temporalité de l`écriture et rôle du texte produit dans l`activité

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temporalité de l`écriture et rôle du texte produit dans l`activité
TEMPORALITÉ DE L'ÉCRITURE ET RÔLE DU TEXTE PRODUIT DANS
L'ACTIVITÉ RÉDACTIONNELLE
Sylvie Plane et al.
Armand Colin | Langages
2010/1 - n° 177
pages 7 à 28
ISSN 0458-726X
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-langages-2010-1-page-7.htm
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Plane Sylvie et al., « Temporalité de l'écriture et rôle du texte produit dans l'activité rédactionnelle » ,
Langages, 2010/1 n° 177, p. 7-28. DOI : 10.3917/lang.177.0007
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Sylvie Plane
Université Paris IV-Sorbonne / IUFM de Paris, MoDyCo (UMR 7114 CNRS) – GDR 2657
Denis Alamargot
Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage (UMR 6234 CNRS & Université
de Poitiers) – GDR 2657
Jean-Louis Lebrave
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Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit
dans l’activité rédactionnelle
Parmi les contraintes que le rédacteur doit gérer au cours de la production de
texte, il en est une qui peut paraître paradoxale, puisqu’il s’agit de celle exercée
par le texte déjà produit sur le texte à venir. Il s’agit d’un phénomène biface qui
peut s’analyser à la fois du point de vue des processus cognitifs mis en œuvre et
du point de vue des mécanismes linguistiques impliqués dans la génération du
texte. C’est pourquoi nous expliciterons les raisons pour lesquelles des approches
croisées nous paraissent nécessaires pour étudier ce phénomène et présenterons
à cette occasion les perspectives théoriques et méthodologiques offertes. C’est
également un phénomène qui ne peut s’interpréter que si l’on prend en compte
la temporalité complexe de l’activité rédactionnelle. Il s’agira donc également
de circonscrire les différentes « strates » temporelles de l’activité rédactionnelle,
en montrant en quoi les différents processus se déroulent dans des temporalités
différentes. Cela permettra de comprendre comment le texte déjà produit et le
texte à venir peuvent interagir, voire parfois interférer l’un avec l’autre. Ce cadre
nous conduira à (i) examiner les modes d’interactions entre le texte produit et
le texte à venir et (ii) analyser comment le dispositif d’analyse en temps réel de
l’écriture « Eye and Pen » (Alamargot, Chesnet, Dansac & Ros 2006 ; Chesnet
& Alamargot 2005) peut permettre d’avancer dans la compréhension de cette
interaction.
1. QUESTIONS ÉPISTÉMOLOGIQUES : LA PRODUCTION DE TEXTE AU
CONFLUENT D’APPROCHES PLURIDISCIPLINAIRES
La production de texte est une activité langagière dont la description se heurte
à de nombreux obstacles qui tiennent non seulement à la complexité de l’objet, mais aussi à la difficulté de concilier les approches complémentaires qui
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Institut des Textes et Manuscrits Modernes (CNRS & École Normale Supérieure) –
GDR 2657
Traitement des contraintes de la production d’écrits
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La psychologie cognitive conçoit l’activité du rédacteur à travers trois notionsclés. (i) La notion d’activité proprement dite, la plus englobante, renvoie à un
système complexe incluant les dimensions graphomotrices, orthographiques,
rédactionnelles et conceptuelles de l’acte rédactionnel. (ii) La notion de processus
rédactionnels renvoie aux opérations mentales mises en œuvre par le rédacteur
pour transformer les représentations conceptuelles en une trace linguistique
inscrite. Enfin, (iii) la notion de capacité limitée de traitement suppose du rédacteur une gestion opportuniste des ressources cognitives allouées aux différents
processus durant la tâche. Cette dernière notion fournit un principe explicatif
général qui rend intelligible les différences de performances constatées selon
le niveau de développement des rédacteurs, leur familiarité avec le thème ou
avec le genre du texte, ou encore des états psychologiques ou physiologiques
particuliers (pathologies du langage, attrition, dégénérescence sénile, etc.). Étant
ainsi centrée sur l’activité, la psychologie cognitive de la rédaction met les outils
conceptuels issus de la linguistique (et en particulier les catégories empruntées
aux théories de l’énonciation et à la pragmatique) au service de l’analyse de
comportements langagiers observables. Elle relève donc d’un paradigme relativement unifié autour de quelques noyaux théoriques stabilisés. Il lui est donc
possible d’envisager à moyen terme une modélisation de l’activité rédactionnelle
et de procéder à des expérimentations contrôlées, reposant sur des méthodes
objectives de recueil et d’analyse du comportement.
La linguistique de l’écrit (mais on pourrait dire cela de la linguistique dans
son ensemble) constitue de son côté un ensemble plus foisonnant, moins unifié sur le plan théorique et qui ne cesse de s’interroger sur sa propre structure
conceptuelle. Deux points de divergence entre les travaux linguistiques s’intéressant à l’écriture méritent une attention particulière :
– l’orientation du regard porté sur l’écrit. Si l’accord se fait aisément entre les différentes approches autour d’une centration sur les données langagières (c’està-dire le texte ou l’avant-texte qui le précède), le point de vue adopté diffère
d’un domaine spécifique de recherche à l’autre. Seuls les travaux relevant du
domaine de l’acquisition, de la didactique et de la critique génétique cherchent
prioritairement à reconstituer le décours de la production (Plane 2003). Ceux
qui s’intéressent aux fonctionnements textuels proprement dits se situent
davantage dans une problématique de la réception, comme le montrent les
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en traitent. La psychologie cognitive s’intéresse à l’activité mentale du scripteur alors que la linguistique de l’écrit, avec deux de ses secteurs celui de la
linguistique textuelle et celui de la critique génétique, traite du produit langagier lui-même. Des liens organiques existent entre les deux disciplines car elles
convergent vers un même objectif : rendre compte à la fois d’un ensemble d’opérations langagières et de l’objet linguistique résultant de ces opérations. Cette
convergence ne peut toutefois empêcher que les modes d’approche et, pour
une part, les référents théoriques mobilisés soient sinon différents du moins
organisés de manière dissemblable.
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débats récurrents sur la distinction texte/discours ou sur la notion de contexte
(Achard-Bayle 2006).
– l’orientation de l’axe généralisation/particularisation. À côté de travaux linguistiques visant une modélisation, ceux qui relèvent de la critique génétique
rencontrent de grandes difficultés à dépasser la singularité de telle ou telle
écriture pour élaborer des types plus généraux. Ainsi par exemple, la proposition d’ordonner la description de la production en fonction de deux grands
modes – l’écriture à processus et l’écriture à programme (Hay 1979) – a été
relativisée, non parce qu’elle serait fausse, mais parce que ces deux modes
apparaissent rarement sous forme pure (Boie & Ferrer 1993 ; de Biasi 2000).
