BIBLIOGRAPHIE - Département d`information et de communication
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59 vin en Géorgie : l’organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a naturellement choisi Tbilissi pour son symposium annuel : conférences, visites de vignobles et de chais, projection du film de Pierre Gotchel « Pour l’amour du vin », tourné en Kakhétie pour Arte. Encore un domaine où Géorgiens et Français rivalisent pacifiquement, verre en main. L’école française du Caucase, démarrée discrètement en 2007 par de petites classes, dans les locaux du Centre Culturel Français Alexandre Dumas, devient grande. Les nouveaux bâtiments du magnifique Parc Vaké formeront bientôt de multiples générations de Sud Caucasiens à la francophonie. Le Centre médical de Gourdjaani, en Kakhétie, ouvert grâce au soutien financier du Conseil Général de l’Yonne, est déjà trop petit : la première pierre de l’extension est posée. Soutien financier, soutien médical, mais aussi échanges car la Géorgie bénéficie d’une très ancienne tradition médicale francophile. L’implication de nombreuses institutions géorgiennes et françaises, ainsi que le parrainage de nombreuses sociétés privées ont permis ce succès, il faut néanmoins citer en premier lieu le Centre Culturel Français Alexandre Dumas de Tbilissi. BIBLIOGRAPHIE Un classement de 300 livres, revues ou journaux, en langue française, concernant la Géorgie, a été défini sur le site Internet du Comité de Liaison pour la Solidarité avec l’Europe de l’Est. Il est structuré en dix catégories, arts et traditions, géographie, guides touristiques, histoire, langue géorgienne, littérature, politique et géopolitique, religions, revues et journaux, divers. Il est accessible par le lien http://www.colisee.org/article.php?id_article=1682 La vigne de Géorgie, toute une histoire (photo M Meloua) L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Le théâtre, si populaire en Géorgie, a permis de donner des représentations de Françoise Sagan (« L’écharde » rebaptisée « Le chant du cygne » par Nugzar Bagration-Gruzinski), de Félicien Marceau (« L’oeuf » mis en scène par Sandro Mrevilishvili), d’Eric-Emmanuel Schmitt (« Le visiteur » mis en scène par Gotcha Gorgoladzé) ou d’Eugène Ionesco (« Les chaises »). Une soirée exceptionnelle « L’homme qui parle à la pluie parisienne du soleil tbilissien » a été réservée en l’honneur de Georges Ekizachvili, professeur de littérature française à l’université de Tbilissi ; les anciens élèves de cette université, diplômés de langue française (FLE / LEA), ont tenu à créer leur Association. Les capitale régionales n’ont pas voulu être en reste et ont organisé leur fête de la francophonie, le 9 mars pour Batoumi en Adjarie, les 20 et 22 mars pour Koutaïssi en Imérétie. Un second temps fort, du 20 juin au 2 juillet 2010, a proposé des polyphonies corses et géorgiennes, du théâtre, des fêtes musicales, le symposium international du vin, un nouveau bâtiment de l’Ecole française du Caucase et une extension de Centre médical. Les ensembles corses Spartimu, géorgiens Simi et Basiani ont rivalisé de vocalises, pacifiques, même si parfois la polyphonie à trois voix magnifie les départs en guerre. La compagnie Presto Andate, habituellement en résidence dans l’Ouest français, est venue apporter les lumières du spectacle « Où es-tu ? », à la grande joie de son directeur, Alexis Djakeli, d’origine géorgienne. Jazz et rock se sont conjugués dans les deux langues, avec le sextuor Silvain Bœuf, le groupe Lartigo, le groupe Lo Jo et Niaz Diassamidze, le quintet Akpé Motion et Isabelle Poinloup, le Big Band de Tbilissi. Les anciens Grecs disaient avoir découvert le 60 EUROPE GRECE Rédaction Année francophone Internationale [email protected] Jamais sans doute dans l’histoire d’un pays l’actualité aura été à ce point focalisée sur l’économie... et ses conséquences politiques, en Grèce et dans toute l’Europe. La réaction sociale ne s’est pas faite attendre. Histoire d’une tentative de sauvetage économique à rebondissements et soubresauts, qui marque et marquera la Grèce pour longtemps. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Après dix années de croissance soutenue, à plus de 4% par an, la Grèce est entrée en récession en 2008, pour afficher un recul du PIB de 1,5% en 2009, et un taux de chômage remontant au-dessus de 10%. Les deux moteurs traditionnels de l’économie grecque, investissements et consommation privée, ont connu des ratés en même temps: chute des investissements de 15% pour le tourisme et 20% pour la marine marchande, baisse de 40% des ventes automobiles et de 30% du bâtiment. Le nombre des impayés dans les banques est multiplié par trois. Les impôts ne rentrent plus. L’Etat, qui n’a pas réduit son train de vie, entre dans une mauvaise passe. D’autant, qu’avec l’aide de la banque Goldman Sachs, il a réussi à mentir sur l’état de sa dette réelle: depuis dix ans, selon les spécialistes, la Grèce a réussi à «cacher» chaque année plus de 2% d’écart entre le déficit réel et le déficit déclaré à Bruxelles! La dette «pour de vrai» dépasse donc les 120% du PIB, et le déficit annuel voisine les 13%. La gauche pour l’austérité C’est dans ces conditions que la Grèce change de dirigeants. Le parti de gauche traditionnel, le PASOK, remporte une claire victoire aux élections d’octobre 2009, et s’octroie, avec 44% des voix, une majorité de 160 sièges sur 300, qui va permettre à Georges Papandreou de revenir aux affaires . La droite au pouvoir (Nouvelle démocratie) a été laminée (un tiers des suffrages) et c’est le parti d’extrême droite LAOS qui progresse à 5,6% derrière le PC stable à 7,5. L’ancien premier ministre Costas Caramanlis se retire de la direction de son parti, qui lors d’un congrès extraordinaire, désigne Antonis Samaras, ancien ministre de la Culture, comme son nouveau leader, à présent dans l’opposition. Conscient de la situation réelle du pays, Georges Papandreou présente un plan d’action et de réformes, et un budget, visant à contenir et réduire les déficits: 8,7% du PIB en 2010 contre 12,7 en 2009, avec promesse de réduire encore jusqu’à 2,8% en 2012. Mais en décembre, les agences de notation font feu sur la Grèce: Fitch Ratings baisse la note de A- à BBB+, Standard & Poor’s fait de même huit jours plus tard, et Moody’s baisse la sienne de A1 à A2 . Le gouvernement sent bien qu’il faut aller plus fort: le 2 février, il gèle tous les salaires publics au-dessus de 2000€, déclenchant une première grève générale le 24 février. Le 5 mars, il gèle les pensions, réduit de 30% les primes du secteur public, monte la TVA à 21%, augmente les taxes sur l’essence, le tabac et l’alcool (enjeu de 4,8 milliards d’euros), déclenchant une nouvelle grève le 11 mars. La Grèce parvient à emprunter pour ses fins de mois, mais à des taux qui ne cessent de grimper pour elle (3,65% contre 1,67 un an plus tôt), et le premier ministre menace alors de s’adresser au FMI (une honte, pour un pays européen!) Malgré les réticences allemandes et les valseshésitations de différents pays, devant les menaces directes en cascade sur l’euro, les dirigeants européens adoptent début avril un plan d’aide à la Grèce d’environ 30 milliards, qui repose sur des prêts bilatéraux, dont la Grèce demande le déclenchement fin avril 2010, au moment où Standard & Poors rétrograde la note des obligations portugaises, puis espagnoles. La Banque centrale européenne apporte un soutien technique en acceptant les obligations de la dette grecque. Manifestation monstre à Athènes le 1er mai, suivie le lendemain, le même jour que le déblocage du plan d’aide européen, de l’annonce du quatrième plan d’austérité, qui frappe tous azimuts: - suppression des 13e et 14e mois dans la fonction publique, compensée par une prime annuelle de 1 000€ pour les fonctionnaires gagnant moins de 3 000€ - gel des salaires des fonctionnaires pendant trois ans - renforcement de la flexibilité du marché du travail (en clair: facilités pour licencier), contre le maintien du 13ème mois dans le secteur privé - durée de cotisation pour une retraite à taux plein portée de 37 annuités à 40 annuités en 2015 - ouverture à la concurrence dans des professions fermées - taxe sur les résidences illégales - nouvelle hausse de la TVA de 21 à 23% Une manifestation tourne mal Le 5 mai, troisième grève générale qui tourne mal: trois employés d’une banque sont tués dans l’incendie causé par un cocktail molotov. La tension ne cesse de monter sur les marchés, et l’Europe hausse son plan de soutien à la Grèce à 110 milliards de prêts sur trois ans, puis pour éviter la contagion à la péninsule ibérique, voire à l’Italie, annonce se doter, en coopération avec le FMI, d’un fonds de stabilisation de 750 milliards d’euros (440 venant des Etats, 250 du FMI, et 60 empruntés). En outre, la Banque centrale européenne permet aux banques centrales nationales de la zone d’acheter de la dette publique et de la dette privée sur les marchés secondaires. A court terme on assiste à un très fort soulage- ment des marchés. Le lundi 10 mai, le CAC 40 gagne 9.66%, le DAX allemand 5.30 % et le Dow Jones américain 3.90%. Les valeurs bancaires sont particulièrement à la hausse, car elles vont pouvoir apporter les emprunts publics les plus « risqués » à la BCE. Cela n’empêche pas les notes de la Grèce de chuter encore: à Ba1 pour Moody’s, BB+ pour S&P, BBB- pour Fitch. Cela n’entame pas la détermination des Grecs, qui mènent le 8 juillet leur sixième grève générale contre l’austérité. Les satisfecits de l’Europe et du FMI stabilisent un peu les attaques contre la Grèce, en difficultés malgré tout fin juillet par une grève du transport aérien puis une pénurie de carburant créée par une grève des chauffeurs routiers. Le tourisme a chuté de 10%, la FNAC fermé ses trois magasins d’Athènes, le PIB attendu pour 2010 est à -4%, et si on prévoit +1 en 2012, on passera par–2,6 encore en 2011. La totalité de l’ardoise est loin d’être apurée. Après avoir remanié son gouvernement le 7 septembre, et accueilli une nouvelle délégation d’inspecteurs de l’Union européenne, du FMI et de la BCE, tout en repoussant à 2014 l’objectif de passer sous les 3% de déficit budgétaire, le Premier ministre affiche sa confiance pour atteindre à présent les conditions des bailleurs internationaux «sans avoir à imposer de nouvelles mesures d’austérité». Ceci ne l’empêche pas de tenir des propos tranchants: «Nous luttons pour la survie de la Grèce. Soit nous gagnons ensemble, soit nous sombrons ensemble». Selon un sondage du journal grec Ethnos, 58,8% des Grecs pensent que le pays sortira de la crise contre 36,6% qui estiment qu’il fera banqueroute. L’avenir n’est pas encore écrit. Dans l’attente, les Grecs vont entamer une autre rude bataille, contre le tabagisme. Début septembre est entrée en vigueur une nouvelle loi bannissant le tabac des lieux publics, censée imposer le respect d’une interdiction datant de juillet 2009, mais restée virtuelle dans un pays qui détient le record européen de tabagisme. POLITIQUE EXTERIEURE Les contingences économiques et sociales n’ont pas empêché la Grèce de célébrer le 30ème anniversaire de la signature de son Traité d’adhésion aux Communautés européennes (28 mai 1979), même si l’adhésion n’a été effective qu’en 1981, et dans ces préoccupations européennes figure la question de l’immigration: la Grèce est devenue le principal point d’entrée de l’immigration illégale dans l’espace Schengen avec près de 150.000 interpellations annuelles. Pour lutter contre l’immigration irrégulière, une opération spécifique a été menée depuis le printemps 2009 tout au long des côtes insulaires grecques. Le pays a formé avec l’Italie, Chypre et Malte le « Groupe des Quatre » qui entend mettre en place une coopération spéciale pour lutter contre le phénomène de l’immigration clandestine. Les autres priorités de la politique extérieure grecque concernent la stabilisation de son environnement, qu’elle voir passer par l’européanisation de ses voisins, Turcs en tout premier lieu. Athènes soutient l’adhésion d’Ankara (sous réserve que les Turcs acceptent la normalisation des relations avec Chypre), d’autant que les échanges économiques avec la Turquie ont doublé en deux ans pour atteindre 6 milliards de dollars en 2009. La Grèce et la Turquie ont signé de nombreux accords bilatéraux sur des sujets aussi divers que la promotion et la protection des investissements, les doubles impositions, le commerce, les interconnections énergétiques, les réseaux routier et ferroviaire, la culture ou l’environnement. Le déplacement du nouveau Premier ministre grec à Istanbul, juste après sa prise de fonctions, témoigne de cette volonté d’améliorer les relations avec Ankara. A l’occasion de son premier déplacement à Chypre, Papandreou a rencontré le Président de la République chypriote, Dimitris Christofias, ainsi que les principaux partis politiques. Il a réaffirmé le plein soutien de la Grèce au processus de négociation intra-chypriote en vue d’aboutir à la constitution d’une fédération bi-zonale et bi-communautaire. Pour Athènes, la principale question en suspens est la question de la dénomination de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM). Elle maintient ses positions sur ce litige (le choix d’un nom « utilisable et utilisé ») tout en rappelant son souhait d’établir de bonnes relations entre les deux pays. D’autres éléments fâchent la partie grecque: l’utilisation par Skopje de certains symboles (le « soleil de Vergina », par exemple, qui est un motif décoratif découvert dans la tombe de Philippe II en territoire grec) ou de noms de personnages (notamment pour renommer un certain nombre d’ouvrages publics) qu’Athènes considère appartenir au patrimoine grec. La Grèce a opposé son veto, en avril 2008, au sommet de Bucarest, à l’entrée du pays dans l’OTAN. Un processus de négociations pour résoudre la question de la dénomination constitutionnelle de l’Etat est actuellement en cours sous les auspices de l’ONU et de son médiateur, Matthew Nimetz. Traditionnellement présente dans les Balkans, la Grèce, qui a exercé la présidence de l’OSCE en 2009, soutient l’adhésion à l’Union européenne de l’ensemble des pays de cette zone sur la base du principe de pleine adaptation aux valeurs européennes. Elle voit dans le processus d’élargissement la possibilité de stabiliser son environnement régional et de favoriser le règlement des différents bilatéraux. Elle est donc très favorable à la libéralisation des visas avec les Etats des Balkans et attache une importance particulière à ce que la Serbie fasse partie de la première vague de cette libéralisation. Georges Papandreou s’est d’ailleurs rendu, dès le lendemain de sa prise de fonctions, à Istanbul pour assister à une réunion informelle du processus de coopération balkanique. A l’origine de «l’Agenda de Thessalonique pour les Balkans occidentaux» en 2003, le Premier ministre a proposé la rédaction d’une feuille de route qui viserait à l’adhésion pleine et entière de tous les pays balkaniques d’ici septembre 2014, date du 100ème anniversaire du début de la Première Guerre Mondiale. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 61 62 EUROPE HONGRIE Dávid SZABÓ Directeur du Centre Interuniversitaire d’Etudes Françaises (CIEF) Université Eötvös Loránd, Budapest [email protected] Avec le concours de Boris Trechniewski Directeur adjoint du CIEF POLITIQUE ET ECONOMIE Le pire avait été évité en 2008-2009 : grâce au soutien financier international et aux mesures prises par le gouvernement de crise de Gordon Bajnai, la Hongrie s’est débarrassée – ou presque – de son statut d’« économie malade ». Mais la crise économique mondiale n’avait pas épargné le pays, déjà dans une situation délicate avant son éclatement : l’année 2009 s’est soldée par une baisse considérable (-6,2 %) du PIB, une inflation à la hausse par rapport au premier semestre (4,2 %) et un taux de chômage record (11,4 %). HONGRIE GEOGRAPHIE La République de Hongrie est un pays d’Europe centrale, entouré par l’Autriche, la Slovaquie, l’Ukraine, la Roumanie, la Serbie, la Croatie et la Slovénie. HISTOIRE Vers 896 Arrivée des Hongrois dans le bassin des Carpates 1000 Couronnement d’Etienne Ier, premier roi chrétien 1458-90 Epanouissement de l’humanisme et de la Re- naissance sous le règne du roi Matthias L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 1526 L’armée hongroise est écrasée par les Turcs à Mo- hács, le pays perd progressivement son indépendance au profit des Habsbourg et de l’empire ottoman 1686-99 Toute la Hongrie tombe sous domination autrichienne 1848-49 Révolution et guerre d’indépendance écrasées avec l’aide du tsar russe 1867 Création de la monarchie austro-hongroise 1920 Deux tiers de son territoire sont enlevés à la Hongrie par le traité de Trianon 1947-49 Le parti communiste prend progressivement le pouvoir 1956 Les « événements de Budapest », révolte écrasée par l’armée rouge 1958 Exécution de l’ancien premier ministre Imre Nagy 1963-88 Libéralisation progressive du régime communiste 1989 Chute du régime communiste, proclamation de la République de Hongrie 1999 La Hongrie joint les rangs de l’OTAN 2004 La Hongrie entre dans l’UE et intègre l’OIF comme état observateur. Pourtant, l’économie hongroise commence à mieux respirer : au premier trimestre 2010, on a enregistré une croissance de 0,9 % du PIB par rapport au dernier trimestre de 2009. Mais il faut également payer le prix du redressement économique : le chômage a atteint en 2010 un taux record de 11,8 % et une hausse modérée de l’inflation est pronostiquée pour l’année en cours (4,9 %). Depuis la chute du gouvernement socialiste minoritaire du très impopulaire Ferenc Gyurcsány au printemps 2009 et le cuisant échec des socialistes et de leurs alliés libéraux aux élections européennes, tout le monde savait en Hongrie que les élections législatives du printemps 2010 ne seraient qu’une « pure formalité » et mettraient fin à huit années – économiquement désastreuses et politiquement chaotiques – de gouvernement socialiste. Les élections, qui ont eu lieu les 11 et 25 avril, n’ont pas démenti les pronostics. Le parti de centre droite de Fidesz (avec 52,7 % des suffrages au premier tour) – en coalition avec les démocrates-chrétiens – a obtenu en effet un peu plus de la majorité des deux tiers des sièges au parlement, une majorité qui pourrait leur permettre le cas échéant de modifier la Constitution. Les socialistes (19,3 % au premier tour et 59 sièges) ont été réduits en un parti moyen, alors que leurs alliés traditionnels, les libéraux de gauche de SzDSz, avaient été incapables de présenter une liste indépendante : alliés cette fois-ci du parti de centre droite de MDF, autre grand parti de l’époque du changement de régime (1990), ils n’ont pu qu’assister ces derniers dans leur disparition du parlement. A l’instar du précédent, le nouveau parlement se compose aussi de quatre partis, SzDSz et MDF ayant été remplacés par Jobbik (extrême droite, 47 sièges) et LMP (centre gauche à tendance écologiste, 16 sièges). Ces deux partis, formés dans les années 2000, sont de nouveaux venus sur la scène politique magyare : tandis que la montée des extrémistes est un signe inquiétant, le succès très inattendu de LMP (sigle de Lehet Más a Politika = la Politique Peut être Différente) a de quoi rassurer, d’autant plus que les extrémistes semblent actuellement complètement isolés au parlement. Une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement de Viktor Orbán, formé le 29 mai, a été de voter une nouvelle loi permettant aux Hongrois de souche vivant dans les pays limitrophes d’obtenir la double nationalité, ce qui a provoqué une vive polémique avec la Slovaquie. Par contre, la volonté du nouveau gouvernement de prolonger l’accord avec le FMI a été rassurant pour les marchés économiques. Une des tâches les plus importantes du gouvernement Orbán sera de préparer la présidence hongroise de l’Union Européenne prévue pour le premier semestre 2011. 63 français-hongrois, en faisant ainsi le bilan des vingt années écoulées depuis le changement de régime, alors que le printemps a été marqué par deux colloques importants organisés par l’Université de Pécs, capitale européenne de la culture : la 10e édition des Journées d’Études Françaises et le séminaire annuel des doctorants en français des pays de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie). Par ailleurs, l’Institut Français de Budapest a contribué aux débats sur l’Europe en organisant des soirées débats, associant des intellectuels français et hongrois, invités à réfléchir sur les questions de gouvernance dans l’Union Européenne. Dans le domaine des beaux-arts, un des événements « francophones » majeurs de l’année a été l’exposition De Degas à Picasso, inaugurée au Musée des Beaux-Arts de Budapest le 28 janvier, qui présentait des chefs-d’œuvre (majoritairement) français de la collection du Musée Pouchkine de Moscou. Le Pont des Chaînes à Budapest (photo Natasa Szab¢) SOURCES Központi Statisztikai Hivatal (Bureau central des Statistiques de Hongrie) Magyar Nemzeti Bank (Banque nationale de Hongrie) http://ambafrance-hu.org (site de l’Ambassade de France en Hongrie) LETTONIE Antoine JACOB Journaliste, auteur de Les pays baltes (Lignes de repères, 2009) [email protected] Empêtrée dans une profonde crise économique, la plus grave depuis son retour à l’indépendance il y a deux décennies, la Lettonie tente difficilement de s’en sortir. La population courbe l’échine, tout en retrouvant certaines valeurs de solidarité. Les forces politiques, grandement discréditées, se sont alliées dans le but de se maintenir au parlement lors des législatives d’octobre 2010. Scrutin qui pourrait voir – une première – l’entrée au gouvernement d’un parti représentant l’importante minorité russophone. Dans ce pays balte, membre de l’Union européenne (UE) depuis mai 2004, le mot krīze est sur toutes les lèvres. La crise affecte tous les secteurs de l’économie et de la société. Des hôpitaux ont dû fermer leurs services d’urgence, des écoles ont été condamnées, des projets culturels gelés ou aban- L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 CULTURE ET ENSEIGNEMENT Parmi les événements de la vie culturelle particulièrement riche de Budapest et de la Hongrie, nous nous concentrerons sur ceux relatifs à la francophonie. La Fête de la Francophonie 2010 s’est déroulée du 5 au 27 mars 2010 à Budapest et dans les grandes villes du pays. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu le 26 mars dernier la sixième session de la grande dictée francophone de Hongrie organisée par le Centre interuniversitaire d’études françaises, à laquelle ont participé plus de 500 lycéens, étudiants et professeurs. Les dictées, extraites de romans de la littérature suisse francophone (extraits d’œuvres de Nicolas Bouvier et d’Albert Cohen), ont été lues par les épouses de l’ambassadeur de France et de l’ambassadeur du Canada en Hongrie, ainsi que par la Consule de Suisse en Hongrie. En outre, suite aux succès rencontrés les années précédentes, l’Institut français de Budapest a accueilli l’émission de France culture « Les Papous dans la tête ». De même, cette année, le public hongrois a pu découvrir les poètes de l’Oulipo qui, pour l’occasion, s’étaient associés avec des poètes hongrois lors de trois soirées de lecture, à Budapest, Szeged et Győr. Dans le cadre de ses actions de coopération éducative, l’Ambassade de France en Hongrie soutient depuis bientôt quatre ans un projet de mise à disposition de ressources numériques, coordonné par le CIEF, pour un ensemble d’établissements actifs dans l’enseignement de la langue française. Des fiches pédagogiques s’appuyant sur ces ressources ont été créées par un groupe de professeurs et sont accessibles en ligne sur le site www. franciaoktatas.hu. L’Université de Budapest ELTE et le CIEF ont eu le privilège d’accueillir le spectacle l’Éloge de la Pifométrie (http://www.pifometrie.net), le 22 février dernier, offrant ainsi à cette pièce de théâtre l’occasion de se produire pour la première fois à l’étranger. En novembre dernier, le CIEF a organisé un grand colloque sur la lexicographie et la traduction littéraire dans le domaine 64 EUROPE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 A Riga, la future Bibliothèque nationale est le seul grand chantier à avoir été épargné par la crise. donnés, les universités ont réduit leurs activités, il y a moins d’argent pour la recherche… lorsqu’il en reste. Sans parler des entreprises en faillite et des ménages qui ne peuvent plus faire face au remboursement de leurs emprunts, contractés à la « belle époque », celle où les banques – essentiellement nordiques – incitaient des clients souvent naïfs à s’endetter sans même vérifier leur solvabilité. Cette déconfiture est le résultat d’une chute vertigineuse du Produit intérieur brut (-18% en 2009), combinée à une politique d’austérité menée par le gouvernement de centre-droite. Ce dernier, dirigé par Valdis Dombrovskis depuis février 2009, n’a, il est vrai, quasiment aucune marge de manœuvre. Il se doit de respecter les engagements pris par son prédécesseur – faire l’équivalent de 700 millions d’euros d’économies par an de 2009 à 2011 – en échange d’un plan de sauvetage international de 7,5 milliards d’euros. Ce plan fut lancé en octobre 2008 pour éviter l’écroulement du secteur bancaire letton après la faillite d’un de ses principaux acteurs, la Parex Banka. On craignait alors qu’un tel scénario, s’il avait lieu, ne se reproduise ailleurs en Europe orientale ou centrale. Cette intervention eut l’effet escompté, même si la crise lettone fit indirectement tache d’huile chez ses cousines baltes (Lituanie, Estonie). La dévaluation de la monnaie lettone, le lats (lié à l’euro), n’eut pas lieu, déjouant ainsi certains pronostics et des recommandations faites dans l’espoir de doper les exportations du pays. C’est que Riga veut préserver ses chances d’entrer dans la zone euro, peut-être en 2014. En accord avec le Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement Dombrovskis a donc choisi de mener une politique de déflation interne. Avec pour conséquence, une baisse des prix mais aussi des salaires (la plus forte au sein de l’UE en 2009) et donc de la consommation et, au bout du compte, du niveau de vie général. L’un des problèmes pour la population de 2,3 millions de personnes, c’est que l’inflation donnait, à l’été 2010, de sérieux signes de reprise, tandis que les salaires continuaient à diminuer, dans le but de rendre l’économie locale plus compétitive… Au cours du 1er trimestre, ceux-ci ont chuté de 14% dans le secteur public, après une baisse supérieure à 20% en 2009 (succédant à des hausses annuelles supérieures à 20% durant la période de surchauffe!). L’inflation, elle, dopée par des facteurs extérieurs, pourrait atteindre les 2% d’ici fin 2010, alors qu’une très timide reprise se profilait (+0,1% du PIB au 1er trimestre). Pas de quoi alléger la vie du Letton moyen. A l’été 2010, le nombre de sans emploi atteignait près de 20% de la population active (avec des indemnités chômage réduites). Dans un tel contexte, les Lettons – y compris les plus qualifiés – ont tendance à vouloir chercher un travail à l’étranger. Certes, la récession existe ailleurs. Mais nombreuses sont les familles lettones dont au moins un membre est parti tenter l’aventure à l’étranger. S’il n’existe pas de statistiques fiables sur le sujet, le phénomène est suffisamment ample pour préoccuper les autorités. Or elles ne font presque rien pour y remédier. Ce qui étonne le visiteur étranger, c’est la placidité de la population lettone face aux difficultés. Hormis une nuit d’émeute à Riga, la capitale, en janvier 2009 et quelques manifestations locales de mécontentement, le climat est à la résignation ou à l’indifférence (feinte). Les Lettons ont l’habitude de faire le dos rond face aux puissances qui ont occupé leur territoire au fil des siècles, et en particulier durant le demi-siècle sous domination soviétique (jusqu’en 1991). Aujourd’hui encore, ils se réfugient dans leur sphère privée en attendant des jours meilleurs. SOLIDARITÉ On assiste à un retour à une certaine solidarité – familiale, entre amis ou voisins – qui avait été oubliée depuis les années 1990, alors qu’elle avait permis de mieux endurer le régime communiste. Dans ce contexte, les fêtes familiales sont à nouveau prisées, les virées en canoë sur les rivières du pays ont remplacé les vacances en Espagne ou en Grèce. La fête du solstice d’été (Jani) a suscité l’engouement, ainsi qu’un grand festival du chant et de la danse traditionnels qui, comme tous les cinq ans, a eu lieu à Riga en juillet 2010. Des milliers de chorales et troupes de jeunes s’y étaient préparées depuis des mois. Une autre chose unit les Lettons – y compris l’importante minorité russophone (un tiers de la population) –, c’est le peu d’illusions qu’ils se font à l’égard de leur classe politique. Selon une étude européenne, le parlement et le gouvernement lettons figurent parmi les plus discrédités des Vingt-Sept. La décision gouvernementale de tailler dans les retraites, pourtant déjà très basses pour la majorité des gens, y a contribué. Cette mesure a beau avoir été annulée depuis par la Cour 65 de ces partis, dans un pays où la frontière entre affaires publiques et privées reste poreuse. Par conséquent, certains d’entre eux imaginent de s’allier, après le scrutin, avec le principal parti représentant la minorité russophone, le Centre de la concorde, crédité des plus fortes intentions de vote. Impensable il y a encore quelques années, le scénario de l’entrée au gouvernement de cette formation (qui codirige déjà la ville de Riga) devient désormais crédible. BIBLIOGRAPHIE Le 4 mai 2010, les drapeaux étaient de sortie pour les 20 ans de la restauration de l’indépendance lettone (en arrière-plan, le monument de la liberté). constitutionnelle (en décembre 2009), elle devrait peser le jour des législatives, le 2 octobre 2010. Les partis de la coalition sortante ou ayant été aux affaires avant ou pendant la crise ont entamé, depuis 2009, un processus de rapprochements et d’alliances. Leur crainte est de ne pas recueillir assez de suffrages pour être représenté au parlement (la Saiema). Or beaucoup d’intérêts économiques sont en jeu pour les oligarques présidant certains OUVRAGES Y. Plasseraud, Les Etats baltiques, Les sociétés gigognes, Armeline, 2003. A. Jacob, Les pays baltes. Un voyage découverte, Lignes de repères, 2009. ARTICLES C. Bayou, « Lettonie : une crise rédemptrice ? », Politique internationale, n° 126, Paris, hiver 20092010. M. Chillaud, « Les pays baltes : un modèle pour l’intégration ? », Politique étrangère, Paris, automne 2009. T. Fabre, « Lettonie, la fête est finie », Challenges, Paris, 11 juin 2009. E. Lucas, « The Fall and Rise and Fall Again of the Baltic States », Foreign Policy, Washington, juillet-août 2009. O. Truc, « En Lettonie, des lopins de terre distribués aux plus pauvres », Le Monde, Paris, 2 janvier 2010. O. Truc, « En Lettonie, les banques sont montrées du doigt dans la chute de l’immobilier », Le Monde, Paris, 27 décembre 2009. Giedré CIBULSKAITÉ Doctorante, Université de Paris III — Sorbonne Nouvelle [email protected] La Lituanie, qui avait connu une croissance économique effrénée durant les trois années précédentes, doit faire face aux difficultés économiques depuis 2009 mais aussi au manque de confiance des Lituaniens envers les autorités. POLITIQUE La première femme présidente de Lituanie, Dalia Grybauskaité, qui a été commissaire européenne à la Programmation financière et au budget de 2004 à 2009, est en première ligne car cette « dame de fer » s’est donné comme principal objectif de diminuer la corruption, ce qui ne plait pas à la classe politique en exercice. En effet, pour réconcilier les citoyens avec l’Etat, la Présidente a demandé de modifier la procédure de financement des partis politiques : désormais un candidat sans parti peut participer aux élections des collectivités locales. Les élections directes des maires restent un défi à relever pour sa deuxième année de présidence. En poursuivant son but d’éradiquer la corruption, la Présidente a utilisé son droit de veto à la loi sur la réforme agraire et à la loi sur la construction. Ainsi des transactions « peu transparentes » liées à aux terrains urbains de l’Etat ont été stoppées et les amendements garantissant une procédure transparente pour la délivrance Dalia Grybauskaite, dame de fer lituanienne (photo lcc Algirdas) L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 LITUANIE 66 EUROPE des permis de construire ont été préparés. Dalia Grybauskaité a réorganisé les services nationaux de sécurité et du renseignement : le Service de Renseignements, initié par la Présidente, les Services secrets et le Deuxième Département des Services Opérationnels auprès du Ministère de la Sécurité Nationale s’est vu attribuer des missions précises et une procédure d’établissement et de transmission de leurs rapports. Pour la première fois une liste des menaces pour la sécurité nationale a été approuvée et un nouveau chef de l’armée nommé. Toujours dans le même souci de transparence, le système judiciaire a été également réorganisé : désormais les institutions évaluent plus rigoureusement le travail des juges. Une rotation des présidents des tribunaux est instaurée. Mais les plus importants changements de cette année passée restent l’adoption des amendements à la loi pharmaceutique et le veto de la présidente à la loi sur le chauffage qui permettent respectivement de diminuer les prix des médicaments et LITUANIE GEOGRAPHIE Pays frontalier avec la Lettonie (nord), la Biélorussie et la Pologne (sud-est), et la région russe de Kaliningrad (sud-ouest). HISTOIRE 1009 Première mention de la Lituanie dans les annales. 