benefices de l`hypnose en oncologie
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benefices de l`hypnose en oncologie
BENEFICES DE L’HYPNOSE EN ONCOLOGIE Gérard Salem, QUADRIMED, janvier 2016, Crans-Montana Définition L’hypnose médicale est un ensemble de méthodes thérapeutiques consistant à faciliter la survenue d’états modifiés de conscience chez le patient, en vue de soulager ses souffrances tout en stimulant ses compétences psychobiologiques. En médecine comme en psychiatrie, elle est utilisée pour traiter des symptômes physiques ou psychiques, ou comme complément utile à d’autres mesures thérapeutiques, par exemple pour motiver le patient à s’autonomiser et à prendre soin de lui-même. De ce fait, l’alliance et le style de relation qui s’instaurent entre le patient et l’hypnothérapeute sont des facteurs déterminants. Le talent d’un bon hypnothérapeute consiste à réveiller le talent du patient. Cette façon de catalyser les ressources naturelles du patient (« aires fonctionnelles du Moi ») favorise par ailleurs la différenciation de sa personnalité et son affirmation en tant que sujet. L’hypnose hier et aujourd’hui Les phénomènes hypnotiques sont vieux comme le monde. Leur usage thérapeutique remonte au chamanisme antique (et survit aujourd’hui dans les médecines dites parallèles). L’Occident y est venu plus tardivement. Aujourd’hui, grâce aux avancées technologiques permettant d’observer et de mesurer le fonctionnement du SNC, l’hypnose n’est plus du tout assimilée à du sommeil (comme l’a fait maladroitement le chirurgien écossais James Braid en créant le terme au 19e siècle). Cet « état modifié de conscience » s’avère bien au contraire un état vigile (tracé de veille à l’EEG), et même de « veille paradoxale » (François Roustang), en miroir avec le sommeil paradoxal (comme Michel Jouvet désignait le rêve). L’hypnose est utilisable en maints domaines thérapeutiques. Elle connaît aujourd’hui un important essor, grâce à l’impulsion donnée par Milton Erickson dès le milieu du XXe siècle. L’éclairage apporté par la découverte des neurones-miroirs et de la neuroplasticité cérébrale ouvre désormais des perspectives prometteuses. Les recherches cliniques et expérimentales se sont beaucoup développées et les applications scientifiques sont devenues fréquentes dans les hôpitaux comme en clinique ambulatoire, chez les adultes comme chez les enfants et les personnes âgées. Phases du processus hypnotique L’induction est la provocation de l’état hypnotique. Elle peut être exécutée par le médecin sur le patient ou par le patient sur lui-même (autohypnose). Elle recourt à une focalisation intense de l’attention sur un stimulus sensoriel (visuel, cénesthésique, auditif), accompagnée de suggestions. Les métaphores et les suggestions facilitent l’installation d’un état dissociatif propice grâce auquel le sujet fait une expérience correctrice. Celle-ci va le soulager ou même parfois le guérir de son trouble. Des suggestions post-hypnotiques servent à assurer l’ancrage mnésique de cette expérience, assimilable à un apprentissage significatif Indications fréquentes L’hypnothérapie a fait la preuve de son utilité dans toutes les branches de la médecine. Il s’agit d’une méthode « opportuniste », qu’il est aisé d’associer à d’autres stratégies thérapeutiques, sans en limiter l’usage à un domaine restreint. Ses indications les plus fréquentes en médecine et en médecine dentaire ont trait à la douleur (hypno-analgésie, hypno-anesthésie). L’hypnose s’avère efficace dans les céphalées rebelles, les brûlures, les états inflammatoires, les hémorragies et les nausées post-opératoires, le processus de cicatrisation. Elle apporte de précieuses contributions à la rééducation psychomotrice (enfants hyperactifs, récupération posttraumatique). Bien des symptômes y réagissent favorablement : dyspnée, tachycardie paroxystique, oppression thoracique, spasmes et troubles fonctionnels digestifs, troubles allergiques (modulation psycho-immunologique), syndromes de vasoconstriction périphérique (Raynaud, Bürger), dermatoses, blocage de l’ingestion ou de la manducation, troubles sensori-moteurs, tics, hoquet, bégaiement, vertiges. En obstétrique, l’hypnose est souvent appliquée dans la préparation à l’accouchement ou le repositionnement fœtal. En psychiatrie, la palette des indications est large aussi : troubles du sommeil, trac, attaques de panique, anxiété diffuse, phobies, TOC, troubles de conversion, énurésie, séquelles post-traumatiques, dépression, addictions, anorexie/boulimie, impuissance/frigidité, troubles de la personnalité. Parmi les contre-indications habituelles, mentionnons la paranoïa sous toutes ses formes, les troubles du spectre schizophrénique, l’arriération mentale. L’hypnose apporte en outre un complément précieux au traitement oncologique (modulation psycho-immunitaire). Les recherches cliniques démontrent que les patients cancéreux l’apprécient comme outil contre les effets secondaires des méthodes invasives (douleur, anxiété, nausées, anorexie, etc.). Mais aussi pour le style d’accompagnement relationnel qu’elle offre, la