En outre, les corpus sur lesquels la critique génétique travaille sont des corpus
clos « figés » (le plus souvent par la mort de l’auteur, mais aussi bien par la
publication de l’œuvre correspondante) dans lesquels la trace est définitivement arrêtée. Il en résulte des conséquences d’ordre épistémologique : on voit
aisément comment l’entreprise de modélisation de la psychologie cognitive
se prête à l’élaboration de protocoles expérimentaux destinés à la mettre à
l’épreuve ; mais c’est beaucoup plus difficilement envisageable dans le cas des
avant-textes d’écrivains, soit tout simplement parce que ceux-ci sont morts,
soit parce que – vivants et célèbres – il n’est pas certain qu’ils se prêteraient
aisément à une expérimentation : imagine-t-on de demander à Claude Simon,
à Julien Gracq, à Marguerite Duras... d’écrire à la demande en se pliant aux
desiderata d’un expérimentateur ? C’est un point sur lequel nous reviendrons
plus loin (cf. pour une discussion, Alamargot & Lebrave 2009).
Cependant, les divergences au sein des approches linguistiques sont compensées par l’unité que leur confère le ralliement à des préoccupations largement
partagées :
– la plupart des études s’intéressent à repérer les traces des métissages dont le
texte produit est le résultat : métissage issu d’une intertextualité volontaire
ou irrépressible (Genette 1982), métissage analysé en termes de rapport dialogique avec du texte préalable appartenant à la culture (Bakthine 1979), ou
encore métissage né du dialogue interne des voix qui tressent le texte, révélé
par les variations énonciatives du texte ou décelé dans les manuscrits grâce
à l’examen des couches diachroniques d’écriture (Grésillon & Lebrave 1982 ;
Lebrave 1987 ; Authier-Revuz 1998 ; Fenoglio & Boucheron-Pétillon 2002 ;
Fenoglio 2005 ; Grésillon & Lebrave 2008) ;
– l’accès aux intentions du scripteur est problématisé. Du point de vue de la
sémiotique, les trois intentiones que décrit U. Eco (1990) constituent l’enjeu de
l’interprétation et relèvent d’un modèle qui questionne le texte en adoptant
l’angle d’attaque de la réception. Du point de vue de la génétique, il s’agit,
comme le souligne A. Grésillon (2002), de renoncer à la tentation de chercher
à reconstituer l’activité mentale pré-linguistique à l’origine de la mise en
texte, mais d’interroger les marques scripturales qui permettent de repérer les
interrogations et les évaluations du rédacteur sur sa propre production au fur
et à mesure qu’elle se déploie.
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Au-delà des divergences liées à leurs caractéristiques propres, les approches
psychologiques et linguistiques de la production de texte partagent un certain
nombre de points de ralliement :
– l’attraction : s’il est vrai que, dans son ensemble, la linguistique de l’écrit
choisit résolument de prendre comme observables les traces graphiques, il
n’en demeure pas moins que, pour les généticiens, celles-ci ne valent qu’en
tant qu’elles sont traces d’une activité langagière sous-jacente (Grésillon,
1994 : 15), ce qui les conduit vers le terrain des psychologues (Alamargot
& Lebrave 2009) ;
– la complémentarité : dans les approches linguistiques, l’accent est mis sur
les processus de formulation et de textualisation, lesquels constituent une
zone relativement encore peu explorée par les travaux de psychologie cognitive s’inspirant du modèle de J. R. Hayes et L. S. Flower (1980) (cf. néanmoins Fayol 1997, 1999, 2002 ; Berninger & Swanson 1994 ; Berninger, Whitaker, Feng, Swanson & Abbott 1996 ; Whitaker, Berninger, Johnston & Swanson 1994).
Nous allons donc mettre à profit cette possible convergence, considérant
que seule une étude conjointe du matériau verbal et de l’activité rédactionnelle
permet de rendre compte de la dynamique complexe de la production de texte.
2. LA DYNAMIQUE DE LA PRODUCTION DE TEXTE : STRATES
TEMPORELLES ET PROCESSUS MIS EN ŒUVRE DANS
L’ÉCRITURE
La production de texte relève d’une dynamique complexe issue de la confrontation entre deux mouvements qui s’opèrent conjointement : la mutation du texte
qui s’incrémente au fur et à mesure de sa scription et l’activité rédactionnelle
du scripteur. Les deux phénomènes sont interdépendants, mais ils s’inscrivent
dans des temporalités complexes qui ne sont pas exactement superposables
(Plane 2006). Nous proposons de distinguer différentes strates temporelles impliquées dans le processus de production de texte et de les répertorier comme
suit.
2.1. La temporalité de l’acte graphique : les effets de la matérialité de
l’écriture
Comme tout acte physique, le geste graphique connaît un déroulement forcément linéaire inscrit dans le temps. Outre la temporalité propre au geste graphique (cf. plus loin la temporalité de l’activité cognitive du rédacteur), le point
à prendre en compte est la superposition ou le décalage entre le geste graphique
et l’inscription de la trace. Ainsi, si le geste physique lui-même s’inscrit dans une
séquentialité ordonnée et irréversible, en revanche la trace matérielle de ce geste
peut se donner à lire dans un ordre différent de celui de sa production. Cette
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Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
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2.2. L’ordre de l’énoncé et la temporalité du contenu
sémantico-référentiel : la construction symbolique du temps
Le produit de l’écriture est un énoncé (appelé à devenir, sous sa forme aboutie,
un texte) donnant accès à un contenu sémantico-référentiel. Ce contenu se trouve
organisé en fonction à la fois de sa propre temporalité et d’une temporalité que
l’énoncé lui-même contribue à établir. Trois objets distincts, de nature différente,
entretiennent ainsi des rapports contrastés avec le temps :
– l’objet représenté, réel ou fictif – même s’il est achronique et inerte (s’il s’agit
par exemple d’un objet ou d’un paysage que le texte se propose de décrire) –
devient objet dynamique au sens de C. Peirce (1978) dès lors qu’il fait l’objet
d’un processus de sémiotisation puisque ce processus sélectionne et ordonne
ses propriétés. A fortiori, si l’objet représenté est un phénomène dynamique (un
événement, une procédure), il se trouve doublement soumis à la temporalité,
car son déroulement propre est, par essence, ordonné dans le temps, puis
soumis au processus de sémiotisation ;
– l’énoncé écrit se présente sous la forme d’une succession de segments linguistiques dont la trace matérielle s’offre linéairement à la lecture ;
– la représentation de l’objet élaborée par celui qui produit le texte tout en relisant
ce qu’il a produit. Cette représentation est évolutive puisqu’elle se complexifie
au fur et à mesure de la (re-)lecture, alors même que la substance linguistique
du texte lu n’est plus intégralement et fidèlement disponible dans la mémoire
du rédacteur-lecteur qui en a extrait et organisé les informations collectées
lors de son appropriation du texte.
