BIBLIOGRAPHIE - Département d`information et de communication

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BIBLIOGRAPHIE - Département d`information et de communication
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vin en Géorgie : l’organisation internationale de la
vigne et du vin (OIV) a naturellement choisi Tbilissi
pour son symposium annuel : conférences, visites de
vignobles et de chais, projection du film de Pierre
Gotchel « Pour l’amour du vin », tourné en Kakhétie pour Arte. Encore un domaine où Géorgiens et
Français rivalisent pacifiquement, verre en main.
L’école française du Caucase, démarrée discrètement en 2007 par de petites classes, dans
les locaux du Centre Culturel Français Alexandre
Dumas, devient grande. Les nouveaux bâtiments
du magnifique Parc Vaké formeront bientôt de
multiples générations de Sud Caucasiens à la
francophonie.
Le Centre médical de Gourdjaani, en Kakhétie,
ouvert grâce au soutien financier du Conseil Général de l’Yonne, est déjà trop petit : la première
pierre de l’extension est posée. Soutien financier,
soutien médical, mais aussi échanges car la Géorgie bénéficie d’une très ancienne tradition médicale francophile. L’implication de nombreuses
institutions géorgiennes et françaises, ainsi que
le parrainage de nombreuses sociétés privées ont
permis ce succès, il faut néanmoins citer en premier lieu le Centre Culturel Français Alexandre
Dumas de Tbilissi. BIBLIOGRAPHIE
Un classement de 300 livres, revues ou journaux, en
langue française, concernant la Géorgie, a été défini sur le site Internet du Comité de Liaison pour la
Solidarité avec l’Europe de l’Est.
Il est structuré en dix catégories, arts et traditions,
géographie, guides touristiques, histoire, langue
géorgienne, littérature, politique et géopolitique,
religions, revues et journaux, divers.
Il est accessible par le lien http://www.colisee.org/article.php?id_article=1682
La vigne de Géorgie, toute une histoire (photo M Meloua)
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Le théâtre, si populaire en Géorgie, a permis de
donner des représentations de Françoise Sagan
(« L’écharde » rebaptisée « Le chant du cygne » par
Nugzar Bagration-Gruzinski), de Félicien Marceau
(« L’oeuf » mis en scène par Sandro Mrevilishvili),
d’Eric-Emmanuel Schmitt (« Le visiteur » mis en
scène par Gotcha Gorgoladzé) ou d’Eugène Ionesco (« Les chaises »).
Une soirée exceptionnelle « L’homme qui parle
à la pluie parisienne du soleil tbilissien » a été
réservée en l’honneur de Georges Ekizachvili,
professeur de littérature française à l’université
de Tbilissi ; les anciens élèves de cette université,
diplômés de langue française (FLE / LEA), ont tenu
à créer leur Association.
Les capitale régionales n’ont pas voulu être en
reste et ont organisé leur fête de la francophonie,
le 9 mars pour Batoumi en Adjarie, les 20 et 22
mars pour Koutaïssi en Imérétie.
Un second temps fort, du 20 juin au 2 juillet
2010, a proposé des polyphonies corses et géorgiennes, du théâtre, des fêtes musicales, le symposium international du vin, un nouveau bâtiment
de l’Ecole française du Caucase et une extension
de Centre médical. Les ensembles corses Spartimu,
géorgiens Simi et Basiani ont rivalisé de vocalises,
pacifiques, même si parfois la polyphonie à trois
voix magnifie les départs en guerre.
La compagnie Presto Andate, habituellement
en résidence dans l’Ouest français, est venue
apporter les lumières du spectacle « Où es-tu ? »,
à la grande joie de son directeur, Alexis Djakeli,
d’origine géorgienne.
Jazz et rock se sont conjugués dans les deux
langues, avec le sextuor Silvain Bœuf, le groupe
Lartigo, le groupe Lo Jo et Niaz Diassamidze, le
quintet Akpé Motion et Isabelle Poinloup, le Big
Band de Tbilissi.
Les anciens Grecs disaient avoir découvert le
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EUROPE
GRECE
Rédaction
Année francophone Internationale
[email protected]
Jamais sans doute dans l’histoire d’un pays l’actualité
aura été à ce point focalisée sur l’économie... et ses
conséquences politiques, en Grèce et dans toute l’Europe. La réaction sociale ne s’est pas faite attendre.
Histoire d’une tentative de sauvetage économique à
rebondissements et soubresauts, qui marque et marquera la Grèce pour longtemps.
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Après dix années de croissance soutenue, à plus de
4% par an, la Grèce est entrée en récession en 2008,
pour afficher un recul du PIB de 1,5% en 2009, et un
taux de chômage remontant au-dessus de 10%. Les
deux moteurs traditionnels de l’économie grecque,
investissements et consommation privée, ont connu
des ratés en même temps: chute des investissements
de 15% pour le tourisme et 20% pour la marine marchande, baisse de 40% des ventes automobiles et
de 30% du bâtiment. Le nombre des impayés dans
les banques est multiplié par trois. Les impôts ne
rentrent plus. L’Etat, qui n’a pas réduit son train
de vie, entre dans une mauvaise passe. D’autant,
qu’avec l’aide de la banque Goldman Sachs, il a
réussi à mentir sur l’état de sa dette réelle: depuis
dix ans, selon les spécialistes, la Grèce a réussi à
«cacher» chaque année plus de 2% d’écart entre le
déficit réel et le déficit déclaré à Bruxelles! La dette
«pour de vrai» dépasse donc les 120% du PIB, et le
déficit annuel voisine les 13%.
La gauche pour l’austérité
C’est dans ces conditions que la Grèce change de
dirigeants. Le parti de gauche traditionnel, le PASOK,
remporte une claire victoire aux élections d’octobre
2009, et s’octroie, avec 44% des voix, une majorité
de 160 sièges sur 300, qui va permettre à Georges
Papandreou de revenir aux affaires . La droite au pouvoir (Nouvelle démocratie) a été laminée (un tiers des
suffrages) et c’est le parti d’extrême droite LAOS qui
progresse à 5,6% derrière le PC stable à 7,5. L’ancien
premier ministre Costas Caramanlis se retire de la
direction de son parti, qui lors d’un congrès extraordinaire, désigne Antonis Samaras, ancien ministre
de la Culture, comme son nouveau leader, à présent
dans l’opposition.
Conscient de la situation réelle du pays, Georges
Papandreou présente un plan d’action et de réformes,
et un budget, visant à contenir et réduire les déficits: 8,7% du PIB en 2010 contre 12,7 en 2009, avec
promesse de réduire encore jusqu’à 2,8% en 2012.
Mais en décembre, les agences de notation font feu
sur la Grèce: Fitch Ratings baisse la note de A- à
BBB+, Standard & Poor’s fait de même huit jours
plus tard, et Moody’s baisse la sienne de A1 à A2 . Le
gouvernement sent bien qu’il faut aller plus fort: le
2 février, il gèle tous les salaires publics au-dessus
de 2000€, déclenchant une première grève générale
le 24 février. Le 5 mars, il gèle les pensions, réduit
de 30% les primes du secteur public, monte la TVA
à 21%, augmente les taxes sur l’essence, le tabac et
l’alcool (enjeu de 4,8 milliards d’euros), déclenchant
une nouvelle grève le 11 mars.
La Grèce parvient à emprunter pour ses fins de
mois, mais à des taux qui ne cessent de grimper
pour elle (3,65% contre 1,67 un an plus tôt), et le
premier ministre menace alors de s’adresser au FMI
(une honte, pour un pays européen!)
Malgré les réticences allemandes et les valseshésitations de différents pays, devant les menaces
directes en cascade sur l’euro, les dirigeants européens adoptent début avril un plan d’aide à la Grèce
d’environ 30 milliards, qui repose sur des prêts bilatéraux, dont la Grèce demande le déclenchement fin
avril 2010, au moment où Standard & Poors rétrograde la note des obligations portugaises, puis espagnoles. La Banque centrale européenne apporte un
soutien technique en acceptant les obligations de
la dette grecque.
Manifestation monstre à Athènes le 1er mai, suivie
le lendemain, le même jour que le déblocage du plan
d’aide européen, de l’annonce du quatrième plan
d’austérité, qui frappe tous azimuts:
- suppression des 13e et 14e mois dans la fonction publique, compensée par une prime annuelle
de 1 000€ pour les fonctionnaires gagnant moins
de 3 000€
- gel des salaires des fonctionnaires pendant trois
ans
- renforcement de la flexibilité du marché du travail (en clair: facilités pour licencier), contre le maintien du 13ème mois dans le secteur privé
- durée de cotisation pour une retraite à taux plein
portée de 37 annuités à 40 annuités en 2015
- ouverture à la concurrence dans des professions
fermées
- taxe sur les résidences illégales
- nouvelle hausse de la TVA de 21 à 23%
Une manifestation tourne mal
Le 5 mai, troisième grève générale qui tourne mal:
trois employés d’une banque sont tués dans l’incendie causé par un cocktail molotov. La tension ne
cesse de monter sur les marchés, et l’Europe hausse
son plan de soutien à la Grèce à 110 milliards de
prêts sur trois ans, puis pour éviter la contagion à la
péninsule ibérique, voire à l’Italie, annonce se doter,
en coopération avec le FMI, d’un fonds de stabilisation de 750 milliards d’euros (440 venant des Etats,
250 du FMI, et 60 empruntés). En outre, la Banque
centrale européenne permet aux banques centrales
nationales de la zone d’acheter de la dette publique
et de la dette privée sur les marchés secondaires.
A court terme on assiste à un très fort soulage-
ment des marchés. Le lundi 10 mai, le CAC 40 gagne
9.66%, le DAX allemand 5.30 % et le Dow Jones américain 3.90%. Les valeurs bancaires sont particulièrement à la hausse, car elles vont pouvoir apporter
les emprunts publics les plus « risqués » à la BCE.
Cela n’empêche pas les notes de la Grèce de chuter
encore: à Ba1 pour Moody’s, BB+ pour S&P, BBB- pour
Fitch. Cela n’entame pas la détermination des Grecs,
qui mènent le 8 juillet leur sixième grève générale
contre l’austérité.
Les satisfecits de l’Europe et du FMI stabilisent
un peu les attaques contre la Grèce, en difficultés
malgré tout fin juillet par une grève du transport
aérien puis une pénurie de carburant créée par une
grève des chauffeurs routiers. Le tourisme a chuté
de 10%, la FNAC fermé ses trois magasins d’Athènes,
le PIB attendu pour 2010 est à -4%, et si on prévoit
+1 en 2012, on passera par–2,6 encore en 2011. La
totalité de l’ardoise est loin d’être apurée.
Après avoir remanié son gouvernement le 7 septembre, et accueilli une nouvelle délégation d’inspecteurs de l’Union européenne, du FMI et de la BCE,
tout en repoussant à 2014 l’objectif de passer sous
les 3% de déficit budgétaire, le Premier ministre
affiche sa confiance pour atteindre à présent les
conditions des bailleurs internationaux «sans avoir
à imposer de nouvelles mesures d’austérité».
Ceci ne l’empêche pas de tenir des propos tranchants: «Nous luttons pour la survie de la Grèce. Soit
nous gagnons ensemble, soit nous sombrons ensemble».
Selon un sondage du journal grec Ethnos, 58,8% des
Grecs pensent que le pays sortira de la crise contre
36,6% qui estiment qu’il fera banqueroute. L’avenir
n’est pas encore écrit.
Dans l’attente, les Grecs vont entamer une autre
rude bataille, contre le tabagisme. Début septembre
est entrée en vigueur une nouvelle loi bannissant le
tabac des lieux publics, censée imposer le respect
d’une interdiction datant de juillet 2009, mais restée
virtuelle dans un pays qui détient le record européen
de tabagisme.
POLITIQUE EXTERIEURE
Les contingences économiques et sociales n’ont
pas empêché la Grèce de célébrer le 30ème anniversaire de la signature de son Traité d’adhésion aux
Communautés européennes (28 mai 1979), même
si l’adhésion n’a été effective qu’en 1981, et dans
ces préoccupations européennes figure la question
de l’immigration: la Grèce est devenue le principal
point d’entrée de l’immigration illégale dans l’espace
Schengen avec près de 150.000 interpellations
annuelles. Pour lutter contre l’immigration irrégulière, une opération spécifique a été menée depuis
le printemps 2009 tout au long des côtes insulaires
grecques. Le pays a formé avec l’Italie, Chypre et
Malte le « Groupe des Quatre » qui entend mettre en
place une coopération spéciale pour lutter contre le
phénomène de l’immigration clandestine.
Les autres priorités de la politique extérieure
grecque concernent la stabilisation de son environnement, qu’elle voir passer par l’européanisation
de ses voisins, Turcs en tout premier lieu. Athènes
soutient l’adhésion d’Ankara (sous réserve que les
Turcs acceptent la normalisation des relations avec
Chypre), d’autant que les échanges économiques
avec la Turquie ont doublé en deux ans pour atteindre
6 milliards de dollars en 2009. La Grèce et la Turquie
ont signé de nombreux accords bilatéraux sur des
sujets aussi divers que la promotion et la protection des investissements, les doubles impositions,
le commerce, les interconnections énergétiques, les
réseaux routier et ferroviaire, la culture ou l’environnement.
Le déplacement du nouveau Premier ministre
grec à Istanbul, juste après sa prise de fonctions,
témoigne de cette volonté d’améliorer les relations
avec Ankara. A l’occasion de son premier déplacement à Chypre, Papandreou a rencontré le Président
de la République chypriote, Dimitris Christofias, ainsi que les principaux partis politiques. Il a réaffirmé
le plein soutien de la Grèce au processus de négociation intra-chypriote en vue d’aboutir à la constitution
d’une fédération bi-zonale et bi-communautaire.
Pour Athènes, la principale question en suspens
est la question de la dénomination de l’Ancienne
République yougoslave de Macédoine (ARYM). Elle
maintient ses positions sur ce litige (le choix d’un
nom « utilisable et utilisé ») tout en rappelant son
souhait d’établir de bonnes relations entre les deux
pays. D’autres éléments fâchent la partie grecque:
l’utilisation par Skopje de certains symboles (le
« soleil de Vergina », par exemple, qui est un motif
décoratif découvert dans la tombe de Philippe
II en territoire grec) ou de noms de personnages
(notamment pour renommer un certain nombre
d’ouvrages publics) qu’Athènes considère appartenir
au patrimoine grec. La Grèce a opposé son veto, en
avril 2008, au sommet de Bucarest, à l’entrée du
pays dans l’OTAN. Un processus de négociations pour
résoudre la question de la dénomination constitutionnelle de l’Etat est actuellement en cours sous les auspices de l’ONU et de son médiateur, Matthew Nimetz.
Traditionnellement présente dans les Balkans,
la Grèce, qui a exercé la présidence de l’OSCE en
2009, soutient l’adhésion à l’Union européenne de
l’ensemble des pays de cette zone sur la base du principe de pleine adaptation aux valeurs européennes.
Elle voit dans le processus d’élargissement la possibilité de stabiliser son environnement régional et de
favoriser le règlement des différents bilatéraux. Elle
est donc très favorable à la libéralisation des visas
avec les Etats des Balkans et attache une importance
particulière à ce que la Serbie fasse partie de la première vague de cette libéralisation.
Georges Papandreou s’est d’ailleurs rendu, dès
le lendemain de sa prise de fonctions, à Istanbul
pour assister à une réunion informelle du processus
de coopération balkanique. A l’origine de «l’Agenda
de Thessalonique pour les Balkans occidentaux» en
2003, le Premier ministre a proposé la rédaction
d’une feuille de route qui viserait à l’adhésion pleine
et entière de tous les pays balkaniques d’ici septembre 2014, date du 100ème anniversaire du début
de la Première Guerre Mondiale. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
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EUROPE
HONGRIE
Dávid SZABÓ
Directeur du Centre Interuniversitaire
d’Etudes Françaises (CIEF)
Université Eötvös Loránd, Budapest
[email protected]
Avec le concours de Boris Trechniewski
Directeur adjoint du CIEF
POLITIQUE ET ECONOMIE
Le pire avait été évité en 2008-2009 : grâce au
soutien financier international et aux mesures
prises par le gouvernement de crise de Gordon
Bajnai, la Hongrie s’est débarrassée – ou presque –
de son statut d’« économie malade ». Mais la crise
économique mondiale n’avait pas épargné le pays,
déjà dans une situation délicate avant son éclatement : l’année 2009 s’est soldée par une baisse
considérable (-6,2 %) du PIB, une inflation à la
hausse par rapport au premier semestre (4,2 %)
et un taux de chômage record (11,4 %).
HONGRIE
GEOGRAPHIE
La République de Hongrie est un pays d’Europe
centrale, entouré par l’Autriche, la Slovaquie, l’Ukraine,
la Roumanie, la Serbie, la Croatie et la Slovénie.
HISTOIRE
Vers 896 Arrivée des Hongrois dans le bassin des
Carpates
1000 Couronnement d’Etienne Ier, premier roi chrétien
1458-90 Epanouissement de l’humanisme et de la Re-
naissance sous le règne du roi Matthias
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1526 L’armée hongroise est écrasée par les Turcs à Mo-
hács, le pays perd progressivement son indépendance
au profit des Habsbourg et de l’empire ottoman
1686-99 Toute la Hongrie tombe sous domination
autrichienne
1848-49 Révolution et guerre d’indépendance écrasées
avec l’aide du tsar russe
1867 Création de la monarchie austro-hongroise
1920 Deux tiers de son territoire sont enlevés à la Hongrie par le traité de Trianon
1947-49 Le parti communiste prend progressivement
le pouvoir
1956 Les « événements de Budapest », révolte écrasée
par l’armée rouge
1958 Exécution de l’ancien premier ministre Imre Nagy
1963-88 Libéralisation progressive du régime
communiste
1989 Chute du régime communiste, proclamation de la
République de Hongrie
1999 La Hongrie joint les rangs de l’OTAN
2004 La Hongrie entre dans l’UE et intègre l’OIF comme
état observateur.
Pourtant, l’économie hongroise commence à
mieux respirer : au premier trimestre 2010, on a
enregistré une croissance de 0,9 % du PIB par rapport au dernier trimestre de 2009. Mais il faut également payer le prix du redressement économique :
le chômage a atteint en 2010 un taux record de
11,8 % et une hausse modérée de l’inflation est
pronostiquée pour l’année en cours (4,9 %).
Depuis la chute du gouvernement socialiste
minoritaire du très impopulaire Ferenc Gyurcsány
au printemps 2009 et le cuisant échec des socialistes et de leurs alliés libéraux aux élections
européennes, tout le monde savait en Hongrie
que les élections législatives du printemps 2010
ne seraient qu’une « pure formalité » et mettraient
fin à huit années – économiquement désastreuses
et politiquement chaotiques – de gouvernement
socialiste. Les élections, qui ont eu lieu les 11 et 25
avril, n’ont pas démenti les pronostics. Le parti de
centre droite de Fidesz (avec 52,7 % des suffrages
au premier tour) – en coalition avec les démocrates-chrétiens – a obtenu en effet un peu plus
de la majorité des deux tiers des sièges au parlement, une majorité qui pourrait leur permettre
le cas échéant de modifier la Constitution. Les
socialistes (19,3 % au premier tour et 59 sièges)
ont été réduits en un parti moyen, alors que leurs
alliés traditionnels, les libéraux de gauche de
SzDSz, avaient été incapables de présenter une
liste indépendante : alliés cette fois-ci du parti
de centre droite de MDF, autre grand parti de
l’époque du changement de régime (1990), ils
n’ont pu qu’assister ces derniers dans leur disparition du parlement.
A l’instar du précédent, le nouveau parlement
se compose aussi de quatre partis, SzDSz et MDF
ayant été remplacés par Jobbik (extrême droite,
47 sièges) et LMP (centre gauche à tendance écologiste, 16 sièges). Ces deux partis, formés dans
les années 2000, sont de nouveaux venus sur la
scène politique magyare : tandis que la montée
des extrémistes est un signe inquiétant, le succès
très inattendu de LMP (sigle de Lehet Más a Politika
= la Politique Peut être Différente) a de quoi rassurer, d’autant plus que les extrémistes semblent
actuellement complètement isolés au parlement.
Une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement de Viktor Orbán, formé le 29
mai, a été de voter une nouvelle loi permettant
aux Hongrois de souche vivant dans les pays limitrophes d’obtenir la double nationalité, ce qui a
provoqué une vive polémique avec la Slovaquie.
Par contre, la volonté du nouveau gouvernement
de prolonger l’accord avec le FMI a été rassurant
pour les marchés économiques. Une des tâches
les plus importantes du gouvernement Orbán sera
de préparer la présidence hongroise de l’Union
Européenne prévue pour le premier semestre 2011.
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français-hongrois, en faisant ainsi le bilan des
vingt années écoulées depuis le changement de
régime, alors que le printemps a été marqué par
deux colloques importants organisés par l’Université de Pécs, capitale européenne de la culture :
la 10e édition des Journées d’Études Françaises
et le séminaire annuel des doctorants en français
des pays de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie). Par ailleurs, l’Institut
Français de Budapest a contribué aux débats sur
l’Europe en organisant des soirées débats, associant des intellectuels français et hongrois, invités
à réfléchir sur les questions de gouvernance dans
l’Union Européenne.
Dans le domaine des beaux-arts, un des événements « francophones » majeurs de l’année a été
l’exposition De Degas à Picasso, inaugurée au Musée des Beaux-Arts de Budapest le 28 janvier, qui
présentait des chefs-d’œuvre (majoritairement)
français de la collection du Musée Pouchkine de
Moscou. Le Pont des Chaînes à Budapest (photo Natasa Szab¢)
SOURCES
Központi Statisztikai Hivatal (Bureau central des Statistiques de Hongrie)
Magyar Nemzeti Bank (Banque nationale de Hongrie)
http://ambafrance-hu.org (site de l’Ambassade de
France en Hongrie)
LETTONIE
Antoine JACOB
Journaliste, auteur de Les pays baltes
(Lignes de repères, 2009)
[email protected]
Empêtrée dans une profonde crise économique, la
plus grave depuis son retour à l’indépendance il y
a deux décennies, la Lettonie tente difficilement
de s’en sortir. La population courbe l’échine, tout
en retrouvant certaines valeurs de solidarité. Les
forces politiques, grandement discréditées, se
sont alliées dans le but de se maintenir au parlement lors des législatives d’octobre 2010. Scrutin
qui pourrait voir – une première – l’entrée au gouvernement d’un parti représentant l’importante
minorité russophone.
Dans ce pays balte, membre de l’Union européenne (UE) depuis mai 2004, le mot krīze est sur
toutes les lèvres. La crise affecte tous les secteurs
de l’économie et de la société. Des hôpitaux ont dû
fermer leurs services d’urgence, des écoles ont été
condamnées, des projets culturels gelés ou aban-
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CULTURE ET ENSEIGNEMENT
Parmi les événements de la vie culturelle particulièrement riche de Budapest et de la Hongrie,
nous nous concentrerons sur ceux relatifs à la
francophonie. La Fête de la Francophonie 2010
s’est déroulée du 5 au 27 mars 2010 à Budapest
et dans les grandes villes du pays. C’est dans ce
cadre qu’a eu lieu le 26 mars dernier la sixième
session de la grande dictée francophone de Hongrie organisée par le Centre interuniversitaire
d’études françaises, à laquelle ont participé plus
de 500 lycéens, étudiants et professeurs. Les dictées, extraites de romans de la littérature suisse
francophone (extraits d’œuvres de Nicolas Bouvier
et d’Albert Cohen), ont été lues par les épouses
de l’ambassadeur de France et de l’ambassadeur
du Canada en Hongrie, ainsi que par la Consule
de Suisse en Hongrie. En outre, suite aux succès
rencontrés les années précédentes, l’Institut français de Budapest a accueilli l’émission de France
culture « Les Papous dans la tête ». De même, cette
année, le public hongrois a pu découvrir les poètes
de l’Oulipo qui, pour l’occasion, s’étaient associés
avec des poètes hongrois lors de trois soirées de
lecture, à Budapest, Szeged et Győr.
Dans le cadre de ses actions de coopération
éducative, l’Ambassade de France en Hongrie soutient depuis bientôt quatre ans un projet de mise à
disposition de ressources numériques, coordonné
par le CIEF, pour un ensemble d’établissements
actifs dans l’enseignement de la langue française.
Des fiches pédagogiques s’appuyant sur ces ressources ont été créées par un groupe de professeurs et sont accessibles en ligne sur le site www.
franciaoktatas.hu.
L’Université de Budapest ELTE et le CIEF ont
eu le privilège d’accueillir le spectacle l’Éloge
de la Pifométrie (http://www.pifometrie.net), le
22 février dernier, offrant ainsi à cette pièce de
théâtre l’occasion de se produire pour la première fois à l’étranger. En novembre dernier, le
CIEF a organisé un grand colloque sur la lexicographie et la traduction littéraire dans le domaine
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EUROPE
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A Riga, la future Bibliothèque nationale est le seul grand chantier
à avoir été épargné par la crise.
donnés, les universités ont réduit leurs activités,
il y a moins d’argent pour la recherche… lorsqu’il
en reste. Sans parler des entreprises en faillite
et des ménages qui ne peuvent plus faire face au
remboursement de leurs emprunts, contractés à
la « belle époque », celle où les banques – essentiellement nordiques – incitaient des clients souvent naïfs à s’endetter sans même vérifier leur
solvabilité.
Cette déconfiture est le résultat d’une chute
vertigineuse du Produit intérieur brut (-18% en
2009), combinée à une politique d’austérité
menée par le gouvernement de centre-droite. Ce
dernier, dirigé par Valdis Dombrovskis depuis
février 2009, n’a, il est vrai, quasiment aucune
marge de manœuvre. Il se doit de respecter les
engagements pris par son prédécesseur – faire
l’équivalent de 700 millions d’euros d’économies
par an de 2009 à 2011 – en échange d’un plan de
sauvetage international de 7,5 milliards d’euros.
Ce plan fut lancé en octobre 2008 pour éviter
l’écroulement du secteur bancaire letton après la
faillite d’un de ses principaux acteurs, la Parex
Banka. On craignait alors qu’un tel scénario, s’il
avait lieu, ne se reproduise ailleurs en Europe
orientale ou centrale.
Cette intervention eut l’effet escompté, même
si la crise lettone fit indirectement tache d’huile
chez ses cousines baltes (Lituanie, Estonie). La
dévaluation de la monnaie lettone, le lats (lié
à l’euro), n’eut pas lieu, déjouant ainsi certains
pronostics et des recommandations faites dans
l’espoir de doper les exportations du pays. C’est
que Riga veut préserver ses chances d’entrer dans
la zone euro, peut-être en 2014. En accord avec
le Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement Dombrovskis a donc choisi de mener
une politique de déflation interne. Avec pour
conséquence, une baisse des prix mais aussi des
salaires (la plus forte au sein de l’UE en 2009) et
donc de la consommation et, au bout du compte,
du niveau de vie général.
L’un des problèmes pour la population de
2,3 millions de personnes, c’est que l’inflation
donnait, à l’été 2010, de sérieux signes de reprise,
tandis que les salaires continuaient à diminuer,
dans le but de rendre l’économie locale plus
compétitive… Au cours du 1er trimestre, ceux-ci
ont chuté de 14% dans le secteur public, après
une baisse supérieure à 20% en 2009 (succédant
à des hausses annuelles supérieures à 20% durant
la période de surchauffe!). L’inflation, elle, dopée
par des facteurs extérieurs, pourrait atteindre les
2% d’ici fin 2010, alors qu’une très timide reprise
se profilait (+0,1% du PIB au 1er trimestre). Pas
de quoi alléger la vie du Letton moyen. A l’été
2010, le nombre de sans emploi atteignait près de
20% de la population active (avec des indemnités
chômage réduites).
Dans un tel contexte, les Lettons – y compris les
plus qualifiés – ont tendance à vouloir chercher un
travail à l’étranger. Certes, la récession existe ailleurs. Mais nombreuses sont les familles lettones
dont au moins un membre est parti tenter l’aventure à l’étranger. S’il n’existe pas de statistiques
fiables sur le sujet, le phénomène est suffisamment
ample pour préoccuper les autorités. Or elles ne
font presque rien pour y remédier.
Ce qui étonne le visiteur étranger, c’est la placidité de la population lettone face aux difficultés.
Hormis une nuit d’émeute à Riga, la capitale, en
janvier 2009 et quelques manifestations locales
de mécontentement, le climat est à la résignation
ou à l’indifférence (feinte). Les Lettons ont l’habitude de faire le dos rond face aux puissances qui
ont occupé leur territoire au fil des siècles, et en
particulier durant le demi-siècle sous domination
soviétique (jusqu’en 1991). Aujourd’hui encore,
ils se réfugient dans leur sphère privée en attendant des jours meilleurs.
SOLIDARITÉ
On assiste à un retour à une certaine solidarité – familiale, entre amis ou voisins – qui
avait été oubliée depuis les années 1990,
alors qu’elle avait permis de mieux endurer
le régime communiste. Dans ce contexte,
les fêtes familiales sont à nouveau prisées,
les virées en canoë sur les rivières du pays
ont remplacé les vacances en Espagne ou en
Grèce. La fête du solstice d’été (Jani) a suscité
l’engouement, ainsi qu’un grand festival du
chant et de la danse traditionnels qui, comme
tous les cinq ans, a eu lieu à Riga en juillet
2010. Des milliers de chorales et troupes de
jeunes s’y étaient préparées depuis des mois.
Une autre chose unit les Lettons – y compris
l’importante minorité russophone (un tiers de la
population) –, c’est le peu d’illusions qu’ils se
font à l’égard de leur classe politique. Selon une
étude européenne, le parlement et le gouvernement lettons figurent parmi les plus discrédités
des Vingt-Sept. La décision gouvernementale de
tailler dans les retraites, pourtant déjà très basses
pour la majorité des gens, y a contribué. Cette
mesure a beau avoir été annulée depuis par la Cour
65
de ces partis, dans un pays où la frontière entre
affaires publiques et privées reste poreuse. Par
conséquent, certains d’entre eux imaginent de
s’allier, après le scrutin, avec le principal parti
représentant la minorité russophone, le Centre de
la concorde, crédité des plus fortes intentions de
vote. Impensable il y a encore quelques années, le
scénario de l’entrée au gouvernement de cette formation (qui codirige déjà la ville de Riga) devient
désormais crédible. BIBLIOGRAPHIE
Le 4 mai 2010, les drapeaux étaient de sortie pour les 20 ans de
la restauration de l’indépendance lettone (en arrière-plan, le
monument de la liberté).
constitutionnelle (en décembre 2009), elle devrait
peser le jour des législatives, le 2 octobre 2010.
Les partis de la coalition sortante ou ayant été
aux affaires avant ou pendant la crise ont entamé,
depuis 2009, un processus de rapprochements et
d’alliances. Leur crainte est de ne pas recueillir assez de suffrages pour être représenté au parlement
(la Saiema). Or beaucoup d’intérêts économiques
sont en jeu pour les oligarques présidant certains
OUVRAGES
Y. Plasseraud, Les Etats baltiques, Les sociétés gigognes, Armeline, 2003.
A. Jacob, Les pays baltes. Un voyage découverte, Lignes
de repères, 2009.
ARTICLES
C. Bayou, « Lettonie : une crise rédemptrice ? », Politique internationale, n° 126, Paris, hiver 20092010.
M. Chillaud, « Les pays baltes : un modèle pour l’intégration ? », Politique étrangère, Paris, automne 2009.
T. Fabre, « Lettonie, la fête est finie », Challenges, Paris, 11 juin 2009.
E. Lucas, « The Fall and Rise and Fall Again of the
Baltic States », Foreign Policy, Washington, juillet-août 2009.
O. Truc, « En Lettonie, des lopins de terre distribués aux plus pauvres », Le Monde, Paris, 2 janvier 2010.
O. Truc, « En Lettonie, les banques sont montrées du
doigt dans la chute de l’immobilier », Le Monde,
Paris, 27 décembre 2009.
Giedré CIBULSKAITÉ
Doctorante, Université de Paris III —
Sorbonne Nouvelle
[email protected]
La Lituanie, qui avait connu une croissance
économique effrénée durant les trois années
précédentes, doit faire face aux difficultés économiques depuis 2009 mais aussi au manque
de confiance des Lituaniens envers les autorités.
