’ergonomie. Les
utilisateurs potentiels ne sont ni experts en informatique, ni scientifiques. De plus, l’extraction
et l’échange de connaissances sont centraux pour la réussite du projet. Le formalisme de
modélisation doit être suffisamment suggestif pour ne pas induire une nouvelle barrière. Et
l’incitation à formuler et à échanger doit être réelle.
Par ailleurs, le statut de véracité et de transmissibilité du savoir produit doit être clair, et
conforme avec les objectifs de validité fixés en début de session. Ne serait ce que pour
pouvoir expérimenter avec l’infrastructure, un certain degré de cohérence et de complétude
dans l’expression des points de vue est nécessaire. A cela s’ajoute la conformité avec les
certitudes scientifiques ou le sens commun, dans la mesure où l’on peut les formuler a priori
lors de la conception.
Dans cette approche, il ne peut s’agir a priori de faire reconstruire par des utilisateurs non
experts des modèles de processus biophysiques ayant été validés par des générations de
chercheurs. L’enjeu porte sur les interactions entre processus, et avant cela, sur le choix de
considérer ces processus dans un point de vue. On considère ainsi que les modalités
d’écoulement de l’eau dans un bief ne sont pas discutées avec l’utilisateur, mais qu’en
revanche l’existence d’une dépendance entre ce régime d’écoulement et le parcellaire
périphérique est un objet de controverse entre points de vue.
Quel support logiciel ? Pourquoi une approche multi-agents ?
Il existe un ensemble d’infrastructures logicielles dont on peut estimer qu’elles permettent des
services de ce type : logiciels de modélisation mathématique (MathLab1 , Maple,
Mathematica, etc), plateformes de simulation par événements discrets (AnyLogic, SimuLink,
DEVS), dynamique de systèmes équationnels (VenSim, Stella, ICMS, WEAP21),
environnements graphiques de développement logiciel par composants (Rational Rose,
WinDev), plateformes multi-agents (Swarm, Repast dont SimBuilder, Cormas, DIAS
FACET, MadKit…). Cependant, dans une analyse préalable, nous avons évalué leur
adéquation par rapport au activités suivantes : manipulation de modèles existants,
paramétrage de modèles existants, modification de l’assemblage dans un modèle, paramétrage
de sous-modèles, création de sous-modèles ; et pour les critères suivants : utilisabilité,
1
Tous les noms de marque et produits sont déposés par leurs propriétaires.
expressivité, présentation, ainsi que les critères de [Scapin, Bastien, 1997]. Notre conclusion
principale est que, si l’on ne souhaite pas devoir révolutionner l’interface de systèmes intégrés
de type MathLab, ce qui risque d’être coûteux, un prototypage préalable peut être envisagé à
partir d’une plateforme multi-agents que l’on maîtrise déjà (critère pragmatique) et qui
dispose d’un environnement spécifique de modélisation organisationnelle. Le choix de
MadKit et de son composant SEdit a donc été le notre.
Le choix d’une architecture multi-agents se justifie par quatre raisons principales :
1. l’individualisation et la correspondance entre agents et entités conceptuelles
2. la formalisation des interactions comme messages permet une grande flexibilité dans
le contenu des interactions, qu’il s’agisse de transfert d’états entre équations (couplage
classique) ou de processus d’observation passive, ou de contenus symboliques
3. les voisinages et les organisations sont explicites, et manipulables dans la dynamique
des agents – ceci est techniquement renforcé par le paradigme Agents-Groupes-Rôles
de Madkit
4. les dynamiques d’activation parallèles permettent l’introduction « au vol » de
nouveaux composants
En revanche, conformément aux critiques classiques, le modèle résultant n’est pas analytique,
peu performant en calcul pour les cas complexes, et pas toujours répétable si l’ordonnanceur
n’est pas explicite.
Protocole de modélisation participative ergonomique et valide
Le formalisme de représentation des points de vue forme la base de l’infrastructure, puisque
c’est le langage que les acteurs utiliseront pour s’exprimer. On souhaite que les utilisateurs
représentent chacun leur vision du système complexe, c'est-à-dire des agents sous-modèle (ou
« briques »2) en interaction non linéaire. Un graphe permet de représenter la structure d’un tel
système à un instant donné, avec des briques aux sommets et des interactions possibles (ou
« tubes ») comme arcs orientés. Ce graphe peut avoir plusieurs échelles, décomposant ainsi le
modèle en sous systèmes. Différents types d’agents et d’interactions sont présents comme
primitives du formalisme.
