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enquête
^
Baromètre
des libertés
ouverture
quelles libertés en 2012?
1. travailler
le prix de la liberté
2. conjoint
elles s'imposent
3. espace public
la rue nous appartient
4. obstacles
traditions et religion en tête
5. atteintes aux libertés
nos sorties de secours
6. code de la famille
le droit de bien divorcer
7. militantes
un triomphe sans gloire
8. tour du maroc
des libertés
numéro 12 novembre 2012
8
enquête
^
Baromètre
des libertés
femmes : quelles
libertés en 2012 ?
illi milite pour l'épanouissement d'une femme
libre et moderne. Pour son 1er anniversaire,
notre mensuel inaugure le Baromètre des libertés
des femmes. Une première.
PAR aicha sakhri - illustration : nathalie logié-manche
M
ensuel féminin, libre et
moderne, notre magazine
se veut acteur dans la
société. Cette enquête sur la liberté
rejoint notre positionnement
éditorial. Elle suivra d’année
en année l’émancipation des
Marocaines.
Pour cette première édition, nous
avons cherché à savoir ce qu’est
une femme libre. Quelles sont les
libertés auxquelles les femmes
sont le plus attachées ? Quels
freins entravent encore leur toute
récente liberté ? Quel chemin reste
à parcourir ?
Une enquête urbaine
L'étude a interrogé un échantillon
représentatif de la population des
7 plus grandes agglomérations du
pays. Pour commenter les résultats,
toute l’équipe de illi, des experts,
des personnalités de la société civile
et des artistes, se sont mobilisés.
Des hommes et des femmes
« ordinaires » nous ont aussi livré
leur regard. Ces analyses donnent
tout leur sens aux chiffres.
Quatre points forts ressortent du
Baromètre pour 2012 :
Une femme libre est une femme
qui gagne sa vie, de préférence
célibataire.
L’accès des femmes à l'école
représente la liberté à laquelle les
sondés se disent les plus attachés.
Les Marocains urbains estiment
que les femmes sont libres
de choisir leur conjoint. Mais
l’obligation de mariage reste
incontournable. La moitié des
sondés pensent qu’une femme ne
doit pas vivre seule.
Parmi les obstacles à la liberté, le
poids des traditions est cité en tête,
suivi par celui de la religion et du
conjoint.
Comme recours aux atteintes à
leurs libertés, les femmes citent en
premier lieu la plainte. Elles ont
donc plutôt foi en la justice. L’autre
recours réside dans les réseaux
sociaux qui incarnent pour partie
une nouvelle forme de société civile.
La liberté est matérielle
Tous ces éléments permettent
finalement de comprendre qu’en
2012, la liberté des femmes est
d’abord matérielle.
étudier pour travailler et gagner sa
vie est le premier stade qui autorise
la liberté. L’argent est comme un
passeport. C’est aussi vrai au sein du
couple, où le travail, donc l’argent,
procurent à la femme un sentiment
de liberté.
En revanche, les Marocaines urbaines
ne sont pas dans l’affrontement. Elles
se suffisent de la liberté économique
récemment acquise et se cantonnent
pour le reste à la débrouille.
L’essentiel, pour elles, est d’obtenir
« Une femme libre est une
femme qui gagne sa vie. »
numéro 12 novembre 2012
Fiche technique
de l’étude
L’étude du Baromètre des
libertés 2012 a été confiée par
illi à l’institut DS Marketing. Le
sondage a été réalisé par questionnaire administré en face à
face auprès d’un échantillon
de 1 075 personnes de 18 à
64 ans, dans les 7 principales
agglomérations urbaines du
Maroc : Casablanca, Rabat-Salé, Fès-Meknès, Tanger-Tétouan,
Oujda-Nador, Marrakech et
Agadir. L’échantillon est représentatif de la population sondée
(celle des grandes villes).
Il a été construit suivant 6 critères : genre (homme/femme),
âge, catégorie socioprofessionnelle (CSP), exercice ou non
d’une activité, situation matrimoniale et ville de résidence.
La marge d’erreur est de 2,98
% sur les résultats globaux.
L’enquête terrain a été menée
du 25 août au 9 septembre. w
Les marocaines sur l’échelle
de la liberté
Sont tout à fait libres
25 %
21 %
Sont plutôt libres
49 %
54,5 %
Ne sont pas très libres
20 %
21,5 %
Ne sont pas libres du tout
6%
3,5 %
% des sondés qui citent le niveau de liberté correspondant
(hommes et femmes 18-64 ans pris séparément - Total 7 grandes agglomérations).
à la question: « Les Marocaines sont-elles libres ? », la majorité des sondés ont répondu
oui ! Près de 23% le pensent tout à fait et 52% estiment l'affirmation plutôt vraie.
« Plutôt » signifie qu’il y a des réserves, mais le sondage ne nous dit pas lesquelles.
Nous sommes forcément plus libres que nos mères qui l’ont été davantage que leurs
mères. Nous sommes passées d’un destin prédéfini, confinées à l’intérieur d’un foyer, à
un statut où d’autres possibilités sont envisageables. w
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Tanger/Tetouan
26,5%
La part des
tout à fait
libres
% des sondés qui
considèrent la Marocaine
comme tout à fait libre
(hommes et femmes 1864 ans confondus - pour
chacune
des 7 grandes
agglomérations).
Moyenne 7 grandes
agglomérations : 23%.
Rabat/Salé
Nador/ Oujda
12%
20%
Casablanca
21,5%
Meknès/Fès
31%
31%
Marrakech
Agadir
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
numéro 12 novembre 2012
25%
4
les choses sans trop faire de vagues.
Seules 40% des sondées souhaitent
davantage de lois pour protéger
leur égalité avec les hommes et
leurs libertés d’action.
Autre surprise du Baromètre :
hommes et femmes ont
aujourd’hui beaucoup d’estime
et de respect pour les militantes
qui ont fait avancer la condition
des femmes au Maroc. Elles les
soutiennent, de loin.
On peut le regretter, la liberté
de disposer de son corps n’est
pas encore une préoccupation.
Ou elle fait partie de ces libertés
informelles, comme il en existe
beaucoup au Maroc. De là à
les revendiquer de manière
transparente, il y a un pas que
les femmes marocaines des
villes ne franchissent pas encore.
La hchouma, l’hypocrisie, les
mentalités, le poids des traditions
et de la religion font qu’elles
préfèrent « la débrouille » et
qu’elles s’en accommodent. Pour le
moment… w
0
enquête
^
Baromètre
des libertés
Travailler
Le prix
de la liberté
L’indépendance financière serait le premier
gage de notre liberté, suivi par le célibat. Il faut
travailler pour être libre, en solo.
PAR mathilde fonvillars - illustrations et photos : D.R.
L
’argent constituerait le premier
instrument de la liberté des
femmes. Pour plus d’un tiers
des femmes comme des hommes
interrogés (36%), une femme libre
est d’abord « une femme qui gagne sa
vie ». Rien d’étonnant. Si je gagne ma
vie, je ne dépends matériellement de
personne. Le mari, le père, ou plus
globalement la famille, n’ont plus la
même force de pression sur ce que la
femme active entreprend.
Si la liberté par le travail est classée en
tête par les hommes et les femmes,
ce n’est pas le cas du célibat. « Une
femme libre est une femme célibataire »
vient en 2e position pour les femmes
(25,5%) et en 3e pour les hommes
(22,5%). Les hommes craindraient-ils
qu’on se débarrasse d’eux à jamais ?
Avant d'être célibataire, pour eux,
une femme libre est celle « qui ne
s’occupe pas du regard des autres ».
Pour les femmes, ce critère arrive en
3e position, derrière le célibat.
L’absence de contrôle par un homme
apparaît en 4e critère (11,5% en
moyenne, hommes et femmes
confondus). Les hommes sont un peu
plus nombreux à le penser.
Bonne nouvelle : dans l’œil des sondés, une femme libre n’est pas une
femme de mauvaise vie. Ils sont tout
de même 6,5% à le penser, sans distinction homme-femme. Inquiétant :
liberté et mauvaise vie vont surtout
de paire dans le jugement des 25-44
ans. Plus on monte dans l’âge des
sondés, plus le pourcentage diminue.
Notre société serait-elle en train de
régresser ? Autre chiffre à épingler :
les répondants non scolarisés sont les
moins nombreux (1%) à confondre
femme libre et femme de mauvaise
vie. Ils sont 7% chez les universitaires. Qui a dit que l’instruction rendait nécessairement plus intelligent ?
Nos libertés chéries
Pour pouvoir gagner vraiment sa vie,
il faut avoir été à l’école. La liberté à
laquelle les femmes seraient les plus
attachées est l’accès à l’enseignement. Les hommes (44%) sont plus
nombreux à le penser que les femmes
(38%). Dans le même temps, l’accès à
l’école est aussi jugé comme la liberté
encore la moins accessible aux femmes
(39% selon les femmes et 40,5% selon
les hommes). La liberté de « mener une
carrière professionnelle » apparaît en
second. Surprenant à première vue :
la liberté de « planifier ses grossesses »
arrive en dernière position (12%). En
revanche, au classement des libertés
les moins accessibles, « mettre fin à sa
grossesse » vient en 2e place (19%).
La contradiction n’est qu’apparente.
C’est que la possibilité d’avorter,
n’ayons pas peur des mots, est vue
comme beaucoup plus importante que
la simple planification des grossesses.
