Baleines et phoques

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Baleines et phoques
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ADAPTATIONS PARTICULIÈRES
DES MAMMIFÈRES MARINS À LEUR MILIEU
Le milieu dans lequel les mammifères marins ont évolué et vivent est très différent
de celui des mammifères terrestres. En effet, l’eau est presque mille fois plus dense
que l’air, environ cinquante fois plus visqueuse et approximativement vingt-cinq
fois plus conductrice de chaleur. De plus, l’eau étant peu compressible, elle est
très fortement élastique et transmet les sons beaucoup plus facilement que l’air,
c’est-à-dire environ cinq fois plus vite.
DENSITÉ
L’un des aspects les plus frappants des cétacés est leur taille. Quelques espèces,
en effet, dépassent de très loin en taille et surtout en masse les plus gigantesques
des animaux qui ont jamais arpenté la terre ferme ou nagé dans les océans.
Quels sont les facteurs qui leur ont permis d’atteindre, du moins pour certaines espèces, ces dimensions colossales ?
Un animal terrestre prend appui sur le sol par l’intermédiaire de ses membres.
Ces derniers sont reliés plus ou moins directement à la colonne vertébrale.
L’ensemble doit être assez résistant pour supporter le poids de l’animal, qu’il soit
immobile ou à la course, car la gravité s’exerce pleinement sur lui.
La taille d’un animal se déplaçant sur terre est limitée par la taille maximale
que peuvent atteindre ses membres tout en restant fonctionnels. Il ne faut pas
oublier que le poids d’un animal augmente en fonction de son volume, qui est le
cube de ses dimensions linéaires, tandis que la résistance des os de ses membres
et la force de ses muscles augmentent avec la surface de leur section, qui est le
Dessins des squelettes d’éléphant et d’Indricotherium (Baluchiterium). À noter que ces deux dessins ne sont pas
à la même échelle.
1.
Dans cet ouvrage, les mots « cétacés » et « baleines » doivent être considérés comme synonymes, même si
parfois on réserve le terme « baleine » aux grands cétacés.
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Diplodocus au British Museum de Londres.
carré de leurs dimensions linéaires. Donc la masse augmente plus vite que la
force, à mesure que l’animal grandit. C’est pour ça qu’une fourmi est beaucoup
plus forte, toutes proportions gardées, qu’un éléphant.
Il serait donc impossible de faire atteindre à une souris les dimensions d’un
éléphant sans en modifier profondément la forme : ses membres ne le supporteraient pas, parce que son poids augmenterait beaucoup plus vite que la résistance
de ses os.
Les membres d’un gros animal terrestre sont proportionnellement beaucoup plus
gros que ceux d’un petit spécimen. De plus, leurs os sont disposés comme des
colonnes, de façon à soutenir la masse de l’animal tout en permettant la diminution
de la masse musculaire de celui-ci. Cela se fait au détriment de la vitesse de
déplacement des membres, donc de la rapidité de l’animal. Cette relative lenteur est
compensée, en partie du moins, par la taille de l’animal et la longueur de ses
enjambées. Le squelette de l’éléphant nous donne un très bon exemple de celui d’un
GRAVIPORTEUR2. Les plus gros animaux terrestres ayant vécu sur terre, INDRICOTHERIUM
(BALUCHITERIUM, un mammifère terrestre qui mesurait plus de 5 mètres et devait peser
plus de 20 tonnes) et BRACHIOSAURE (un des plus grands dinosaures, qui pesait
probablement quelque 78 tonnes), avaient un squelette du même genre. On peut
supposer qu’ils ne battaient pas de records de vitesse et d’agilité.
Les animaux de moyenne et de petite taille qui se déplacent rapidement
auront les os des membres disposés en « Z », comme on peut le constater sur un
squelette de loup, par exemple, pour permettre un va-et-vient plus rapide des
membres, sur une plus grande distance. Ce sont alors les muscles qui supportent
la plus grande partie du poids du corps.
La densité du corps des mammifères marins est à peine supérieure, parfois
même inférieure à celle de l’eau. Ainsi, en vertu du principe d’Archimède, ils
sont supportés presque entièrement par le milieu quand ils sont immergés. Quelle
que soit leur masse, ils ne pèsent donc pratiquement rien. On pourrait imaginer
un scaphandrier soulevant une baleine à bout de bras s’il était debout au fond
de l’eau ! Les contraintes exercées par la gravité sur la charpente des animaux
2. Les termes en petites capitales sont expliqués dans le glossaire à la fin de cet ouvrage.
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Baleines et phoques. Biologie et écologie
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Éléphants de mer.
terrestres n’affectent pas les cétacés, car ils ne reviennent jamais sur terre mais,
par contre, elles auront une incidence sur les pinnipèdes, puisque ceux-ci
reviennent périodiquement sur la terre ou la banquise. Le plus gros d’entre eux,
le mâle éléphant de mer (Mirounga sp.) ne dépasse pas 4 tonnes. Abstraction faite
des aspects d’ordre pratique, il n’y a donc aucune limite théorique à la taille que
pourrait atteindre un mammifère exclusivement marin. On trouvera ainsi de
petites formes à côté de formes colossales.
