Les conditions que doit remplir celui qui rend la Fatwâ, qui fait l

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Les conditions que doit remplir celui qui rend la Fatwâ, qui fait l
Les conditions que doit remplir celui qui rend la Fatwâ, qui fait l’Ijtihâd
et qui a le droit de donner son avis en Islam
Force est de constater que de nos jours tout le monde prend la parole publiquement afin de
parler de l’Islam, en son nom et au nom des musulmans. Or, une chose est claire, c’est que de
tout temps, seuls les savants de l’Islam et les Mujtahidûn furent légitimes pour faire cela. En
effet, bien que la réflexion ne soit pas l’apanage d’un groupe d’individus en particulier, bien
réfléchir en utilisant les outils adéquats est en revanche l’apanage de ceux qui possèdent et
maîtrisent les outils en questions pour ensuite produire un Ijtihâd et débattre
scientifiquement avec une argumentation solide et une bonne connaissance de la
terminologie arabe.
Maintenant que le cadre est posé, interrogeons-nous sur le fait de savoir ce que sont ces
outils permettant de donner un avis fondé et argumenté en Islam, de donner une Fatwâ, de
faire un Ijtihâd et également de débattre, car le débat en Islam nécessite d'avoir la capacité
de développer avec maîtrise un sujet de théologie.
La réponse est simple et limpide. Tout comme celui qui a le droit légitimement de soigner est
celui qui maîtrise le maximum de sciences médicales en théorie comme en pratique
(anatomie, morphogenèse, sémiologie, biochimie, immunologie microbiologie,
pharmacologie, endocrinologie, naturopathie, etc.), celui qui a le droit de donner
légitimement son avis en théologie musulmane, soit par l’Ijtihâd soit par la Fatwâ soit par le
débat, est celui qui maîtrise les sciences nécessaires à cela. Les outils sont donc les différentes
sciences islamiques...
Mais quelles sont donc ces sciences ? Les savants de l’Islam nous expliquent que ces sciences
sont nombreuses et l’une des clés de ces dernières est évidemment la maîtrise de la langue
arabe. En effet, comment peut-on avoir l’arrogance et l’outrecuidance de se prononcer
publiquement en théologie au nom de l’Islam et des musulmans quand on ne maîtrise même
pas la base des bases : la langue arabe, celle du Coran, des Hadiths et des érudits de notre
Ummah ?! Cette langue par laquelle on accède à notre héritage scientifique serait-elle inutile
pour comprendre l’Islam ? Se contenter de traductions serait-il suffisant quant on sait que
« traduire c’est trahir » ? Peut-on accéder à la richesse et à la nuance des textes rédigés en
langue arabe à travers leur traduction par un ou quelques individus ?
Malheureusement, beaucoup trop de personnes se permettent aujourd’hui de parler au nom
de l’Islam en se basant sur des traductions forcément partiales et partielles de par leur nature
même. De plus, se contenter des traductions en matière de théologie c’est se refuser l’accès à
95% de la bibliothèque islamique, à 95% des recherches actuelles et à 95% de la richesse
épistémologique, sémantique et grammaticale de la langue arabe qui regorge de trésors et de
profondeurs. Comment donc est-il possible de maîtriser les sciences islamiques sans
connaître la langue dans lesquelles elles furent retranscrites et développées ? La profusion
des sciences islamiques serait-elle contenue dans quelques ouvrages traduits en français ou
en anglais ? Les milliers d'ouvrages jamais traduits ou même jamais édités et disponibles
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uniquement sous forme de manuscrit seraient-ils stériles, superflus et vides ? Suffit-il de lire
le Ṣaḥîḥ de l'Imâm Al Bukhârî ou de l'Imâm Muslim en arabe ou en français quand on sait,
d'une part, que d'autres recueils de Ḥadîths sont des références chez les Sunnites (à
commencer par le Muwaṭṭa` de l'Imâm Mâlik) et que, d'autre part, les grands savants de
l'Islam ont voué leur vie à leurs explications ? Celui qui ne maîtrise pas la base des bases est-il
en mesure de se contenter d'une lecture partielle des Ḥadîths tout en se privant de l'apport
scientifique de milliers de savants ? Une personne qui ne maîtrise pas l'arabe peut-elle
prétendre maîtriser les autres sciences islamiques qui ne sont accessibles qu'en arabe si on
veut les étudier en profondeur ?
De même, la lecture de quelques Tafsîr en français suffit-elle pour comprendre l'Islam dans
son entièreté ? Les deux ou trois Tafsîr traduits (de manière incomplète) autorisent-ils ses
lecteurs à faire des Fatwâ en faisant d'eux des Mujtahidûn et des savants de l'Islam ?
Et même en arabe, la lecture de quelques Tafsîr suffit-elle à comprendre tout ce qu'il y a
comprendre des paroles d'Allah ? Les dizaines de sciences islamiques complémentaires
seraient-elles complètement inutiles dans ce cas ? Le travail des Fuqahâ (juristes) et des
Uṣuliyyûn (principologistes), qui s'oppose d'ailleurs parfois aux Tafsîr des exégètes, devrait-il
être jeté à la poubelle ? Doit-on se contenter de l'avis de quelques savants pour excommunier
des gens de science qui ont voué leur vie à l'étude de l'Islam et qui, bien que faillibles, ont
dépensé de leur temps pour en maîtriser les sciences essentielles et primordiales ?
Nous ne parlons même pas du fait d’avoir suivi un parcours dans la science auprès de savants
afin de bénéficier de leurs clés de compréhension… En effet, les clés de la science sont
multiples et le fait d’assister aux assises des savants régulièrement et assidûment fait partie
de ses clés irremplaçables puisque nous n’avons jamais connu un savant musulman digne de
ce nom qui se soit permis l’Ijtihâd, le débat ou la Fatwâ en se contentant de lire quelques
livres dans sa chambre (qui plus est des traductions) sans jamais s’asseoir devant les gens de
la science…
Ceci étant dit, d’autres sciences et compétences sont malgré tout nécessaires pour être
légitime dans la Fatwâ, le débat et l’Ijtihâd, parmi lesquelles :
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
La langue arabe comme nous l’avons dit avec ses diverses sciences. D'ailleurs, les
savants des Uṣûl nous disent qu’il faut maîtriser au moins une Ecole grammaticale et
certains savants dénombrent onze sciences en langue arabe.
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La connaissance du Coran, de ses versets normatifs, de son histoire, des causes de sa
révélation, de l’abrogé et de l’abrogeant, de l’ordre de la révélation des versets, etc.