POLITIQUE
La première femme présidente de Lituanie, Dalia
Grybauskaité, qui a été commissaire européenne à
la Programmation financière et au budget de 2004
à 2009, est en première ligne car cette « dame de
fer » s’est donné comme principal objectif de diminuer la corruption, ce qui ne plait pas à la classe
politique en exercice. En effet, pour réconcilier les
citoyens avec l’Etat, la Présidente a demandé de
modifier la procédure de financement des partis
politiques : désormais un candidat sans parti peut
participer aux élections des collectivités locales.
Les élections directes des maires restent un défi
à relever pour sa deuxième année de présidence.
En poursuivant son but d’éradiquer la corruption, la Présidente a utilisé son droit de veto à la
loi sur la réforme agraire et à la loi sur la construction. Ainsi des transactions « peu
transparentes » liées à aux terrains urbains de l’Etat ont été
stoppées et les amendements
garantissant une procédure
transparente pour la délivrance
Dalia Grybauskaite, dame de fer lituanienne (photo lcc Algirdas)
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
LITUANIE
66
EUROPE
des permis de construire ont été préparés.
Dalia Grybauskaité a réorganisé les services
nationaux de sécurité et du renseignement : le Service de Renseignements, initié par la Présidente,
les Services secrets et le Deuxième Département
des Services Opérationnels auprès du Ministère
de la Sécurité Nationale s’est vu attribuer des missions précises et une procédure d’établissement
et de transmission de leurs rapports. Pour la première fois une liste des menaces pour la sécurité
nationale a été approuvée et un nouveau chef de
l’armée nommé.
Toujours dans le même souci de transparence,
le système judiciaire a été également réorganisé :
désormais les institutions évaluent plus rigoureusement le travail des juges. Une rotation des
présidents des tribunaux est instaurée.
Mais les plus importants changements de cette
année passée restent l’adoption des amendements
à la loi pharmaceutique et le veto de la présidente
à la loi sur le chauffage qui permettent respectivement de diminuer les prix des médicaments et
LITUANIE
GEOGRAPHIE
Pays frontalier avec la Lettonie (nord), la Biélorussie et
la Pologne (sud-est), et la région russe de Kaliningrad
(sud-ouest).
HISTOIRE
1009 Première mention de la Lituanie dans les annales.
1253 Règne de Mindaugas : le Grand-duché de Lituanie
commence à s’établir.
1385 Jogaila, Grand-Duc de Lituanie, devient Roi de
Pologne.
1569 Union de Lublin : établissement de l’Etat
Polono-Lituanien.
1795 La Pologne-Lituanie disparaît de la carte : annexion
par la Russie tsariste.
1918 Proclamation de l’indépendance.
1940 Annexion à l’URSS.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
1941 Annexion par le IIIe Reich.
1945-90 République soviétique socialiste de Lituanie.
1988 Naissance du mouvement SAJUDIS.
1990 (11 mars) Seconde indépendance.
1991 Admission du pays à l’ONU.
1992 Nouvelle Constitution.
1993 Algirdas Brazauskas, premier président librement élu.
1994 Premier pays balte à demander son intégration
à l’OTAN.
1995 Accord d’association avec l’UE.
1998 Valdas Adamkus président.
1999 Membre observateur de la Francophonie (Sommet
de Moncton).
2001 Réélection d’Algirdas Brazauskas.
2004 Valdas Adamkus réélu.
2004 (1er mai) Membre de l’UE.
d’empêcher l’augmentation du prix du chauffage, la modification de la méthode de calcul des prix
de l’électricité et la nomination des nouveaux
dirigeants du Conseil de la concurrence et de la
Commission nationale du contrôle des prix et de
l’énergie.
Cette politique de grandes transformations,
menée par la Présidente Dalia Grybauskaité, est
souvent qualifiée de dictatoriale. Toutefois, la politique étrangère de bon voisinage, le rapprochement, même très minime et peu perceptible, avec
la Biélorussie et la Russie dans ce contexte économique mondial difficile et les réformes entreprises
par la « dame de fer » démontrent sa volonté de
restructurer le pays, ce que de nombreux autres
dirigeants n’ont pas eu le courage d’accomplir
auparavant. Il ne reste plus qu’à espérer que ces
changements porteront leurs fruits et que la Présidente réussira à remplacer non pas seulement les
cadres dans les postes stratégiques mais surtout à
modifier tout le système où les groupes d’intérêts
dominent.
ECONOMIE
La crise qui a frappé le monde entier a été ressentie en Lituanie encore plus sévèrement à cause
des dernières années de forte croissance économique. Pour faire face à cette situation difficile, le
Gouvernement a dû observer un plan d’austérité.
Mais les conséquences de la crise ne devraient
pas s’estomper aussitôt. Selon de nombreux
experts, l’économie lituanienne devrait être en
récession et le chômage grimperait durant toute
l’année 2010. Le PIB du pays a diminué de 14,5%
en 2009. Le chômage était de 15,2% en 2009 et
en 2010 il devrait atteindre 17,1%. La plus importante crainte de la Lituanie, liée au chômage, est
la perte démographique. Le pays ne compte plus
que 3,4 millions d’habitants selon les statistiques
officielles et toute perte démographique est une
menace pour lui.
Si la Lituanie a connu de grandes vagues d’émigration après l’indépendance en 1991 et après
l’adhésion à l’Union européenne en 2004, elle
subit actuellement une troisième grande vague
suite à la dernière crise financière mondiale. Les
Lituaniens, qui ont connu une amélioration considérable de leur quotidien, de leurs finances durant
ces dernières années et qui ont, pour la plupart,
contracté des crédits de logement, voient dans
l’émigration une issue à leur situation économique complexe. Les experts de l’économie sont
formels : les finances des ménages lituaniens en
2010 seront encore plus problématiques qu’en
2009 : le salaire moyen sera encore en baisse (par
rapport à 2008, le salaire moyen de 2010 a baissé
de 16,5 % et ne s’élève plus qu’à 438 euros), la
consommation baissera également.
Néanmoins les acteurs du marché estiment que
l’année 2010 est financièrement plus favorable
aux entreprises que l’année 2009. Les emprunts
sont moins coûteux en 2010 qu’en 2009, où le taux
67
SOCIETE
L’année 2010 a été marquée en ce domaine par
la polémique soulevée par l’enterrement de l’exprésident de Lituanie, Algirdas Brazauskas. Le
diocèse de Vilnius ayant refusé de faire entrer, lors
de la messe en sa mémoire, la dépouille d’Algirdas Brazauskas à l’intérieur de la cathédrale de
la capitale, elle a donc été déposée dans une salle
du Palais présidentiel, qui se trouve à côté de
la cathédrale. L’archevêque Sigitas Tamkevičius,
chef de l’Eglise lituanienne, a justifié cette décision par le passé politique (ancien communiste) et
personnel (divorcé et remarié une deuxième fois
sans la bénédiction de l’église) de l’ex-président.
Cependant la société lituanienne, qui se déclare
catholique à presque 80%, et les médias ont dénoncé le comportement paradoxal du diocèse : en
effet cette même cathédrale, qui fut transformée
pendant la période communiste en galerie d’art,
et où la présence de la dépouille du défunt exprésident a été refusée, a été restituée à l’Eglise
en 1989 par Algirdas Brazauskas lui-même, alors
premier secrétaire du parti communiste lituanien,.
Le deuxième événement, qui a suscité des débats et mérite d’être évoqué, est la Baltic Pride
2010. Cette marche a reçu un soutien de la part
du Maire de Vilnius, néanmoins le parquet général
a saisi le tribunal administratif de Vilnius pour
suspendre la manifestation à cause des risques
éventuels en matière de sécurité. Finalement la
parade a eu lieu le 8 mai dernier comme prévu.
Les opposants à la manifestation étaient plus nombreux que les manifestants eux-mêmes. La police
a dû employer des gaz lacrymogènes contre les
opposants qui, eux, lançaient des pierres, bouteilles et pétards. La Lituanie est majoritairement
catholique et la société n’est pas encore prête à accepter tous les changements, à modifier son mode
de vie à l’image des pays européens occidentaux.
CULTURE
Vilnius, capitale européenne de la culture 2009 a
fêté le millénaire de la mention du nom de Lituanie
pour la première fois en 1009 dans des sources
écrites : les Annales de Quedlinburg (Allemagne).
Malgré la pratique catholique dominante dans le
pays, la Lituanie tient à préserver ses traditions
païennes (pour rappel, la Lituanie fut le dernier
pays d’Europe à être christianisé au XV siècle) à
travers les fêtes traditionnelles, festivals et autres
événements. Cependant l’un des événements les
plus importants concerne les journées de l’archéologie vivante de Kernavé qui fut la première
capitale du Grand-Duché de Lituanie et où le roi
Mindaugas fut couronné en 1253. Durant quelques
jours les maîtres de l’archéologie expérimentale
de Lituanie, Lettonie, Biélorussie, Pologne, Russie,
Allemagne, Danemark et Pays-Bas s’installent sur
la colline du château et dans la vallée de Pajauta
et recréent un environnement de l’âge de la pierre.
Dans ces conditions les visiteurs ont la possibilité
d’expérimenter les outils de l’époque, de faire du
feu à l’ancienne, de goûter les mets préhistoriques
et de tirer à l’arc.
L’église de Kernave (photo lcc Juliux)
Les journées de l’archéologie vivante ne
peuvent pas se passer du tintement des armes et
des sons de la musique antique. Les chevaliers lituaniens, russes, polonais et biélorusses montrent
courage et vaillance durant les reconstitutions des
luttes. La place du Moyen-Âge attire par son brouhaha habituel. Les musiciens errants, commerçants étrangers, rôdeurs, vagabonds accueillent
les visiteurs de ces journées qui peuvent honorer
le soleil couchant sur la colline du château, offrir
des sacrifices sur le feu, faire flotter des épines
sur l’eau, danser au pied de la colline, honorer le
soleil levant, se laver à la rosée et observer tant
d’autres rites païens. Et finir par la célébration du
couronnement du seul roi de Lituanie, Mindaugas,
fête qui réunit tous les Lituaniens le 6 juillet, qui
est, en Lituanie, un jour férié dénommé « Jour de
l’Etat lituanien ». L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
d’intérêt moyen en Litas (monnaie lituanienne)
s’élevait à 8,5–9 %. Toutefois, l’économie au noir
est en progression à cause du poids fiscal qui
constituait, en 2009, 37% du PIB et en 2010 elle
augmenterait encore pour atteindre 38% du PIB.
Espérons qu’après les réformes dans le domaine
énergétique, pharmaceutique, judiciaire, la présidente s’attaquera à des réformes économiques qui
sont fortement liées à la régulation de l’émigration, donc à la démographie lituanienne alarmante.
68
EUROPE
LUXEMBOURG
Frank WILHELM
Professeur à l’Université du Luxembourg
[email protected]
POLITIQUE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Lors des élections législatives du 7 juin 2009,
le parti chrétien-social de Jean-Claude Juncker
a encore augmenté le nombre de ses députés, alors
que son partenaire gouvernemental, socialiste,
perdait un siège au Parlement. La même coalition
fut reconduite, avec quelques changements de
ministres et d’attributions, en vue d’affronter les
défis à venir, aucun parti d’opposition n’ayant su
se profiler. Le nouveau gouvernement présidé par
M. Juncker, composé de neuf ministres chrétienssociaux et de six socialistes, fut assermenté le
23 juillet 2009.
La désignation, le 19 novembre 2009 à
Bruxelles, du premier président de l’Union européenne en la personne du Premier ministre belge
Herman Van Rompuy fut ressentie à Luxembourg
comme un manque d’égards, le Premier ministre
Jean-Claude Juncker ayant été constamment cité
comme principal favori à ce poste de prestige,
comme chef de gouvernement le plus ancien et
le plus expert en place. C’est peut-être son rôle
comme président de l’Eurogroupe qui lui valut
l’opposition du président français Nicolas Sarkozy
et de la chancelière allemande Angela Merkel, qui
lui préférèrent une personnalité moins affirmée. Le
28 novembre 2009, la Luxembourgeoise Viviane
Reding, membre sortant de la Commission européenne, fut nommée commissaire en charge de la
Justice et des Droits fondamentaux et première
vice-présidente de la Commission.
siège de la multinationale Interbrew qui a repris
la vieille entreprise luxembourgeoise (1871), a déclenché une vague d’indignation auprès du public,
si bien que le Gouvernement s’est impliqué pour
trouver une solution garantissant, du moins dans
l’immédiat, une production locale de cette boisson
nationale. Parmi les grands acteurs économiques,
ce sont les banques qui, finalement, s’en tirent le
mieux après la crise de 2008-2009, à force de
restructurations et de fusions, souvent au prix de
licenciements et de plans sociaux. Afin de bien se
positionner sur des marchés porteurs en ExtrêmeOrient, le gouvernement a fait construire un pavillon luxembourgeois, dû à l’architecte François
Valentiny, à l’Exposition universelle de Shangai.
Le plus grand problème qui se pose au gouvernement, c’est de trouver la parade pour, d’un côté,
éviter les dérapages budgétaires, en imposant
des restrictions et des économies, et, de l’autre,
sauvegarder un minimum de croissance et d’investissements afin de maintenir la paix sociale.
L’instrument idéal, inventé lors des crises pétrolières des années 1970, consiste à faire négocier
le Gouvernement et les partenaires sociaux (patronat, syndicats) avant le débat parlementaire. Mais,
réunie de nombreuses fois au printemps de 2010,
la « Tripartite », appellation luxembourgeoise
pour ce « Grenelle socioéconomique », n’a pas
fonctionné du fait de l’intransigeance des uns et
des autres, le patronat, divisé entre banquiers,
multinationales et artisanat, et les syndicats
campant sur leurs positions, les premiers réclamant une plus grande compétitivité et plus de
liberté de manœuvre, les seconds défendant bec
et ongles les acquis sociaux comme l’indexation
des salaires au coût de la vie, le Gouvernement luimême étant divisé sur la stratégie à suivre. D’un
commun accord, les décisions furent renvoyées à
l’automne 2010.
ECONOMIE
Le chômage, malgré des éclaircies sectorielles,
n’a pas régressé et atteint 6 % en 2010, la création d’emplois, en progression, n’étant pas suffisante. Au 1er janvier 2010, la population atteignait
502.066 habitants, dont plus de 40 % de nonnationaux, parmi lesquels les Portugais (37 %)
et les Français (14 %) constituent les plus forts
contingents. Selon le Statec, l’office de statistique
national, le pays devrait connaître une croissance
aux alentours de 3% en 2010 et 2011, ce qui est
de près de la moitié inférieur aux résultats des
années fastes.
On a noté des fermetures d’usine, comme celle
du fabricant de porcelaine Villeroy & Boch, dont
les produits sont considérés comme constitutifs
d’une certaine culture domestique grand-ducale.
La nouvelle d’une éventuelle délocalisation de
la brasserie Diekirch vers un site en Belgique,
CULTURE
Deux pièces de théâtre écrites par des jeunes
ont été créées : L’Eldorado de la Méduse, œuvre
de huit collégiennes du Lycée Aline-Mayrisch, le
23 octobre 2009 au Centre culturel de rencontre
Abbaye de Neumünster à Luxembourg, sur la problématique de l’immigration, et L’Annonce, du
romancier Ian de Toffoli, créée une semaine plus
tôt au Centre des Arts pluriels d’Ettelbruck et portant sur l’(in)tolérance d’une famille bourgeoise
luxembourgeoise à l’égard d’un fils homosexuel
partant se « marier » en Suède, la pièce répondant
à une commande du Ministère de la Famille.
Le 4 décembre 2009 a eu lieu la proclamation
des résultats du Lëtzebuerger Filmpräis 2009 (Prix
du film luxembourgeois). Dans la catégorie films
luxembourgeois, le jury de sept membres présidé
69
par l’actrice luxembourgeoise Désirée Nosbusch a accordé la palme
à House of Boys de Jean-Claude Schlim (Delux Productions). C’est
l’histoire d’un Luxembourgeois qui émigre aux Pays-Bas en 1984
pour pouvoir y vivre sa vie sexuelle dans un cabaret pour homosexuels et devient témoin impuissant de l’agonie de son ami mourant
du sida, ce qui donne lieu à des séquences fort expressionnistes.
Dans la catégorie coproductions internationales, où concouraient
des drames à la française comme Ne te retourne pas, avec Sophie
Marceau et Monica Bellucci, c’est Brideflight, réalisé par Ben Sombogaart (Samsa Film), qui a été primé. Une cinquantaine de films,
beaucoup étant financièrement soutenus par le Fonds national à la
production audiovisuelle, étaient en lice dans huit catégories. Le
Concours a lieu tous les deux ans.
Le plus grand succès sportif luxembourgeois de 2010 fut la deuxième place d’Andy Schleck, âgé de vingt-cinq ans, au Tour de France
cycliste, à une poignée de secondes derrière l’Espagnol Alberto
Contador, ce qui, à l’occasion du Gala du Tour de France à Luxembourg,
lui a valu l’ovation de dizaines de milliers de compatriotes.
Nic Klecker (1928-2009). Archives familiales.
LITTERATURE
Maria C. Haller (1922-2010). Repr. d’après
son roman Le Chemin de Cannobio, 1995.
LUXEMBOURG
HISTOIRE
963 Sigefroi 1er, premier comte
de Luxembourg, fondateur de la
forteresse.
1815 (9 juin) Création par le
congrès de Vienne du Grand-Duché de Luxembourg, donné au
roi des Pays-Bas et rattaché à la
Confédération germanique.
1867 (11 mai) Confirmation de
l’indépendance du Luxembourg
(1839). Neutralité du pays après le
démantèlement de sa forteresse.
1921 (25 juillet) Signature de l’Union économique
belgo-luxembourgeoise.
1992 Ratification du traité de
Maastricht à une large majorité.
1995 (20 janv.) Jean-Claude Juncker nommé Premier ministre. Son
prédécesseur Jacques Santer succède à Jacques Delors comme
président de la Commission européenne ; il démissionne en 1999.
1999 (13 juin) Elections législatives. Juncker forme un nouveau
gouvernement.
2000 (7 oct.) Le grand-duc Henri
accède au trône.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Comme principales manifestations littéraires annuelles, on notera
Vianden cité littéraire en septembre et les Journées du livre à Walferdange en novembre. Depuis quatre ans, le Grand-Duché de Luxembourg participe à l’organisation de la Résidence d’écriture au mois
d’août au château du Pont-d’Oye (B), domaine de la famille Nothomb,
qui réunit une douzaine d’auteurs francophones belges, lorrains
et luxembourgeois ainsi qu’éventuellement des invités africains,
haïtiens et franco-canadiens.
Lambert Schlechter, poète auteur de textes érotiques et philosophiques (L’Envers de tous les endroits), s’est vu décerner le 25 février
2010 le Prix Birago Diop, au Bénin. En avril 2010, la Belge Nathalie
Ronvaux, travaillant à Luxembourg, a reçu le Prix d’encouragement
à la première publication de la Fondation (luxembourgeoise) Servais
pour son recueil de poèmes Vignes et louves (à paraître).
La scène littéraire francophone luxembourgeoise a eu à déplorer le
décès de trois auteurs majeurs nés dans le premier tiers du XIXe siècle :
Nic Klecker (1928-2009), poète et prosateur évoquant ses Ardennes
natales (son dernier recueil, L’écoute du silence, préludant à sa mort) ;
Maria-C. Haller (1922-2010), romancière, nouvelliste et essayiste
viatique à la recherche du Beau, et Georges Érasme (pseudonyme du
psychiatre et neurologue G. É. Muller, 1925-2010), auteur de récits
autobiographiques et d’essais humoristiques sur l’identité luxembourgeoise. (Un autre auteur incontournable, s’exprimant en allemand et
en Luxembourg, Roger Manderscheid, né en 1933, est décédé aussi
en 2010.) Heureusement, ces disparitions sont compensées par des
débutants francophones, même si la tendance semble aller vers des
éditions à compte d’auteur ou à diffusion très confidentielle.
Le genre récit de vie est illustré par Welcome to Syria, de Raymond
Behm, aventurier cycliste emprisonné pendant quelques jours à Damas
pour avoir été trop curieux, Nous étions des enfants, de Léon Ludovicy,
reconstitution des années 1950 dans un village ardennais à l’intention
d’un jeune public d’aujourd’hui, et Mémoires de syndic, de Véronique
Neumann-Piazzola. Jours enfantins au royaume du Luxembourg est une
anthologie constituée de récits de douze écrivains luxembourgeois.
Dans la fiction narrative on trouve Les Chroniques de Saharane, où
Pierre Decock, Belge naturalisé luxembourgeois, imagine une cité
d’Asie mineure, cauchemar d’un adolescent, et Entre doutes et certitudes, de Marie-Paule Greisch, roman philosophique sur le processus
créateur en classe d’arts. Deux récits thématisent le rapport existentiel
aux Beaux-Arts : Nous sommes heureux. Fable artistique en quatre saisons, d’Enrico Lunghi, directeur du Musée d’Art moderne à Luxembourg
(Mudam), et BB Bouddha, de Ray Monde, artiste luxembourgeoise
70
EUROPE
vivant à Paris sous ce pseudonyme et réglant ses
comptes avec sa patrie jugée trop arriérée.
Dans Malraux et le christianisme, sa thèse soutenue à Paris III, Myriam Sunnen, chercheuse au
Centre national de littérature, analyse les rapports
de l’auteur de L’Espoir à la foi et à la culture chrétienne sur l’arrière-fond de ses attirances pour les
phénomènes religieux en Extrême-Orient. Laurent Fels publie ses conclusions sur la démarche
ésotérique dans Anabase de Saint-John Perse ;
il est par ailleurs l’auteur de plusieurs recueils
poétiques, dont À contre-jour dédié à la mémoire
de Nic Klecker. Colette Weber publie un second
recueil de poésie intimiste, Un autre monde. Dans
un registre poétique et sportif et sous son pseudonyme habituel de François Guillaume, l’auteur
de ces lignes signe Mon dico du vélo, réflexion
cyclophile et littéraire sur les roues qui tournent
et les pages qu’elles suscitent.
Quatre peintres sont à l’honneur dans les publications récentes : les Luxembourgeois Foni Tissen (1909-1975), grand maître de l’humour noir,
Robert Brandy, naviguant entre le figuratif et
l’abstrait, Jean-Marie Biwer, auteur d’un Journal de
Paris illustré par ses propres soins, et Victor Hugo,
l’exilé de Vianden en 1871, dont de nombreuses
caricatures ont circulé. Marc Angel-Romera est le
concepteur d’une bande dessinée plaidant pour le
commerce équitable : Nuages sur la rizière.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Le pavillon luxembourgeois à l’Exposition universelle de Shangai, conçu par l’architecte François Valentiny, avec une photo
d’Andy Schleck, 2e du Tour de France cycliste 2010, devant la
statue de la Victoire (Niké). Photo : Marcelle Wilhelm-Tousch.
Du côté des ouvrages à portée historique et
sociale, Jul Christophory, directeur honoraire de la
Bibliothèque nationale, reconstitue un épisode de
la libération de Luxembourg par les Américains, la
veille du 10 septembre 1944. Les Universités Laval
et du Luxembourg publient les actes d’un colloque
portant sur le patrimoine culturel du Grand-Duché.
Ancien professeur de mathématiques, Jean-Paul
Pier livre ses réflexions à propos des rapports
entre foi et sciences exactes, tandis que l’avocat
Gaston Vogel s’explique sur sa vision de la sainteté et sur le (dys)fonctionnement de l’appareil
judiciaire luxembourgeois. BIBLIOGRAPHIE
Le lieu d’édition n’est pas cité s’il s’agit de Luxembourg, ni
la date s’il s’agit de 2010.
Abréviations : BD = bande dessinée ; E = essai ; P = poésie ; N = narration.
Littérature et culture
ANGEL-ROMERA, Marc, Nuages sur la rizière (BD), [Beckerich], insitu-creation-edition, 2009. 46 pp.
BALABAN, Florin, WILHELM, Frank, Victor Hugo par des caricaturistes. Caricatures provenant de la collection de Gérard
Pouchain, Paris, catalogue de l’exposition au Musée de
la caricature et du cartoon Vianden, du 12 septembre au
4 octobre 2009, Vianden, Musée de la caricature et du
cartoon, Maison de Victor Hugo, 2009. 88 pp.
BEHM, Raymond, Welcome to Syria (N), Esch-sur-Alzette, éd.
Schortgen. 120 pp.
*** BIWER, Jean-Marie, Journal de Paris (N, E), 3 volumes, éd.
Saint-Paul, 2009. S. p.
CEYSSON, Bernard (éd.), Robert Brandy (E), introduction par
Jean Sorrente, Ceysson éd., 2009. 95 pp.
CIOCÂRLIE, Corina (éd.), Jours enfantins au royaume du
Luxembourg (N), Differdange, Phi. 94 pp.
DECOCK, Pierre, Les Chroniques de Saharane (N), [S. l.], lulu.
com. 306 pp.
FELS, Laurent, Arcendrile suivi de Nielles (P), Cordes-sur-Ciel,
R. de Surtis, 2009. 45 pp. ; Quête ésotérique et création
poétique dans ‘Anabase’ de Saint-John Perse (E), Bruxelles,
P. Lang, 2009. 147 pp. ; À contre-jour, Cordes/Ciel, Rafael
de Surtis Éditions, « Pour une Terre interdite ». 26 pp. ;
GREISCH, Marie-Paule, Entre doutes et certitudes (R), Paris,
Books on Demand, 2009. 116 pp.
** GUILLAUME, François, Mon dico du vélo (E, N), Sandweiler, ultimomondo. 87 pp.
** KLECKER, Nic, L’écoute du silence, Dudelange, éd. Estuaires, « Collection 99 » n° 7, 2009. 54 pp.
LUDOVICY, Léon, Nous étions des enfants (N), Luxembourg,
Saint-Paul, 2009. 105 pp.
LUNGHI, Enrico, Nous sommes heureux. Fable artistique en
quatre saisons (N), Paris, éd. de l’Officine, 2009. 120 pp.
MONDE, Ray [PHILIPPS, Raymonde], BB Bouddha. Roman
(N), Paris, éd. Thélès, 2009. 151 pp.
NEUMANN-PIAZZOLA, Véronique, Mémoires de syndic (N),
[Luxembourg] Lis ma vie. 50 pp.
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éd., 2009. 27 pp.
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dessins de Jean-Marie Biwer, Differdange, Phi, « Graphiti ». 136 pp.
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TISSEN, Baba, Foni Tissen 100 Joer. Rétrospective 1909-2009
(E), [Luxembourg], mediArt, 2009. 280 pp.
WEBER, Colette, Un autre monde (P), [S.l.] : Poiêtês, 2009.
28 pp.
71
Histoire, Société
CHRISTOPHORY, Jul, Le Château de Grevels et la libération de
Bertrange au Grand-Duché de Luxembourg du 9 septembre
1944. Souvenirs et témoignages (E), Luxembourg, éd. Paul
Bauler, 2009. 199 pp.
* MOUMOUNI, Charles (éd.), Regards croisés sur le patrimoine.
Actes du colloque de Luxembourg (E), Québec, Les Presses
de l’U. Laval, 2009, t. XVII. 277 pp.
PIER, Jean-Paul, Le Choix de la parole (E), Paris, éd. Lethielleux, 2009. 451 pp.
VOGEL, Gaston, La Vie des saints suivie de quelques paillettes
d’or et de maximes d’outre-tombe (E), illustr. de Serge Kantorowicz, [Esch-sur-Alzette], Le Phare, 2009. 161 pp. ;
Dans la tourmente judiciaire de 1962 à ce jour. Grandeurs
et misères au temple de Thémis … suivi d’un sottisier (E),
Luxembourg, G. Binsfeld.
MACEDOINE
Les citoyens macédoniens, depuis le 19 décembre
2009, peuvent de nouveau voyager librement
dans l’espace de l’UE. Ceci après que le pays a satisfait à tous les critères requis par l’Europe pour
la libéralisation du régime des visas. La perspective claire et tangible d’une adhésion à l’Union
européenne, en temps voulu, demeure le moteur principal du processus de réforme dans la
République de Macédoine. Le cheminement sans
obstacles vers l’adhésion à l’Union européenne,
importe au plus haut point pour garantir la stabilité politique, qui constitue l’objectif commun
partagé par les acteurs politiques et les groupes
ethniques du pays. Mais de tous les obstacles qui
sont sur le chemin de l’adhésion de la Macédoine,
le différend sur son nom avec la Grèce semble être
le plus important.
LE NOM DU PAYS
Dans le pays il existe un large consensus entre
le gouvernement et les partis d’opposition sur
la vocation européenne du pays. Ce consensus
et l’amélioration du dialogue politique qui n’est
pas toujours facile, se sont traduits par une accélération dans l’adoption de la législation sur
l’intégration européenne. Une large majorité de
la population soutient le processus d’adhésion à
l’Union européenne et l’OTAN et dès lors est attachée à soutenir les réformes nécessaires, mais pas
à n’importe quel prix. Selon un sondage plus de
60% des Macédoniens préfèrent conserver le nom
de leur pays plutôt que d’adhérer à l’Otan et l’UE.
Selon le sondage de l’Institut en recherche politique mené les 3 et 4 juillet 2010, 66,5% des 1.110
sondés ont indiqué que le maintien du nom du
pays est plus important que l’adhésion à l’Otan et
l’UE, alors que 26,2% des personnes interrogées
pensent le contraire. Cependant, les points de vue
varient selon l’ethnie des sondés. Environ 82% des
gens d’ethnie macédonienne affirment que le nom
du pays est plus important, alors qu’environ 78%
des sondés d’ethnie albanaise, qui représente
environ un quart de la population du pays, mettent
l’adhésion à l’Otan et l’UE devant le maintien du
nom du pays.
En décembre 2009, l’UE a reporté la décision
sur le commencement des négociations d’adhésion de la Macédoine, en raison du «problème de
nom» entre la Macédoine et sa voisine la Grèce,
MACEDOINE
GEOGRAPHIE
Région de la péninsule des Balkans, essentiellement
montagneuse. Le bassin du Vardar sert d’axe principal
de communication entre la Grèce et la Serbie.
HISTOIRE
VIIe-VIe s. av. J.-C. Unification du pays.
356-336 av. J.-C. Règne de Philippe II, qui domine la
Grèce.
336-323 av. J.-C. Règne d’Alexandre, conquérant de
l’Egypte et de l’Orient.
148 av. J.-C. Province romaine.
IVe s. Rattachement à l’Empire romain d’Orient.
VIe-VIIe s. Tribus slaves dans la région.
IXe s. Domination bulgare.
976-1018 Premier Empire slavo-macédonien.
1371 Domination ottomane.
1912-1913 Libération du joug ottoman. Serbie, Bulgarie
et Grèce se partagent le pays.
1919-1941 Partage entre trois pays : Yougoslavie, Grèce
et Bulgarie.
1941-1945 Occupation bulgare, allemande, italienne.
1945-1991 La Macédoine devient l’une des six républiques de la Yougoslavie.
1991 (8 sept.) Etat indépendant.
1993 Admission à l’ONU.
2001 Violents affrontements interethniques, suivis de
la signature d’un accord de paix par les dirigeants macédoniens et albanais de la coalition gouvernementale
et de la signature d’un « Accord de stabilisation et association » avec l’UE.
2002 (nov.) Elections législatives, Branko Crvenkovski
nouveau Premier ministre.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Toni GLAMCEVSKI
Journaliste indépendant
chargé de cours à l’Inalco
[email protected]
72
EUROPE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
qui continue à bloquer toute candidature de la Macédoine tant que
la dispute sur le nom qui oppose les
deux pays ne sera pas résolue. Il
faut rappeler que la demande d’adhésion de la Macédoine à l’Otan a
été rejetée par la Grèce en 2008
pour la même raison.
Le premier ministre grec George
Papandreou avec son homologue
macédonien Nikola Gruevski ont
tenu plusieurs rencontres directes
depuis novembre dernier pour
chercher une issue à l’impasse.
