La zone gendarmerie la plus sensible du 74
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La zone gendarmerie la plus sensible du 74
LE MESSAGER - Faucigny 3 Jeudi 18 octobre 2012 Faucigny « La zone gendarmerie la plus sensible du 74 » de la réalité. D’abord, il faut au moins 23 effectifs pour ouvrir un commissariat. Ce serait coûteux, en argent et en hommes et puis « il n’y a pas d’intérêt à avoir une zone police au milieu du département, alors qu’elles sont déjà disséminées en Haute-Savoie. Il n’y a pas besoin de faire des “tâches de léopard” », défend le colonel. Le préfet a entre les mains un dossier pour que la moyenne vallée de l’Arve devienne une Zone de Sécurité Prioritaire. La situation le justifie-t-il vraiment ? Délinquance juvénile marquée, démographie quasi galopante, carrefour Suisse-Italie propice, vols de métaux, vols à main armée… La moyenne vallée ce n’est pas Chicago, ni Grenoble ni Marseille. Mais clairement, elle est dans les clous d’une Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP). Le colonel Bertrand François, commandant du groupement de Haute-Savoie, pointe qu’il s’agit « de la zone la plus sensible du département en zone gendarmerie. Il y a une légitimité à proposer cette zone en ZSP ». À titre de comparaison, le commandant Allamand jauge que « l’on est équivalent, voire au-delà de Chambly, la ZSP désignée fin septembre ». Ainsi en 2011, Cluses totalise 980 crimes et délits, Scionzier 500, « des chiffres énormes pour des communes de ce type », évalue le commandant de compagnie. Cependant, il est intéressant de noter que la moyenne vallée de l’Arve se distingue par sa spécificité ultra-périurbaine. Le secteur Cluses/Scionzier serait en effet l’une des zones gendarmerie les plus urbaines de France. « C’est bien possible car on n’est pas loin des 60 000 habitants dans ce bassin élargi, c’est une zone complètement urbanisée. C’est d’ailleurs surprenant d’avoir cette zone urbaine en plein milieu de petites communes à “touche-touche”. Cluses, Scionzier et Bonneville ont des quartiers qu’on ne retrouve pas à Rumilly ou Seynod, par exemple. » Le commandant Allamand complète : « On a la même problématique que les quartiers des très grandes villes mais à petite échelle. La compagnie de Bonneville est la 14e au niveau national en charge de travail. ClusesScionzier a toutes les caractéristiques du périurbain, sauf qu’elle n’a pas de grosse ville autour. » Alors que la gendarmerie est à la base en charge des zones rurales et périurbaines, l’idée de passer en zone police paraît par trop déconnectée Qu’apporterait une zone de sécurité prioritaire ? Les deux députés de la vallée, Sophie Dion et Martial Saddier ont séparément diffusé par communiqué à quelques heures d’intervalle le 28 septembre, leur volonté de demander à Manuel Valls de placer la vallée en ZSP. Leur constat est le même : la vallée a besoin de renforts. À ceci près que si Martial Saddier cible la moyenne Vallée de l’Arve comme secteur pertinent et évoque sa commune de Bonneville, Sophie Dion se refuse à stigmatiser un secteur. La question est néanmoins d’importance, et a fait partie de l’étude réalisée par la gendarmerie sur la compagnie de Bonneville. Une étude remontée au colonel du groupement de Haute-Savoie, puis au préfet fin septembre. Ce sera à lui de décider de la suite de cette demande, proposition destinée ensuite au ministère. Dans la circulaire sur les ZSP, il n’y a pas de critère chiffré permettant de savoir si une commune ou un secteur sont admissibles. Simplement évoque-t-elle des “territoires où les actes de délinquance et l’incivilité sont structurellement enracinés”. Quasi institutionnalisés, où l’arrestation d’un petit groupe ne suffit pas à démanteler le problème. De même, le périmètre pertinent et les moyens accordés ne sont pas gravés dans le marbre. Moyenne vallée ou seulement trois communes : Cluses, Scionzier, Bonneville ? C’est entre les mains du préfet. Mais même en cas de ZSP “ciblée”, les élus de Bonneville, Cluses, Thyez, Marnaz, La Roche, voire encore Annemasse (zone police) pourraient être associés au travers d’une réunion annuelle regroupant tous les maires des communes environnantes. Avant de récupérer des effectifs de gendarmerie, les secteurs ciblés vont devoir tra- Pas de quoi crier “au feu” Pour autant, il n’y a « pas de quoi crier au feu ! », relativise le commandant du groupement Haute-Savoie. « Ces quartiers ne sont pas à stigmatiser plus que de raison, cela veut juste dire qu’il faut y porter nos efforts. Ils ont toujours retenu notre attention, il y a un travail de fonds de fait, en témoignent les récentes affaires de stupéfiants. Si c’est apaisé c’est que les gendarmes ne lâchent pas le morceau. » Lors de l’entretien que nous avions tenu avec Jean-Claude Léger fin septembre, le maire avait évoqué de son côté un « été difficile » en terme d’incivilités, notamment dans les quartiers comme les Ewuës. La mairie s’en était fait écho et s’en était vivement inquiétée