1253 Règne de Mindaugas : le Grand-duché de Lituanie commence à s’établir. 1385 Jogaila, Grand-Duc de Lituanie, devient Roi de Pologne. 1569 Union de Lublin : établissement de l’Etat Polono-Lituanien. 1795 La Pologne-Lituanie disparaît de la carte : annexion par la Russie tsariste. 1918 Proclamation de l’indépendance. 1940 Annexion à l’URSS. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 1941 Annexion par le IIIe Reich. 1945-90 République soviétique socialiste de Lituanie. 1988 Naissance du mouvement SAJUDIS. 1990 (11 mars) Seconde indépendance. 1991 Admission du pays à l’ONU. 1992 Nouvelle Constitution. 1993 Algirdas Brazauskas, premier président librement élu. 1994 Premier pays balte à demander son intégration à l’OTAN. 1995 Accord d’association avec l’UE. 1998 Valdas Adamkus président. 1999 Membre observateur de la Francophonie (Sommet de Moncton). 2001 Réélection d’Algirdas Brazauskas. 2004 Valdas Adamkus réélu. 2004 (1er mai) Membre de l’UE. d’empêcher l’augmentation du prix du chauffage, la modification de la méthode de calcul des prix de l’électricité et la nomination des nouveaux dirigeants du Conseil de la concurrence et de la Commission nationale du contrôle des prix et de l’énergie. Cette politique de grandes transformations, menée par la Présidente Dalia Grybauskaité, est souvent qualifiée de dictatoriale. Toutefois, la politique étrangère de bon voisinage, le rapprochement, même très minime et peu perceptible, avec la Biélorussie et la Russie dans ce contexte économique mondial difficile et les réformes entreprises par la « dame de fer » démontrent sa volonté de restructurer le pays, ce que de nombreux autres dirigeants n’ont pas eu le courage d’accomplir auparavant. Il ne reste plus qu’à espérer que ces changements porteront leurs fruits et que la Présidente réussira à remplacer non pas seulement les cadres dans les postes stratégiques mais surtout à modifier tout le système où les groupes d’intérêts dominent. ECONOMIE La crise qui a frappé le monde entier a été ressentie en Lituanie encore plus sévèrement à cause des dernières années de forte croissance économique. Pour faire face à cette situation difficile, le Gouvernement a dû observer un plan d’austérité. Mais les conséquences de la crise ne devraient pas s’estomper aussitôt. Selon de nombreux experts, l’économie lituanienne devrait être en récession et le chômage grimperait durant toute l’année 2010. Le PIB du pays a diminué de 14,5% en 2009. Le chômage était de 15,2% en 2009 et en 2010 il devrait atteindre 17,1%. La plus importante crainte de la Lituanie, liée au chômage, est la perte démographique. Le pays ne compte plus que 3,4 millions d’habitants selon les statistiques officielles et toute perte démographique est une menace pour lui. Si la Lituanie a connu de grandes vagues d’émigration après l’indépendance en 1991 et après l’adhésion à l’Union européenne en 2004, elle subit actuellement une troisième grande vague suite à la dernière crise financière mondiale. Les Lituaniens, qui ont connu une amélioration considérable de leur quotidien, de leurs finances durant ces dernières années et qui ont, pour la plupart, contracté des crédits de logement, voient dans l’émigration une issue à leur situation économique complexe. Les experts de l’économie sont formels : les finances des ménages lituaniens en 2010 seront encore plus problématiques qu’en 2009 : le salaire moyen sera encore en baisse (par rapport à 2008, le salaire moyen de 2010 a baissé de 16,5 % et ne s’élève plus qu’à 438 euros), la consommation baissera également. Néanmoins les acteurs du marché estiment que l’année 2010 est financièrement plus favorable aux entreprises que l’année 2009. Les emprunts sont moins coûteux en 2010 qu’en 2009, où le taux 67 SOCIETE L’année 2010 a été marquée en ce domaine par la polémique soulevée par l’enterrement de l’exprésident de Lituanie, Algirdas Brazauskas. Le diocèse de Vilnius ayant refusé de faire entrer, lors de la messe en sa mémoire, la dépouille d’Algirdas Brazauskas à l’intérieur de la cathédrale de la capitale, elle a donc été déposée dans une salle du Palais présidentiel, qui se trouve à côté de la cathédrale. L’archevêque Sigitas Tamkevičius, chef de l’Eglise lituanienne, a justifié cette décision par le passé politique (ancien communiste) et personnel (divorcé et remarié une deuxième fois sans la bénédiction de l’église) de l’ex-président. Cependant la société lituanienne, qui se déclare catholique à presque 80%, et les médias ont dénoncé le comportement paradoxal du diocèse : en effet cette même cathédrale, qui fut transformée pendant la période communiste en galerie d’art, et où la présence de la dépouille du défunt exprésident a été refusée, a été restituée à l’Eglise en 1989 par Algirdas Brazauskas lui-même, alors premier secrétaire du parti communiste lituanien,. Le deuxième événement, qui a suscité des débats et mérite d’être évoqué, est la Baltic Pride 2010. Cette marche a reçu un soutien de la part du Maire de Vilnius, néanmoins le parquet général a saisi le tribunal administratif de Vilnius pour suspendre la manifestation à cause des risques éventuels en matière de sécurité. Finalement la parade a eu lieu le 8 mai dernier comme prévu. Les opposants à la manifestation étaient plus nombreux que les manifestants eux-mêmes. La police a dû employer des gaz lacrymogènes contre les opposants qui, eux, lançaient des pierres, bouteilles et pétards. La Lituanie est majoritairement catholique et la société n’est pas encore prête à accepter tous les changements, à modifier son mode de vie à l’image des pays européens occidentaux. CULTURE Vilnius, capitale européenne de la culture 2009 a fêté le millénaire de la mention du nom de Lituanie pour la première fois en 1009 dans des sources écrites : les Annales de Quedlinburg (Allemagne). Malgré la pratique catholique dominante dans le pays, la Lituanie tient à préserver ses traditions païennes (pour rappel, la Lituanie fut le dernier pays d’Europe à être christianisé au XV siècle) à travers les fêtes traditionnelles, festivals et autres événements. Cependant l’un des événements les plus importants concerne les journées de l’archéologie vivante de Kernavé qui fut la première capitale du Grand-Duché de Lituanie et où le roi Mindaugas fut couronné en 1253. Durant quelques jours les maîtres de l’archéologie expérimentale de Lituanie, Lettonie, Biélorussie, Pologne, Russie, Allemagne, Danemark et Pays-Bas s’installent sur la colline du château et dans la vallée de Pajauta et recréent un environnement de l’âge de la pierre. Dans ces conditions les visiteurs ont la possibilité d’expérimenter les outils de l’époque, de faire du feu à l’ancienne, de goûter les mets préhistoriques et de tirer à l’arc. L’église de Kernave (photo lcc Juliux) Les journées de l’archéologie vivante ne peuvent pas se passer du tintement des armes et des sons de la musique antique. Les chevaliers lituaniens, russes, polonais et biélorusses montrent courage et vaillance durant les reconstitutions des luttes. La place du Moyen-Âge attire par son brouhaha habituel. Les musiciens errants, commerçants étrangers, rôdeurs, vagabonds accueillent les visiteurs de ces journées qui peuvent honorer le soleil couchant sur la colline du château, offrir des sacrifices sur le feu, faire flotter des épines sur l’eau, danser au pied de la colline, honorer le soleil levant, se laver à la rosée et observer tant d’autres rites païens. Et finir par la célébration du couronnement du seul roi de Lituanie, Mindaugas, fête qui réunit tous les Lituaniens le 6 juillet, qui est, en Lituanie, un jour férié dénommé « Jour de l’Etat lituanien ». L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 d’intérêt moyen en Litas (monnaie lituanienne) s’élevait à 8,5–9 %. Toutefois, l’économie au noir est en progression à cause du poids fiscal qui constituait, en 2009, 37% du PIB et en 2010 elle augmenterait encore pour atteindre 38% du PIB. Espérons qu’après les réformes dans le domaine énergétique, pharmaceutique, judiciaire, la présidente s’attaquera à des réformes économiques qui sont fortement liées à la régulation de l’émigration, donc à la démographie lituanienne alarmante. 68 EUROPE LUXEMBOURG Frank WILHELM Professeur à l’Université du Luxembourg [email protected] POLITIQUE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Lors des élections législatives du 7 juin 2009, le parti chrétien-social de Jean-Claude Juncker a encore augmenté le nombre de ses députés, alors que son partenaire gouvernemental, socialiste, perdait un siège au Parlement. La même coalition fut reconduite, avec quelques changements de ministres et d’attributions, en vue d’affronter les défis à venir, aucun parti d’opposition n’ayant su se profiler. Le nouveau gouvernement présidé par M. Juncker, composé de neuf ministres chrétienssociaux et de six socialistes, fut assermenté le 23 juillet 2009. La désignation, le 19 novembre 2009 à Bruxelles, du premier président de l’Union européenne en la personne du Premier ministre belge Herman Van Rompuy fut ressentie à Luxembourg comme un manque d’égards, le Premier ministre Jean-Claude Juncker ayant été constamment cité comme principal favori à ce poste de prestige, comme chef de gouvernement le plus ancien et le plus expert en place. C’est peut-être son rôle comme président de l’Eurogroupe qui lui valut l’opposition du président français Nicolas Sarkozy et de la chancelière allemande Angela Merkel, qui lui préférèrent une personnalité moins affirmée. Le 28 novembre 2009, la Luxembourgeoise Viviane Reding, membre sortant de la Commission européenne, fut nommée commissaire en charge de la Justice et des Droits fondamentaux et première vice-présidente de la Commission. siège de la multinationale Interbrew qui a repris la vieille entreprise luxembourgeoise (1871), a déclenché une vague d’indignation auprès du public, si bien que le Gouvernement s’est impliqué pour trouver une solution garantissant, du moins dans l’immédiat, une production locale de cette boisson nationale. Parmi les grands acteurs économiques, ce sont les banques qui, finalement, s’en tirent le mieux après la crise de 2008-2009, à force de restructurations et de fusions, souvent au prix de licenciements et de plans sociaux. Afin de bien se positionner sur des marchés porteurs en ExtrêmeOrient, le gouvernement a fait construire un pavillon luxembourgeois, dû à l’architecte François Valentiny, à l’Exposition universelle de Shangai. Le plus grand problème qui se pose au gouvernement, c’est de trouver la parade pour, d’un côté, éviter les dérapages budgétaires, en imposant des restrictions et des économies, et, de l’autre, sauvegarder un minimum de croissance et d’investissements afin de maintenir la paix sociale. L’instrument idéal, inventé lors des crises pétrolières des années 1970, consiste à faire négocier le Gouvernement et les partenaires sociaux (patronat, syndicats) avant le débat parlementaire. Mais, réunie de nombreuses fois au printemps de 2010, la « Tripartite », appellation luxembourgeoise pour ce « Grenelle socioéconomique », n’a pas fonctionné du fait de l’intransigeance des uns et des autres, le patronat, divisé entre banquiers, multinationales et artisanat, et les syndicats campant sur leurs positions, les premiers réclamant une plus grande compétitivité et plus de liberté de manœuvre, les seconds défendant bec et ongles les acquis sociaux comme l’indexation des salaires au coût de la vie, le Gouvernement luimême étant divisé sur la stratégie à suivre. D’un commun accord, les décisions furent renvoyées à l’automne 2010. ECONOMIE Le chômage, malgré des éclaircies sectorielles, n’a pas régressé et atteint 6 % en 2010, la création d’emplois, en progression, n’étant pas suffisante. Au 1er janvier 2010, la population atteignait 502.066 habitants, dont plus de 40 % de nonnationaux, parmi lesquels les Portugais (37 %) et les Français (14 %) constituent les plus forts contingents. Selon le Statec, l’office de statistique national, le pays devrait connaître une croissance aux alentours de 3% en 2010 et 2011, ce qui est de près de la moitié inférieur aux résultats des années fastes. On a noté des fermetures d’usine, comme celle du fabricant de porcelaine Villeroy & Boch, dont les produits sont considérés comme constitutifs d’une certaine culture domestique grand-ducale. La nouvelle d’une éventuelle délocalisation de la brasserie Diekirch vers un site en Belgique, CULTURE Deux pièces de théâtre écrites par des jeunes ont été créées : L’Eldorado de la Méduse, œuvre de huit collégiennes du Lycée Aline-Mayrisch, le 23 octobre 2009 au Centre culturel de rencontre Abbaye de Neumünster à Luxembourg, sur la problématique de l’immigration, et L’Annonce, du romancier Ian de Toffoli, créée une semaine plus tôt au Centre des Arts pluriels d’Ettelbruck et portant sur l’(in)tolérance d’une famille bourgeoise luxembourgeoise à l’égard d’un fils homosexuel partant se « marier » en Suède, la pièce répondant à une commande du Ministère de la Famille. Le 4 décembre 2009 a eu lieu la proclamation des résultats du Lëtzebuerger Filmpräis 2009 (Prix du film luxembourgeois). Dans la catégorie films luxembourgeois, le jury de sept membres présidé 69 par l’actrice luxembourgeoise Désirée Nosbusch a accordé la palme à House of Boys de Jean-Claude Schlim (Delux Productions). C’est l’histoire d’un Luxembourgeois qui émigre aux Pays-Bas en 1984 pour pouvoir y vivre sa vie sexuelle dans un cabaret pour homosexuels et devient témoin impuissant de l’agonie de son ami mourant du sida, ce qui donne lieu à des séquences fort expressionnistes. Dans la catégorie coproductions internationales, où concouraient des drames à la française comme Ne te retourne pas, avec Sophie Marceau et Monica Bellucci, c’est Brideflight, réalisé par Ben Sombogaart (Samsa Film), qui a été primé. Une cinquantaine de films, beaucoup étant financièrement soutenus par le Fonds national à la production audiovisuelle, étaient en lice dans huit catégories. Le Concours a lieu tous les deux ans. Le plus grand succès sportif luxembourgeois de 2010 fut la deuxième place d’Andy Schleck, âgé de vingt-cinq ans, au Tour de France cycliste, à une poignée de secondes derrière l’Espagnol Alberto Contador, ce qui, à l’occasion du Gala du Tour de France à Luxembourg, lui a valu l’ovation de dizaines de milliers de compatriotes. Nic Klecker (1928-2009). Archives familiales. LITTERATURE Maria C. Haller (1922-2010). Repr. d’après son roman Le Chemin de Cannobio, 1995. LUXEMBOURG HISTOIRE 963 Sigefroi 1er, premier comte de Luxembourg, fondateur de la forteresse. 1815 (9 juin) Création par le congrès de Vienne du Grand-Duché de Luxembourg, donné au roi des Pays-Bas et rattaché à la Confédération germanique. 1867 (11 mai) Confirmation de l’indépendance du Luxembourg (1839). Neutralité du pays après le démantèlement de sa forteresse. 1921 (25 juillet) Signature de l’Union économique belgo-luxembourgeoise. 1992 Ratification du traité de Maastricht à une large majorité. 1995 (20 janv.) Jean-Claude Juncker nommé Premier ministre. Son prédécesseur Jacques Santer succède à Jacques Delors comme président de la Commission européenne ; il démissionne en 1999. 1999 (13 juin) Elections législatives. Juncker forme un nouveau gouvernement. 2000 (7 oct.) Le grand-duc Henri accède au trône. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Comme principales manifestations littéraires annuelles, on notera Vianden cité littéraire en septembre et les Journées du livre à Walferdange en novembre. Depuis quatre ans, le Grand-Duché de Luxembourg participe à l’organisation de la Résidence d’écriture au mois d’août au château du Pont-d’Oye (B), domaine de la famille Nothomb, qui réunit une douzaine d’auteurs francophones belges, lorrains et luxembourgeois ainsi qu’éventuellement des invités africains, haïtiens et franco-canadiens. Lambert Schlechter, poète auteur de textes érotiques et philosophiques (L’Envers de tous les endroits), s’est vu décerner le 25 février 2010 le Prix Birago Diop, au Bénin. En avril 2010, la Belge Nathalie Ronvaux, travaillant à Luxembourg, a reçu le Prix d’encouragement à la première publication de la Fondation (luxembourgeoise) Servais pour son recueil de poèmes Vignes et louves (à paraître). La scène littéraire francophone luxembourgeoise a eu à déplorer le décès de trois auteurs majeurs nés dans le premier tiers du XIXe siècle : Nic Klecker (1928-2009), poète et prosateur évoquant ses Ardennes natales (son dernier recueil, L’écoute du silence, préludant à sa mort) ; Maria-C. Haller (1922-2010), romancière, nouvelliste et essayiste viatique à la recherche du Beau, et Georges Érasme (pseudonyme du psychiatre et neurologue G. É. Muller, 1925-2010), auteur de récits autobiographiques et d’essais humoristiques sur l’identité luxembourgeoise. (Un autre auteur incontournable, s’exprimant en allemand et en Luxembourg, Roger Manderscheid, né en 1933, est décédé aussi en 2010.) Heureusement, ces disparitions sont compensées par des débutants francophones, même si la tendance semble aller vers des éditions à compte d’auteur ou à diffusion très confidentielle. Le genre récit de vie est illustré par Welcome to Syria, de Raymond Behm, aventurier cycliste emprisonné pendant quelques jours à Damas pour avoir été trop curieux, Nous étions des enfants, de Léon Ludovicy, reconstitution des années 1950 dans un village ardennais à l’intention d’un jeune public d’aujourd’hui, et Mémoires de syndic, de Véronique Neumann-Piazzola. Jours enfantins au royaume du Luxembourg est une anthologie constituée de récits de douze écrivains luxembourgeois. Dans la fiction narrative on trouve Les Chroniques de Saharane, où Pierre Decock, Belge naturalisé luxembourgeois, imagine une cité d’Asie mineure, cauchemar d’un adolescent, et Entre doutes et certitudes, de Marie-Paule Greisch, roman philosophique sur le processus créateur en classe d’arts. Deux récits thématisent le rapport existentiel aux Beaux-Arts : Nous sommes heureux. Fable artistique en quatre saisons, d’Enrico Lunghi, directeur du Musée d’Art moderne à Luxembourg (Mudam), et BB Bouddha, de Ray Monde, artiste luxembourgeoise 70 EUROPE vivant à Paris sous ce pseudonyme et réglant ses comptes avec sa patrie jugée trop arriérée. Dans Malraux et le christianisme, sa thèse soutenue à Paris III, Myriam Sunnen, chercheuse au Centre national de littérature, analyse les rapports de l’auteur de L’Espoir à la foi et à la culture chrétienne sur l’arrière-fond de ses attirances pour les phénomènes religieux en Extrême-Orient. Laurent Fels publie ses conclusions sur la démarche ésotérique dans Anabase de Saint-John Perse ; il est par ailleurs l’auteur de plusieurs recueils poétiques, dont À contre-jour dédié à la mémoire de Nic Klecker. Colette Weber publie un second recueil de poésie intimiste, Un autre monde. Dans un registre poétique et sportif et sous son pseudonyme habituel de François Guillaume, l’auteur de ces lignes signe Mon dico du vélo, réflexion cyclophile et littéraire sur les roues qui tournent et les pages qu’elles suscitent. Quatre peintres sont à l’honneur dans les publications récentes : les Luxembourgeois Foni Tissen (1909-1975), grand maître de l’humour noir, Robert Brandy, naviguant entre le figuratif et l’abstrait, Jean-Marie Biwer, auteur d’un Journal de Paris illustré par ses propres soins, et Victor Hugo, l’exilé de Vianden en 1871, dont de nombreuses caricatures ont circulé. Marc Angel-Romera est le concepteur d’une bande dessinée plaidant pour le commerce équitable : Nuages sur la rizière. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Le pavillon luxembourgeois à l’Exposition universelle de Shangai, conçu par l’architecte François Valentiny, avec une photo d’Andy Schleck, 2e du Tour de France cycliste 2010, devant la statue de la Victoire (Niké). Photo : Marcelle Wilhelm-Tousch. Du côté des ouvrages à portée historique et sociale, Jul Christophory, directeur honoraire de la Bibliothèque nationale, reconstitue un épisode de la libération de Luxembourg par les Américains, la veille du 10 septembre 1944. Les Universités Laval et du Luxembourg publient les actes d’un colloque portant sur le patrimoine culturel du Grand-Duché. Ancien professeur de mathématiques, Jean-Paul Pier livre ses réflexions à propos des rapports entre foi et sciences exactes, tandis que l’avocat Gaston Vogel s’explique sur sa vision de la sainteté et sur le (dys)fonctionnement de l’appareil judiciaire luxembourgeois. BIBLIOGRAPHIE Le lieu d’édition n’est pas cité s’il s’agit de Luxembourg, ni la date s’il s’agit de 2010. Abréviations : BD = bande dessinée ; E = essai ; P = poésie ; N = narration. Littérature et culture ANGEL-ROMERA, Marc, Nuages sur la rizière (BD), [Beckerich], insitu-creation-edition, 2009. 46 pp. BALABAN, Florin, WILHELM, Frank, Victor Hugo par des caricaturistes. Caricatures provenant de la collection de Gérard Pouchain, Paris, catalogue de l’exposition au Musée de la caricature et du cartoon Vianden, du 12 septembre au 4 octobre 2009, Vianden, Musée de la caricature et du cartoon, Maison de Victor Hugo, 2009. 88 pp. BEHM, Raymond, Welcome to Syria (N), Esch-sur-Alzette, éd. Schortgen. 120 pp. *** BIWER, Jean-Marie, Journal de Paris (N, E), 3 volumes, éd. Saint-Paul, 2009. S. p. CEYSSON, Bernard (éd.), Robert Brandy (E), introduction par Jean Sorrente, Ceysson éd., 2009. 95 pp. CIOCÂRLIE, Corina (éd.), Jours enfantins au royaume du Luxembourg (N), Differdange, Phi. 94 pp. DECOCK, Pierre, Les Chroniques de Saharane (N), [S. l.], lulu. com. 306 pp. FELS, Laurent, Arcendrile suivi de Nielles (P), Cordes-sur-Ciel, R. de Surtis, 2009. 45 pp. ; Quête ésotérique et création poétique dans ‘Anabase’ de Saint-John Perse (E), Bruxelles, P. Lang, 2009. 147 pp. ; À contre-jour, Cordes/Ciel, Rafael de Surtis Éditions, « Pour une Terre interdite ». 26 pp. ; GREISCH, Marie-Paule, Entre doutes et certitudes (R), Paris, Books on Demand, 2009. 116 pp. ** GUILLAUME, François, Mon dico du vélo (E, N), Sandweiler, ultimomondo. 87 pp. ** KLECKER, Nic, L’écoute du silence, Dudelange, éd. Estuaires, « Collection 99 » n° 7, 2009. 54 pp. LUDOVICY, Léon, Nous étions des enfants (N), Luxembourg, Saint-Paul, 2009. 105 pp. LUNGHI, Enrico, Nous sommes heureux. Fable artistique en quatre saisons (N), Paris, éd. de l’Officine, 2009. 120 pp. MONDE, Ray [PHILIPPS, Raymonde], BB Bouddha. Roman (N), Paris, éd. Thélès, 2009. 151 pp. NEUMANN-PIAZZOLA, Véronique, Mémoires de syndic (N), [Luxembourg] Lis ma vie. 50 pp. SCHLECHTER, Lambert, en collaboration avec AL MASRI, Maram, Poussières de caravane (P), Lille, nuit myrtide éd., 2009. 27 pp. * SCHLECHTER, Lambert, L’Envers de tous les endroits (P), dessins de Jean-Marie Biwer, Differdange, Phi, « Graphiti ». 136 pp. ** SUNNEN, Myriam, Malraux et le christianisme (E), Paris, H. Champion, 2009. 542 pp. TISSEN, Baba, Foni Tissen 100 Joer. Rétrospective 1909-2009 (E), [Luxembourg], mediArt, 2009. 280 pp. WEBER, Colette, Un autre monde (P), [S.l.] : Poiêtês, 2009. 28 pp. 71 Histoire, Société CHRISTOPHORY, Jul, Le Château de Grevels et la libération de Bertrange au Grand-Duché de Luxembourg du 9 septembre 1944. Souvenirs et témoignages (E), Luxembourg, éd. Paul Bauler, 2009. 199 pp. * MOUMOUNI, Charles (éd.), Regards croisés sur le patrimoine. Actes du colloque de Luxembourg (E), Québec, Les Presses de l’U. Laval, 2009, t. XVII. 277 pp. PIER, Jean-Paul, Le Choix de la parole (E), Paris, éd. Lethielleux, 2009. 451 pp. VOGEL, Gaston, La Vie des saints suivie de quelques paillettes d’or et de maximes d’outre-tombe (E), illustr. de Serge Kantorowicz, [Esch-sur-Alzette], Le Phare, 2009. 161 pp. ; Dans la tourmente judiciaire de 1962 à ce jour. Grandeurs et misères au temple de Thémis … suivi d’un sottisier (E), Luxembourg, G. Binsfeld. MACEDOINE Les citoyens macédoniens, depuis le 19 décembre 2009, peuvent de nouveau voyager librement dans l’espace de l’UE. Ceci après que le pays a satisfait à tous les critères requis par l’Europe pour la libéralisation du régime des visas. La perspective claire et tangible d’une adhésion à l’Union européenne, en temps voulu, demeure le moteur principal du processus de réforme dans la République de Macédoine. Le cheminement sans obstacles vers l’adhésion à l’Union européenne, importe au plus haut point pour garantir la stabilité politique, qui constitue l’objectif commun partagé par les acteurs politiques et les groupes ethniques du pays. Mais de tous les obstacles qui sont sur le chemin de l’adhésion de la Macédoine, le différend sur son nom avec la Grèce semble être le plus important. LE NOM DU PAYS Dans le pays il existe un large consensus entre le gouvernement et les partis d’opposition sur la vocation européenne du pays. Ce consensus et l’amélioration du dialogue politique qui n’est pas toujours facile, se sont traduits par une accélération dans l’adoption de la législation sur l’intégration européenne. Une large majorité de la population soutient le processus d’adhésion à l’Union européenne et l’OTAN et dès lors est attachée à soutenir les réformes nécessaires, mais pas à n’importe quel prix. Selon un sondage plus de 60% des Macédoniens préfèrent conserver le nom de leur pays plutôt que d’adhérer à l’Otan et l’UE. Selon le sondage de l’Institut en recherche politique mené les 3 et 4 juillet 2010, 66,5% des 1.110 sondés ont indiqué que le maintien du nom du pays est plus important que l’adhésion à l’Otan et l’UE, alors que 26,2% des personnes interrogées pensent le contraire. Cependant, les points de vue varient selon l’ethnie des sondés. Environ 82% des gens d’ethnie macédonienne affirment que le nom du pays est plus important, alors qu’environ 78% des sondés d’ethnie albanaise, qui représente environ un quart de la population du pays, mettent l’adhésion à l’Otan et l’UE devant le maintien du nom du pays. En décembre 2009, l’UE a reporté la décision sur le commencement des négociations d’adhésion de la Macédoine, en raison du «problème de nom» entre la Macédoine et sa voisine la Grèce, MACEDOINE GEOGRAPHIE Région de la péninsule des Balkans, essentiellement montagneuse. Le bassin du Vardar sert d’axe principal de communication entre la Grèce et la Serbie. HISTOIRE VIIe-VIe s. av. J.-C. Unification du pays. 356-336 av. J.-C. Règne de Philippe II, qui domine la Grèce. 336-323 av. J.-C. Règne d’Alexandre, conquérant de l’Egypte et de l’Orient. 148 av. J.-C. Province romaine. IVe s. Rattachement à l’Empire romain d’Orient. VIe-VIIe s. Tribus slaves dans la région. IXe s. Domination bulgare. 976-1018 Premier Empire slavo-macédonien. 1371 Domination ottomane. 1912-1913 Libération du joug ottoman. Serbie, Bulgarie et Grèce se partagent le pays. 1919-1941 Partage entre trois pays : Yougoslavie, Grèce et Bulgarie. 1941-1945 Occupation bulgare, allemande, italienne. 1945-1991 La Macédoine devient l’une des six républiques de la Yougoslavie. 1991 (8 sept.) Etat indépendant. 1993 Admission à l’ONU. 2001 Violents affrontements interethniques, suivis de la signature d’un accord de paix par les dirigeants macédoniens et albanais de la coalition gouvernementale et de la signature d’un « Accord de stabilisation et association » avec l’UE. 2002 (nov.) Elections législatives, Branko Crvenkovski nouveau Premier ministre. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Toni GLAMCEVSKI Journaliste indépendant chargé de cours à l’Inalco [email protected] 72 EUROPE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 qui continue à bloquer toute candidature de la Macédoine tant que la dispute sur le nom qui oppose les deux pays ne sera pas résolue. Il faut rappeler que la demande d’adhésion de la Macédoine à l’Otan a été rejetée par la Grèce en 2008 pour la même raison. Le premier ministre grec George Papandreou avec son homologue macédonien Nikola Gruevski ont tenu plusieurs rencontres directes depuis novembre dernier pour chercher une issue à l’impasse. D’après certaines informations, la Nicolas Gruevski Macédoine devrait bientôt trouver un compromis pour apaiser ses tensions avec la Grèce concernant la dispute sur son nom. Le nom de République de Macédoine avec une connotation géographique serait une solution acceptable pour la Grèce. La Grèce insiste pour que le nouveau nom géographique soit utilisé par la Macédoine dans ses relations avec tout un chacun, rejetant ainsi l’idée que la Macédoine ait un nom à usage interne. Ce qui paraît inacceptable pour la Macédoine. Les pressions occidentales ont déjà forcé la Macédoine à changer une fois sa constitution, après le conflit ethnique en 2001 et la signature de l’accord-cadre d’Ohrid. Même avant cela, au milieu des années 1990, la Macédoine avait été obligée d’enlever le Soleil de Vergina de son drapeau et de supprimer toutes les clauses supposées irrédentistes de sa constitution. Un changement éventuel de la constitution devrait être décidé par référendum. L’enseignement dans des langues autres que le macédonien se révèle insuffisant ou de qualité médiocre. Les médias se définissent quant à eux par leur appartenance ethnolinguistique qui influence encore souvent la façon dont ils rendent compte des événements. Malgré les progrès satisfaisants accomplis par le pays dans la réforme du fonctionnement de l’administration publique en général et dans la lutte contre la corruption et en particulier de l’adoption de la loi sur le financement des partis politiques, la corruption, problème commun aux pays de la région, demeure très répandue. Le pays a accompli des progrès dans le domaine du pouvoir judiciaire ainsi que dans l’engagement du gouvernement à poursuivre les réformes, comme en témoigne notamment le renforcement des crédits alloués aux tribunaux et au bureau du procureur, mais il faut renforcer davantage l’indépendance des juges et assurer leur impartialité. ECONOMIE La situation économique et sociale du pays reste fébrile. Le gouvernement avec sa politique macroéconomique adoptée en vue de neutraliser les effets négatifs de la crise financière et économique mondiale, craint que l’impact de la crise financière sur le pays n’exacerbe le taux de chômage qui reste élevé (environ 35% de la population active) Le drapeau adopté depuis 1995 et n’entrave les efforts visant à POLITIQUE le faire baisser. Les mouvements La République de Macédoine en mai 2010 a suc- sociaux ont été plus nombreux. Selon les prévisions de la Banque européenne cédé à la Suisse à la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pour six mois. pour la reconstruction et le développement (BERD) Les priorités du pays sont axées sur trois thèmes la croissance du PIB devrait atteindre en 0,5 % en principaux : le renforcement de la protection des 2010 au lieu des 2% prévus par le gouvernement. droits de l’homme, l’action en faveur de l’intégra- Le PIB pour 2011 selon la BERD devrait atteindre 2,5%. Les investissements étrangers directs sont tion dans le respect de la diversité et la promotion toujours faibles malgré les efforts consentis par de la participation des jeunes. la politique du gouvernement de créer un terrain Mais, il est de la plus haute importance pour le pays, sur le plan intérieur, de faire avancer l’amé- favorable. Ainsi pour le premier trimestre de lioration des relations interethniques, notamment l’année n’ont été investi que 70 millions d’euros. la garantie des droits des personnes de toutes origines ethniques, en poursuivant la mise en œuvre de l’accord cadre d’Ohrid, qui est la pierre angu- FRANCOPHONIE/CULTURE laire des relations interethniques en Macédoine. La tradition francophone en Macédoine perdure depuis plus d’un siècle et demi. Historiquement, La Commission contre le racisme du Conseil de l’Europe dans son rapport sur la Macédoine, le français est la plus ancienne langue étrangère constate que les divisions ethniques dans le traditionnellement parlée et elle est longtemps pays perdurent. Certaines déclarations de res- restée la première langue étrangère en Macédoine. ponsables politiques et de leaders d’opinion ne 30% des élèves étudient à ce jour le français dans contribuent pas à la réconciliation des habitants. les écoles primaires et secondaires en tant que La ségrégation est monnaie courante dans le première langue étrangère. Le français a la prisystème d’enseignement. Les programmes sco- mauté en tant que seconde langue étrangère et il laires manquent cruellement d’homogénéité. est enseigné dans les universités macédoniennes, 73 MOLDAVIE Maria NEAGU Doctorante département d’histoire Université Laval [email protected] POLITIQUE Les élections parlementaires des 5 et 29 avril 2009 ont plongé la Moldavie dans une crise politique sans précédent dans son histoire récente. L’Alliance pour l’intégration européenne (AIE) formée après les élections par quatre partis démocratiques– le Parti libéral (PL), le Parti libéral démocrate (PLDM), le Parti démocrate (PD) et le Parti « Notre Moldavie » (AMN) – s’avère être une alternative fragile au Parti des communistes qui a conservé 49% de l’électorat moldave. La popularité de l’AIE est à la baisse, par la faute d’un compromis précaire entre ses membres sur des questions fondamentales de politique interne et extérieure–le conflit non résolu en Transnistrie, le statut de neutralité du pays et l’épineuse question identitaire pour n’en nommer que quelques-unes. L’aile libérale de l’Alliance (les PL et PLDM) opte pour un voisinage fraternel avec la Roumanie, pays avec lequel les Moldaves partagent un héritage culturel et linguistique commun, et se prononce pour l’adhésion de la RM à l’OTAN. L’aile démocrate représentée par le PD ayant à sa tête L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 macédonien. Il soutient notamment les six secles étudiants macédoniens qui poursuivent leurs études en France sont de plus en plus nombreux. tions bilingues implantées depuis plusieurs anLe 20 octobre 2009, trois ans après le proto- nées dans des lycées d’excellence à Bitola, Skopje, cole d’intention, la région française de Basse- Tetovo, Kumanovo, Prilep et Negotino. Normandie et la Macédoine ont signé leurs acLes alliances françaises de Bitola et Tetovo cords de coopération, annonçant un partenariat jouent également un grand rôle dans la propade long terme entre eux et de nombreux acteurs gation de la langue française et la culture francobas-normands et macédoniens. Fruit d’une vo- phone parmi les jeunes Macédoniens. lonté commune de participer au développement En plus de la Journée de la Francophonie, qui est des deux territoires, cette coopération incite non une manifestation régulière en Macédoine, sont seulement les populations à s’engager dans une organisées d’autres manifestations consacrées encitoyenneté locale et européenne active, mais en- tièrement à la Francophonie. Il y a aussi un grand courage aussi les coopérations institutionnelles nombre d’événements culturels particuliers, ayant et économiques, tout cela dans un esprit de réci- un caractère francophone. La culture francophone procité et d’échanges, ce qui permet l’enracine- est représentée dans chacun des grands festivals ment de la langue française et de la francopho- de Macédoine : Soirée d’opéra de mai à Skopje, nie en Macédoine. Dans le cadre de cet échange Festival d’été de Skopje et d’Ohrid, Festival du la Macédoine a été l’invitée d’honneur du fes- jeune théâtre ouvert, Soirée de la poésie de Struga, tival « Balkans-Transit 2010, le Printemps Bal- Festival du film à Bitola et depuis trois ans le Festival du film français d’Ohrid, qui se veut un lieu kanique » en Basse-Normandie. Ainsi, pendant huit semaines, la Macédoine a présenté son sa- d’échanges et de rencontres culturelles entre la voir-faire dans nombre de domaines : musique, France et la Macédoine, mais aussi des Balkans. littérature, théâtre, conte, arts plastiques, art contemporain, danse contemporaine, cinéma, conférences, gastronomie et artisanat. Le Centre culturel et de coopération linguistique de Skopje (CCCL), qui depuis 1997 regroupe l’ensemble de l’action culturelle, linguistique et éducative française, organise chaque année plus de 200 manifestations, en partenariat systématique avec les institutions macédoniennes, étrangères et multilatérales. Le Centre encourage l’enseignement du Français dans le système scolaire Un lieu de culture vivant à Skopje 74 EUROPE Marian Lupu, un ex bras droit des communistes, soutient pour sa part un rapprochement avec la Russie et s’oppose farouchement à la perte de la neutralité du pays. Acteur politique se déclarant vouloir apporter le changement, l’AIE saura-t-elle surmonter ses difficultés internes pour devenir une véritable alternative démocratique dans le paysage politique moldave ? Les prochaines élections parlementaires anticipées prévues pour 2011 devront apporter des éléments de réponse. Chose certaine, dès la prise du pouvoir, l’AIE a tenu à marquer son gouvernement d’une couleur politique qui traduit l’engagement pour l’intégration européenne. Ainsi, les officiels moldaves ont entamé les pourparlers en vue de la signature de l’Accord d’association à l’UE, qui devrait apporter des solutions pour le régime de visas, l’extension de la zone du commerce européen vers l’Est et la coopération dans des domaines sectoriels. Aussi, après une période de gel diplomatique, les liens avec la Roumanie ont été resserrés. Les deux États ont accrédité de nouveaux ambassadeurs dans leurs capitales respectives, Chisinau et Bucarest, alors qu’à Balti et à Cahul, deux villes importantes de Moldavie, ont accueilli chacune un consulat roumain. Le rapprochement envers la Roumanie et l’Occident est toutefois tributaire d’une relation étroite, voire de dépendance, que la Moldavie entretient avec la Russie. Dès le changement du pouvoir à Chisinau, la relation avec le voisin de l’Est a connu une courbe descendante. Ainsi, du refus du président moldave par intérim, Mihai Ghimpu, de participer à la grandiloquente parade militaire organisée cette année par Kremlin pour MOLDAVIE HISTOIRE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 1812 Annexion par l’Empire russe de la partie est de la Principauté moldave, la Bessarabie. 1862 Union politique de la Moldova, de la Valachie et de la Transylvanie et création de l’Etat unitaire roumain, la Roumanie. 1918 Union de la Bessarabie avec la Roumanie. 1944 Annexion à l’URSS. 1987-1989 Apogée du mouvement national en République soviétique socialiste moldave (RSSM). 1991 (23 mai) Adoption du nouveau nom officiel : République de Moldova. 1991 (27 août) Accession à l’indépendance. 1991 Election du premier président de la République, Mircea Snegur. 1992 Adhésion à l’ONU et à la Communauté des Etats indépendants (CEI). 1994 (29 juillet) Adoption de la Constitution. 1995 (13 mai) Adhésion au Conseil de l’Europe. Membre de la Francophonie. 2000 (5 juillet) Révision de la Constitution. La Moldavie devient République parlementaire. 2002 Adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). souligner les 65 ans depuis la victoire de l’Armée rouge contre le fascisme, à la récente « crise des vins », une série d’événements ponctue l’escalade de la tension entre les deux voisins régionaux. ECONOMIE En 2010, l’économie moldave s’est progressivement remise de la crise, bien que le redressement soit tributaire de l’instabilité politique. Le rythme de croissance économique a été révisé à la hausse durant l’année, enregistrant un seuil record de 4,7% pour le premier trimestre. Ce résultat positif est du en partie à l’augmentation du volume de la production industrielle et agricole (11,4%), des exportations (16,2%) et du revenu budgétaire qui enregistre une croissance de 12% par rapport à l’année dernière. Trente pour cent du volume budgetaire représentent les transferts monnetaires. Or, la dispora moldave a envoyé dans le pays plus de 425 mld. USD durant la première moitié de l’année 2010, soit 5% de plus que la somme enregistrée pour la même période de l’an passé. Ce revenu est utilisé en proportion de 72% pour la consommation courante, 21% sont placés dans des comptes d’éparge et seulement 7% sont investis dans les affaires. À l’instar des revenus, les dépenses budgétaires ont elles aussi enregistré une croissance de 6,5%. Même rythme de croissance pour la dette interne qui a atteint à la fin du mars dernier 17,5 MDL, soit 44,6% de plus que la somme enregistrée en 2009. Un Martisor simple, annonce du printemps en Moldavie (photo lcc Nicubunu) Vendeurs du Martisor à Chisinau (photo lccGikÅ) 75 CULTURE Les festivals traditionnels « Martisor », « Vous invite Maria Biesu » et « Les nuits de Jazz » se sont partagé la tête d’affiche culturelle avec d’autres événements ponctuels, tels que l’inauguration de l’Allée des classiques littéraires à Balti et la mise sur pied de la « Comission Cojocaru » chargée d’investiguer et d’apprecier le régime communiste totalitaire en Moldavie. Formée d’une trentaine de spécialistes en sciences humaines et sociales, cette Commission a présenté son rapport devant le Parlement le 6 juillet 2010 – date symbolique et chargée d’une mémoire doulureuse pour les Moldaves, car elle représente le jour où le régime soviétique a procédé, en 1949, aux plus grandes purges et déportations de l’histoire de la région. Cette année encore, les artistes et les scientifiques moldaves ont rayonné de leur talent sur la scène internationale. Ainsi, l’académicien Mihai Dolgan a mérité la « Médaille internationale d’or » décernée par le prestigieux Institut de la Biographie des États Unis, qui a tenu souligner de cette manière la valeur et les retombées sociales des contributions du célébre littérateur moldave. Les artistes Ioan Grecu et Tatiana Carapostol ont été programmés en octobre 2010 en Italie, à l’occasion de la Biennale de Venise, pour une exposition intitulée « At the Right Time », réunissant une trentaine de leurs œuvres, sculptures et peintures principalement. PRINCIPAUTE DE MONACO POLITIQUE Le 23 juin 2010, le Palais Princier a annoncé les fiançailles du Prince Albert II de Monaco avec Mademoiselle Charlène Wittstock, événement vivement attendu par la population monégasque. La célébration du mariage est programmée les 2 et 3 juillet 2011. Sur le plan intérieur, la période a été marquée par la nomination, le 29 mars 2010, d’un nouveau Ministre d’Etat (Premier Ministre), choisi par le Prince Albert II, en la personne de Michel Roger, haut fonctionnaire et ancien membre du Tribunal Suprême de Monaco, en remplacement de Monsieur Jean-Paul Proust. Sous l’impulsion de S.A.S. le Prince Albert II, le Gouvernement monégasque a poursuivi la mise en place d’une ambitieuse politique de coopération internationale dont le principal objectif est la lutte contre la pauvreté. Depuis 2008, l’Aide Publique au Développement (APD) a ainsi augmenté chaque année de 25% en vue d’atteindre l’objectif fixé par les Nations Unies de consacrer 0.7% du RNB au plus tard en 2015. En 2010, 10 millions d’Euros seront alloués à la lutte contre la pauvreté et plus de 100 projets seront programmés dans 24 pays partenaires selon quatre thématiques d’intervention (santé et secteur social, éducation et formation, appui aux activités micro-économiques, préservation et valorisation des ressources naturelles). Sur le plan multilatéral, la Principauté a été élue, en octobre 2009, au sein du Conseil Exécutif de l’Unesco. Avec 160 voix sur 178 votants, Monaco est l’Etat qui a remporté le plus de votes parmi tous les candidats à cette élection, tous groupes électoraux confondus. En février 2010, la Principauté a également été élue à la Vice-présidence de la Commission d’Administration et du Budget du Bureau International des Expositions (B.I.E.). Enfin, pour l’année 2010, Monaco assure la Présidence de la Commission permanente d’EUROCONTROL, organe délibératif le plus élevé de cette organisation européenne intergouvernementale civile et militaire chargée de la gestion et de la sécurité de la navigation aérienne sur l’espace aérien de ses Etats membres. ECONOMIE La période juin 2009–juin 2010 a été marquée par la volonté de la Principauté de Monaco de poursuivre son engagement vers plus de transparence financière. En septembre 2009, Monaco a été retiré de la liste « grise » et figure désormais sur la liste «blanche» des pays qui mènent une politique fiscale conforme aux critères de l’OCDE. Pour ce faire, plusieurs accords bilatéraux portant sur l’échange d’informations en matière fiscale ont été signés. D’autres sont en cours de négociations. Au 30 juin 2010, on dénombrait 23 accords signés dont 12 avec des pays de l’OCDE. Sur le plan de l’activité touristique, après une chute du nombre de touristes en 2009, celle-ci a commencé à se redresser. Sur les six premiers mois de 2010, la fréquentation, en terme de tourisme hébergé, a augmenté de 11% par rapport au premier semestre 2009. Les chiffres du tourisme d’affaires, qui s’étaient effondrés de 30% par rapport à l’année de référence de 2008 se sont également améliorés : 35% de fréquentation en plus sur le premier semestre 2010 par rapport à 2009 à la même période. Sous l’impulsion du Prince Albert II, très sensible à la protection de l’environnement, le L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Frédéric LABARRÈRE Ambassade de la principauté en France [email protected] 76 EUROPE gouvernement a poursuivi entre juin 2009 et juin 2010 la mise en œuvre de politiques environnementales en faveur d’un développement durable de la Principauté. Celles-ci s’appuient sur quatre piliers : la gestion du patrimoine naturel ; la mise en place d’un plan énergie climat ; les actions en faveur d’une ville durable ; la mobilisation de la Communauté monégasque. S’agissant plus particulièrement du plan « Energie climat–Objectifs 2020 », trois objectifs ont été fixés : la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30% par rapport à 1990, l’amélioration de l’efficacité énergétique de 20% et la consommation de 20% d’énergie finale issue de sources renouvelables. Ces deux derniers chiffres sont à comparer avec les valeurs de 2006. CULTURE Le prince Albert et Charlène (photo Amedeo M. Turello Palais princier - Monaco) L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 MONACO GEOGRAPHIE : Un petit pays méditerranéen enclavé dans le sud-est de la France ; cosmopolite avec plus de 120 nationalités. HISTOIRE : 1297 François Grimaldi s’empare du château fort et occupe le Rocher de Monaco. 1331 Charles 1er Grimaldi est le premier seigneur de Monaco. Son règne sera consacré à donner une véritable indépendance à son territoire. 1641 Traité de Péronne par lequel la France accorde sa protection à Monaco et reconnaît ses droits souverains. 1861 Sécession de Menton et Roquebrune. 1866 Création de Monte-Carlo par le prince Charles III et développement de l’économie basée sur le tourisme. 1911 Constitution adoptée par le prince Albert 1er. Remaniée en 1917, confirmée en 1933, réformée en 1962. 1949 Avènement du prince Rainier III. La Principauté devient le 47e membre de l’UNESCO. 1993 Admission de Monaco à l’ONU, en qualité d’Etat membre. 1997 700e anniversaire de la dynastie des Grimaldi. 2004 Monaco devient membre du Conseil de l’Europe. 2005 Avènement du prince Albert II. La Principauté a célébré du 9 juillet 2009 au 25 juillet 2010 le centenaire des Ballets Russes qui restent, comme Serge Diaghilev leur fondateur, intimement liés à l’histoire artistique de Monaco. Les célébrations de cet anniversaire (spectacles de danse, installations, expositions, conférences), ouvertes par S.A.R. la Princesse Caroline, ont connu un très grand succès. L’ensemble des acteurs culturels de la Principauté ont participé : les Ballets de Monte-Carlo, l’Opéra et l’Orchestre philharmonique, l’Ecole municipale d’arts plastiques, les Archives audiovisuelles... Durant l’été 2009 a été également organisée la 14ème Edition du Festival Mondial du Théâtre Amateur qui se tient tous les quatre ans à Monaco depuis 1957. Vingt quatre troupes issues des cinq continents y ont participé, permettant de confronter les pratiques théâtrales. Des colloques et des ateliers se tiennent régulièrement en marge de cette manifestation. L’exposition des œuvres (tableaux, sculptures, créations plastiques) de l’artiste britannique Damien Hirst au Musée Océanographique, renouvelant le lien étroit entre la science et l’art, connaît un véritable succès depuis son inauguration début mars 2010. Plus de 200 000 personnes l’avaient déjà visité au seuil de la période estivale. Au tout début du mois de juillet 2010, la grande exposition de l’été, consacrée au Japon et intitulée « De Kyoto à Tokyo, des Samurais aux Mangas », a été inaugurée par le Prince Albert II et le Prince Hitachi, frère de l’Empereur du Japon, accompagné de son épouse. SCIENCE Le début de l’année 2010 a été marqué par les célébrations du centenaire de deux Fondations – le Musée Océanographique de Monaco Le Rocher a fêté le centenaire des Ballets russes, ici en répétition en 1916 (photo lcc Bain News Service ) 77 et l’Institut de Paléontologie Humaine – créées à l’initiative du Prince Albert Ier de Monaco, aussi connu comme le Prince-Savant ou le Prince navigateur et trisaïeul du Prince Albert II. Le centenaire du Musée Océanographique de Monaco, musée qui a pour but de faire découvrir au plus grand nombre l’océan et la science océanographique a permis l’organisation de nombreuses manifestations conjuguant patrimoine, art et science. A l’occasion des cent ans de l’Institut de Paléontologie Humaine, Fondation Prince Albert Ier de Monaco, Institut dont l’établissement à Paris a marqué un tournant majeur dans l’histoire des recherches préhistoriques et qui est aujourd’hui un centre permanent d’études entièrement dédié à la préhistoire, s’est notamment tenu un colloque international de haut niveau intitulé « Les premiers peuplements préhistoriques sur les différents continents ». Ouvert par le Prince Albert II, il a permis de faire le point sur les découvertes les plus récentes concernant la conquête progressive de la planète par les hommes de la préhistoire. A travers ces deux entités, Monaco rappelle son attachement aux sciences dont elle a encouragé et accompagné l’essor au cours de ce siècle. POLOGNE La catastrophe aérienne du 10 avril à Smolensk (Russie) entraîne la mort du Chef de l’Etat et d’une partie de l’élite politique du pays. Bronislaw Komorowski, l’ancien Président de la Diète, politicien modéré et libéral, a été élu nouveau Président de la République au second tour du scrutin, le 4 juillet. Graves inondations dans la partie sud de la Pologne en mai. La crise économique semble passée et le redressement des investissements continue. Les Polonais viennent en aide aux sinistrés après le séisme en Haïti. POLITIQUE Après un hiver très rigoureux, la Pologne a vécu une des pires tragédies de son histoire. Le matin du 10 avril, l’avion présidentiel s’est écrasé à proximité de Smolensk en Russie avec 96 personnes à son bord, dont le couple présidentiel, plusieurs ministres et vice-ministres, parlementaires de deux chambres, conseillers présidentiels, hauts dirigeants de l’état-major de l’armée, les représentants du clergé et les membres du personnel du bord. La délégation polonaise venait se recueillir à Katyn, village à proximité de Smolensk, pour commémorer le 70e anniversaire du massacre de 14 000 prisonniers de guerre polonais. Ce meurtre a longtemps envenimé les relations entre la Pologne et la Russie. Commis par la police secrète soviétique en avril et mai 1940, il a été reconnu en 1990 par Mikhaïl Gorbatchev comme l’un des plus grands crimes du stalinisme. Les représentants des familles des morts de Katyn ont également péri dans le crash. L’enquête sur les causes de l’accident s’oriente vers une erreur de pilotage : les pilotes ont tenté un atterrissage sans visibilité à cause d’un intense brouillard et à l’encontre des demandes du contrôle aérien de poser leur avion sur un autre aéroport. Trois jours avant l’accident, le 7 avril dans la forêt de Katyn, le Premiers ministres russe, Vladimir Poutine, et polonais, Donald Tusk, ont commémoré ensemble la mémoire des victimes de 1940. Pendant huit jours après la catastrophe aérienne, les Polonais, profondément touchés, ont été plongés dans le deuil et le recueillement. Manifestations culturelles, visites officielles, rencontres professionnelles ont été annulées et le pays a fonctionné au ralenti. Le cercueil du président polonais a POLOGNE GEOGRAPHIE En dehors de sa bordure méridionale qui appartient à la Bohème, hercynienne, et aux Carpates occidentales, tertiaires, la Pologne s’étend sur une partie de la grande plaine de l’Europe du Nord. Climat continental, hivers rigoureux. HISTOIRE 1795 Annexion à la Rus- sie, la Prusse et l’Empire austro-hongrois. 1830-31 et 1863-1864 Insurrec- tions polonaises, écrasées par les Russes. 1918 (nov.) Indépendance. 1920-21 Guerre polono-soviétique. 1921 (17 mars) Régime présidentiel. 1945-1989 République populaire de Pologne. 1952 Démocratie populaire. 1980 Naissance de Solidarnosc. 1981-1983 Mesures de guerre. 1986 Prisonniers politiques libérés. 1989 (août) Election du premier gouvernement démocratique. 1997 Nouvelle Constitution. Membre observateur de la Francophonie (Sommet de Hanoi). 1999 (12 mars) Membre de l’OTAN. 2004 (1er mai) Membre de l’UE. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Józef KWATERKO Professeur titulaire à l’Université de Varsovie [email protected] 78 EUROPE été ramené à Varsovie, puis à Cracovie, où, lors des obsèques nationales, la dépouille mortelle du couple présidentiel a été placée après l’autorisation de l’archevêque de la ville dans la crypte des rois du Château de Wawel. Au-delà de l’émotion collective qui a uni les Polonais, cette catastrophe aura inexorablement eu des conséquences sur la vie politique. D’abord à cause d’une élection présidentielle anticipée qui devait se tenir avant la fin juin conformément à la loi électorale. Mais contre les prévisions, la campagne allait se jouer en deux tours. Celle du premier tour, difficultés. Elle se trouve aujourd’hui confrontée à une sérieuse crise due aux accusations récentes (à la mi-juillet) de Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau du président défunt et leader du parti de l’opposition. En effet, après avoir abandonné sa position modérée et consensuelle lors de la campagne électorale, celui-ci réclame ouvertement que la Pologne prenne en main l’enquête en cours en Russie (menée conjointement avec les procureurs polonais) et accuse implicitement le gouvernement d’être en partie responsable des causes de la catastrophe. ECONOMIE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Bronislaw Komorowski, nouveau président élu (photo lcc, B. Komorowski) le 20 juin, a opposé deux candidats qui, à cause de l’excellent score de plus de 13% de votes du leader social-démocrate en lice, n’ont pas pu franchir la barre de 50% : Bronislaw Komorowski (41,5% de voix), président de la chambre basse du parlement (qui a assuré la présidence polonaise par intérim et qui est un des leaders du parti pro-européen au pouvoir, la Plateforme civique) −, et l’ancien Premier ministre et leader du parti conservateur, Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski (36,4%), le frère jumeau du Président défunt, Lech (ce dernier visait le second mandat lors des élections prévues en temps normal pour octobre 2010). Entre le premier et le second tour, les deux candidats étaient à égalité dans les sondages, Jaroslaw Kaczynski, ayant recentré son discours sur son « devoir » de prolonger le travail et d’achever la « mission » de son frère ainsi que sur les graves inondations que la Pologne avait subies au mois de mai et que le gouvernement libéral n’a pas osé déclarer comme « état de catastrophe naturelle » pour ne pas compliquer davantage la situation politique, déjà suffisamment perturbée. Son rival, Bronislaw Komorowski, appuyé par le Premier ministre Tusk, a fait preuve de tact et de réserve en proclamant son désir de chercher l’unité politique et la présence polonaise plus large au sein de l’Union européenne. Le 4 juillet, à l’issue du second tour (55 % taux de participation), Bronislaw Komorowski a été élu Président avec 53% de voix après un duel serré avec Jaroslaw Kaczynski qui a obtenu 47% de voix. La classe politique polonaise traumatisée a du mal à se relever du choc sans précédent depuis la seconde guerre mondiale que fut la tragédie de Smolensk. La vie politique elle-même, perturbée par les élections précipitées, reprend avec A la suite d’inondations qui ont balayé le pays du sud au nord en mai dernier, dans certaines régions des milliers de personnes se sont retrouvées sans abri ou ont dû fuir leur domicile menacé d’effondrement. Ces inondations se sont produites au moment où le gouvernement affichait son succès en termes d’exécution budgétaire. En effet, sur les 4 premiers mois de 2010, le déficit budgétaire calculé à 27 milliards de zlotys a atteint un niveau inférieur de 5 milliards de zlotys environ par rapport aux estimations du ministère des Finances. Mais les statistiques macroéconomiques vont pouvoir bientôt montrer le possible impact de cette catastrophe naturelle sur l’économie. Il faut signaler qu’avec une croissance annuelle de 1,2% en 2009, la Pologne a été le seul état membre de l’Union européenne à connaître un redressement continu. D’autre part, une nouvelle loi sur la prestation de services sur le territoire de la République de Pologne a été introduite en mars 2010 dans le droit polonais. Elle met en œuvre les directives européennes portant sur la libre circulation des services à l’intérieur de l’Union européenne et confirme le droit des entrepreneurs européens de proposer librement leurs services sur le territoire polonais, sans obligation de passer par le registre des sociétés. Si, suite à cette récente réforme, l’année 2010 s’annonce positive, grâce surtout aux championnats de football « Euro 2012 » qui génèrent de nombreux investissements étrangers dans la construction des stades, des infrastructures ou hôtels, le secteur national du bâtiment et de l’immobilier pour la population se retrouve au plus bas niveau depuis plusieurs années. CULTURE ET SOCIETE A la veille du recensement national de la population de 2011, les démographes s’inquiètent de la baisse de la natalité qui pourrait affecter à l’avenir le niveau économique et le niveau social. Néanmoins, ce pronostic est en contradiction avec l’image que les jeunes se font d’eux-mêmes. D’une part, à en croire les sondages, la famille reste toujours la préoccupation première des Polonais. Les jeunes couples déclarent même vouloir plus d’enfants qu’ils n’en ont, tout en évoquant une barrière économique à la réalisation de leurs projets familiaux. D’autre part, on 79 des tableaux des peintres haïtiens provenant des collections privées. SCIENCE L’intérêt soutenu pour les études canadiennesfrançaises et québécoises en Pologne (voir édition l’AFI 2009-2010, p. 73) se confirme en 2010 par la soutenance de deux thèses de doctorat (à l’Université de Varsovie et celle de Katowice), portant respectivement sur l’émergence et l’esthétique du roman policier au Québec et la représentation de l’évolution de la société québécoise dans les romans de Jacques Godbout. En mai 2010, L’Association polonaise des études canadiennes (APEC), fondée en 1998 et regroupant quelques dizaines de chercheurs et étudiants en francophonie canadienne, est devenue membre à part entière du Conseil international des études canadiennes. Le 5e congrès de l’APEC, « Vers un multiculturalisme critique: dialogues entre/parmi les diasporas canadiennes », a été programmé à l’Université Jagellone de Cracovie début octobre 2010. Le 25-26 février à l’université de Poznan un colloque sur « les littératures mineures » a été consacré aux expressions littéraires en Suisse romande, en Belgique et en Espagne (les écrivains catalans, valenciens, galiciens). BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE Béjannin, Pascal, Mammo (Mammo), Varsovie, éd. Dialog, 2010. Ben Jelloun, Tahar, O mojej matce (Sur ma mère), Varsovie, éd. Dialog, 2010. Binebine, Mahi, Ludozercy (Cannibales), Varsovie, éd. Dialog, 2009. Chesses Jacques, Wampir z Ropraz (Vampire de Ropraz), Varsovie, éd. WAB 2009. Khadra, Yasmina, Owieczki Pana (Les Agneaux de Seigeur), Varsovie, éd. Dialog, 2010. Solé, Robert, Tarabusz (Le Tarbouche), Varsovie, éd. Dialog, 2009. REPUBLIQUE TCHEQUE Petr KYLOUŠEK Université Masaryk de Brno République tchèque [email protected] POLITIQUE ET ECONOMIE Deux événements de septembre 2009 ont entamé la crédibilité de la classe politique : d’une part le verdict de la Cour constitutionnelle qui a déclaré illégitime la procédure de l’autodissolution de l’Assemblée Nationale, d’autre part l’affaire des diplômes de la Faculté de droit de l’Université de Pilsen qui a mis à jour la corruption et les connivences au sein de l’appareil judiciaire et administratif. Les élections anticipées de novembre 2009 ont été annulées et l’échéance électorale de mai 2010 a bouleversé le paysage politique. Les deux partis hégémoniques–Parti social démocrate tchèque (ČSSD) et Parti démocratique civique (ODS) – en sortent affaiblis, deux autres partis traditionnels–Parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL) et les Verts (SZ) – n’ont pas dépassé le seuil d’éligibilité et ont été relayés par deux nouvelles formations émergentes – TOP 09 et L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 assiste à une pression de plus en plus forte des jeunes (appuyés au Parlement par les sociauxdémocrates) qui souhaitent l’acceptation d’une loi sur le remboursement garanti de la fécondation in vitro, la légitimation du mariage homosexuel et la dépénalisation de la loi sur l’avortement. Le 17 juillet, une marche « EuroPride » à Varsovie a réuni autour de 20 000 participants homo et hétérosexuels réclamant l’adoption des lois contre la discrimination de l’orientation sexuelle dans l’administration et l’espace public. Après le tragique tremblement de terre en Haïti en janvier, plusieurs levées de fonds d’aide ont été organisées par les ONG et différents organismes polonais pendant des spectacles et concerts de charité. La Fondation « Polska-Haiti », créée en février, avec « Caritas Polska » et la Télévision Polonaise (première chaîne), ont recueilli un million d’euros pour venir en aide aux sinistrés haïtiens, notamment avec un projet de construction d’une école primaire. Le 23 janvier, à la Grande Bibliothèque de l’Université de Varsovie, une journée d’études a été organisée par les chercheurs spécialistes pour mettre en perspective l’histoire, l’art et la culture haïtiens. A la même université, la Faculté de Néo-philologie (Langues et Lettres modernes) s’est déclarée prête à accueillir un groupe d’étudiants de l’École Normale Supérieure de l’Université d’État à Portau-Prince (détruite par le séisme) afin de leur permettre de terminer leurs études de 1er cycle (à la licence). Le Rectorat de l’Université de Varsovie a accordé des bourses allant jusqu’à 24 mois à dix étudiants de Port-au-Prince qui devraient pouvoir commencer leurs études à partir de février 2011. Fin mars, dans le cadre de l’Année Internationale Frédéric Chopin (200e anniversaire de la naissance du pianiste), un concert « Chopin inspire Ginsbourg », organisé par l’Ambassade de France, a eu lieu au Grand Théâtre de Varsovie (avec la participation entre autres de Jane Birkin) ainsi qu’une soirée de gala, suivie d’une vente 80 EUROPE Petr Nečas, premier ministre du nouveau gouvernement de centre droit. REPUBLIQUE TCHEQUE HISTOIRE Affaires publiques (VV). Les électeurs ayant appliqué massivement la pratique des voix préférentielles, plusieurs politiciens établis, y compris têtes de liste, anciens leaders ou figures dominantes ont perdu leurs postes. La nécessité du changement est sensible tant dans le discours politique (transparence, mesures anticorruption) que dans le programme du nouveau gouvernement de coalition de centre droit (ODS, TOP 09, VV) du premier ministre Petr Nečas (ODS). La nécessité des réformes fiscales, du financement de la santé et des retraites reflètent la politique visant l’équilibre budgétaire à court terme. En politique étrangère, le seul événement majeur a été la rencontre au sommet des présidents américain et russe, Barack Obama et Dmitri Medvedev, à Prague, en avril 2010, dans le cadre du nouvel accord START concernant la limitation des missiles atomiques. 