D’après certaines informations, la
Nicolas Gruevski
Macédoine devrait bientôt trouver
un compromis pour apaiser ses tensions avec la
Grèce concernant la dispute sur son nom. Le nom
de République de Macédoine avec une connotation
géographique serait une solution acceptable pour
la Grèce. La Grèce insiste pour que le nouveau nom
géographique soit utilisé par la Macédoine dans
ses relations avec tout un chacun, rejetant ainsi
l’idée que la Macédoine ait un nom à usage interne.
Ce qui paraît inacceptable pour la Macédoine.
Les pressions occidentales ont déjà forcé la
Macédoine à changer une fois sa constitution,
après le conflit ethnique en 2001 et la signature
de l’accord-cadre d’Ohrid. Même avant cela, au
milieu des années 1990, la Macédoine avait été
obligée d’enlever le Soleil de Vergina de son drapeau et de supprimer toutes les
clauses supposées irrédentistes
de sa constitution. Un changement
éventuel de la constitution devrait
être décidé par référendum.
L’enseignement dans des langues
autres que le macédonien se révèle
insuffisant ou de qualité médiocre.
Les médias se définissent quant à
eux par leur appartenance ethnolinguistique qui influence encore
souvent la façon dont ils rendent
compte des événements.
Malgré les progrès satisfaisants
accomplis par le pays dans la réforme du fonctionnement de l’administration publique en général
et dans la lutte contre la corruption
et en particulier de l’adoption de
la loi sur le financement des partis politiques, la corruption, problème commun aux pays de la région, demeure
très répandue. Le pays a accompli des progrès
dans le domaine du pouvoir judiciaire ainsi que
dans l’engagement du gouvernement à poursuivre
les réformes, comme en témoigne notamment le
renforcement des crédits alloués aux tribunaux
et au bureau du procureur, mais il faut renforcer
davantage l’indépendance des juges et assurer
leur impartialité.
ECONOMIE
La situation économique et sociale du pays reste
fébrile. Le gouvernement avec sa politique macroéconomique adoptée en vue de neutraliser les effets négatifs de la crise financière
et économique mondiale, craint
que l’impact de la crise financière
sur le pays n’exacerbe le taux de
chômage qui reste élevé (environ 35% de la population active)
Le drapeau adopté depuis 1995
et n’entrave les efforts visant à
POLITIQUE
le faire baisser. Les mouvements
La République de Macédoine en mai 2010 a suc- sociaux ont été plus nombreux.
Selon les prévisions de la Banque européenne
cédé à la Suisse à la présidence du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe pour six mois. pour la reconstruction et le développement (BERD)
Les priorités du pays sont axées sur trois thèmes
la croissance du PIB devrait atteindre en 0,5 % en
principaux : le renforcement de la protection des 2010 au lieu des 2% prévus par le gouvernement.
droits de l’homme, l’action en faveur de l’intégra- Le PIB pour 2011 selon la BERD devrait atteindre
2,5%. Les investissements étrangers directs sont
tion dans le respect de la diversité et la promotion
toujours faibles malgré les efforts consentis par
de la participation des jeunes.
la politique du gouvernement de créer un terrain
Mais, il est de la plus haute importance pour le
pays, sur le plan intérieur, de faire avancer l’amé- favorable. Ainsi pour le premier trimestre de
lioration des relations interethniques, notamment
l’année n’ont été investi que 70 millions d’euros.
la garantie des droits des personnes de toutes origines ethniques, en poursuivant la mise en œuvre
de l’accord cadre d’Ohrid, qui est la pierre angu- FRANCOPHONIE/CULTURE
laire des relations interethniques en Macédoine.
La tradition francophone en Macédoine perdure
depuis plus d’un siècle et demi. Historiquement,
La Commission contre le racisme du Conseil
de l’Europe dans son rapport sur la Macédoine, le français est la plus ancienne langue étrangère
constate que les divisions ethniques dans le
traditionnellement parlée et elle est longtemps
pays perdurent. Certaines déclarations de res- restée la première langue étrangère en Macédoine.
ponsables politiques et de leaders d’opinion ne 30% des élèves étudient à ce jour le français dans
contribuent pas à la réconciliation des habitants. les écoles primaires et secondaires en tant que
La ségrégation est monnaie courante dans le
première langue étrangère. Le français a la prisystème d’enseignement. Les programmes sco- mauté en tant que seconde langue étrangère et il
laires manquent cruellement d’homogénéité. est enseigné dans les universités macédoniennes,
73
MOLDAVIE
Maria NEAGU
Doctorante département d’histoire
Université Laval
[email protected]
POLITIQUE
Les élections parlementaires des 5 et 29 avril
2009 ont plongé la Moldavie dans une crise politique sans précédent dans son histoire récente.
L’Alliance pour l’intégration européenne (AIE)
formée après les élections par quatre partis démocratiques– le Parti libéral (PL), le Parti libéral
démocrate (PLDM), le Parti démocrate (PD) et le
Parti « Notre Moldavie » (AMN) – s’avère être une
alternative fragile au Parti des communistes qui
a conservé 49% de l’électorat moldave. La popularité de l’AIE est à la baisse, par la faute d’un
compromis précaire entre ses membres sur des
questions fondamentales de politique interne et
extérieure–le conflit non résolu en Transnistrie, le
statut de neutralité du pays et l’épineuse question
identitaire pour n’en nommer que quelques-unes.
L’aile libérale de l’Alliance (les PL et PLDM)
opte pour un voisinage fraternel avec la Roumanie, pays avec lequel les Moldaves partagent un
héritage culturel et linguistique commun, et se
prononce pour l’adhésion de la RM à l’OTAN. L’aile
démocrate représentée par le PD ayant à sa tête
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
macédonien. Il soutient notamment les six secles étudiants macédoniens qui poursuivent leurs
études en France sont de plus en plus nombreux.
tions bilingues implantées depuis plusieurs anLe 20 octobre 2009, trois ans après le proto- nées dans des lycées d’excellence à Bitola, Skopje,
cole d’intention, la région française de Basse- Tetovo, Kumanovo, Prilep et Negotino.
Normandie et la Macédoine ont signé leurs acLes alliances françaises de Bitola et Tetovo
cords de coopération, annonçant un partenariat jouent également un grand rôle dans la propade long terme entre eux et de nombreux acteurs
gation de la langue française et la culture francobas-normands et macédoniens. Fruit d’une vo- phone parmi les jeunes Macédoniens.
lonté commune de participer au développement
En plus de la Journée de la Francophonie, qui est
des deux territoires, cette coopération incite non
une manifestation régulière en Macédoine, sont
seulement les populations à s’engager dans une
organisées d’autres manifestations consacrées encitoyenneté locale et européenne active, mais en- tièrement à la Francophonie. Il y a aussi un grand
courage aussi les coopérations institutionnelles
nombre d’événements culturels particuliers, ayant
et économiques, tout cela dans un esprit de réci- un caractère francophone. La culture francophone
procité et d’échanges, ce qui permet l’enracine- est représentée dans chacun des grands festivals
ment de la langue française et de la francopho- de Macédoine : Soirée d’opéra de mai à Skopje,
nie en Macédoine. Dans le cadre de cet échange
Festival d’été de Skopje et d’Ohrid, Festival du
la Macédoine a été l’invitée d’honneur du fes- jeune théâtre ouvert, Soirée de la poésie de Struga,
tival « Balkans-Transit 2010, le Printemps Bal- Festival du film à Bitola et depuis trois ans le Festival du film français d’Ohrid, qui se veut un lieu
kanique » en Basse-Normandie. Ainsi, pendant
huit semaines, la Macédoine a présenté son sa- d’échanges et de rencontres culturelles entre la
voir-faire dans nombre de domaines : musique, France et la Macédoine, mais aussi des Balkans. littérature, théâtre, conte, arts
plastiques, art contemporain,
danse contemporaine, cinéma,
conférences, gastronomie et
artisanat.
Le Centre culturel et de
coopération linguistique de
Skopje (CCCL), qui depuis 1997
regroupe l’ensemble de l’action
culturelle, linguistique et éducative française, organise chaque
année plus de 200 manifestations, en partenariat systématique avec les institutions
macédoniennes, étrangères et
multilatérales. Le Centre encourage l’enseignement du Français dans le système scolaire
Un lieu de culture vivant à Skopje
74
EUROPE
Marian Lupu, un ex bras droit des communistes,
soutient pour sa part un rapprochement avec la
Russie et s’oppose farouchement à la perte de la
neutralité du pays. Acteur politique se déclarant
vouloir apporter le changement, l’AIE saura-t-elle
surmonter ses difficultés internes pour devenir
une véritable alternative démocratique dans
le paysage politique moldave ? Les prochaines
élections parlementaires anticipées prévues pour
2011 devront apporter des éléments de réponse.
Chose certaine, dès la prise du pouvoir, l’AIE a
tenu à marquer son gouvernement d’une couleur
politique qui traduit l’engagement pour l’intégration européenne. Ainsi, les officiels moldaves ont
entamé les pourparlers en vue de la signature de
l’Accord d’association à l’UE, qui devrait apporter
des solutions pour le régime de visas, l’extension
de la zone du commerce européen vers l’Est et la
coopération dans des domaines sectoriels. Aussi,
après une période de gel diplomatique, les liens
avec la Roumanie ont été resserrés. Les deux États
ont accrédité de nouveaux ambassadeurs dans
leurs capitales respectives, Chisinau et Bucarest,
alors qu’à Balti et à Cahul, deux villes importantes
de Moldavie, ont accueilli chacune un consulat
roumain. Le rapprochement envers la Roumanie
et l’Occident est toutefois tributaire d’une relation étroite, voire de dépendance, que la Moldavie
entretient avec la Russie. Dès le changement du
pouvoir à Chisinau, la relation avec le voisin de
l’Est a connu une courbe descendante. Ainsi, du
refus du président moldave par intérim, Mihai
Ghimpu, de participer à la grandiloquente parade
militaire organisée cette année par Kremlin pour
MOLDAVIE
HISTOIRE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
1812 Annexion par l’Empire russe de la partie est de la
Principauté moldave, la Bessarabie.
1862 Union politique de la Moldova, de la Valachie et
de la Transylvanie et création de l’Etat unitaire roumain, la Roumanie.
1918 Union de la Bessarabie avec la Roumanie.
1944 Annexion à l’URSS.
1987-1989 Apogée du mouvement national en République soviétique socialiste moldave (RSSM).
1991 (23 mai) Adoption du nouveau nom officiel : République de Moldova.
1991 (27 août) Accession à l’indépendance.
1991 Election du premier président de la République,
Mircea Snegur.
1992 Adhésion à l’ONU et à la Communauté des Etats
indépendants (CEI).
1994 (29 juillet) Adoption de la Constitution.
1995 (13 mai) Adhésion au Conseil de l’Europe. Membre
de la Francophonie.
2000 (5 juillet) Révision de la Constitution. La Moldavie
devient République parlementaire.
2002 Adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
souligner les 65 ans depuis la victoire de l’Armée
rouge contre le fascisme, à la récente « crise des
vins », une série d’événements ponctue l’escalade
de la tension entre les deux voisins régionaux.
ECONOMIE
En 2010, l’économie moldave s’est progressivement remise de la crise, bien que le redressement
soit tributaire de l’instabilité politique. Le rythme
de croissance économique a été révisé à la hausse
durant l’année, enregistrant un seuil record de
4,7% pour le premier trimestre. Ce résultat positif
est du en partie à l’augmentation du volume de la
production industrielle et agricole (11,4%), des
exportations (16,2%) et du revenu budgétaire qui
enregistre une croissance de 12% par rapport à
l’année dernière.
Trente pour cent du volume budgetaire représentent les transferts monnetaires. Or, la dispora moldave a envoyé dans le pays plus de 425 mld.
USD durant la première moitié de l’année 2010,
soit 5% de plus que la somme enregistrée pour la
même période de l’an passé. Ce revenu est utilisé
en proportion de 72% pour la consommation courante, 21% sont placés dans des comptes d’éparge
et seulement 7% sont investis dans les affaires.
À l’instar des revenus, les dépenses budgétaires
ont elles aussi enregistré une croissance de 6,5%.
Même rythme de croissance pour la dette interne
qui a atteint à la fin du mars dernier 17,5 MDL, soit
44,6% de plus que la somme enregistrée en 2009.
Un Martisor simple,
annonce du printemps
en Moldavie (photo lcc Nicubunu)
Vendeurs du Martisor à Chisinau
(photo lccGikÅ)
75
CULTURE
Les festivals traditionnels « Martisor », « Vous
invite Maria Biesu » et « Les nuits de Jazz » se sont
partagé la tête d’affiche culturelle avec d’autres
événements ponctuels, tels que l’inauguration de
l’Allée des classiques littéraires à Balti et la mise
sur pied de la « Comission Cojocaru » chargée
d’investiguer et d’apprecier le régime communiste
totalitaire en Moldavie. Formée d’une trentaine
de spécialistes en sciences humaines et sociales,
cette Commission a présenté son rapport devant
le Parlement le 6 juillet 2010 – date symbolique
et chargée d’une mémoire doulureuse pour les
Moldaves, car elle représente le jour où le régime
soviétique a procédé, en 1949, aux plus grandes
purges et déportations de l’histoire de la région.
Cette année encore, les artistes et les scientifiques moldaves ont rayonné de leur talent sur
la scène internationale. Ainsi, l’académicien Mihai Dolgan a mérité la « Médaille internationale
d’or » décernée par le prestigieux Institut de la
Biographie des États Unis, qui a tenu souligner de
cette manière la valeur et les retombées sociales
des contributions du célébre littérateur moldave. Les artistes Ioan Grecu et Tatiana Carapostol
ont été programmés en octobre 2010 en Italie,
à l’occasion de la Biennale de Venise, pour une
exposition intitulée « At the Right Time », réunissant une trentaine de leurs œuvres, sculptures
et peintures principalement. PRINCIPAUTE DE MONACO
POLITIQUE
Le 23 juin 2010, le Palais Princier a annoncé les
fiançailles du Prince Albert II de Monaco avec
Mademoiselle Charlène Wittstock, événement
vivement attendu par la population monégasque.
La célébration du mariage est programmée les 2
et 3 juillet 2011.
Sur le plan intérieur, la période a été marquée
par la nomination, le 29 mars 2010, d’un nouveau
Ministre d’Etat (Premier Ministre), choisi par le
Prince Albert II, en la personne de Michel Roger,
haut fonctionnaire et ancien membre du Tribunal
Suprême de Monaco, en remplacement de Monsieur Jean-Paul Proust.
Sous l’impulsion de S.A.S. le Prince Albert II, le
Gouvernement monégasque a poursuivi la mise en
place d’une ambitieuse politique de coopération
internationale dont le principal objectif est la lutte
contre la pauvreté. Depuis 2008, l’Aide Publique
au Développement (APD) a ainsi augmenté chaque
année de 25% en vue d’atteindre l’objectif fixé par
les Nations Unies de consacrer 0.7% du RNB au
plus tard en 2015. En 2010, 10 millions d’Euros
seront alloués à la lutte contre la pauvreté et plus
de 100 projets seront programmés dans 24 pays
partenaires selon quatre thématiques d’intervention (santé et secteur social, éducation et formation,
appui aux activités micro-économiques, préservation et valorisation des ressources naturelles).
Sur le plan multilatéral, la Principauté a été
élue, en octobre 2009, au sein du Conseil Exécutif de l’Unesco. Avec 160 voix sur 178 votants,
Monaco est l’Etat qui a remporté le plus de votes
parmi tous les candidats à cette élection, tous
groupes électoraux confondus. En février 2010,
la Principauté a également été élue à la Vice-présidence de la Commission d’Administration et du
Budget du Bureau International des Expositions
(B.I.E.). Enfin, pour l’année 2010, Monaco assure
la Présidence de la Commission permanente d’EUROCONTROL, organe délibératif le plus élevé de
cette organisation européenne intergouvernementale civile et militaire chargée de la gestion et de
la sécurité de la navigation aérienne sur l’espace
aérien de ses Etats membres.
ECONOMIE
La période juin 2009–juin 2010 a été marquée
par la volonté de la Principauté de Monaco de
poursuivre son engagement vers plus de transparence financière. En septembre 2009, Monaco a
été retiré de la liste « grise » et figure désormais
sur la liste «blanche» des pays qui mènent une
politique fiscale conforme aux critères de l’OCDE.
Pour ce faire, plusieurs accords bilatéraux portant
sur l’échange d’informations en matière fiscale ont
été signés. D’autres sont en cours de négociations.
Au 30 juin 2010, on dénombrait 23 accords signés
dont 12 avec des pays de l’OCDE.
Sur le plan de l’activité touristique, après une
chute du nombre de touristes en 2009, celle-ci
a commencé à se redresser. Sur les six premiers
mois de 2010, la fréquentation, en terme de tourisme hébergé, a augmenté de 11% par rapport au
premier semestre 2009. Les chiffres du tourisme
d’affaires, qui s’étaient effondrés de 30% par
rapport à l’année de référence de 2008 se sont
également améliorés : 35% de fréquentation en
plus sur le premier semestre 2010 par rapport à
2009 à la même période.
Sous l’impulsion du Prince Albert II, très
sensible à la protection de l’environnement, le
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Frédéric LABARRÈRE
Ambassade de
la principauté en France
[email protected]
76
EUROPE
gouvernement a poursuivi entre juin 2009 et juin 2010 la mise en
œuvre de politiques environnementales en faveur d’un développement durable de la Principauté. Celles-ci s’appuient sur quatre
piliers : la gestion du patrimoine naturel ; la mise en place d’un
plan énergie climat ; les actions en faveur d’une ville durable ; la
mobilisation de la Communauté monégasque.
S’agissant plus particulièrement du plan « Energie climat–Objectifs 2020 », trois objectifs ont été fixés : la réduction des émissions
de gaz à effet de serre de 30% par rapport à 1990, l’amélioration
de l’efficacité énergétique de 20% et la consommation de 20%
d’énergie finale issue de sources renouvelables. Ces deux derniers
chiffres sont à comparer avec les valeurs de 2006.
CULTURE
Le prince Albert et Charlène
(photo Amedeo M. Turello
Palais princier - Monaco)
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
MONACO
GEOGRAPHIE :
Un petit pays méditerranéen enclavé dans le sud-est de la France ;
cosmopolite avec plus de 120
nationalités.
HISTOIRE :
1297 François Grimaldi s’empare
du château fort et occupe le Rocher de Monaco.
1331 Charles 1er Grimaldi est le
premier seigneur de Monaco. Son
règne sera consacré à donner une
véritable indépendance à son
territoire.
1641 Traité de Péronne par lequel
la France accorde sa protection
à Monaco et reconnaît ses droits
souverains.
1861 Sécession de Menton et
Roquebrune.
1866 Création de Monte-Carlo par
le prince Charles III et développement de l’économie basée sur le
tourisme.
1911 Constitution adoptée par
le prince Albert 1er. Remaniée en
1917, confirmée en 1933, réformée
en 1962.
1949 Avènement du prince Rainier
III. La Principauté devient le 47e
membre de l’UNESCO.
1993 Admission de Monaco à
l’ONU, en qualité d’Etat membre.
1997 700e anniversaire de la dynastie des Grimaldi.
2004 Monaco devient membre du
Conseil de l’Europe.
2005 Avènement du prince
Albert II.
La Principauté a célébré du 9 juillet 2009 au 25 juillet 2010 le
centenaire des Ballets Russes qui restent, comme Serge Diaghilev
leur fondateur, intimement liés à l’histoire artistique de Monaco.
Les célébrations de cet anniversaire (spectacles de danse, installations, expositions, conférences), ouvertes par S.A.R. la Princesse
Caroline, ont connu un très grand succès. L’ensemble des acteurs
culturels de la Principauté ont participé : les Ballets de Monte-Carlo,
l’Opéra et l’Orchestre philharmonique, l’Ecole municipale d’arts
plastiques, les Archives audiovisuelles...
Durant l’été 2009 a été également organisée la 14ème Edition
du Festival Mondial du Théâtre Amateur qui se tient tous les quatre
ans à Monaco depuis 1957. Vingt quatre troupes issues des cinq
continents y ont participé, permettant de confronter les pratiques
théâtrales. Des colloques et des ateliers se tiennent régulièrement
en marge de cette manifestation.
L’exposition des œuvres (tableaux, sculptures, créations plastiques) de l’artiste britannique Damien Hirst au Musée Océanographique, renouvelant le lien étroit entre la science et l’art, connaît un
véritable succès depuis son inauguration début mars 2010. Plus de
200 000 personnes l’avaient déjà visité au seuil de la période estivale. Au tout début du mois de juillet 2010, la grande exposition de
l’été, consacrée au Japon et intitulée « De Kyoto à Tokyo, des Samurais
aux Mangas », a été inaugurée par le Prince Albert II et le Prince
Hitachi, frère de l’Empereur du Japon, accompagné de son épouse.
SCIENCE
Le début de l’année 2010 a été marqué par les célébrations du centenaire de deux Fondations – le Musée Océanographique de Monaco
Le Rocher a fêté le centenaire des Ballets russes, ici en répétition en 1916 (photo lcc Bain
News Service )
77
et l’Institut de Paléontologie Humaine – créées à
l’initiative du Prince Albert Ier de Monaco, aussi
connu comme le Prince-Savant ou le Prince navigateur et trisaïeul du Prince Albert II.
Le centenaire du Musée Océanographique de
Monaco, musée qui a pour but de faire découvrir au plus grand nombre l’océan et la science
océanographique a permis l’organisation de nombreuses manifestations conjuguant patrimoine,
art et science.
A l’occasion des cent ans de l’Institut de Paléontologie Humaine, Fondation Prince Albert Ier
de Monaco, Institut dont l’établissement à Paris
a marqué un tournant majeur dans l’histoire des
recherches préhistoriques et qui est aujourd’hui
un centre permanent d’études entièrement dédié
à la préhistoire, s’est notamment tenu un colloque
international de haut niveau intitulé « Les premiers peuplements préhistoriques sur les différents
continents ». Ouvert par le Prince Albert II, il a
permis de faire le point sur les découvertes les
plus récentes concernant la conquête progressive
de la planète par les hommes de la préhistoire.
A travers ces deux entités, Monaco rappelle son
attachement aux sciences dont elle a encouragé
et accompagné l’essor au cours de ce siècle. POLOGNE
La catastrophe aérienne du 10 avril à Smolensk (Russie) entraîne
la mort du Chef de l’Etat et d’une partie de l’élite politique du pays.
Bronislaw Komorowski, l’ancien Président de la Diète, politicien
modéré et libéral, a été élu nouveau Président de la République
au second tour du scrutin, le 4 juillet. Graves inondations dans la
partie sud de la Pologne en mai. La crise économique semble passée et le redressement des investissements continue. Les Polonais
viennent en aide aux sinistrés après le séisme en Haïti.
POLITIQUE
Après un hiver très rigoureux, la Pologne a vécu une des pires tragédies de son histoire. Le matin du 10 avril, l’avion présidentiel s’est
écrasé à proximité de Smolensk en Russie avec 96 personnes à son
bord, dont le couple présidentiel, plusieurs ministres et vice-ministres, parlementaires de deux chambres, conseillers présidentiels,
hauts dirigeants de l’état-major de l’armée, les représentants du
clergé et les membres du personnel du bord. La délégation polonaise
venait se recueillir à Katyn, village à proximité de Smolensk, pour
commémorer le 70e anniversaire du massacre de 14 000 prisonniers
de guerre polonais. Ce meurtre a longtemps envenimé les relations
entre la Pologne et la Russie. Commis par la police secrète soviétique
en avril et mai 1940, il a été reconnu en 1990 par Mikhaïl Gorbatchev
comme l’un des plus grands crimes du stalinisme. Les représentants
des familles des morts de Katyn ont également péri dans le crash.
L’enquête sur les causes de l’accident s’oriente vers une erreur de
pilotage : les pilotes ont tenté un atterrissage sans visibilité à cause
d’un intense brouillard et à l’encontre des demandes du contrôle
aérien de poser leur avion sur un autre aéroport. Trois jours avant
l’accident, le 7 avril dans la forêt de Katyn, le Premiers ministres
russe, Vladimir Poutine, et polonais, Donald Tusk, ont commémoré
ensemble la mémoire des victimes de 1940. Pendant huit jours après
la catastrophe aérienne, les Polonais, profondément touchés, ont été
plongés dans le deuil et le recueillement. Manifestations culturelles,
visites officielles, rencontres professionnelles ont été annulées et
le pays a fonctionné au ralenti. Le cercueil du président polonais a
POLOGNE
GEOGRAPHIE
En dehors de sa bordure méridionale qui appartient à la Bohème,
hercynienne, et aux Carpates occidentales, tertiaires, la Pologne
s’étend sur une partie de la grande
plaine de l’Europe du Nord. Climat
continental, hivers rigoureux.
HISTOIRE
1795 Annexion à la Rus-
sie, la Prusse et l’Empire
austro-hongrois.
1830-31 et 1863-1864 Insurrec-
tions polonaises, écrasées par les
Russes.
1918 (nov.) Indépendance.
1920-21 Guerre
polono-soviétique.
1921 (17 mars) Régime
présidentiel.
1945-1989 République populaire
de Pologne.
1952 Démocratie populaire.
1980 Naissance de Solidarnosc.
1981-1983 Mesures de guerre.
1986 Prisonniers politiques
libérés.
1989 (août) Election du premier
gouvernement démocratique.
1997 Nouvelle Constitution.
Membre observateur de la Francophonie (Sommet de Hanoi).
1999 (12 mars) Membre de l’OTAN.
2004 (1er mai) Membre de l’UE.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Józef KWATERKO
Professeur titulaire à l’Université de Varsovie
[email protected]
78
EUROPE
été ramené à Varsovie, puis à Cracovie, où, lors
des obsèques nationales, la dépouille mortelle du
couple présidentiel a été placée après l’autorisation de l’archevêque de la ville dans la crypte des
rois du Château de Wawel.
Au-delà de l’émotion collective qui a uni les Polonais, cette catastrophe aura inexorablement eu des
conséquences sur la vie politique. D’abord à cause
d’une élection présidentielle anticipée qui devait
se tenir avant la fin juin conformément à la loi électorale. Mais contre les prévisions, la campagne
allait se jouer en deux tours. Celle du premier tour,
difficultés. Elle se trouve aujourd’hui confrontée à
une sérieuse crise due aux accusations récentes (à
la mi-juillet) de Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau
du président défunt et leader du parti de l’opposition. En effet, après avoir abandonné sa position
modérée et consensuelle lors de la campagne électorale, celui-ci réclame ouvertement que la Pologne
prenne en main l’enquête en cours en Russie (menée conjointement avec les procureurs polonais)
et accuse implicitement le gouvernement d’être en
partie responsable des causes de la catastrophe.
ECONOMIE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Bronislaw Komorowski, nouveau président élu (photo lcc, B.
Komorowski)
le 20 juin, a opposé deux candidats qui, à cause de
l’excellent score de plus de 13% de votes du leader
social-démocrate en lice, n’ont pas pu franchir la
barre de 50% : Bronislaw Komorowski (41,5% de
voix), président de la chambre basse du parlement
(qui a assuré la présidence polonaise par intérim
et qui est un des leaders du parti pro-européen
au pouvoir, la Plateforme civique) −, et l’ancien
Premier ministre et leader du parti conservateur,
Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski (36,4%), le
frère jumeau du Président défunt, Lech (ce dernier
visait le second mandat lors des élections prévues
en temps normal pour octobre 2010).
Entre le premier et le second tour, les deux candidats étaient à égalité dans les sondages, Jaroslaw Kaczynski, ayant recentré son discours sur son
« devoir » de prolonger le travail et d’achever la
« mission » de son frère ainsi que sur les graves
inondations que la Pologne avait subies au mois
de mai et que le gouvernement libéral n’a pas osé
déclarer comme « état de catastrophe naturelle »
pour ne pas compliquer davantage la situation
politique, déjà suffisamment perturbée. Son rival,
Bronislaw Komorowski, appuyé par le Premier
ministre Tusk, a fait preuve de tact et de réserve
en proclamant son désir de chercher l’unité politique et la présence polonaise plus large au sein
de l’Union européenne. Le 4 juillet, à l’issue du
second tour (55 % taux de participation), Bronislaw Komorowski a été élu Président avec 53% de
voix après un duel serré avec Jaroslaw Kaczynski
qui a obtenu 47% de voix.
La classe politique polonaise traumatisée a du
mal à se relever du choc sans précédent depuis
la seconde guerre mondiale que fut la tragédie
de Smolensk. La vie politique elle-même, perturbée par les élections précipitées, reprend avec
A la suite d’inondations qui ont balayé le pays du
sud au nord en mai dernier, dans certaines régions
des milliers de personnes se sont retrouvées sans
abri ou ont dû fuir leur domicile menacé d’effondrement. Ces inondations se sont produites au
moment où le gouvernement affichait son succès
en termes d’exécution budgétaire. En effet, sur
les 4 premiers mois de 2010, le déficit budgétaire
calculé à 27 milliards de zlotys a atteint un niveau
inférieur de 5 milliards de zlotys environ par rapport aux estimations du ministère des Finances.
Mais les statistiques macroéconomiques vont pouvoir bientôt montrer le possible impact de cette
catastrophe naturelle sur l’économie.
Il faut signaler qu’avec une croissance annuelle
de 1,2% en 2009, la Pologne a été le seul état
membre de l’Union européenne à connaître un
redressement continu. D’autre part, une nouvelle
loi sur la prestation de services sur le territoire de
la République de Pologne a été introduite en mars
2010 dans le droit polonais. Elle met en œuvre
les directives européennes portant sur la libre
circulation des services à l’intérieur de l’Union
européenne et confirme le droit des entrepreneurs
européens de proposer librement leurs services sur
le territoire polonais, sans obligation de passer par
le registre des sociétés. Si, suite à cette récente
réforme, l’année 2010 s’annonce positive, grâce
surtout aux championnats de football « Euro 2012 »
qui génèrent de nombreux investissements étrangers dans la construction des stades, des infrastructures ou hôtels, le secteur national du bâtiment
et de l’immobilier pour la population se retrouve au
plus bas niveau depuis plusieurs années.
CULTURE ET SOCIETE
A la veille du recensement national de la population de 2011, les démographes s’inquiètent
de la baisse de la natalité qui pourrait affecter à
l’avenir le niveau économique et le niveau social.
Néanmoins, ce pronostic est en contradiction
avec l’image que les jeunes se font d’eux-mêmes.
D’une part, à en croire les sondages, la famille
reste toujours la préoccupation première des
Polonais. Les jeunes couples déclarent même
vouloir plus d’enfants qu’ils n’en ont, tout en
évoquant une barrière économique à la réalisation de leurs projets familiaux. D’autre part, on
79
des tableaux des peintres haïtiens provenant des
collections privées.
SCIENCE
L’intérêt soutenu pour les études canadiennesfrançaises et québécoises en Pologne (voir édition l’AFI 2009-2010, p. 73) se confirme en 2010
par la soutenance de deux thèses de doctorat (à
l’Université de Varsovie et celle de Katowice),
portant respectivement sur l’émergence et
l’esthétique du roman policier au Québec et la
représentation de l’évolution de la société québécoise dans les romans de Jacques Godbout. En mai
2010, L’Association polonaise des études canadiennes (APEC), fondée en 1998 et regroupant
quelques dizaines de chercheurs et étudiants en
francophonie canadienne, est devenue membre à
part entière du Conseil international des études
canadiennes. Le 5e congrès de l’APEC, « Vers un
multiculturalisme critique: dialogues entre/parmi
les diasporas canadiennes », a été programmé à
l’Université Jagellone de Cracovie début octobre
2010. Le 25-26 février à l’université de Poznan
un colloque sur « les littératures mineures » a
été consacré aux expressions littéraires en Suisse
romande, en Belgique et en Espagne (les écrivains
catalans, valenciens, galiciens). BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
Béjannin, Pascal, Mammo (Mammo), Varsovie, éd. Dialog, 2010.
Ben Jelloun, Tahar, O mojej matce (Sur ma mère), Varsovie, éd. Dialog, 2010.
Binebine, Mahi, Ludozercy (Cannibales), Varsovie, éd.
Dialog, 2009.
Chesses Jacques, Wampir z Ropraz (Vampire de Ropraz), Varsovie, éd. WAB 2009.
