Antoine d e Saint-Exupéry, Terre d e s h o m m e s ,
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Antoine d e Saint-Exupéry, Terre d e s h o m m e s ,
A n t o i n e d e Saint-Exupé ry, Te rr e d e s h o m m e s , ⁄·‹· Intérêt du texte Dans ce texte, Saint-Exupéry propose un récit symbolique dans lequel les ouvriers polonais représentent une humanité incertaine, passée dans un « moule terrible ». Le témoignage ne correspond nullement à un discours de vérité, mais plutôt à une interrogation sur la dualité humaine : le génie dont chaque individu est porteur est-il condamné à pourrir dans ce convoi vers l’Est ? R e t r o u v e r « l’esprit » d e l ’ H o m m e LECTURE 1. Saint-Exupéry donne à voir la misère de la population en insistant sur le matériel emporté par ces familles : « Ils n’avaient rassemblé que les ustensiles de cuisine, les couvertures et les rideaux, dans des paquets mal ficelés et crevés de hernies. » La négation restrictive traduit le manque de ressources de cette population. L’auteur met en valeur le contraste entre la vie de ces Polonais en France et leur condition misérable dans ce voyage de retour. 2. Dans cet extrait, Saint-Exupéry suscite la pitié du lecteur (registre pathétique) en offrant une image pure et lumineuse des ouvriers démunis. Il représente un père, une mère et son enfant dans des attitudes symboliques, propres à atten- drir le lecteur : « Un enfant tétait une mère si lasse qu’elle paraissait endormie » (l. 10). La figure de l’hyperbole est un procédé récurrent dans le texte pour montrer, d’un côté, l’extrême pauvreté de cette population ; de l’autre, sa grandeur. En construisant un récit pathétique, l’auteur cherche sans doute à alerter le lecteur sur la situation de ces ouvriers polonais. 3. L’auteur adopte un style sobre et dépouillé, étant donné qu’il refuse de montrer les aspects répugnants de la misère. La pudeur de la descrip- tion est sensible dans les images utilisées à de nombreuses reprises : « le tas de glaise », « les épaves », représentent ainsi l’homme misérable. Ce choix descriptif permet d’essentialiser les êtres démunis, et donc d’en faire des symboles éternels de la pauvreté. 4. Les individus sont identifiés à deux types de comparants : l’un étant laudatif, l’autre dépré- ciatif. D’un côté, l’ouvrier polonais est assimilé à un « tas de glaise » (comparaison : l. 14) et, plus loin, à un « paquet de glaise » (métaphore : l. 22), à une « machine à piocher » (métaphore : l. 21) ou encore à un « animal vieilli » (méta- phore in absentia : l. 24). De l’autre, l’ouvrier pos- sède une nature gracieuse : « cette belle argile » (l. 24) et « la rose » (l. 35) sont les images valorisantes associées à l’enfant misérable. 5. La figure de Mozart symbolise le génie humain, plus précisément un germe de perfec- tion présent dans la nature de tout homme. Dans l’extrait, l’enfant polonais est assimilé à Mozart aux lignes 31 à 38. SaintExupéry expose le contraste entre ce modèle de génie et l’environ- nement abrutissant (au sens propre du terme) dans lequel l’enfant se trouve : « Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. » (l. 37-38). 6. Saint-Exupéry opère une distinction entre « l’individu » et « l’espèce humaine », autre- ment dit entre une partie d’un tout et l’ensemble lui-même. Cette nuance permet d’élargir la réflexion à l’échelle de la condition humaine (l’Homme). 7. Dans cette phrase, Saint-Exupéry s’inspire du passage de la Genèse retraçant la création de l’être humain : « Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant. » (Genèse, 2, 7.) Plus largement, l’auteur transpose le dualisme philosophique entre la matière et l’esprit (« glaise »/« esprit »). Cette méditation sur la condition du vivant est énoncée au présent de vérité générale. Vers le commentaire 1. La description d’un peuple misérable. 1.1. Un peuple démuni. 1.2. L’insistance sur des détails concrets symbo- liques (« le géranium », les « batteries de cui- sine », les « paquets [...] crevés de hernies »...). 1.3. La création de types : analyse du procédé d’essentialisation propre à l’écriture de Saint- Exupéry (métaphore du matériau : argile, glaise). 2. Un discours d’indignation. 2.1. L’apostrophe au lecteur : analyse des dif- férents procédés visant à interpeller le lecteur (questions rhétoriques notamment). 2.2. L’implication personnelle de l’auteur : ana- lyse des modalisateurs (« ce qui me tourmente », « Je me disais », etc.). 2.3. La pesanteur et la grâce : étude du contraste entre la misère des ouvriers polonais et le génie humain (Mozart). Dans une troisième partie, il apparaît judicieux de dépasser la stricte dimension pathétique. L’élève peut s’appuyer, pour ce faire, sur la phrase « Je ne crois guère à la pitié » (l. 43). 3. Une interrogation sur l’Homme. 3.1. La portée universelle du discours de Saint- Exupéry : du récit d’un convoi à la réflexion sur la condition humaine. L’élève pourra notamment s’appuyer sur la distinction « indi- vidu »/« espèce humaine ». 3.2. La matière et l’esprit : mise en valeur de la fragilité de la condition humaine. 3.3. Une vision sombre de la nature humaine ? VERS LE BAC In v e n t i o n Ce sujet invite l’élève à réfléchir sur la notion de point de vue. La scène de voyage ne doit plus être perçue par une personne extérieure – ayant du recul – mais par un des Polonais. Le mono- logue pourra faire entendre plusieurs sentiments de ce voyageur polonais : la méfiance, puis la curiosité, par exemple.