Cette dernière n'est pas vraiment
déterminante pour les victimes de viol,
par exemple, et est déjà maîtrisée par
beaucoup. ■
« Dans l’œil des sondés, une
femme libre n’est pas une
femme de mauvaise vie. »
numéro 12 novembre 2012
1 Une femme qui gagne sa vie
36,5 %
35 %
2 Une femme célibataire
25,5 %
Le regard de…
Amal Ayouch, actrice
« Se donner le droit
d'être égale »
22,5 %
3 Une femme qui ne s’occupe
pas du regard des autres
21 %
24 %
4 Une femme qui n’est pas
contrôlée par un homme
11 %
12 %
5 Une femme de mauvaise vie
7%
6,5 %
% des sondés qui citent en 1er la définition correspondante
(hommes et femmes 18-64 ans pris séparément - Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
les libertés jugées Très
importantes
ecole : la plus belle
des libertés, mais
être libre
d’accéder à l’école
être libre
de circuler
sans entrave
être libre
de mener une
carrière professionnelle
les libertés jugées
moins importantes
être libre de
mettre fin à sa
grossesse
être libre de
planifier ses
grossesses
être libre de
disposer de
son corps
les libertés les plus
facilement accessibles
les libertés les plus
difficilement accessibleS
Source : Baromètre des libertés illi - DS Marketing
L’accès à l’école est la liberté à laquelle les femmes des grandes villes se déclarent
les plus attachées. C’est aussi la liberté qu’elles jugent la moins facilement
accessible. La liberté de mener une carrière professionnelle vient en deuxième
position des libertés à la fois les plus fondamentales et les moins accessibles.
numéro 12 novembre 2012
Quelle est la liberté la moins
accessible aux femmes marocaines ?
La liberté de se donner le droit d’être égale
à l’homme. On nous a tellement inculqué
l'infériorité de la femme que se dire « je suis
son égale » n’est pas évident. Je me rends
compte que, parfois, je laisse passer l’homme
avant moi. Je reste accoutumée au fait que
l’homme ait accès à plus de choses. Je dois
me battre contre moi-même pour rester
vigilante. Une autre difficulté est d’obtenir
la confiance des gens. La femme n’est pas
présente sur la scène politique, sauf là où
on veut la cantonner. Hommes et femmes
devraient pouvoir avoir accès aux mêmes
choses pour les utiliser à leur manière. Le
mixage homme/femme n’est pas valorisé. On
le voit comme un effet de mode à l’occidentale, alors qu’il détermine l’équilibre même de
la société.
Parmi les libertés les moins
accessibles, laquelle mettriez-vous en
tête ?
L’accès à l’école, moi aussi. La majorité du
pays est rural. En milieu rural, cet accès
n’est pas une évidence. C’est la liberté la
plus importante, dont va découler tout le
reste. à partir du moment où elle a accès
à l’école, la femme peut se battre pour ses
autres libertés. Sans instruction, elle n’aura
jamais conscience de ses droits et de toute
leur étendue. En second, je mettrais la liberté
de disposer de son corps. En troisième,
celle de mener une carrière professionnelle.
Tout dépend du milieu familial et social, ce
n’est pas facile. La jeune femme aura sans
doute appris qu’elle vaut moins que son
frère… Tout de même, dans ces libertés
les moins accessibles, il manque l’égalité
devant l'héritage. En voyant sur le papier du
notaire qu'une femme vaut deux fois moins
qu’un homme, comment ne pas se sentir
inférieure ? ■
5
Une femme libre c’est…
Baromètre
2
des libertés
Vos définitions de la femme libre
regroupées par thèmes
N’en fait qu’a sa tête/ Ne se
préocupe pas des autres / Décide
seule / Responsable de ses actes /
Assume / Célibataire
72,5 %
Fait ce qu’elle veut mais sous
contrôle étroit des traditions /
De la religion / Des lois / De la
société / Femme respectable
37 %
44 %
Femme capable ‘Kadda' / Gère
tout / Forte personnalité / Prédominance de l’aspect financier dans
l’existence de ces traits de caractère
37 %
31 %
Femme citoyenne /
A sa place dans la société
23,5 %
19,5 %
Femme instruite
12,5 %
11 %
Femme de mauvaise vie / Paria
6%
9%
Femme égale à l’homme
6,5 %
7%
Femme moderne / Se maquille / Suit la mode / Se préoccupe d’elle et de son corps
3%
Femme militante
3%
5%
3,5 %
Ce tableau regroupe par thèmes les définitions de la femme libre formulées spontanément par les
sondés (hommes et femmes 18 - 64 ans pris séparément - Total 7 grandes agglomérations)
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
numéro 12 novembre 2012
40,5 %
34 %
21,5 %
12 %
7,5 %
6,5 %
4%
3,5 %
Une femme
qui fait ce
qu’elle veut
avec l’accord
de son mari
Une femme
qui ne
respecte pas
les autres
Une femme
qui ne vaut
rien
Ce n’est
pas une
prostituée
Une femme
qui a un
mari qui
travaille
pour elle
2,3%
0,6%
0,5%
0,2%
0,1%
dont 2/3
d’hommes.
Réponses
uniquement
féminines.
Sans
commentaire...
C’est toujours
bon à préciser…
Une seule personne a
choisi cette réponse !
(C’est un homme, il
a moins de 24 ans et
vit à Tanger/Tétouan).
% des sondés qui sont d'accord la définition correspondante ou une définition proche
(hommes et femmes 18-64 ans confondus - ensemble 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés ili - DS marketing 2012
avis d'expert
Badia Hadj Nasser,
Psychanalyste et écrivain
les femmes
intériorisent une
forme d'esclavage
En tant que femme marocaine,
comment définiriez-vous une
femme libre ?
Tout être libre est un être qui a le pouvoir
de décision. La liberté de choix pour
le mariage et la liberté dans le couple
déterminent celle de la femme. Au
Maroc, c’est seulement à partir de 2004
que l’avis de la femme a pu compter
dans la question du mariage, grâce à la
réforme du Code de la famille. C’est un
fait quasiment unique dans le monde
musulman.
Quel classement feriez-vous des
différentes définitions de la femme
libre ?
Je serais fidèle à Simone de Beauvoir
en plaçant en tête l’indépendance
financière. Quant à la seconde liberté,
je choisirais le fait de « ne pas être
contrôlée par… », mais je détournerais
cette réponse. Ne pas être contrôlée par
un homme certes. Mais c’est oublier que
le plus grand contrôle qu’il puisse exister
est celui que l’on possède sur soi-même.
C’est ce que Freud a nommé le sur-moi.
Ce ne sont pas seulement les hommes
qui mettent sous contrôle les femmes,
ce sont les femmes elles-mêmes. Ce
sont elles, par exemple, qui pratiquent
l’excision sur d’autres femmes. Dans
notre psyché, le sur-moi est l’instance
qui dicte et juge nos actions d’après les
notions de bien et de mal. Il est né de
l’intégration des interdits parentaux et
sociaux, et de l’intériorisation de certaines
règles morales. Ceci fait que des femmes
ont elles-mêmes intériorisé une certaine
forme d’esclavage, qu’elles y adhèrent
aveuglément et qu’elles le mettent en
pratique autour d’elles.
Quelles sont les libertés auxquelles
les femmes sont les plus attachées,
selon vous ?
Celles que la nouvelle Moudawana a
autorisées en 2004. Bien entendu, dans
les libertés proposées, je choisirais
l’accès à l’école. En revanche, il me
semble qu’il y a quelque chose de
beaucoup plus important que la liberté de
planifier ses grossesses, qui a été omis
ici. À mon sens, le sort fait aux mères
célibataires reste un gros problème.
Bien plus que de pouvoir planifier ses
grossesses, la liberté d’assumer son
statut de mère célibataire devrait être
permise. D'autant que, le plus souvent, ce
statut n’a pas été choisi. ■
numéro 12 novembre 2012
Ils le vivent
Nabila, 33 ans
Comment je
conçois ma
liberté
« J’essaie toujours de concilier
mes convictions personnelles et
mes obligations familiales. C’est
pourquoi mon choix de liberté
de vie ne choque pas vraiment
ma famille. Elle s’y est adaptée.
Mes obligations familiales sont
simplement le respect des
coutumes et de la religion : faire
le ramadan, le sacrifice de l’Aïd
al-Adha… Je le fais par foi et par
respect. En parallèle, je vais en
France dans ma belle-famille pour
la fête de Noël ! Je suis très proche
de Dieu, et c’est cette relation qui
m’aide à tout concilier. Aujourd’hui,
je me ressens comme une femme
libre et je vis ma vie comme j’en
ai envie, avec l’homme que j’ai
choisi - un Français. Le mieux pour
mon couple a été de prendre le
meilleur de chaque culture pour
bâtir la nôtre. Chez nous, c’est donc
une maison franco-marocaine, un
mode de vie mixte. Je peux mettre
un short le dimanche pour aller à
la plage, comme une djellaba pour
aller prier le vendredi…
Il y a bien sûr des choses plus lourdes.
Pour le marché, ici, je dois mettre une
tenue « décente », pas de short, pas de
décolleté… Dans la rue, il y a carrément
des quartiers où tu ne peux pas
marcher le jour sans te faire draguer. ça
m’est insupportable. Mais quand des
hommes m’interpellent vulgairement,
il m’arrive assez souvent aussi de leur
répondre avec des formules du genre
« Va voir ailleurs, c… ». Ils ne supportent
pas. » ■
5
Une femme libre : Le top du flop
4
enquête
^
Baromètre
des libertés
conjoint
Elles s'imposent !
La femme est-elle l’égale de l’homme dans le
couple ? Réponses contrastées. Le visa de sortie
est encore exigé.