Khadra, Yasmina, Owieczki Pana (Les Agneaux de Seigeur), Varsovie, éd. Dialog, 2010.
Solé, Robert, Tarabusz (Le Tarbouche), Varsovie, éd.
Dialog, 2009.
REPUBLIQUE TCHEQUE
Petr KYLOUŠEK
Université Masaryk de Brno
République tchèque
[email protected]
POLITIQUE ET ECONOMIE
Deux événements de septembre 2009 ont entamé
la crédibilité de la classe politique : d’une part le
verdict de la Cour constitutionnelle qui a déclaré
illégitime la procédure de l’autodissolution de
l’Assemblée Nationale, d’autre part l’affaire des
diplômes de la Faculté de droit de l’Université de
Pilsen qui a mis à jour la corruption et les connivences au sein de l’appareil judiciaire et administratif. Les élections anticipées de novembre 2009
ont été annulées et l’échéance électorale de mai
2010 a bouleversé le paysage politique.
Les deux partis hégémoniques–Parti social
démocrate tchèque (ČSSD) et Parti démocratique
civique (ODS) – en sortent affaiblis, deux autres
partis traditionnels–Parti chrétien-démocrate
(KDU-ČSL) et les Verts (SZ) – n’ont pas dépassé
le seuil d’éligibilité et ont été relayés par deux
nouvelles formations émergentes – TOP 09 et
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
assiste à une pression de plus en plus forte des
jeunes (appuyés au Parlement par les sociauxdémocrates) qui souhaitent l’acceptation d’une loi
sur le remboursement garanti de la fécondation
in vitro, la légitimation du mariage homosexuel
et la dépénalisation de la loi sur l’avortement. Le
17 juillet, une marche « EuroPride » à Varsovie
a réuni autour de 20 000 participants homo et
hétérosexuels réclamant l’adoption des lois contre
la discrimination de l’orientation sexuelle dans
l’administration et l’espace public.
Après le tragique tremblement de terre en
Haïti en janvier, plusieurs levées de fonds d’aide
ont été organisées par les ONG et différents
organismes polonais pendant des spectacles et
concerts de charité. La Fondation « Polska-Haiti
», créée en février, avec « Caritas Polska » et
la Télévision Polonaise (première chaîne), ont
recueilli un million d’euros pour venir en aide
aux sinistrés haïtiens, notamment avec un projet
de construction d’une école primaire. Le 23 janvier, à la Grande Bibliothèque de l’Université de
Varsovie, une journée d’études a été organisée
par les chercheurs spécialistes pour mettre en
perspective l’histoire, l’art et la culture haïtiens.
A la même université, la Faculté de Néo-philologie (Langues et Lettres modernes) s’est déclarée
prête à accueillir un groupe d’étudiants de l’École
Normale Supérieure de l’Université d’État à Portau-Prince (détruite par le séisme) afin de leur permettre de terminer leurs études de 1er cycle (à la
licence). Le Rectorat de l’Université de Varsovie a
accordé des bourses allant jusqu’à 24 mois à dix
étudiants de Port-au-Prince qui devraient pouvoir commencer leurs études à partir de février
2011. Fin mars, dans le cadre de l’Année Internationale Frédéric Chopin (200e anniversaire de
la naissance du pianiste), un concert « Chopin
inspire Ginsbourg », organisé par l’Ambassade de
France, a eu lieu au Grand Théâtre de Varsovie
(avec la participation entre autres de Jane Birkin)
ainsi qu’une soirée de gala, suivie d’une vente
80
EUROPE
Petr Nečas, premier ministre du nouveau
gouvernement de centre droit.
REPUBLIQUE TCHEQUE
HISTOIRE
Affaires publiques (VV). Les électeurs ayant appliqué massivement
la pratique des voix préférentielles, plusieurs politiciens établis, y
compris têtes de liste, anciens leaders ou figures dominantes ont
perdu leurs postes. La nécessité du changement est sensible tant
dans le discours politique (transparence, mesures anticorruption)
que dans le programme du nouveau gouvernement de coalition
de centre droit (ODS, TOP 09, VV) du premier ministre Petr Nečas
(ODS). La nécessité des réformes fiscales, du financement de la
santé et des retraites reflètent la politique visant l’équilibre budgétaire à court terme. En politique étrangère, le seul événement
majeur a été la rencontre au sommet des présidents américain et
russe, Barack Obama et Dmitri Medvedev, à Prague, en avril 2010,
dans le cadre du nouvel accord START concernant la limitation des
missiles atomiques.
1918 Création de la
Tchécoslovaquie.
1968 Printemps de Prague.
1969 La Tchécoslovaquie, Etat
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
fédéral.
1989 « Révolution de velours ».
1993 Deux Etats distincts : République tchèque (Václav Havel président) et Slovaquie.
1996 Demande d’adhésion à l’UE.
1998 Alternance : Miloš Zeman Premier ministre
(social-démocrate).
1999 Admission à l’OTAN.
1999 Membre observateur de
la Francophonie (Sommet de
Moncton).
2004 (1er mai) Membre de l’UE.
2006 Alternance : Mirek Topolánek
Premier ministre (Parti démocratique civique — ODS).
2008 Václav Klaus réélu président.
CULTURE
« Les Journées de la Francophonie », en mars 2010, ont sans doute
été le point culminant des activités culturelles francophones. L’accent a été mis sur la cinématographie : treize villes tchèques ont
ainsi assisté à la projection des films belges (Kadiatou Konate),
luxembourgeois (Anne Schroeder), suisses (Jacqueline Veuve, Samuel et Frédéric Guillaume), sénégalais (Mohamadou Ndoye Dout’s),
congolais (Jean-Michel Kibushi Ndjate Wooto), tchadiens (Mahamat
Saleh Haroun, Moulsy Lamso), canadiens (Dominic Morissette, Philippe Baylaucq).
Le tremblement de terre de Haïti a centré l’attention sur la culture
de l’île et la présence d’Evelyne Trouillot, Jean Durosier et de la
directrice de l’association ETC Caraïbes aux débats organisés à
Prague, Olomouc, Ostrava, Plzeň et Hradec Králové a contribué non
seulement au soutien des victimes, mais aussi à la présentation de
la littérature et culture haïtiennes. La République Tchèque a été
également honorée, en mai 2010, par la présence de S.E. Abdou
Diouf, secrétaire général de l’OIF, qui a analysé, dans sa conférence
à l’Université d’Olomouc, les quatre décennies de l’existence de
l’organisation. En juin 2010, un important colloque international,
au CEFRES de Prague, a été consacré à Paul Claudel et ses liens
avec la Bohême. ROUMANIE
Mariana PERIŞANU
Maître de conférences, ASE Bucarest
[email protected]
POLITIQUE
Les élections présidentielles de novembre 2009
ont reconduit le président Traian Băsescu pour un
deuxième mandat au palais Cotroceni après un
scrutin contesté par ses adversaires et une campagne électorale négative. Ce sont les suffrages de
la diaspora qui ont fait pencher la balance en sa
faveur. La crise n’a fait qu’accentuer un sentiment
de ras-le-bol qui a failli être fatal au président
réélu de justesse : 50,33% contre 49,66%. Le
gouvernement de son premier ministre Emil Boc
avait déjà été démis en octobre 2009 par motion
de censure. Depuis 1990 Traian Băsescu a été
ministre des Transports à trois reprises, maire
de Bucarest (2000-2004) et président du pays
depuis 2004. Son premier mandat a été marqué
par de nombreux conflits : avec le Premier Ministre
libéral Călin Popescu Tăriceanu, avec le Parlement
qui l’avait démis en 2007. En 2009 l’alliance entre
le Parti Démocrate Libéral (PD-L) et le Parti Social
Démocrate (PSD) n’a pas fonctionné et a n’a généré
ni la bonne gouvernance, ni la stabilité du pays.
20 ans après...
Pour le vingtième anniversaire de la révolution de
décembre, Timişoara a inauguré une plaque commémorative dédiée aux victimes, a créé un site
81
ECONOMIE
La croissance économique a connu une chute brutale en 2009 (de 7,1% à -7,1%) et le redressement
prévu jusqu’à 1,3% en 2010 ne montera pas en
fait au-dessus de la barre de 0. Le taux de l’inflation a augmenté en 2010 de 4,5% à 7% suite à la
croissance de la TVA de 19% à 24% et le taux du
chômage a progressé de 7% à 9%. L’économie souterraine représente, selon le cabinet d’expertise
et conseil A.T. Kearney, 33% du produit intérieur
brut de la Roumanie et deux tiers de cette somme
impressionnante proviennent du travail au noir.
Les accords avec le Fonds Monétaire International
exigeant une réduction nette et rapide du déficit
budgétaire avant une réforme de l’appareil administratif qui traîne, le salaire des fonctionnaires
publics se retrouve sévèrement diminué de 25%.
L’accord portait sur un prêt global de 20 milliards €,
dont une partie devait aller au financement de
projets majeurs, notamment d’infrastructures,
tandis que l’autre était destinée aux réserves de
la Banque Centrale (BNR) pour soutenir le cours
du leu. Mais le prêt du Fonds Monétaire International et de l’Union Européenne a été utilisé en
grande partie pour combler les trous d’un budget
d’Etat où les recettes publiques ne couvraient pas
l’ensemble des dépenses prévues. Malheureusement, aucun projet important n’a été démarré et
l’économie tourne toujours au ralenti. La courbe
des revenus et des dépenses sur les 18 dernières
années montre que les dépenses publiques ont
toujours été supérieures aux revenus et que, même
pendant les années de croissance économique le
budget n’a pas eu d’excédent.
Même si la morosité économique persiste, certains patrons continuent à investir grâce aux fonds
structurels et de cohésion de la part de l’Union
Européenne, mais le taux général d’absorption
de ses fonds reste très bas.
CULTURE
Paul Morand à Bucarest
Epoux de la princesse
roumaine Hélène Soutzo,
l’écrivain et diplomate
français en poste à Bucarest a écrit en 1935 un
récit Bucarest empreint
d’humour sur le quotidien
et les mœurs des Roumains. Ami de Brancusi, il
a défendu son art en France et en Amérique. Les
manifestations organisées fin 2009 (colloque, exposition, lectures) ont été destinées à restituer au
public l’image d’un homme controversé.
ROUMANIE
GEOGRAPHIE
Pays des Carpates. Langue romane (le roumain).
HISTOIRE
1859 Union de la Moldavie et de la Valachie sous le nom
de Roumanie, à laquelle s’ajoutent la Transylvanie et la
Bessarabie en 1918.
1947 Abdication du roi Michel 1er. Instauration du
régime communiste. Nicolas Ceauşescu devient
secrétaire du parti communiste (1965), puis président de
la République (1974).
1989 Renversement et exécution des époux Ceauşescu.
1990 Ion Iliescu élu président avec 85 % des voix
(reconduit en 1992).
1996 Iliescu battu par Emil Constantinescu. Changement
important vers l’économie de marché et la démocratie.
1999 Sommet d’Helsinki : l’UE invite la Roumanie aux
négociations d’adhésion.
2004 Traian Băsescu président.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
internet, une balade en tramway de la Place de la
Victoire à la Place Maria où a démarré la révolution
roumaine. Un spectacle de Messe de requiem coordonné par le directeur de l’Opéra de Vienne Ioan
Holender a eu lieu le 18 décembre. D’autre part,
Scorniceşti, ville natale de Nicolae Ceauşescu, a
inauguré fin janvier 2010 un imposant buste en
marbre à la gloire de l’ancien dictateur.
Même vingt ans après, beaucoup de mystères
sur la révolution persistent, car l’information était
dosée par les médias tout en gardant l’apparence
de spontanéité et derrière les caméras le nouveau
pouvoir négociait son ascension.
En vingt ans la Roumanie a fait d’énormes
progrès. La liberté d’expression et de circulation
existe, le pays est membre de l’Union Européenne
et de l’OTAN. En même temps la démocratie roumaine n’est pas parfaite. Malgré la liberté et une
croissance économique forte pendant une décennie, la Roumanie marque le pas dans son parcours
vers une société à la fois solidaire et compétitive.
Les institutions de l’état ont besoin d’une remise
en question. L’Eglise orthodoxe roumaine, mise au
ban pendant le régime communiste, a su remplir
un vide dans l’espace public. Elle est très présente dans la société et beaucoup disent qu’elle
pèse sur les décisions politiques. La construction d’une immense cathédrale de la Rédemption
du peuple à Bucarest démarrée en 2010 répond
à une religiosité des Roumains parfois sincère,
souvent intéressée. « La piété presque médiévale
dans nos églises est due à la pauvreté et on assiste
à une cléricalisation du discours chrétien » dit le
théologien Mihai Neamţu interrogé par la revue
Regard en mai 2010.
82
EUROPE
Prix Nobel pour Herta Müller
en 2009
La Roumanie est le pays d’origine et la scène principale où
se jouent les tragédies de cette
romancière engagée, l’une des
grandes voix de la littérature
allemande contemporaine.
(Niederungen (1986), Le Renard
était déjà le Chasseur (1994), La
Convocation (2001), Atemschankel (2009).
Ionesco et Cioran à l’Académie
Roumaine
Eugène Ionesco et Emile Cioran ont été nommés membres
de l’Académie Roumaine. Un
titre post-mortem qui leur a été
accordé à l’occasion du centenaire de la naissance d’Eugène
Ionesco le 26 novembre 1909.
Ionesco et Cioran rejoignent ainsi Mircea Eliade, le philosophe
Constantin Noïca et le poète
Nichita Stănescu, tous admis
dans la prestigieuse institution
après leur mort.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Alba Iulia – histoire et
patrimoine
La cité transylvaine Alba Iulia
(Alba Carolina) avec ses trois
portes restaurées fut construite
en style Vauban entre 1715-1718 et englobe toutes
les fortifications préexistantes (castrum romain
sur la route de l’or des Carpates ; cité médiévale).
Le Musée National de l’Union abrite la salle où
l’on a proclamé le 1er décembre 1918 l’Union de
la Transylvanie avec la Daco-Romania (les autres
Principautés Roumaines). Derrière la statue
équestre de Mihai Viteazul (Michel le Brave) le bas
relief de l’Union représente ce prince qui, lors de
la première union (1601), reçoit
l’hommage symbolique des trois
pays roumains : la Moldavie, la
Valachie et la Transylvanie.
La Cathédrale orthodoxe de
l’Union (1921-1922) a vu couronner les souverains de la Grande
Roumanie : le roi Ferdinand et
la reine Marie (bustes près de
la tour d’entrée à haut clocher).
La cathédrale Romano-catholique (1247-1356) restaurée par
Iancu de Hunedoara et nécropole de sa famille réunit les
styles roman, gothique, baroque
et renaissance. La bibliothèque
Bathyaneum abrite des documents très précieux dont Codex
Aurex, la Bible de Serban Cantacuzino. Un obélisque est dressé
à la mémoire de Horea, Cloşca
et Crişan, les dirigeants et martyrs de la révolte paysanne de
1784. Le monument chandelle
de Dealul Furcilor (Colline des
Fourches) rappelle l’endroit précis de leur supplice sur la roue.
Le palais Apor d’une sobre élégance appartient à l’Université
« 1er Décembre 1918 » (Universitas Apulensis), institution
digne de ses traditions. Les
sessions scientifiques telles, en
mai 2010, « Interdisciplinaire et
transdisciplinaire en langue, littérature et pédagogie/didactique » (Faculté d’Histoire et Philologie)
acquièrent, comme les journées de la ville, une
renommée nationale et internationale.
Espace de combats historiques et ethniques,
Alba Iulia–cité symbole de l’histoire roumaine,
devient aujourd’hui un espace de concorde et de
modernité autour d’une fontaine cinétique qui
combine musique et lumières. SERBIE
Ljiljana MATIC
Université de Novi Sad
[email protected]
POLITIQUE
«L’année 2010 sera importante pour l’avenir européen de tous les Balkans occidentaux», a déclaré
à Bruxelles, à l’issue de la session du dialogue
politique de la Serbie et de l’UE, le chef de la
diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos,
qui préside l’UE. Les intégrations européennes ont
été également le thème de la réunion de Belgrade
“Combien de pas jusqu’à l’UE”, organisée par la Fondation Conrad Adenauer. “Nous ferons tout ce que
nous pouvons pour que se poursuive l’intégration de
toute la région à l’UE. Le début du dialogue politique
avec la Serbie a été bon”, a constaté Moratinos à
la conférence de presse après la réunion avec Vuk
Jeremić, le ministre des Affaires étrangères de
Serbie. Moratinos a déclaré que la première session du dialogue politique ministériel conforme
83
SERBIE
GEOGRAPHIE
Pays des Balkans qui comprend
une province autonome au nord,
la Voïvodine. Le pays compte près
de 7 822 800 habitants. Il dispose
d’importantes ressources agricoles et s’appuie sur les industries
de la sidérurgie, la métallurgie
non ferreuse et les industries de
transformation.
HISTOIRE
1918 Proclamation du Royaume
des Serbes, des Croates et des
Slovènes.
1929 La région prend le nom de
Royaume de Yougoslavie
1945 Après le Seconde Guerre
mondiale, la Serbie devient une
unité fédérale de la République
fédérale socialiste de Yougoslavie,
qui sera dissoute progressivement
à partir du début des années 1990
avec la sécession de la Croatie, la
Macédoine et la Bosnie-Herzogovine. Ces événements déclenchent
les guerres en Yougoslavie entre
1991 et 2001.
1993 Création du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)
2001 Arrestation de l’ancien pré-
sident de la Yougoslavie et remise au TPIY qui doit le juger
pour crimes de guerre contre
l’humanité.
2006 Mars. Décès de Slobodan
Miloševi alors que le TPIY poursuivait ses travaux. Fin de l’union
Serbie-et-Monténégro. Indépendance de la Serbie. La Serbie
devient Etat observateur à l’Organisation internationale de la
francophonie
2007 Janvier. Tenue des élections
législatives. Vojislav Koštunica est
Premier ministre. Il avait été président de la République fédérale
de Yougoslavie d’octobre 2000 à
mars 2003.
2008 Février. Réélection à la prési-
dence de Boris Tadi pour un deuxième mandat. Le Kosovo déclare
unilatéralement son indépendance. La Serbie n’a pas reconnu
cette indépendance. Mars. Démission du gouvernement de Vojislav Koštunica. Mai. Nouvelles
élections législatives et locales.
Un nouveau gouvernement de
coalition est mis en place. Mirko
Cvetkovi est ministre et gouverne
avec l’appui du Parti socialiste de
Serbie depuis juillet 2008.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
au Traité de Lisbonne avait clairement indiqué “le plein attachement
du peuple et des autorités serbes à la voie vers l’adhésion à l’UE”.
L’opinion publique en Serbie s’est attendue à ce qu’à la réunion soit
déterminée la date de la soumission de la candidature de la Serbie
au Conseil des ministres de l’UE, mais cela ne s’est pas produit.
Vuk Jeremić a déclaré qu’il espérait que nous n’attendrions pas la
soumission de la candidature du Conseil des ministres après juin,
lorsqu’il est prévu que le procureur Serge Brammertz informe les
pays de l’UE de la coopération de la Serbie avec le TPI de La Haye.
En inaugurant la conférence d’Ambassadeurs de deux jours à Belgrade en janvier 2010, le ministre des Affaires étrangères de Serbie,
Vuk Jeremić a déclaré que les priorités de la politique étrangère
de l’État ne seront pas modifiées cette année et que l’adhésion à
l’UE et la défense de l’intégrité territoriale et de la souveraineté au
Kossovo-Metohia restaient les objectifs les plus importants. Jeremić
a mis en relief comme priorités également le développement de la
coopération avec les voisins dans la région, de même que le développement de l’économie diplomatique au moment de la crise mondiale. Jeremić a indiqué que Bruxelles, Moscou, Pékin et Washington
restaient les quatre piliers de la politique extérieure serbe.
Selon lui, Bruxelles est la capitale de l’UE, à laquelle la Serbie
souhaite adhérer dans les plus brefs délais, tandis qu’elle partage
le partenariat historique avec Moscou, et la Russie est un allié de la
Serbie dans la défense pacifique de l’intégrité territoriale. Jeremić
a souligné que le troisième pilier de la politique extérieure de la
Serbie est Pékin, avec qui est établi un partenariat stratégique,
tandis que le quatrième est Washington, comme facteur crucial sur
la scène politique mondiale. Jeremić a répété que la Serbie était
déterminée à achever la coopération avec le TPI de La Haye.
Les priorités de la politique étrangère de la
Serbie pour 2010 sont accordées au rapprochement de l’UE, à la sauvegarde de la souveraineté
et de l’intégrité du pays, au raffermissement de la
coopération régionale et du bon voisinage ainsi
qu’à l’intensification de la diplomatie économique.
TADIĆ a indiqué comme priorité majeure de la politique étrangère de la Serbie l’adhésion à l’UE, en
soulignant qu’elle n’avait pas d’alternative.
L’année 2014, a-t-il ajouté, sera probablement celle de l’intégration
de l’ensemble des Balkans occidentaux au sein de l’Union, en constatant que, durant la présidence espagnole, l’Accord de stabilisation
et d’association a chance d’être ratifié, ce qui serait un préalable à
ce que, jusqu’à la fin 2010, ou au début de l’année 2011, la Serbie
devienne candidate officielle à l’adhésion. Le président serbe a fait
ressortir que la Serbie continuerait à coopérer activement avec le
Tribunal à La Haye, en exprimant la conviction que des progrès
seraient réalisés sur ce plan dans la période qui suit.
La sauvegarde de l’intégrité et de la souveraineté au Kosovo-Metohia est la deuxième priorité majeure, a indiqué Tadić, en mettant
en relief que la Serbie ne reconnaîtrait jamais l’indépendance de
sa Province méridionale. Il a fait savoir que la Serbie ne mènerait jamais une politique de violence, mais qu’il s’attendait, tant
que dure le procès devant la Cour Internationale de Justice, à ce
qu’aucune nouvelle décision ne soit adoptée sur la reconnaissance
de l’indépendance de Kossovo, autoproclamée. «Belgrade est prête
à revenir à la table des négociations».
En évoquant les relations de bon voisinage avec les pays voisins,
Tadic a souligné que la Serbie souhaitait apporter sa contribution à
de telles relations, dont témoigne le progrès des relations avec la
Slovénie, la Hongrie et la Roumanie, et, l’amitié traditionnelle avec
la Grèce. Il a mis en vedette que la Serbie était obligée d’adresser
une contre-plainte contre la Croatie mais qu’il y avait encore des
possibilités pour stopper l’affaire. Aux dires du président, il aurait
84
EUROPE
fallu rendre justice au cours des procès réguliers,
et non point confronter les États.
Le Premier ministre MIRKO
CVETKOVIĆ, a fait ressortir
qu’en outre, l’une des tâches
majeures était assurément le
développement de la politique
d’exportation – l’amélioration
du climat d’affaires, qui attirerait également de nouveaux
investissements en Serbie, et, dans ce sens, le
rôle des diplomates économiques se distingue
tout particulièrement.
Le ministre de l’intérieur et
suppléant du Premier ministre,
IVICA DAČIĆ, a mis en exergue
toutes les conditions que la
Serbie a remplies afin de faire
supprimer les visas, en répétant
que cela ne fut pas un cadeau. Au
contraire, la Serbie a fait beaucoup d’efforts en adoptant les
lois et les conventions nécessaires, et en les mettant en place, en particulier pour la lutte contre
la corruption et le crime organisé.
Pour sa part, le ministre de la défense, Dragan
Šutanovac a déclaré s’attendre à ce que la professionnalisation de l’Armée de Serbie soit achevée
l’année prochaine, au cours de cette période, ce
qui est le but majeur de ce Ministère, et, à ce que
des conditions soient créées pour supprimer le
service militaire. Il a ajouté qu’au cas où il n’y
aurait de changements dans le budget ou des perturbations sur le marché d’emploi, le processus
de professionnalisation de l’Armée pourrait être
terminé dans le délai prévu.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
ÉCONOMIE
De l’avis des hommes d’affaires serbes, l’année
2009 fut la pire depuis les changements démocratiques en 2000. Une des raisons à cela est la
crise financière mondiale, qui a frappé la Serbie
en processus de transition. Fort heureusement, les
mesures du Gouvernement ont atténué l’impact
de la crise, mais les conséquences sont visibles,
avant tout dans l’augmentation de l’insolvabilité
des entreprises ainsi que dans la diminution de
la production et de l’exportation. Toutefois, les
hommes d’affaires attendent du Gouvernement
à ce qu’il continue à appliquer des mesures stimulatrices et à attirer des investissements de
capitaux. L’annonce de la récession en baisse et
d’une croissance économique de près de 1,5 %
laisse espérer que le pire soit passé.
Une des mesures majeures du Gouvernement de
Serbie en vue d’atténuer les effets négatifs de la
crise économique mondiale, fut le programme de
crédits de subvention pour l’insolvabilité des entreprises, réalisé en coopération avec les banques
d’affaires. Or, même si près d’un milliard d’euros
de crédits fut placé, plus de 70 000 firmes se sont
trouvées bloquées, dont entre autres les petites et
moyennes entreprises, qui furent le plus touchées.
Pour ce qui est des secteurs du génie civil, de la
construction des machines et de l’industrie de
transformation, la situation s’annonce difficile,
car c’est justement là qu’a été enregistrée la plus
grande chute des activités économiques.
Seule la production agricole a marqué une
croissance. En effet, l’agriculture a réalisé dans
les échanges un sufficit de plus de 700 millions de
dollars. Selon le président de la Chambre de commerce de Serbie, Miloš Bugarin, de grands projets
infrastructurels routiers et des investissements
dans le secteur énergétique pourraient être le “générateur” pour les autres branches économiques,
touchées par la récession. Bugarin soulève aussi
l’importance de la création d’une Banque serbe de
développement, qui placerait dans l’économie des
crédits à des conditions favorables.
De cette manière, on permettrait aux firmes
de s’assurer des ressources pour investir dans
l’élargissement de la production et de l’équipement technologiques. À défaut de nouveaux
investissements dans le développement, on ne
peut compter sur une économie compétitive, ce
qui se manifestera surtout dans les années à venir,
lorsque le marché international “aura ouvert ses
portes”, a constaté Bugarin.
Comme l’a déclaré le ministre
de l’Économie et du Développement régional, MLADJAN DINKIĆ,
les citoyens de Serbie ont acquis
le droit à une somme en argent
équivalant aux actions des entreprises privatisées entre 2001 et
aujourd’hui, ainsi qu’aux actions
gratuites des plus grandes entreprises. La ventes des actions des Registres de
privatisation a commencé en 2008 et jusqu’au
milieu de l’année précédente elle se déroulait bien,
mais elle a été arrêtée en septembre en raisons des
conséquences de la crise économique mondiale.
Jusqu’alors furent vendues les actions d’une valeur
de 8 milliards de dinars, soit environ 85 millions
d’euros.
Au cours de 2010 on s’attend également à la
distribution des actions de l’entreprise publique
Télécom, de l’aéroport de Belgrade et d’encore
quelques grandes entreprises, alors que les
actions de l’Entreprise publique “Electricité de
Serbie” seront distribuées en 2011.
Pendant l’année 2010, en Serbie est attendue
une croissance économique légère du produit
intérieur brut, de 1,5 % avec l’inflation de 6%,
qui ne devrait pas influencer le développement
économique du pays, a déclaré
RADOVAN JELAČIĆ, le gouverneur
de la Banque nationale de Serbie. Il a annoncé la détente légère de la politique monétaire,
qui dépendra avant tout du prix
du pétrole sur le marché mondial,
mais aussi de la croissance des
prix sous le contrôle du pays. Les
85
CULTURE SOCIETE
À l’occasion de la Fête nationale de France, le 14 juillet, le prince héritier Alexandre de Serbie accompagné par son épouse la princesse Katherine, son fils
le prince Philippe et sa belle-fille Alison Andrews,
a assisté à l’inauguration du buste de Louis Barthou dans les jardins de l’ambassade de France à
Belgrade. Louis Berthou (1862-1934) était ministre
des affaires étrangères français et à ce titre chargé
d’accueillir à Marseille en 1934 le roi Alexandre de
Yougoslavie. Le souverain sera victime d’un attentat,
le ministre recevra par erreur une balle d’un policier
qui tentait de riposter. Il décédera faute de ne pas
avoir été soigné à temps.
La monographie “Patrimoine culturel mondial –
Serbie”, avec des aperçus d’experts sur onze monuments culturel serbes qui sont sous protection de
l’UNESCO, sera présentée au public international
comme une contribution à la lutte pour la modification de l’image de la Serbie, a déclaré le ministre
de la Culture de Serbie, Nebojša Bradić, à la promotion de cette publication en janvier 2010. L’œuvre
luxueuse de plusieurs auteurs a été présentée dans
le Musée national de Belgrade. Le ministre des Affaires étrangères, Vuk Jeremić a mis en relief que les
quatre monuments serbes qui figurent sur la liste
du patrimoine culturel mondial et qui sont dans le
territoire du Kossovo-Metohia, étaient menacés.
L’année 2010 aura été marquée par la disparition de MOMO KAPOR, peintre et écrivain
serbe né en 1937. Il est l’auteur d’une trentaine
de romans, nouvelles, récits, recueils de contes,
récits de voyages, chroniques et essais. Toutes
ses œuvres portent l’empreinte d’un style chaleureux et immédiatement reconnaissable, ainsi
que d’une tension permanente entre sa culture
serbe et balkanique et ses références occidentales. Les œuvres de Kapor ont été traduites en
plusieurs langues, dont le français et l’allemand.
En français, ont été traduits notamment “Le mystère Chlomovitch”, “Le dernier vol pour Sarajevo”
et “Le tapis vert du Monténégro”.
SCIENCE/CULTURE
Les 6 et 7 novembre 2009, le Département de
langues et littératures romanes, à la Faculté de
Philosophie-Lettres de l’Université de Novi Sad,
et l’Ambassade de France à Belgrade ont organisé
le 2e Colloque des Départements d’Études Françaises. Les organisateurs avaient invité des professeurs de France, de Hongrie, de Croatie, ainsi
que des collègues de Serbie, notamment de la
Faculté de Philologie de Belgrade et de la Faculté
des Lettres et des Arts de Kragujevac.
Le 23 mars 2010, au Centre Culturel Français
à Belgrade a eu lieu le lancement du livre des
essais “La Mosaïque sous le signe du Lys” de
Ljiljana Matić, professeur titulaire de littératures
française et francophone à l’Université de Novi
Sad. Les essais traitent des sujets, des ouvrages
et des auteurs serbes et français de l’Antiquité
et du Moyen-âge à nos jours et démontrent les
influences mutuelles historiques, culturelles et
littéraires entre deux peuples.
Depuis 2009, la Faculté de Philosophie de
l’Université de Novi Sad (coordinatrice nationale
pour la Serbie Ljiljana Matić) et la Faculté de
Langues Étrangères de l’Université Spiru Haret
de Bucarest (directrice du projet Mihaela Chapelan) collaborent dans le cadre du projet multinational “La Ruptures et/ou continuités identitaires
chez les écrivains d’expression françaises du sudest européen” qui a pour but l’élaboration d’un
dictionnaire commun des écrivains d’expression
française de cette zone.
Le 23 mai 2010 a eu lieu le premier Festival
de théâtre universitaire francophone de Novi
Sad, “TufraNS”. Les étudiants de Novi Sad, et
de Zagreb et Zadar, Croatie, ont préparé en français des pièces Une Journée d’enfer de Jean-Louis
Bauer, (Les voleuses de beauté de Zagreb, mise
en scène Simon Flambeaux), Les riches reprennent
confiance de Louis-Charles Sirjacq (Francofolie de
Zadar, mise en scène Isabelle Fillion), La Reine
molle d’après Marion Aubert (Le Théâtre sans fil de
Zagreb, mise en scène Sylvain Tanqurel) et Classe
Terminale de René de Obaldia (Les Jeunes de Novi
Sad, mise en scène Tamara Valčić-Bulić). L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
premières signes de reprise de l’activité économique ont été visibles déjà dans la deuxième moitié de 2009. Ainsi, après un an, plus précisément
au troisième trimestre, on est parvenu à la croissance de l’activité économique de 4,2 %, et cette
tendance a continué, plus lentement, jusqu’à la fin
de l’année. Grâce à cela, la baisse du produit intérieur brut sera d’environ 2,8%, ce qui est beaucoup mieux que les prévisions à 4,5%.