auprès de la gendarmerie et de sa hiérarchie. Pour le colonel Bertrand François, cet été à Cluses et aux Ewuës n’aura cependant pas été plus “chaud” que d’autres. « À part quelques ten- sions récurrentes autour de jeunes gens qui se tiennent devant les commerces et dont la commune a été saisie, mais ce sont des faits récurrents depuis très longtemps », relativise-t-il. Et sur un tel sujet, il précise que l'« on arrive à la limite de l’action répressive de la gendarmerie. Il y a peut-être là une action de médiation, de contact à mener plutôt qu’une action d’infraction pénale ». Pour autant, il réaffirme la présence soutenue des militaires sur les Ewuës, autant qu’ailleurs. « La brigade n’a pas relâché son effort, je suis extrêmement satisfait du capitaine Martin. On ne se voile pas la face, on est présents. Nous faisons un travail de fond sur ce quartier, ce n’est pas une zone de non-droit. Lorsqu’il y a eu caillassage, les auteurs ont été par exemple interpellés dans la foulée. D’ailleurs lorsque nous avons rencontré Cluses pour faire le point, nous nous sommes engagés à ne pas relâcher. De son côté, la ville consent des efforts louables avec un centre de vidéoprotection remarquable. » Du côté effectifs également, le commandant Allamand rappelle qu’au niveau national, « nous sommes quand même parmi les mieux lotis. Il ne manque “que” quatre gendarmes à l’effectif sur la compagnie, et c’est bien parce qu’il y en a besoin ». D.G. Débat à Cluses sur la “tolérance zéro” CRIMES ET DÉLITS EN CHIFFRES Crimes et délits pour 1 000 habitants 2011 - Scionzier : 70 - Bonneville : 54 - Cluses : 53 - Marnaz, Thyez : 30 2010 - Cluses : 70 - Scionzier : 43 - Bonneville : 50 - Marnaz : 30 - Thyez : 24 Par comparaison : - Seynod (18 000 hbts en 2009) : 33 en 2011, - Rumilly (13 200 hbts en 2009) : 40 en 2011 En 2010 : 31 chacune. - Annemasse a des chiffres légèrement supérieurs à la moyenne Vallée de l’Arve. L’attribution de renforts n’est pas non plus automatique avec une ZSP. vailler davantage en coopération. Une manière de relancer les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), accusés de tous côtés de tourner à vide. Mais le nerf de la guerre, ce serait évidemment les renforts. Les premières ZSP mises en place vont bénéficier de l’arrivée de gendarmes mobiles. Dans la réalité, les effectifs ne sont pas extensibles. Si la vallée devait être une ZSP, les effectifs demeureraient d’ailleurs inchangés la première année. « Si nous avions des moyens supplémentaires, nous les mettrions sur les “premières interventions”, qui ne demandent pas d’enquête. Cela nous permettrait d’être plus présents en quartiers, de travailler davantage en profondeur comme sur le dossier de stupéfiants d’il y a quinze jours », note le chef d’escadron Allamand. Qui souligne ce que les députés ont bien compris eux aussi, qu’une étiquette ZSP aurait un poids “politique”, administratif. « Il sera peutêtre plus facile d’avoir accès au fonds de prévention pour les caméras, d’être moins limités en moyens techniques sur les enquêtes, cela pourra pousser à nous mettre les quelques gendarmes qui manquent. Principalement, j’ai l’impression que cela engagerait avant tout un changement de mentalité, une occasion de travailler tous ensemble ». Le tribunal et la maison d’arrêt (dont l’extension a été confirmée par C. Taubira) en sortiraient aussi renforcés. Les nouvelles Zones de Sécurité Prioritaires devraient être connues au tournant de l’année. Martial Saddier « a bon espoir. Je ne comprendrais pas qu’on ne soit pas retenus ». DAVID GOSSART Le maire de Cluses prône la tolérance zéro dans le dernier bulletin municipal. ©Archives Interrogé fin septembre, JeanClaude Léger se montrait plutôt tiède à l’idée de voir Cluses englobée dans une ZSP. Sa crainte : être de nouveau stigmatisés “banlieues à problème”. « On a déjà été marqués par la Zone Urbaine Sensible… Mais si cela apporte des moyens supplémentaires, d’accord. » Car le maire soulignait non tant le poids de l’insécurité que de l’incivilité, moins de l’ordre de la statistique que de la sensation. Il avait d’ailleurs anglé son dernier édito du “+ de Cluses” sur la tolérance zéro : “punir les délinquants à la moindre infraction avec toute la sévérité autorisée par les textes et d’autre part raccourcir au maximum le délai entre délit et ré- ponse judiciaire (…) Principe qui n’a pas bonne presse dans les milieux dits bien-pensants”. Ce à quoi l’association Cluses Citoyenne, regroupant militants de gauche et société civile, a répondu dans une lettre ouverte : “À Cluses, le laxisme que vous décriez n’est pas le fait de la Gauche puisqu’elle n’est pas aux responsabilités depuis longtemps. Toutes ces questions restées sans réponses ne témoignent-elles pas du laxisme dont vous faites preuve dans la gestion de notre commune ? Nous sommes prêts à contribuer à leur résolution – sans chercher de polémique – en étant ouverts à toute forme de dialogue et dans un esprit républicain et d’ouverture”.