Considérons ces extrêmes : une baleine bleue (Balaenoptera musculus),
capturée en 1947 par le vaisseau russe Slava, mesurait 27,6 m de long et pesait
environ 197 tonnes (Bonner, 1980); un marsouin commun (Phocoena phocoena)
mesure au maximum 1,80 m et pèse au plus 90 kg ! Il en faudrait 2 000 pour
égaler la masse de la baleine de 197 tonnes.
Si certains cétacés sont restés petits malgré les avantages conférés par une grande
taille, c’est probablement qu’ils se nourrissent d’espèces rapides et que, pour les
capturer, une grande taille serait plutôt nuisible qu’utile. Les cétacés peuvent donc
occuper des niches écologiques variées. En somme, les conditions de microgravité
du milieu aquatique permettent, mais n’imposent pas, une grande taille. Il n’est donc
pas surprenant de trouver des espèces aquatiques de toutes les tailles possibles.
VISCOSITÉ
Comme nous l’avons vu, la viscosité de l’eau est environ cinquante fois plus
grande que celle de l’air. L’eau offre donc une résistance au déplacement
beaucoup plus grande que celle de l’air. Il suffit d’essayer de courir dans l’eau
pour s’en convaincre ! Par contre, elle fournit un excellent point d’appui aux
organes qui servent à la propulsion des animaux aquatiques, comme la nageoire
caudale des poissons ou des cétacés ou les membres des pinnipèdes.
Comment la viscosité de l’eau a-t-elle influencé l’aspect et l’anatomie des mammifères marins? Nous devons faire ici une distinction entre les pinnipèdes et les cétacés.
Adaptations particulières des mammifères marins à leur milieu
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SQUELETTE
Si l’on compare le squelette d’un cétacé à celui d’un mammifère terrestre, on est
frappé par la simplicité du premier.
Les membres et les ceintures
C’est l’importance relative des membres du mammifère terrestre par rapport à
ceux des cétacés que l’on remarque d’abord. Le membre antérieur et le membre
postérieur ont une importance à peu près équivalente chez la plupart des
quadrupèdes terrestres, sauf quelques exceptions comme les kangourous. C’est
bien différent dans le cas des cétacés, dont les membres antérieurs sont très
réduits, et les membres postérieurs pratiquement absents. Seul subsiste un vestige
du bassin, qui n’est même plus articulé avec la colonne vertébrale et qui ne sert
que d’armature génitale, chez le mâle.
Si l’on examine plus attentivement le membre antérieur, on constate que la
seule ARTICULATION mobile se situe au niveau de l’épaule entre l’OMOPLATE et
l’HUMÉRUS. Les articulations du coude et du poignet ne permettent plus aucun
mouvement : elles sont ankylosées.
Ce qui reste du membre postérieur : le bassin vestigial d’une baleine bleue.
Remarquez sa position à la base du pénis.
L’aspect éparpillé des os de la main est remarquable. Les cinq CARPIENS et
les PHALANGES ne se touchent pas. Chez l’animal vivant, ils sont noyés dans un
tissu fibreux, rigide et résistant. On ne les distingue pas de l’extérieur, sauf chez
certaines espèces où ils sont légèrement en relief. Les odontocètes (baleines à
dents) possèdent encore cinq doigts ainsi que les balaenidés (baleines franches),
du groupe des mysticètes (baleines à fanons). Les balaenoptéridés (rorquals) ne
possèdent plus que quatre doigts. Certains doigts se sont allongés et ont un
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Vestiges du bassin de divers cétacés. Leur forme permet de déterminer l’espèce, le sexe et les classes d’âge
(juvénile, adulte, âgé).
1 { Marsouin commun
8. Béluga 么 (adulte âgé)
2. Dauphin à nez blanc 么
9. Rorqual commun乆
3. Dauphin à nez blanc乆
10. Rorqual commun 么
4. Deux cachalots
11. Deux petits rorquals乆
5. Baleine à bec commune
12. Baleine bleue乆
6. Béluga乆(3 ans)
13. Baleine bleue 么 (jeune)
7. Béluga乆(adulte âgée)
14. Baleine bleue 么 (âgé)
nombre de phalanges supérieur à ce que l’on trouve chez les
autres mammifères (POLYPHALANGIE), dont les doigts ne
comptent jamais plus de trois phalanges.
L’aspect de ce membre nous permet de conclure qu’il
s’agit en fait d’une nageoire dont le rôle, vu sa taille et sa
position, sera de stabiliser l’animal et non de le propulser. La
présence de tous les os du membre d’un mammifère
quadrupède montre sans équivoque que les cétacés ont
évolué à partir d’un mammifère terrestre.
Membre antérieur de
cachalot. Il a cinq doigts,
comme tous les odontocètes.
Membre antérieur de rorqual
commun. Il n’a que quatre
doigts (le troisième a
disparu), comme tous
les rorquals.
Le squelette des pinnipèdes est beaucoup plus
proche de celui d’un mammifère terrestre, ce qui n’est
pas particulièrement surprenant si on considère que la
plupart des espèces passent une bonne partie de leur vie sur
terre ou sur la banquise.
Les membres et les ceintures
Il nous faudra faire une distinction entre les phoques, d’une part, et
les morses et les otaries, d’autre part.
Adaptations particulières des mammifères marins à leur milieu
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