PAR widad anoua - illustration : nathalie logié-manche
D
ans l’urbain, plus de 40%
des Marocaines interrogées
(42,5%) affirment que les
femmes peuvent absolument dire
non à leur mari. En revanche, 50%
des sondées doutent de ce droit.
Les hommes sont un peu moins
nombreux (37%) à octroyer sans
réserve aux épouses le droit de leur
faire un pied de nez.
D’importantes différences de
perception existent suivant les
régions. À Tanger-Tétouan, seuls
5% des sondés (hommes et femmes
confondus) pensent que les femmes
peuvent dire non à leur époux. C’est
à Rabat-Salé que la femme serait
la plus à l’aise pour s’opposer à son
partenaire (67% de Tout à fait vrai).
Qu’en est-il du partage de la
décision dans le couple ? La moitié
des sondées pensent que la femme
mariée peut choisir librement
de travailler ou pas. Seuls 40%
des hommes sont du même avis.
Hommes et femmes confondus, 42%
se disent convaincus que la femme
participe à part égale aux charges
du ménage. 53% des répondants
ont des réserves. Parmi eux, une
majorité (4 sur 5) pense malgré tout
que c’est plutôt vrai. Est-ce cette
participation des femmes à la vie
matérielle du ménage qui fait dire
qu’elles sont libres de s’opposer à
leur partenaire davantage que les
générations précédentes ?
La décision de procréer affiche
la même tendance. En ville,
la moitié des hommes et des
femmes sont tout à fait d’avis que
les conjoints décident ensemble
(48,5% sont incertains, même
si une très large majorité d’entre
eux pensent que c’est plutôt vrai).
Preuve supplémentaire d’égalité
décisionnaire au sein des ménages ?
Je travaille, j’apporte du pain au
foyer. Donc, nous partageons les
décisions.
Visa de sortie obligatoire
Il y a cependant une réserve de taille.
Lorsqu’on demande aux sondés si
la femme peut voyager ou avoir des
relations autres que familiales, le
degré de liberté fond d’un seul coup.
Seulement 15% des sondés (hommes
et femmes confondus) pensent que
cette liberté est acquise à la femme
(51,5 % sont incertains). Ce résultat
donne à penser que la femme peut
prendre des décisions qui impactent
son couple, mais pas décider seule
de ses choix personnels et de sa
vie sociale. À Tanger-Tétouan,
seulement 10% des personnes
interrogées accorde sans réserve
cette liberté à la femme. Détail
surprenant, et alarmant : si 21,5% des
non scolarisés estiment que la femme
peut voyager sans l’avis de son mari,
ils sont à peine 11% à le penser dans
la population des universitaires !
Conclusion. C’est sur le terrain
de l’économique que la femme
marocaine semble surtout
(seulement ?) s’être émancipée. Ce
changement de mœurs ne semble
pas impacter la vie privée de la
femme. Elle apparaît encore traitée
comme une mineure quand il s’agit
de se déplacer ou de choisir son
entourage social. ■
« La femme ne peut décider
seule de ses choix personnels
et de sa vie sociale. »
numéro 12 novembre 2012
5
Le regard de...
La liberté dans le quotidien du couple
1 La femme décide avec son mari
d’avoir ou pas un enfant
53,5 %
47 %
2 La femme est libre de travailler
ou pas
50,5 %
40 %
3 La femme peut dire non à son
mari
42,5 %
37%
4 La femme contribue à part égale
aux charges du ménage
Oum, chanteuse
Désexualiser
la liberté
Pensez-vous que la femme occupe
une position égalitaire dans le
couple ?
Non, certainement pas ! Enfant déjà, au
sein d’une famille, la fille, même aînée, n’est
pas l’égale de son frère. La suprématie
masculine est inculquée dans l’éducation.
La décision de faire un enfant se
prend-elle en commun avec le
conjoint ?
Oui. Cela dit, la femme peut aussi en
décider sans en informer son conjoint.
C’est peut-être encore la seule chose
qu’un homme ne peut décider seul.
15 % des sondés pense que la
femme ne peut pas voyager ou avoir
des relations amicales sans l’accord
de son mari . Qu’en pensez-vous ?
Je ne dirais pas qu’elle ne peut pas voyager
sans l’accord de son mari, mais plutôt sans
l’informer, ce qui est logique. C’est aussi
valable dans l’autre sens !
42 %
42,5 %
5 La femme peut avoir des
relations autres que familiales
sans l’autorisation de son mari
18,5 %
11 %
% des sondés qui citent en premier l’affirmation correspondante
(hommes et femmes 18-64 ans pris séparément - Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012 .
Tanger/Tetouan
Elles osent
tout à fait
dire non à
leur mari
Rabat/Salé
45%
Casablanca
% des sondés selon
lesquels la femme peut
tout à fait dire non à son
mari (hommes et femmes
18-64 ans confondus - pour
21,5%
chacune des 7 grandes
agglomérations). Moyenne
7 grandes agglomérations : Agadir
40%.
5%
66,5%
55,5%
Nador/ Oujda
53%
Meknès/Fès
16,5%
Marrakech
Qu’est-ce qu’une femme libre ? La
femme marocaine est-elle libre ?
La femme libre est un « homme libre » au
féminin, une personne qui peut adopter
son propre mode de vie et exprimer ses
idées sans être jugée par la société. C’est
une personne libre de se déplacer dans le
monde, indépendamment de sa nationalité.
Au Maroc, les femmes ne le sont pas, ni les
hommes d’ailleurs. ■
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Ils le Selwa, 28 ans
Sous contrôle visuel
vivent « Avec
mon mari, on prend les décisions ensemble. Il ne me dit pas non pour les choses que je veux faire, mais
il veut être avec moi. Si je voyage ou que je suis invitée à une soirée, il exige d’être là. Quand il est invité de
son côté, il veut également que je sois là. Donc je ne peux pas trop m’opposer au fait qu’il m’accompagne.
Cela dit, parfois, le ras-le-bol fait que je lui cache la vérité quand je veux faire des choses seule. Surtout, je
peux dire non et je g… pour me faire entendre ! » ■
numéro 12 novembre 2012
Baromètre
6
des libertés
Ils le vivent
Mehdi, 33 ans
Elle doit
demander mon
avis
« Je suis ouvert à la discussion
avec ma femme, mais elle ne
peut pas me dire non pour
tout. il y a des choses pour
lesquelles il ne faut pas me
contredire. On a décidé d'avoir
nos enfants ensemble, on
prend les décisions du foyer
ensemble. D’autre part, si elle
veut voyager, je ne vais pas m’y
opposer. Par contre, elle doit de
me demander mon avis. » ■
Avis d'expert
yasmine chami, anthropologue
construire notre propre maison symbolique
La femme a-t-elle un vrai pouvoir
de décision au sein du couple ?
Tous les patriarcats sont adossés
à un matriarcat implicite, souvent
puissant dans la sphère privée.
Traditionnellement, toutes classes
sociales confondues, la femme
marocaine règne sur les enfants avant
la puberté et sur les alliances.
La femme peut-elle réellement
dire non à son mari ?
Il y a tellement de façons de dire
non. Si vous parlez d’une opposition
frontale, cela revient à se demander
si l’homme marocain est aujourd’hui
un chef de famille omnipotent. Ma
réponse serait non. La négociation est
ouverte au sein du couple. Les lignes
rouges dépendent de la construction
interne de chaque ménage.
Une femme peut-elle choisir de
travailler ou pas ?
Beaucoup de femmes souhaiteraient
ne pas travailler, au moins un temps,
pour élever leurs enfants, mais n’ont
pas la possibilité de le faire pour des
raisons économiques. Il n’y a pas
de frein légal au travail des femmes.
Il y a des couples en équilibre sur
des schémas très traditionnels.
Il y en a d’autres fondés sur le
partage des charges et l’égalité des
comportements.
La femme peut-elle avoir une vie
sociale ?
Les femmes marocaines ont
existé au sein d’un matriarcat très
organisé. La vie sociale des femmes,
indépendamment de celle des époux,
n’est pas un acquis de la modernité.
Ce qui est nouveau, c’est la mixité
des rapports et la possibilité pour
les femmes de vivre cette vie sociale
dans les espaces publics.
Le choix de faire des enfants ou
pas est-il décidé équitablement
par les conjoints ?
Il est très rare que le projet
d’enfant ne soit pas au cœur de
la démarche conjugale, au moins
la première fois. C’est souvent
un désir commun entouré d’une
énorme pression sociale. Une fois
encore, l’affrontement direct n’est
numéro 12 novembre 2012
pas toujours une loi. C’est la gestion
commune du désir d’enfant et
l’agenda du couple qui peuvent être
une source de conflit. Il est vrai que,
dans notre société, il est très difficile
pour les femmes de faire passer une
exigence personnelle avant la fonction
très valorisée de la maternité.
Le dicton suivant lequel la
femme marocaine va librement…
de son père à son mari, est-il
toujours d’usage ?
Dans les villes, les filles vont à l’école,
aspirent à travailler, à l’autonomie.
Elles quittent parfois leur ville d’origine
pour étudier ailleurs, font l’expérience
de l’internat et de la liberté. Bien sûr,
il y a encore beaucoup de tabous,
d’inquiétudes, de difficultés à intégrer
les schémas de l’autonomie. Le prix à
payer est parfois lourd en termes de
solitude intérieure et sociale. Nous
sommes en pleine transition entre
la maison de nos hommes et notre
propre maison symbolique. Il reste
à construire une maison commune
et habitable par les hommes et les
femmes ensemble. ■
Baromètre
des libertés
espace public
la rue nous
appartient
Circuler librement ? S'habiller à sa guise ? Choisir
son partenaire ? Égaler les hommes au travail ? Oui !