1918 Création de la Tchécoslovaquie. 1968 Printemps de Prague. 1969 La Tchécoslovaquie, Etat L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 fédéral. 1989 « Révolution de velours ». 1993 Deux Etats distincts : République tchèque (Václav Havel président) et Slovaquie. 1996 Demande d’adhésion à l’UE. 1998 Alternance : Miloš Zeman Premier ministre (social-démocrate). 1999 Admission à l’OTAN. 1999 Membre observateur de la Francophonie (Sommet de Moncton). 2004 (1er mai) Membre de l’UE. 2006 Alternance : Mirek Topolánek Premier ministre (Parti démocratique civique — ODS). 2008 Václav Klaus réélu président. CULTURE « Les Journées de la Francophonie », en mars 2010, ont sans doute été le point culminant des activités culturelles francophones. L’accent a été mis sur la cinématographie : treize villes tchèques ont ainsi assisté à la projection des films belges (Kadiatou Konate), luxembourgeois (Anne Schroeder), suisses (Jacqueline Veuve, Samuel et Frédéric Guillaume), sénégalais (Mohamadou Ndoye Dout’s), congolais (Jean-Michel Kibushi Ndjate Wooto), tchadiens (Mahamat Saleh Haroun, Moulsy Lamso), canadiens (Dominic Morissette, Philippe Baylaucq). Le tremblement de terre de Haïti a centré l’attention sur la culture de l’île et la présence d’Evelyne Trouillot, Jean Durosier et de la directrice de l’association ETC Caraïbes aux débats organisés à Prague, Olomouc, Ostrava, Plzeň et Hradec Králové a contribué non seulement au soutien des victimes, mais aussi à la présentation de la littérature et culture haïtiennes. La République Tchèque a été également honorée, en mai 2010, par la présence de S.E. Abdou Diouf, secrétaire général de l’OIF, qui a analysé, dans sa conférence à l’Université d’Olomouc, les quatre décennies de l’existence de l’organisation. En juin 2010, un important colloque international, au CEFRES de Prague, a été consacré à Paul Claudel et ses liens avec la Bohême. ROUMANIE Mariana PERIŞANU Maître de conférences, ASE Bucarest [email protected] POLITIQUE Les élections présidentielles de novembre 2009 ont reconduit le président Traian Băsescu pour un deuxième mandat au palais Cotroceni après un scrutin contesté par ses adversaires et une campagne électorale négative. Ce sont les suffrages de la diaspora qui ont fait pencher la balance en sa faveur. La crise n’a fait qu’accentuer un sentiment de ras-le-bol qui a failli être fatal au président réélu de justesse : 50,33% contre 49,66%. Le gouvernement de son premier ministre Emil Boc avait déjà été démis en octobre 2009 par motion de censure. Depuis 1990 Traian Băsescu a été ministre des Transports à trois reprises, maire de Bucarest (2000-2004) et président du pays depuis 2004. Son premier mandat a été marqué par de nombreux conflits : avec le Premier Ministre libéral Călin Popescu Tăriceanu, avec le Parlement qui l’avait démis en 2007. En 2009 l’alliance entre le Parti Démocrate Libéral (PD-L) et le Parti Social Démocrate (PSD) n’a pas fonctionné et a n’a généré ni la bonne gouvernance, ni la stabilité du pays. 20 ans après... Pour le vingtième anniversaire de la révolution de décembre, Timişoara a inauguré une plaque commémorative dédiée aux victimes, a créé un site 81 ECONOMIE La croissance économique a connu une chute brutale en 2009 (de 7,1% à -7,1%) et le redressement prévu jusqu’à 1,3% en 2010 ne montera pas en fait au-dessus de la barre de 0. Le taux de l’inflation a augmenté en 2010 de 4,5% à 7% suite à la croissance de la TVA de 19% à 24% et le taux du chômage a progressé de 7% à 9%. L’économie souterraine représente, selon le cabinet d’expertise et conseil A.T. Kearney, 33% du produit intérieur brut de la Roumanie et deux tiers de cette somme impressionnante proviennent du travail au noir. Les accords avec le Fonds Monétaire International exigeant une réduction nette et rapide du déficit budgétaire avant une réforme de l’appareil administratif qui traîne, le salaire des fonctionnaires publics se retrouve sévèrement diminué de 25%. L’accord portait sur un prêt global de 20 milliards €, dont une partie devait aller au financement de projets majeurs, notamment d’infrastructures, tandis que l’autre était destinée aux réserves de la Banque Centrale (BNR) pour soutenir le cours du leu. Mais le prêt du Fonds Monétaire International et de l’Union Européenne a été utilisé en grande partie pour combler les trous d’un budget d’Etat où les recettes publiques ne couvraient pas l’ensemble des dépenses prévues. Malheureusement, aucun projet important n’a été démarré et l’économie tourne toujours au ralenti. La courbe des revenus et des dépenses sur les 18 dernières années montre que les dépenses publiques ont toujours été supérieures aux revenus et que, même pendant les années de croissance économique le budget n’a pas eu d’excédent. Même si la morosité économique persiste, certains patrons continuent à investir grâce aux fonds structurels et de cohésion de la part de l’Union Européenne, mais le taux général d’absorption de ses fonds reste très bas. CULTURE Paul Morand à Bucarest Epoux de la princesse roumaine Hélène Soutzo, l’écrivain et diplomate français en poste à Bucarest a écrit en 1935 un récit Bucarest empreint d’humour sur le quotidien et les mœurs des Roumains. Ami de Brancusi, il a défendu son art en France et en Amérique. Les manifestations organisées fin 2009 (colloque, exposition, lectures) ont été destinées à restituer au public l’image d’un homme controversé. ROUMANIE GEOGRAPHIE Pays des Carpates. Langue romane (le roumain). HISTOIRE 1859 Union de la Moldavie et de la Valachie sous le nom de Roumanie, à laquelle s’ajoutent la Transylvanie et la Bessarabie en 1918. 1947 Abdication du roi Michel 1er. Instauration du régime communiste. Nicolas Ceauşescu devient secrétaire du parti communiste (1965), puis président de la République (1974). 1989 Renversement et exécution des époux Ceauşescu. 1990 Ion Iliescu élu président avec 85 % des voix (reconduit en 1992). 1996 Iliescu battu par Emil Constantinescu. Changement important vers l’économie de marché et la démocratie. 1999 Sommet d’Helsinki : l’UE invite la Roumanie aux négociations d’adhésion. 2004 Traian Băsescu président. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 internet, une balade en tramway de la Place de la Victoire à la Place Maria où a démarré la révolution roumaine. Un spectacle de Messe de requiem coordonné par le directeur de l’Opéra de Vienne Ioan Holender a eu lieu le 18 décembre. D’autre part, Scorniceşti, ville natale de Nicolae Ceauşescu, a inauguré fin janvier 2010 un imposant buste en marbre à la gloire de l’ancien dictateur. Même vingt ans après, beaucoup de mystères sur la révolution persistent, car l’information était dosée par les médias tout en gardant l’apparence de spontanéité et derrière les caméras le nouveau pouvoir négociait son ascension. En vingt ans la Roumanie a fait d’énormes progrès. La liberté d’expression et de circulation existe, le pays est membre de l’Union Européenne et de l’OTAN. En même temps la démocratie roumaine n’est pas parfaite. Malgré la liberté et une croissance économique forte pendant une décennie, la Roumanie marque le pas dans son parcours vers une société à la fois solidaire et compétitive. Les institutions de l’état ont besoin d’une remise en question. L’Eglise orthodoxe roumaine, mise au ban pendant le régime communiste, a su remplir un vide dans l’espace public. Elle est très présente dans la société et beaucoup disent qu’elle pèse sur les décisions politiques. La construction d’une immense cathédrale de la Rédemption du peuple à Bucarest démarrée en 2010 répond à une religiosité des Roumains parfois sincère, souvent intéressée. « La piété presque médiévale dans nos églises est due à la pauvreté et on assiste à une cléricalisation du discours chrétien » dit le théologien Mihai Neamţu interrogé par la revue Regard en mai 2010. 82 EUROPE Prix Nobel pour Herta Müller en 2009 La Roumanie est le pays d’origine et la scène principale où se jouent les tragédies de cette romancière engagée, l’une des grandes voix de la littérature allemande contemporaine. (Niederungen (1986), Le Renard était déjà le Chasseur (1994), La Convocation (2001), Atemschankel (2009). Ionesco et Cioran à l’Académie Roumaine Eugène Ionesco et Emile Cioran ont été nommés membres de l’Académie Roumaine. Un titre post-mortem qui leur a été accordé à l’occasion du centenaire de la naissance d’Eugène Ionesco le 26 novembre 1909. Ionesco et Cioran rejoignent ainsi Mircea Eliade, le philosophe Constantin Noïca et le poète Nichita Stănescu, tous admis dans la prestigieuse institution après leur mort. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Alba Iulia – histoire et patrimoine La cité transylvaine Alba Iulia (Alba Carolina) avec ses trois portes restaurées fut construite en style Vauban entre 1715-1718 et englobe toutes les fortifications préexistantes (castrum romain sur la route de l’or des Carpates ; cité médiévale). Le Musée National de l’Union abrite la salle où l’on a proclamé le 1er décembre 1918 l’Union de la Transylvanie avec la Daco-Romania (les autres Principautés Roumaines). Derrière la statue équestre de Mihai Viteazul (Michel le Brave) le bas relief de l’Union représente ce prince qui, lors de la première union (1601), reçoit l’hommage symbolique des trois pays roumains : la Moldavie, la Valachie et la Transylvanie. La Cathédrale orthodoxe de l’Union (1921-1922) a vu couronner les souverains de la Grande Roumanie : le roi Ferdinand et la reine Marie (bustes près de la tour d’entrée à haut clocher). La cathédrale Romano-catholique (1247-1356) restaurée par Iancu de Hunedoara et nécropole de sa famille réunit les styles roman, gothique, baroque et renaissance. La bibliothèque Bathyaneum abrite des documents très précieux dont Codex Aurex, la Bible de Serban Cantacuzino. Un obélisque est dressé à la mémoire de Horea, Cloşca et Crişan, les dirigeants et martyrs de la révolte paysanne de 1784. Le monument chandelle de Dealul Furcilor (Colline des Fourches) rappelle l’endroit précis de leur supplice sur la roue. Le palais Apor d’une sobre élégance appartient à l’Université « 1er Décembre 1918 » (Universitas Apulensis), institution digne de ses traditions. Les sessions scientifiques telles, en mai 2010, « Interdisciplinaire et transdisciplinaire en langue, littérature et pédagogie/didactique » (Faculté d’Histoire et Philologie) acquièrent, comme les journées de la ville, une renommée nationale et internationale. Espace de combats historiques et ethniques, Alba Iulia–cité symbole de l’histoire roumaine, devient aujourd’hui un espace de concorde et de modernité autour d’une fontaine cinétique qui combine musique et lumières. SERBIE Ljiljana MATIC Université de Novi Sad [email protected] POLITIQUE «L’année 2010 sera importante pour l’avenir européen de tous les Balkans occidentaux», a déclaré à Bruxelles, à l’issue de la session du dialogue politique de la Serbie et de l’UE, le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, qui préside l’UE. Les intégrations européennes ont été également le thème de la réunion de Belgrade “Combien de pas jusqu’à l’UE”, organisée par la Fondation Conrad Adenauer. “Nous ferons tout ce que nous pouvons pour que se poursuive l’intégration de toute la région à l’UE. Le début du dialogue politique avec la Serbie a été bon”, a constaté Moratinos à la conférence de presse après la réunion avec Vuk Jeremić, le ministre des Affaires étrangères de Serbie. Moratinos a déclaré que la première session du dialogue politique ministériel conforme 83 SERBIE GEOGRAPHIE Pays des Balkans qui comprend une province autonome au nord, la Voïvodine. Le pays compte près de 7 822 800 habitants. Il dispose d’importantes ressources agricoles et s’appuie sur les industries de la sidérurgie, la métallurgie non ferreuse et les industries de transformation. HISTOIRE 1918 Proclamation du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes. 1929 La région prend le nom de Royaume de Yougoslavie 1945 Après le Seconde Guerre mondiale, la Serbie devient une unité fédérale de la République fédérale socialiste de Yougoslavie, qui sera dissoute progressivement à partir du début des années 1990 avec la sécession de la Croatie, la Macédoine et la Bosnie-Herzogovine. Ces événements déclenchent les guerres en Yougoslavie entre 1991 et 2001. 1993 Création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) 2001 Arrestation de l’ancien pré- sident de la Yougoslavie et remise au TPIY qui doit le juger pour crimes de guerre contre l’humanité. 2006 Mars. Décès de Slobodan Miloševi alors que le TPIY poursuivait ses travaux. Fin de l’union Serbie-et-Monténégro. Indépendance de la Serbie. La Serbie devient Etat observateur à l’Organisation internationale de la francophonie 2007 Janvier. Tenue des élections législatives. Vojislav Koštunica est Premier ministre. Il avait été président de la République fédérale de Yougoslavie d’octobre 2000 à mars 2003. 2008 Février. Réélection à la prési- dence de Boris Tadi pour un deuxième mandat. Le Kosovo déclare unilatéralement son indépendance. La Serbie n’a pas reconnu cette indépendance. Mars. Démission du gouvernement de Vojislav Koštunica. Mai. Nouvelles élections législatives et locales. Un nouveau gouvernement de coalition est mis en place. Mirko Cvetkovi est ministre et gouverne avec l’appui du Parti socialiste de Serbie depuis juillet 2008. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 au Traité de Lisbonne avait clairement indiqué “le plein attachement du peuple et des autorités serbes à la voie vers l’adhésion à l’UE”. L’opinion publique en Serbie s’est attendue à ce qu’à la réunion soit déterminée la date de la soumission de la candidature de la Serbie au Conseil des ministres de l’UE, mais cela ne s’est pas produit. Vuk Jeremić a déclaré qu’il espérait que nous n’attendrions pas la soumission de la candidature du Conseil des ministres après juin, lorsqu’il est prévu que le procureur Serge Brammertz informe les pays de l’UE de la coopération de la Serbie avec le TPI de La Haye. En inaugurant la conférence d’Ambassadeurs de deux jours à Belgrade en janvier 2010, le ministre des Affaires étrangères de Serbie, Vuk Jeremić a déclaré que les priorités de la politique étrangère de l’État ne seront pas modifiées cette année et que l’adhésion à l’UE et la défense de l’intégrité territoriale et de la souveraineté au Kossovo-Metohia restaient les objectifs les plus importants. Jeremić a mis en relief comme priorités également le développement de la coopération avec les voisins dans la région, de même que le développement de l’économie diplomatique au moment de la crise mondiale. Jeremić a indiqué que Bruxelles, Moscou, Pékin et Washington restaient les quatre piliers de la politique extérieure serbe. Selon lui, Bruxelles est la capitale de l’UE, à laquelle la Serbie souhaite adhérer dans les plus brefs délais, tandis qu’elle partage le partenariat historique avec Moscou, et la Russie est un allié de la Serbie dans la défense pacifique de l’intégrité territoriale. Jeremić a souligné que le troisième pilier de la politique extérieure de la Serbie est Pékin, avec qui est établi un partenariat stratégique, tandis que le quatrième est Washington, comme facteur crucial sur la scène politique mondiale. Jeremić a répété que la Serbie était déterminée à achever la coopération avec le TPI de La Haye. Les priorités de la politique étrangère de la Serbie pour 2010 sont accordées au rapprochement de l’UE, à la sauvegarde de la souveraineté et de l’intégrité du pays, au raffermissement de la coopération régionale et du bon voisinage ainsi qu’à l’intensification de la diplomatie économique. TADIĆ a indiqué comme priorité majeure de la politique étrangère de la Serbie l’adhésion à l’UE, en soulignant qu’elle n’avait pas d’alternative. L’année 2014, a-t-il ajouté, sera probablement celle de l’intégration de l’ensemble des Balkans occidentaux au sein de l’Union, en constatant que, durant la présidence espagnole, l’Accord de stabilisation et d’association a chance d’être ratifié, ce qui serait un préalable à ce que, jusqu’à la fin 2010, ou au début de l’année 2011, la Serbie devienne candidate officielle à l’adhésion. Le président serbe a fait ressortir que la Serbie continuerait à coopérer activement avec le Tribunal à La Haye, en exprimant la conviction que des progrès seraient réalisés sur ce plan dans la période qui suit. La sauvegarde de l’intégrité et de la souveraineté au Kosovo-Metohia est la deuxième priorité majeure, a indiqué Tadić, en mettant en relief que la Serbie ne reconnaîtrait jamais l’indépendance de sa Province méridionale. Il a fait savoir que la Serbie ne mènerait jamais une politique de violence, mais qu’il s’attendait, tant que dure le procès devant la Cour Internationale de Justice, à ce qu’aucune nouvelle décision ne soit adoptée sur la reconnaissance de l’indépendance de Kossovo, autoproclamée. «Belgrade est prête à revenir à la table des négociations». En évoquant les relations de bon voisinage avec les pays voisins, Tadic a souligné que la Serbie souhaitait apporter sa contribution à de telles relations, dont témoigne le progrès des relations avec la Slovénie, la Hongrie et la Roumanie, et, l’amitié traditionnelle avec la Grèce. Il a mis en vedette que la Serbie était obligée d’adresser une contre-plainte contre la Croatie mais qu’il y avait encore des possibilités pour stopper l’affaire. Aux dires du président, il aurait 84 EUROPE fallu rendre justice au cours des procès réguliers, et non point confronter les États. Le Premier ministre MIRKO CVETKOVIĆ, a fait ressortir qu’en outre, l’une des tâches majeures était assurément le développement de la politique d’exportation – l’amélioration du climat d’affaires, qui attirerait également de nouveaux investissements en Serbie, et, dans ce sens, le rôle des diplomates économiques se distingue tout particulièrement. Le ministre de l’intérieur et suppléant du Premier ministre, IVICA DAČIĆ, a mis en exergue toutes les conditions que la Serbie a remplies afin de faire supprimer les visas, en répétant que cela ne fut pas un cadeau. Au contraire, la Serbie a fait beaucoup d’efforts en adoptant les lois et les conventions nécessaires, et en les mettant en place, en particulier pour la lutte contre la corruption et le crime organisé. Pour sa part, le ministre de la défense, Dragan Šutanovac a déclaré s’attendre à ce que la professionnalisation de l’Armée de Serbie soit achevée l’année prochaine, au cours de cette période, ce qui est le but majeur de ce Ministère, et, à ce que des conditions soient créées pour supprimer le service militaire. Il a ajouté qu’au cas où il n’y aurait de changements dans le budget ou des perturbations sur le marché d’emploi, le processus de professionnalisation de l’Armée pourrait être terminé dans le délai prévu. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 ÉCONOMIE De l’avis des hommes d’affaires serbes, l’année 2009 fut la pire depuis les changements démocratiques en 2000. Une des raisons à cela est la crise financière mondiale, qui a frappé la Serbie en processus de transition. Fort heureusement, les mesures du Gouvernement ont atténué l’impact de la crise, mais les conséquences sont visibles, avant tout dans l’augmentation de l’insolvabilité des entreprises ainsi que dans la diminution de la production et de l’exportation. Toutefois, les hommes d’affaires attendent du Gouvernement à ce qu’il continue à appliquer des mesures stimulatrices et à attirer des investissements de capitaux. L’annonce de la récession en baisse et d’une croissance économique de près de 1,5 % laisse espérer que le pire soit passé. Une des mesures majeures du Gouvernement de Serbie en vue d’atténuer les effets négatifs de la crise économique mondiale, fut le programme de crédits de subvention pour l’insolvabilité des entreprises, réalisé en coopération avec les banques d’affaires. Or, même si près d’un milliard d’euros de crédits fut placé, plus de 70 000 firmes se sont trouvées bloquées, dont entre autres les petites et moyennes entreprises, qui furent le plus touchées. Pour ce qui est des secteurs du génie civil, de la construction des machines et de l’industrie de transformation, la situation s’annonce difficile, car c’est justement là qu’a été enregistrée la plus grande chute des activités économiques. Seule la production agricole a marqué une croissance. En effet, l’agriculture a réalisé dans les échanges un sufficit de plus de 700 millions de dollars. Selon le président de la Chambre de commerce de Serbie, Miloš Bugarin, de grands projets infrastructurels routiers et des investissements dans le secteur énergétique pourraient être le “générateur” pour les autres branches économiques, touchées par la récession. Bugarin soulève aussi l’importance de la création d’une Banque serbe de développement, qui placerait dans l’économie des crédits à des conditions favorables. De cette manière, on permettrait aux firmes de s’assurer des ressources pour investir dans l’élargissement de la production et de l’équipement technologiques. À défaut de nouveaux investissements dans le développement, on ne peut compter sur une économie compétitive, ce qui se manifestera surtout dans les années à venir, lorsque le marché international “aura ouvert ses portes”, a constaté Bugarin. Comme l’a déclaré le ministre de l’Économie et du Développement régional, MLADJAN DINKIĆ, les citoyens de Serbie ont acquis le droit à une somme en argent équivalant aux actions des entreprises privatisées entre 2001 et aujourd’hui, ainsi qu’aux actions gratuites des plus grandes entreprises. La ventes des actions des Registres de privatisation a commencé en 2008 et jusqu’au milieu de l’année précédente elle se déroulait bien, mais elle a été arrêtée en septembre en raisons des conséquences de la crise économique mondiale. Jusqu’alors furent vendues les actions d’une valeur de 8 milliards de dinars, soit environ 85 millions d’euros. Au cours de 2010 on s’attend également à la distribution des actions de l’entreprise publique Télécom, de l’aéroport de Belgrade et d’encore quelques grandes entreprises, alors que les actions de l’Entreprise publique “Electricité de Serbie” seront distribuées en 2011. Pendant l’année 2010, en Serbie est attendue une croissance économique légère du produit intérieur brut, de 1,5 % avec l’inflation de 6%, qui ne devrait pas influencer le développement économique du pays, a déclaré RADOVAN JELAČIĆ, le gouverneur de la Banque nationale de Serbie. Il a annoncé la détente légère de la politique monétaire, qui dépendra avant tout du prix du pétrole sur le marché mondial, mais aussi de la croissance des prix sous le contrôle du pays. Les 85 CULTURE SOCIETE À l’occasion de la Fête nationale de France, le 14 juillet, le prince héritier Alexandre de Serbie accompagné par son épouse la princesse Katherine, son fils le prince Philippe et sa belle-fille Alison Andrews, a assisté à l’inauguration du buste de Louis Barthou dans les jardins de l’ambassade de France à Belgrade. Louis Berthou (1862-1934) était ministre des affaires étrangères français et à ce titre chargé d’accueillir à Marseille en 1934 le roi Alexandre de Yougoslavie. Le souverain sera victime d’un attentat, le ministre recevra par erreur une balle d’un policier qui tentait de riposter. Il décédera faute de ne pas avoir été soigné à temps. La monographie “Patrimoine culturel mondial – Serbie”, avec des aperçus d’experts sur onze monuments culturel serbes qui sont sous protection de l’UNESCO, sera présentée au public international comme une contribution à la lutte pour la modification de l’image de la Serbie, a déclaré le ministre de la Culture de Serbie, Nebojša Bradić, à la promotion de cette publication en janvier 2010. L’œuvre luxueuse de plusieurs auteurs a été présentée dans le Musée national de Belgrade. Le ministre des Affaires étrangères, Vuk Jeremić a mis en relief que les quatre monuments serbes qui figurent sur la liste du patrimoine culturel mondial et qui sont dans le territoire du Kossovo-Metohia, étaient menacés. L’année 2010 aura été marquée par la disparition de MOMO KAPOR, peintre et écrivain serbe né en 1937. Il est l’auteur d’une trentaine de romans, nouvelles, récits, recueils de contes, récits de voyages, chroniques et essais. Toutes ses œuvres portent l’empreinte d’un style chaleureux et immédiatement reconnaissable, ainsi que d’une tension permanente entre sa culture serbe et balkanique et ses références occidentales. Les œuvres de Kapor ont été traduites en plusieurs langues, dont le français et l’allemand. En français, ont été traduits notamment “Le mystère Chlomovitch”, “Le dernier vol pour Sarajevo” et “Le tapis vert du Monténégro”. SCIENCE/CULTURE Les 6 et 7 novembre 2009, le Département de langues et littératures romanes, à la Faculté de Philosophie-Lettres de l’Université de Novi Sad, et l’Ambassade de France à Belgrade ont organisé le 2e Colloque des Départements d’Études Françaises. Les organisateurs avaient invité des professeurs de France, de Hongrie, de Croatie, ainsi que des collègues de Serbie, notamment de la Faculté de Philologie de Belgrade et de la Faculté des Lettres et des Arts de Kragujevac. Le 23 mars 2010, au Centre Culturel Français à Belgrade a eu lieu le lancement du livre des essais “La Mosaïque sous le signe du Lys” de Ljiljana Matić, professeur titulaire de littératures française et francophone à l’Université de Novi Sad. Les essais traitent des sujets, des ouvrages et des auteurs serbes et français de l’Antiquité et du Moyen-âge à nos jours et démontrent les influences mutuelles historiques, culturelles et littéraires entre deux peuples. Depuis 2009, la Faculté de Philosophie de l’Université de Novi Sad (coordinatrice nationale pour la Serbie Ljiljana Matić) et la Faculté de Langues Étrangères de l’Université Spiru Haret de Bucarest (directrice du projet Mihaela Chapelan) collaborent dans le cadre du projet multinational “La Ruptures et/ou continuités identitaires chez les écrivains d’expression françaises du sudest européen” qui a pour but l’élaboration d’un dictionnaire commun des écrivains d’expression française de cette zone. Le 23 mai 2010 a eu lieu le premier Festival de théâtre universitaire francophone de Novi Sad, “TufraNS”. Les étudiants de Novi Sad, et de Zagreb et Zadar, Croatie, ont préparé en français des pièces Une Journée d’enfer de Jean-Louis Bauer, (Les voleuses de beauté de Zagreb, mise en scène Simon Flambeaux), Les riches reprennent confiance de Louis-Charles Sirjacq (Francofolie de Zadar, mise en scène Isabelle Fillion), La Reine molle d’après Marion Aubert (Le Théâtre sans fil de Zagreb, mise en scène Sylvain Tanqurel) et Classe Terminale de René de Obaldia (Les Jeunes de Novi Sad, mise en scène Tamara Valčić-Bulić). L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 premières signes de reprise de l’activité économique ont été visibles déjà dans la deuxième moitié de 2009. Ainsi, après un an, plus précisément au troisième trimestre, on est parvenu à la croissance de l’activité économique de 4,2 %, et cette tendance a continué, plus lentement, jusqu’à la fin de l’année. Grâce à cela, la baisse du produit intérieur brut sera d’environ 2,8%, ce qui est beaucoup mieux que les prévisions à 4,5%. 