Interview Gestion dans le privé, l`exemple de l`hôpital d`Antony

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Interview Gestion dans le privé, l`exemple de l`hôpital d`Antony
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INTERVIEW
Gestion dans le privé,
l’exemple de l’hôpital d’Antony
rogresser dans l’échange de nos expériences pour nous adapter à une vie médicale qui
bouge toujours plus vite, tel est l’un des souhaits du Dr Denis HOVASSE, président de
l’hôpital privé d’Antony, qui a répondu à nos questions sur la gestion au quotidien d’un
grand établissement privé.
P
PHAR : Votre établissement tient une part importante dans le paysage sanitaire du sud-ouest francilien ; pouvez-vous nous le décrire brièvement ?
D. Hovasse : La localisation de l’hôpital privé d’Antony
(HPA) lui confère en effet une excellente accessibilité
pour les résidents des communes avoisinantes, mais
aussi de l’ensemble de la région. Il s’agit d’un établissement généraliste médicochirugical qui comporte
388 lits, dont 179 de chirurgie classique et 54 de
chirurgie ambulatoire.
En 2005, 17 200 interventions chirurgicales y ont été
réalisées (en comparaison, 17 700 interventions ont
été réalisées à la Pitié-Salpêtrière, avec un case-mix
sensiblement équivalent). Environ 3 000 accouchements par an y sont réalisés.
Notre plateau technique dispose de deux scanners,
une IRM, un Pet-scan, deux scintigraphies ; la circulation de l’imagerie est informatisée dans tout
l’établissement, représentant un gain de temps considérable (plus de « pochettes de radio »…).
PHAR : Quel est le poids du personnel administratif par rapport à celui du personnel médical
et paramédical ?
D. Hovasse : Toutes spécialités confondues, 230 praticiens libéraux exercent à l’HPA, dont une soixantaine
sont à temps plein. Sur l’ensemble des salariés, soit
750 équivalents temps plein, nous comptons moins
de 80 personnels administratifs (20 pour 100 lits).
PHAR : Comment les flux sont-ils gérés au sein
des blocs opératoires ?
D. Hovasse : Les règles de programmation sont mises
en place par un conseil de bloc formé d’une dizaine
de représentants des panseuses, des surveillantes, des
anesthésistes et des chirurgiens. Ce conseil se réunit
une fois par mois.
Au quotidien, les plannings sont faits la veille par la
surveillante et les anesthésistes, qui établissent la
file opératoire et le placement des salles. Les anesthésistes assurent la transversalité et répartissent
leurs équipes dans les différentes salles.
PHAR : Comment réglez-vous, en tant que directeur,
un éventuel dysfonctionnement : retard de praticien, programmation désordonnée, dépassement
des heures d’ouverture du bloc, etc. ?
D. Hovasse : Cette organisation humaine a évidemment des aléas, sources de retard, et de tensions, dans
les équipes de médecins et des personnels qui les
accompagnent. Les conseils de bloc essaient d’améliorer chaque année l’organisation pour que, notamment, les patients ne soient pas opérés à des heures
trop tardives. Nous intervenons à chaque fois qu’il y
a blocage, pour faciliter le dialogue.
PHAR : Certains reprochent à l’hospitalisation du
secteur libéral de ne pas, ou pas suffisamment,
s’impliquer dans l’accueil de l’urgence. Quelle est
votre réponse ?
D. Hovasse : C’est un reproche qui n’a pas lieu d’être
puisqu’il existe encore de très nombreux établissements
privés dont la demande à être centre d’accueil des
urgences a été refusée. Plus encore, partout où le
privé a installé des urgences, on peut constater une
forte attractivité et une très bonne efficacité. Par
exemple, nous accueillons à l’HPA environ 35 000
urgences par an, avec une durée moyenne de prise en
charge passée de 14 à 9 minutes, grâce aux efforts
d’organisation de nos équipes. Autre exemple, la durée
de séjour évaluée aux urgences de la clinique de
Trappes pour l’accueil des personnes âgées de plus de
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70 ans est de 2 heures, versus plus de 11 heures
ailleurs. Une des forces de notre organisation est l’existence de lits strictement réservés aux urgences (11 %
du total des lits) ; ainsi, 14 lits par jours restent libres
et strictement réservés à l’accueil des urgences. Ceci
représente un moyen relativement simple de fluidifier
les urgences.
PHAR : Avez-vous des tableaux de bord d’activité
pour chaque segment d’activité et par praticiens ?
Vous sont-ils utiles à la gestion quotidienne de
votre établissement ?