Mais cette liberté s'arrête au droit de vivre seule.
PAR géraldine dulat - illustration et photos : nathalie logié-manche et D.R.
L
a rue appartiendrait-elle à ces
dames ? Pour moitié (47,5 %),
les femmes des grandes villes
affirment pouvoir circuler tout à
fait librement, sans être harcelées.
Parmi les 46% de femmes qui ont des
doutes, plus des 2/3 pensent malgré
tout que c’est plutôt vrai.
Quatre femmes sur dix se sentent
égales aux hommes au travail. Parmi
les 56,5% qui en doutent, une grande
majorité pensent quand même
que c’est plutôt vrai. Les femmes
savourent manifestement, même
si c’est encore avec une certaine
réserve, leur récente apparition
en masse dans l’espace public. Le
vecteur économique les a obligées à
sortir du schéma de l’enfermement
dans l’espace privé.
Libres de s’habiller dans la rue
comme elles le souhaitent ? Elles
sont 4 sur 10 à penser que c’est tout
à fait vrai. Ville par ville, Rabat-la-
sécurisée et Salé réuniraient la plus
grande proportion des femmes tout
à fait libres de se vêtir comme elles
l’entendent (68,5%). Tanger et
Tétouan arrivent à la dernière place
de ce classement (14%). Reste celles
qui s’accaparent du hijab comme
d’un visa de sortie pour assurer leur
sécurité publique via une image
respectable. Au classement de la liberté de se vêtir, divorcées et veuves
l’emportent manifestement sur les
mariées : se sentent-elles libérées du
regard du conjoint ?
Libres de choisir leur mari
Par tous les moyens, les femmes
veulent s’en sortir et choisir, y
compris le conjoint. Elles sont
46% à se sentir tout à fait libres du
choix de leur mari. La moitié ont
des doutes, mais parmi elles, près
de 4 sur 5 pensent tout de même
que c’est plutôt vrai. Les classes les
moins favorisées, et dès lors moins
contraintes par l’échange patrimonial,
s’estiment les plus libres. Ce tableau
plutôt positif s’achève par la difficile
liberté de pouvoir vivre seule. Seules
24% des femmes considèrent qu'elles
sont libres de vivre seule. Elles seraient
41% à Agadir. La liberté de la femme
reste contenue dans les limites de la
respectabilité. Conclusion : le patriarcat ne lâche pas l’affaire. Seule la
« rentabilité » économique des femmes
est réellement acceptée dans les
mentalités. Force est de constater que
l’évolution marque un sérieux coup de
frein dès que l’émancipation individuelle s’affirme. Longue encore sera la
marche… ■
« Dans le monde professionnel,
les femmes se sentent à 83%
les égales des hommes. »
numéro 12 novembre 2012
Baromètre
8
des libertés
Les libertés de la femme dans l’espace public
Tout à
fait vrai
1 Peut circuler librement
47,5 %
46 %
42,5 %
2 Peut s'habiller comme
elle veut
41,5 %
38 %
3 Peut choisir son partenaire
46 %
5 Est libre de vivre seule
50 %
8,5 %
14,5 %
50 %
40 %
24 %
7,5 %
4%
52,5 %
35,5 %
16,5 %
6,5 %
50 %
47,5 %
44 %
4 Est l'égale de l'homme
au travail
Pas
vrai du
tout
Moyennement
vrai
50,5 %
55 %
4,5%
56 %
4%
60,5 %
4%
25,5 %
28,5 %
% des sondés qui jugent que la liberté correspondante est garantie ou pas à la femme dans
l’espace public (hommes et femmes 18-64 ans séparément - Toral 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
avis d'expert
Abdessamad Dialmy, sociologue et auteur
pouvoir vivre en toute
sécurité sans homme
Les sondés dressent le portrait
d’une femme plutôt libre dans
l’espace public. La perception de
cet espace s’est-elle modifiée ces
dernières années ?
La liberté de la femme dans l’espace
public, autrement dit la mixité dans notre
société, a évolué de façon indéniable
depuis quelques décennies. Cela dit,
cette mixité se vit plus ou moins bien
selon les espaces sociaux. S’habiller
librement, par exemple, n’est souvent
pas le fait de pouvoir s’habiller tel
que le souhaite le modèle dominant
occidentalisé (ceci est considéré comme
acquis), mais bien souvent une défense
du port du voile pour toutes les femmes.
Autrement dit, la défense d’un référentiel
islamique fortement stigmatisé aussi
bien dans notre société qu’au niveau
international. Lors d’une étude consacrée
dernièrement aux violences à l’encontre
des femmes, 100% des interviewés ont
considéré qu’une femme en short ou
jupe marchant dans la rue à minuit était
une provocatrice susceptible de légitimer
un viol. 100% ! On part de là. La mixité
dans l’espace public est en cours, dans
l’ordre de l’acceptation nécessaire, pas
d’une nouvelle norme.
Peut-on affirmer néanmoins que
la société marocaine est sortie
du référentiel traditionnel où
l’enfermement de la femme était
considéré comme un signe de
respectabilité ?
La société marocaine vit un
traditionnalisme modernisé. La femme
au foyer n’est plus le modèle dominant.
Les femmes peuvent aller à l’Université
et avoir une vie professionnelle,
mais toujours dans un cadre où leur
respectabilité sera assurée. Qui dit
respectabilité dit maîtrise de son corps.
Aujourd’hui, pour la société, une femme
respectable est une femme qui a un
travail et qui porte le voile. Certes,
le patriarcat s’adoucit, mais la crise
économique va ralentir son déclin.
Cela dit, la tendance historique est à
la dépatriarcalisation pour toutes les
sociétés de la planète.
numéro 12 novembre 2012
Peut-on vraiment parler de liberté
quand le corps des femmes est
autant surveillé dans l’espace
public ?
Une femme sera libre lorsqu’elle pourra
réunir trois points fondamentaux en un
vécu : son indépendance économique,
le fait d’habiter seule et d’être respectée
en tant que telle. Ceci sans avoir besoin
du référentiel filial (le père, l’époux, le
fils). Aujourd’hui, les femmes qui vivent
seules sont encore considérées par
certaines comme de mauvaises femmes,
et celles qui sont divorcées et veuves sont
volontairement victimisées. La définition
de la liberté individuelle pour une femme
est le fait d’être respectée – autrement
dit de vivre en toute sécurité physique et
psychologique, sans homme. ■
5
Tanger/Tetouan
14%
44,5%
Rabat/Salé
68,5%
Nador/Oujda
41,5%
Casablanca
Elles s'habillent
tout à fait
29%
comme elles
Marrakech
veulent
22,5%
% des sondés qui pensent
que les femmes sont tout à
fait libres de s’habiller comme
elles veulent (hommes et
femmes 18-64 confondus pour chacune des 7 grandes
agglomérations). Moyenne
7 grandes agglomérations :
40%.
49%
Meknès/Fès
Agadir
Ils le vivent
Zineb, 38 ans
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Le regard de…
Sonia Terrab, écrivaine
L’impossible
liberté !
« Shamablanca est le roman de
l’impossible liberté dans l’espace public.
Je le sais bien, personne n’emprisonne les
femmes chez elles au Maroc et le harem
a cédé la place au flirt. Les femmes
sortent, travaillent, s’affichent. Une femme
peut acheter des légumes ou de l’alcool,
allumer une cigarette ou porter une jupe.
Dans l’absolu. Mais pas dans le regard
du marchand de pommes de terre qui la
reluque, ni dans celui de l’homme qui lui
enveloppe sa bouteille de vodka avant
de la lui tendre dans un sac en plastique
noir, l’air narquois. Quant à sa cigarette, si
elle peut la fumer assise à l’abri sur une
terrasse, la savourer en marchant, sur
un banc ou debout, livrée au jugement
« divin » des hommes, c’est inconcevable.
Pareil pour la minijupe. Aucune force ne
peut l’empêcher de la porter, sinon la
peur. La peur d’être suivie, harcelée, et,
même, la peur de la main leste qui peut
lui caresser importunément les jambes.
Shamablanca raconte l’histoire d’une
jeune femme en colère, fâchée notamment
de ne pas pouvoir marcher dans la rue.
Certes, elle a les moyens d’habiter seule.
Elle peut posséder une voiture et circuler
de celle-ci à son appartement, comme de
son appartement à la soirée organisée
par sa copine ou vers le bar habituel pour
prendre un verre et danser. Elle peut aller
d’un endroit fermé à un autre où elle est
effectivement libre, libre de s’habiller et
d’agir à sa guise, mais seulement parce
qu’elle a payé pour. Pas parce que c’est
naturel. Le Maroc est un de ces pays où
la liberté à un prix. L’espace public, c’est
pour les autres, les pauvres, celles qui
ne peuvent s’offrir le luxe de se cacher
et de s’adapter à la jungle. Pour Shama,
l’héroïne du roman, c’est un drame. Pour
moi aussi. » ■
numéro 12 novembre 2012
J’assume mes
tatouages
« Je suis une femme libre. Qui
assume ses tatouages. Mais dans
la rue, c’est autre chose, surtout
dans le quartier assez populaire
où je vis. Je m’habille malgré tout
comme je veux, en petite robe, en
sarouel, peu importe. Mais les
« psss » fusent, les coups de klaxon
aussi. Parfois même, j’ai droit à
des insultes bien senties.