La connaissance du Ḥadîth, de ses hommes, de ses voies, de son histoire, de ses livres
de référence en matière de retranscription et de méthodologie scientifique, des
Ḥadîths normatifs, sachant que les savants divergent sur leur nombre (1000, 4000,
voire 11 000), etc..

La connaissance des Uṣûl al Fiqh (fondements du droit), ses ouvrages fondamentaux,
son histoire, les différents fondements du Droit et les divergences, etc..

La connaissance du Fiqh, des avis des différentes Ecoles de Droit, les causes de leurs
divergences, les points de consensus, etc..

La connaissance du dogme ('Aqîdah), de son histoire, de ses courants, de ses
arguments, de ses points de consensus, etc..

On peut même rajouter la connaissance de l’Histoire de l’Islam et des courants de
pensées car il est évident que 1400 ans d’histoire n’est pas sans impact sur les divers
aspects et domaines de la théologie musulmane.
Ainsi, sans aller trop loin et en restant sur le territoire français, qui aujourd’hui maîtrise ces
sciences ? En d’autres termes, qui rempli les conditions susmentionnées pour être légitime
dans l’émission de Fatwâ, dans un débat scientifique au nom de l'Islam et des musulmans ou
dans la production de l’Ijtihâd ?
A notre avis, des savants existent bel et bien, mais ils sont peu nombreux malheureusement
et peu médiatisés. Or, beaucoup de prêcheurs aujourd'hui profitent de l'ignorance de la
masse des musulmans de France (notamment) pour apparaître plus majestueux et plus
savant qu'ils ne le sont en réalité. Ainsi, nous les voyons faire des Fatwâ et des
excommunications à tout-va et surenchérir dans la "Da'wah spectacle et excluante". Or,
quand une question technique leur est posée en grammaire, en Uṣûl ou encore en Fiqh ils se
doivent de retourner dans leurs livres car ils ne maîtrisent pas assez, voire pas du tout, quand
un débat filmé en langue arabe leur est proposé, il ne l'assume pas, mais quand il s'agit de
faire la roue du paon en public, tu les vois rivaliser à qui aura le plus beau plumage... Triste
époque annoncée par le Messager d'Allah (que la paix soit sur lui) il y a 1400 ans déjà...
En conclusion, sachez que nous n'appelons à aucun fanatisme concernant Shaykh Islam Ibn
Ahmad car nous estimons que l'Islam n'appartient à personne en particulier et que sa bonne
compréhension est le fruit du travail de plusieurs savants et méthodologies. Toutefois, que
l'on soit d'accord avec les positions d'untel ou d'untel, quand une personne a de la science et
de la maîtrise il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître (tout en étant conscient que l'erreur
est humaine) et de le respecter ou sinon il faut assumer le face-à-face au lieu de calomnier
publiquement sous couvert de pseudos et derrière un écran. Navrés de constater qu'internet
délie les langues sans pour autant révéler les compétences et les gens de droiture.
Qu'Allah nous fasse comprendre et nous unisse.
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