86
EUROPE
SLOVAQUIE
Arnaud SEGRETAIN
Chargé des relations européennes
pour le Conseil Régional de Bratislava
[email protected]
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
La République slovaque vient d’élire pour la première fois de sa courte histoire une femme à la
tête de son gouvernement. Candidate défaite aux
élections présidentielles l’année précédente, elle
réussit à créer une large coalition de centre-droit
avec les chrétiens-démocrates, un nouveau parti
néolibéral, un nouveau parti slovaco-hongrois et
son propre parti SDKU-DS, principal parti de l’opposition ces quatre dernières années.
que le parti national a franchi la limite nécessaire
des 5% de 0,7 point seulement.
Ainsi, le parti populaire de l’ancien premier
ministre Vladimir Meciar dans les années 90
n’ayant pas non plus franchi cette limite, le parti
socio-démocrate SMER, qui a pourtant fièrement
gagné les élections avec près de 35% des suffrages, n’avait plus aucun allié avec qui former
une nouvelle coalition. C’est ainsi qu’est née une
large coalition de quatre partis dont deux faisaient
figure de novices sur la scène politique : le parti
Most-Hid (« pont » en slovaque et en hongrois)
de l’ancien leader du parti de la coalition hongroise SMK, Bela Bugar, prônant diplomatie et
coopération dans les relations transfrontalières
Robert Fico, premier ministre sortant
Iveta Radicova, nouvelle premier ministre et première femme
slovaque à devenir chef du gouvernement
POLITIQUE
du sud de la Slovaquie, et le parti SaS (Liberté et
Solidarité) d’un jeune entrepreneur, Richard Sulik,
aux accents néolibéraux fortement marqués. C’est
donc au parti SDKU-DS, arrivé en deuxième position et emmené par une femme, Iveta Radicova,
qu’est revenu le privilège, après 10 jours de vaines
tentatives de négociations de la part du premier
ministre sortant, de former un gouvernement de
coalition et de proposer un programme faisant
la part belle aux restrictions budgétaires et à la
lutte contre la corruption, afin de rééquilibrer un
budget qui avait subi les déboires de la crise des
deux années passées. La Slovaquie est donc fière
de voir pour la première fois une femme à la tête
de son gouvernement.
Après des élections régionales où la gauche du
parti socio-démocrate SMER remporta une large
majorité, le premier ministre Robert Fico, président du parti SMER-SD, partait confiant en campagne pour les élections législatives en Juin 2010.
Toujours en coalition avec ses partenaires du
parti populaire et du parti national, le gouvernement exacerba les thèmes de l’identité nationale
et du patriotisme économique au point de provoquer une session extraordinaire du parlement
slovaque pour voter en extrême urgence une loi sur
la double nationalité slovaco-hongroise. En réaction à une nouvelle majorité en Hongrie depuis un
mois, ayant aussi ouvert la porte au parti nationaliste local, le gouvernement slovaque a suggéré
puis fait voter une loi supprimant la nationalité
slovaque à toute personne qui souhaiterait faire
la demande de la nationalité hongroise tout en
continuant à vivre en Slovaquie, comme le propose
la nouvelle loi hongroise sur la double nationalité
des Hongrois vivant à l’étranger. Le thème toujours sensible des relations slovaco-hongroises
semble avoir pourtant cette fois épuisé le réservoir
politique et populaire, puisque le parti hongrois
SMK n’a pas accédé au parlement en juin 2010 et
ECONOMIE
La crise n’a pas épargné la Slovaquie ni son économie basée essentiellement sur l’industrie automobile et l’assemblage électronique. L’augmentation
du chômage, de 7% à 12% crée des déséquilibres
dans les budgets locaux et régionaux, et l’Etat
ne peut que difficilement intervenir. Il fut alors
question de créer une liste de sociétés en faillite,
comptant plus de 500 employés, et considérées
87
SLOVAQUIE
HISTOIRE
1918 Démembrement de l’Autriche-Hongrie et création
de la Tchécoslovaquie.
1939 L’Allemagne occupe la Bohême-Moravie.
1945 Les Russes libèrent la Slovaquie.
1948 Coup d’Etat communiste.
1968 Alexandre Dubcek et le « Printemps de Prague ».
1989 « Révolution douce » et chute du communisme.
1993 Scission de la Tchécoslovaquie.
1994 (sept.) Elections législatives, deuxième
gouvernement Meciar.
1999 (mai) Election (pour la première fois au suffrage
universel) de Rudolf Schuster à la présidence de la
République.
2003 (16-17 mai) Référendum sur l’adhésion à l’UE :
92,46 % de oui.
2004 (avril) Election d’Ivan Gasparovic comme président
de la République.
2004 (1er mai) Membre de l’UE.
L’économie slovaque sous l’influence de nouveaux investissements étrangers et de nouvelles
réformes fiscales devrait pourtant connaître en
Europe la croissance économique la plus forte en
2010 (+2,7%) et 2011(+3,6%) selon les estimations de la Commission Européenne.
SCIENCE-INNOVATION
L’énergie coûte cher et les Slovaques ne souhaitent pas dépendre seulement du bon vouloir
russe. Et puisque le grand projet de gazoduc
Nabucco ne prévoit pas de traverser le territoire
slovaque (nord-ouest de la Hongrie et sud-est de
l’Autriche), la Slovaquie souhaite finir de rénover
ses réacteurs et son quatrième réacteur nucléaire
à Mochovce avant la fermeture des deux réacteurs
à Bohunice dont l’échéance a été imposée à 2015
par l’UE en 2004 lors de l’entrée de la Slovaquie
dans l’UE.
Actuellement, 65% de l’électricité slovaque
est produite par l’énergie nucléaire. La voix
des écologistes, soutenant l’idée des énergies
renouvelables, se fait entendre mais n’a guère
d’influence, à la différence des voisins autrichiens qui ont depuis longtemps adopté une loi
sur la non-utilisation du nucléaire et ont investi
pour développer de nouvelles technologies
permettant d’exploiter au mieux les énergies
renouvelables.
PRÊTER OU NE PAS PRÊTER
À LA GRÈCE ?
La fable de la cigale et la fourmi s’est jouée
en Slovaquie lors de la campagne des législatives entre le parti SMER (centre-gauche)
et le parti SDKU (centre-droit). Alors que
le premier ministre en place, Robert Fico,
négocia à Bruxelles les conditions slovaques
de l’aide européenne au gouvernement grec
en pleine crise financière, la tête de liste de
l’opposition, Iveta Radicova, nouvellement
nommée premier ministre, réussit à tenir sa
ligne de pensée en refusant catégoriquement
d’accorder un quelconque prêt à un gouvernement grec jugé irresponsable et corrompu.
Ainsi, la Slovaquie fait évidemment partie
des états-membres ayant contribué à la
création du mécanisme européen de stabilisation mais restera le seul membre de
la zone euro à ne pas fournir directement
de prêt à la Grèce pour renflouer sa dette
publique. La Commission Européenne pourra constater une évidente transgression du
principe de solidarité mais le nouveau gouvernement argumentera qu’il conserve dans
l’UE sa souveraineté nationale et que son
économie reste la plus pauvre des pays de
la zone euro pour pouvoir prêter à des pays
plus riches mais irresponsables.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
par l’Etat comme stratégiques, afin de garantir une
plus grande stabilité d’emploi aux travailleurs de
ces entreprises mais surtout de garantir à l’Etat
la continuité de la production d’un bien ou d’un
service dans des domaines stratégiques comme
ceux de la protection de la santé, la sécurité de
l’Etat ou qui assurent le bon fonctionnement et
l’équilibre de l’économie slovaque.
Les députés de l’opposition se sont à l’époque
insurgés contre un retour à la nationalisation, 20
ans après la chute du communisme, et ont fait
appel aux experts de la Commission Européenne
pour examiner cette menace aux principes du
libre échange économique. La loi passée, grâce
à l’argument d’après lequel l’Etat ne rachèterait
pas ces sociétés mais seulement leurs biens, afin
d’assurer leur existence pendant une période de
crise, peut toutefois poser problème sur la question de l’éventuelle revente de ces biens une fois
la crise passée, et risque fort d’être remise en
cause par le gouvernement et le parlement nouvellement élu.
Par ailleurs, les indicateurs de la Slovaquie
en Europe ne sont pas complètement dans le
rouge puisqu’elle soigne son commerce extérieur
et son PIB évalué au total à plus de 16 milliards
d’euros pour le premier trimestre 2010. L’Union
Européenne estime d’ailleurs que la Slovaquie est
certainement le pays avec le potentiel de croissance économique le plus important de la zone
euro, monnaie qui a certes aidé à maîtriser l’inflation des prix, mais l’interventionnisme pratiqué
en temps de crise a creusé les déficits publiques
atteignant 6,8% du PIB slovaque ainsi que la dette
publique estimée à plus de 42% du PIB. Une des
raisons pour lesquelles le nouveau gouvernement
décidera de ne pas fournir de prêt d’aide au gouvernement grec. (Voir encadré).
88
EUROPE
Par ailleurs, en résultat d’une dette de l’Etat
russe envers la Slovaquie, la République slovaque
pourrait être le théâtre d’une construction de
grande valeur pour les scientifiques slovaques : un
cyclotron. Une société joint-venture slovaco-russe
pourrait être créée pour achever cette construction et l’exploiter. Ce centre pourrait être crucial
pour la recherche médicale, en particulier pour la
lutte contre le cancer. Un accélérateur de protons
vient déjà d’ouvrir ses portes en présence d’un
secrétaire d’état russe dans le nord de la Slovaquie à l’hôpital militaire de Ruzomberok, où se
trouve désormais l’installation de ce type la plus
moderne d’Europe Centrale.
On peut rappeler à l’occasion qu’il n’existe que
26 accélérateurs de protons pour thérapie dans
le monde à l’heure actuelle. Cependant, les crédits accordés à la recherche et au développement
sont loin d’atteindre les 3% minimum préconisés
par la nouvelle stratégie Europe 2020. Les 1,8%
préconisés par l’académie slovaque des sciences
risquent à peine d’être atteints et pénaliseront
certainement le développement slovaque sur
le long terme. La priorité est donnée à l’heure
actuelle à l’achèvement de la construction des
infrastructures et cet objectif est malheureusement encore loin d’être atteint.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
CULTURE – TOURISME
Les inondations catastrophiques dans l’est et
le sud du pays, ajoutées aux conséquences de
la crise économique, n’ont pas favorisé le tourisme ces derniers mois. Les professionnels du
secteur en ressentent durement les effets. Pour
améliorer cela, le gouvernement a proposé la
possible augmentation du nombre de prescriptions médicales pour les bains thermaux en
Slovaquie ou bien des chèques-cadeaux pour
partir en vacances en Slovaquie. Mais la plupart
des vacanciers slovaques préféreront toujours
la “mer slovaque” en Croatie comme destination
de prédilection.
Les montagnes et les lacs ne manquent pourtant pas et les tour-opérateurs tendent à se développer petit à petit, même s’il faut bien avouer que
la Slovaquie n’attire pas beaucoup de touristes en
comparaison avec ses voisins du groupe de Visegrad (ou groupe du V4). Ce groupe est composé des
4 pays d’Europe Centrale : République tchèque,
Slovaquie, Hongrie et Pologne et forment à eux
seuls un espace d’identité culturelle commune
avec un territoire et une histoire en commun.
A partir du 1er Juillet 2010 et ce pendant un an,
la Slovaquie prend la présidence tournante du
groupe de Visegrad et souhaite avant tout faire en
sorte que les habitants de ces pays se connaissent
mieux et coopèrent dans les domaines de l’éducation et de la culture, mais aussi que cette entité
soit mieux connue en Europe, comme on peut aujourd’hui connaître le Benelux ou la Scandinavie.
Une nouvelle initiative vient par exemple de
voir le jour concernant la problématique inclusion des communautés rom. Il s’agit de rassembler les maires des villes et communes des pays
du V4 qui éprouvent le besoin de coopérer sur
cette thématique. Un exemple de projet proposé
est la possibilité du micro-financement pour les
petits entrepreneurs de ces communautés qui
souhaitent s’investir dans une activité économique. L’inclusion des ces communautés dans le
processus de décisions qui les concernent semble
aussi être une priorité. Le potentiel culturel de ces
communautés est important et la rencontre interculturelle permet un enrichissement personnel
incommensurable, étant donné la promiscuité de
ces communautés semi-sédentarisées en Europe
centrale avec le reste de la population mais aussi
de l’exotisme anthropologique qu’elles présentent
car vivant selon d’autres préceptes et conceptions
socioculturelles que la population complètement
sédentarisée et intégrée à la société socio-économique européenne. SOURCES
Ministères slovaques : www.economy.gov.sk; www.
finance.gov.sk; www.culture.gov.sk; www.volbysr.sk
Agences de presse slovaques : SITA, TASR
Euractiv : www.euractiv.sk
International Visegrad Fund : www.visegradfund.org
Radio Slovakia International : www.rsi.sk
Le bulletin électronique du MAE : www.bulletinselectroniques.com
89
SLOVENIE
Après un agenda bien chargé en 2009, cette exrépublique yougoslave membre de la zone euro,
sévèrement touchée par la crise, retrouve des
perspectives économiques plutôt rassurantes et
enregistre des avancées politiques sur le plan régional et international.
POLITIQUE
a dû affronter plus d’une épreuve. Outre des soupçons de corruption en son sein, son principal défi a
été la crise économique mondiale. Sous son impact,
ce petit pays manufacturier a souffert de l’effondrement de ses exportations. Le PIB a chuté de 7,8%
en 2009, propulsant le chômage à 7% au printemps
de 2010, d’après Eurostat, un niveau néanmoins
inférieur à la moyenne de la zone euro.
Mais les perspectives sont plutôt rassurantes.
Les derniers chiffres indiquent une reprise des
exportations et une production industrielle dans
le vert. Si la dette externe reste modérée (35,9%
du PIB en 2009, selon le Bureau des statistiques
nationales), les mesures de relance auraient
contribué à creuser les déficits publics.
Pour en sortir, le gouvernement prévoit plusieurs réformes, notamment dans les domaines de
la santé, des retraites, ou encore du travail.Cette
dernière a suscité l’inquiétude des étudiants. S’opposant aux nouvelles modalités de leurs contrats
de travail, ils ont battu les pavés de la capitale.
Les citoyens slovènes l’ont décidé : fini le différend frontalier qui oppose depuis vingt ans leur
pays à la Croatie voisine. Lors d’un référendum,
organisé en juin 2010 par le gouvernement de
Borut Pahor, ils se sont prononcés en faveur d’un
arbitrage international qui délimitera la frontière
maritime disputée depuis la fin de la Yougoslavie
et ont dépassé ainsi les craintes de l’opposition de
centre-droit qui y voyait une perte pour la Slovénie
de son accès aux eaux internationales.
ÉDUCATION, SCIENCE, FRANCOPHONIE
Dans la foulée, le Parlement donnait son feu vert
Côté université, celle de Ljubljana, la plus grande
et la plus ancienne du pays, a fêté, fin décembre
à l’ouverture des derniers chapitres de négociations
de la Croatie qui espère devenir la deuxième ex-ré- 2009, le 90ème anniversaire de son existence.
publique yougoslave, après la Slovénie, à intégrer
Une autre université slovène, celle de la ville
l’Union européenne. Un an plus tôt, cette perspec- de Maribor, regarde vers l’avenir : en coopération
tive semblait pourtant loin d’être acquise, Ljubljana
avec le géant informatique IBM, elle a récemment
ayant émis un veto à la poursuite des pourparlers. lancé un centre spécialisé dans l’informatique
Il a fallu attendre octobre 2009 et une alternance
dématérialisée (« cloud computing »), consiau pouvoir croate pour que les
déré comme l’un des premiers
au monde.
relations entre les deux voisins
SLOVENIE
se débloquent. En plus des liens
Et la francophonie ? Un accord relatif à la création d’un
économiques qui se renforcent,
GEOGRAPHIE
Zagreb et Ljubljana ont organisé
master commun de traduction
Pays alpin entouré par la mer Adriaconjointement, au printemps
(slovène, français, anglais) a
tique, l’Italie, l’Autriche et la Croa2010, une conférence visant à
été conclu entre l’Université de
tie, la Slovénie compte 2 millions
réunir l’ensemble des pays des
Ljubljana, l’Institut supérieur
d’habitants pour une superficie
d’interprétation et de traducBalkans occidentaux dans la ville
de 20.000 km². Capitale : Ljubljana
slovène de Brdo.
tion (ISIT) et l’Institut national
HISTOIRE
Autre initiative régionale :
des langues et civilisations
1918 Formation du Royaume des
c’est Ljubljana qui abritera le
orientales (INALCO).
Serbes, Croates et Slovènes
Enfin, la Slovénie a organisé,
siège d’une future alliance entre
1945 La Slovénie devient l’une des
dans le cadre de la célébration
les compagnies ferroviaires
Républiques
constitutives
de
la
serbes, croates et slovènes.
du Bicentenaire des Provinces
Yougoslavie communiste
Illyriennes, une exposition
1991 Indépendance
intitulée « Sous les aigles napo1999 Membre observateur de la
ÉCONOMIE
léoniennes », retraçant quatre
Francophonie
Sur le plan international, la Slovéannées de l’occupation napoléo2004 Adhésion à l’Union euronie marque un point supplémennienne ainsi que le mouvement
péenne et à l’OTAN
taire. En 2010, elle est devenue
national de renouveau slovène.
le 32ème membre de l’OCDE, « au
Présentée d’abord, en octobre
2007 La Slovénie rejoint la zone euro
terme de 14 années d’efforts »,
2009, au Musée national de Slo2008 Intégration de l’espace Schens’est félicité le gouvernement de
vénie à Ljubljana, elle a rejoint
gen et présidence européenne
centre-gauche. Depuis son élecau printemps les galeries des
2010 Membre de l’OCDE
tion à l’automne 2008, ce dernier
Invalides à Paris. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Natasa LAPORTE
Rédactrice, journaliste pigiste
[email protected]
90
EUROPE
SUISSE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Loïc HERVOUET
Journaliste, président de l’AFI
[email protected]
GEOGRAPHIE
Petit pays prospère entre les Alpes
et le Jura ; densément peuplé.
23 cantons, dont quatre francophones et deux bilingues (français, allemand) souvent appelés
« Suisse romande ».
HISTOIRE
58-15 av. J.-C. Occupation par les
Romains du territoire des Helvètes.
Fin XIIIe s. Après les invasions des
Burgondes et des Alamans (Ve), le
rattachement à la Bourgogne (IXe)
puis au Saint-Empire (XIe), les cantons se regroupent pour défendre
leur liberté (Guillaume Tell).
1291 Acte de naissance de la
Confédération suisse (3 cantons).
1476 Les troupes de la Confédération, aidées par Louis XI, battent
Charles le Téméraire à Morat.
1815 Passant de trois à huit cantons (1353), puis à 13 (1513), la
Confédération en compte 22 à l’issue du congrès de Vienne. Neutralité reconnue.
1848 Etat fédératif avec siège
à Berne.
1978 (22 sept.) Création du
23e canton, le Jura, francophone.
1992 Par référendum, la Suisse ratifie son adhésion au FMI et à la
Banque mondiale, mais rejette son
intégration à l’Espace économique
européen (EEE).
1994 Les négociations reprennent
avec l’Union européenne (UE). Les
francophones sont favorables au
rapprochement.
1996 La Suisse participe à part entière à la Francophonie et à toutes
ses instances.
1999 (21 juin) Après quatre ans
de négociations, la Suisse et l’UE
signent des accords bilatéraux,
avalisés en mai 2000 par le peuple
suisse. Adoption d’une nouvelle
Constitution.
A NOTER
La Confédération suisse est encore appelée parfois Confédération
helvétique.
Est-ce la proximité du Sommet francophone que la Suisse accueille
en octobre 2010 à Montreux? Les douze derniers mois ont donné
lieu dans la Confédération à une actualité qui interroge sévèrement les valeurs, non les valeurs boursières, mais ces valeurs
humaines et démocratiques que la Francophonie officielle affiche
au plus haut. Les controverses sur l’évasion fiscale et le secret bancaire, sur l’accueil des fortunes de dictateurs, sur l’extradition de
Roman Polanski, sur les concessions à Kadhafi, sur le travail du dimanche ou l’interdiction des minarets n’ont pas fini de dessiner
de la Suisse et de son peuple un portrait en pleins et déliés où la
démocratie le dispute à la démagogie, l’idéalisme au réalisme, la
pondération au populisme.
Au centre de l’actualité suisse,
sans surprise, et pour longtemps sans doute, les affaires
de sa principale banque UBS, le
secret bancaire et les Etats-Unis.
En juillet 2009, le procès prévu
à Miami avait été reporté, pour
cause de négociations entre les
parties. Les Etats-Unis demandaient toujours de connaître l’identité de 52 000 clients de la
banque suisse, disposant potentiellement de 15 milliards de dollars,
une requête refusée par Berne.
De leur côté, les autorités suisses, devant les controverses croissantes suscitées par leur culture du secret bancaire, ont accepté de
négocier des traités bilatéraux avec plusieurs pays afin de lutter
contre l’évasion fiscale. Mais ces dispositifs permettent un échange
d’informations dans le cas d’une fraude avérée et ne prévoient pas
d’échange de données automatique.
Washington semble alors baisser ses exigences, en ne demandant
plus que les noms d’environ 10 000 titulaires de comptes, au lieu
des 52 000 initialement exigés.
Vendredi 31 juillet, les deux pays parviennent à un « accord de
principe sur des points essentiels ». Selon la presse, la banque échapperait à toute amende. L’accord tournerait autour de 5 000 noms.
Mais la justice US met la pression, exigeant un accord formel avant
la mi-août. C’est devenu une négociation d’Etat, opposant deux
systèmes de droit. D’un côté le secret bancaire, pierre angulaire de
la puissance financière suisse, de l’autre le droit américain, qui exige
que tout ressortissant américain déclare ses avoirs et revenus, où
qu’ils se trouvent, et acquitte ses impôts. Le gouvernement suisse
annonce qu’il est prêt à prendre «toutes les mesures nécessaires»,
y compris en procédant à la saisie de données, pour empêcher UBS
de livrer des informations sur des clients.
C’est donc un soulagement lorsque le 12 août, on annonce la
signature des accords entre la banque et les Etats-Unis, compromis qui semble satisfaire tout le monde, mais qui n’est pas porté
en détails à la connaissance du public. On pense tout de même
que quelques milliers de noms (4.450, apprendra-t-on) vont être
fournis à l’administration américaine, puisque la justice fédérale
91
On sort du gris
Récompense de ces efforts suisses: après la signature de plusieurs accords de double imposition
comportant une clause d’échange d’informations
conforme aux standards de l’Organisation de
coopération et de développement économiques
(OCDE), avec le Danemark, le Luxembourg, la
Norvège, la France, le Mexique et la Grande-Bretagne, l’Autriche, les Etats-Unis, la Finlande, les
îles Féroé, le Mexique, l’Espagne et le Qatar, Berne
sort officiellement, le 25 septembre, de la liste
«grise» des paradis fiscaux publiée par l’OCDE.
La Suisse figure désormais sur la liste «blanche»
des pays considérés comme vertueux en termes
de coopération fiscale.
Le secrétaire de l’Association des banquiers
privés suisses continue de professer que «le cadre
juridique suisse a été respecté», mais l’accord avec
la France permet par exemple à celle-ci de clamer
haut et fort qu’elle dispose d’une liste nominative
de 3000 contribuables qui sont fermement invités
à régulariser leur situation avant décembre.
Sérieux coup de canif dans l’accord en janvier 2010: un tribunal suisse donne raison à une
contribuable américaine, en refusant que la Suisse
transmette ses données bancaires au fisc américain. Ce jugement sans appel possible remet en
cause l’application de l’accord conclu après des
mois de tractations diplomatiques, pour mettre
fin à la procédure judiciaire américaine contre
UBS, un accord qui constituait une toute première
brèche dans le secret bancaire.
Le Tribunal administratif fédéral a jugé que
la contribuable n’avait pas eu de comportement
frauduleux au sens de la convention de double
imposition entre la Suisse et les Etats-Unis, et
que l’accord amiable de transmission des données bancaires ne pouvait aller plus loin que cette
convention. La plaignante américaine était visée
par l’accord car elle n’avait pas transmis un document fiscal. Mais le tribunal suisse a estimé qu’une
«simple absence de déclaration» ne constituait
pas un comportement frauduleux au sens de la
convention de double imposition, qu’il s’agisse
ou non de «sommes importantes». Le gouvernement suisse a indiqué de son côté qu’il déciderait après une réunion de cabinet de la manière
d’assurer l’application de l’accord à la suite de
cette décision.
Et sa décision tombe: le Conseil fédéral estime
alors que l’accord conclu avec Washington est
«inapplicable»... Le président de l’association
des banques suisses plaide que l’échange automatique d’informations entre Etats est «inefficace»...
A la même période, un vol de données chez
HSBC concerne 79.000 clients, dont 8.000 Français, ce qui fait désordre.
Est-ce ce qui conduit les députés suisses à
approuver, en juin 2010, la transmission aux
Etats-Unis de milliers de données de clients UBS,
et à valider les termes de l’accord initial? L’accord
définitif du Parlement est obtenu le 17 juin, et
sans que ce vote soit soumis à la condition d’un
referendum.
Dès la fin août, le gouvernement suisse annonce
qu’il a bien examiné 4450 comptes de clients américains de l’UBS, et «a rendu, dans le délai prévu,
les décisions finales relatives» à ces personnes. En
revanche, seule «la moitié environ de ces décisions»
ont été transmises à l’IRS (fisc américain), le reste
devant suivre à l’automne. La Suisse éteint l’action
contre UBS grâce à ce que le quotidien Le Temps
qualifiera de «plus grande dénonciation de masse
de clients d’une banque suisse à une autorité fiscale
étrangère.»
L’ancien fleuron de l’économie suisse sera peutêtre tout de même plus durablement affecté pour
ses «malversations» aux Etats-Unis. Plusieurs initiatives au Parlement et une plainte d’actionnaires
vont tenter de faire payer l’ancienne direction de
la banque, jugée responsable de ce scandale.
On sort du rouge
Pourtant, la banque ne s’est pas mal tirée financièrement du second trimestre 2010, avec un bénéfice
net de 2 milliards de francs suisses (1,5 milliard
d’euros), en recul certes de 9 % par rapport aux
trois mois précédents mais surtout de 40 % supérieur aux attentes . Le cours de l’action UBS a même
grimpé de 11% en un seul jour de juillet. Malgré des
marchés qui plongent et des investisseurs craintifs,
le « retour sur fonds propres » s’est élevé à 20 %
pour le premier semestre. UBS avait déjà renoué
avec les bénéfices au quatrième trimestre 2009,
mais continuait de lutter contre les sorties de capitaux. Après la perte abyssale de 21,3 milliards
de francs suisses subie en 2008, le groupe avait
réduit son déficit à 2,7 milliards en 2009.
Quant à l’Etat suisse, sa sortie du capital d’UBS
s’est passée au mieux, puisque la Confédération
a réalisé une plus-value de 800 millions d’euros
lors de la revente de sa participation de 9 % dans
la banque. L’Etat, qui avait injecté 6 milliards
de francs suisses dans l’établissement bancaire
menacé de faillite en octobre 2008, a ainsi empoché 7,2 milliards de francs suisses, moins d’un
an plus tard.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
se prépare dès août à poursuivre en justice pour
évasion fiscale 150 riches Américains clients de
la banque suisse. Le 20 du mois, un responsable
de la banque privée suisse Neue Zuercher Bank
(NZB), ancien d’UBS, et un avocat suisse soupçonnés d’avoir aidé des Américains à dissimuler
au fisc plusieurs millions de dollars de revenus
et d’actifs sont inculpés. Un banquier d’UBS est
condamné à trois ans de prison fin août, pour avoir
caché 200 millions d’actifs.
Le Wall Street Journal estime que l’accord
«est une rupture majeure par rapport au secret
bancaire suisse». Mais le quotidien tempère ses
propos, soulignant que «les deux parties ont fait
des concessions». Et ajoute que «les responsables suisses ont trouvé une manière de révéler
les noms telle qu’elle continuera à maintenir le
secret bancaire».
92
EUROPE
Mais d’autres menaces se profilent pour les
banques suisses, dans leur pays ou à l’étranger:
80 investisseurs dans le fonds luxembourgeois
Luxalpha, qui a tout perdu chez Bernard Madoff,
ont assigné UBS à Paris. Un retraité multimillionnaire allemand en a fait autant à Berlin. Les
bureaux de treize implantations du Crédit suisse
en Allemagne ont été perquisitionnés en juillet
2010, dans une enquête pour évasion fiscale. UBS
a été condamnée à indemniser un fabricant américain de téléphones, à hauteur de 80 millions de
dollars, pour des pertes liées à l’achat d’obligations. La banque va mieux économiquement, mais
ses ennuis juridiques ne sont peut-être pas tous
derrière elle.
ECONOMIE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Pendant les crises et les débats juridiques, les
affaires continuent. L’économie suisse n’a reculé
que de 1,9% en PIB contre 3% attendus en 2009.
Une croissance autour de 1% est programmée en
2010 selon l’OCDE. Les exportations horlogères,
qui avaient reculé de 25% en dix mois de 2009,
ont progressé de 20% sur le premier semestre
2010: un milliard d’euros pour le seul mois de
juillet. Swatch a publié un résultat de plus de
500 millions d’euros pour 2009, et des bulletins
d’optimisme pour 2010.
La monnaie helvétique a fait plus que reprendre
des couleurs en 2010, dépassant l’historique valeur de 1,40FS pour un euro. Le rapport annuel
du Forum de Davos, où 2.500 participants (et
5.000 policiers) sont venus plaider contre une
régulation trop sévère des finances mondiales,
a malicieusement fait perdre aux Etats-Unis leur
place de pays le plus compétitif, qu’ils détenaient
depuis plusieurs années, au profit de la Suisse,
jusqu’à présent deuxième.
Le feuilleton Polanski
Question à laquelle la presse suisse a répondu par
l’affirmative dès l’arrestation du cinéaste francopolonais Roman Polanski, 76 ans, à Zurich: y a-t-il
ou non un rapport entre cette fermeté et l’affaire
de la banque UBS? Fallait-il donner des gages aux
Etats-Unis dans une période de relations délicates? La Suisse, attaquée sur son secret bancaire,
a une nouvelle fois entaché son image en laissant
«un invité tomber dans un piège moche», selon Blick.
«Nous devrions avoir honte», ajoute le journal.
En tout état de cause, la Suisse a appliqué en septembre 2009 un mandat d’arrêt américain de 1978,
pour viol sur mineure de 13 ans, et arrête Polanski,
incarcéré et menacé d’une extradition qu’il refuse.
Après que sa victime eût demandé l’arrêt des poursuites, Polanski est libéré, contre une caution de 3
millions d’euros, mais assigné à résidence avec un
bracelet électronique dans son chalet de Gstaad
(canton de Berne) à compter du 4 décembre. A la
fin du même mois, un tribunal d’appel refuse de
classer la plainte, mais suggère une sentence en
son absence. La justice américaine refuse ensuite
en décembre et janvier à la fois l’abandon des poursuites et un jugement par contumace.
La polémique bat son plein, en Suisse, en
France et dans le monde. Impunité pour les génies
du cinéma? Acharnement de la justice américaine?
Les avis sont aussi tranchés que partagés.
La cinémathèque de Lausanne programme
en mars la projection intégrale de l’oeuvre du
cinéaste. En mai, c’est Polanski lui-même, sur le
site de Bernard Henri Lévy qui passe à l’offensive
pour dénoncer les ratés de la justice américaine
et ses prétentions à son égard. La Suisse continue
alors d’expliquer que cet argumentaire doit être
examiné par les juges américains et non par elle.
Coup de théâtre, sinon de tonnerre le 12 juillet: les autorités suisses finissent par rejeter la
demande d’extradition américaine, et libèrent
Polanski de toutes ses obligations. Elles précisent
que «les Etats-Unis ne peuvent pas faire appel de la
décision de la Suisse».