En règle générale, la succession des informations données est donc contrainte
par des nécessités d’intelligibilité. Ainsi, dans un texte narratif ou dans un
texte injonctif, l’ordre des séquences correspond généralement à l’ordre des
événements narrés ou préconisés. Mais l’homologie entre l’ordre du texte et
l’ordre de son contenu référentiel est flexible car elle dépend du genre du
texte et des propriétés intrinsèques du contenu. Ainsi, les textes descriptifs
autorisent une permutabilité des segments d’énoncé, ce que ne permettent
guère les textes à caractère injonctif qui énumèrent les actions dans l’ordre dans
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dissociation entre l’ordre de la production et l’ordre du produit est d’amplitude
variable et porte sur des éléments de taille différente comme des segments linguistiques pleinement constitués (cas des opérations génétiques ou encore des
révisions, par lesquelles un scripteur revient au cours de l’activité d’écriture sur
du texte déjà produit), mais également des unités inférieures au caractère graphique. Par exemple, dans l’écriture manuscrite, il peut s’agir des diacritiques
graphiés a posteriori (mettre l’accent sur le « e » seulement à la fin de l’écriture
du mot). Dans l’écriture dactylographique, il peut s’agir de la décomposition
de la graphie imposée par l’existence de caractères bi-claves : la frappe de la
touche majuscule ou de la touche circonflexe doit être réalisée avant la frappe
de la touche du caractère (Anis 1995).
Traitement des contraintes de la production d’écrits
lequel elles doivent être effectuées. En outre, les textes narratifs eux-mêmes
procèdent à des prolepses ou des analepses et, de façon plus générale, rusent en
recourant à l’ensemble des procédés de dilatation, contraction ou de scansion de
la temporalité du narré bien décrits depuis G. Genette (1982). À un niveau plus
fin, l’organisation de la phrase française tolère parfaitement des discordances
entre l’ordre du narré et l’ordre du texte, comme le montre l’acceptabilité des
séquences suivantes :
Pierre est resté longtemps sur la plage et il a attrapé un coup de soleil.
Pierre a attrapé un coup de soleil à la suite d’une exposition prolongée sur
la plage.
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La possible coexistence de (1) et de (2) repose sur le fait que la nécessité
de restituer la succession des événements (ou plutôt de faire comme si on
restituait une succession d’événements) entre en concurrence avec les impératifs
de thématisation/topicalisation que peut se donner le scripteur. En revanche,
lorsque l’ordre du texte sert non pas seulement à guider le processus interprétatif,
mais également à piloter le comportement du lecteur, il est attendu que l’ordre
des opérations prescrites par le texte inhibe toute autre possibilité d’organisation.
La phrase (3) est un parfait exemple de violation de ces principes :
(3)
Ajoutez les blancs de poulets que vous aurez au préalable fait mariner
pendant deux heures.
Ainsi, alors qu’il vaut mieux commencer par faire mariner le poulet pendant
deux heures avant de se lancer dans la préparation de la recette, le texte présente
d’abord l’action consistant à ajouter les blancs de poulet, puis révèle qu’il aurait
fallu opérer une action à l’avance. Il y a ici un décalage temporel entre les deux
actions évoquées, et l’ordre dans lequel elles sont évoquées est contraire à l’ordre
de leur effectuation. Suivre la recette pas à pas conduit à un problème, sauf à
remonter dans le temps.
Du point de vue du scripteur, la succession des segments linguistiques
destinés à former le texte est donc pilotée à la fois par les contraintes linguistiques
qui régulent l’ordre des constituants dans la langue employée et par le souci de
programmer l’ordre dans lequel le lecteur effectuera la représentation mentale
du contenu du texte.
2.3. La question des limites temporelles de la production de texte
À quel moment commence l’activité rédactionnelle ? À quel moment s’achève-telle ? Pour le psychologue expérimentaliste, la part de l’activité rédactionnelle
accessible au chercheur a pour bornes les limites temporelles fixées par l’expérimentation : la production commence au moment où la tâche d’écriture est
prescrite et s’achève avec la remise du texte produit. Le spécialiste de génétique
textuelle, quant à lui, prend en considération d’autres bornes qui déterminent
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Cependant, malgré les divergences apparentes, le découpage temporel proposé par les psychologues et celui utilisé par les généticiens ont en commun
de se fonder sur des indices matériels, ce qui présente des avantages méthodologiques certains. Ils prennent en compte les uns et les autres le fait que la
production textuelle est une activité mentale dont les frontières ne coïncident
pas avec celles des actes physiques observables. Dans le cadre de la psychologie
cognitive, cette discordance est interrogée à l’occasion de l’analyse des pauses
en cours de scription (Foulin 1995 – cf. infra). Dans ce cadre, la borne marquant
le début de l’activité rédactionnelle mérite d’être remise en question car le rôle
capital accordé à la mémoire à long terme du scripteur amène à prendre en considération les acquis antérieurs à l’écriture. Dans le cadre de la génétique textuelle,
la question du début de l’écriture est thématisée, mais les frontières entre les
périodes concentriques sont labiles, tant il est difficile de formuler des règles
stables pour leur établissement. Outre le fait qu’elles dépendent de l’interprétation que fait le chercheur de la notion de texte et du processus de textualisation,
on doit tenir compte de ce qu’on peut toujours trouver un document inconnu
jusque-là qui oblige à reculer la date du début de l’écriture. On doit – et c’est
sans doute le point le plus important – garder à l’esprit que la gestation d’une
œuvre peut rester souterraine pendant des périodes plus ou moins longues au
cours desquelles elle ne laisse aucune trace. C’est par exemple l’hypothèse qu’on
est amené à formuler pour expliquer que nombre de brouillons de poèmes de
Heine commencent par plusieurs vers écrits d’un seul jet, sans aucune rature –
et continuent par un véritable chaos génétique de tentatives avortées et de réécritures. Il est plus que probable que Heine a d’abord composé mentalement les
premiers vers du poème avant de les noter sur le papier. En outre, il est fréquent
que les objets composites soumis à l’étude génétique – unités isolées, mais aussi
lambeaux de textes dont la forme développée est achevée – autorisent des interprétations divergentes, l’exemple extrême étant donné par les poèmes de Paul
Celan que des réécritures successives font paradoxalement progresser vers une
déconstruction du tissu textuel et la suppression délibérée de tout ce qui facilite
la lecture (Lefèbvre 1998).
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des zones temporelles concentriques plus étendues. A. Grésillon (1994) reconnaît
ainsi plusieurs types d’empans :
– les phases rédactionnelles, encore appelées phases de textualisation, au cours
desquelles s’opère la mise en place matérielle du texte sur son support ;
– les phases pré-rédactionnelles et les phases de mise au point qui entourent les
phases rédactionnelles et qui sont consacrées respectivement à l’inscription
de notes ou de listes et à des remaniements du manuscrit ou du tapuscrit une
fois le texte considéré comme achevé ;
– les campagnes d’écriture, qui sont des unités de temps séparées les unes des
autres par des interruptions.