Voilà tout le dilemme. Se sentir
libre en tant qu’individu, en
tant que femme, dans un pays
encore très conservateur, où on
n’a de cesse de me dire : « Non,
ne sors pas avec des robes qui
montrent tes tatouages ». Je me
demande qui cela dérange, au
fond. Je me demande pourquoi,
dès que je suis dans la rue, j’ai
la main prête à dégainer ma
bombe lacrymogène - j’exagère
à peine. Même si je suis libre
et continuerai à me promener
accoutrée comme bon me semble,
on me fait bien sentir que non, ici,
je ne suis pas libre de sortir avec
une robe aux genoux, avec mes
tatouages. Le résultat est tel que
je me sens aliénée dans ce pays.
Je me sens privée de mes droits
fondamentaux en tant que femme,
et j’ai l’impression que cela va
en empirant. L’expérience me le
prouve. Mais je resterai telle que je
suis, quitte à me faire insulter. » ■
0
enquête
^
Baromètre
des libertés
obstacles aux libertés
Traditions et
religion en tête
Quels sont les principaux obstacles aux libertés
des femmes ? Faut-il les chercher dans la
famille, les habitudes sociales ou les convictions
religieuses ? Le Baromètre est sans appel.
PAR zora el hajji - illustration et photo : nathalie logié-manche
P
remièr obstacle à la liberté
des femmes au Maroc : les
traditions. 68% des femmes
et 63% des hommes érigent le
poids des coutumes en frein majeur
à l’émancipation du sexe (dit)
« faible ».
Le poids des traditions est-il
davantage dénoncé dans les plus
grandes villes ? Pas vraiment.
Dans des villes moyennes comme
Marrakech, Tanger-Tétouan ou
Agadir, 75% des sondés mettent
en tête la pression des traditions
comme obstacle à la liberté des
femmes. Contre toute attente,
Casablanca, la métropole, arrive
tranquillement derrière… OujdaNador. Environ 65 % des sondés
y érigent les us, tel que le séroual
détecteur de virginité, comme une
entrave à notre affranchissement.
La religion s’impose en deuxième
obstacle. Les femmes sont-elles les
premières à se plaindre ? Non. Les
hommes sont 55.5 % à s'exprimer
dans ce sens. C'est dans la catégorie
socioprofessionnelle supérieure
(CSP A/B) que le poids de la religion
est le plus ressenti. Évident ? Peutêtre. Mais cette même CSP est
talonnée de près par la catégorie
la moins favorisée (CSP D/E).
Pauvreté et inconscience ne sont
pas liées de fait.
Ciel, mon mari !
Après les traditions et la religion
arrive le mari, troisième obstacle
désigné. Il est renversant de
constater que les mâles sont plus de
la moitié à s’auto-ériger en frein à la
liberté (53,5%). Quant aux femmes,
elles sont 49% à considérer leur
conjoint comme un étouffoir.
Condescendance des hommes ou
résignation des femmes ?
En quatrième position vient la loi.
Après les trois sacralités, 24% des
Marocains se hérissent timidement
contre la contrainte des lois. Peutêtre en raison d'une absence de
confiance dans le corps législatif
ou de sa méconnaissance ? Le
score est identique entre les
diplômés, les actifs et les autres.
Le frère représente quant à lui le
dernier obstacle à la liberté des
femmes. 17,5% des urbains le
considèrent comme un frein. Mais
le frère n’est-il pas le mari d’une
autre ? w
« Les mâles sont plus de la
moitié à s’auto-ériger en frein
à la liberté. »
numéro 12 novembre 2012
6
avis d'expert
Les principaux obstacles
à la liberté des femmes
1 Les traditions
68 %
63 %
2 La religion
51,5%
55,5%
3 Le mari
49,5%
53,5%
4 Le père
40%
43,5%
Asma Lamrabet
Médecin, chercheuse et écrivain.
Séparer religion
et traditions
Les traditions et la religion
apparaissent comme les premiers
obstacles aux libertés des femmes.
Qu’en pensez-vous ?
L’obstacle aux libertés des femmes n’est
pas la religion en elle-même, mais bien
les traditions culturelles, influencées par
une interprétation erronée de la religion.
Il faudrait faire la part des choses entre
religion et spiritualité. Notre problème
actuel, c’est qu’il y a eu confusion entre ces
deux registres. L’obstacle aux libertés des
femmes, c’est une certaine compréhension
du religieux (traditions et normes culturelles)
transmise par des interprétations humaines
qui sont restées discriminatoires et
dévalorisantes pour les femmes. Tandis que
le message spirituel de l’islam (le Coran
et ses valeurs universelles) est porteur
d’un message libérateur, pour les femmes
comme pour les hommes.
Qu’en est-il de la liberté de la femme
dans sa famille ?
Évidemment, sous l’influence de traditions
religieuses interprétées de façon misogyne,
les femmes sont les premières victimes de
cette discrimination au sein de leur famille et
de leur foyer. La mentalité patriarcale valorise
l’homme, le frère et le fils aux dépens de
la fille, de la femme et de la sœur. Cela
est alimenté par un discours religieux qui
donne la suprématie aux hommes et incite
les femmes à se soumettre à leurs lois. Le
message spirituel de l’islam a instauré une
véritable culture de l’égalité que des siècles
d’interprétation masculine ont marginalisé.
Le prophète de l’islam a énoncé un hadith
fondamental que les musulmans oublient :
« les femmes sont les égales (chakaikous)
des hommes ». La participation des femmes
dans les réformes sociétales est impérative
si elles veulent que la discrimination dont
elles ont souffert ne soit pas transmise aux
générations féminines à venir. ■
5 Les lois
24,5%
24%
6 Le frère
18%
17%
% des sondés qui citent l’obstacle correspondant
(hommes et femmes 18-64 ans pris séparément Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Les
traditions,
frein N° 1
% des sondés qui citent
le poids des traditions
comme obstacle N° 1 à
la liberté des femmes
(hommes et femmes
18-64 ans confondus –
pour chacune des 7
grandes agglomérations).
Moyenne 7 grandes
agglomérations : 65%.
Tanger/Tetouan
Rabat/Salé
Casablanca
76,5%
Marrakech
Agadir
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
numéro 12 novembre 2012
67%
Nador/Oujda
43%
65,5%
75,5%
76%
61%
Meknès/Fès
Baromètre
2
des libertés
Ils le vivent
Kawtar, 30 ans
Des lois
phallocrates
« Je suis fille unique et mon père
est malade. Ma famille paternelle
rode en vautours autour de ses
biens. Si j’avais eu un frère, ils
n’auraient pas eu le moindre
sou : la loi restreint l’héritage
à la première souche familiale
lorsque celle-ci possède un
fils. Femme dans une société
patriarcale, je suis dépourvue de
droits. Quelle loi divine donne le
droit aux hommes de me prendre
ce qui me revient de droit ?
Nous sommes dans un pays
d’hommes, pour les hommes
et par les hommes. Même la
loi est phallocrate. Quand se
rendra-t-on compte que les
femmes travaillent autant que
les hommes ? Lorsqu’on est
femme, on se marie, on enfante
et on ferme sa g... . Entre-temps,
je remercie ma patrie de me
dépouiller. » w
le regard de…
ABDELLAH TAÏA, romancier
« Ceux qui nous gouvernent nous
empêchent de nous libérer »
Quels sont, au Maroc, les
obstacles majeurs à la liberté
des femmes ?
Pour moi, ce sont d’abord ceux qui
nous gouvernent qui nous empêchent
tous, femmes et hommes (et surtout
les femmes), de nous libérer. On
nous impose depuis très longtemps
des visions officielles, stériles, des
traditions et des religions. On ne
cesse de nous répéter que nous ne
nous appartenons pas.
Le Maroc est-il un pays de lois
par et pour les hommes ?
Au Maroc, il n’y a pas de lois pour
garantir les libertés individuelles. C’est
triste. Grave. Dangereux. Jusqu’à
quand va-t-on mépriser le Marocain ?
Jusqu’à quand ? Pourquoi ceux qui se
battent pour installer des idées libres,
pour tous, ne sont pas soutenus,
protégés, aidés ? Le Mouvement
du 20 février par exemple. C’est
affligeant à quel point on est en train
de le marginaliser, de le discréditer,
alors que ses militants ont provoqué
le choc politique et identitaire le plus
important dans l’Histoire moderne du
Maroc de ces 50 dernières années.
autres femmes. Il y a chez nous un
mépris pour le travail extraordinaire
accompli quotidiennement par
les femmes, dans tous les milieux
sociaux. On ne veut toujours pas le
voir et, du même coup, reconnaître
réellement les femmes au Maroc.
Elles n’existent pas vraiment comme
elles le méritent.
Dans votre livre « Infidèles »,
vous traitez de la femme
marocaine et de l’atteinte à sa
liberté. Comment vivez-vous
cette oppression ?
C’est étouffant, scandaleux, ce qu’on
fait aux femmes au Maroc. Cela
m’enrage. Me fait pleurer. Il y a chez
nous beaucoup de vitrines pour
présenter les femmes soi-disant
libres. Et, au passage, on oublie les
Ce manque de liberté expliquet-il votre choix d'avoir quitté le
Maroc ?
Devenir adulte, c’est quitter le milieu
familial. Grandir sans le regard
castrateur des proches. Je viens d’un
milieu pauvre. Je suis homosexuel. Et
j’avais des rêves de films. Personne
n’a rien fait pour m’aider. Je me suis
aidé moi-même. Je suis parti. C’est
mon droit. w
numéro 12 novembre 2012
6
Baromètre
des libertés
atteintes aux libertés
Nos sorties
de secours
Que sommes-nous prêtes à faire lorsque nos
libertés sont mises à mal ? Le Baromètre des
libertés classe les recours privilégiés des femmes.