Vers midi, ce même lundi, le bracelet électronique que les autorités suisses l’obligeaient à
porter lui est retiré. Le cinéaste quitte le pays à
bord d’un avion privé. L’écrivain Yasmina Reza a
déjà fait savoir qu’il travaille sur le prochain film
de Polanski, adapté d’une de ses pièces.
Côté Suisse, l’Office fédéral de la justice a
motivé sa décision par le fait que le département
américain de la justice a refusé de faire parvenir aux autorités suisses le procès-verbal d’une
audition du procureur Roger Gunson, alors chargé
du dossier, arguant du caractère confidentiel du
document. «On ne saurait exclure avec toute la certitude voulue que Roman Polanski ait déjà exécuté
la peine prononcée autrefois à son encontre et que
la demande d’extradition souffre d’un vice grave. Vu
les incertitudes qui subsistent quant à l’exposé des
faits, la demande d’extradition doit être rejetée», a
rétorqué l’Office fédéral.
Dans un communiqué, le ministère polonais des
affaires étrangères s’est déclaré «satisfait», tandis
que le ministère américain de la justice a d’abord
fait savoir qu’il ne faisait «pas de commentaire»,
puis exprimé sa «déception» annonçant qu’ils
continueraient à chercher à ce que «justice soit
faite» dans cette affaire.
L’humiliation Kadhafi
Commencé avec l’arrestation à Genève d’Hannibal, du fils du colonel Kadhafi, pour violences
sur ses domestiques, et ses deux nuits passées
en cellule, le feuilleton Kadhafi n’aura pas évité
les humiliations au gouvernement helvétique.
Fin août 2009, le président de la Confédération
lui-même, Hanz-Rudolph Merz, se rend non à Canossa, mais à Tripoli, pour présenter ses excuses
pour l’arrestation «injuste et inutile» d’Hannibal.
Il est vrai que la Libye a emprisonné en représailles quelques citoyens suisses aventurés dans
le pays...
93
Genève, de photographies d’identité judiciaire
d’Hannibal Kadhafi. Deux mois plus tôt, un tribunal suisse avait opportunément donné raison
à Hannibal, estimant que cette publication était
«une atteinte à la vie privée», et attribué 1,5 millions d’euros de dommages et intérêts payés par
le canton de Genève au fils de Mouammar .
L’Espagne et l’Allemagne ont apporté leur caution à ce «plan d’action» pour solder le différend
entre les deux pays. Ouvrant un nouveau chapitre
de relations avec l’Europe, le colonel Kadhafi a
demandé cinq milliards d’euros à l’UE (contre
20 millions proposés par elle) pour «fermer les
vannes» de l’immigration clandestine africaine à
partir de son pays.
Max Göldi, enfin libéré
Au moment du referendum sur les minarets (photo lcc Twicepix)
Fermeté avec la Chine
Plus que conciliante avec la Libye, in fine ferme
avec les Etats-Unis, la Suisse l’aura également été
avec la Chine. Pourtant, le vice-premier ministre
chinois Li Keqiang, reçu à Berne en janvier pour un
accord économique, avait prévenu: «Les terroristes
présumés de nationalité chinoise, quelle que soit
leur ethnie, doivent être rapatriés en Chine». Cela
visait les frères Bahtiyar et Arkin Mahnut, réfugiés
ouïgours de 34 et 45 ans, détenus pendant huit ans
à Guantanamo, puis innocentés et libérés.
En jeu: plus de onze milliards de francs suisses
d’échanges commerciaux, rappelait la chambre
basse du Parlement, recommandant de ne pas
acceuillir les deux frères, tandis que le Jura manifestait son indépendance d’esprit en se déclarant seul parmi les cantons helvétiques, prêt à
les recevoir. Le conseil fédéral avait conclu que
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Cette affaire provoque une crise diplomatique
entre les deux pays, la Libye prenant des mesures
de rétorsion comme le retrait de ses avoirs dans
des établissements financiers suisses et l’arrêt des
fournitures de pétrole à la Confédération. Par ailleurs, Tripoli retire plus de cinq milliards d’actifs
déposés dans des banques helvétiques.
Les excuses du président ont suscité l’indignation dans le pays, et la presse ne se gêne pas pour
le dire. Pour La Tribune de Genève, «en s’excusant
platement devant le peuple libyen, Hans-Rudolf
Merz consacre la loi du plus fort, en l’occurrence
un régime totalitaire, tout en niant les principes
de l’Etat de droit.» Et ajoute que «c’est finalement
au président de la Confédération qu’est revenu la
sale besogne de se coucher devant le dictateur.
L’humiliation est censée rendre son honneur au
clan Kadhafi. Une mascarade tissée d’excuses
contraintes, personne n’est dupe. On peut hurler
au scandale».
A Tripoli, on se félicite de la déclaration de M.
Merz, et «le premier ministre Al-Baghadi a indiqué
pour sa part que les excuses ‘officielles et solennelles’ de la Confédération constituaient un ‘premier
pas’ pour régler le contentieux entre les deux pays».
Mais cela ne libérera pas pour autant les «otages»
suisses. N’empêchera pas le «guide» de préconiser
la disparition de la Suisse, et la répartition de ses
territoires entre ses voisins. C’est finalement l’Union
européenne qui va devoir s’y coller, en organisant en
février 2010 à Berne une rencontre entre la ministre
des affaires étrangères suisse, Micheline Calmy-Rey,
et son homologue libyen, Moussa Koussa. Car la
crise diplomatique entre la Suisse et la Libye est en
train de dégénérer en litige entre Tripoli et les pays
de l’espace Schengen en raison de restrictions réciproques dans la délivrance de visas. Tripoli a suspendu l’octroi des visas pour les pays européens de
l’espace Schengen. Berne en a rendu la délivrance
complexe pour les citoyens libyens.
La justice libyenne a donc logiquement
condamné à seize mois de prison ferme pour «séjour irrégulier» deux hommes d’affaires suisses,
Max Göldi et Rachid Hamdani, (tout juste 48h
après le vote du référendum sur les minarets). Le
second, quelques jours après la rencontre diplomatique de Berne, est blanchi, et obtient son visa
de sortie, via la Tunisie, tandis que Max Göldi,
jusqu’alors confiné à l’ambassade, condamné à
quatre mois, est livré à la police libyenne.
Fin mars, l’Union européenne et la Libye
mettent fin à cette crise des visas. Tripoli crie à
«une victoire sur la Suisse», tout en affirmant que
la crise avec elle n’est pas terminée. Ce n’est qu’en
juin 2010, grâce à une médiation espagnole, que
la Libye libère Max Göldi, non sans que lors de
sa visite à Tripoli, Micheline Calmy-Rey accède
à la demande libyenne d’un tribunal arbitral
international chargé de faire la lumière sur les
circonstances de l’arrestation d’Hannibal, mais
aussi rappelle les excuses du président suisse
déjà présentées, et présente de nouvelles excuses
pour la publication, en 2009, dans La Tribune de
94
EUROPE
LA SUISSE LAVE PLUS BLANC, ET RESTITUE
Refuge des fortunes des dictateurs du monde
entier, la Suisse a entrepris une vaste opération de «blanchiment» des pratiques,
se définissant elle-même comme le leader
mondial des restitutions des avoirs illicites.
Septième place financière du monde, elle
est en effet la première pour le montant des
restitutions. Non seulement le gouvernement a soumis au Parlement une loi affinant
le dispositif technique, pour empêcher des
récupérations comme celles des héritiers de
Mobutu (5 millions d’euros), ou de Duvalier
(5 millions aussi), mais il a joint les actes à
la parole, ces dernières années, en restituant
aux pays spoliés près d’un milliard et demi
d’euros, détournés par Ferdinand Marcos, le
Nigérian Abacha, ou le Mexicain Salinas. Les
84 millions de dollars du président kazakh
Nazarbaïev ont été restitués au pays sous
forme d’un programme d’aide à l’enfance. En
Angola, seize millions d’euros ont été affectés au déminage, effectué malgré tout par une
entreprise… suisse.
La loi prévoit une plus grande facilité de réclamation pour les Etats spoliés, même sans grande
structure judiciaire, et l’enjeu est de taille: la
Banque mondiale estime à une trentaine de milliards de dollars par an les sommes volées par les
ces Ouïgours remplissaient tous les critères pour
une admission.C’est donc «pour raisons humanitaires» que le gouvernement helvétique, par la
voix de la ministre de la justice Eveline WidmerSchlumpf, a annoncé sa décision positive en faveur des deux frères.
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POLITIQUE
Dès l’annonce de la démission de Pascal Couchepin, en juin 2009, Didier Burkhalter, PLR avait été
le premier à annoncer sa candidature, pour être
élu en septembre au quatrième tour avec 129 voix
sur 245, et entrer en fonction le 1er novembre,
comme chef du département fédéral de l’Intérieur,
tandis que Doris Leuthard, élue de 2006, accède
à la présidence.
Deux démissions du Conseil fédéral non expliquées ou justifiées autrement que par des raisons
personnelles interviennent en juin (Moritz Leuenberger, vice président, département des transports,
énergie, environnement et communication) et en
août (Hans-Rudolf Merz, département des finances).
Ces deux remplacements à intervenir le 22 septembre 2010, pourraient avoir pour conséquence
d’exploser l’obligation de parité au profit des
femmes; deux d’entre elles, dont la libérale Karine
dictateurs à leurs propres pays. La conférence
de Paris sur les «biens mal acquis» (juin 2010) a
insisté sur la formation de policiers spécialisés,
et la nécessité de ratifier la convention de l’ONU
contre la corruption, ce que n’ont pas encore fait
l’Allemagne ou le Japon!
Dans cet élan de justice, la Confédération a également pris des initiatives pour la restitution
d’œuvres volées, dont le port franc de Genève,
depuis vingt ans, constitue un point de passage
favori. Une nouvelle loi a fait perdre au dépôt
son statut extraterritorial, et rendu obligatoire
un inventaire précis des stocks, et des preuves
d’origine, alors qu’il suffisait auparavant de les
laisser dormir cinq ans pour les exfiltrer ensuite
sans questions... L’activisme suisse a payé: des
milliers d’objets ont été rendus à l’Italie, à la
Grèce, au Pérou, à l’Egypte ou la Turquie...
La faculté des Lettres de Genève, après dix
années de débats, a donné l’exemple et s’est résolue à rendre au Liban les archives de Maurice
Dunand (1898-1987), le célèbre archéologue
français qui dirigea les fouilles de Byblos, au
nord de Beyrouth. Celui-ci sur la fin de sa vie,
avait monnayé–bien peu cher–en Suisse ces
documents précieux sortis discrètement du
Liban. Ils y sont retournés presque aussi discrètement en juillet dernier.
Keller-Sutter, étant présentées comme favorites, le
Conseil fédéral serait alors composé en novembre
de deux hommes ... et cinq femmes. Revanche
ironique sur le retard avec lequel les électeurs
suisses mâles ont accepté par referendum, en 1971
seulement, le droit de vote des femmes.
Parmi les votations fédérales ayant retenu
l’attention, c’est bien entendu moins l’accord
populaire d’augmentation de la TVA pour financer
l’assurance-invalidité (54% de oui en septembre
2009), ou l’interdiction d’exporter du matériel de
guerre (68% en novembre), que l’interdiction de
construction des minarets (57,5%) qui a retenu
l’attention, et provoqué le débat, au niveau mondial. Le Front national, en France, n’a d’ailleurs pas
hésité à copier pour sa propre propagande l’affiche
anti-minarets qui a servi à la campagne en Suisse.
Cette initiative supportée par le parti de droite
populiste UDC a bien évidemment pesé sur les
relations avec le monde musulman, et détérioré
l’image de la Suisse à l’étranger. Même si de
jeunes Suisses ont utilisé l’humour en diffusant
des minarets d’appartement en kit, en organisant un groupe de protestation sur Facebook, le
leader libyen Kadhafi n’a pas hésité à appeler au
Jihad contre Berne: «Tout musulman partout dans
le monde qui traite avce la Suisse est un infidèle, et
un apostat.» La ligue des musulmans du Tessin a
profité de l’opportunité pour tenter de créer un
«parti islamique» en Suisse, malgré la très grande
95
LE GRUYÈRE AOC EST SUISSE
Avec l’aide de Bruxelles, le gruyère suisse
a remporté la victoire contre la France, en
obtenant l’exclusivité de l’appellation d’origine contrôlée (AOC). A la Suisse le gruyère,
à la France l’emmental. Tous deux sont
certes des fromages à pâte pressée cuite,
mais en France les trous sont plus gros et
en Suisse le goût est plus fort.
CULTURE ET SOCIETE
Loriane PÉDURANT-DRILLOT
Département d’Instruction
Publique de Genève
[email protected]
Population
En 2009, avec 7.7 millions habitants, la population
de la Suisse depuis le début du 20e siècle a plus
que doublé (3,3 millions en 1900)1. La pyramide
des âges s’est considérablement modifiée au
cours du 20e siècle. La population des moins de
vingt ans a régressé de 40,7% en 1900 à 21,2%
en 2009. Le nombre de personnes âgées (plus
de 64 ans) a progressé de 5,8% à 16,6%. Ce
vieillissement démographique est dû à la fois à
l’allongement de l’espérance de vie et à la baisse
des naissances. Le taux de fécondité, un des plus
bas d’Europe, s’élève, en effet, à 1,48. Le nombre
d’enfants par Suissesse (1,37) reste inférieur à
celui des femmes issues de l’immigration (1,85).
Le solde migratoire n’a jamais été aussi haut. La
Suisse est un des pays d’Europe où la population
des étrangers est la plus élevée : 21, 7%.
Langue
La présence de diverses communautés enrichit
le paysage linguistique de la Suisse. Ainsi, une
langue comme le portugais sera plutôt pratiquée
dans le domaine de la sphère privée, tandis que
l’anglais s’emploie de plus en plus dans le monde
du travail. Rappelons que la Suisse compte quatre
langues officielles : l’allemand, parlé dans dix-sept
cantons par 63,7% de la population, le français
pratiqué par 20,4% de locuteurs (dans les cantons de Genève, Neuchâtel, Vaud, du Jura et ceux
de Fribourg, Berne ou du Valais, bilingues avec
l’allemand), l’italien rassemblant 6,5% d’usagers,
dans le Tessin, et, enfin, le romanche, comptant
0,8% de locuteurs, dans les Grisons. Le français et
l’allemand ont vu ces dernières années leur utilisa-
Les noms des deux fromages ont une origine
suisse : emmental vient du nom de la rivière
Emme, qui coule dans le canton de Berne, et
du mot “tal” (vallée, en allemand). Gruyère
est le nom d’une bourgade du canton de Fribourg, dans l’ouest du pays.
C’est la France qui a lancé la procédure
en 2007 en voulant faire reconnaître son
gruyère au niveau européen. La Suisse a
présenté une demande identique dans la
foulée, craignant pour les 13 000 tonnes
d’exportations annuelles de son fromage
phare. Au final, Bruxelles a jugé trop léger le
dossier français et a recommandé à la France
de se contenter de l’indication géographique
protégée (IGP).
En blanc, les zones où on parle romanche (licence GNU Semur)
1. Ces chiffres sont ceux présentés par l’O.F.S, l’Office
Fédéral de la Statistique, Neuchâtel. www.bfs.admin.ch
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diversité des populations musulmanes dans ce
pays (à 80% originaires des pays balkaniques et
de Turquie) et leur faible pratique religieuse (elle
serait inférieure à 10%).
L’UDC ne s’arrête pas en chemin dans l’utilisation des préjugés, puisqu’à un an des élections
fédérales de 2011, et trois mois avant une votation sur «le renvoi des étrangers criminels», elle
a diffusé à l’été 2010 près de chaque foyer suisse
un document revenant sur «l’islamisation» de la
société et proposant plusieurs mesures: «naturalisation à l’essai», « déclaration de loyauté des
immigrants », « retrait de l’autorisation de séjour
en cas de dépendance durable à l’aide sociale », «
installation d’une hotline nationale pour annoncer
les abus », ou encore «résiliation de l’accord de libre
circulation des personnes».
Dans le même registre xénophobe, le Mouvement
citoyen genevois ( MCG) a remporté les élections
cantonales d’octobre 2009, avec son slogan «Genève et les Genevois d’abord», en faisant campagne
contre «la racaille d’Annemasse»: les travailleurs
frontaliers français (environ 60.000 à Genève).
Le mouvement refuse que Genève devienne «le
déversoir des 2,9 millions de chômeurs français». A
Genève également, la police a eu pour consigne
d’interpeller les mineurs mendiants, Roms en particulier, pour les placer en foyer en les séparant
de leurs parents.
Chemin faisant, au printemps 2010, un arrêté
fédéral s’est préoccupé de la protection juridique
des animaux, pour lesquels une initiative populaire a préconisé l’institution d’un avocat de la
protection des animaux.
96
EUROPE
tion s’accroître, alors que l’italien et le romanche
reculent. Même en perdant 15% de ses représentants, en une décennie, le romanche résiste et
fait parler de lui, notamment lors d’une session
des Chambres Fédérales. Considéré comme minoritaire, le romanche a, toutefois, été reconnu
comme langue nationale, le 20 février 1938, puis,
en tant que langue officielle, « pour les rapports
que la confédération entretient avec les personnes
de langue romanche », le 18 avril 19991. Longtemps
présenté comme un mélange de français, d’allemand et d’italien, il est maintenant établi que le
romanche dérive du latin, mais, qu’enfermé dans
les Alpes, il a eu moins de possibilités d’évolution
que le français, par exemple. Comme beaucoup
de parlers basilectes, le romanche résiste grâce à
ses pratiquants qui se battent pour que, dans les
Grisons, l’enseignement de certaines branches, à
l’école primaire, continue à se donner dans leur
langue maternelle ou à être enseigné, au même
titre que l’allemand, dans le secondaire. Malgré
ses tentatives de réhabilitation, la reconnaissance
du romanche reste ambiguë. Rappelons que l’exposition nationale, qui devait être consacrée au
romanche, en 2002, n’a jamais vu le jour, faute de
fonds. Les sponsors ont, en effet, estimé le projet
pas assez rentable2.
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Théâtre
La dramaturge serbe Biljana Srbljanovic est à
l’honneur de la saison 2009, aussi bien dans le
canton de Vaud que de Genève. Deux de ses pièces
ont, en effet, été mises en scène, Barbel, à propos
de chiens et d’enfants3 par Anne Bisang à la Comédie de Genève et Supermarket4 par la Compagnie
Gianni, au théâtre Vidy, à Lausanne. Les metteurs
en scène semblent ainsi s’intéresser à une écriture
qui aime saisir la réalité à vif, où sexe et violence
sont représentés, tout en cultivant l’outrance et
le grotesque.
Littérature
Le Prix Bibliomédia 2009 a été octroyé cette année à Olivier Sillig pour Lyon, simple filature5 . Né
à Lausanne, où il vit actuellement, Olivier Sillig
est à la fois psychologue, cinéaste et écrivain. Ce
roman psychologique parle de l’enfance et du somnambulisme qui sommeille en chacun.
Le Prix Michel Dentan a été décerné à JeanBernard Vuillème pour Pléthore ressuscité 6. Né à
Neuchâtel en 1950, l’auteur, qui a suivi une formation de journaliste, vit de sa plume en collaborant
avec des quotidiens. Il a produit de nombreux
essais et écrit également de la poésie. Pléthore
est un personnage créé par l’écrivain il y a une
trentaine d’années, au début de sa carrière. Il
apparaît dans un recueil de nouvelles, Pléthore7,
puis un roman, Le Règne de Pléthore8 . La critique
a souvent salué cet auteur pour ses récits très
imaginatifs. Ces œuvres sont présentées alors
comme un renouveau de la littérature romande,
souvent décrite comme trop intimiste. Au sujet
de son dernier ouvrage, Jean-Bernard Vuillème
confie : « Je voulais tirer mon héros de son oubli,
puis jouer sur les interactions entre l’auteur et son
personnage ressuscité » . L’auteur, alors qu’il en
était au début de son roman, a été victime d’un
infarctus. De manière aussi incroyable que cela lui
est arrivé, la mort fait échange avec la vie dans
son roman.
Alexandre Voisard a reçu le Prix littéraire
Edouard Rod pour l’ensemble de son œuvre. Ce
Jurassien, aux études inachevées, a mené une
vie de bohème genevoise, avant de se lancer
dans la défense de l’indépendance du Jura. Son
engagement politique l’a amené à être élu député socialiste au parlement jurassien de 1943 à
1983. Romancier et poète, il a aussi été membre
de l’Académie Mallarmé à Paris. A la retraite, il se
consacre toujours à l’écriture.
Pascale Kramer, lauréate du Prix Schiller pour
L’implacable brutalité du réveil9, aborde, dans son
roman, toute la complexité de la maternité. L’écrivaine, née à Genève, a déjà été récompensée par
le Prix Lipp en 2001 pour Les Vivants10 et le Dentan
pour Manu11 en 1996.
Le Prix Ahmadou Kourouma a été décerné à
l’auteur togolais Kossi Efoui pour Solo d’un revenant12. Ainsi, pour la sixième fois, à l’occasion du
salon africain du livre, de la presse et de la culture,
qui se déroule en avril à Genève, l’Afrique francophone était à l’honneur. L’écrivain, qui est à la
fois romancier, dramaturge et chroniqueur, dresse
une allégorie de son pays à travers la figure du
mort-vivant.
Dans le cadre de la littérature jeunesse, le Prix
lab-elle (laboratoire pour elle, attentif aux potentiels féminins) est consacré à des ouvrages qui
s’adressent tant aux filles qu’aux garçons et sont
exempts de stéréotypes sexistes. On peut les repérer dans les librairies grâce à un autocollant. Un prix
est voté par un jury d’adultes, sélectionné parmi
1. Constitution suisse, 18 avril 1999, article 70.
2. Nordmann Roger, « Le romanche n’est pas rentable »,
in Domaine public, 31.08.2002.
3. Biljana Srbljanovic, Babelo, à propos de chiens et
d’enfants, L’Arche, 2008.
4. Biljana Srbljanovic, Supermarket, L’Arche, 2010.
5. Olivier Sillig, Lyon, simple filature, Encre fraîche, 2008.
6. Jean-Bernard Vuillème, Pléthore ressuscité, Editions de
la Nouvelle Revue neuchâteloise, 2008.
7. Jean-Bernard Vuillème, Pléthore, Editions Piantanida, 1982.
8. Jean-Bernard Vuillème, Le Règne de Pléthore,
9. Pascale Kramer, L’implacable brutalité du réveil, Mercure de France, 2009.
10. Pascale Kramer, Les Vivants, Calmann-Lévy, 2000.
11. Pascale Kramer, Manu, Calmann-Lévy, 1995.
12. Kossi Efoui, Solo d’un revenant, Seuil, 2008.
97
Exposition Titeuf
des personnalités politiques comme artistiques.
Un autre prix est décerné par un jury d’enfants,
faisant partie d’une classe ou d’une bibliothèque
participant à ce projet. Le gagnant des deux titres,
adulte et enfant, revient à Christian Voltz pour Le
Livre le plus génial que j’ai jamais lu13. Ce concept a vu
le jour en 2007, en collaboration entre l’association
lab-elle et les recherches en psychologie sociale
menées à l’Université de Genève.
Musique
Jérémie Kisling, né à Lausanne en 1976, après
avoir exploré différents moyens d’expression en
français, contes pour enfants, poèmes, nouvelles,
trouve le succès avec la chanson. Cet auteur-chanteur-compositeur, qui pratique dans le genre pop
bossa, revient sur le devant de la scène musicale,
avec un troisième album, Antimatière14 . Parce qu’il
mêle mélancolie et dérision, Jérémie Kissling est
tantôt qualifié de « dandy décalé », tantôt de
« spleen doctor »15. Ce dernier a enregistré deux
duos, un avec Emilie Loizeau (Nouvel Horizon) et un
avec Capucine (Reste la même). Au lion d’Or, il est
présenté comme « le coup de cœur francophone » .
Polar sort, lui aussi, en 2009, son troisième album : French Songs16. Cet ex-champion d’athlétisme
suisse, de filiations irlandaise et suisse-allemande,
est poussé par Miossec à écrire en français. C’est
avec le chanteur Cali, dont il fait les premières
parties, qu’il commence à être reconnu par le
monde musical. Il a écrit les textes et la musique
de French Songs à Montréal, dans un appartement
placé à la frontière du quartier francophone et
anglophone. Avec des collaborateurs venus notamment du jazz, Polar sort du format rock pour introduire des cuivres et des cordes. L’artiste a coécrit
un de ses textes avec Pierre-Dominique Burgaud,
Avec des si, chanson pour laquelle Stephan Eicher
a composé la musique.
Cinéma
Le festival du film de Locarno a récompensé, avec
un Léopard d’or, pour la saison 2009, dans la série
des longs métrages, She’s a Chinese de Xiaolu Guo.
La réalisatrice et romancière évoque le sentiment
de déracinement à travers l’histoire d’une jeune
chinoise qui quitte sa province natale pour venir
s’installer en Grande-Bretagne. La néerlandaise
d’origine polonaise, Urszula Antoniak, avec son
film Nothing personnal, figure cinq fois au palmarès,
avec notamment le prix de la meilleure première
œuvre, celui de la critique ainsi que d’interprétation féminine, pour l’actrice Lotte Verbeek. Notons
que le Zurichois Christoph Schaub a remporté le
prix du public pour Guilas Verschwinden (La Disparition de Guila). 13. Christian Voltz, Le livre le plus génial que j’ai jamais lu,
Pastel, 2008.
14. Jérémie Kisling, Antimatière, mai 2009, Disque Office
(parution suisse) parution française sous label Sony.
15. Gilles Renault, « Jérémie Kissling, spleen doctor
suisse », Libération.fr, 18-03-2010, le 1 juillet 2010.
16. Polar, French Songs, 2009,
Entrée du musée de la Croix Rouge de Genève (licence GNU
Nicolai Schwerg)
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Succès phénoménal pour Titeuf après Paris
L’exposition du célèbre auteur suisse de Titeuf,
intitulée Le Zizi sexuel, s’est installée à Genève.
L’amour et la sexualité sont ainsi expliqués aux
adolescents. Toutes les classes de 7e année ont
d’ailleurs été conviées, avec leur maître de classe,
à l’exposition. Chaque élève est reparti avec un
guide qui est l’image de la bande-dessinée.
Le musée international de la Croix-Rouge a proposé, à Genève, une exposition temporaire intitulée « L’Humanité en guerre », qui retrace les conflits
des 150 dernières années. Les photographies de
James Natchwey, Ron Haviv, Christopher Morris,
Franco Pagetti et Antonin Kratochvil montrent à la
fois la brutalité, la violence et la souffrance mais
aussi la subsistance de l’espoir et de la fierté dans
de tels moments. En parallèle, est aussi évoquée
l’évolution de la Croix-Rouge, qui, comme la photographie, est née dans le milieu du XIXe siècle.
La Fondation Gianadda (Martigny, Valais) a
cette année exposé des toiles recouvrant un panorama de Courbet à Picasso. Pour la cinquième fois,
le musée s’est, par ailleurs, intéressé aux œuvres
de Rodin, en dévoilant, autour de ses sculptures,
ses croquis érotiques.
98
EUROPE
BIBLIOGRAPHIE
Articles
Cornier Sylvain, « Coup de cœur francophone – Jérémie
Kisling au lion d’Or – Le cœur pur du chanteur suisse »,
Le Devoir.com, 11 novembre 2009, 1er juillet 2010.
Duval Jean-François, « Vuillème, de retour d’infarctus »,
Migros Magazine17, 20 avril 2009, 1 juillet 2010.
Renault Gilles, « Jérémie Kissling, spleen doctor suisse »,
Libération.fr, 18-03-2010, le 1 juillet 2010.
Roger, « Le romanche n’est pas rentable », in Domaine public, 31.08.2002.
Romans, récits, théâtre
Efoui Kossi, Solo d’un revenant, Seuil, 2008.
Kramer Pascale, L’implacable brutalité du réveil, Mercure
de France, 2009. Les Vivants, Calmann-Lévy, 2000.
Manu, Calmann-Lévy, 1995.
Sillig Olivier, Lyon, simple filature, Encre fraîche, 2008.
Srbljanovic Biljana, Babelo, à propos de chiens et d’enfants, L’Arche, 2008 Supermarket, L’Arche, 2010.
Voisard Alexandre, L’intégrale de ses œuvres réunies en
six volumes, 2006-2007, Bernard Campische.
Voltz Christian, Le livre le plus génial que j’ai jamais lu,
Pastel, 2008.
Vuillème Jean-Bernard, Pléthore ressuscité, Editions
de la Nouvelle Revue neuchâteloise, 2008. Pléthore, Editions Piantanida, 1982. Le Règne de
Pléthore,Piantanida, 1983.
UKRAINE
Zénon KOWAL
Expert
[email protected]
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
DISSENSIONS POLITIQUES
SUR FOND DE CRISE
En juillet 2009, moment où démarre cette analyse,
il reste un peu plus de six mois avant les élections présidentielles. Les dissensions au sein de la
« coalition orange » s’aggravent de jour en jour. La
population qui avait largement soutenu la « révolution orange » est profondément déçue, désabusée. Les promesses lancées par les « nouveaux
dirigeants » n’ont que peu ou prou été réalisées…
de plus, l’Ukraine, vu sa structure économique, est
peut-être plus que d’autres pays touchée de plein
fouet par la crise et affichera à la fin de 2009 une
diminution de 15% de son PIB.
En plein été 2009, le 11 août, un autre coup de
tonnerre vient secouer le ciel ukrainien. Depuis
son blog, le Président russe Dimitri Medvedev,
dans une lettre ouverte, critique durement les
autorités ukrainiennes. Il leur reproche d’avoir
pris une position antirusse lors du conflit géorgien
(livraison d’armes), d’évincer la langue russe de la
vie courante et de vouloir rejoindre l’OTAN, sans
tenir compte de l’avis de la population. Il suspend
même l’envoi de son nouvel ambassadeur, Mikhaïl
Zourabov, à Kiev…
Les critiques du Président Medvedev visent
notamment la révision de l’histoire « commune »
(famine artificielle/ Holodomor de 1932-33,
réhabilitation de l’OUN-UPA–voir encadré,
ingérence dans les affaires de l’Eglise orthodoxe). Selon la presse russe (Vzgliad), « de
par leur dureté, les propos de Medvedev n’ont
d’équivalent que le discours de Vladimir Poutine
à Munich en 2007 »… et les propos de ce dernier
tenus lors de la réunion à huis-clos du Conseil
Russie-OTAN (Sommet de Bucarest, avril 2008)
où il déclara à son homologue américain que
« l’Ukraine n’était pas un Etat, qu’une partie de
son territoire appartenait à l’Europe de l’Est et
que l’autre, considérable, lui avait été offerte pat
la Russie » (RIA Novosti, 7/4/08).
Revenant à la situation politique en Ukraine, depuis la « révolution orange » (novembre/ décembre
A LA RECHERCHE DE L’IDENTITE
MEMOIRE ET HISTOIRE
En Ukraine, comme dans bon nombre de pays de l’espace postsoviétique, deux conceptions opposées de
l’histoire et de l’identité se confrontent. Nous rappellerons qu’à l’époque brejnévienne, il était question de
créer un « homo sovieticus » en éradiquant les différences nationales, culturelles, linguistiques et autres au
sein de l’espace soviétique. Après l’homo sovieticus…
favoriserait-on l’avènement d’un « homo russicus » ?
Peu avant la fin de son mandat (1994-2005), le président ukrainien Léonid Koutchma, un pur produit du
système soviétique auquel on peut difficilement apposer l’épithète de « nationaliste », avait déjà senti
le besoin de publier un livre intitulé « L’Ukraine n’est
pas la Russie » (janvier 2004). Son successeur, Victor Iouchtchenko, visant à raviver une conscience
identitaire, en a fait un des éléments principaux de
sa présidence. Il créa un Institut de la Mémoire Nationale, tenta de relancer le dialogue entre les trois
fractions de l’Eglise orthodoxe en Ukraine, ouvrit
les archives de l’ex-NKVD/KGB relatives à la famine
artificielle (Holodomor) tout en lançant une vaste
campagne d’information et de reconnaissance de
celle-ci au niveau international et aborda le débat
sur la réhabilitation de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) et l’armée insurrectionnelle
ukrainienne (UPA) dont il honora les dirigeants, Stepan Bandera et Roman Choukhevytch, en leur attri-
99
2004) les Ukrainiens furent appelés par trois fois à
se rendre aux urnes… cinq gouvernements se sont
succédés. Le 5ème anniversaire de cet événement
historique n’a pas rameuté les foules.