Traitement des contraintes de la production d’écrits
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Étudiée depuis environ 25 ans par la psychologie cognitive, l’activité de production de texte est conçue comme une activité de résolution de problème supposant la gestion simultanée d’un ensemble de contraintes liées à la situation de
communication (visée pragmatique), au contenu à transmettre (organisation du
domaine), au code linguistique (maîtrise de la langue au niveau lexical, grammatical et textuel) et à l’exécution physique du message (maîtrise de la graphie, de
l’outil de production) – (Alamargot & Chanquoy 2001). En raison de cette multiplicité des contraintes, la rédaction est définie comme une activité complexe et
coûteuse sur le plan attentionnel. Parce que les ressources cognitives de l’être
humain sont limitées, les processus rédactionnels fortement contrôlés (comme
la planification, la révision et certains traitements relatifs à la formulation) sont
contraints de se dérouler de façon séquentielle (les uns après les autres), dans la
mesure où chacun peut requérir une large part de (voire toute) l’attention. Seuls
les processus ou traitements suffisamment automatisés (comme les traitements
graphomoteurs chez l’adulte) peuvent se dérouler parallèlement aux traitements
contrôlés dès lors qu’ils sont peu consommateurs en ressources (Chanquoy &
Alamargot 2002).
Pour la psychologie cognitive, plus particulièrement dans le cadre de la théorie capacitaire (McCutchen 1996), ce sont ces deux paramètres – capacité limitée
et niveau d’automatisation des traitements – qui déterminent la temporalité de
la production. Dans l’absolu, si la capacité le permettait, tous les traitements
rédactionnels pourraient être effectués en parallèle. La conséquence en serait
une écriture fluide, sans pause majeure (hormis les pauses liées aux contraintes
physique de l’écriture – retour à la ligne, espacement entre les mots), conduisant
à un texte fortement cohérent. Ce texte serait également établi sans révision a
posteriori dans la mesure où tous les traitements auraient pu être effectués en
interactivité au sein de la mémoire de travail. À l’extrême inverse, si chaque
processus mobilisait à tour de rôle toute l’attention disponible, le rythme de
production du rédacteur serait particulièrement segmenté, ponctué de pauses
d’écriture importantes et fréquentes, nécessaires au déroulement successif de
chacun des processus. Parce que l’ensemble des traitements ne pourrait être
articulé en mémoire de travail, la cohérence d’ensemble du texte serait limitée et
de nombreuses corrections après-coup caractériseraient le texte.
Considérer ces deux extrêmes permet de comprendre la dynamique de la
rédaction. Métaphoriquement, la temporalité « cognitive » de la rédaction peut
être conçue comme la résultante d’une dialectique permanente entre le nombre
de traitements parallèles (dont l’engagement est nécessaire à un moment donné
de la rédaction) et la capacité attentionnelle disponible à ce moment – cette
capacité étant dépendante de la consommation respective de ces mêmes processus (contrôlés vs automatisés). Le dépassement de la capacité conduit alors
à ralentir certains traitements – voire interrompre ces traitements – le temps
que d’autres traitements prioritaires s’effectuent. Parce que la rédaction est un
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2.4. La temporalité de l’activité cognitive du rédacteur
Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
problème ouvert et évolutif (avec l’avancée du texte, la nécessité de certains
processus varie (van den Bergh & Rijlaarsdam 1996)), les contraintes capacitaires
sont fluctuantes. Elles conduisent à moduler le décours de la rédaction en provoquant une variation observable de la vitesse d’écriture d’une part et la durée
des pauses d’écriture d’autre part (Chanquoy, Foulin & Fayol 1990).
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Le recours aux seuls indicateurs chronométriques ne suffit généralement pas
pour interpréter la dynamique rédactionnelle. Il est nécessaire d’associer aux
différents temps, les processus correspondants. Les protocoles verbaux (Hayes &
Flower 1983) peuvent être utilisés, de façon concomitante (Levy & Ransdell 1994)
ou différée (Kellogg 1987a) aux tâches secondaires, pour identifier les processus
sondés. Les différentes unités linguistiques du texte (paragraphes, phrases,
propositions grammaticales, mots) peuvent être considérées pour classifier les
pauses recueillies. Dans ce dernier cas, il est postulé qu’une pause avant un
paragraphe sera relativement longue du fait que le rédacteur doit planifier à
ce moment : le contenu du paragraphe, la première phrase de ce paragraphe,
l’orthographe des premiers mots de cette phrase, le programme moteur du
premier mot. À l’inverse, il est attendu qu’une pause au sein d’un mot soit
relativement courte car elle ne serait liée qu’à la réalisation graphomotrice
(Dansac & Alamargot 1999 ; Foulin 1995 ; Foulin & Fayol 1988).
Ce modèle hiérarchique d’interprétation des pauses est intéressant dans le
sens où il établit une relation entre le décours du traitement et le produit qui est
traité. Par le jeu des comparaisons entre les différentes localisations des pauses
(avant les différentes unités) en fonction de l’expertise des rédacteurs et/ou du
genre du texte, il est possible d’inférer le coût et la complexité des différents
processus. Comme le précisent toutefois D. Chesnet et D. Alamargot (2005), ce
modèle hiérarchique trouve ses limites dans le postulat de proximité qui le
sous-tend. En effet, le modèle suppose que la pause précédant une unité soit le
moment de traitement de cette unité.
Or, il est tout à fait concevable que ce moment puisse concerner une autre
unité située en amont (relecture, évaluation, révision du texte) ou en aval (anticipation de la fin du texte). De même, cette pause peut concerner des unités
différentes de celles attendues à cette localisation. Ainsi, comme le rapportent
D. Chesnet et D. Alamargot (op. cit.), une pause au sein d’un mot peut être particulièrement longue (plus de 80 secondes dans un protocole recueilli). Plus
encore, l’analyse de l’exploration visuelle du rédacteur au cours de cette pause
montre qu’il ne s’agit pas d’une simple contrainte de transcription, mais de l’engagement du rédacteur dans une réflexion plus large et dans des traitements
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Sur le plan expérimental, des travaux recourant à des indicateurs chronométriques ont été entrepris pour évaluer (i) l’allocation des ressources (techniques
de la double et triple tâche (Piolat, Olive, Roussey, Thunin & Ziegler 1999 ;
Olive 2004)) et (ii) la durée des pauses et débits (techniques d’analyse vidéo
(Chanquoy et al. 1990 ; Foulin & Fayol 1988)) et d’enregistrement par tablette à
digitaliser (Chesnet, Guillabert & Espéret 1994)).
Traitement des contraintes de la production d’écrits
contrôlés de plus hauts niveaux comme la (re-)lecture du texte en cours et la
consultation des éléments de la source documentaire à partir de laquelle le texte
est produit.