PAR hasna chaabi - illustration : nathalie logié-manche
F
ace aux atteintes à nos
libertés, la voie officielle
serait la plus massivement
choisie. Près de la moitié des
femmes interrogées (43%) feraient
de la plainte leur premier recours.
Mais des différences existent
entre régions. Sept femmes sur
dix franchiraient les portes du
commissariat à Tanger-Tétouan,
Agadir et Marrakech. À Rabat,
Fès-Meknès et Oujda-Nador,
elles seraient seulement deux sur
dix. Faut-il y voir une moindre
confiance dans l’autorité ? L’enquête
ne le dit pas, tout comme elle ne
mesure pas le taux d’aboutissement
des plaintes déposées.
Loin derrière la plainte vient le cri
de colère partagé sur les réseaux
sociaux (15%). Sans surprise, les
18-34 ans recourraient d’avantage
à cette solution (entre 17 et 18%).
Même chose pour les catégories
socioprofessionnelles les plus aisées.
Oujda-Nador et Rabat-Salé seraient
les 2 capitales de la protestation sur
la toile (environ 23% des femmes
interrogées). L’appel au soutien
des associations apparaît en 3e
position (12,5% en moyenne). Les
ONG auraient surtout la confiance
des Casablancaises (19,5%). Pris
ensemble, réseaux sociaux et
associations montrent l’importance
des canaux de la société civile.
Les politiques à la traîne
L’intermédiation des médias
traditionnels n’apparaît pas comme
une voie de recours très prisée par
les femmes (10,2%). Faut-il y lire
un doute sur l’indépendance des
journaux, radios et télévisions,
ou simplement un manque de
proximité ? La question reste
ouverte. Le recours à l’action des
partis politiques est encore moins
bien coté (5,3%), même si Rabat
fait exception (17,8%). Certains
y verront la présence dans la
capitale d’une population plus
proche des instances partisanes.
Enfin, celles qui donnent priorité
à la manifestation de rue sont
très minoritaires (3,8%). Les
plus manifestantes habiteraient
Rabat-Salé (9,6%), Fès-Meknès et
Oujda-Nador. Elles seraient moins
d’1% à Casa, Marrakech et Agadir.
Les groupes les plus favorisés et les
universitaires sont aussi les moins
disposés à occuper la rue (2,5%).
On terminera par la part des
fatalistes (10 % en moyenne). Elles
sont 3 sur 10 chez les 25-54 ans. Si
ces femmes se déclarent prêtes à
ne rien faire, c’est parce que, pour
elles, le mal est déjà fait ! ■
« Près de la moitié des femmes
interrogées feraient de la
plainte leur premier recours. »
numéro 12 novembre 2012
Baromètre
4
des libertés
Les recours qui ont la
préférence des femmes
avis d'expert
43 %
1 Déposer plainte
2 En parler sur les réseaux
sociaux
15 %
3 Intervenir auprès des
associations
4 Avertir les médias
10 %
5 Ne rien faire
10 %
6 En parler aux partis politiques
Fatna Sarehane, Juriste
définir la liberté
légale
« Les chiffres sont éloquents. 43% des
interrogées se déclarent prêtes à porter
plainte. De telles attitudes révèlent une
prise de conscience de ses droits
par cette partie de la population. Elles
montrent aussi que la protection de ces
droits doit passer nécessairement par un
recours à la justice. En effet, la liberté, au
sens large, est l’un des droits fondamentaux auquel la Constitution consacre pas
moins de 11 articles sur 180, en plus du
préambule. C’est dire l’importance de
la liberté dans la vie des citoyens et la
nécessité de sanctionner toute atteinte.
Mais le recours à la justice pose le
problème de la définition de cette liberté
et des conditions de la recevabilité de
l’action.
Si l’on entend par « libertés des femmes »
la jouissance, par cette catégorie de
citoyennes, des droits fondamentaux,
toute atteinte ouvre le droit à une action
en justice garantie par la Constitution
(article 117). On fait référence dans ce
cas à la liberté d’accéder aux espaces
ouverts au public, à certains services
(hôtels, magasins), de circuler (notamment de voyager), de s’établir dans la
ville et le quartier de son choix, et au droit
à la protection de l’intégrité physique
et morale, à la santé, à l’éducation, à la
justice… La personne lésée peut alors
porter plainte contre une personne
non investie de l’autorité publique, si la
victime connaît son identité, ou contre
X (article 93 du Code pénal). Elle peut
aussi porter plainte contre un fonctionnaire pour abus d’autorité, lorsqu’il aurait
ordonné « ou fait quelque acte arbitraire,
attentatoire soit à la liberté individuelle,
soit aux droits civiques d’un ou plusieurs
citoyens » (article 225 du Code). L’aboutissement de la plainte reste tributaire des
preuves avancées par la victime. » ■
12,5 %
7 Organiser une manifestation
5,5 %
4%
% des femmes sondées qui sont d'accord avec chaque affirmation
(femmes 18-64 ans - Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Le regard de…
Latefa Ahrrare
« Refuser la
tutelle des
mœurs »
« Une femme libre est une femme
qui choisit ses orientations
culturelles, intellectuelles, son
mode de vie. Elle peut être
célibataire, puis se marier de son
plein gré et pas par obligation.
Elle doit être indépendante
dans ses déplacements ou son
choix vestimentaire. Il m'est
arrivé d'être menacée dans mes
libertés en tant qu'artiste. Il faut
refuser la tutelle des mœurs
sous laquelle on tente de nous
placer. Je me défends contre
tout obstacle, quitte à porter
plainte. Je revendique mon
droit de femme citoyenne et
créatrice. » ■
numéro 12 novembre 2012
La plainte,
recours préféré
des femmes
% des femmes sondées pour lesquelles
la plainte constitue le recours préféré
(femmes 18-64 - pour chacune des 7
grandes agglomérations).
Moyenne 7 grandes agglomérations :
43%.
6
Tanger/Tetouan
72%
14,5%
Nador/ Oujda
Rabat/Salé
16,5%
48,5%
Casablanca
20%
Meknès/Fès
73,1%
70%
Marrakech
Agadir
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Dans les faits, très peu de plaintes, pour harcèlement par exemple, sont
déposées dans nos commissariats, sans parler de plaintes pour des actes
plus graves comme le viol. Le score global (43%) et le classement de la
plainte en 1er recours, indiquent clairement une volonté, plus latente que
manifeste, de faire confiance à la justice.
Ils le vivent
Meriem, 28 ans
Sous surveillance
« Tout dépend de ce qu’on entend par
« menacée ». Si c’est par des actes
verbaux, il est facile de se défendre.
En revanche, quand il s’agit d’actes
violents, je ne peux que remercier
Dieu qu’il ne me soit rien arrivé.
Porter plainte ne servira à rien car
il n’y a jamais de suite. Les gens ne
prennent pas ta défense dans la
rue et ne se manifestent qu’après
coup, quand l’agresseur est déjà loin.
L’idéal serait de mettre en place des
caméras de surveillance, comme
dans les pays où on a peur pour sa
fille, sa femme et sa maman. » ■
Loubna, 40 ans
SARA, 32 ans
Porter plainte
contre qui?
Pas dans la rue
le soir
« Je ne me sens pas tout à fait libre
en tant que femme. J’essaie de
faire en sorte de le devenir, mais
nous restons soumises au regard
d’autrui et aux normes sociales. J’ai
malheureusement l’impression
que dans notre « plus beau pays du
monde », la femme s’excuse encore
d’exister. Dans ces conditions, si
effectivement, le peu de liberté dont je
jouis aujourd’hui se trouvait menacé,
je pense que je porterais plainte. Mais
contre qui ? Contre quoi ? C’est tout un
système qu’il faut dénoncer. » ■
numéro 12 novembre 2012
« Aujourd’hui, et surtout à
Casablanca, on ne peut plus
marcher sans qu’on nous malmène
physiquement ou verbalement.
Il y a quelques années, je me
suis faite agresser à un guichet
bancaire. Morte de peur, je me suis
automatiquement dirigée vers un
commissariat pour déposer plainte.
Je me rappellerais toujours de la
façon dont m’a parlé le policier :
« Qu’est-ce qu’une jeune fille fait au
guichet à 21 heures ? ». Il n’y a bien
sûr pas eu de suite. Depuis, j’ai peur
de faire mes courses le soir. » ■
6
enquête
^
Baromètre
des libertés
Code de la Famille
le droit de
bien divorcer
Code de la Famille : pour les femmes, les
avancées porteraient surtout sur la garde des
enfants et les pensions alimentaires.
PAR nouhad fathi - illustration : nathalie logié-manche
L
es Marocaines sontelles pessimistes ou tout
simplement réalistes ?
D’après le Baromètre, elles sont
(un peu) moins nombreuses que
les hommes à penser que le Code
de la Famille a renforcé l’égalité
homme-femme (79% des femmes
contre 81% des hommes). Dans le
détail, les hommes, davantage que
les femmes, estiment que le Code a
renforcé la femme face au divorce
et au contrat de mariage. Mais les
femmes sont plus nombreuses à
penser que le Code les a aidées
pour la garde des enfants et la
pension alimentaire. On peut
imaginer pourquoi : les femmes
sont les premières à payer le prix
d’un divorce.