86 EUROPE SLOVAQUIE Arnaud SEGRETAIN Chargé des relations européennes pour le Conseil Régional de Bratislava [email protected] L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 La République slovaque vient d’élire pour la première fois de sa courte histoire une femme à la tête de son gouvernement. Candidate défaite aux élections présidentielles l’année précédente, elle réussit à créer une large coalition de centre-droit avec les chrétiens-démocrates, un nouveau parti néolibéral, un nouveau parti slovaco-hongrois et son propre parti SDKU-DS, principal parti de l’opposition ces quatre dernières années. que le parti national a franchi la limite nécessaire des 5% de 0,7 point seulement. Ainsi, le parti populaire de l’ancien premier ministre Vladimir Meciar dans les années 90 n’ayant pas non plus franchi cette limite, le parti socio-démocrate SMER, qui a pourtant fièrement gagné les élections avec près de 35% des suffrages, n’avait plus aucun allié avec qui former une nouvelle coalition. C’est ainsi qu’est née une large coalition de quatre partis dont deux faisaient figure de novices sur la scène politique : le parti Most-Hid (« pont » en slovaque et en hongrois) de l’ancien leader du parti de la coalition hongroise SMK, Bela Bugar, prônant diplomatie et coopération dans les relations transfrontalières Robert Fico, premier ministre sortant Iveta Radicova, nouvelle premier ministre et première femme slovaque à devenir chef du gouvernement POLITIQUE du sud de la Slovaquie, et le parti SaS (Liberté et Solidarité) d’un jeune entrepreneur, Richard Sulik, aux accents néolibéraux fortement marqués. C’est donc au parti SDKU-DS, arrivé en deuxième position et emmené par une femme, Iveta Radicova, qu’est revenu le privilège, après 10 jours de vaines tentatives de négociations de la part du premier ministre sortant, de former un gouvernement de coalition et de proposer un programme faisant la part belle aux restrictions budgétaires et à la lutte contre la corruption, afin de rééquilibrer un budget qui avait subi les déboires de la crise des deux années passées. La Slovaquie est donc fière de voir pour la première fois une femme à la tête de son gouvernement. Après des élections régionales où la gauche du parti socio-démocrate SMER remporta une large majorité, le premier ministre Robert Fico, président du parti SMER-SD, partait confiant en campagne pour les élections législatives en Juin 2010. Toujours en coalition avec ses partenaires du parti populaire et du parti national, le gouvernement exacerba les thèmes de l’identité nationale et du patriotisme économique au point de provoquer une session extraordinaire du parlement slovaque pour voter en extrême urgence une loi sur la double nationalité slovaco-hongroise. En réaction à une nouvelle majorité en Hongrie depuis un mois, ayant aussi ouvert la porte au parti nationaliste local, le gouvernement slovaque a suggéré puis fait voter une loi supprimant la nationalité slovaque à toute personne qui souhaiterait faire la demande de la nationalité hongroise tout en continuant à vivre en Slovaquie, comme le propose la nouvelle loi hongroise sur la double nationalité des Hongrois vivant à l’étranger. Le thème toujours sensible des relations slovaco-hongroises semble avoir pourtant cette fois épuisé le réservoir politique et populaire, puisque le parti hongrois SMK n’a pas accédé au parlement en juin 2010 et ECONOMIE La crise n’a pas épargné la Slovaquie ni son économie basée essentiellement sur l’industrie automobile et l’assemblage électronique. L’augmentation du chômage, de 7% à 12% crée des déséquilibres dans les budgets locaux et régionaux, et l’Etat ne peut que difficilement intervenir. Il fut alors question de créer une liste de sociétés en faillite, comptant plus de 500 employés, et considérées 87 SLOVAQUIE HISTOIRE 1918 Démembrement de l’Autriche-Hongrie et création de la Tchécoslovaquie. 1939 L’Allemagne occupe la Bohême-Moravie. 1945 Les Russes libèrent la Slovaquie. 1948 Coup d’Etat communiste. 1968 Alexandre Dubcek et le « Printemps de Prague ». 1989 « Révolution douce » et chute du communisme. 1993 Scission de la Tchécoslovaquie. 1994 (sept.) Elections législatives, deuxième gouvernement Meciar. 1999 (mai) Election (pour la première fois au suffrage universel) de Rudolf Schuster à la présidence de la République. 2003 (16-17 mai) Référendum sur l’adhésion à l’UE : 92,46 % de oui. 2004 (avril) Election d’Ivan Gasparovic comme président de la République. 2004 (1er mai) Membre de l’UE. L’économie slovaque sous l’influence de nouveaux investissements étrangers et de nouvelles réformes fiscales devrait pourtant connaître en Europe la croissance économique la plus forte en 2010 (+2,7%) et 2011(+3,6%) selon les estimations de la Commission Européenne. SCIENCE-INNOVATION L’énergie coûte cher et les Slovaques ne souhaitent pas dépendre seulement du bon vouloir russe. Et puisque le grand projet de gazoduc Nabucco ne prévoit pas de traverser le territoire slovaque (nord-ouest de la Hongrie et sud-est de l’Autriche), la Slovaquie souhaite finir de rénover ses réacteurs et son quatrième réacteur nucléaire à Mochovce avant la fermeture des deux réacteurs à Bohunice dont l’échéance a été imposée à 2015 par l’UE en 2004 lors de l’entrée de la Slovaquie dans l’UE. Actuellement, 65% de l’électricité slovaque est produite par l’énergie nucléaire. La voix des écologistes, soutenant l’idée des énergies renouvelables, se fait entendre mais n’a guère d’influence, à la différence des voisins autrichiens qui ont depuis longtemps adopté une loi sur la non-utilisation du nucléaire et ont investi pour développer de nouvelles technologies permettant d’exploiter au mieux les énergies renouvelables. PRÊTER OU NE PAS PRÊTER À LA GRÈCE ? La fable de la cigale et la fourmi s’est jouée en Slovaquie lors de la campagne des législatives entre le parti SMER (centre-gauche) et le parti SDKU (centre-droit). Alors que le premier ministre en place, Robert Fico, négocia à Bruxelles les conditions slovaques de l’aide européenne au gouvernement grec en pleine crise financière, la tête de liste de l’opposition, Iveta Radicova, nouvellement nommée premier ministre, réussit à tenir sa ligne de pensée en refusant catégoriquement d’accorder un quelconque prêt à un gouvernement grec jugé irresponsable et corrompu. Ainsi, la Slovaquie fait évidemment partie des états-membres ayant contribué à la création du mécanisme européen de stabilisation mais restera le seul membre de la zone euro à ne pas fournir directement de prêt à la Grèce pour renflouer sa dette publique. La Commission Européenne pourra constater une évidente transgression du principe de solidarité mais le nouveau gouvernement argumentera qu’il conserve dans l’UE sa souveraineté nationale et que son économie reste la plus pauvre des pays de la zone euro pour pouvoir prêter à des pays plus riches mais irresponsables. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 par l’Etat comme stratégiques, afin de garantir une plus grande stabilité d’emploi aux travailleurs de ces entreprises mais surtout de garantir à l’Etat la continuité de la production d’un bien ou d’un service dans des domaines stratégiques comme ceux de la protection de la santé, la sécurité de l’Etat ou qui assurent le bon fonctionnement et l’équilibre de l’économie slovaque. Les députés de l’opposition se sont à l’époque insurgés contre un retour à la nationalisation, 20 ans après la chute du communisme, et ont fait appel aux experts de la Commission Européenne pour examiner cette menace aux principes du libre échange économique. La loi passée, grâce à l’argument d’après lequel l’Etat ne rachèterait pas ces sociétés mais seulement leurs biens, afin d’assurer leur existence pendant une période de crise, peut toutefois poser problème sur la question de l’éventuelle revente de ces biens une fois la crise passée, et risque fort d’être remise en cause par le gouvernement et le parlement nouvellement élu. Par ailleurs, les indicateurs de la Slovaquie en Europe ne sont pas complètement dans le rouge puisqu’elle soigne son commerce extérieur et son PIB évalué au total à plus de 16 milliards d’euros pour le premier trimestre 2010. L’Union Européenne estime d’ailleurs que la Slovaquie est certainement le pays avec le potentiel de croissance économique le plus important de la zone euro, monnaie qui a certes aidé à maîtriser l’inflation des prix, mais l’interventionnisme pratiqué en temps de crise a creusé les déficits publiques atteignant 6,8% du PIB slovaque ainsi que la dette publique estimée à plus de 42% du PIB. Une des raisons pour lesquelles le nouveau gouvernement décidera de ne pas fournir de prêt d’aide au gouvernement grec. (Voir encadré). 88 EUROPE Par ailleurs, en résultat d’une dette de l’Etat russe envers la Slovaquie, la République slovaque pourrait être le théâtre d’une construction de grande valeur pour les scientifiques slovaques : un cyclotron. Une société joint-venture slovaco-russe pourrait être créée pour achever cette construction et l’exploiter. Ce centre pourrait être crucial pour la recherche médicale, en particulier pour la lutte contre le cancer. Un accélérateur de protons vient déjà d’ouvrir ses portes en présence d’un secrétaire d’état russe dans le nord de la Slovaquie à l’hôpital militaire de Ruzomberok, où se trouve désormais l’installation de ce type la plus moderne d’Europe Centrale. On peut rappeler à l’occasion qu’il n’existe que 26 accélérateurs de protons pour thérapie dans le monde à l’heure actuelle. Cependant, les crédits accordés à la recherche et au développement sont loin d’atteindre les 3% minimum préconisés par la nouvelle stratégie Europe 2020. Les 1,8% préconisés par l’académie slovaque des sciences risquent à peine d’être atteints et pénaliseront certainement le développement slovaque sur le long terme. La priorité est donnée à l’heure actuelle à l’achèvement de la construction des infrastructures et cet objectif est malheureusement encore loin d’être atteint. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 CULTURE – TOURISME Les inondations catastrophiques dans l’est et le sud du pays, ajoutées aux conséquences de la crise économique, n’ont pas favorisé le tourisme ces derniers mois. Les professionnels du secteur en ressentent durement les effets. Pour améliorer cela, le gouvernement a proposé la possible augmentation du nombre de prescriptions médicales pour les bains thermaux en Slovaquie ou bien des chèques-cadeaux pour partir en vacances en Slovaquie. Mais la plupart des vacanciers slovaques préféreront toujours la “mer slovaque” en Croatie comme destination de prédilection. Les montagnes et les lacs ne manquent pourtant pas et les tour-opérateurs tendent à se développer petit à petit, même s’il faut bien avouer que la Slovaquie n’attire pas beaucoup de touristes en comparaison avec ses voisins du groupe de Visegrad (ou groupe du V4). Ce groupe est composé des 4 pays d’Europe Centrale : République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne et forment à eux seuls un espace d’identité culturelle commune avec un territoire et une histoire en commun. A partir du 1er Juillet 2010 et ce pendant un an, la Slovaquie prend la présidence tournante du groupe de Visegrad et souhaite avant tout faire en sorte que les habitants de ces pays se connaissent mieux et coopèrent dans les domaines de l’éducation et de la culture, mais aussi que cette entité soit mieux connue en Europe, comme on peut aujourd’hui connaître le Benelux ou la Scandinavie. Une nouvelle initiative vient par exemple de voir le jour concernant la problématique inclusion des communautés rom. Il s’agit de rassembler les maires des villes et communes des pays du V4 qui éprouvent le besoin de coopérer sur cette thématique. Un exemple de projet proposé est la possibilité du micro-financement pour les petits entrepreneurs de ces communautés qui souhaitent s’investir dans une activité économique. L’inclusion des ces communautés dans le processus de décisions qui les concernent semble aussi être une priorité. Le potentiel culturel de ces communautés est important et la rencontre interculturelle permet un enrichissement personnel incommensurable, étant donné la promiscuité de ces communautés semi-sédentarisées en Europe centrale avec le reste de la population mais aussi de l’exotisme anthropologique qu’elles présentent car vivant selon d’autres préceptes et conceptions socioculturelles que la population complètement sédentarisée et intégrée à la société socio-économique européenne. SOURCES Ministères slovaques : www.economy.gov.sk; www. finance.gov.sk; www.culture.gov.sk; www.volbysr.sk Agences de presse slovaques : SITA, TASR Euractiv : www.euractiv.sk International Visegrad Fund : www.visegradfund.org Radio Slovakia International : www.rsi.sk Le bulletin électronique du MAE : www.bulletinselectroniques.com 89 SLOVENIE Après un agenda bien chargé en 2009, cette exrépublique yougoslave membre de la zone euro, sévèrement touchée par la crise, retrouve des perspectives économiques plutôt rassurantes et enregistre des avancées politiques sur le plan régional et international. POLITIQUE a dû affronter plus d’une épreuve. Outre des soupçons de corruption en son sein, son principal défi a été la crise économique mondiale. Sous son impact, ce petit pays manufacturier a souffert de l’effondrement de ses exportations. Le PIB a chuté de 7,8% en 2009, propulsant le chômage à 7% au printemps de 2010, d’après Eurostat, un niveau néanmoins inférieur à la moyenne de la zone euro. Mais les perspectives sont plutôt rassurantes. Les derniers chiffres indiquent une reprise des exportations et une production industrielle dans le vert. Si la dette externe reste modérée (35,9% du PIB en 2009, selon le Bureau des statistiques nationales), les mesures de relance auraient contribué à creuser les déficits publics. Pour en sortir, le gouvernement prévoit plusieurs réformes, notamment dans les domaines de la santé, des retraites, ou encore du travail.Cette dernière a suscité l’inquiétude des étudiants. S’opposant aux nouvelles modalités de leurs contrats de travail, ils ont battu les pavés de la capitale. Les citoyens slovènes l’ont décidé : fini le différend frontalier qui oppose depuis vingt ans leur pays à la Croatie voisine. Lors d’un référendum, organisé en juin 2010 par le gouvernement de Borut Pahor, ils se sont prononcés en faveur d’un arbitrage international qui délimitera la frontière maritime disputée depuis la fin de la Yougoslavie et ont dépassé ainsi les craintes de l’opposition de centre-droit qui y voyait une perte pour la Slovénie de son accès aux eaux internationales. ÉDUCATION, SCIENCE, FRANCOPHONIE Dans la foulée, le Parlement donnait son feu vert Côté université, celle de Ljubljana, la plus grande et la plus ancienne du pays, a fêté, fin décembre à l’ouverture des derniers chapitres de négociations de la Croatie qui espère devenir la deuxième ex-ré- 2009, le 90ème anniversaire de son existence. publique yougoslave, après la Slovénie, à intégrer Une autre université slovène, celle de la ville l’Union européenne. Un an plus tôt, cette perspec- de Maribor, regarde vers l’avenir : en coopération tive semblait pourtant loin d’être acquise, Ljubljana avec le géant informatique IBM, elle a récemment ayant émis un veto à la poursuite des pourparlers. lancé un centre spécialisé dans l’informatique Il a fallu attendre octobre 2009 et une alternance dématérialisée (« cloud computing »), consiau pouvoir croate pour que les déré comme l’un des premiers au monde. relations entre les deux voisins SLOVENIE se débloquent. En plus des liens Et la francophonie ? Un accord relatif à la création d’un économiques qui se renforcent, GEOGRAPHIE Zagreb et Ljubljana ont organisé master commun de traduction Pays alpin entouré par la mer Adriaconjointement, au printemps (slovène, français, anglais) a tique, l’Italie, l’Autriche et la Croa2010, une conférence visant à été conclu entre l’Université de tie, la Slovénie compte 2 millions réunir l’ensemble des pays des Ljubljana, l’Institut supérieur d’habitants pour une superficie d’interprétation et de traducBalkans occidentaux dans la ville de 20.000 km². Capitale : Ljubljana slovène de Brdo. tion (ISIT) et l’Institut national HISTOIRE Autre initiative régionale : des langues et civilisations 1918 Formation du Royaume des c’est Ljubljana qui abritera le orientales (INALCO). Serbes, Croates et Slovènes Enfin, la Slovénie a organisé, siège d’une future alliance entre 1945 La Slovénie devient l’une des dans le cadre de la célébration les compagnies ferroviaires Républiques constitutives de la serbes, croates et slovènes. du Bicentenaire des Provinces Yougoslavie communiste Illyriennes, une exposition 1991 Indépendance intitulée « Sous les aigles napo1999 Membre observateur de la ÉCONOMIE léoniennes », retraçant quatre Francophonie Sur le plan international, la Slovéannées de l’occupation napoléo2004 Adhésion à l’Union euronie marque un point supplémennienne ainsi que le mouvement péenne et à l’OTAN taire. En 2010, elle est devenue national de renouveau slovène. le 32ème membre de l’OCDE, « au Présentée d’abord, en octobre 2007 La Slovénie rejoint la zone euro terme de 14 années d’efforts », 2009, au Musée national de Slo2008 Intégration de l’espace Schens’est félicité le gouvernement de vénie à Ljubljana, elle a rejoint gen et présidence européenne centre-gauche. Depuis son élecau printemps les galeries des 2010 Membre de l’OCDE tion à l’automne 2008, ce dernier Invalides à Paris. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Natasa LAPORTE Rédactrice, journaliste pigiste [email protected] 90 EUROPE SUISSE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Loïc HERVOUET Journaliste, président de l’AFI [email protected] GEOGRAPHIE Petit pays prospère entre les Alpes et le Jura ; densément peuplé. 23 cantons, dont quatre francophones et deux bilingues (français, allemand) souvent appelés « Suisse romande ». HISTOIRE 58-15 av. J.-C. Occupation par les Romains du territoire des Helvètes. Fin XIIIe s. Après les invasions des Burgondes et des Alamans (Ve), le rattachement à la Bourgogne (IXe) puis au Saint-Empire (XIe), les cantons se regroupent pour défendre leur liberté (Guillaume Tell). 1291 Acte de naissance de la Confédération suisse (3 cantons). 1476 Les troupes de la Confédération, aidées par Louis XI, battent Charles le Téméraire à Morat. 1815 Passant de trois à huit cantons (1353), puis à 13 (1513), la Confédération en compte 22 à l’issue du congrès de Vienne. Neutralité reconnue. 1848 Etat fédératif avec siège à Berne. 1978 (22 sept.) Création du 23e canton, le Jura, francophone. 1992 Par référendum, la Suisse ratifie son adhésion au FMI et à la Banque mondiale, mais rejette son intégration à l’Espace économique européen (EEE). 1994 Les négociations reprennent avec l’Union européenne (UE). Les francophones sont favorables au rapprochement. 1996 La Suisse participe à part entière à la Francophonie et à toutes ses instances. 1999 (21 juin) Après quatre ans de négociations, la Suisse et l’UE signent des accords bilatéraux, avalisés en mai 2000 par le peuple suisse. Adoption d’une nouvelle Constitution. A NOTER La Confédération suisse est encore appelée parfois Confédération helvétique. Est-ce la proximité du Sommet francophone que la Suisse accueille en octobre 2010 à Montreux? Les douze derniers mois ont donné lieu dans la Confédération à une actualité qui interroge sévèrement les valeurs, non les valeurs boursières, mais ces valeurs humaines et démocratiques que la Francophonie officielle affiche au plus haut. Les controverses sur l’évasion fiscale et le secret bancaire, sur l’accueil des fortunes de dictateurs, sur l’extradition de Roman Polanski, sur les concessions à Kadhafi, sur le travail du dimanche ou l’interdiction des minarets n’ont pas fini de dessiner de la Suisse et de son peuple un portrait en pleins et déliés où la démocratie le dispute à la démagogie, l’idéalisme au réalisme, la pondération au populisme. Au centre de l’actualité suisse, sans surprise, et pour longtemps sans doute, les affaires de sa principale banque UBS, le secret bancaire et les Etats-Unis. En juillet 2009, le procès prévu à Miami avait été reporté, pour cause de négociations entre les parties. Les Etats-Unis demandaient toujours de connaître l’identité de 52 000 clients de la banque suisse, disposant potentiellement de 15 milliards de dollars, une requête refusée par Berne. De leur côté, les autorités suisses, devant les controverses croissantes suscitées par leur culture du secret bancaire, ont accepté de négocier des traités bilatéraux avec plusieurs pays afin de lutter contre l’évasion fiscale. Mais ces dispositifs permettent un échange d’informations dans le cas d’une fraude avérée et ne prévoient pas d’échange de données automatique. Washington semble alors baisser ses exigences, en ne demandant plus que les noms d’environ 10 000 titulaires de comptes, au lieu des 52 000 initialement exigés. Vendredi 31 juillet, les deux pays parviennent à un « accord de principe sur des points essentiels ». Selon la presse, la banque échapperait à toute amende. L’accord tournerait autour de 5 000 noms. Mais la justice US met la pression, exigeant un accord formel avant la mi-août. C’est devenu une négociation d’Etat, opposant deux systèmes de droit. D’un côté le secret bancaire, pierre angulaire de la puissance financière suisse, de l’autre le droit américain, qui exige que tout ressortissant américain déclare ses avoirs et revenus, où qu’ils se trouvent, et acquitte ses impôts. Le gouvernement suisse annonce qu’il est prêt à prendre «toutes les mesures nécessaires», y compris en procédant à la saisie de données, pour empêcher UBS de livrer des informations sur des clients. C’est donc un soulagement lorsque le 12 août, on annonce la signature des accords entre la banque et les Etats-Unis, compromis qui semble satisfaire tout le monde, mais qui n’est pas porté en détails à la connaissance du public. On pense tout de même que quelques milliers de noms (4.450, apprendra-t-on) vont être fournis à l’administration américaine, puisque la justice fédérale 91 On sort du gris Récompense de ces efforts suisses: après la signature de plusieurs accords de double imposition comportant une clause d’échange d’informations conforme aux standards de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la France, le Mexique et la Grande-Bretagne, l’Autriche, les Etats-Unis, la Finlande, les îles Féroé, le Mexique, l’Espagne et le Qatar, Berne sort officiellement, le 25 septembre, de la liste «grise» des paradis fiscaux publiée par l’OCDE. La Suisse figure désormais sur la liste «blanche» des pays considérés comme vertueux en termes de coopération fiscale. Le secrétaire de l’Association des banquiers privés suisses continue de professer que «le cadre juridique suisse a été respecté», mais l’accord avec la France permet par exemple à celle-ci de clamer haut et fort qu’elle dispose d’une liste nominative de 3000 contribuables qui sont fermement invités à régulariser leur situation avant décembre. Sérieux coup de canif dans l’accord en janvier 2010: un tribunal suisse donne raison à une contribuable américaine, en refusant que la Suisse transmette ses données bancaires au fisc américain. Ce jugement sans appel possible remet en cause l’application de l’accord conclu après des mois de tractations diplomatiques, pour mettre fin à la procédure judiciaire américaine contre UBS, un accord qui constituait une toute première brèche dans le secret bancaire. Le Tribunal administratif fédéral a jugé que la contribuable n’avait pas eu de comportement frauduleux au sens de la convention de double imposition entre la Suisse et les Etats-Unis, et que l’accord amiable de transmission des données bancaires ne pouvait aller plus loin que cette convention. La plaignante américaine était visée par l’accord car elle n’avait pas transmis un document fiscal. Mais le tribunal suisse a estimé qu’une «simple absence de déclaration» ne constituait pas un comportement frauduleux au sens de la convention de double imposition, qu’il s’agisse ou non de «sommes importantes». Le gouvernement suisse a indiqué de son côté qu’il déciderait après une réunion de cabinet de la manière d’assurer l’application de l’accord à la suite de cette décision. Et sa décision tombe: le Conseil fédéral estime alors que l’accord conclu avec Washington est «inapplicable»... Le président de l’association des banques suisses plaide que l’échange automatique d’informations entre Etats est «inefficace»... A la même période, un vol de données chez HSBC concerne 79.000 clients, dont 8.000 Français, ce qui fait désordre. Est-ce ce qui conduit les députés suisses à approuver, en juin 2010, la transmission aux Etats-Unis de milliers de données de clients UBS, et à valider les termes de l’accord initial? L’accord définitif du Parlement est obtenu le 17 juin, et sans que ce vote soit soumis à la condition d’un referendum. Dès la fin août, le gouvernement suisse annonce qu’il a bien examiné 4450 comptes de clients américains de l’UBS, et «a rendu, dans le délai prévu, les décisions finales relatives» à ces personnes. En revanche, seule «la moitié environ de ces décisions» ont été transmises à l’IRS (fisc américain), le reste devant suivre à l’automne. La Suisse éteint l’action contre UBS grâce à ce que le quotidien Le Temps qualifiera de «plus grande dénonciation de masse de clients d’une banque suisse à une autorité fiscale étrangère.» L’ancien fleuron de l’économie suisse sera peutêtre tout de même plus durablement affecté pour ses «malversations» aux Etats-Unis. Plusieurs initiatives au Parlement et une plainte d’actionnaires vont tenter de faire payer l’ancienne direction de la banque, jugée responsable de ce scandale. On sort du rouge Pourtant, la banque ne s’est pas mal tirée financièrement du second trimestre 2010, avec un bénéfice net de 2 milliards de francs suisses (1,5 milliard d’euros), en recul certes de 9 % par rapport aux trois mois précédents mais surtout de 40 % supérieur aux attentes . Le cours de l’action UBS a même grimpé de 11% en un seul jour de juillet. Malgré des marchés qui plongent et des investisseurs craintifs, le « retour sur fonds propres » s’est élevé à 20 % pour le premier semestre. UBS avait déjà renoué avec les bénéfices au quatrième trimestre 2009, mais continuait de lutter contre les sorties de capitaux. Après la perte abyssale de 21,3 milliards de francs suisses subie en 2008, le groupe avait réduit son déficit à 2,7 milliards en 2009. Quant à l’Etat suisse, sa sortie du capital d’UBS s’est passée au mieux, puisque la Confédération a réalisé une plus-value de 800 millions d’euros lors de la revente de sa participation de 9 % dans la banque. L’Etat, qui avait injecté 6 milliards de francs suisses dans l’établissement bancaire menacé de faillite en octobre 2008, a ainsi empoché 7,2 milliards de francs suisses, moins d’un an plus tard. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 se prépare dès août à poursuivre en justice pour évasion fiscale 150 riches Américains clients de la banque suisse. Le 20 du mois, un responsable de la banque privée suisse Neue Zuercher Bank (NZB), ancien d’UBS, et un avocat suisse soupçonnés d’avoir aidé des Américains à dissimuler au fisc plusieurs millions de dollars de revenus et d’actifs sont inculpés. Un banquier d’UBS est condamné à trois ans de prison fin août, pour avoir caché 200 millions d’actifs. Le Wall Street Journal estime que l’accord «est une rupture majeure par rapport au secret bancaire suisse». Mais le quotidien tempère ses propos, soulignant que «les deux parties ont fait des concessions». Et ajoute que «les responsables suisses ont trouvé une manière de révéler les noms telle qu’elle continuera à maintenir le secret bancaire». 