Les quatre formes de discrétion - René Raguénès, formateur en

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Les quatre formes de discrétion - René Raguénès, formateur en
Les fiches pratiques
La
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JDD
fiche management
Les quatre formes de discrétion
Les actions des aides à domicile se déroulent en huis-clos. Malgré les procédures censées
donner des bases de bonnes pratiques professionnelles, des dérives sont possibles. Parmi
elles, les indiscrétions commises par les intervenants sont particulièrement délétères pour
la qualité des interventions.
Les encadrants ont véritablement un rôle à jouer pour expliquer aux
intervenants l’importance de la discrétion et la nécessité de centrer,
toujours, leur intervention sur la personne aidée. Ce sujet doit faire
l’objet d’échanges entre cadres et aides à domicile, et doit être inclus
dans les documentations internes, par exemple le livret d’accueil des
nouveaux salariés.
Le Journal du Domicile & des services à la personne
No 35 - Décembre 2011
La discrétion vis-à-vis des personnes aidées
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La forme de discrétion la plus repérée et celle qui est systématiquement répertoriée dans les documents internes des services, comme le
règlement intérieur, c’est la discrétion vis-à-vis des personnes aidées.
Elle touche à la non divulgation des informations à « caractère secret »
(article 226-13 du code pénal), comme une maladie, des informations
personnelles sur la situation des bénéficiaires (informations financières, familiales, etc.). Ne jamais trop s’intéresser à la personne aidée
doit être une règle permanente, même si l’équilibre est parfois difficile
à trouver entre empathie et indiscrétion.
La discrétion sur soi
Il est fondamental, pour un aide à domicile, de savoir rester discret
sur soi. Or, cette forme de discrétion semble être la moins respectée – même si elle est très complexe à quantifier – alors que les manquements à cette règle sont souvent la source directe de difficultés
dans le service ou entre le bénéficiaire et le service. C’est normal et
c’est humain, beaucoup de personnes aidées veulent connaître leur
aide à domicile ; et les échanges font évidemment partie du travail
de l’intervenant. Mais il doit veiller à ne pas désorganiser le travail par
manque de discrétion sur soi ! Ne pas raconter sa vie, ne pas exposer
sa situation personnelle et ses soucis est essentiel pour ne pas inverser
les rôles. Simpliste et évident ? Pas toujours. Certains salariés, (trop) en
confiance chez la personne aidée, ne parle que d’eux. Le bénéficiaire
prend alors l’aide à domicile en amitié, en pitié, en affection... et c’est
l’inversion des rôles : l’aidant devient aidée et le travail de soutien à
domicile n’est pas réalisé correctement.
Très concrètement, il y a une différence entre l’identité et l’intimité.
Prenons un exemple : une aide à domicile qui, à la question « Etesvous mariée ? », répond « Je vis en couple », dit son identité. (Elle peut
aussi répondre : « Je n’ai pas envie de parler de moi. ») En revanche, si
elle répond : « J’ai été mariée trois fois », elle dit son intimité.
Il est important de faire prendre conscience de ce phénomène aux
intervenants. Beaucoup d’aides à domicile sont, à leur insu, incapables
d’un lien professionnel de neutralité, parce qu’elles se sont ellesmêmes piégées à trop se raconter.
La discrétion vis-à-vis des autres intervenants
Ne pas parler des collègues chez les personnes aidées est très important. D’autant que certains bénéficiaires n’hésitent pas à comparer : «
Votre collègue a fait ceci... n’a pas fait cela... Votre collègue, elle est
comme ci... ». Le fonctionnement du service peut être perturbé par des
aides à domicile qui se laissent prendre au jeu malsain des règlements
de compte indirects. Les intervenants doivent savoir affirmer : « Je ne
parle pas de mes collègues au domicile des personnes aidées. Si
vous avez des choses à dire, dites-les aux responsables du service.
» Evidemment, cette attitude de neutralité n’est pas évidente, et les
encadrants doivent la travailler avec les aides à domicile.
La discrétion vis-à-vis du service employeur
L’indiscrétion de l’intervenant vis-à-vis de son employeur peut amener
à décrédibiliser le service, ce qui est évidemment totalement contreproductif. Quand une aide à domicile évoque son planning, par exemple, en soupirant qu’« ils me font faire des déplacements trop longs »,
elle manque de discrétion vis-à-vis de son employeur.
En résumé
Si la divulgation d’informations à caractère secret peut être rapidement
sanctionnée comme faute professionnelle quand elle est connue, les
trois autres formes de manque de discrétion doivent faire l’objet d’un
long travail de fond. Des aides à domicile vont jusqu’à argumenter le
caractère inéluctable du fait de parler de soi chez les personnes aidées
(« Elles veulent nous connaître parce qu’on les connaît »). L’encadrant
doit alors rester ferme : « Vous devez décider une fois pour toutes de
ne pas répondre à certaines questions et ne vous intéresserez qu’aux
capacités restantes des personnes aidées et à leurs habitudes de vie
au quotidien. Vous mettrez ainsi en place les bases d’une relation
dans le cadre de bonnes pratiques professionnelles. »
Agir sur les règles de discrétion, c’est agir sur l’éthique et la déontologie. En travaillant sur ce sujet, les services œuvrent de manière directe
sur les comportements professionnels, et de manière indirecte sur la
qualité de vie apportée à des personnes fragilisées, ainsi que sur les
limites aux actions professionnelles. Le lien aide à domicile/personne
aidée sera efficace si les intervenants placent d’abord la relation professionnelle dans le champ de l’accompagnement des diverses activités
de la vie quotidienne.
René Raguénès
formateur
Son dernier ouvrage « Guide pratique pour les
encadrants en aide à domicile » chez Doc’éditions
propose des outils qui peuvent s’intégrer dans
les différentes procédures pour la qualité des
services rendus aux personnes aidées. Pour plus
d’informations : http://doc-editions.fr
Contact :mail : [email protected]
site internet :
http://rene.raguenes-1.pagesperso-orange.fr
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L
a discrétion est un gage de professionnalisme et d’éthique. Or,
les aides à domicile n’ont pas toujours conscience d’être indiscrets. Exemple avec cet encadrant, en visite chez une personne
aidée – laquelle se déclare par ailleurs très satisfaite du service ! – et
qui apprend par exemple que l’intervenante a des « problèmes personnels d’argent », qu’une collègue souvent décriée « travaille très bien »
et que son « planning est mal fait » !...