Les jeunes sont plus sceptiques
que leurs aînés quant à l’influence
du Code sur l’évolution de la
condition féminine. Quant aux
mariés, ils sont légèrement
plus satisfaits du Code que les
célibataires. Le pessimisme croît
avec le nombre d’enfants et décroît
avec le niveau d’instruction.
Davantage de lois ?
Seuls 40% des Marocains urbains
souhaitent davantage de lois
pour appuyer l’émancipation
des femmes. Les urbains du Sud
sont encore moins nombreux à le
vouloir. Dans l'ensemble, quand
les sondés demandent de nouvelles
lois, l’abolition de la polygamie et
l’égalité dans l’héritage arrivent
en tête de la feuille de route.
En revanche, ces hommes et
ces femmes ne pensent pas que
la dépénalisation des relations
sexuelles en dehors du mariage soit
une priorité.
Quand à l'influence du
gouvernement PJD sur l'égalité
homme-femme, 34% des sondés
estiment que le parti à la lampe
peut l'accélérer et 20% qu'il est au
contraire facteur d'inégalité. Ceux
qui expriment cette réserve sont
principalement concentrés sur
l’axe Casa-Rabat.
Près de la moitié des sondés
pensent que la présence d’un parti
islamiste est sans conséquence sur
cette égalité. Est-ce par optimisme,
par gage de confiance à l’égard
d’un parti qu’ils ont eux-mêmes
élu, ou par indifférence vis-à-vis
d’une classe politique à laquelle ils
ne croient plus ? ■
« Le Code de la Famille a aidé
les femmes pour la garde des
enfants. »
numéro 12 novembre 2012
Le Code de la Famille
accélérateur d’égalité F/H
1 Face au divorce
78,5 %
82 %
2 Face au contrat de mariage
76,5 %
79 %
3 Face au remariage
65,5 %
68 %
4 Face à la garde des enfants
52 %
58,5 %
5 Face à la pension alimentaire
41 %
48,5 %
% des sondés qui sont d'accord avec chaque proposition
(hommes et femmes 18-64 ans séparément - Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
Leurs prochaines conquêtes prioritaires
1 Interdire la polygamie
38 %
30,5 %
2 établir l’égalité des droits entre les
divorcés face au remariage et à la garde
des enfants
21 %
14,5 %
19 %
3 établir l’égalité face à l’héritage
28 %
4 Établir la parité dans les institutions
politiques
13 %
15 %
5 Dépénaliser les relations sexuelles en
dehors du mariage
9%
12 %
% des sondés, (pami ceux pour lesquels de nouvelles avancées législatives sont nécessaires aujourd’hui) qui citent en premier
l’objectif de progrès correspondant, (hommes et femmes 18-64 ans pris séparément - Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
numéro 12 novembre 2012
Baromètre
8
des libertés
Tanger/Tetouan
11%
Nador/ Oujda
Rabat/Salé
Elles et ils
veulent abolir
la polygamie
% des sondés qui
considèrent que l’abolition
de la polygamie est le 1er
objectif (hommes et femmes
18-64 confondus - pour
chacune des 7 grandes
agglomérations).
Moyenne 7 grandes
agglomérations : 34,5%.
67%
16%
32,5%
Casablanca
20,5%
Meknès/Fès
58%
75%
Marrakech
Agadir
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
avis d'expert
Soumaya Naâmane
Guessous, sociologue
La femme reste
en danger
« L’écrasante majorité des Marocains n’a
pas lu le nouveau Code de la Famille, car
il n’y a pas eu réellement de communication à son sujet. Si les sondés pensent
qu’il a rendu les hommes et les femmes
égaux, c’est excellent. Cela dit, seules
des personnes qui ont été effectivement
confrontées aux lois peuvent juger de
la difficulté de l’application du nouveau
Code.
En ce qui concerne l’abolition de la
polygamie, il y a moins d’1% de foyers
polygames. Ce n’est donc pas un
phénomène social. Mais cela reste
une épée de Damoclès sur la tête de
chaque épouse. C’est quand l’épouse
est face à la volonté du mari de se
remarier que la question devient une
priorité pour elle et sa famille. Ce n’est
que quand elles sont directement
concernées qu’elles se sentent scandalisées et pensent à leurs droits.
Les Marocains ne placent pas en
tête la revendication de l’égalité dans
l’héritage et c’est une grande erreur.
Quand on parle d’héritage, on pense
tout de suite que c’est une affaire de
riches, que dans ce cas, on arrive
toujours à se défendre et qu’il reste
toujours quelque chose, même quand
on est une femme lésée. Les gens ne
connaissent pas les procédures de partage de l’héritage. Ils seront choqués
le jour où ils vivront la situation. Nous
sommes dans le cadre de la protection
numéro 12 novembre 2012
de la femme et des familles. Si la
majorité des Marocains ne le comprennent pas, c’est déplorable. C'est
quand une veuve et ses filles sont
obligées de quitter leur domicile ou
leur lopin de terre pour donner la part
de l’héritage à la famille du défunt,
qu'elles comprennent. On dit que
c’est Dieu qui octroie les parts, mais
Dieu n’a jamais dit qu’il faut dépouiller
les veuves et les orphelines, bien au
contraire.
De manière générale, la majorité des
sondés trouvent que les Marocaines
sont plutôt libres. Ils ne se rendent
pas compte qu’il y a encore un vrai
danger pour la liberté des femmes.
Ne serait-ce qu’en l’absence de
position ferme quant au mariage
d’une mineure avec son violeur.
C’est un signe qui devrait inquiéter
toute la population, pas seulement
les femmes. Le fait que les militants,
grâce auxquels les Marocaines ont
pu acquérir des droits, ne soient pas
en phase avec la seule femme au
gouvernement, constitue aussi une
sonnette d’alarme. » ■
6
Le regard de…
Wahid tajani
Khansa Batma, chanteuse
Ils le vivent
Sanae, 35 ans
apprendre le
respect
la réussite sociale comme morale
Pensez-vous que les femmes
artistes ont fait évoluer la liberté
des femmes ?
L’image de la chanteuse au Maroc a
considérablement changé depuis une
quarantaine d’années. À l’époque, celles
qui pratiquaient ce métier étaient vues
comme des femmes de mœurs légères.
La majorité des chanteuses coupaient
tout lien avec leur famille. Elles symbolisaient le déshonneur en transgressant les
us et coutumes d’une société traditionnelle. Celles qui ont bousculé leurs vies
par amour de la musique ont contribué à
l’évolution des mœurs.
Qu'est-ce qui a le plus transformé,
selon vous, le statut de la femme ?
Je parlerais de mutation sociétale subie.
En Occident, les deux guerres du siècle
dernier ont permis d’ajouter au statut
de femme mère celui de citoyenne qui
contribue au développement du pays
en dehors de la cellule familiale. Cela
nous prouve que la morale peut être
ébranlée par l'économique. C’est aussi
le cas au Maroc. Les hommes acceptent
la monogamie parce que la polygamie
n’est plus un modèle pratique. Évoluer
dans un monde matérialiste ne permet
plus aux hommes de prendre en charge
plusieurs foyers.
Quels obstacles nuisent encore
aujourd'hui à votre liberté ?
Ceux qui nuisent à mon évolution
artistique, et qui sont pour la majorité
d’ordre moral, s’évaporent du moment
que je gagne bien ma vie. Mon autonomie économique de femme marocaine
n’est plus un problème mais une solution.
Je ne suis plus un renégat, une fille de
mauvaises mœurs, mais un exemple à
suivre. Beaucoup de parents aimeraient
voir leurs filles participer à des émissions
de téléréalité musicale, acquérir succès
et biens. La nouvelle morale, c’est la
réussite sociale. ■
numéro 12 novembre 2012
« Je suis célibataire. Quand
une de mes connaissances est
impliquée dans une procédure
de divorce, ça ne me donne pas
tellement envie de me marier.
Ça traîne jusqu’à ce que la
femme abandonne ses droits
pour en finir et passer à autre
chose. Dans la majorité des
cas, le juge est un homme et il
lui donne très souvent raison.
Je suis pour l’égalité dans
l’héritage. Plus rien ne justifie
le fait qu’un homme hérite le
double de la part d’une femme.
En revanche, la polygamie ne
me dérange pas, du moment
que l’époux traite chaque
épouse de manière équitable.
J’avoue que ça me dérangerait
d’être sa première épouse et
de le voir en ramener une autre
à la maison. C’est la nature
féminine. Je pourrais très bien
être la seconde, mais jamais la
première. Je ne supporterais pas
d’être remplacée. Ce qu’il reste
encore à faire pour renforcer
l’égalité homme/femme, c’est à
mon avis l’éducation : apprendre
le respect aux petits écoliers.
Pour les adultes, c’est une cause
perdue. » ■
0
enquête
^
Baromètre
des libertés
Militantes
Un triomphe
sans gloire
Elles luttent sans relâche pour protéger les
libertés des femmes. Le Baromètre révèle que les
Marocains plébiscitent largement leur action.
PAR Charlotte hennebicque - illustration et photos : nathalie logié-manche et D.R.
B
onne surprise ! Le regard
que portent les Marocains
sur l’action militante s’avère
très positif. Un chiffre le résume : 7
sondés sur 10, hommes et femmes
confondus, voient l’action militante
d’un bon œil, tandis que 6 sur 10
en reconnaissent l’utilité pour les
femmes. Une belle récompense
pour des associations qui luttent
dans des conditions difficiles et
sans véritable aide financière.