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On peut penser que le décalage reste faible pour les traitements de bas
niveaux comme ceux de la graphomotricité ou de certaines opérations orthographiques. Le rédacteur a intérêt à opérer rapidement et de façon concomitante à
la production certains traitements sous couvert de devoir maintenir longtemps
en mémoire de travail le produit. L’exécution des programmes moteurs, le calcul
ou la récupération des formes orthographiques lexicales, gagnent à être opérés
sur le champ. Des décalages ont été rapportés dans le cas de l’orthographe grammaticale qui implique parfois une distance et donc une temporalité plus longue
entre les unités concernées. D. Alamargot et al. (2006), en enregistrant les mouvements oculaires du rédacteur au cours de la production d’un texte procédural,
montrent que la correction d’un accord du participe passé peut être effectuée
en deux temps séparés : (i) la détection de l’erreur sur le mot « n » est effectuée
parallèlement à l’écriture d’un mot « n+5 » (saccades régressive sur le mot « n »
depuis le mot « n+5 ») alors que (ii) l’édition proprement dite de l’erreur repérée
(et probablement corrigée mentalement) est reportée dans le temps, jusqu’à la
fin de l’exécution du mot « n+5 ». Ce principe de traitement différé, ici mis en
évidence au niveau grammatical, semble pouvoir être étendu aux traitements
de plus haut niveau, notamment lorsqu’il s’agit de gérer les unités textuelles
(anaphores, cohésion) et d’élaborer le contenu du texte. Il est concevable que la
potentialité et l’empan de dissociation temporelle entre localisation physique et
traitement opéré s’accentue avec l’abstraction des unités traitées.
C’est à ce niveau que la conception des différentes strates temporelles de
l’activité – évoquée plus haut dans le cas d’une conception linguistique – peut
être intéressante, dans le cas de la psychologie cognitive, pour comprendre le
décours temporel des traitements de plus haut niveau, notamment les traitements sémantiques et l’établissement de la cohérence du texte.
Cette dissociation entre la localisation de la pause dans le texte et la nature des
unités textuelles qui font l’objet de ce traitement rend l’interprétation des pauses
délicate. Cela suppose d’aborder avec prudence l’interprétation des durées de
pause, en veillant à compléter cet indice par d’autres indicateurs complémentaires comme la qualité des textes, les protocoles verbaux ou encore d’autres
indicateurs en temps réel comme les temps de réactions ou les mouvements
oculaires (Chesnet & Alamargot 2005). Sur ce dernier point, recourir à l’analyse
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Ainsi, si le modèle hiérarchique a une certaine validité statistique (il est vrai
qu’en moyenne, la durée des pauses suit la hiérarchie des unités), les exceptions
dans la distribution des pauses soulèvent la question de la temporalité de la
production et des décalages, dissociations entre localisation physique des pauses
(relativement au message écrit) et localisation mentale des traitements réalisés
durant ces pauses. Cette dissociation n’est probablement pas de même ampleur
selon les processus engagés et les unités traitées.
Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
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Finalement, les différences de temporalité entre les phénomènes mentionnés –
l’acte graphique, le déroulement linéaire du texte, la chronologie du signifié,
l’activité cognitive du rédacteur – interdisent que l’on considère la production
verbale écrite comme un simple flux unidirectionnel. Métaphoriquement, on
pourrait représenter la production du texte comme un ensemble de plaques
correspondant à chacun des phénomènes en jeu et glissant l’une sur l’autre à des
vitesses différentes. Sur le plan cognitif, cette métaphore a été décrite et formalisée à travers le modèle de traitement dit « parallèle distribué », « en cascade »
ou encore « incrémentiel » (Clark & Clark 1977 ; Daneman & Green 1986 ; Kempen & Hoekamp 1987 ; Kempen & Huijbers 1983 ; Levelt 1989 ; Power 1986).
Selon une conception modulaire des traitements, les processus s’engagent forcément dans le temps de façon successive (l’un attend le produit de l’autre
pour s’enclencher : l’exécution attend le produit de la formulation qui attend le
produit de la planification, etc.) et récursive (cette séquence de traitement est
réitérée autant de fois que le nécessite la production). Pour maximiser la vitesse
de production, et si, comme nous l’avons envisagé plus haut, la capacité le permet, les processus peuvent s’engager parallèlement. Dans ce cas, l’attente par un
processus du produit de l’autre suppose que ces processus traitent parallèlement
des unités différentes. Ainsi, le processus de planification élabore une portion
du contenu sémantique qui est transmise au processus de formulation. Pendant
que celui-ci encode ce contenu, le processus de planification peut d’ores et déjà
traiter en parallèle la portion suivante du contenu sémantique. Selon ce principe,
une unité donnée est traitée séquentiellement, mais les trois processus traitent
simultanément trois unités différentes.
Ce mode de traitement permet de concevoir plusieurs temporalités simultanées au cours de l’activité, associées à des unités et traitements différents.
Ce fonctionnement en strates temporelles – caractérisées par des différences
de rythme, d’empan et d’unités – explique que la production d’écrit est soumise à des rétroactions et des anticipations, lesquelles s’exercent sur des objets
d’échelles différentes, allant du fragment de texte à la simple unité linguistique,
et avec des « grains de traitements ou de représentations » différents.
3. UN AGENT DE LA DYNAMIQUE DE LA PRODUCTION TEXTUELLE :
L’INFLUENCE DU TEXTE DÉJÀ PRODUIT SUR LA GENÈSE DU
TEXTE À VENIR
Si l’on considère les différentes temporalités de l’activité rédactionnelle, et notamment les plus larges, le texte tel qu’il peut être saisi à un moment donné s’ancre
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des mouvements oculaires du rédacteur au cours de son activité, notamment
des fixations oculaires sur le texte préalable, peut être un moyen de comprendre
comment l’information alors prise sera maintenue et utilisée plus tard, avec une
temporalité large. Nous revenons sur cette question en conclusion.
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toujours dans un texte préalable. Celui-ci est plus ou moins distant du moment
observé :
– d’une part, conformément aux mécanismes d’intertextualité et d’interdiscursivité bien étudiés par ailleurs (Bakhtine 1979 ; Genette 1982), chaque texte se
nourrit des discours et des textes reçus antérieurement par le scripteur, et plus
encore, des textes que lui-même a produits. Nul doute que le travail d’élaboration d’un texte renforce en retour les connaissances du domaine relatif à ce
texte et ancre en mémoire les formes discursives utilisées ;
– d’autre part, au cours-même de la production d’un texte, il se produit un
phénomène du même ordre que celui qui relie un texte à ses prédécesseurs.
Le texte en cours exerce une sorte d’intertextualité interne qui fait que la
partie de texte déjà produite influe sur le texte à venir et restreint l’espace
de liberté offert, au fur et à mesure de sa propre génération (Alamargot,
Chanquoy & Chuy 2005). Ce phénomène peut non seulement être décrit du
point de vue des mécanismes de textualisation, mais peut aussi être mis en
évidence expérimentalement par l’observation des scripteurs et l’analyse des
textes.
3.1. Le préalable dans la textualisation
La textualisation peut être analysée sous trois angles : celui des opérations langagières telles que définies par J.-P. Bronckart (1996), celui des mécanismes de
cohésion et de structuration au moyen desquels s’organise le tissu textuel et,
enfin, celui des matériaux linguistiques mis en œuvre. Chacun de ces éléments
prend racine dans les expériences langagières que le scripteur partage avec la
communauté culturelle ou qu’il a vécues en propre. En particulier, la substance
linguistique qu’il s’agira d’agencer et de tisser s’offre non pas comme un matériau inerte, mais plutôt comme un substrat déjà marqué par des propriétés intrinsèques ou acquises qui exercent une influence sur ses usages possibles. On peut
regrouper en deux grands ensembles les phénomènes qui affectent les matériaux
mis à disposition du scripteur, et qui, par voie de conséquence, déterminent en
partie leur survenue et leur enchaînement au cours de la textualisation.