92 EUROPE Mais d’autres menaces se profilent pour les banques suisses, dans leur pays ou à l’étranger: 80 investisseurs dans le fonds luxembourgeois Luxalpha, qui a tout perdu chez Bernard Madoff, ont assigné UBS à Paris. Un retraité multimillionnaire allemand en a fait autant à Berlin. Les bureaux de treize implantations du Crédit suisse en Allemagne ont été perquisitionnés en juillet 2010, dans une enquête pour évasion fiscale. UBS a été condamnée à indemniser un fabricant américain de téléphones, à hauteur de 80 millions de dollars, pour des pertes liées à l’achat d’obligations. La banque va mieux économiquement, mais ses ennuis juridiques ne sont peut-être pas tous derrière elle. ECONOMIE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Pendant les crises et les débats juridiques, les affaires continuent. L’économie suisse n’a reculé que de 1,9% en PIB contre 3% attendus en 2009. Une croissance autour de 1% est programmée en 2010 selon l’OCDE. Les exportations horlogères, qui avaient reculé de 25% en dix mois de 2009, ont progressé de 20% sur le premier semestre 2010: un milliard d’euros pour le seul mois de juillet. Swatch a publié un résultat de plus de 500 millions d’euros pour 2009, et des bulletins d’optimisme pour 2010. La monnaie helvétique a fait plus que reprendre des couleurs en 2010, dépassant l’historique valeur de 1,40FS pour un euro. Le rapport annuel du Forum de Davos, où 2.500 participants (et 5.000 policiers) sont venus plaider contre une régulation trop sévère des finances mondiales, a malicieusement fait perdre aux Etats-Unis leur place de pays le plus compétitif, qu’ils détenaient depuis plusieurs années, au profit de la Suisse, jusqu’à présent deuxième. Le feuilleton Polanski Question à laquelle la presse suisse a répondu par l’affirmative dès l’arrestation du cinéaste francopolonais Roman Polanski, 76 ans, à Zurich: y a-t-il ou non un rapport entre cette fermeté et l’affaire de la banque UBS? Fallait-il donner des gages aux Etats-Unis dans une période de relations délicates? La Suisse, attaquée sur son secret bancaire, a une nouvelle fois entaché son image en laissant «un invité tomber dans un piège moche», selon Blick. «Nous devrions avoir honte», ajoute le journal. En tout état de cause, la Suisse a appliqué en septembre 2009 un mandat d’arrêt américain de 1978, pour viol sur mineure de 13 ans, et arrête Polanski, incarcéré et menacé d’une extradition qu’il refuse. Après que sa victime eût demandé l’arrêt des poursuites, Polanski est libéré, contre une caution de 3 millions d’euros, mais assigné à résidence avec un bracelet électronique dans son chalet de Gstaad (canton de Berne) à compter du 4 décembre. A la fin du même mois, un tribunal d’appel refuse de classer la plainte, mais suggère une sentence en son absence. La justice américaine refuse ensuite en décembre et janvier à la fois l’abandon des poursuites et un jugement par contumace. La polémique bat son plein, en Suisse, en France et dans le monde. Impunité pour les génies du cinéma? Acharnement de la justice américaine? Les avis sont aussi tranchés que partagés. La cinémathèque de Lausanne programme en mars la projection intégrale de l’oeuvre du cinéaste. En mai, c’est Polanski lui-même, sur le site de Bernard Henri Lévy qui passe à l’offensive pour dénoncer les ratés de la justice américaine et ses prétentions à son égard. La Suisse continue alors d’expliquer que cet argumentaire doit être examiné par les juges américains et non par elle. Coup de théâtre, sinon de tonnerre le 12 juillet: les autorités suisses finissent par rejeter la demande d’extradition américaine, et libèrent Polanski de toutes ses obligations. Elles précisent que «les Etats-Unis ne peuvent pas faire appel de la décision de la Suisse». Vers midi, ce même lundi, le bracelet électronique que les autorités suisses l’obligeaient à porter lui est retiré. Le cinéaste quitte le pays à bord d’un avion privé. L’écrivain Yasmina Reza a déjà fait savoir qu’il travaille sur le prochain film de Polanski, adapté d’une de ses pièces. Côté Suisse, l’Office fédéral de la justice a motivé sa décision par le fait que le département américain de la justice a refusé de faire parvenir aux autorités suisses le procès-verbal d’une audition du procureur Roger Gunson, alors chargé du dossier, arguant du caractère confidentiel du document. «On ne saurait exclure avec toute la certitude voulue que Roman Polanski ait déjà exécuté la peine prononcée autrefois à son encontre et que la demande d’extradition souffre d’un vice grave. Vu les incertitudes qui subsistent quant à l’exposé des faits, la demande d’extradition doit être rejetée», a rétorqué l’Office fédéral. Dans un communiqué, le ministère polonais des affaires étrangères s’est déclaré «satisfait», tandis que le ministère américain de la justice a d’abord fait savoir qu’il ne faisait «pas de commentaire», puis exprimé sa «déception» annonçant qu’ils continueraient à chercher à ce que «justice soit faite» dans cette affaire. L’humiliation Kadhafi Commencé avec l’arrestation à Genève d’Hannibal, du fils du colonel Kadhafi, pour violences sur ses domestiques, et ses deux nuits passées en cellule, le feuilleton Kadhafi n’aura pas évité les humiliations au gouvernement helvétique. Fin août 2009, le président de la Confédération lui-même, Hanz-Rudolph Merz, se rend non à Canossa, mais à Tripoli, pour présenter ses excuses pour l’arrestation «injuste et inutile» d’Hannibal. Il est vrai que la Libye a emprisonné en représailles quelques citoyens suisses aventurés dans le pays... 93 Genève, de photographies d’identité judiciaire d’Hannibal Kadhafi. Deux mois plus tôt, un tribunal suisse avait opportunément donné raison à Hannibal, estimant que cette publication était «une atteinte à la vie privée», et attribué 1,5 millions d’euros de dommages et intérêts payés par le canton de Genève au fils de Mouammar . L’Espagne et l’Allemagne ont apporté leur caution à ce «plan d’action» pour solder le différend entre les deux pays. Ouvrant un nouveau chapitre de relations avec l’Europe, le colonel Kadhafi a demandé cinq milliards d’euros à l’UE (contre 20 millions proposés par elle) pour «fermer les vannes» de l’immigration clandestine africaine à partir de son pays. Max Göldi, enfin libéré Au moment du referendum sur les minarets (photo lcc Twicepix) Fermeté avec la Chine Plus que conciliante avec la Libye, in fine ferme avec les Etats-Unis, la Suisse l’aura également été avec la Chine. Pourtant, le vice-premier ministre chinois Li Keqiang, reçu à Berne en janvier pour un accord économique, avait prévenu: «Les terroristes présumés de nationalité chinoise, quelle que soit leur ethnie, doivent être rapatriés en Chine». Cela visait les frères Bahtiyar et Arkin Mahnut, réfugiés ouïgours de 34 et 45 ans, détenus pendant huit ans à Guantanamo, puis innocentés et libérés. En jeu: plus de onze milliards de francs suisses d’échanges commerciaux, rappelait la chambre basse du Parlement, recommandant de ne pas acceuillir les deux frères, tandis que le Jura manifestait son indépendance d’esprit en se déclarant seul parmi les cantons helvétiques, prêt à les recevoir. Le conseil fédéral avait conclu que L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Cette affaire provoque une crise diplomatique entre les deux pays, la Libye prenant des mesures de rétorsion comme le retrait de ses avoirs dans des établissements financiers suisses et l’arrêt des fournitures de pétrole à la Confédération. Par ailleurs, Tripoli retire plus de cinq milliards d’actifs déposés dans des banques helvétiques. Les excuses du président ont suscité l’indignation dans le pays, et la presse ne se gêne pas pour le dire. Pour La Tribune de Genève, «en s’excusant platement devant le peuple libyen, Hans-Rudolf Merz consacre la loi du plus fort, en l’occurrence un régime totalitaire, tout en niant les principes de l’Etat de droit.» Et ajoute que «c’est finalement au président de la Confédération qu’est revenu la sale besogne de se coucher devant le dictateur. L’humiliation est censée rendre son honneur au clan Kadhafi. Une mascarade tissée d’excuses contraintes, personne n’est dupe. On peut hurler au scandale». A Tripoli, on se félicite de la déclaration de M. Merz, et «le premier ministre Al-Baghadi a indiqué pour sa part que les excuses ‘officielles et solennelles’ de la Confédération constituaient un ‘premier pas’ pour régler le contentieux entre les deux pays». Mais cela ne libérera pas pour autant les «otages» suisses. N’empêchera pas le «guide» de préconiser la disparition de la Suisse, et la répartition de ses territoires entre ses voisins. C’est finalement l’Union européenne qui va devoir s’y coller, en organisant en février 2010 à Berne une rencontre entre la ministre des affaires étrangères suisse, Micheline Calmy-Rey, et son homologue libyen, Moussa Koussa. Car la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye est en train de dégénérer en litige entre Tripoli et les pays de l’espace Schengen en raison de restrictions réciproques dans la délivrance de visas. Tripoli a suspendu l’octroi des visas pour les pays européens de l’espace Schengen. Berne en a rendu la délivrance complexe pour les citoyens libyens. La justice libyenne a donc logiquement condamné à seize mois de prison ferme pour «séjour irrégulier» deux hommes d’affaires suisses, Max Göldi et Rachid Hamdani, (tout juste 48h après le vote du référendum sur les minarets). Le second, quelques jours après la rencontre diplomatique de Berne, est blanchi, et obtient son visa de sortie, via la Tunisie, tandis que Max Göldi, jusqu’alors confiné à l’ambassade, condamné à quatre mois, est livré à la police libyenne. Fin mars, l’Union européenne et la Libye mettent fin à cette crise des visas. Tripoli crie à «une victoire sur la Suisse», tout en affirmant que la crise avec elle n’est pas terminée. Ce n’est qu’en juin 2010, grâce à une médiation espagnole, que la Libye libère Max Göldi, non sans que lors de sa visite à Tripoli, Micheline Calmy-Rey accède à la demande libyenne d’un tribunal arbitral international chargé de faire la lumière sur les circonstances de l’arrestation d’Hannibal, mais aussi rappelle les excuses du président suisse déjà présentées, et présente de nouvelles excuses pour la publication, en 2009, dans La Tribune de 94 EUROPE LA SUISSE LAVE PLUS BLANC, ET RESTITUE Refuge des fortunes des dictateurs du monde entier, la Suisse a entrepris une vaste opération de «blanchiment» des pratiques, se définissant elle-même comme le leader mondial des restitutions des avoirs illicites. Septième place financière du monde, elle est en effet la première pour le montant des restitutions. Non seulement le gouvernement a soumis au Parlement une loi affinant le dispositif technique, pour empêcher des récupérations comme celles des héritiers de Mobutu (5 millions d’euros), ou de Duvalier (5 millions aussi), mais il a joint les actes à la parole, ces dernières années, en restituant aux pays spoliés près d’un milliard et demi d’euros, détournés par Ferdinand Marcos, le Nigérian Abacha, ou le Mexicain Salinas. Les 84 millions de dollars du président kazakh Nazarbaïev ont été restitués au pays sous forme d’un programme d’aide à l’enfance. En Angola, seize millions d’euros ont été affectés au déminage, effectué malgré tout par une entreprise… suisse. La loi prévoit une plus grande facilité de réclamation pour les Etats spoliés, même sans grande structure judiciaire, et l’enjeu est de taille: la Banque mondiale estime à une trentaine de milliards de dollars par an les sommes volées par les ces Ouïgours remplissaient tous les critères pour une admission.C’est donc «pour raisons humanitaires» que le gouvernement helvétique, par la voix de la ministre de la justice Eveline WidmerSchlumpf, a annoncé sa décision positive en faveur des deux frères. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 POLITIQUE Dès l’annonce de la démission de Pascal Couchepin, en juin 2009, Didier Burkhalter, PLR avait été le premier à annoncer sa candidature, pour être élu en septembre au quatrième tour avec 129 voix sur 245, et entrer en fonction le 1er novembre, comme chef du département fédéral de l’Intérieur, tandis que Doris Leuthard, élue de 2006, accède à la présidence. Deux démissions du Conseil fédéral non expliquées ou justifiées autrement que par des raisons personnelles interviennent en juin (Moritz Leuenberger, vice président, département des transports, énergie, environnement et communication) et en août (Hans-Rudolf Merz, département des finances). Ces deux remplacements à intervenir le 22 septembre 2010, pourraient avoir pour conséquence d’exploser l’obligation de parité au profit des femmes; deux d’entre elles, dont la libérale Karine dictateurs à leurs propres pays. La conférence de Paris sur les «biens mal acquis» (juin 2010) a insisté sur la formation de policiers spécialisés, et la nécessité de ratifier la convention de l’ONU contre la corruption, ce que n’ont pas encore fait l’Allemagne ou le Japon! Dans cet élan de justice, la Confédération a également pris des initiatives pour la restitution d’œuvres volées, dont le port franc de Genève, depuis vingt ans, constitue un point de passage favori. Une nouvelle loi a fait perdre au dépôt son statut extraterritorial, et rendu obligatoire un inventaire précis des stocks, et des preuves d’origine, alors qu’il suffisait auparavant de les laisser dormir cinq ans pour les exfiltrer ensuite sans questions... L’activisme suisse a payé: des milliers d’objets ont été rendus à l’Italie, à la Grèce, au Pérou, à l’Egypte ou la Turquie... La faculté des Lettres de Genève, après dix années de débats, a donné l’exemple et s’est résolue à rendre au Liban les archives de Maurice Dunand (1898-1987), le célèbre archéologue français qui dirigea les fouilles de Byblos, au nord de Beyrouth. Celui-ci sur la fin de sa vie, avait monnayé–bien peu cher–en Suisse ces documents précieux sortis discrètement du Liban. Ils y sont retournés presque aussi discrètement en juillet dernier. Keller-Sutter, étant présentées comme favorites, le Conseil fédéral serait alors composé en novembre de deux hommes ... et cinq femmes. Revanche ironique sur le retard avec lequel les électeurs suisses mâles ont accepté par referendum, en 1971 seulement, le droit de vote des femmes. Parmi les votations fédérales ayant retenu l’attention, c’est bien entendu moins l’accord populaire d’augmentation de la TVA pour financer l’assurance-invalidité (54% de oui en septembre 2009), ou l’interdiction d’exporter du matériel de guerre (68% en novembre), que l’interdiction de construction des minarets (57,5%) qui a retenu l’attention, et provoqué le débat, au niveau mondial. Le Front national, en France, n’a d’ailleurs pas hésité à copier pour sa propre propagande l’affiche anti-minarets qui a servi à la campagne en Suisse. Cette initiative supportée par le parti de droite populiste UDC a bien évidemment pesé sur les relations avec le monde musulman, et détérioré l’image de la Suisse à l’étranger. Même si de jeunes Suisses ont utilisé l’humour en diffusant des minarets d’appartement en kit, en organisant un groupe de protestation sur Facebook, le leader libyen Kadhafi n’a pas hésité à appeler au Jihad contre Berne: «Tout musulman partout dans le monde qui traite avce la Suisse est un infidèle, et un apostat.» La ligue des musulmans du Tessin a profité de l’opportunité pour tenter de créer un «parti islamique» en Suisse, malgré la très grande 95 LE GRUYÈRE AOC EST SUISSE Avec l’aide de Bruxelles, le gruyère suisse a remporté la victoire contre la France, en obtenant l’exclusivité de l’appellation d’origine contrôlée (AOC). A la Suisse le gruyère, à la France l’emmental. Tous deux sont certes des fromages à pâte pressée cuite, mais en France les trous sont plus gros et en Suisse le goût est plus fort. CULTURE ET SOCIETE Loriane PÉDURANT-DRILLOT Département d’Instruction Publique de Genève [email protected] Population En 2009, avec 7.7 millions habitants, la population de la Suisse depuis le début du 20e siècle a plus que doublé (3,3 millions en 1900)1. La pyramide des âges s’est considérablement modifiée au cours du 20e siècle. La population des moins de vingt ans a régressé de 40,7% en 1900 à 21,2% en 2009. Le nombre de personnes âgées (plus de 64 ans) a progressé de 5,8% à 16,6%. Ce vieillissement démographique est dû à la fois à l’allongement de l’espérance de vie et à la baisse des naissances. Le taux de fécondité, un des plus bas d’Europe, s’élève, en effet, à 1,48. Le nombre d’enfants par Suissesse (1,37) reste inférieur à celui des femmes issues de l’immigration (1,85). Le solde migratoire n’a jamais été aussi haut. La Suisse est un des pays d’Europe où la population des étrangers est la plus élevée : 21, 7%. Langue La présence de diverses communautés enrichit le paysage linguistique de la Suisse. Ainsi, une langue comme le portugais sera plutôt pratiquée dans le domaine de la sphère privée, tandis que l’anglais s’emploie de plus en plus dans le monde du travail. Rappelons que la Suisse compte quatre langues officielles : l’allemand, parlé dans dix-sept cantons par 63,7% de la population, le français pratiqué par 20,4% de locuteurs (dans les cantons de Genève, Neuchâtel, Vaud, du Jura et ceux de Fribourg, Berne ou du Valais, bilingues avec l’allemand), l’italien rassemblant 6,5% d’usagers, dans le Tessin, et, enfin, le romanche, comptant 0,8% de locuteurs, dans les Grisons. Le français et l’allemand ont vu ces dernières années leur utilisa- Les noms des deux fromages ont une origine suisse : emmental vient du nom de la rivière Emme, qui coule dans le canton de Berne, et du mot “tal” (vallée, en allemand). Gruyère est le nom d’une bourgade du canton de Fribourg, dans l’ouest du pays. C’est la France qui a lancé la procédure en 2007 en voulant faire reconnaître son gruyère au niveau européen. La Suisse a présenté une demande identique dans la foulée, craignant pour les 13 000 tonnes d’exportations annuelles de son fromage phare. Au final, Bruxelles a jugé trop léger le dossier français et a recommandé à la France de se contenter de l’indication géographique protégée (IGP). En blanc, les zones où on parle romanche (licence GNU Semur) 1. Ces chiffres sont ceux présentés par l’O.F.S, l’Office Fédéral de la Statistique, Neuchâtel. www.bfs.admin.ch L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 diversité des populations musulmanes dans ce pays (à 80% originaires des pays balkaniques et de Turquie) et leur faible pratique religieuse (elle serait inférieure à 10%). L’UDC ne s’arrête pas en chemin dans l’utilisation des préjugés, puisqu’à un an des élections fédérales de 2011, et trois mois avant une votation sur «le renvoi des étrangers criminels», elle a diffusé à l’été 2010 près de chaque foyer suisse un document revenant sur «l’islamisation» de la société et proposant plusieurs mesures: «naturalisation à l’essai», « déclaration de loyauté des immigrants », « retrait de l’autorisation de séjour en cas de dépendance durable à l’aide sociale », « installation d’une hotline nationale pour annoncer les abus », ou encore «résiliation de l’accord de libre circulation des personnes». Dans le même registre xénophobe, le Mouvement citoyen genevois ( MCG) a remporté les élections cantonales d’octobre 2009, avec son slogan «Genève et les Genevois d’abord», en faisant campagne contre «la racaille d’Annemasse»: les travailleurs frontaliers français (environ 60.000 à Genève). Le mouvement refuse que Genève devienne «le déversoir des 2,9 millions de chômeurs français». A Genève également, la police a eu pour consigne d’interpeller les mineurs mendiants, Roms en particulier, pour les placer en foyer en les séparant de leurs parents. Chemin faisant, au printemps 2010, un arrêté fédéral s’est préoccupé de la protection juridique des animaux, pour lesquels une initiative populaire a préconisé l’institution d’un avocat de la protection des animaux. 96 EUROPE tion s’accroître, alors que l’italien et le romanche reculent. Même en perdant 15% de ses représentants, en une décennie, le romanche résiste et fait parler de lui, notamment lors d’une session des Chambres Fédérales. Considéré comme minoritaire, le romanche a, toutefois, été reconnu comme langue nationale, le 20 février 1938, puis, en tant que langue officielle, « pour les rapports que la confédération entretient avec les personnes de langue romanche », le 18 avril 19991. Longtemps présenté comme un mélange de français, d’allemand et d’italien, il est maintenant établi que le romanche dérive du latin, mais, qu’enfermé dans les Alpes, il a eu moins de possibilités d’évolution que le français, par exemple. Comme beaucoup de parlers basilectes, le romanche résiste grâce à ses pratiquants qui se battent pour que, dans les Grisons, l’enseignement de certaines branches, à l’école primaire, continue à se donner dans leur langue maternelle ou à être enseigné, au même titre que l’allemand, dans le secondaire. Malgré ses tentatives de réhabilitation, la reconnaissance du romanche reste ambiguë. Rappelons que l’exposition nationale, qui devait être consacrée au romanche, en 2002, n’a jamais vu le jour, faute de fonds. Les sponsors ont, en effet, estimé le projet pas assez rentable2. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Théâtre La dramaturge serbe Biljana Srbljanovic est à l’honneur de la saison 2009, aussi bien dans le canton de Vaud que de Genève. Deux de ses pièces ont, en effet, été mises en scène, Barbel, à propos de chiens et d’enfants3 par Anne Bisang à la Comédie de Genève et Supermarket4 par la Compagnie Gianni, au théâtre Vidy, à Lausanne. Les metteurs en scène semblent ainsi s’intéresser à une écriture qui aime saisir la réalité à vif, où sexe et violence sont représentés, tout en cultivant l’outrance et le grotesque. Littérature Le Prix Bibliomédia 2009 a été octroyé cette année à Olivier Sillig pour Lyon, simple filature5 . Né à Lausanne, où il vit actuellement, Olivier Sillig est à la fois psychologue, cinéaste et écrivain. Ce roman psychologique parle de l’enfance et du somnambulisme qui sommeille en chacun. Le Prix Michel Dentan a été décerné à JeanBernard Vuillème pour Pléthore ressuscité 6. Né à Neuchâtel en 1950, l’auteur, qui a suivi une formation de journaliste, vit de sa plume en collaborant avec des quotidiens. Il a produit de nombreux essais et écrit également de la poésie. Pléthore est un personnage créé par l’écrivain il y a une trentaine d’années, au début de sa carrière. Il apparaît dans un recueil de nouvelles, Pléthore7, puis un roman, Le Règne de Pléthore8 . La critique a souvent salué cet auteur pour ses récits très imaginatifs. Ces œuvres sont présentées alors comme un renouveau de la littérature romande, souvent décrite comme trop intimiste. Au sujet de son dernier ouvrage, Jean-Bernard Vuillème confie : « Je voulais tirer mon héros de son oubli, puis jouer sur les interactions entre l’auteur et son personnage ressuscité » . L’auteur, alors qu’il en était au début de son roman, a été victime d’un infarctus. De manière aussi incroyable que cela lui est arrivé, la mort fait échange avec la vie dans son roman. Alexandre Voisard a reçu le Prix littéraire Edouard Rod pour l’ensemble de son œuvre. Ce Jurassien, aux études inachevées, a mené une vie de bohème genevoise, avant de se lancer dans la défense de l’indépendance du Jura. Son engagement politique l’a amené à être élu député socialiste au parlement jurassien de 1943 à 1983. Romancier et poète, il a aussi été membre de l’Académie Mallarmé à Paris. A la retraite, il se consacre toujours à l’écriture. Pascale Kramer, lauréate du Prix Schiller pour L’implacable brutalité du réveil9, aborde, dans son roman, toute la complexité de la maternité. L’écrivaine, née à Genève, a déjà été récompensée par le Prix Lipp en 2001 pour Les Vivants10 et le Dentan pour Manu11 en 1996. Le Prix Ahmadou Kourouma a été décerné à l’auteur togolais Kossi Efoui pour Solo d’un revenant12. Ainsi, pour la sixième fois, à l’occasion du salon africain du livre, de la presse et de la culture, qui se déroule en avril à Genève, l’Afrique francophone était à l’honneur. L’écrivain, qui est à la fois romancier, dramaturge et chroniqueur, dresse une allégorie de son pays à travers la figure du mort-vivant. Dans le cadre de la littérature jeunesse, le Prix lab-elle (laboratoire pour elle, attentif aux potentiels féminins) est consacré à des ouvrages qui s’adressent tant aux filles qu’aux garçons et sont exempts de stéréotypes sexistes. On peut les repérer dans les librairies grâce à un autocollant. Un prix est voté par un jury d’adultes, sélectionné parmi 1. Constitution suisse, 18 avril 1999, article 70. 2. Nordmann Roger, « Le romanche n’est pas rentable », in Domaine public, 31.08.2002. 3. Biljana Srbljanovic, Babelo, à propos de chiens et d’enfants, L’Arche, 2008. 4. Biljana Srbljanovic, Supermarket, L’Arche, 2010. 5. Olivier Sillig, Lyon, simple filature, Encre fraîche, 2008. 6. Jean-Bernard Vuillème, Pléthore ressuscité, Editions de la Nouvelle Revue neuchâteloise, 2008. 7. Jean-Bernard Vuillème, Pléthore, Editions Piantanida, 1982. 8. Jean-Bernard Vuillème, Le Règne de Pléthore, 9. Pascale Kramer, L’implacable brutalité du réveil, Mercure de France, 2009. 10. Pascale Kramer, Les Vivants, Calmann-Lévy, 2000. 11. Pascale Kramer, Manu, Calmann-Lévy, 1995. 12. Kossi Efoui, Solo d’un revenant, Seuil, 2008. 97 Exposition Titeuf des personnalités politiques comme artistiques. Un autre prix est décerné par un jury d’enfants, faisant partie d’une classe ou d’une bibliothèque participant à ce projet. Le gagnant des deux titres, adulte et enfant, revient à Christian Voltz pour Le Livre le plus génial que j’ai jamais lu13. Ce concept a vu le jour en 2007, en collaboration entre l’association lab-elle et les recherches en psychologie sociale menées à l’Université de Genève. Musique Jérémie Kisling, né à Lausanne en 1976, après avoir exploré différents moyens d’expression en français, contes pour enfants, poèmes, nouvelles, trouve le succès avec la chanson. Cet auteur-chanteur-compositeur, qui pratique dans le genre pop bossa, revient sur le devant de la scène musicale, avec un troisième album, Antimatière14 . Parce qu’il mêle mélancolie et dérision, Jérémie Kissling est tantôt qualifié de « dandy décalé », tantôt de « spleen doctor »15. Ce dernier a enregistré deux duos, un avec Emilie Loizeau (Nouvel Horizon) et un avec Capucine (Reste la même). Au lion d’Or, il est présenté comme « le coup de cœur francophone » . Polar sort, lui aussi, en 2009, son troisième album : French Songs16. Cet ex-champion d’athlétisme suisse, de filiations irlandaise et suisse-allemande, est poussé par Miossec à écrire en français. C’est avec le chanteur Cali, dont il fait les premières parties, qu’il commence à être reconnu par le monde musical. Il a écrit les textes et la musique de French Songs à Montréal, dans un appartement placé à la frontière du quartier francophone et anglophone. Avec des collaborateurs venus notamment du jazz, Polar sort du format rock pour introduire des cuivres et des cordes. L’artiste a coécrit un de ses textes avec Pierre-Dominique Burgaud, Avec des si, chanson pour laquelle Stephan Eicher a composé la musique. Cinéma Le festival du film de Locarno a récompensé, avec un Léopard d’or, pour la saison 2009, dans la série des longs métrages, She’s a Chinese de Xiaolu Guo. La réalisatrice et romancière évoque le sentiment de déracinement à travers l’histoire d’une jeune chinoise qui quitte sa province natale pour venir s’installer en Grande-Bretagne. La néerlandaise d’origine polonaise, Urszula Antoniak, avec son film Nothing personnal, figure cinq fois au palmarès, avec notamment le prix de la meilleure première œuvre, celui de la critique ainsi que d’interprétation féminine, pour l’actrice Lotte Verbeek. Notons que le Zurichois Christoph Schaub a remporté le prix du public pour Guilas Verschwinden (La Disparition de Guila). 13. Christian Voltz, Le livre le plus génial que j’ai jamais lu, Pastel, 2008. 14. Jérémie Kisling, Antimatière, mai 2009, Disque Office (parution suisse) parution française sous label Sony. 15. Gilles Renault, « Jérémie Kissling, spleen doctor suisse », Libération.fr, 18-03-2010, le 1 juillet 2010. 16. Polar, French Songs, 2009, Entrée du musée de la Croix Rouge de Genève (licence GNU Nicolai Schwerg) L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Succès phénoménal pour Titeuf après Paris L’exposition du célèbre auteur suisse de Titeuf, intitulée Le Zizi sexuel, s’est installée à Genève. L’amour et la sexualité sont ainsi expliqués aux adolescents. Toutes les classes de 7e année ont d’ailleurs été conviées, avec leur maître de classe, à l’exposition. Chaque élève est reparti avec un guide qui est l’image de la bande-dessinée. Le musée international de la Croix-Rouge a proposé, à Genève, une exposition temporaire intitulée « L’Humanité en guerre », qui retrace les conflits des 150 dernières années. Les photographies de James Natchwey, Ron Haviv, Christopher Morris, Franco Pagetti et Antonin Kratochvil montrent à la fois la brutalité, la violence et la souffrance mais aussi la subsistance de l’espoir et de la fierté dans de tels moments. En parallèle, est aussi évoquée l’évolution de la Croix-Rouge, qui, comme la photographie, est née dans le milieu du XIXe siècle. La Fondation Gianadda (Martigny, Valais) a cette année exposé des toiles recouvrant un panorama de Courbet à Picasso. Pour la cinquième fois, le musée s’est, par ailleurs, intéressé aux œuvres de Rodin, en dévoilant, autour de ses sculptures, ses croquis érotiques. 98 EUROPE BIBLIOGRAPHIE Articles Cornier Sylvain, « Coup de cœur francophone – Jérémie Kisling au lion d’Or – Le cœur pur du chanteur suisse », Le Devoir.com, 11 novembre 2009, 1er juillet 2010. Duval Jean-François, « Vuillème, de retour d’infarctus », Migros Magazine17, 20 avril 2009, 1 juillet 2010. Renault Gilles, « Jérémie Kissling, spleen doctor suisse », Libération.fr, 18-03-2010, le 1 juillet 2010. Roger, « Le romanche n’est pas rentable », in Domaine public, 31.08.2002. Romans, récits, théâtre Efoui Kossi, Solo d’un revenant, Seuil, 2008. Kramer Pascale, L’implacable brutalité du réveil, Mercure de France, 2009. Les Vivants, Calmann-Lévy, 2000. Manu, Calmann-Lévy, 1995. Sillig Olivier, Lyon, simple filature, Encre fraîche, 2008. Srbljanovic Biljana, Babelo, à propos de chiens et d’enfants, L’Arche, 2008 Supermarket, L’Arche, 2010. Voisard Alexandre, L’intégrale de ses œuvres réunies en six volumes, 2006-2007, Bernard Campische. Voltz Christian, Le livre le plus génial que j’ai jamais lu, Pastel, 2008. Vuillème Jean-Bernard, Pléthore ressuscité, Editions de la Nouvelle Revue neuchâteloise, 2008. Pléthore, Editions Piantanida, 1982. Le Règne de Pléthore,Piantanida, 1983. UKRAINE Zénon KOWAL Expert [email protected] L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 DISSENSIONS POLITIQUES SUR FOND DE CRISE En juillet 2009, moment où démarre cette analyse, il reste un peu plus de six mois avant les élections présidentielles. Les dissensions au sein de la « coalition orange » s’aggravent de jour en jour. La population qui avait largement soutenu la « révolution orange » est profondément déçue, désabusée. Les promesses lancées par les « nouveaux dirigeants » n’ont que peu ou prou été réalisées… de plus, l’Ukraine, vu sa structure économique, est peut-être plus que d’autres pays touchée de plein fouet par la crise et affichera à la fin de 2009 une diminution de 15% de son PIB. En plein été 2009, le 11 août, un autre coup de tonnerre vient secouer le ciel ukrainien. Depuis son blog, le Président russe Dimitri Medvedev, dans une lettre ouverte, critique durement les autorités ukrainiennes. Il leur reproche d’avoir pris une position antirusse lors du conflit géorgien (livraison d’armes), d’évincer la langue russe de la vie courante et de vouloir rejoindre l’OTAN, sans tenir compte de l’avis de la population. Il suspend même l’envoi de son nouvel ambassadeur, Mikhaïl Zourabov, à Kiev… Les critiques du Président Medvedev visent notamment la révision de l’histoire « commune » (famine artificielle/ Holodomor de 1932-33, réhabilitation de l’OUN-UPA–voir encadré, ingérence dans les affaires de l’Eglise orthodoxe). Selon la presse russe (Vzgliad), « de par leur dureté, les propos de Medvedev n’ont d’équivalent que le discours de Vladimir Poutine à Munich en 2007 »… et les propos de ce dernier tenus lors de la réunion à huis-clos du Conseil Russie-OTAN (Sommet de Bucarest, avril 2008) où il déclara à son homologue américain que « l’Ukraine n’était pas un Etat, qu’une partie de son territoire appartenait à l’Europe de l’Est et que l’autre, considérable, lui avait été offerte pat la Russie » (RIA Novosti, 7/4/08). Revenant à la situation politique en Ukraine, depuis la « révolution orange » (novembre/ décembre A LA RECHERCHE DE L’IDENTITE MEMOIRE ET HISTOIRE En Ukraine, comme dans bon nombre de pays de l’espace postsoviétique, deux conceptions opposées de l’histoire et de l’identité se confrontent. Nous rappellerons qu’à l’époque brejnévienne, il était question de créer un « homo sovieticus » en éradiquant les différences nationales, culturelles, linguistiques et autres au sein de l’espace soviétique. Après l’homo sovieticus… favoriserait-on l’avènement d’un « homo russicus » ? Peu avant la fin de son mandat (1994-2005), le président ukrainien Léonid Koutchma, un pur produit du système soviétique auquel on peut difficilement apposer l’épithète de « nationaliste », avait déjà senti le besoin de publier un livre intitulé « L’Ukraine n’est pas la Russie » (janvier 2004). Son successeur, Victor Iouchtchenko, visant à raviver une conscience identitaire, en a fait un des éléments principaux de sa présidence. Il créa un Institut de la Mémoire Nationale, tenta de relancer le dialogue entre les trois fractions de l’Eglise orthodoxe en Ukraine, ouvrit les archives de l’ex-NKVD/KGB relatives à la famine artificielle (Holodomor) tout en lançant une vaste campagne d’information et de reconnaissance de celle-ci au niveau international et aborda le débat sur la réhabilitation de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) et l’armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) dont il honora les dirigeants, Stepan Bandera et Roman Choukhevytch, en leur attri- 99 2004) les Ukrainiens furent appelés par trois fois à se rendre aux urnes… cinq gouvernements se sont succédés. Le 5ème anniversaire de cet événement historique n’a pas rameuté les foules. En novembre 2009, un malheur supplémentaire s’abat sur l’Ukraine avec la pandémie de H1N1 qui touche près de 250 000 personnes. Sur fond de dissensions politiques, l’Ukraine termine l’année sans budget pour 2010 et l’accord d’association avec l’UE, tant espéré par le président Iouchtchenko (Sommet UE-Ukraine, 4/12/09 – Kiev) est reporté au mieux à 2010. tique pour se consacrer au secteur bancaire. En 4ème position, nous trouvons Arseniy Iatseniouk (6,9%) homme politique d’une génération qui a terminé son éducation supérieure après la disparition de l’URSS et occupé des postes aussi importants que ceux de ministre de l’économie, des affaires étrangères et de président du parlement. Le 2ème tour du 7 février 2010 donne Ianoukovitch vainqueur avec 48,81% contre Tymochenko avec 45,61%, et un taux de participation de 69,10%. Les réactions de Moscou aux élections présidentielles un Ukraine méritent d’être signalées. Il n’y a pas eu, cette fois, de voyage du président russe à Kiev – on se rappellera l’épisode du voyage PRESIDENTIELLE DE JANVIER 2010 Le 1er tour de l’élection présidentielle a lieu le 17 janvier. Il confirme grosso modo les prévisions des sondages. Victor Ianoukovitch arrive en tête avec 35,35%, suivi d’Ioulia Tymochenko avec 25,05%. Le Président sortant Iouchtchenko arrive en 5ème position avec seulement 5,45%. Il est intéressant de noter que Serhiy Tihipko, ancien chef de campagne de Ianoukovitch lors des élections Mme Tymochenko contestées de 2004, arrive en 3ème position avec 13,05%. Il Affiche de Iouchtchenko, le jour de la s’était alors retiré de la polifête nationale - photo ZK UKRAINE Ainsi que nous le voyons, ces débats restent encore très sensibles, bien qu’il existe aujourd’hui de plus en plus de publications scientifiques permettant de se faire une opinion sur la base de documents historiques et d’archives réfutant la propagande de l’époque soviétique. Il s’agit là d’un travail à ne pas politiser et à laisser aux historiens. HISTOIRE 1917 Création de la République d’Ukraine par les Bol- chéviques. Proclamation de l’indépendance de la République nationale d’Ukraine à Kiev. Début de trois guerres civiles. Fin en 1922. 