En novembre 2009, un malheur supplémentaire
s’abat sur l’Ukraine avec la pandémie de H1N1 qui
touche près de 250 000 personnes.
Sur fond de dissensions politiques, l’Ukraine
termine l’année sans budget pour 2010 et l’accord
d’association avec l’UE, tant espéré par le président Iouchtchenko (Sommet UE-Ukraine, 4/12/09
– Kiev) est reporté au mieux à 2010.
tique pour se consacrer au secteur bancaire. En
4ème position, nous trouvons Arseniy Iatseniouk
(6,9%) homme politique d’une génération qui a
terminé son éducation supérieure après la disparition de l’URSS et occupé des postes aussi importants que ceux de ministre de l’économie, des
affaires étrangères et de président du parlement.
Le 2ème tour du 7 février 2010 donne Ianoukovitch
vainqueur avec 48,81% contre Tymochenko avec
45,61%, et un taux de participation de 69,10%.
Les réactions de Moscou aux élections présidentielles un Ukraine méritent d’être signalées.
Il n’y a pas eu, cette fois, de voyage du président
russe à Kiev – on se rappellera l’épisode du voyage
PRESIDENTIELLE DE JANVIER 2010
Le 1er tour de l’élection présidentielle a lieu le 17 janvier.
Il confirme grosso modo les
prévisions des sondages. Victor Ianoukovitch arrive en tête
avec 35,35%, suivi d’Ioulia
Tymochenko avec 25,05%. Le
Président sortant Iouchtchenko arrive en 5ème position avec
seulement 5,45%. Il est intéressant de noter que Serhiy Tihipko,
ancien chef de campagne de
Ianoukovitch lors des élections
Mme Tymochenko
contestées de 2004, arrive en
3ème position avec 13,05%. Il
Affiche de Iouchtchenko, le jour de la
s’était alors retiré de la polifête nationale - photo ZK
UKRAINE
Ainsi que nous le voyons, ces débats restent encore
très sensibles, bien qu’il existe aujourd’hui de plus
en plus de publications scientifiques permettant de
se faire une opinion sur la base de documents historiques et d’archives réfutant la propagande de
l’époque soviétique. Il s’agit là d’un travail à ne pas
politiser et à laisser aux historiens.
HISTOIRE
1917 Création de la République d’Ukraine par les Bol-
chéviques. Proclamation de l’indépendance de la République nationale d’Ukraine à Kiev. Début de trois
guerres civiles. Fin en 1922.
1986 Catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
1991 Proclamation d’indépendance. Leonid Kravtchouk
élu président. Création de la Communauté des Etats indépendants (CEI) qui succède à l’URSS.
1994 Premières élections libres organisées depuis
l’éclatement de l’URSS. Leonid Koutchma est élu.
1995 Entrée dans le Conseil de l’Europe.
1996 Adoption d’une Constitution instituant un pouvoir
présidentiel fort, tout en garantissant plusieurs acquis.
1998 Elections législatives. Victoire des communistes
dirigés par Petro Simonienko.
2001 Victor Iouchtchenko annonce la formation du
mouvement « Notre Ukraine ».
2004 Election présidentielle, victoire préliminaire de Ianoukovitch. Iouchtchenko, soutenu par des milliers de
manifestants, se proclame vainqueur. La Cour suprême
dénonce les fraudes électorales et invalide le résultat
des élections. Victoire de Iouchtchenko.
2006 Entrée dans la Francophonie.
2007 Septembre. Victoire de Parti des Régions de Viktor
Ianoukovytch aux élections législatives anticipées avec
34,4 % des voix. Décembre : Ioulia Tymochenko devient
Premier ministre. Elle a déjà occupé cette fonction de
janvier à septembre 2005.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
buant le titre de « héros de l’Ukraine ». Dès son arrivée au pouvoir, le Président Ianoukovitch inversa cette tendance. Il remit en cause les orientations
de son prédécesseur en retournant vers les stéréotypes de l’époque soviétique. Le nouveau Ministre
de l’Education, Dmytro Tabatchnik, proposa même
d’écrire un livre d’histoire russo-ukrainien commun
destiné à l’enseignement, suscitant l’ire de l’opposition. Dès le 30 mars, une motion de défiance fut
déposée contre lui au Parlement mais ne recueillit
que 202 voix sur 450. Le Holodomor est, quant à lui,
redevenu une tragédie « globale qui n’avait pas particulièrement visé le peuple ukrainien et n’était donc
pas un génocide… » (Ianoukovitch – Conseil de l’Europe, 27/4/10). L’OUN qui avait combattu tous les
occupants de l’Ukraine, même si à un moment, pour
des raisons tactiques elle s’était rapprochée des Allemands, était de nouveau condamnée sous cet angle
exclusif. Et, fait difficile à imaginer pour un lecteur
occidental, le 5 mai, devant les locaux de leur parti
à Zaporijia, des militants du parti communiste inauguraient un nouveau monument à Staline…
100
EUROPE
de Poutine en 2004 pour féliciter Ianoukovitch,
alors que les résultats de l’élection n’avaient pas
encore été officialisés… et furent contestés, amenant un troisième tour et la victoire d’Iouchtchenko. Bien sûr, le choix de Moscou a, cette fois-ci,
été clairement signalé via le blog de Medvedev et
son refus d’envoyer un ambassadeur à Kiev (voir
supra). Mais comme l’écrivait le correspondant
de « La Libre Belgique » à Moscou, à l’issue du
1er tour, ils préfèrent ignorer le phénomène indéniable de « démocratie accomplie » en Ukraine qui,
à la différence notoire des pratiques électorales
en Russie, vient d’être traduit déjà par l’absence
de toute certitude quant à l’issue de la course
présidentielle...
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
REPRISE EN MAINS
Victor Ianoukovitch prête serment devant le Parlement le 25 février, malgré les efforts de Ioulia
Tymochenko pour faire annuler les élections pour
fraude. Le 3 mars, le Parlement vote la démission
du gouvernement Tymochenko et le 11 mars une
nouvelle coalition (« Stabilité et réformes ») est
formée entre le parti des régions (Ianoukovitch),
le bloc de Lytwyn (président du parlement) et le
parti communiste, réunissant 235 parlementaires
sur les 450 élus. Nous constaterons que, dans les
mois qui suivent, les efforts du parti des régions
ne seront pas ménagés pour renforcer cette majorité en débauchant des parlementaires de l’opposition. Au 18 juin 2010, la coalition compte déjà
256 députés…et le processus continue. Un gouvernement est rapidement mis en place avec Mykola
Azarov au poste de 1er Ministre et Kostyantyn
Hrychtchenko (Ambassadeur à Moscou – rappelé
à Kiev), aux Affaires Etrangères. Serhiy Tihipko qui
avait terminé troisième lors des présidentielles
devient 1er Vice-Premier Ministre chargé des questions économiques.
NON-ALIGNEMENT ET UE
Quitte à mécontenter quelque peu Moscou, Ianoukovitch privilégie Bruxelles pour sa première
visite officielle à l’étranger (1er mars). Il répète que
l’intégration à l’UE est une priorité et est félicité
pour son approche pragmatique. L’Europe préfère
en effet des relations « pacifiées » entre Moscou
et Kiev…mais il reste à voir quel en sera le prix.
Le 5 mars, ce sont les retrouvailles avec D. Medvedev à Moscou. Ce dernier visite ensuite deux fois
l’Ukraine en moins d’un mois, d’abord à Kharkiv
(21/4) où il arrache un accord pour prolonger de
25 ans (jusqu’en 2042) le bail de la flotte russe à
Sébastopol (contre une réduction du prix du gaz
de 30%), puis à Kiev (17/5), où il est question de
délimitation des frontières russo-ukrainiennes
et d’un ambitieux programme de coopération
dans les domaines scientifiques et de l’éducation… Medvedev propose aussi à l’Ukraine de
s’associer au « traité de sécurité collective ». V.
Poutine avait entre-temps suggéré une prise de
contrôle par Gazprom de son homologue ukrainien
Naftohaz…et une fusion du secteur de l’énergie
nucléaire. L’Ukraine, jusqu’à présent, ne s’est
pas associée au « traité de sécurité collective »
proposé par Moscou et tente de résister à l’absorption de Naftohaz par Gazprom, tout en proposant un consortium associant Ukraine, Russie
et UE pour l’amélioration de son réseau de transit
énergétique.
Le 5 avril, V. Ianoukovitch dissout la commission chargée de préparer l’entrée de l’Ukraine dans
l’OTAN, créée en 2006 par son prédécesseur. Les
programmes de coopération avec l’OTAN restent
cependant en vigueur. Le 12 avril, il rencontre le
président Obama lors du Sommet nucléaire de
Washington et annonce que l’Ukraine renonce à
son stock d’uranium enrichi en offrant ainsi un
succès de circonstance au président américain.
Ces premières manœuvres sur la scène internationale sont confortées par un nouveau projet de
loi sur les orientations de la politique intérieure
et internationale, adopté par le Parlement (3/6).
L’Ukraine se veut un Etat européen non-aligné
militairement avec pour but déclaré l’adhésion à
l’UE. Le rapprochement rapide avec la Russie est
dénoncé par une opposition divisée et sans réelle
influence sur le cours des événements….
FIN DU CHAOS ?
Si certains observateurs se félicitent d’une reprise
en mains du pays, d’autres s’inquiètent de ce rapprochement trop rapide et prononcé avec Moscou…
et d’un resserrement des libertés.
Le président Ianoukovitch s’est donné tous les
atouts pour réaliser sa vision politique et économique. Avec une majorité claire qui se renforce
régulièrement par des défections (sollicitées) de
l’opposition, il bénéficie d’un soutien sans équivoque au Parlement. Il en va de même avec le gouvernement de Mykola Azarov, un Premier Ministre
qui cumule son poste avec celui de président du
« parti des régions » dont est issu le président
ukrainien. V. Ianoukovitch s’est donné pour objectif de redresser le pays et d’en faire un des vingt
pays les plus prospères d’ici 2020.
Au premier trimestre 2010, des signes tangibles de reprise sont enregistrés avec une croissance de 4,8% du PNB et une projection de 3,5%
de croissance pour l’année.
Un bémol vient cependant assombrir le tableau.
La liberté de parole qui avait été sans aucun
doute le succès le plus éclatant de la « révolution
orange » semble connaître quelques problèmes.
De nombreux journalistes se plaignent de plus
en plus de la difficulté d’exercer librement leur
travail. Les chaînes de télévision TVi et Canal 5
(chaîne d’information) se sont vues retirer une
partie de leurs fréquences. A la fin juin, Nico Lange,
directeur de la fondation Adenauer, a été retenu
pendant 10h à l’aéroport de Kiev, à son retour en
Ukraine, vraisemblablement pour avoir déclaré
que « dans les quelques semaines qui ont suivi la
victoire d’Ianoukovitch, un petit groupe de proches
du président et du 1er ministre ont réussi à prendre
le contrôle du pays ».
101
SOCIETE
La situation sociale en Ukraine n’est pas des
plus réjouissantes, surtout après une année de
crise économique profonde. Les classes les plus
pauvres de la population sont toujours les plus
vulnérables…et sachant qu’une grande partie
de la population active est toujours à charge
du budget de l’Etat (sans parler des retraités),
nous n’entrerons pas ici dans un développement
qui mériterait un article séparé. De la période
contrastée de Iouchtchenko, nous mentionnerons
cependant un projet lancé en 2006 et situé tout
près de la « laure de Petchersk » à Kiev. Il s’agit de
l’ambitieux projet muséal de « l’arsenal culturel »
(artarsenal) développé dans les anciens bâtiments
de l’arsenal datant du début du XIXe siècle et situé
au 28-30 de la rue Mazepa. Le concours pour sa
restauration et l’aménagement du site a été rem-
Les blindés ouverts au public le jour de la fête - photo ZK
porté par un groupe japonais et l’inauguration
d’une première partie de cet espace grandiose a
été réalisée en 2009. Il mérite le détour. VAL D’AOSTE
Enrica ZANIN
Université Paris IV-Sorbonne.
[email protected]
manifeste également dans les prises de positions
des élus valdôtains au Parlement italien, Antonio Fosson et Roberto Nicco, qui accordent leur
préférence aux mouvements nationaux visant à
préserver l’autonomie de la région valdôtaine3.
POLITIQUE
1. Cf. www.regione.vda.it/pressevda/focus/
comunali_2010_i.asp
2. Cf. www.regione.vda.it/amministrazione/elezioni/
Amministrative2005
ECONOMIE
Le Val d’Aoste, en 2009-2010, est touché par la
crise, mais en moindre mesure que les autres
régions italiennes4. Le PIB régional a connu une
baisse de 1,3%, alors que le PIB national a baissé
de 3,9%. Si la crise de la consommation des foyers
(-4,4%) est supérieure à la moyenne nationale
(-0,8%), les revenus restent généralement stables.
Le taux de chômage (3,3%) est moins élevé que le
taux national (6,7%). Les principales entreprises
locales, spécialisées en sidérurgie, secteur touché
par la crise, souffrent d’une baisse des exportations (-18%) plus importante que dans le reste
de l’Italie (-1,2%). Le commerce régional aussi
connaît une crise, due en partie à la baisse du
tourisme, et notamment à la moindre affluence
de touristes étrangers, en partie compensée par
la plus grande présence de touristes italiens. La
crise affecte surtout les petites entreprises, et
notamment les entreprises agricoles (-7,1%), alors
que les activités hôtelières et les entreprises de
construction présentent une croissance relative.
3. Cf. Le bilan de l’année 2009 par Antonio Fosson,
reporté dans Le Peuple Valdôtain, n.1, janvier 2010, p. 1.
4. Les données de cette section sont issues du rapport
rédigé par la Chambre du commerce Giornata dell’economia 2010, disponible sur le site : www.ao.camcom.it.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Le panorama politique valdôtain reste relativement stable. Les élections communales de mai
2010 ont confirmé le parti qui gouverne la région,
l’Union Valdôtaine, qui a remporté la majorité
des sièges. Le succès de l’UV est aussi le fruit
des alliances politiques que le parti autochtone
a tissées avec les autres mouvements nationaux
et locaux. Si, lors des élections de 2005, l’UV
s’était alliée avec les forces du centre-gauche, en
2010, le parti de majorité s’allie avec les forces
du centre-droit – et notamment avec le PdL et
la Ligue Nord qui font partie de la coalition qui
gouverne l’Italie. Le nouveau maire de la ville
d’Aoste, Bruno Giordano, élu avec 59,72% des
voix, est ainsi issu du parti Forza Italia de Silvio
Berlusconi. Le succès de cette nouvelle coalition
est dû aussi au nombre important des voix obtenues par le mouvement Stella Alpina. Ce parti, né
en 2003 d’une scission de l’Union Valdôtaine, a
obtenu, à la commune d’Aoste, 18,6%1 des voix,
alors qu’aux élections communales de 2005, il
n’en avait obtenu que 10%2.
Ce changement dans le choix des alliances est
moins d’ordre idéologique que politique et se
102
EUROPE
CULTURE
L’Institut agricole régional
L’intervention de l’administration locale pour limiter les effets de la crise, ainsi que la situation
patrimoniale relativement stable des Valdôtains
et le faible taux de chômage permettent d’expliquer l’impact réduit de la crise sur l’économie valdôtaine. Pourtant, les signes de reprise restent
précaires et instables, et ne permettent pas de
prévoir, à court terme, la reprise globale de l’économie locale.
VAL D’AOSTE
GEOGRAPHIE
Région alpine entre le Piémont (Italie), la France et le
Valais suisse. Le Val d’Aoste est divisé en 74 Communes.
La population est de 123 978 habitants, dont 34 610 dans
le chef-lieu, Aoste.
HISTOIRE
25 av. J.-C. La défaite des Salasses face à l’Empire ro-
main est à l’origine de la fondation d’Augusta Praetoria, devenue Aoste.
575 Aoste entre dans la mouvance des parlers francoromands avec l’intégration au royaume franc, puis au
royaume bourguignon.
1032 Passage sous la domination de la maison de
Savoie.
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
1562 Le français est langue officielle mais le piémontais
prédomine. La capitale des Etats de Savoie est transférée de Chambéry à Turin.
1798 Le Val d’Aoste est intégré à l’Etat français.
1814-1861 Après le Congrès de Vienne, passage sous
le contrôle du royaume de Sardaigne. Retour des ducs
de Savoie.
1861 La Savoie est rattachée à la France. Le jeune
royaume d’Italie de Victor-Emmanuel II englobe le Val
d’Aoste francophone.
1924-1945 La période fasciste est marquée par une italianisation forcée des populations locales et par une
forte immigration italienne.
1945 (28 avril) Le Val d’Aoste est libéré par les maquisards valdôtains et italiens.
1948 (26 février) La République italienne confère à la
Vallée un statut de Région avec autonomie spéciale.
1985 Le Val d’Aoste adhère à l’Assemblée des régions
d’Europe.
1991 Institution de l’Espace Mont-Blanc.
2000 Naissance de l’Université bilingue du Val d’Aoste.
L’année a été riche en événements, allant de
l’illustration de maîtres de la langue française,
tels que Hugo et Camus1, à l’exposition d’artistes
locaux. Les toiles de Elso Montrosset, de Raffaella
Moniotto et de Sarah Ledda ont fait l’objet d’expositions temporaires, ainsi que les sculptures de
Guido Diemoz. Les tableaux de Fernando Bibollet
et de Lalla Romano, qui représentent et transfigurent la beauté alpine de la région, ont été exposés à Aosta2. Les publications en langue française,
en revanche, sont davantage consacrées à des
sujets ethnographiques et pédagogiques : le prix
Willien récompense un ouvrage sur les alpages
valdôtains et un récit pour l’enfance3. En effet,
la connaissance et la pratique du français, dans
cette enclave Francophone en territoire italien,
est le fait d’un apprentissage et d’un héritage : les
journées de la francophonie, de mars à juin 2010,
ont été consacrées à Joseph Bréan, qui lutta pour
préserver les particularités culturelles et linguistiques de sa région4.
Recherche : les fruits de l’IAR
L’institut agricole régional (IAR) est né en 1982
pour préserver et améliorer la qualité des produits
agricoles grâce à l’application de méthodes agronomiques avancées. L’IAR est chargé de développer la formation agronomique par un travail de
recherche de haut niveau appliqué à l’agriculture
de haute montagne, et notamment à la fruiticulture et à l’œnologie. L’IAR, qui compte déjà 40
projets scientifiques en cours, a inauguré, au
cours de la dernière année, trois nouvelles activités. Ses chercheurs ont sillonné les terroirs de la
région pour identifier des exemplaires survivants
d’anciennes variétés autochtones de vignobles
et de noyers, afin de découvrir et de préserver la
biodiversité locale. Des vins et des huiles de noix
avec une palette de saveurs inédite ont été produits. De plus, des produits cosmétiques à base
de rares herbes médicinales ont été spécialement
conçus par les étudiants et commercialisés par
de nombreuses pharmacies italiennes. L’IAR a
su ainsi montrer que l’innovation, conjuguée à
la qualité et au respect des traditions et des écosystèmes locaux, peut mener au développement
économique grâce à la pénétration des marchés
émergents5. 1. Respectivement par les spectacles Le Premier Homme,
par Jean-Paul Schintu (octobre 2009) et Victor Hugo mon
amour, par la compagnie Anthea Sogno, (février 2010).
2. Pour un aperçu plus complet des expositions, cf. www.
regione.vda.it/Cultura/esposizioni/expo_i.asp
3. Joseph-César Perrin et al., Murs d’alpages en Vallée
d’Aoste, Aosta, Priuli et Verlucca, 2009 ; Joseph-César
Perrin, Blantsin, la marmotte banche ou l’histoire d’une
amitié, Aosta, Le Château, 2009.
4. Cf. Joseph Bréan, Civilisation alpestre, 1953.
5. Pour plus d’information, cf. www.iaraosta.it
A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S
103
Peter KLAUS
Freïe Universität Berlin
[email protected]
Le couple France-Allemagne
Les peuples s’entendent mieux entre eux que leurs
dirigeants. Les médias ne s’intéressent apparemment qu’au “people” comme disent les Français, et
font grand cas de tel refroidissement climatique
entre la chancelière allemande Angela Merkel et
le président de la République française Nicolas
Sarkozy ou de telles retrouvailles au sommet entre
le président russe et son homologue allemand.
La presse écrite, parlée et télévisuelle s’intéresse moins au travail fait par la base, les citoyens,
les associations, les médias et les institutions
bilatérales et binationales dont il y a pléthore.
Où en seraient les ententes entre les pays sans
le travail et l’engagement de la base? Sans tous
ces bénévoles qui œuvrent pour une cause? C’est
bien de signer des contrats et ententes sous les
yeux du monde, mais l’engagement des individus
et des associations est certainement aussi important sinon plus pour une meilleure compréhension
entre les peuples.
L’Allemagne et la France forment un couple
important au sein de l’Union Européenne, c’est
une banalité de le dire. Les relations entre nos
deux pays se sont plus que normalisées, peut-être
même trop.
On ne compte plus les jumelages entre villes,
régions et établissements scolaires et universitaires. Ce sont des choses qui vont pratiquement
de soi. Vu les guerres sanglantes que les deux
peuples se sont livrées au fil des siècles, ce n’est
pas une mince affaire. Pourtant, il faut malgré tout
mettre un bémol à ce tableau par trop positif: c’est
l’état quasi catastrophique de l’apprentissage de
l’allemand en France, une évolution qui a commencé il y a quelques années. Entre temps, certaines
universités françaises ont dû fermer leur section
d’allemand à cause d’un manque d’étudiants. Ce
qui ne laisse présager rien de bon pour l’avenir
de l’enseignement si les universités ne forment
plus de professeurs d’allemand. En Allemagne on
assiste également à une désaffection des élèves
qui préfèrent apprendre l’anglais (quasi obligatoire) ou l’espagnol à la place du français. Pourtant, la situation de l’enseignement du français
en Allemagne n’est pas aussi catastrophique que
l’inverse l’est en France. Il y a plusieurs raisons à
cela: en France, les filières en langues et littératures n’offrent qu’un seul débouché: l’enseignement. En Allemagne, ces mêmes filières d’études
ne sont pas forcément axées sur un métier, vu que
l’université allemande ne se voit pas comme étant
une école de formation professionnelle mais plutôt
comme une institution de recherche et d’enseignement qui a pour vocation de former des individus
à se construire eux-mêmes, à être autonomes et
critiques et à ne pas se cantonner dans une voie
unique.
Ceci pour les différences de fond entre les deux
pays.
Mais il y a autre chose: les activités culturelles
et sociales qui rapprochent nos deux pays sans
oublier qu’il existe d’autres pays francophones
en Europe qui apportent leur richesse culturelle
également, tels la Belgique ou la Suisse.
Une institution bilatérale importante: l’Office
Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ), créé en
1963 afin d’assurer une meilleure entente entre
les jeunes des deux pays, a fait du beau travail
ces dernières décennies. Cette institution, dirigée par deux secrétaires généraux ayant deux
sièges, l’un à Paris et l’autre à Berlin, offre un
vaste programme de stages bi- et trilatéraux
qui ne privilégient pas forcément les étudiants
mais sont axés majoritairement sur des jeunes
professionnels. Une expérience bilatérale exemplaire: le programme pour jeunes professionnels
des métiers du livre et de l’édition qui fête ses
20 ans cette année. Depuis 1990, chaque année
dix jeunes professionnels ont l’occasion de découvrir pendant quatre mois le monde de l’édition
dans le pays voisin.
Ceci a plusieurs avantages: ils enrichissent
leurs connaissances et compétences linguistiques,
culturelles et professionnelles tout en développant un réseau professionnel dans les deux pays.
Et ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres, car
entre temps l’OFAJ a développé les programmes
et stages tri nationaux qui incluent aussi bien des
jeunes polonais ou bosniaques, des programmes
qui s’expatrient dans ces pays.
Il faut mentionner également le travail très
important accompli par les Instituts français,
travail pas toujours valorisé à son juste titre par
les instances politiques et tutélaires. Que serait
le paysage culturel des villes de province en Allemagne sans les Instituts français? On n’a qu’à
énumérer certaines activités de l’Institut français
de Berlin pour se faire une petite impression:
cela commence par la Fête de la Francophonie en
passant par la présentation de livres savants ou
de fiction et de leurs auteurs, une rencontre avec
Haïti, un Festival de Jazz français, une rencontre
interprofessionnelle des maisons d’éditions
franco-allemande et la Fête de la musique. Ce
n’est qu’un aperçu qui donne une petite idée de
la variété et la diversité du programme.
La Belgique, officiellement trilingue (flamand,
français et allemand) est également très active et
s’efforce de proposer des activités d’une diversité
étonnante pour un pays de cette taille (exemple:
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
ALLEMAGNE
104
EUROPE
rétrospective des films des frères Dardenne suivie par un très nombreux public), et ceci surtout
lorsqu’on s’aperçoit que la minuscule Communauté germanophone de Belgique (environ 70 000
habitants) excelle dans un domaine particulier: le
regroupement des minorités germanophones en
Europe. Ceci n’est peut-être pas forcément passionnant pour les Francophones, par contre, cela
pourrait éventuellement servir d’exemple. Voilà
quelques mois (novembre 2009), sur l’invitation
de l’Ambassade de Hongrie (!), on a pu assister à
la présentation commune de l’anthologie “Seitensprünge“, en français Escapades – littérature des
minorités germanophones en Europe, de Belgique,
de Hongrie et du Tyrol du Sud. De belles découvertes à faire. À quand une anthologie francophone réunissant les textes d’auteurs savoyards,
valdôtains, vaudois et luxembourgeois? ESPAGNE
POLITIQUE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Rosa DE DIEGO
Professeur Littérature Française
Université du Pays Basque
[email protected]
L’année 2010 est placée sous le signe de l’Europe
pour l’Espagne. Pendant les six premiers mois de
l’année, Madrid va occuper la présidence tournant
de l’Union européenne. Il s’agit sans doute d’une
présidence particulière puisque c’est la première
postérieure au traité de Lisbonne, qui a doté les
27 d’un président permanent, le Belge Herman
Van Rompuy. Un spectacle son et lumière sur la
Puerta del Sol, à Madrid, a marqué le début de
cette présidence. Les quatre priorités espagnoles :
mettre en place la pleine application du Traité de
Lisbonne ; consolider la reprise économique et
favoriser l’adoption d’une stratégie européenne de croissance durable à l’horizon 2020 ; renforcer la présence et l’influence de l’UE sur la scène
internationale ; placer les citoyens européens au
cœur des politiques de l’UE.
29 juillet 2009 : Un attentat a visé une caserne
de la Garde Civile à Burgos, dans le nord de l’Espagne, faisant 64 blessés, à la veille du 50ème
anniversaire de la création officielle de l’organisation ETA, le 31 juillet 1959. Cette attaque n’a
néanmoins pas débouché sur des pertes de vie
mais a blessée 64 personnes.
30 juillet 2009 : deux gardes civils ont été
tués dans un attentat à la voiture piégée devant
la caserne de la Garde Civile à Palmanova, sur l’île
de Majorque, aux Baléares. La zone de l’explosion
était située à 500 mètres d’une plage très fréquentée par les touristes et à quelques kilomètres du
Palacio de Marivent, lieu de villégiature estivale
de la famille royale d’Espagne. Les deux gardes
civils tués étaient âgés de 27 et 28 ans. Peu après
l’explosion, les membres du Groupe spécialisé
dans le déminage de la Garde Civile de Majorque
ont désactivé une bombe-ventouse située sous
un véhicule de la Garde Civile près du lieu de la
première explosion.
L’Espagne est l’un des pays de la zone euro à
subir une forte crise économique pendant l’année
2009, et à ne pas encore être sorti de la récession
au 2010. La situation rigide du marché du travail
complique le recommencement de la croissance.
D’autre part, le chômage en Espagne a fortement
augmenté : passant de 18,8% au dernier trimestre
2009 à 20,05% de la population active pour les
premiers mois de l’année 2010. Il y avait plus de
4 millions de chômeurs en Espagne à la fin du
mois de mars 2010. Le taux de chômage espagnol, victime d’une activité économique qui est
en contraction depuis sept trimestres consécutifs, est le plus élevé de la zone euro. Créer des
emplois pour relancer l‘économie, c’est l’objectif
du gouvernement espagnol, qui doit réformer le
marché du travail à l’aide de plusieurs mesures.
L’Espagne doit développer l’emploi fixe à temps
partiel, privilégier la réduction de la journée
de travail en période de crise, et encourager les
stages en entreprises pour les jeunes. Les syndicats s’opposent au projet du gouvernement de
relever l‘âge de la retraite de 65 à 67 ans.
Le chef du gouvernement espagnol José Luis
Rodriguez Zapatero a annoncé le 12 mai de dures
mesures d’austérité sous la pression des marchés, de l’UE et de Barack Obama. Le but: tenter
de restaurer la crédibilité financière du pays. Les
salaires de la fonction publique seront lourdement
affectés, l’aide de 2500 euros à la naissance, une
mesure approuvée en juillet 2007, sera supprimée dès 2011. Le gouvernement va aussi geler la
revalorisation des retraites en 2011, sauf les plus
basses et les pensions non contributives.
La justice espagnole, qui a tant combattu ces
dernières années les crimes contre l’humanité
commis dans de nombreux pays, a commencé un
procès à Baltazar Garzon, un juge qui symbolise
un modèle de l’application de la justice universelle. Ce «super-juge» a eu un rôle fondamental
dans l’arrestation du dictateur chilien Augusto
Pinochet à Londres en 1998. Il a dénoncé les atrocités commises par les militaires en Argentine,
au Guatemala. Il a démantelé les commandos
anti-basques des GAL (Groupes antiterroristes
A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S
CULTURE
Carmen MATA BARREIRO
Professeure Titulaire, Universidad
Autónoma de Madrid (Espagne)
[email protected]
Les traits majeurs du paysage culturel de l’Espagne de 2009-2010 sont la culture de la mémoire, associée à la revendication de la pensée
critique, et la visibilité grandissante de la création
francophone. À cette évolution de la société et
de la culture espagnoles, parallèle à l’évolution
de l’univers politique, s’ajoutent la solidarité et
la réflexion liées au séisme d’Haïti et à la mort
de José Saramago, écrivain portugais prix Nobel
de littérature qui avait choisi l’île espagnole de
Lanzarote pour vivre et pour créer.
La culture de la mémoire
Le travail de mémoire issu du besoin de récupérer
ce qu’on appelle en Espagne « mémoire historique »
concernant le franquisme et la Guerre Civile, qui
a une place importante dans la scène publique
espagnole surtout depuis le début du XXIème
siècle, a été touché par un événement à caractère
judiciaire et politique qui a bouleversé la société
espagnole. En effet, le procès engagé contre le
juge Baltasar Garzón, promoteur du droit pénal
international et jouissant d’une reconnaissance
internationale, suite à l’accusation d’organisations
d’extrême droite qui l’accusent d’avoir voulu
enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme,
a choqué profondément beaucoup de citoyens
espagnols, particulièrement des intellectuels
et des médias de gauche et les associations des
victimes du franquisme. Des réalisateurs tels
que Pedro Almodóvar, des acteurs, des écrivains,
des professeurs d’Université et des magistrats,
parmi d’autres, se sont mobilisés et ont eu des
initiatives d’une grande portée médiatique. L’une
des plus intéressantes a été l’élaboration d’une
vidéo réalisée par Azucena Rodríguez où des
acteurs comme Javier Bardem, des réalisateurs,
des écrivains tels qu’Almudena Grandes et Juan
José Millás entrent dans la peau de personnes
assassinées pendant la Guerre civile et la dictature
franquiste. D’autres initiatives, nées du contexte
de ce procès et qui essayent de réagir contre les
attaques de la droite espagnole –venant surtout
du Partido Popular, principal parti de l’opposition- aux intellectuels critiques qui ont soutenu
Garzón, sont des manifestes qui revendiquent la
normalisation démocratique et la pensée critique.