– Les phénomènes relevant de représentations collectives, de doxas culturelles, ou
d’ordre socio-discursifs comme ceux étudiés par M.-A. Paveau (2006) à propos
de ce qu’elle appelle les prédiscours. Il s’agit là d’un ensemble de déterminations procédant des usages sociaux du langage qui font que les unités linguistiques véhiculent des schèmes d’interprétation du monde et convoquent avec
elles spontanément des univers sémantiques qui, à leur tour, s’actualisent dans
des réseaux lexicaux disponibles. Autrement dit, lors de la production d’écrit,
la convocation d’un lexème tire avec elle un ensemble de représentations et de
mots associés qui vont pouvoir participer de la genèse du texte à venir. Pour
la psychologie cognitive, les associations lexicales constituent le plus souvent
des expériences partagées (Ferrand 2001). Du point de vue de la génétique
des textes, il a été observé que des auteurs comme Stendhal, Valéry ou Perec
recouraient à l’artifice heuristique que constitue l’écriture de listes de mots
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qui d’une part s’auto-engendrent et d’autre part activent des schèmes associatifs ou des réseaux mémoriels. Outre l’écriture de listes, d’autres procédés
ne présentant pas le même caractère de systématicité mettent également en
œuvre des mécanismes du même ordre, mais cette fois au fil de l’écriture, et,
en particulier, le recours aux isotopies que A.-J. Greimas (1970) définit comme
des ensembles redondants de catégories sémantiques qui rendent possible la
lecture uniforme d’un récit en assurant sa cohérence.
– Les phénomènes d’ordre structurel grâce auxquels la langue met à disposition du
scripteur des configurations lexicales et syntaxiques déjà constituées. Ce qui
distingue cette catégorie de la précédente, c’est le fait que les éléments qui la
composent sont envisagés du point de vue du signifiant et non de celui du
signifié ou de leur interprétation. Et, à l’intérieur de cette catégorie, ce qui différencie entre eux les éléments qui s’y trouvent regroupés, ce n’est pas tant leur
ampleur que leur plasticité. Ainsi, la langue offre au scripteur non seulement
des patterns syntaxiques, mais aussi des expressions déjà constituées dont
le degré de figement peut être évalué en fonction du blocage des propriétés
transformationnelles (Gross 1996), ainsi que des associations préférentielles,
les collocations. Les expressions figées sont perçues comme constituant une
entité sémantique unique (G. Gross parle à ce sujet d’opacité sémantique) tandis que les collocations autorisent des interprétations différentielles de chacun
des segments qui la composent (Tutin & Grossmann 2002).
Ces phénomènes concernant les matériaux linguistiques sont donc à rapprocher
de ceux concernant la structuration du texte ; de même que les scripteurs ont
à leur disposition des schémas textuels virtuels qui s’organisent en des macropropositions sémantiques, il leur est offert, parmi les matériaux linguistiques
disponibles, des structures et des chaînes déjà formées, lesquelles vont se trouver
activées au fur et à mesure de la production de texte. D’un scripteur à l’autre, la
palette des matériaux disponibles n’est probablement pas similaire. Elle est sans
doute issue des expériences lectorales du rédacteur ainsi que de ses diverses
expériences de production. Ainsi, les textes déjà produits par chaque scripteur
organiseraient les éléments langagiers mis à disposition, en donnant du relief à
ceux qu’il a employés et en prédéterminant ainsi en partie ses choix à venir. Le
même phénomène peut être conçu à l’échelle temporelle, plus restreinte, de la
rédaction. L’on peut penser que ce qui a été activé au début de la textualisation
acquiert une prégnance qui le rend immédiatement disponible pour l’écriture de
la suite du texte. Il est possible que les patterns syntaxiques, les configurations
sémantiques, les modes de représentation, les procédés rhétoriques initiaux
soient constamment remobilisés au long de la production du texte, contribuant
à le rendre homogène.
Force est de constater que cet aspect reste encore peu connu sur le plan
linguistique et ne semble pas encore avoir fait l’objet d’observation systématique
par la psychologie cognitive.
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Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
Traitement des contraintes de la production d’écrits
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La production du texte s’opère sur deux plans : il s’agit d’une part de la génération d’un tissu linguistique qui s’offrira à la lecture, d’autre part de la construction de l’objet de discours, l’un et l’autre étant en interdépendance. Au fur et à
mesure que le texte s’incrémente, il détermine les caractéristiques de l’objet dont
il traite et délimite donc, de plus en plus précisément, l’aire ouverte à l’invention.
Ainsi, dans la production d’un récit, le développement de l’histoire amène l’auteur à caractériser progressivement les personnages qu’il crée, ce qui détermine
graduellement quels sont les actes que la fiction pourra représenter sans mettre
en péril la cohérence psychologique des personnages créés. Il y a donc, au cours
de la genèse du texte, une programmation du contenu représentationnel qui
s’élabore et restreint les marges de liberté offertes pour la suite du texte. La question est de déterminer si ce mécanisme joue un rôle heuristique ou au contraire
stérilisant.
Il arrive que l’on dispose d’un témoignage éclairant, comme celui de Beaumarchais qui, dans la préface du Mariage de Figaro, écrit à propos de ses personnages : « quand ils sont bien animés, j’écris sous leur dictée rapide, sûr qu’ils
ne me tromperont pas [...] ». Chez Zola, cette réduction progressive des degrés
de liberté de l’écriture romanesque s’opère dans le cadre des ébauches qui précèdent les romans. À l’aide d’énoncés qui ne sont pas sans rappeler les protocoles
verbaux utilisés par les psychologues, Zola y teste la cohérence du caractère et
du comportement de ses personnages, non seulement dans le cadre du roman
qu’il s’apprête à écrire, mais aussi dans celui, plus global, des autres romans,
déjà écrits ou projetés, qui constituent l’ensemble des Rougon-Macquart (Grésillon 2002). Dans d’autres cas, c’est l’observation du manuscrit qui apporte
l’information souhaitée. Ainsi, les manuscrits de Sartre font apparaître de longs
développements (qui ont été ensuite raturés tout en restant lisibles) au cours
desquels les personnages ont acquis une épaisseur psychologique qu’ils conserveront même une fois le texte supprimé.
Une autre méthode, propre à la démarche expérimentale ou à l’observation
contrôlée, consiste à observer ou interroger le rédacteur. La psychologie cognitive
a eu ainsi recours aux protocoles verbaux et à l’observation fine des différents
produits de l’activité (différents brouillons, etc.) pour comprendre comment
le rédacteur résolvait ce qui est alors conçu comme un problème rédactionnel.