1986 Catastrophe nucléaire de Tchernobyl. 1991 Proclamation d’indépendance. Leonid Kravtchouk élu président. Création de la Communauté des Etats indépendants (CEI) qui succède à l’URSS. 1994 Premières élections libres organisées depuis l’éclatement de l’URSS. Leonid Koutchma est élu. 1995 Entrée dans le Conseil de l’Europe. 1996 Adoption d’une Constitution instituant un pouvoir présidentiel fort, tout en garantissant plusieurs acquis. 1998 Elections législatives. Victoire des communistes dirigés par Petro Simonienko. 2001 Victor Iouchtchenko annonce la formation du mouvement « Notre Ukraine ». 2004 Election présidentielle, victoire préliminaire de Ianoukovitch. Iouchtchenko, soutenu par des milliers de manifestants, se proclame vainqueur. La Cour suprême dénonce les fraudes électorales et invalide le résultat des élections. Victoire de Iouchtchenko. 2006 Entrée dans la Francophonie. 2007 Septembre. Victoire de Parti des Régions de Viktor Ianoukovytch aux élections législatives anticipées avec 34,4 % des voix. Décembre : Ioulia Tymochenko devient Premier ministre. Elle a déjà occupé cette fonction de janvier à septembre 2005. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 buant le titre de « héros de l’Ukraine ». Dès son arrivée au pouvoir, le Président Ianoukovitch inversa cette tendance. Il remit en cause les orientations de son prédécesseur en retournant vers les stéréotypes de l’époque soviétique. Le nouveau Ministre de l’Education, Dmytro Tabatchnik, proposa même d’écrire un livre d’histoire russo-ukrainien commun destiné à l’enseignement, suscitant l’ire de l’opposition. Dès le 30 mars, une motion de défiance fut déposée contre lui au Parlement mais ne recueillit que 202 voix sur 450. Le Holodomor est, quant à lui, redevenu une tragédie « globale qui n’avait pas particulièrement visé le peuple ukrainien et n’était donc pas un génocide… » (Ianoukovitch – Conseil de l’Europe, 27/4/10). L’OUN qui avait combattu tous les occupants de l’Ukraine, même si à un moment, pour des raisons tactiques elle s’était rapprochée des Allemands, était de nouveau condamnée sous cet angle exclusif. Et, fait difficile à imaginer pour un lecteur occidental, le 5 mai, devant les locaux de leur parti à Zaporijia, des militants du parti communiste inauguraient un nouveau monument à Staline… 100 EUROPE de Poutine en 2004 pour féliciter Ianoukovitch, alors que les résultats de l’élection n’avaient pas encore été officialisés… et furent contestés, amenant un troisième tour et la victoire d’Iouchtchenko. Bien sûr, le choix de Moscou a, cette fois-ci, été clairement signalé via le blog de Medvedev et son refus d’envoyer un ambassadeur à Kiev (voir supra). Mais comme l’écrivait le correspondant de « La Libre Belgique » à Moscou, à l’issue du 1er tour, ils préfèrent ignorer le phénomène indéniable de « démocratie accomplie » en Ukraine qui, à la différence notoire des pratiques électorales en Russie, vient d’être traduit déjà par l’absence de toute certitude quant à l’issue de la course présidentielle... L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 REPRISE EN MAINS Victor Ianoukovitch prête serment devant le Parlement le 25 février, malgré les efforts de Ioulia Tymochenko pour faire annuler les élections pour fraude. Le 3 mars, le Parlement vote la démission du gouvernement Tymochenko et le 11 mars une nouvelle coalition (« Stabilité et réformes ») est formée entre le parti des régions (Ianoukovitch), le bloc de Lytwyn (président du parlement) et le parti communiste, réunissant 235 parlementaires sur les 450 élus. Nous constaterons que, dans les mois qui suivent, les efforts du parti des régions ne seront pas ménagés pour renforcer cette majorité en débauchant des parlementaires de l’opposition. Au 18 juin 2010, la coalition compte déjà 256 députés…et le processus continue. Un gouvernement est rapidement mis en place avec Mykola Azarov au poste de 1er Ministre et Kostyantyn Hrychtchenko (Ambassadeur à Moscou – rappelé à Kiev), aux Affaires Etrangères. Serhiy Tihipko qui avait terminé troisième lors des présidentielles devient 1er Vice-Premier Ministre chargé des questions économiques. NON-ALIGNEMENT ET UE Quitte à mécontenter quelque peu Moscou, Ianoukovitch privilégie Bruxelles pour sa première visite officielle à l’étranger (1er mars). Il répète que l’intégration à l’UE est une priorité et est félicité pour son approche pragmatique. L’Europe préfère en effet des relations « pacifiées » entre Moscou et Kiev…mais il reste à voir quel en sera le prix. Le 5 mars, ce sont les retrouvailles avec D. Medvedev à Moscou. Ce dernier visite ensuite deux fois l’Ukraine en moins d’un mois, d’abord à Kharkiv (21/4) où il arrache un accord pour prolonger de 25 ans (jusqu’en 2042) le bail de la flotte russe à Sébastopol (contre une réduction du prix du gaz de 30%), puis à Kiev (17/5), où il est question de délimitation des frontières russo-ukrainiennes et d’un ambitieux programme de coopération dans les domaines scientifiques et de l’éducation… Medvedev propose aussi à l’Ukraine de s’associer au « traité de sécurité collective ». V. Poutine avait entre-temps suggéré une prise de contrôle par Gazprom de son homologue ukrainien Naftohaz…et une fusion du secteur de l’énergie nucléaire. L’Ukraine, jusqu’à présent, ne s’est pas associée au « traité de sécurité collective » proposé par Moscou et tente de résister à l’absorption de Naftohaz par Gazprom, tout en proposant un consortium associant Ukraine, Russie et UE pour l’amélioration de son réseau de transit énergétique. Le 5 avril, V. Ianoukovitch dissout la commission chargée de préparer l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, créée en 2006 par son prédécesseur. Les programmes de coopération avec l’OTAN restent cependant en vigueur. Le 12 avril, il rencontre le président Obama lors du Sommet nucléaire de Washington et annonce que l’Ukraine renonce à son stock d’uranium enrichi en offrant ainsi un succès de circonstance au président américain. Ces premières manœuvres sur la scène internationale sont confortées par un nouveau projet de loi sur les orientations de la politique intérieure et internationale, adopté par le Parlement (3/6). L’Ukraine se veut un Etat européen non-aligné militairement avec pour but déclaré l’adhésion à l’UE. Le rapprochement rapide avec la Russie est dénoncé par une opposition divisée et sans réelle influence sur le cours des événements…. FIN DU CHAOS ? Si certains observateurs se félicitent d’une reprise en mains du pays, d’autres s’inquiètent de ce rapprochement trop rapide et prononcé avec Moscou… et d’un resserrement des libertés. Le président Ianoukovitch s’est donné tous les atouts pour réaliser sa vision politique et économique. Avec une majorité claire qui se renforce régulièrement par des défections (sollicitées) de l’opposition, il bénéficie d’un soutien sans équivoque au Parlement. Il en va de même avec le gouvernement de Mykola Azarov, un Premier Ministre qui cumule son poste avec celui de président du « parti des régions » dont est issu le président ukrainien. V. Ianoukovitch s’est donné pour objectif de redresser le pays et d’en faire un des vingt pays les plus prospères d’ici 2020. Au premier trimestre 2010, des signes tangibles de reprise sont enregistrés avec une croissance de 4,8% du PNB et une projection de 3,5% de croissance pour l’année. Un bémol vient cependant assombrir le tableau. La liberté de parole qui avait été sans aucun doute le succès le plus éclatant de la « révolution orange » semble connaître quelques problèmes. De nombreux journalistes se plaignent de plus en plus de la difficulté d’exercer librement leur travail. Les chaînes de télévision TVi et Canal 5 (chaîne d’information) se sont vues retirer une partie de leurs fréquences. A la fin juin, Nico Lange, directeur de la fondation Adenauer, a été retenu pendant 10h à l’aéroport de Kiev, à son retour en Ukraine, vraisemblablement pour avoir déclaré que « dans les quelques semaines qui ont suivi la victoire d’Ianoukovitch, un petit groupe de proches du président et du 1er ministre ont réussi à prendre le contrôle du pays ». 101 SOCIETE La situation sociale en Ukraine n’est pas des plus réjouissantes, surtout après une année de crise économique profonde. Les classes les plus pauvres de la population sont toujours les plus vulnérables…et sachant qu’une grande partie de la population active est toujours à charge du budget de l’Etat (sans parler des retraités), nous n’entrerons pas ici dans un développement qui mériterait un article séparé. De la période contrastée de Iouchtchenko, nous mentionnerons cependant un projet lancé en 2006 et situé tout près de la « laure de Petchersk » à Kiev. Il s’agit de l’ambitieux projet muséal de « l’arsenal culturel » (artarsenal) développé dans les anciens bâtiments de l’arsenal datant du début du XIXe siècle et situé au 28-30 de la rue Mazepa. Le concours pour sa restauration et l’aménagement du site a été rem- Les blindés ouverts au public le jour de la fête - photo ZK porté par un groupe japonais et l’inauguration d’une première partie de cet espace grandiose a été réalisée en 2009. Il mérite le détour. VAL D’AOSTE Enrica ZANIN Université Paris IV-Sorbonne. [email protected] manifeste également dans les prises de positions des élus valdôtains au Parlement italien, Antonio Fosson et Roberto Nicco, qui accordent leur préférence aux mouvements nationaux visant à préserver l’autonomie de la région valdôtaine3. POLITIQUE 1. Cf. www.regione.vda.it/pressevda/focus/ comunali_2010_i.asp 2. Cf. www.regione.vda.it/amministrazione/elezioni/ Amministrative2005 ECONOMIE Le Val d’Aoste, en 2009-2010, est touché par la crise, mais en moindre mesure que les autres régions italiennes4. Le PIB régional a connu une baisse de 1,3%, alors que le PIB national a baissé de 3,9%. Si la crise de la consommation des foyers (-4,4%) est supérieure à la moyenne nationale (-0,8%), les revenus restent généralement stables. Le taux de chômage (3,3%) est moins élevé que le taux national (6,7%). Les principales entreprises locales, spécialisées en sidérurgie, secteur touché par la crise, souffrent d’une baisse des exportations (-18%) plus importante que dans le reste de l’Italie (-1,2%). Le commerce régional aussi connaît une crise, due en partie à la baisse du tourisme, et notamment à la moindre affluence de touristes étrangers, en partie compensée par la plus grande présence de touristes italiens. La crise affecte surtout les petites entreprises, et notamment les entreprises agricoles (-7,1%), alors que les activités hôtelières et les entreprises de construction présentent une croissance relative. 3. Cf. Le bilan de l’année 2009 par Antonio Fosson, reporté dans Le Peuple Valdôtain, n.1, janvier 2010, p. 1. 4. Les données de cette section sont issues du rapport rédigé par la Chambre du commerce Giornata dell’economia 2010, disponible sur le site : www.ao.camcom.it. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Le panorama politique valdôtain reste relativement stable. Les élections communales de mai 2010 ont confirmé le parti qui gouverne la région, l’Union Valdôtaine, qui a remporté la majorité des sièges. Le succès de l’UV est aussi le fruit des alliances politiques que le parti autochtone a tissées avec les autres mouvements nationaux et locaux. Si, lors des élections de 2005, l’UV s’était alliée avec les forces du centre-gauche, en 2010, le parti de majorité s’allie avec les forces du centre-droit – et notamment avec le PdL et la Ligue Nord qui font partie de la coalition qui gouverne l’Italie. Le nouveau maire de la ville d’Aoste, Bruno Giordano, élu avec 59,72% des voix, est ainsi issu du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi. Le succès de cette nouvelle coalition est dû aussi au nombre important des voix obtenues par le mouvement Stella Alpina. Ce parti, né en 2003 d’une scission de l’Union Valdôtaine, a obtenu, à la commune d’Aoste, 18,6%1 des voix, alors qu’aux élections communales de 2005, il n’en avait obtenu que 10%2. Ce changement dans le choix des alliances est moins d’ordre idéologique que politique et se 102 EUROPE CULTURE L’Institut agricole régional L’intervention de l’administration locale pour limiter les effets de la crise, ainsi que la situation patrimoniale relativement stable des Valdôtains et le faible taux de chômage permettent d’expliquer l’impact réduit de la crise sur l’économie valdôtaine. Pourtant, les signes de reprise restent précaires et instables, et ne permettent pas de prévoir, à court terme, la reprise globale de l’économie locale. VAL D’AOSTE GEOGRAPHIE Région alpine entre le Piémont (Italie), la France et le Valais suisse. Le Val d’Aoste est divisé en 74 Communes. La population est de 123 978 habitants, dont 34 610 dans le chef-lieu, Aoste. HISTOIRE 25 av. J.-C. La défaite des Salasses face à l’Empire ro- main est à l’origine de la fondation d’Augusta Praetoria, devenue Aoste. 575 Aoste entre dans la mouvance des parlers francoromands avec l’intégration au royaume franc, puis au royaume bourguignon. 1032 Passage sous la domination de la maison de Savoie. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 1562 Le français est langue officielle mais le piémontais prédomine. La capitale des Etats de Savoie est transférée de Chambéry à Turin. 1798 Le Val d’Aoste est intégré à l’Etat français. 1814-1861 Après le Congrès de Vienne, passage sous le contrôle du royaume de Sardaigne. Retour des ducs de Savoie. 1861 La Savoie est rattachée à la France. Le jeune royaume d’Italie de Victor-Emmanuel II englobe le Val d’Aoste francophone. 1924-1945 La période fasciste est marquée par une italianisation forcée des populations locales et par une forte immigration italienne. 1945 (28 avril) Le Val d’Aoste est libéré par les maquisards valdôtains et italiens. 1948 (26 février) La République italienne confère à la Vallée un statut de Région avec autonomie spéciale. 1985 Le Val d’Aoste adhère à l’Assemblée des régions d’Europe. 1991 Institution de l’Espace Mont-Blanc. 2000 Naissance de l’Université bilingue du Val d’Aoste. L’année a été riche en événements, allant de l’illustration de maîtres de la langue française, tels que Hugo et Camus1, à l’exposition d’artistes locaux. Les toiles de Elso Montrosset, de Raffaella Moniotto et de Sarah Ledda ont fait l’objet d’expositions temporaires, ainsi que les sculptures de Guido Diemoz. Les tableaux de Fernando Bibollet et de Lalla Romano, qui représentent et transfigurent la beauté alpine de la région, ont été exposés à Aosta2. Les publications en langue française, en revanche, sont davantage consacrées à des sujets ethnographiques et pédagogiques : le prix Willien récompense un ouvrage sur les alpages valdôtains et un récit pour l’enfance3. En effet, la connaissance et la pratique du français, dans cette enclave Francophone en territoire italien, est le fait d’un apprentissage et d’un héritage : les journées de la francophonie, de mars à juin 2010, ont été consacrées à Joseph Bréan, qui lutta pour préserver les particularités culturelles et linguistiques de sa région4. Recherche : les fruits de l’IAR L’institut agricole régional (IAR) est né en 1982 pour préserver et améliorer la qualité des produits agricoles grâce à l’application de méthodes agronomiques avancées. L’IAR est chargé de développer la formation agronomique par un travail de recherche de haut niveau appliqué à l’agriculture de haute montagne, et notamment à la fruiticulture et à l’œnologie. L’IAR, qui compte déjà 40 projets scientifiques en cours, a inauguré, au cours de la dernière année, trois nouvelles activités. Ses chercheurs ont sillonné les terroirs de la région pour identifier des exemplaires survivants d’anciennes variétés autochtones de vignobles et de noyers, afin de découvrir et de préserver la biodiversité locale. Des vins et des huiles de noix avec une palette de saveurs inédite ont été produits. De plus, des produits cosmétiques à base de rares herbes médicinales ont été spécialement conçus par les étudiants et commercialisés par de nombreuses pharmacies italiennes. L’IAR a su ainsi montrer que l’innovation, conjuguée à la qualité et au respect des traditions et des écosystèmes locaux, peut mener au développement économique grâce à la pénétration des marchés émergents5. 1. Respectivement par les spectacles Le Premier Homme, par Jean-Paul Schintu (octobre 2009) et Victor Hugo mon amour, par la compagnie Anthea Sogno, (février 2010). 2. Pour un aperçu plus complet des expositions, cf. www. regione.vda.it/Cultura/esposizioni/expo_i.asp 3. Joseph-César Perrin et al., Murs d’alpages en Vallée d’Aoste, Aosta, Priuli et Verlucca, 2009 ; Joseph-César Perrin, Blantsin, la marmotte banche ou l’histoire d’une amitié, Aosta, Le Château, 2009. 4. Cf. Joseph Bréan, Civilisation alpestre, 1953. 5. Pour plus d’information, cf. www.iaraosta.it A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S 103 Peter KLAUS Freïe Universität Berlin [email protected] Le couple France-Allemagne Les peuples s’entendent mieux entre eux que leurs dirigeants. Les médias ne s’intéressent apparemment qu’au “people” comme disent les Français, et font grand cas de tel refroidissement climatique entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la République française Nicolas Sarkozy ou de telles retrouvailles au sommet entre le président russe et son homologue allemand. La presse écrite, parlée et télévisuelle s’intéresse moins au travail fait par la base, les citoyens, les associations, les médias et les institutions bilatérales et binationales dont il y a pléthore. Où en seraient les ententes entre les pays sans le travail et l’engagement de la base? Sans tous ces bénévoles qui œuvrent pour une cause? C’est bien de signer des contrats et ententes sous les yeux du monde, mais l’engagement des individus et des associations est certainement aussi important sinon plus pour une meilleure compréhension entre les peuples. L’Allemagne et la France forment un couple important au sein de l’Union Européenne, c’est une banalité de le dire. Les relations entre nos deux pays se sont plus que normalisées, peut-être même trop. On ne compte plus les jumelages entre villes, régions et établissements scolaires et universitaires. Ce sont des choses qui vont pratiquement de soi. Vu les guerres sanglantes que les deux peuples se sont livrées au fil des siècles, ce n’est pas une mince affaire. Pourtant, il faut malgré tout mettre un bémol à ce tableau par trop positif: c’est l’état quasi catastrophique de l’apprentissage de l’allemand en France, une évolution qui a commencé il y a quelques années. Entre temps, certaines universités françaises ont dû fermer leur section d’allemand à cause d’un manque d’étudiants. Ce qui ne laisse présager rien de bon pour l’avenir de l’enseignement si les universités ne forment plus de professeurs d’allemand. En Allemagne on assiste également à une désaffection des élèves qui préfèrent apprendre l’anglais (quasi obligatoire) ou l’espagnol à la place du français. Pourtant, la situation de l’enseignement du français en Allemagne n’est pas aussi catastrophique que l’inverse l’est en France. Il y a plusieurs raisons à cela: en France, les filières en langues et littératures n’offrent qu’un seul débouché: l’enseignement. En Allemagne, ces mêmes filières d’études ne sont pas forcément axées sur un métier, vu que l’université allemande ne se voit pas comme étant une école de formation professionnelle mais plutôt comme une institution de recherche et d’enseignement qui a pour vocation de former des individus à se construire eux-mêmes, à être autonomes et critiques et à ne pas se cantonner dans une voie unique. Ceci pour les différences de fond entre les deux pays. Mais il y a autre chose: les activités culturelles et sociales qui rapprochent nos deux pays sans oublier qu’il existe d’autres pays francophones en Europe qui apportent leur richesse culturelle également, tels la Belgique ou la Suisse. Une institution bilatérale importante: l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ), créé en 1963 afin d’assurer une meilleure entente entre les jeunes des deux pays, a fait du beau travail ces dernières décennies. Cette institution, dirigée par deux secrétaires généraux ayant deux sièges, l’un à Paris et l’autre à Berlin, offre un vaste programme de stages bi- et trilatéraux qui ne privilégient pas forcément les étudiants mais sont axés majoritairement sur des jeunes professionnels. Une expérience bilatérale exemplaire: le programme pour jeunes professionnels des métiers du livre et de l’édition qui fête ses 20 ans cette année. Depuis 1990, chaque année dix jeunes professionnels ont l’occasion de découvrir pendant quatre mois le monde de l’édition dans le pays voisin. Ceci a plusieurs avantages: ils enrichissent leurs connaissances et compétences linguistiques, culturelles et professionnelles tout en développant un réseau professionnel dans les deux pays. Et ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres, car entre temps l’OFAJ a développé les programmes et stages tri nationaux qui incluent aussi bien des jeunes polonais ou bosniaques, des programmes qui s’expatrient dans ces pays. Il faut mentionner également le travail très important accompli par les Instituts français, travail pas toujours valorisé à son juste titre par les instances politiques et tutélaires. Que serait le paysage culturel des villes de province en Allemagne sans les Instituts français? On n’a qu’à énumérer certaines activités de l’Institut français de Berlin pour se faire une petite impression: cela commence par la Fête de la Francophonie en passant par la présentation de livres savants ou de fiction et de leurs auteurs, une rencontre avec Haïti, un Festival de Jazz français, une rencontre interprofessionnelle des maisons d’éditions franco-allemande et la Fête de la musique. Ce n’est qu’un aperçu qui donne une petite idée de la variété et la diversité du programme. La Belgique, officiellement trilingue (flamand, français et allemand) est également très active et s’efforce de proposer des activités d’une diversité étonnante pour un pays de cette taille (exemple: L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 ALLEMAGNE 104 EUROPE rétrospective des films des frères Dardenne suivie par un très nombreux public), et ceci surtout lorsqu’on s’aperçoit que la minuscule Communauté germanophone de Belgique (environ 70 000 habitants) excelle dans un domaine particulier: le regroupement des minorités germanophones en Europe. Ceci n’est peut-être pas forcément passionnant pour les Francophones, par contre, cela pourrait éventuellement servir d’exemple. Voilà quelques mois (novembre 2009), sur l’invitation de l’Ambassade de Hongrie (!), on a pu assister à la présentation commune de l’anthologie “Seitensprünge“, en français Escapades – littérature des minorités germanophones en Europe, de Belgique, de Hongrie et du Tyrol du Sud. De belles découvertes à faire. À quand une anthologie francophone réunissant les textes d’auteurs savoyards, valdôtains, vaudois et luxembourgeois? ESPAGNE POLITIQUE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Rosa DE DIEGO Professeur Littérature Française Université du Pays Basque [email protected] L’année 2010 est placée sous le signe de l’Europe pour l’Espagne. Pendant les six premiers mois de l’année, Madrid va occuper la présidence tournant de l’Union européenne. Il s’agit sans doute d’une présidence particulière puisque c’est la première postérieure au traité de Lisbonne, qui a doté les 27 d’un président permanent, le Belge Herman Van Rompuy. Un spectacle son et lumière sur la Puerta del Sol, à Madrid, a marqué le début de cette présidence. Les quatre priorités espagnoles : mettre en place la pleine application du Traité de Lisbonne ; consolider la reprise économique et favoriser l’adoption d’une stratégie européenne de croissance durable à l’horizon 2020 ; renforcer la présence et l’influence de l’UE sur la scène internationale ; placer les citoyens européens au cœur des politiques de l’UE. 29 juillet 2009 : Un attentat a visé une caserne de la Garde Civile à Burgos, dans le nord de l’Espagne, faisant 64 blessés, à la veille du 50ème anniversaire de la création officielle de l’organisation ETA, le 31 juillet 1959. Cette attaque n’a néanmoins pas débouché sur des pertes de vie mais a blessée 64 personnes. 30 juillet 2009 : deux gardes civils ont été tués dans un attentat à la voiture piégée devant la caserne de la Garde Civile à Palmanova, sur l’île de Majorque, aux Baléares. La zone de l’explosion était située à 500 mètres d’une plage très fréquentée par les touristes et à quelques kilomètres du Palacio de Marivent, lieu de villégiature estivale de la famille royale d’Espagne. Les deux gardes civils tués étaient âgés de 27 et 28 ans. Peu après l’explosion, les membres du Groupe spécialisé dans le déminage de la Garde Civile de Majorque ont désactivé une bombe-ventouse située sous un véhicule de la Garde Civile près du lieu de la première explosion. L’Espagne est l’un des pays de la zone euro à subir une forte crise économique pendant l’année 2009, et à ne pas encore être sorti de la récession au 2010. La situation rigide du marché du travail complique le recommencement de la croissance. D’autre part, le chômage en Espagne a fortement augmenté : passant de 18,8% au dernier trimestre 2009 à 20,05% de la population active pour les premiers mois de l’année 2010. Il y avait plus de 4 millions de chômeurs en Espagne à la fin du mois de mars 2010. Le taux de chômage espagnol, victime d’une activité économique qui est en contraction depuis sept trimestres consécutifs, est le plus élevé de la zone euro. Créer des emplois pour relancer l‘économie, c’est l’objectif du gouvernement espagnol, qui doit réformer le marché du travail à l’aide de plusieurs mesures. L’Espagne doit développer l’emploi fixe à temps partiel, privilégier la réduction de la journée de travail en période de crise, et encourager les stages en entreprises pour les jeunes. Les syndicats s’opposent au projet du gouvernement de relever l‘âge de la retraite de 65 à 67 ans. Le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero a annoncé le 12 mai de dures mesures d’austérité sous la pression des marchés, de l’UE et de Barack Obama. Le but: tenter de restaurer la crédibilité financière du pays. Les salaires de la fonction publique seront lourdement affectés, l’aide de 2500 euros à la naissance, une mesure approuvée en juillet 2007, sera supprimée dès 2011. Le gouvernement va aussi geler la revalorisation des retraites en 2011, sauf les plus basses et les pensions non contributives. La justice espagnole, qui a tant combattu ces dernières années les crimes contre l’humanité commis dans de nombreux pays, a commencé un procès à Baltazar Garzon, un juge qui symbolise un modèle de l’application de la justice universelle. Ce «super-juge» a eu un rôle fondamental dans l’arrestation du dictateur chilien Augusto Pinochet à Londres en 1998. Il a dénoncé les atrocités commises par les militaires en Argentine, au Guatemala. Il a démantelé les commandos anti-basques des GAL (Groupes antiterroristes A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S CULTURE Carmen MATA BARREIRO Professeure Titulaire, Universidad Autónoma de Madrid (Espagne) [email protected] Les traits majeurs du paysage culturel de l’Espagne de 2009-2010 sont la culture de la mémoire, associée à la revendication de la pensée critique, et la visibilité grandissante de la création francophone. À cette évolution de la société et de la culture espagnoles, parallèle à l’évolution de l’univers politique, s’ajoutent la solidarité et la réflexion liées au séisme d’Haïti et à la mort de José Saramago, écrivain portugais prix Nobel de littérature qui avait choisi l’île espagnole de Lanzarote pour vivre et pour créer. La culture de la mémoire Le travail de mémoire issu du besoin de récupérer ce qu’on appelle en Espagne « mémoire historique » concernant le franquisme et la Guerre Civile, qui a une place importante dans la scène publique espagnole surtout depuis le début du XXIème siècle, a été touché par un événement à caractère judiciaire et politique qui a bouleversé la société espagnole. En effet, le procès engagé contre le juge Baltasar Garzón, promoteur du droit pénal international et jouissant d’une reconnaissance internationale, suite à l’accusation d’organisations d’extrême droite qui l’accusent d’avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, a choqué profondément beaucoup de citoyens espagnols, particulièrement des intellectuels et des médias de gauche et les associations des victimes du franquisme. Des réalisateurs tels que Pedro Almodóvar, des acteurs, des écrivains, des professeurs d’Université et des magistrats, parmi d’autres, se sont mobilisés et ont eu des initiatives d’une grande portée médiatique. L’une des plus intéressantes a été l’élaboration d’une vidéo réalisée par Azucena Rodríguez où des acteurs comme Javier Bardem, des réalisateurs, des écrivains tels qu’Almudena Grandes et Juan José Millás entrent dans la peau de personnes assassinées pendant la Guerre civile et la dictature franquiste. D’autres initiatives, nées du contexte de ce procès et qui essayent de réagir contre les attaques de la droite espagnole –venant surtout du Partido Popular, principal parti de l’opposition- aux intellectuels critiques qui ont soutenu Garzón, sont des manifestes qui revendiquent la normalisation démocratique et la pensée critique. Une autre manifestation de la culture de la mémoire constitue le travail des écrivains qui publient des œuvres de qualité qui puisent dans la mémoire de la II République, la Guerre civile ou le franquisme. En 2009 Juana Salabert a réédité Hijas de la ira, Clara Sánchez a gagné le prix Nadal 2010 accordé à son roman Lo que esconde tu nombre, et Almudena Grandes s’est engagée à écrire une série de six romans sur la résistance antifranquiste. Et dans l’année 2010, on commémore le centenaire de la naissance d’un grand poète mort dans une prison franquiste, Miguel Hernández. Visibilité grandissante de la création francophone Dans l’année 2009-2010, la création francophone a occupé un espace fort important dans le territoire de la culture en Espagne. L’écrivain français Michel Houellebecq et l’écrivaine québécoise Nicole Brossard ont été invités au festival de poésie Cosmopoética, à Cordoue, et le Festival de la Méditerranée à Palma de Majorque et la Nuit des livres, à Madrid, ont accueilli également Nicole Brossard, sur laquelle l’UNED –l’Université Nationale d’éducation à distance, soit l’équivalent de la Télé-Université- a fait un documentaire, réalisé par Gilbert Rigaud, qui a été diffusé par la chaîne nationale TVE2 (cf. http://www.canaluned.com/index.html, 18/09/2009). Les Ambassades et fondations organisatrices de la Semaine de la Francophonie 2010 à Madrid ont invité les écrivains Monique LaRue (Canada), Jean-Marc Pasquet (Suisse) et Bernard Tirtiaux (Belgique) ; dans ce cadre, l’Alliance Française de Madrid a organisé une « Nuit spéciale Haïti ». Neil Bissoondath, écrivain vivant à Québec et professeur de création littéraire à l’Université Laval, a fait une tournée de conférences dans différentes universités espagnoles. En ce qui concerne le théâtre, des pièces de Michel Tremblay, Robert Lepage, Albert Camus, Samuel Beckett ou Eric-Emmanuel Schmitt ont été jouées dans des théâtres. Nous soulignerions aussi le spectacle Nebbia, production du Cirque Eloize (Canada) et du Théâtre Sunil de Lugano (Suisse). Robert Lepage considère qu’il y a des ressemblances entre la culture espagnole et la culture québécoise : « ce sont des sociétés qui ont subi un certain retard et nous avons eu en même temps une sorte de ‘movida` qui n’est pas encore finie ». Dans le domaine de la peinture, à Madrid, la Fondation Mapfre a organisé l’exposition L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 de libération) et il a envoyé devant les tribunaux Felipe Gonzalez, président alors du gouvernement espagnol. En tant que juge de l’Audiencia nacional, Garzon a fait arrêter quelque mille activistes de l’organisation ETA. Trois plaintes ont été déposées contre lui auprès du Tribunal suprême de Madrid. L’une porte sur d’éventuels honoraires qu’il aurait perçus pour des conférences données à New York sous le parrainage de la Banque Santander. L’autre, sur des écoutes téléphoniques qu’il aurait ordonnées dans le cadre des investigations sur le réseau de corruption du Parti Popular (droite) Gürtel. Et la troisième, sur sa décision d’enquêter sur les crimes du franquisme. Les organisations conservatrices l’accusent de prévarication pour avoir lancé, en octobre 2008, une investigation sur les crimes commis pendant la guerre civile espagnole alors qu’une loi d’amnistie les a effacés en 1977. 