Une autre manifestation de la culture de la
mémoire constitue le travail des écrivains qui
publient des œuvres de qualité qui puisent dans
la mémoire de la II République, la Guerre civile
ou le franquisme. En 2009 Juana Salabert a réédité Hijas de la ira, Clara Sánchez a gagné le prix
Nadal 2010 accordé à son roman Lo que esconde
tu nombre, et Almudena Grandes s’est engagée à
écrire une série de six romans sur la résistance
antifranquiste. Et dans l’année 2010, on commémore le centenaire de la naissance d’un grand
poète mort dans une prison franquiste, Miguel
Hernández.
Visibilité grandissante de la création
francophone
Dans l’année 2009-2010, la création francophone
a occupé un espace fort important dans le territoire de la culture en Espagne. L’écrivain français
Michel Houellebecq et l’écrivaine québécoise Nicole Brossard ont été invités au festival de poésie
Cosmopoética, à Cordoue, et le Festival de la Méditerranée à Palma de Majorque et la Nuit des livres,
à Madrid, ont accueilli également Nicole Brossard,
sur laquelle l’UNED –l’Université Nationale d’éducation à distance, soit l’équivalent de la Télé-Université- a fait un documentaire, réalisé par Gilbert
Rigaud, qui a été diffusé par la chaîne nationale
TVE2 (cf. http://www.canaluned.com/index.html,
18/09/2009). Les Ambassades et fondations organisatrices de la Semaine de la Francophonie 2010
à Madrid ont invité les écrivains Monique LaRue
(Canada), Jean-Marc Pasquet (Suisse) et Bernard
Tirtiaux (Belgique) ; dans ce cadre, l’Alliance
Française de Madrid a organisé une « Nuit spéciale
Haïti ». Neil Bissoondath, écrivain vivant à Québec
et professeur de création littéraire à l’Université
Laval, a fait une tournée de conférences dans
différentes universités espagnoles.
En ce qui concerne le théâtre, des pièces de
Michel Tremblay, Robert Lepage, Albert Camus,
Samuel Beckett ou Eric-Emmanuel Schmitt ont
été jouées dans des théâtres. Nous soulignerions
aussi le spectacle Nebbia, production du Cirque
Eloize (Canada) et du Théâtre Sunil de Lugano
(Suisse). Robert Lepage considère qu’il y a des ressemblances entre la culture espagnole et la culture
québécoise : « ce sont des sociétés qui ont subi un
certain retard et nous avons eu en même temps une
sorte de ‘movida` qui n’est pas encore finie ».
Dans le domaine de la peinture, à Madrid,
la Fondation Mapfre a organisé l’exposition
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
de libération) et il a envoyé devant les tribunaux
Felipe Gonzalez, président alors du gouvernement
espagnol. En tant que juge de l’Audiencia nacional,
Garzon a fait arrêter quelque mille activistes de
l’organisation ETA. Trois plaintes ont été déposées
contre lui auprès du Tribunal suprême de Madrid.
L’une porte sur d’éventuels honoraires qu’il aurait
perçus pour des conférences données à New York
sous le parrainage de la Banque Santander. L’autre,
sur des écoutes téléphoniques qu’il aurait ordonnées dans le cadre des investigations sur le réseau
de corruption du Parti Popular (droite) Gürtel. Et
la troisième, sur sa décision d’enquêter sur les
crimes du franquisme. Les organisations conservatrices l’accusent de prévarication pour avoir
lancé, en octobre 2008, une investigation sur les
crimes commis pendant la guerre civile espagnole
alors qu’une loi d’amnistie les a effacés en 1977.
105
106
EUROPE
Impressionnisme. Une nouvelle renaissance, et le
Musée Thyssen-Bornemisza a proposé Monet et
l’abstraction. Le Musée Guggenheim de Bilbao, en
collaboration avec la Fondation Beyeler de Bâle,
consacre une exposition au peintre français Henri
Rousseau, dans le centenaire de sa mort.
À la fin du printemps 2010, alors que la vie
de l’écrivain portugais José Saramago, prix
Nobel de littérature, qui avait élu domicile à
l’île espagnole de Lanzarote, s’éteignait, deux
intellectuels francophones ont été les lauréats
d’une des récompenses les plus prestigieuses
d’Espagne, le prix Prince des Asturies. Le
sociologue français Alain Touraine est distingué
par le prix Prince des Asturies « communication et
humanités », tandis que l’écrivain franco-libanais
Amin Maalouf est distingué par le prix Prince des
Asturies « des lettres ».
Disparition
L’écrivain castillan Miguel Delibes, considéré
comme un “maître de la littérature espagnole
du XXème siècle”, s’est éteint en 2010 à l‘âge
de 89 ans à Valladolid, sa ville natale, au centre
de l’Espagne. L‘écrivain était atteint d’un cancer depuis plusieurs années. L’hérétique, paru
en 2000, est un des derniers romans de sa
nombreuse œuvre, surtout des romans, traduits
dans une trentaine de langues. Voilà comment il
définissait son écriture : “Dans tous mes livres il
y a quatre éléments essentiels: la nature, la mort,
l’amour envers son prochain et l’enfance”. En 1993,
il a reçu le prix Cervantès, le plus prestigieux prix
littéraire de l’Espagne. Deux ans auparavant, il
avait aussi obtenu le Prix National des Lettres
Espagnoles. Miguel Delibes était membre de
l’Académie de la Langue espagnole. Une dizaine
de ses livres ont été adaptés au cinéma, comme
par exemple le film dirigé par Mario Camus, Les
Saints innocents. BIBLIOGRAPHIE
Manuel FERNÁNDEZ ALVÁREZ, España. Biografía de
una nación, Éd. Espasa-Calpe, Pozuelo de Alarcón
(Madrid), 2010.
Ignacio OLMOS et Nikky KEILHOLZ-RÜHLE (dirs.), La
cultura de la memoria. La memoria histórica en España
y Alemania, Éd. Iberoamericana & Vervuert, Madrid
& Frankfurt am Main, 2009.
Juana SALABERT, Hijas de la ira, Éd. Nocturna, Madrid,
2009.
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José SARAMAGO, Caín, Éd. Alfaguara, Grupo Santillana,
Madrid, 2009.
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Alfaguara, Grupo Santillana, Madrid, 2010.
Jorge SEMPRÚN, Une tombe au creux des nuages. Essais
sur l’Europe d’hier et d’aujourd’hui, Climats, Flammarion, Paris, 2010.
Andrés TRAPIELLO, Las armas y las letras. Literatura y
Guerra Civil (1936-1939), Éd. Destino, Barcelona, 2010.
ITALIE
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Anna SONCINI FRATTA
Professeur à l’Alma Mater studiorum —
Università di Bologna
[email protected]
Les liens culturels entre le monde francophone
et l’Italie ne sont certes pas mis aujourd’hui en
doute, mais l’année écoulée paraît avoir mis l’accent sur une affinité de plus en plus nette entre
la France et l’Italie et entraîné un intérêt moins
affiché de l’Italie pour les pays francophones, les
problèmes de ceux-ci étant souvent vus à travers
le regard des Français. Du couple Sarkozy–Berlusconi aux débâcles du football, les deux pays
paraissent rechercher une entente « visible », qui
donne forme à l’entente implicite fondée sur la
culture commune des siècles passés. C’est sans
doute un mécanisme de crise identitaire de deux
pays européens latins qui, par le truchement d’un
resserrement des rangs, cherchent à se consolider
face à l’Autre. Il en résulte une série d’activités
bilatérales, dans tous les secteurs, à travers lesquelles on sollicite le public italien, en confon-
dant souvent le monde francophone et le monde
de l’Hexagone. Et dans ce cadre, c’est l’attention
accordée aux jeunes qui se trouve généralement
mise à l’honneur.
Le question du territoire a absorbé de nombreux efforts. Ainsi, le projet Alcotra (qui couvre
toute la frontière alpine entre les deux pays et
a pour objectif d’améliorer la qualité de la vie
et d’assurer le développement durable des systèmes économiques, culturels et territoriaux
transfrontaliers) s’intensifie et souligne l’idée
de « fare insieme » (faire ensemble). Il concerne
surtout les jeunes pour lesquels on prévoit des
séjours dans les deux pays, pour vivre ensemble
le sport, la montagne et les courses d’orientation.
De même, la France et l’Italie veulent protéger les
« Bocche di Bonifacio » pour créer un parc maritime
international entre la Sardaigne et la Corse et
protéger ainsi des zones magnifiques en les
plaçant sous la protection de l’Unesco. Les deux
pays œuvrent conjointement pour préserver ce
territoire du passage d’embarcations dangereuses,
et demandent à l’Europe de solliciter à travers
l’ONU la modification de la convention de Montego
Bay, accord international sur le commerce. La
question du territoire a retenu aussi grandement
l’attention du fait des catastrophes naturelles,
dans les Abruzzes. La France s’est dévouée à la
reconstruction de l’église de « Santa Maria del
Suffragio », et a suscité l’émotion lors du concert
« Joue du français » à la Basilique de Collemaggio.
De son côté, la ville de L’Aquila, encore traumatisée
par le séisme qu’elle a subi en 2009, veut aider les
habitants de Port-au-Prince, en Haïti.
Toutefois, même si l’attention portée sur le
territoire a rendu manifeste une volonté d’unir
les pays, la culture garde toujours le rôle important que le temps, l’histoire et le voisinage lui ont
conféré. Il n’y a presque plus de distance temporelle de nature à retarder la répercussion des
idées du monde francophone en Italie. Le nouveau
projet Delf Prim trouve très vite son application et
depuis mai 2010, les jeunes italiens de 7 à 11 ans
ont la possibilité d’obtenir une attestation de
connaissance en langue française. Ce faisant, on
souligne l’importance que revêt le fait de cultiver
cette langue depuis le plus bas âge.
C’est le renforcement d’une tradition, car, en
Italie, les jeunes sont très sensibles à l’imaginaire francophone et ont, par exemple, assuré
depuis longtemps le succès d’Anne Laure Bondoux, régulièrement traduite en italien. Capable
d’émouvoir et de faire réfléchir par des problématiques importantes (comme l’immigration),
constamment reliées à l’espoir, elle est venue
cette année présenter la traduction de son dernier volume, Le Temps des miracles (Il figlio della
fortuna), roman qui paraît obtenir, comme les
autres, un grand succès. Aux jeunes sont aussi
destinés, et de plus en plus, des cours bilingues,
qui figurent au programme de nombreux masters dans toutes les disciplines (à Bologne, à
Turin, entre autres) grâce auxquels les étudiants
accèdent à un double diplôme,
italien et français. Cultivé depuis l’enfance, le rapport à la
langue française instille chez
les jeunes l’idée d’un rapport
naturel, élément important
pour une jeunesse européenne
de demain.
Ce phénomène renforce des
efforts faits depuis longtemps
(sinon depuis toujours) et permet
à l’enseignement de la langue
française de garder un charme
culturel important face à l’omniprésence de la langue anglaise.
Peut-être c’est à cela que tient
le succès des activités organisées en Italie et consacrées aux
« Journées de la Francophonie », aux festivals des
films francophones, aux colloques (La francophonie
et l’Europe, Rome, mai 2010), de même qu’aux
événements conviviaux comme les apéritifs à
la française, à Rome. L’art aussi a fonctionné en
tant qu’un instrument-image de l’affinité existante
entre les deux pays, et la passionnante collection
Farnèse offerte au public italien par l’Ambassade
de France à Rome le démontre.
Dans le domaine contemporain, l’«ARTour
Italia-Francia», projet artistique destiné aussi à
souligner l’entente, voit de nombreux artistes français (Michel Hergibo, Véronique Fanti, Isabelle
Faucher) et italiens (Mauro Gliori, CateMaggia,
Giovanni Marinelli ) se côtoyer et offrir une unité
culturelle face à l’art moderne. Dans ce contexte,
le monde francophone hors de l’Hexagone (présenté en tant que tel) ne trouve souvent sa place que
dans le cadre universitaire ou éditorial. La mort,
à 73 ans, de Sotigui Kouyaté, l’extraordinaire
acteur africain, a trouvé, en général, des échos
atténués, bien que sensibles, et cela surtout sur le
net. Il est vrai que son film, « London River », pour
l’interprétation duquel il avait obtenu le prix en
2009 au festival de Berlin, devait encore arriver
en Italie (en août 2010).
Le football en Afrique du Sud aurait-il créé une
toile de fond qui, tel qu’un « papier absorbant », aurait tout essuyé ? Abandonnées les images d’identités spécifiques, aujourd’hui la multiculture affiche
une image positive. Les problématiques paraissent
collectives, mais la généralisation les rend parfois
moins évidentes. Calixthe Beyala–la voix profonde
de l’Afrique noire, selon un article de 2010–attire
encore l’attention avec « Gli alberi ne parlano ancora » (sorti en traduction en 2007), mais seulement
l’attention des critiques. A Palerme, on remet en
scène Hilda de Marie Ndiaye, déjà présenté l’an
passé, et même si la romancière voit, toutefois,
aussi son dernier roman Trois femmes puissantes
traduit par Giunti. J’avance l’hypothèse que ce sont surtout les
problématiques liées à l’immigration, aux souffrances que
l’homme peut infliger à un autre
homme qui suscitent de l’intérêt.
« Castelli in Afrique » (Châteaux en
Afrique ) – un mélange de culture
musicale « all’insegna della contaminazione » (sous le signe de la
contamination) élargit son regard
à toute la zone méditerranéenne.
Le festival du cinéma africain s’est
élargi à la participation de l’Asie,
et de l’Amérique latine. Le regard
lié à une région, à un pays, à une
ethnie semble s’estomper. Quoi
de neuf pour les identités ? 107
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S
108
EUROPE
PAYS-BAS
Dr. Anne Marie GUINOUNE
Dr. Jeanette den TOONDER
Département des Langues
et Cultures romanes,
Université de Groningen
[email protected]
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L’état du français aux Pays-Bas
Parler le français aux Pays-Bas jusque dans les
années 60 était un signe de culture et d’éducation.
Sans vouloir aller jusqu’à évoquer la langue de la
diplomatie, le français avait une certaine cote. Cela
faisait partie d’un capital intellectuel et sans doute
désignait une appartenance à la bonne société. De
nos jours la situation est bien différente. On note
comme partout dans le monde un recul de l’apprentissage et de la maîtrise de cette langue.
Ce petit pays connaît une situation géographique dont l’impact sur l’approche des langues
étrangères est intéressant à relever. En effet il est
sur une grande partie bordé par la mer ce qui signifie une grande ouverture au commerce. L’activité
commerciale, on le sait, est renforcée quand la
communication passe par la langue du client et de
nos jours l’anglais domine les marchés. De l’autre
côté, la frontière néerlandaise longe l’Allemagne,
la Belgique flamande et wallonne, ce qui induit
une proximité avec la langue allemande et l’on
pourrait imaginer le français. Mais ce n’est pas
si simple. On remarque que l’allemand comme le
français est en perte de vitesse. Les Néerlandais,
du fait d’une certaine proximité avec la langue
allemande, auraient tendance à croire qu’ils possèdent cette langue, avis qui n’est pas partagé par
les enseignants1. Quant au français, il ne s’agit
que d’une petite partie des Pays-Bas, le sud du
Limbourg, qui côtoie la Wallonie, et l’influence
de la langue s’y fait effectivement un peu plus
ressentir qu’ailleurs, nous y reviendrons. 2
Le français était enseigné dans certaines écoles
primaires pendant les années 50 et 60, ensuite les
enfants qui poursuivaient au HBS ou lycée classique pouvaient suivre 2 h de langue par semaine.
Signalons d’ores et déjà qu’actuellement on en est
dans le meilleur des cas à 1 h de cours par semaine.
En 1986 l’anglais est devenu obligatoire dans l’ensemble des écoles élémentaires, quelques écoles
ont continué à proposer le français comme première langue moderne, mais essentiellement dans
la région du Limbourg. En 2004 le Ministère de
1. Selon les affirmations des collègues du département
d’allemand.
2. Nous nous appuyons pour beaucoup de données sur
le rapport commandité par l’Ambassade de France aux
Pays-Bas à la Société VELP. MM. John de Jong et Peter
Edelenbos. Mai 2007.
l’Education nationale tente de relancer l’apprentissage du français et de l’allemand en primaire
sous forme d’une approche plus ludique pour
renforcer l’intérêt des enfants. Actuellement on
enseigne le français dans 20 écoles (0,3%), les
chiffres parlent d’eux-mêmes. Quelle est la situation dans l’enseignement secondaire ?
L’introduction de la loi « mammoetwet » en
1968 va changer profondément la structure de
l’enseignement dans les collèges et lycées. Deux
points vont déterminer la position des langues :
la suppression de l’obligation de l’apprentissage
des trois langues scolaires traditionnelles (français, allemand, anglais) et sur le plan pédagogique
le fait de privilégier l’aspect communicatif de la
langue aux dépens des connaissances de la grammaire et de la traduction. Le système scolaire aux
Pays-Bas se décompose en trois niveaux : VMBO :
apprentissage pré professionnel (4 ans après le
primaire). — HAVO : préparation sur 5 ans permettant d’accéder à un enseignement dans les écoles
supérieures, IUT. — VWO : préparation sur 6 ans
pour un parcours universitaire.
On peut bien sûr comprendre que l’intérêt et
la motivation d’apprendre le français ne seront
pas les mêmes selon la filière choisie. Pour ce qui
est du VMBO, seuls les élèves qui ont choisi le
secteur de l’économie doivent obligatoirement
suivre des cours de français ou d’allemand. Dans
la pratique ils choisissent l’allemand3. Néanmoins
on remarque que, jusqu’en 2002, 14 à 15% des
bacheliers de cette filière ont opté pour le français
au baccalauréat.
Le pourcentage de bacheliers avec le français
au baccalauréat dans le groupe des élèves du
HAVO est inférieur à 20% et dans le groupe des
élèves du VWO le pourcentage est un peu plus
élevé, autour des 25%. On peut de manière générale parler d’une diminution du nombre d’élèves
ayant choisi le français pour l’examen de fin de
lycée mais également d’une baisse concernant leur
niveau de maîtrise de la langue (Rapport de la
Commission Néerlandaise Centrale des Examens
2006)4. Ceci est tellement remarquable qu’à partir de 2004 le niveau de l’examen a été réajusté.
Le niveau d’expression orale en français après
6 ans de VWO semble, selon l’estimation faite
par Levende Talen (2006)5, ne pas dépasser le
niveau A1 du Cadre de référence européen. Cette
3. « Nabnieuwsbrief » Edition 8, n. 2. 2005.
4. CEVO (2006) Het niveau van de centrale
examens in vwo en havo http://www.cevo.
nl/9334000/d/2006niveauexamens-havovwo.pdf.
5. Revue professionnelle pour les enseignants de langues étrangères.
chute du niveau s’explique par une approche de
l’apprentissage du français que l’on pourrait qualifier de « saucissonnage ». En effet une répartition
très curieuse est proposée aux élèves, à savoir la
langue ne s’étudie que par la lecture, ou que par
l’écoute. Les quatre compétences linguistiques
classiques d’acquisition d’une langue (l’oral,
l’écrit, la compréhension de l’écrit et l’écoute) ne
sont plus exercées en même temps. L’effet négatif
de cette séparation des compétences a d’ailleurs
été signalé par la plupart des écoles, qui, en règle
générale, ont repris la méthode antérieure.
Une autre réforme qui a modifié la manière
d’enseigner est l’introduction de la « Maison
d’études », les élèves travaillent en petits groupes
et font l’apprentissage de l’autonomie, ceci dans
le but de les préparer à l’enseignement supérieur.
L’enfant ne reçoit plus dans la plupart des cas des
cours classiques avec la passation d’un savoir par
l’enseignant mais il doit partir en recherche de
ce dont il a besoin pour apprendre, comprendre
et trouver la solution à un problème. Les publications concernant cette méthode sont plutôt
sombres et pencheraient vers une évaluation
négative concernant les connaissances acquises.
Le français est considéré souvent par les élèves
comme une langue difficile donc en l’absence de
contrainte et de motivation, ils n’apprennent que
le strict minimum pour réussir leur baccalauréat
et évitent ce choix de langue quand ils le peuvent.
A l’université la situation est également en
train se dégrader. Jusque dans les années 60,
peu de filles accédaient à l’enseignement supérieur et quand c’était le cas, elles allaient étudier une langue étrangère. Actuellement les filles
se dirigent plutôt vers les facultés d’économie,
de médecine, de droit. Devenir professeur de
langue a perdu de son auréole. Aux Pays-Bas
cinq universités forment des futurs enseignants
du français (deux à Amsterdam, Groningen, Leiden
et Nijmegen). Au milieu des années 90 plus de
1000 étudiants étaient inscrits, 10 ans plus tard
le chiffre est tombé à 400. Dans les formations
de type HBO6 préparant à l’enseignement pour
les élèves ayant un diplôme de Havo, 7 instituts
proposent le français. Le niveau des inscriptions
semble demeuré stable. Les étudiants peuvent
ensuite enseigner dans les collèges. Cette stabilité peut s’expliquer par les débouchés professionnels, on manque bientôt de professeurs de
français dans les collèges. Dans les universités la
situation est différente car si le parcours proposé
aux étudiants ouvre un éventail de possibilités
plus large (enseignants à tous les niveaux mais
aussi autres secteurs professionnels comme par
exemple l’édition), il est cependant plus contraignant dans le sens que les études ne débouchent
pas directement sur un métier, l’étudiant devra
lui-même créer son chemin.
La question que l’on peut se poser est de savoir
6. Ecole supérieure/IUT.
à quoi sert le français dans une perspective professionnelle, au 21ième siècle, dans un monde globalisé.
L’anglais a pris les devants dans tous les domaines.
Actuellement aux Pays-Bas l’enseignement dans
beaucoup d’universités se fait en anglais, et cette
tendance tend à devenir majoritaire. Le Néerlandais n’a-t-il pas d’amour pour sa propre langue ?
En fait il est pragmatique avant tout, attaché à sa
langue oui, mais que faire d’une langue parlée par
si peu de monde ? Avec l’anglais l’ouverture devient
mondiale et les chances de se profiler sur la scène
internationale beaucoup plus importantes que ce
soit dans l’accès à la littérature scientifique ou dans
les contacts commerciaux ou diplomatiques.
Cependant certains Néerlandais voudront un
jour pénétrer le marché français et ils vont rencontrer une difficulté majeure à savoir que les
Français ne parlent aucune langue étrangère, en
tout cas c’est ce qu’ils croient ou prétendent. La
solution à ce problème sera apportée dans les
instituts privés. Le français est proposé parmi
d’autres langues dans 86 des 111 Universités
populaires, dans des instituts semi gouvernementaux telle que l’Alliance française qui compte
34 annexes, à la Maison Descartes et son annexe
de Groningue, le Centre Culturel français, à quoi
s’ajoute un nombre important d’instituts privés
dispensant les langues étrangères et les cours
particuliers. Dans ces centres se retrouve aussi
un public francophile car la fascination des Néerlandais pour la France est réelle. Le Ministère du
Tourisme annonce une diminution du nombre de
touristes néerlandais depuis 2008, mais il n’en
demeure pas que la France est la seconde destination de vacances après les Pays-Bas7. Le rêve
pour certains de vivre comme « un dieu en France »
explique la migration de 3 à 3500 Néerlandais
tous les ans vers la douce France (CBS statistique).
Douce France ? Il faut quand même remarquer que
deux ans après l’immigration, 50% des Néerlandais sont retournés aux Pays-Bas et sept ans plus
tard encore la moitié. Quant au nombre de résidences secondaires, les chiffres sont difficiles à
obtenir. L’Institut d’Economie Agricole (Het Landbouw Economisch Instituut) après avoir recoupé
des sources néerlandaises et françaises avance
prudemment le chiffre de 20.000 Néerlandais qui,
en 2005, possèdent une résidence secondaire.
En conclusion, on doit reconnaître que le
tableau est plutôt sombre en ce qui concerne le
maintien du français à l’avenir. Que proposer ?
Nous n’avons pas de solution, mais peut-être
faudra-t-il accepter que les Néerlandais, eux qui
lisaient toujours la littérature « dans le texte »,
l’abordent/l’aborderont à travers la traduction.
Piètre consolation sans doute mais le plus important n’est-il pas de conserver coûte que coûte le
contact entre les cultures? 7. Journal de Maison de France (Amsterdam) : Destinations des principales vacances, motivations et attentes
des Néerlandais interrogés en février 2009.
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EUROPE
TURQUIE
Halil AYTEKIN
Université Ondokuz Mayis de Samsun
[email protected]
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Une Turquie mosaïque
L’année 2010 continue à marquer des évolutions
importantes pour la Turquie. Du 1er juillet 2009
au 31 mars 2010, la Turquie a été l’invitée de la
France avec la Saison de la Turquie en France.
Dans le cadre de cette activité, Plus de 400 événements culturels, économiques et intellectuels
ont donné l’occasion de découvrir l’effervescence,
la jeunesse et la modernité de ce pays, trop
méconnu en France et souvent réduit à de faux
clichés. Préparée en étroite collaboration par la
Fondation pour la Culture et les Arts d’Istanbul
et Culturesfrance, sous l’égide des Ministères
des Affaires Etrangères et des Ministères de la
Culture des deux pays, la Saison de la Turquie en
France a également révélé auprès du public, des
liens historiques et vivants unissant la France et
la Turquie, marqués par une amitié renouvelée
remontant au XVIème siècle.
Avec sa population très jeune et dynamique, la
Turquie se définit non seulement par sa richesse
patrimoniale et historique mais aussi par son
dynamisme créatif, son évolution sociale et sa
structure à multiples facettes. L’objectif de la programmation de la Saison de la Turquie en France
était de manifester toute la diversité de sa culture
en soulignant la volonté de changement et d’ouverture d’une Turquie mosaïque et mettre en exergue
l’apport de la Turquie à la culture européenne.
La Saison de la Turquie en France s’est maintenue bien au- delà de mars 2010 grâce aux nombreuses collaborations artistiques franco-turques
programmées à Istanbul, capitale européenne de
la culture en 2010 et à Marseille, capitale européenne de la culture en 2013.
Istanbul, seule ville au monde à la rencontre de
deux continents, l’Europe et l’Asie, est devenue
Capitale Européenne de la Culture 2010. Ce statut
est très intéressant pour les villes retenues, car il
attire les touristes et s’accompagne d’un soutien
financier de l’Union européenne aux projets culturels des municipalités.
Le 16 janvier, la Turquie a fait la fête sur les
bords du Bosphore. Istanbul a donné le coup
d’envoi à une année de manifestations artistiques
organisées dans le cadre de ce statut de capitale
européenne de la culture 2010 (avec Essen en Allemagne et Pécs en Hongrie). Les stambouliotes ont
célébré leur nouveau titre sous les embrasements
pyrotechniques, organisés notamment par une société française qui a signé partout plusieurs inaugurations d’événements sportifs (Jeux olympiques,
Mondial). Les rives du Bosphore se sont éclairées
d’un événement grandiose aux significations profondes. Feux d’artifice, spectacle sons et lumières
et, partout dans la ville, des manifestations : défilé
de musique militaire ottomane, spectacle de montgolfière, toutes sortes de musiques. Les musées
sont restés ouverts jusqu’à minuit. Dans cette
ouverture grandiose, populaire et multiforme, la
réception de 5.000 invités en présence du président Abdullah Gül et du Premier ministre Erdoğan,
apparaît comme un simple marqueur protocolaire.
La métropole turque, qui espère accueillir avec
170 événements culturels dix millions de touristes
étrangers en 2010, travaille sur divers chantiers
de mise en valeur de son patrimoine historique.
A titre de comparaison, l’ancienne capitale des
empires romain, byzantin et ottoman a accueilli
7,5 millions de touristes en 2009.
2010 était pour Istanbul la dernière chance
d’être désignée comme capitale européenne de la
culture. En effet, à partir de 2011, seules des villes
situées dans l’Union européenne seront éligibles.
Avec ses 14 millions d’habitants, Istanbul est
la plus grande ville de Turquie, mais n’en est
cependant pas la capitale, laissant ce privilège à
Ankara. Elle est l’une des plus grandes agglomérations d’Europe, et constitue le principal pôle
économique du pays. En plus, il existe dans la ville
une centaine de galeries d’arts, dont certaines
immenses, et plusieurs centres d’arts. Souvent,
les galeries disposent de cafés qui sont des
lieux vivants de rencontre, d’échange entre les
artistes et amateurs d’art. La plupart des banques
turques disposent de leurs propres galeries et de
collections d’œuvres d’art et il existe même entre
elles, au delà de leur concurrence financière, une
compétition artistique, devenue de plus en plus
importante pour leur image de marque et leurs
actions de relations publiques.
Cette richesse vient confirmer une dynamique
culturelle unique dans le monde musulman et
plus qu’appréciable à l’échelle européenne et
méditerranéenne.
Activités francophones en 2010
L’institut français entretient toujours des relations
de partenariat avec les universités publiques et
privées d’Istanbul et de sa région. Il est prêt à
donner sa contribution pour les activités organisées par les départements de français et de
pédagogie et même dans certaines villes où ces
départements n’existent pas. Il fait tout son possible pour créer des espaces francophones, non
seulement avec les universités mais aussi avec
les lycées et écoles bilingues. En avril 2010, une
conférence organisée par l’Université Hacettepe
à Ankara a permis à Henriette Walter de traiter le
thème le français dans tous les sens.
Le concours de photographie de l’université
A U - D E L A D E S P AY S F R A N C O P H O N E S
Galatasaray, «la France et la Francophonie en Turquie» s’adressait à l’ensemble des apprenants
de français, qu’ils soient dans les lycées
francophones ou dans les départements de
français des universités de Turquie. Une conférence s’est déroulée en mai à Istanbul sur Hippolyte D. Berteaux, Peintre De Cour et Le Passage
D’Atlas. Le peintre français Hippolyte D. Berteaux
(1843-1928) figure parmi les plus importants artistes de son époque. Nombre de musées, en France,
témoignent de son talent et l’Hôtel de ville de Paris possède de lui un superbe panneau décoratif,
Paris en fête. Il a également séjourné à Istanbul
dans les années 1870 et a décoré, entre autres,
les murs de la maison d’hiver d’Agop Köçe(k)oğlu
sur la rue Pera.
On n’a pas oublié le nom de Pierre Loti. Un colloque sur Pierre Loti et les orientalistes et la fin du
néo-romantisme a eu lieu en mai, en même temps
que la troisième édition du Festival international
de poésie d’Istanbul. Plus de quarante poètes sont
venus du monde entier, dont Marc Delouze. Ces
maîtres de poésie ont rencontré les amateurs dans
divers lieux historiques et culturels d’Istanbul.
Toujours en mai, rencontre avec Sylvie Germain à
l’occasion de la sortie en turc de son livre Magnus,
paru aux éditions Can.
111
Le 10 mai a été le témoin d’une belle soirée avec
des chansons françaises: Danny Brillant, figure
de la scène française très appréciée en Turquie,
a rencontré ses fans à Istanbul. Les Journées Documentaires d’Istanbul ont proposé en juin aux
cinéphiles les œuvres cinématographiques les
plus récentes. Parmi les expositions, dont celle
du photographe français Bruno Barbey, celle des
travaux de l’architecte urbaniste français Henri
Prost sur les plans d’aménagement d’Istanbul en
1936 a tout particulièrement retenu l’attention.
POLITIQUE
La Turquie passe une période importante sur le
plan politique. Les cérémonies de commémoration
du 95ème anniversaire de la bataille des Dardanelles, ont été marquées cette année par une importante participation française avec la présence
de l’aviso “Commandant Ducuing», commandé par
le capitaine de corvette Jean-Olivier Grall, et celle
de la musique militaire de la Région Terre. Outre
Valérie Pécresse, Rachida Dati, Bernard Kouchner, visiteurs français en mission, Jacques CHIRAC,
ancien Président de la République Française, a
effectué une visite en Turquie au mois de mai, à
l’occasion de la remise du titre de docteur honoris
causa par l’Université Galatasaray. L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 0 -2 0 1 1
Avenue Istiklal, Istanbul.