L. Flower, K. Schriver, L. Carey, C. Haas et J. R. Hayes (1989) ont montré que le
rédacteur expert était capable d’une planification dite « constructive » permettant de s’adapter aux différentes contraintes rédactionnelles en les surmontant,
tout au long du texte. Le processus de planification permet de circonscrire le
contenu relativement tôt dans l’acte d’écriture (voire même avant l’acte d’écriture). Si, comme le remarque R. T. Kellogg (1990), planifier limite la créativité, le
processus n’en a pas moins l’avantage de réduire l’espace-problème et de réduire
les contraintes cognitives à défaut de promouvoir l’invention. En divisant la
durée de rédaction en trois parties égales, R. T. Kellogg (1987b, 1988) a montré
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3.2. Le resserrement des possibles
Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
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Le poids du texte préalable et de ses contraintes sémantiques serait ainsi
plus fortement marqué dans le cas d’une rédaction peu planifiée, relevant d’un
mode de composition « romantique », consistant à créer-stabiliser le texte au
fur et à mesure des phases d’écriture et de révisions (Elbow 1981 ; Hay 2002 ;
Wason 1980). Comme le soulignent D. Alamargot et J.-L. Lebrave (2009), l’espace
de résolution est ici particulièrement ouvert et la progression dans le texte
nécessite de s’appuyer pleinement sur le texte préalable (processus bas-haut) à
défaut d’être guidée par un plan sur-ordonné (processus haut-bas).
La question ici encore est de pouvoir apprécier comment le rédacteur s’appuie
sur le texte préalable pour développer le texte à suivre. Il est nécessaire, pour
ce faire, de recueillir des informations portant à la fois sur la manière dont le
scripteur procède techniquement pour assurer la textualisation, sur l’élaboration
progressive et conjointe du tissu textuel et du contenu référentiel du texte et sur
les contraintes que le texte déjà produit exerce sur le texte à venir. Recueillir les
mouvements oculaires du rédacteur au cours de l’écriture, et notamment lors
de la poursuite d’un texte, doit permettre de rendre compte de la façon dont les
informations sémantiques et linguistiques du texte préalable sont lues pour être
réexploitées (citation, transformation ou création), et selon quelle temporalité
(reprise immédiate ou différée).
3.3. Eye and Pen : un dispositif expérimental pour l’observation des
mouvements oculo-graphomoteurs des rédacteurs
Le dispositif Eye and Pen (Alamargot, Chesnet, Dansac & Ros 2006 ; Caporossi,
Alamargot & Chesnet 2004 ; Chesnet & Alamargot 2005) a été mis au point pour
enregistrer simultanément et de façon synchrone les activités oculaires et graphomotrices du rédacteur. Le dispositif requiert l’utilisation d’un oculomètre
(enregistrement des mouvements oculaires : saccades, fixations) et d’une tablette
à digitaliser (pour enregistrer les mouvements graphiques – coordonnées, pression et temporalité du stylo). Connectés à un ordinateur, les deux systèmes de
recueils sont pilotés par le logiciel Eye and Pen qui assure l’enregistrement puis
l’analyse (codage) des deux signaux numérisés. Adapté à l’écriture manuscrite,
ce dispositif permet d’analyser l’activité oculaire du rédacteur (les informations
fixées, l’exploration saccadique) pendant les périodes de pauses d’écriture et
de tracé. Ce dispositif représente une évolution marquante des outils d’analyse
de l’écriture en temps réel. Il permet, d’une part, de compléter l’analyse de
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qu’un plan préalable réduisait le coût de la génération du contenu au cours de
l’écriture et permettait au rédacteur d’améliorer la formulation, conduisant à
des textes jugés de meilleure qualité. On peut rapprocher cette observation de la
pauvreté – a priori surprenante – des dossiers génétiques de Zola en brouillons et
l’expliquer autrement que par la destruction de ceux-ci : la confection de plans
préalables détaillés permet sans doute à un grand professionnel de l’écriture
romanesque de formuler directement, et pratiquement sans ratures, le texte du
manuscrit qu’il donnera à l’imprimeur.
Traitement des contraintes de la production d’écrits
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Relativement aux questions soulevées ici de temporalité de la rédaction et
d’impact du texte préalable, le dispositif Eye and Pen représente d’évidence
un outil d’investigation précieux. Il permet d’identifier (i) quelle information
est prise dans le texte préalable, (ii) à quel moment de la production cette
information est prise, (iii) à quel moment de la production elle est restituée dans
le texte à venir et (iv) à quel rythme elle est restituée. L’analyse temporelle fine
autorisée par le logiciel (de l’ordre d’une information toutes les 10 millisecondes)
devrait permettre de préciser les différentes strates temporelles dans lesquelles
les différentes unités considérées sont impliquées.
Les premières recherches effectuées avec le dispositif Eye and Pen ont confirmé
le pouvoir heuristique du dispositif. Il a été possible de préciser des phénomènes
temporels encore peu connus (notamment relatifs aux temps de pauses) et de
mettre en évidence des phénomènes temporels jusque-là inédits (relatifs notamment aux traitements parallèles – pour une synthèse, cf. Alamargot, Dansac,
Ros & Chuy 2005).
Ainsi, en demandant à des rédacteurs adultes de rédiger une consigne de
montage à partir d’une source documentaire (montage d’une maquette de turbine), D. Alamargot, C. Dansac, C. Ros et D. Chesnet (2004) ont montré que la
durée moyenne des pauses les plus longues relevées au cours de la composition (c’est-à-dire les pauses correspondant au 10e décile de la distribution de
l’ensemble des pauses) était plus élevée chez les rédacteurs à fort empan de
mémoire de travail que chez les rédacteurs à empan faible. Ce résultat d’apparence contre-intuitif (il était attendu que les rédacteurs à empan fort traitent plus
vite les informations et effectuent des pauses plus courtes) s’explique en réalité
par le fait que les rédacteurs à empan fort mènent une activité d’exploration de
la source documentaire plus approfondie et plus variée, encodant plus d’informations pendant les pauses alors plus longues. La conséquence est que les textes
produits par ces rédacteurs comportent plus de détails et que le contenu sémantique est plus développé (en termes d’attributs mentionnés). Dans une autre
analyse issue de la même expérimentation, D. Alamargot, C. Dansac, C. Chesnet et M. Fayol (2007) ont évalué dans quelle mesure l’empan de mémoire de
travail, l’expertise dans le domaine, la fluidité de récupération lexicale et l’automatisation graphomotrice contribuaient respectivement à la mise en œuvre de
traitements parallèles à la réalisation du tracé, au cours de la rédaction. Dans le
contexte d’une rédaction à partir de sources, un traitement parallèle peut être
défini chaque fois que le crayon poursuit son activité (écriture) alors que des
prises d’informations oculaires sont réalisées sur le texte en cours ou sur la source
documentaire à une distance du crayon dépassant l’empan de vision parafovéal
(notamment plus de 6◦ dans le cadre de cette expérience). En d’autres termes, le
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pauses et débits par un indicateur oculaire supplémentaire et, d’autre part, de
mettre en relation la sortie de l’activité (le graphisme) avec l’une des entrées de
cette activité (ici les informations lues dans l’environnement de la tâche : source
documentaire, incipit, texte préalable...).
Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
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4. CONCLUSION
Interprétées avec les concepts de la psychologie cognitive, les données chronométriques issues de Eye and Pen méritent évidemment d’être soumises au regard
complémentaire de la linguistique. La finesse et la richesse des observations temporelles rendent possible la réalisation d’études monographiques (à partir de la
production d’un seul rédacteur), mettant l’accent sur les opérations linguistiques
qui servent alors de cadre interprétatif aux données temporelles.
Sur le plan épistémologique, la méthode expérimentale associée à l’approche
cognitive de la production de texte suppose de conduire des études auprès
d’échantillons représentatifs de scripteurs, rédigeant des textes différents dans
différentes conditions. L’objectif de la psychologie cognitive n’est pas de décrire
l’activité rédactionnelle dans sa globalité et sa diversité, mais de comprendre
le fonctionnement des processus mentaux impliqués dans cette activité. L’enjeu
consiste donc à réunir les conditions (le plus souvent expérimentales) pour que
les processus dont l’étude est visée se manifestent et que leurs effets soient mesurés. Ce ne sont donc pas les différentes dimensions du texte et/ou du rédacteur
qui guident l’analyse, mais la question posée qui détermine les dimensions du
texte et/ou du rédacteur qui sont analysées. Face à la complexité de l’activité
rédactionnelle, la psychologie cognitive a le plus souvent choisi d’étudier les
différents processus et niveaux de traitements en les isolant pour limiter leurs
interactions et pouvoir en comprendre le fonctionnement intrinsèque. C’est ainsi
que les recherches sur la production écrite de mots isolés, de phrases et de courts
textes peuvent contribuer à la compréhension de la complexité de l’activité
rédactionnelle (Fayol 2002).
Dans ce contexte, l’étude du comportement des écrivains est pertinente
pour la psychologie cognitive car elle offre l’opportunité de préciser les stratégies expertes (Alamargot & Lebrave 2009). La difficulté réside toutefois dans
la méthode d’investigation. La singularité de l’écrivain conduit à effectuer des
analyses quantitatives et qualitatives des performances d’un seul individu –
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scripteur poursuit son écriture « en aveugle » alors qu’il traite des informations
nouvelles, non directement liées au point d’inscription. Les résultats montrent
que ces séquences parallèles sont relativement nombreuses, représentent 10 %
du temps de tracé et durent environ 500 ms. Le point important est que la
fréquence d’apparition et la durée de ces séquences dépendent en partie des
capacités mémorielles des rédacteurs. De plus fortes capacités (fort empan de
mémoire de travail, meilleure automatisation graphomotrice et meilleur accès
lexical) conduisent à effectuer des séquences parallèles plus longues. De plus
faibles capacités conduisent, en revanche, à effectuer des séquences parallèles
plus fréquemment terminées par des pauses d’écriture ; de moindres capacités conduisant ainsi le rédacteur à opérer une mise en œuvre séquentielle des
traitements (durant la pause) à défaut de maintenir des traitements parallèles.
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considéré comme un « super expert ». Cette absence de généralisation possible
des résultats à une population parente ne doit cependant pas conduire à rejeter ces observations et le principe de leur recueil. L’observation d’un individu
est également une méthode utilisée par la psychologie cognitive, notamment
lorsqu’il s’agit de modéliser les processus mentaux complexes. Cette méthode,
développée par A. Newell et H. A. Simon (1972) dans le cadre des études sur
l’intelligence artificielle, est toujours d’actualité. Elle permet de formaliser puis
de simuler informatiquement de nombreux comportements comme le raisonnement, la résolution de problèmes (Salvucci & Anderson 2001) ou encore certaines
activités de lecture-compréhension (Anderson, Budiu & Reder 2001). L’approche
cognitive de la production de texte est elle-même issue de ce courant. Le modèle
de J. R. Hayes et L. S. Flower (1980) a été élaboré à partir des verbalisations d’un
seul rédacteur produisant un texte argumentatif. À cette époque des recherches
en production de textes, le modèle s’est avéré suffisamment heuristique pour
repousser la question de sa généralisation. L’étude des stratégies rédactionnelles
d’un écrivain revient à adopter à nouveau la démarche de modélisation des
années 1980, mais avec la grille d’analyse théorique des modèles de deuxième
génération et la richesse des données issues des nouvelles méthodes d’analyses
en temps réels. Nous pensons que cette démarche devrait être entreprise pour
mieux comprendre en retour les stratégies des rédacteurs professionnels et, par
extension et comparaison, des apprenants rédacteurs.
Outre ces questions épistémologiques, se posent des problèmes méthodologiques. Le rapprochement des deux disciplines autour d’un même objet nécessite
l’ajustement des deux méthodes d’investigations « off-line » et « on-line ». Un
effort méthodologique est à fournir pour allier une analyse détaillée des opérations linguistiques en jeu dans l’établissement du texte à venir en fonction du
texte en cours à une description temporelle recourant à des paramètres relativement fins comme les pauses, débits et mouvements oculaires. Il est nécessaire
d’apprécier la temporalité du texte aussi bien sur le plan linguistique (sémantique, grammatical, lexical) que sur le plan chronométrique. Par exemple, les
variations dans le flux de la production (pause, débits) gagnent probablement à
être considérées au regard du relevé des traces linguistiques et/ou graphiques
qui permettent (ou non) de repérer des ruptures, des variations dans le mode
de textualisation. Ainsi, une interruption chronométrique dans la production
peut être observée sans forcément que celle-ci soit associée à une modification
de la génération du texte ou de son contenu référentiel. C’est le cas par exemple
de Kafka qui s’est trouvé interrompre la rédaction d’un texte et l’a reprise sans
qu’on puisse déceler de marques linguistiques ou sémantico-référentielles de
cette rupture. En revanche, et à l’inverse, il est possible que la variation du flux
puisse se traduire par des phénomènes linguistiques observables. Ainsi, à un
niveau local, sur le plan syntaxique, les anacoluthes en tant qu’elles constituent
des ruptures de construction involontaires et, sur le plan sémantico-référentiel,
les changements d’isotopies seraient par exemple de bons indices pour apprécier
les perturbations du rythme de l’inscription de la trace graphique sur le support.
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Traitement des contraintes de la production d’écrits
Temporalité de l’écriture et rôle du texte produit dans l’activité rédactionnelle
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Cette mise en relation des deux ensembles d’observables (chronométriques et
linguistiques) est prometteuse. Elle suppose néanmoins de pouvoir comprendre,
en arrière-plan, le rôle du système de mémorisation à court-terme et à longterme des informations au cours même de la production. La question cruciale
est celle du délai qui peut être introduit, sur le plan cognitif, entre le moment
où une information est perçue (un élément du texte préalable est fixé) et le
moment où cette information transparaît dans le texte à venir. Pourquoi et dans
quelle mesure le rédacteur se doit de maintenir en suspens une information
avant de l’utiliser est sans doute l’une des clés de la compréhension des strates
temporelles de la rédaction et de l’influence immédiate ou retardée du texte en
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