D. Hovasse : Oui, ces tableaux de bord nous aident
pour que chaque praticien puisse évaluer ses pratiques
et les comparer à celles de ses collègues de même
spécialité, à la fois dans l’établissement, mais aussi par
rapport aux repères nationaux. Ces tableaux de bord
sont intégrés au projet médical et nous pouvons
donner un retour à la fois global et segmentaire. Ils
servent de base de réflexion au projet médical,
notamment en ce qui concerne les durées de séjour,
pour lesquelles les praticiens doivent se référer à ce
qui se fait au niveau national.
PHAR : L’avènement de la tarification à l’activité
(T2A) a-t-il bouleversé votre organisation ?
D. Hovasse : La mise en place de la T2A à l’HPA
date de mars 2005. L’établissement est donc financé
par rapport à son activité. Je considère positivement
cette connaissance plus « intime » des pathologies que
nous traitons, qui nous permet de mieux connaître et
de mieux réfléchir à notre activité.
PHAR : Comment avez-vous organisé la gestion
polaire de l’établissement ? A-t-elle fait l’objet de
grande manœuvres en vue d’affirmer un éventuel
pouvoir ?
D. Hovasse : Il n’y a pas de chefs de service, mais des
collèges de spécialités, avec des représentants. Ces
derniers sont des médecins qui, souhaitant participer
à l’organisation de leur environnement professionnel,
se dessinent assez naturellement comme leaders.
Les réunions mensuelles avec la direction permettent
aux représentants de collèges de s’exprimer sur les
problèmes rencontrés et les pistes d’amélioration
possibles. Ces réunions, qui existent depuis 2 ans, ont
considérablement amélioré les relations des praticiens entre eux et le dialogue entre les praticiens et
l’administration.
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PHAR : Les rapport avec la Cnam sont-ils toujours
sereins ? Avez-vous déjà subi une décote tarifaire ?
D. Hovasse : Nous avons de très bonnes relations
avec la Cnam, le but commun étant de soigner avec
une enveloppe budgétaire qui est fatalement finie et
non extensible. En revanche, la décote tarifaire de 3 %
que nous avons subie en 2006 était une décision ministérielle et elle a été la principale motivation de la journée
de grève du 19 octobre 2006. Cette grève a été totalement suivie par nos praticiens, mais aussi par nos
salariés. Tous avaient vécu de façon très injuste, et dans
un sentiment de fierté bafouée, cette baisse des tarifs des
établissements privés, et du nôtre en particulier, dont ils
connaissent l’efficience. Il y a eu une réelle cohésion
entre salariés et médecins pour la défense de l’outil de
travail qu’est l’établissement qui les emploie.
PHAR : Comment voyez-vous vos rapports avec
l’hospitalisation publique : concurrence sauvage,
recherche de synergies dans certains domaines,
partenariat ?
D. Hovasse : Les deux secteurs sont indispensables et
complémentaires. Nous avons la chance, en France, de
ne pas avoir un modèle unique, même si tous les
médecins formés dans notre pays viennent des hôpitaux. Le monde médical actuel fonctionne grâce à des
relations étroites entre praticiens. Les avis et les expériences circulent et s’échangent, ce qui a été formalisé
il y a quelques années à travers les réseaux de soin et
de compétences, dont les plus emblématiques sont les
réseaux cancer et périnatalité. Les écarts de pratiques
se réduisent grâce aux chartes de qualité et aux méthodologies communes mises en place. Les synergies
entre public et privé sont ainsi beaucoup plus importantes que ce que l’on peut penser.
PHAR : Quels sont, à votre avis, les atouts de l’hospitalisation en secteur libéral par rapport au secteur
public ?
D. Hovasse : Il est difficile de parler de supériorité de
l’hospitalisation dans l’un ou l’autre secteur. Les
organisations sont différentes avec, en privé, une
médecine à l’acte où le budget est strictement proportionnel à l’activité. Avec la T2A, l’hôpital public va
vraisemblablement rentrer dans ce même système de
financement.
PHAR : Avec les différentes mesures statutaires
permettant la reprise de l’ancienneté de l’activité
exercée dans le secteur libéral, ne risquez-vous
pas une fuite de vos praticiens vers le secteur de
l’hospitalisation publique ?
D. Hovasse : Comme la plupart des gros établissements privés, nous ne connaissons pas de réel
problème de recrutement. Peut-être allons-nous assister à des allers et retours de praticiens entre public
et privé pour avoir plusieurs « vies » professionnelles.
Ces échanges potentiels d’expériences me paraissent, ici encore, à encourager et je les vois comme
source d’enrichissement pour chacun des secteurs.

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