Pour aller dans le sens de la validité, à ce formalisme s’ajoute un système de contraintes. La
première nécessité est d’obtenir un point de vue « exécutable » en tant que modèle isolé, et
/ou raccordable aux autres. Pour arriver à ce stade de validité, une brique est connectable à
certains types de tubes, en fonction de ses « baies ». Ce premier type de contrainte permet
d’assurer la cohérence locale du point de vue.
Il faut, toujours au niveau d’un agent, un minimum de complétude. C’est pourquoi il est
possible de définir des dépendances entres briques.
Avec ces contraintes on obtient les bases d’un modèle calculable et cohérent. Pour assurer la
conformité du savoir extrait avec les attentes, pratiquement n’importe quel type de contraintes
doit être exprimable. Des utilisateurs expérimentés les définissent dans un langage de bas
niveau.
Individuellement, les utilisateurs acteurs peuvent interagir avec le modèle selon plusieurs
modalités, de difficulté croissante :
1. chargement, manipulation et test des modèles (stockés sous forme XML)
2. paramétrage global (pas de temps, observations)
2
Sans rapport direct avec « BRIC » de Ferber (1995)
3. formulation et structuration de modèles, par dessin d’une organisation d’agents
briques. Ces agents peuvent être constitués de sous-organisations.
4. paramétrage de briques et d’interactions
Nous laissons de côté les modalités plus avancées de création de nouvelles briques, limitée ici
à la recopie de sous-organisations.
Création d’instances d’un type dans un
point de vue
Création d’instances d’interactions entre
entités
Abstraction d’un sous-modèle en un
nouveau type
Evaluation des anticipations selon un
point de vue
Dans l’article, nous détaillons les différents protocoles de contrainte sur l’organisation, et les
modalités d’échange de messages dans le système.
La plate-forme Aquabot
A partir du système WarBot intégré dans MadKit-SEDIT, nous avons développé un prototype
fonctionnel de plateforme de modélisation participative, Aquabot.
Celui-ci permet au concepteur expert de proposer des briques (bief, parcelle, agriculteur,
poisson, pompe, pluie…) intégrant une aide ergonomique, et caractérisés par les interactions
qu’elles acceptent. Il peut aussi spécifier des tubes et préciser leur éventuel paramétrage.
L’utilisateur dispose ainsi d’un ensemble de briques qu’il peut instancier puis lier pour définir
une organisation, en précisant certains paramètres. L’architecture fournit des briques
élémentaires d’assemblage, comme des tests, des afficheurs ou des modules algébriques.
Après construction d’une organisation, l’utilisateur peut l‘exécuter et observer l’évolution
temporelle du modèle.
Conclusion et perspectives
La plate-forme Aquabot va être prochainement testée sur une application réelle, sur le bassin
de la Drôme, avec des utilisateurs de différents types. Elle permet dores et déjà de formuler et
tester des modèles points de vue, sous la forme d’une organisation d’agents, dont les
interactions sont contraintes structurellement. La principale évolution que nous prévoyons est
la sérialisation complète des instances, qui permettra de gérer complètement l’abstraction
d’organisations et leur réinstanciation lors d’une copie. Cela ouvrira la voie aux
développements futurs en mode multi-utilisateurs explicites avec identification des
propositions et combinaison des versions de modèle partagé.
Références
Cormas, http://cormas.cirad.fr/
Feldman, J., Le Grand, J.-L., 1996. Savoirs savants, savoirs profanes. Ethique, épistémologie et sciences de l’homme, p. 89-105
Ferber,J., 1995 Systèmes Multi Agents, vers une intelligence collective, InterEditions
Haradji, Y., Ferrand, N., Li, H., 2004, Relations à l’utilisateur et nouveaux usages, in Systèmes Multi Agents, ARAGO 29,
OFTA, TEC&DOC
Madkit, http://www.madkit.org/
Mimosa, http://lil.univ-littoral.fr/Mimosa/
Poujol, S., 2004. Conception d'une infrastructure de modélisation participative par des systèmes multi agents. Rapport de DEA
Informatique. LIRMM / Cemagref.
Repast, http://repast.sourceforge.net/
Scapin, D.L., Bastien, J.M.C., 1997. Ergonomic criteria for evaluating the ergonomic quality of interactive systems. Behaviour &
Information Technology, 6(4-5), 220-231.
Swarm, http://www.swarm.org/
Vensim, http://www.vensim.com/
Weap21, http://www.weap21.org/

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