Longtemps mal vues et diabolisées
par une frange rétrograde de la
société, ces militantes ont pu
compter, à partir des années 2000,
sur le soutien indéfectible du Roi,
qui a conduit à la promulgation du
Code de la Famille en 2004. C’est
sans doute dans ce soutien qu’il
faut chercher l’origine de cette
évolution positive du regard sur
l’action militante.
Pour autant, hommes et femmes ne
soutiennent pas cette action avec
le même enthousiasme. C'est sur
la question des militantes que la
différence homme-femme est la
plus marquée.
Les femmes solidaires
entre elles
Les Marocaines plébiscitent
bien plus massivement l’action
militante que leurs frères, fils,
pères ou époux. Près de 20 points
séparent en moyenne les résultats
masculins des pourcentages
féminins. Quand 82% des femmes
pensent que les militantes méritent
d’être soutenues et 7 sur 10 qu’elles
sont utiles, seuls 66% et 51% des
hommes vont dans le même sens.
Plus encore, le comportement des
actrices de la société civile à valeur
d’exemple pour les Marocaines. Les
chiffres sont sans équivoque. Une
majorité écrasante des femmes
(86%) sont ainsi convaincues que
les militantes les aident à faire
de bons choix (contre 70,5% des
hommes), et 79% qu’elles sont
une source d’inspiration (contre
56% des hommes).
Autre révélation de taille :
les femmes non scolarisées
plébiscitent bien plus
massivement les militantes (plus
de 80%) que celles passées sur
les bancs de l’école ou de la fac
(68%). Cela peut sembler aller
de soi : les associations viennent
prioritairement en aide aux
plus démunies socialement.
Logiquement, ces dernières
sollicitent davantage leur soutien,
connaissent plus volontiers leur
existence et reconnaissent leur
utilité. ■
Hommes et femmes ne
soutiennent pas les militantes
avec le même enthousiasme.
numéro 12 novembre 2012
les bons points des militantes
1. Elle aident à faire de bons
choix
86,5%
70,5%
2. Elle méritent d’être
soutenues
le regard de…
82%
66%
3. Elles sont une source
d’inspiration
79%
56%
4. Elle sont utiles
70,5%
LIONEL CIRONNEAU
51%
% des sondés qui sont d'accord avec chaque affirmation
(hommes et femmes 18-64 ans pris séparément - Total 7 grandes agglomérations).
© Baromètre des libertés illi - DS Marketing 2012
avis d'expert
Najat Mjid
Fondatrice de Bayti, rapporteuse
spéciale auprès de l’ONU.
des citoyennes
à part entière
Comment réagissez-vous à ce
plébiscite ?
Il s’explique par le fait que ce combat est
le résultat d’un engagement de longue
haleine, porté par de nombreuses femmes
combattantes, qui se sont mobilisées
pendant de longues années sans céder aux
pressions. Un combat pour que toutes les
Marocaines, sans discrimination aucune,
puissent jouir pleinement de leurs droits. Un
combat qui a connu sa consécration par
l’avènement du Code de la famille et de la
nouvelle Constitution qui consacre la parité.
Par quoi expliquez-vous ce
changement de regard ?
Ce n'est pas un grand changement dans
le regard porté sur l’action des militantes. Il
Nabil Ayouch
y a toujours eu une frange de la société
qui a encouragé ce mouvement. Votre
sondage donne une plus grande visibilité
à ce regard.
Néanmoins, il ne faut pas négliger qu’une
partie de la société marocaine pense que
les droits des femmes sont une « création
occidentale » mise aux normes culturelles
et religieuses marocaines.
Pour autant, pourquoi les hommes
sont-ils plus réservés ?
Ce n’est pas étonnant. Les femmes étant
les plus concernées, elles ne peuvent
qu’apprécier et encourager un mouvement
qui vise à les considérer comme des
citoyennes à part entière, qui lutte contre
la discrimination genre et qui promeut et
protège leurs droits. En revanche, certains
hommes voient l’égalité hommes-femmes
comme un risque pour leur actuel statut,
leur liberté.
Comment interprétez-vous le
plébiscite massif des femmes non
scolarisées et des femmes plutôt
inactives par rapport aux autres ?
Ces femmes sont souvent les plus lésées
en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi.
La parité, la lutte contre les discriminations
liées au genre, l’égalité des chances et
des opportunités, leur permettront de
pouvoir accéder, au même titre que les
hommes, à l’éducation, à la formation, à
l’emploi. Elles ne se sentiront plus comme
des catégories marginalisées et exploitées
mais pourront revendiquer leur pleine
citoyenneté. ■
numéro 12 novembre 2012
Cinéaste
le Maroc est engagé
« Ce plébiscite est une bonne
nouvelle, mais je ne suis
pas surpris. La société civile
marocaine a toujours été très
engagée, et même à la pointe du
combat pour les droits. Le Maroc
est le seul pays de la région, avec
la Tunisie, à avoir toujours mené
un vrai combat associatif pour
la conquête et la préservation
des acquis, même dans les
catégories les plus privilégiées,
contrairement à des pays comme
l’Algérie ou le Liban. Évidemment,
le combat féministe n’a pas
commencé ici. Mais je ne vois
rien de mal à ce qu’il soit pour
partie importé. J’estime que nous
avons hérité de suffisamment de
mauvaises choses de l’Occident
pour que nous acceptions de
nous laisser influencer par ce
qu’il a de bon.
Je ne suis pas d’accord avec les
discours qui véhiculent l’image
d’une jeunesse exclusivement
conservatrice. Je crois que
malgré cela, elle est sensible à
des combats aussi importants
que le droit des femmes. Une
société persuadée qu’elle peut se
passer de la femme, marche sur
une jambe. Malgré les forces qui
nous tirent en arrière, la société
marocaine est sensible à ces
questions. Il est louable que votre
sondage mette cette réalité en
valeur. » ■
enquête
^
Baromètre
des libertés
Tour du maroc
des libertés
Qu'elles soient perçues comme acquises ou à
acquérir, les libertés évoquées par les Marocaines
dans le Baromètre traduisent une conception des
droits de la femme en 2012. Ces profils régionaux
résument les lignes de force de notre enquête.
L’Gadiryates
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
être célibataire
Gagner sa vie
Ne pas s’occuper du regard des autres
Les droits qui leurs tiennent le plus à coeur :
Accéder à l'école
Disposer de son corps
Circuler sans entrave
2
Leurs recours face aux inégalités :
Déposer plainte
Ne rien faire, parce que le mal est fait
Intervenir auprès des associations
Elles en veulent plus :
Faire interdire la polygamie
numéro 12 novembre 2012
L’Marrakchyates
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
être célibataire
Gagner sa vie
Ne pas s’occuper du regard des autres
Les droits qui leurs tiennent le plus à coeur :
Accéder à l'école
Disposer de son corps
Planifier ses grossesses
Leurs recours face aux inégalités :
Déposer plainte
Ne rien faire, parce que le mal est fait
Intervenir auprès des associations
Elles en veulent plus :
Faire interdire la polygamie
Oujda-Nador
Rabat
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
Gagner sa vie
Ne pas s’occuper du regard des autres
Ne pas être contrôlées par un homme
Les droits qui leurs tiennent le plus à coeur :
Planifier ses grossesses
Accéder à l'école
Circuler sans entrave
Leurs recours face aux inégalités :
En parler sur les réseaux sociaux
Alerter les médias
Ne rien faire, parce que le mal est fait
Elles en veulent plus :
Établir l'égalité des droits entre l'homme divorcé et la femme divorcée face aux enfants
Casablanca
Meknès-Fès
Marrakech
Agadir
Rbatyates
et Slaouiyates
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
•Ne pas s’encombrer du regard des autres
•Gagner sa vie
•Ne pas être contrôlée par un homme
Les droits qui leur tiennent le plus à coeur :
•Accéder à l'école
•Mener une carrière professionnelle
•Circuler sans entrave
Leurs recours contre les inégalités :
•En parler sur les réseaux sociaux
•Alerter les médias
•En parler aux partis politiques
Elles en veulent plus :
•établir l'égalité homme-femme
face à l'héritage
L’Fassyates
et l’Meknassyates
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
Gagner sa vie
Ne pas s’occuper du regard des autres
Ne pas être contrôlée par un homme
Les droits qui leurs tiennent le plus à coeur :
Accéder à l'école
Mener une carrière professionnelle
Planifier ses grossesses
Leurs recours face aux inégalités :
Déposer plainte
Ne rien faire parce que le mal est fait
En parler sur les réseaux sociaux
Elles en veulent plus :
Établir l'égalité homme-femme face à l'héritage
Tanjawyates
et Tétouanyates
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
Gagner sa vie
Être célibataire
Ne pas s’encombrer du regard des autres
Les droits qui leurs tiennent le plus à coeur :
Accéder à l'école
Disposer de son corps
Circuler sans entrave
Leurs recours face aux inégalités :
Déposer plainte
Intervenir auprès des associations
En parler sur les réseaux sociaux
Elles en veulent plus :
Faire interdire la polygamie
L’Oujdyates
et Nadoryates
7
Tanger-Tetouan
L’Casawyates
Ce qui fait d’elles des femmes libres :
Gagner sa vie
Vivre sans s’encombrer du regard des autres
être célibataire
Les droits qui leur tiennent le plus à coeur :
Accéder à l'école
Mener une carrière professionnelle
Planifier ses grossesses
Leurs recours contre les inégalités :
Déposer plainte
En parler sur les réseaux sociaux
Intervenir auprès des associations
Elles en veulent plus :
Faire interdire la polygamie
numéro 12 novembre 2012

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