105 106 EUROPE Impressionnisme. Une nouvelle renaissance, et le Musée Thyssen-Bornemisza a proposé Monet et l’abstraction. Le Musée Guggenheim de Bilbao, en collaboration avec la Fondation Beyeler de Bâle, consacre une exposition au peintre français Henri Rousseau, dans le centenaire de sa mort. À la fin du printemps 2010, alors que la vie de l’écrivain portugais José Saramago, prix Nobel de littérature, qui avait élu domicile à l’île espagnole de Lanzarote, s’éteignait, deux intellectuels francophones ont été les lauréats d’une des récompenses les plus prestigieuses d’Espagne, le prix Prince des Asturies. Le sociologue français Alain Touraine est distingué par le prix Prince des Asturies « communication et humanités », tandis que l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf est distingué par le prix Prince des Asturies « des lettres ». Disparition L’écrivain castillan Miguel Delibes, considéré comme un “maître de la littérature espagnole du XXème siècle”, s’est éteint en 2010 à l‘âge de 89 ans à Valladolid, sa ville natale, au centre de l’Espagne. L‘écrivain était atteint d’un cancer depuis plusieurs années. L’hérétique, paru en 2000, est un des derniers romans de sa nombreuse œuvre, surtout des romans, traduits dans une trentaine de langues. Voilà comment il définissait son écriture : “Dans tous mes livres il y a quatre éléments essentiels: la nature, la mort, l’amour envers son prochain et l’enfance”. En 1993, il a reçu le prix Cervantès, le plus prestigieux prix littéraire de l’Espagne. Deux ans auparavant, il avait aussi obtenu le Prix National des Lettres Espagnoles. Miguel Delibes était membre de l’Académie de la Langue espagnole. Une dizaine de ses livres ont été adaptés au cinéma, comme par exemple le film dirigé par Mario Camus, Les Saints innocents. BIBLIOGRAPHIE Manuel FERNÁNDEZ ALVÁREZ, España. Biografía de una nación, Éd. Espasa-Calpe, Pozuelo de Alarcón (Madrid), 2010. Ignacio OLMOS et Nikky KEILHOLZ-RÜHLE (dirs.), La cultura de la memoria. La memoria histórica en España y Alemania, Éd. Iberoamericana & Vervuert, Madrid & Frankfurt am Main, 2009. Juana SALABERT, Hijas de la ira, Éd. Nocturna, Madrid, 2009. Clara SÁNCHEZ, Lo que esconde tu nombre, Éd. Destino, Barcelona, 2010. José SARAMAGO, Caín, Éd. Alfaguara, Grupo Santillana, Madrid, 2009. José SARAMAGO, Una balsa de piedra camino de Haití, Éd. Alfaguara, Grupo Santillana, Madrid, 2010. Jorge SEMPRÚN, Une tombe au creux des nuages. Essais sur l’Europe d’hier et d’aujourd’hui, Climats, Flammarion, Paris, 2010. Andrés TRAPIELLO, Las armas y las letras. Literatura y Guerra Civil (1936-1939), Éd. Destino, Barcelona, 2010. ITALIE L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Anna SONCINI FRATTA Professeur à l’Alma Mater studiorum — Università di Bologna [email protected] Les liens culturels entre le monde francophone et l’Italie ne sont certes pas mis aujourd’hui en doute, mais l’année écoulée paraît avoir mis l’accent sur une affinité de plus en plus nette entre la France et l’Italie et entraîné un intérêt moins affiché de l’Italie pour les pays francophones, les problèmes de ceux-ci étant souvent vus à travers le regard des Français. Du couple Sarkozy–Berlusconi aux débâcles du football, les deux pays paraissent rechercher une entente « visible », qui donne forme à l’entente implicite fondée sur la culture commune des siècles passés. C’est sans doute un mécanisme de crise identitaire de deux pays européens latins qui, par le truchement d’un resserrement des rangs, cherchent à se consolider face à l’Autre. Il en résulte une série d’activités bilatérales, dans tous les secteurs, à travers lesquelles on sollicite le public italien, en confon- dant souvent le monde francophone et le monde de l’Hexagone. Et dans ce cadre, c’est l’attention accordée aux jeunes qui se trouve généralement mise à l’honneur. Le question du territoire a absorbé de nombreux efforts. Ainsi, le projet Alcotra (qui couvre toute la frontière alpine entre les deux pays et a pour objectif d’améliorer la qualité de la vie et d’assurer le développement durable des systèmes économiques, culturels et territoriaux transfrontaliers) s’intensifie et souligne l’idée de « fare insieme » (faire ensemble). Il concerne surtout les jeunes pour lesquels on prévoit des séjours dans les deux pays, pour vivre ensemble le sport, la montagne et les courses d’orientation. De même, la France et l’Italie veulent protéger les « Bocche di Bonifacio » pour créer un parc maritime international entre la Sardaigne et la Corse et protéger ainsi des zones magnifiques en les plaçant sous la protection de l’Unesco. Les deux pays œuvrent conjointement pour préserver ce territoire du passage d’embarcations dangereuses, et demandent à l’Europe de solliciter à travers l’ONU la modification de la convention de Montego Bay, accord international sur le commerce. La question du territoire a retenu aussi grandement l’attention du fait des catastrophes naturelles, dans les Abruzzes. La France s’est dévouée à la reconstruction de l’église de « Santa Maria del Suffragio », et a suscité l’émotion lors du concert « Joue du français » à la Basilique de Collemaggio. De son côté, la ville de L’Aquila, encore traumatisée par le séisme qu’elle a subi en 2009, veut aider les habitants de Port-au-Prince, en Haïti. Toutefois, même si l’attention portée sur le territoire a rendu manifeste une volonté d’unir les pays, la culture garde toujours le rôle important que le temps, l’histoire et le voisinage lui ont conféré. Il n’y a presque plus de distance temporelle de nature à retarder la répercussion des idées du monde francophone en Italie. Le nouveau projet Delf Prim trouve très vite son application et depuis mai 2010, les jeunes italiens de 7 à 11 ans ont la possibilité d’obtenir une attestation de connaissance en langue française. Ce faisant, on souligne l’importance que revêt le fait de cultiver cette langue depuis le plus bas âge. C’est le renforcement d’une tradition, car, en Italie, les jeunes sont très sensibles à l’imaginaire francophone et ont, par exemple, assuré depuis longtemps le succès d’Anne Laure Bondoux, régulièrement traduite en italien. Capable d’émouvoir et de faire réfléchir par des problématiques importantes (comme l’immigration), constamment reliées à l’espoir, elle est venue cette année présenter la traduction de son dernier volume, Le Temps des miracles (Il figlio della fortuna), roman qui paraît obtenir, comme les autres, un grand succès. Aux jeunes sont aussi destinés, et de plus en plus, des cours bilingues, qui figurent au programme de nombreux masters dans toutes les disciplines (à Bologne, à Turin, entre autres) grâce auxquels les étudiants accèdent à un double diplôme, italien et français. Cultivé depuis l’enfance, le rapport à la langue française instille chez les jeunes l’idée d’un rapport naturel, élément important pour une jeunesse européenne de demain. Ce phénomène renforce des efforts faits depuis longtemps (sinon depuis toujours) et permet à l’enseignement de la langue française de garder un charme culturel important face à l’omniprésence de la langue anglaise. Peut-être c’est à cela que tient le succès des activités organisées en Italie et consacrées aux « Journées de la Francophonie », aux festivals des films francophones, aux colloques (La francophonie et l’Europe, Rome, mai 2010), de même qu’aux événements conviviaux comme les apéritifs à la française, à Rome. L’art aussi a fonctionné en tant qu’un instrument-image de l’affinité existante entre les deux pays, et la passionnante collection Farnèse offerte au public italien par l’Ambassade de France à Rome le démontre. Dans le domaine contemporain, l’«ARTour Italia-Francia», projet artistique destiné aussi à souligner l’entente, voit de nombreux artistes français (Michel Hergibo, Véronique Fanti, Isabelle Faucher) et italiens (Mauro Gliori, CateMaggia, Giovanni Marinelli ) se côtoyer et offrir une unité culturelle face à l’art moderne. Dans ce contexte, le monde francophone hors de l’Hexagone (présenté en tant que tel) ne trouve souvent sa place que dans le cadre universitaire ou éditorial. La mort, à 73 ans, de Sotigui Kouyaté, l’extraordinaire acteur africain, a trouvé, en général, des échos atténués, bien que sensibles, et cela surtout sur le net. Il est vrai que son film, « London River », pour l’interprétation duquel il avait obtenu le prix en 2009 au festival de Berlin, devait encore arriver en Italie (en août 2010). Le football en Afrique du Sud aurait-il créé une toile de fond qui, tel qu’un « papier absorbant », aurait tout essuyé ? Abandonnées les images d’identités spécifiques, aujourd’hui la multiculture affiche une image positive. Les problématiques paraissent collectives, mais la généralisation les rend parfois moins évidentes. Calixthe Beyala–la voix profonde de l’Afrique noire, selon un article de 2010–attire encore l’attention avec « Gli alberi ne parlano ancora » (sorti en traduction en 2007), mais seulement l’attention des critiques. A Palerme, on remet en scène Hilda de Marie Ndiaye, déjà présenté l’an passé, et même si la romancière voit, toutefois, aussi son dernier roman Trois femmes puissantes traduit par Giunti. J’avance l’hypothèse que ce sont surtout les problématiques liées à l’immigration, aux souffrances que l’homme peut infliger à un autre homme qui suscitent de l’intérêt. « Castelli in Afrique » (Châteaux en Afrique ) – un mélange de culture musicale « all’insegna della contaminazione » (sous le signe de la contamination) élargit son regard à toute la zone méditerranéenne. Le festival du cinéma africain s’est élargi à la participation de l’Asie, et de l’Amérique latine. Le regard lié à une région, à un pays, à une ethnie semble s’estomper. Quoi de neuf pour les identités ? 107 L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S 108 EUROPE PAYS-BAS Dr. Anne Marie GUINOUNE Dr. Jeanette den TOONDER Département des Langues et Cultures romanes, Université de Groningen [email protected] L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 L’état du français aux Pays-Bas Parler le français aux Pays-Bas jusque dans les années 60 était un signe de culture et d’éducation. Sans vouloir aller jusqu’à évoquer la langue de la diplomatie, le français avait une certaine cote. Cela faisait partie d’un capital intellectuel et sans doute désignait une appartenance à la bonne société. De nos jours la situation est bien différente. On note comme partout dans le monde un recul de l’apprentissage et de la maîtrise de cette langue. Ce petit pays connaît une situation géographique dont l’impact sur l’approche des langues étrangères est intéressant à relever. En effet il est sur une grande partie bordé par la mer ce qui signifie une grande ouverture au commerce. L’activité commerciale, on le sait, est renforcée quand la communication passe par la langue du client et de nos jours l’anglais domine les marchés. De l’autre côté, la frontière néerlandaise longe l’Allemagne, la Belgique flamande et wallonne, ce qui induit une proximité avec la langue allemande et l’on pourrait imaginer le français. Mais ce n’est pas si simple. On remarque que l’allemand comme le français est en perte de vitesse. Les Néerlandais, du fait d’une certaine proximité avec la langue allemande, auraient tendance à croire qu’ils possèdent cette langue, avis qui n’est pas partagé par les enseignants1. Quant au français, il ne s’agit que d’une petite partie des Pays-Bas, le sud du Limbourg, qui côtoie la Wallonie, et l’influence de la langue s’y fait effectivement un peu plus ressentir qu’ailleurs, nous y reviendrons. 2 Le français était enseigné dans certaines écoles primaires pendant les années 50 et 60, ensuite les enfants qui poursuivaient au HBS ou lycée classique pouvaient suivre 2 h de langue par semaine. Signalons d’ores et déjà qu’actuellement on en est dans le meilleur des cas à 1 h de cours par semaine. En 1986 l’anglais est devenu obligatoire dans l’ensemble des écoles élémentaires, quelques écoles ont continué à proposer le français comme première langue moderne, mais essentiellement dans la région du Limbourg. En 2004 le Ministère de 1. Selon les affirmations des collègues du département d’allemand. 2. Nous nous appuyons pour beaucoup de données sur le rapport commandité par l’Ambassade de France aux Pays-Bas à la Société VELP. MM. John de Jong et Peter Edelenbos. Mai 2007. l’Education nationale tente de relancer l’apprentissage du français et de l’allemand en primaire sous forme d’une approche plus ludique pour renforcer l’intérêt des enfants. Actuellement on enseigne le français dans 20 écoles (0,3%), les chiffres parlent d’eux-mêmes. Quelle est la situation dans l’enseignement secondaire ? L’introduction de la loi « mammoetwet » en 1968 va changer profondément la structure de l’enseignement dans les collèges et lycées. Deux points vont déterminer la position des langues : la suppression de l’obligation de l’apprentissage des trois langues scolaires traditionnelles (français, allemand, anglais) et sur le plan pédagogique le fait de privilégier l’aspect communicatif de la langue aux dépens des connaissances de la grammaire et de la traduction. Le système scolaire aux Pays-Bas se décompose en trois niveaux : VMBO : apprentissage pré professionnel (4 ans après le primaire). — HAVO : préparation sur 5 ans permettant d’accéder à un enseignement dans les écoles supérieures, IUT. — VWO : préparation sur 6 ans pour un parcours universitaire. On peut bien sûr comprendre que l’intérêt et la motivation d’apprendre le français ne seront pas les mêmes selon la filière choisie. Pour ce qui est du VMBO, seuls les élèves qui ont choisi le secteur de l’économie doivent obligatoirement suivre des cours de français ou d’allemand. Dans la pratique ils choisissent l’allemand3. Néanmoins on remarque que, jusqu’en 2002, 14 à 15% des bacheliers de cette filière ont opté pour le français au baccalauréat. Le pourcentage de bacheliers avec le français au baccalauréat dans le groupe des élèves du HAVO est inférieur à 20% et dans le groupe des élèves du VWO le pourcentage est un peu plus élevé, autour des 25%. On peut de manière générale parler d’une diminution du nombre d’élèves ayant choisi le français pour l’examen de fin de lycée mais également d’une baisse concernant leur niveau de maîtrise de la langue (Rapport de la Commission Néerlandaise Centrale des Examens 2006)4. Ceci est tellement remarquable qu’à partir de 2004 le niveau de l’examen a été réajusté. Le niveau d’expression orale en français après 6 ans de VWO semble, selon l’estimation faite par Levende Talen (2006)5, ne pas dépasser le niveau A1 du Cadre de référence européen. Cette 3. « Nabnieuwsbrief » Edition 8, n. 2. 2005. 4. CEVO (2006) Het niveau van de centrale examens in vwo en havo http://www.cevo. nl/9334000/d/2006niveauexamens-havovwo.pdf. 5. Revue professionnelle pour les enseignants de langues étrangères. chute du niveau s’explique par une approche de l’apprentissage du français que l’on pourrait qualifier de « saucissonnage ». En effet une répartition très curieuse est proposée aux élèves, à savoir la langue ne s’étudie que par la lecture, ou que par l’écoute. Les quatre compétences linguistiques classiques d’acquisition d’une langue (l’oral, l’écrit, la compréhension de l’écrit et l’écoute) ne sont plus exercées en même temps. L’effet négatif de cette séparation des compétences a d’ailleurs été signalé par la plupart des écoles, qui, en règle générale, ont repris la méthode antérieure. Une autre réforme qui a modifié la manière d’enseigner est l’introduction de la « Maison d’études », les élèves travaillent en petits groupes et font l’apprentissage de l’autonomie, ceci dans le but de les préparer à l’enseignement supérieur. L’enfant ne reçoit plus dans la plupart des cas des cours classiques avec la passation d’un savoir par l’enseignant mais il doit partir en recherche de ce dont il a besoin pour apprendre, comprendre et trouver la solution à un problème. Les publications concernant cette méthode sont plutôt sombres et pencheraient vers une évaluation négative concernant les connaissances acquises. Le français est considéré souvent par les élèves comme une langue difficile donc en l’absence de contrainte et de motivation, ils n’apprennent que le strict minimum pour réussir leur baccalauréat et évitent ce choix de langue quand ils le peuvent. A l’université la situation est également en train se dégrader. Jusque dans les années 60, peu de filles accédaient à l’enseignement supérieur et quand c’était le cas, elles allaient étudier une langue étrangère. Actuellement les filles se dirigent plutôt vers les facultés d’économie, de médecine, de droit. Devenir professeur de langue a perdu de son auréole. Aux Pays-Bas cinq universités forment des futurs enseignants du français (deux à Amsterdam, Groningen, Leiden et Nijmegen). Au milieu des années 90 plus de 1000 étudiants étaient inscrits, 10 ans plus tard le chiffre est tombé à 400. Dans les formations de type HBO6 préparant à l’enseignement pour les élèves ayant un diplôme de Havo, 7 instituts proposent le français. Le niveau des inscriptions semble demeuré stable. Les étudiants peuvent ensuite enseigner dans les collèges. Cette stabilité peut s’expliquer par les débouchés professionnels, on manque bientôt de professeurs de français dans les collèges. Dans les universités la situation est différente car si le parcours proposé aux étudiants ouvre un éventail de possibilités plus large (enseignants à tous les niveaux mais aussi autres secteurs professionnels comme par exemple l’édition), il est cependant plus contraignant dans le sens que les études ne débouchent pas directement sur un métier, l’étudiant devra lui-même créer son chemin. La question que l’on peut se poser est de savoir 6. Ecole supérieure/IUT. à quoi sert le français dans une perspective professionnelle, au 21ième siècle, dans un monde globalisé. L’anglais a pris les devants dans tous les domaines. Actuellement aux Pays-Bas l’enseignement dans beaucoup d’universités se fait en anglais, et cette tendance tend à devenir majoritaire. Le Néerlandais n’a-t-il pas d’amour pour sa propre langue ? En fait il est pragmatique avant tout, attaché à sa langue oui, mais que faire d’une langue parlée par si peu de monde ? Avec l’anglais l’ouverture devient mondiale et les chances de se profiler sur la scène internationale beaucoup plus importantes que ce soit dans l’accès à la littérature scientifique ou dans les contacts commerciaux ou diplomatiques. Cependant certains Néerlandais voudront un jour pénétrer le marché français et ils vont rencontrer une difficulté majeure à savoir que les Français ne parlent aucune langue étrangère, en tout cas c’est ce qu’ils croient ou prétendent. La solution à ce problème sera apportée dans les instituts privés. Le français est proposé parmi d’autres langues dans 86 des 111 Universités populaires, dans des instituts semi gouvernementaux telle que l’Alliance française qui compte 34 annexes, à la Maison Descartes et son annexe de Groningue, le Centre Culturel français, à quoi s’ajoute un nombre important d’instituts privés dispensant les langues étrangères et les cours particuliers. Dans ces centres se retrouve aussi un public francophile car la fascination des Néerlandais pour la France est réelle. Le Ministère du Tourisme annonce une diminution du nombre de touristes néerlandais depuis 2008, mais il n’en demeure pas que la France est la seconde destination de vacances après les Pays-Bas7. Le rêve pour certains de vivre comme « un dieu en France » explique la migration de 3 à 3500 Néerlandais tous les ans vers la douce France (CBS statistique). Douce France ? Il faut quand même remarquer que deux ans après l’immigration, 50% des Néerlandais sont retournés aux Pays-Bas et sept ans plus tard encore la moitié. Quant au nombre de résidences secondaires, les chiffres sont difficiles à obtenir. L’Institut d’Economie Agricole (Het Landbouw Economisch Instituut) après avoir recoupé des sources néerlandaises et françaises avance prudemment le chiffre de 20.000 Néerlandais qui, en 2005, possèdent une résidence secondaire. En conclusion, on doit reconnaître que le tableau est plutôt sombre en ce qui concerne le maintien du français à l’avenir. Que proposer ? Nous n’avons pas de solution, mais peut-être faudra-t-il accepter que les Néerlandais, eux qui lisaient toujours la littérature « dans le texte », l’abordent/l’aborderont à travers la traduction. Piètre consolation sans doute mais le plus important n’est-il pas de conserver coûte que coûte le contact entre les cultures? 7. Journal de Maison de France (Amsterdam) : Destinations des principales vacances, motivations et attentes des Néerlandais interrogés en février 2009. 109 L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S 110 EUROPE TURQUIE Halil AYTEKIN Université Ondokuz Mayis de Samsun [email protected] L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Une Turquie mosaïque L’année 2010 continue à marquer des évolutions importantes pour la Turquie. Du 1er juillet 2009 au 31 mars 2010, la Turquie a été l’invitée de la France avec la Saison de la Turquie en France. Dans le cadre de cette activité, Plus de 400 événements culturels, économiques et intellectuels ont donné l’occasion de découvrir l’effervescence, la jeunesse et la modernité de ce pays, trop méconnu en France et souvent réduit à de faux clichés. Préparée en étroite collaboration par la Fondation pour la Culture et les Arts d’Istanbul et Culturesfrance, sous l’égide des Ministères des Affaires Etrangères et des Ministères de la Culture des deux pays, la Saison de la Turquie en France a également révélé auprès du public, des liens historiques et vivants unissant la France et la Turquie, marqués par une amitié renouvelée remontant au XVIème siècle. Avec sa population très jeune et dynamique, la Turquie se définit non seulement par sa richesse patrimoniale et historique mais aussi par son dynamisme créatif, son évolution sociale et sa structure à multiples facettes. L’objectif de la programmation de la Saison de la Turquie en France était de manifester toute la diversité de sa culture en soulignant la volonté de changement et d’ouverture d’une Turquie mosaïque et mettre en exergue l’apport de la Turquie à la culture européenne. La Saison de la Turquie en France s’est maintenue bien au- delà de mars 2010 grâce aux nombreuses collaborations artistiques franco-turques programmées à Istanbul, capitale européenne de la culture en 2010 et à Marseille, capitale européenne de la culture en 2013. Istanbul, seule ville au monde à la rencontre de deux continents, l’Europe et l’Asie, est devenue Capitale Européenne de la Culture 2010. Ce statut est très intéressant pour les villes retenues, car il attire les touristes et s’accompagne d’un soutien financier de l’Union européenne aux projets culturels des municipalités. Le 16 janvier, la Turquie a fait la fête sur les bords du Bosphore. Istanbul a donné le coup d’envoi à une année de manifestations artistiques organisées dans le cadre de ce statut de capitale européenne de la culture 2010 (avec Essen en Allemagne et Pécs en Hongrie). Les stambouliotes ont célébré leur nouveau titre sous les embrasements pyrotechniques, organisés notamment par une société française qui a signé partout plusieurs inaugurations d’événements sportifs (Jeux olympiques, Mondial). Les rives du Bosphore se sont éclairées d’un événement grandiose aux significations profondes. Feux d’artifice, spectacle sons et lumières et, partout dans la ville, des manifestations : défilé de musique militaire ottomane, spectacle de montgolfière, toutes sortes de musiques. Les musées sont restés ouverts jusqu’à minuit. Dans cette ouverture grandiose, populaire et multiforme, la réception de 5.000 invités en présence du président Abdullah Gül et du Premier ministre Erdoğan, apparaît comme un simple marqueur protocolaire. La métropole turque, qui espère accueillir avec 170 événements culturels dix millions de touristes étrangers en 2010, travaille sur divers chantiers de mise en valeur de son patrimoine historique. A titre de comparaison, l’ancienne capitale des empires romain, byzantin et ottoman a accueilli 7,5 millions de touristes en 2009. 2010 était pour Istanbul la dernière chance d’être désignée comme capitale européenne de la culture. En effet, à partir de 2011, seules des villes situées dans l’Union européenne seront éligibles. Avec ses 14 millions d’habitants, Istanbul est la plus grande ville de Turquie, mais n’en est cependant pas la capitale, laissant ce privilège à Ankara. Elle est l’une des plus grandes agglomérations d’Europe, et constitue le principal pôle économique du pays. En plus, il existe dans la ville une centaine de galeries d’arts, dont certaines immenses, et plusieurs centres d’arts. Souvent, les galeries disposent de cafés qui sont des lieux vivants de rencontre, d’échange entre les artistes et amateurs d’art. La plupart des banques turques disposent de leurs propres galeries et de collections d’œuvres d’art et il existe même entre elles, au delà de leur concurrence financière, une compétition artistique, devenue de plus en plus importante pour leur image de marque et leurs actions de relations publiques. Cette richesse vient confirmer une dynamique culturelle unique dans le monde musulman et plus qu’appréciable à l’échelle européenne et méditerranéenne. Activités francophones en 2010 L’institut français entretient toujours des relations de partenariat avec les universités publiques et privées d’Istanbul et de sa région. Il est prêt à donner sa contribution pour les activités organisées par les départements de français et de pédagogie et même dans certaines villes où ces départements n’existent pas. Il fait tout son possible pour créer des espaces francophones, non seulement avec les universités mais aussi avec les lycées et écoles bilingues. En avril 2010, une conférence organisée par l’Université Hacettepe à Ankara a permis à Henriette Walter de traiter le thème le français dans tous les sens. Le concours de photographie de l’université A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S Galatasaray, «la France et la Francophonie en Turquie» s’adressait à l’ensemble des apprenants de français, qu’ils soient dans les lycées francophones ou dans les départements de français des universités de Turquie. Une conférence s’est déroulée en mai à Istanbul sur Hippolyte D. Berteaux, Peintre De Cour et Le Passage D’Atlas. Le peintre français Hippolyte D. Berteaux (1843-1928) figure parmi les plus importants artistes de son époque. Nombre de musées, en France, témoignent de son talent et l’Hôtel de ville de Paris possède de lui un superbe panneau décoratif, Paris en fête. Il a également séjourné à Istanbul dans les années 1870 et a décoré, entre autres, les murs de la maison d’hiver d’Agop Köçe(k)oğlu sur la rue Pera. On n’a pas oublié le nom de Pierre Loti. Un colloque sur Pierre Loti et les orientalistes et la fin du néo-romantisme a eu lieu en mai, en même temps que la troisième édition du Festival international de poésie d’Istanbul. Plus de quarante poètes sont venus du monde entier, dont Marc Delouze. Ces maîtres de poésie ont rencontré les amateurs dans divers lieux historiques et culturels d’Istanbul. Toujours en mai, rencontre avec Sylvie Germain à l’occasion de la sortie en turc de son livre Magnus, paru aux éditions Can. 111 Le 10 mai a été le témoin d’une belle soirée avec des chansons françaises: Danny Brillant, figure de la scène française très appréciée en Turquie, a rencontré ses fans à Istanbul. Les Journées Documentaires d’Istanbul ont proposé en juin aux cinéphiles les œuvres cinématographiques les plus récentes. Parmi les expositions, dont celle du photographe français Bruno Barbey, celle des travaux de l’architecte urbaniste français Henri Prost sur les plans d’aménagement d’Istanbul en 1936 a tout particulièrement retenu l’attention. POLITIQUE La Turquie passe une période importante sur le plan politique. Les cérémonies de commémoration du 95ème anniversaire de la bataille des Dardanelles, ont été marquées cette année par une importante participation française avec la présence de l’aviso “Commandant Ducuing», commandé par le capitaine de corvette Jean-Olivier Grall, et celle de la musique militaire de la Région Terre. Outre Valérie Pécresse, Rachida Dati, Bernard Kouchner, visiteurs français en mission, Jacques CHIRAC, ancien Président de la République Française, a effectué une visite en Turquie au mois de mai, à l’occasion de la remise du titre de docteur honoris causa par l’Université Galatasaray. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1 Avenue Istiklal, Istanbul.