sensation de sécurité et de confort qu’elle permet d’installer, la gestion de l’angoisse et même l’exploration des émotions comme ressources. Divers exemples d’application en oncologie sont désormais courants chez les enfants et chez les adultes, dans les services hospitaliers universitaires. Formes d’applications L’hypnose peut être pratiquée de façon autoritaire et directive (école traditionnelle) ou de façon indirecte et permissive (école ericksonienne), selon le thérapeute, selon les situations, selon l’état actuel et la personnalité du patient. L’approche directive recourt volontiers à des suggestions directes (vous vous sentez de plus en plus détendu, votre respiration s’approfondit, la douleur s’en va), alors que l’approche permissive préfère les suggestions indirectes, métaphoriques ou narratives. Dans les deux cas, la réactivité accrue du patient aux suggestions est utilisée pour obtenir une détente profonde, qui permet de se détacher du symptôme (ou du thème problématique), et de l’examiner à distance (dissociation). Certains automatismes psychomoteurs sont facilités de la sorte (catalepsie, mouvements idéo-moteurs, lévitation de la main, mouvements pseudo-athétosiques). Ils sont ratifiés et commentés par le thérapeute en vue du changement escompté (recadrages thérapeutiques). L’expérience, lorsqu’elle est réussie, est vécue comme correctrice et peut amener un changement significatif dans l’équilibre psychobiologique du sujet. L’hypnose s’exerce usuellement en position assise, avec orientation semi-latérale des corps, ou au chevet du malade. Le thérapeute informe d’abord le patient de cette méthode et répond à ses questions en démystifiant son aspect magico-religieux et les préjugés qui l’entourent. Il est essentiel de créer une bonne alliance, dans un climat de sécurité et de confiance. Le charisme du thérapeute peut y contribuer, mais pas nécessairement. L’induction est provoquée par des suggestions en chaîne (focalisation de l’attention sur un stimulus sensoriel, ou sur un thème narratif dans l’hypnose indirecte). Le thérapeute favorise des associations d’idées et d’images entre le comportement psychomoteur du patient, le type de sensations qu’il éprouve, le type de pensées qui lui viennent et l’effet recherché par l’intervention (allégement du symptôme, changement de disposition psychologique). Des suggestions dites post-hypnotiques viennent consolider les effets de l’expérience pour les heures ou les jours qui suivent. Le patient est souvent invité à s’exercer seul aussi, entre les séances thérapeutiques, en pratiquant une méthode d’autohypnose similaire à celle vécue pendant la séance, et que le thérapeute lui enseigne. L’hypnose peut être pratiquée en urgence (attaque de panique, douleurs intolérables, dyspnée, hyperventilation, agitation psychomotrice, etc.). Elle peut être utilisée comme une méthode d’appoint, un complément au traitement médical ou psychothérapeutique en cours, ou constituer l’essentiel du traitement (hypnothérapie). Un art conversationnel La rhétorique du style permissif est particulière. Elle met en valeur les choix opérés par l’inconscient du sujet en leur donnant une certaine priorité dans le processus thérapeutique. Le discours du thérapeute est en ce sens « ouvert », valorisant le questionnement, les associations inédites entre plusieurs phénomènes, l’allusion, l’évocation, l’alternative, parfois le paradoxe. Au lieu de dire, par exemple, votre main droite va devenir légère, le thérapeute dira plutôt et je ne sais pas si c’est la main droite ou la main gauche qui va devenir légère, ou au contraire, si elle va devenir de plus en plus lourde… Une technique particulière appelée pacing and leading consiste à ponctuer les perceptions ou les réactions du patient en les orientant par une série de suggestions dans la direction souhaitée. Cette technique fait un lien entre ce que le patient est en train de vivre ou de faire, et ce que le thérapeute vise à lui faire vivre ou faire. Les d’enchaînement entre l’expérience vécue par le patient et celle que l’on cherche à favoriser sont de type coordinatif (et… ou… : votre dos sent le contact du dossier de votre chaise, et votre respiration va et vient librement…), ou selon l’implication causale (tout en… parce que… : tout en écoutant mes propos votre esprit peut se promener ailleurs et vos muscles se relaxent…). Ceci contribue parfois à donner un ton incantatoire au discours du thérapeute (effet de concaténation). Avantages et limites L’hypnose n’est ni une panacée, ni une « charlatenerie » provenant des médecines parallèles (contrairement aux mythes qui circulent sur son compte). C’est une méthode thérapeutique aujourd’hui reconnue sur le plan scientifique et qui fait ses preuves. Elle fait l’objet de près de mille publications scientifiques annuelles sur le plan international. En psychiatrie, elle s’avère particulièrement utile chez les patients anxieux, phobiques, ou dépressifs. Elle a aussi une indéniable valeur dans l’approche de la douleur, les troubles alimentaires, les troubles sexuels ou même l’accompagnement des états cancéreux. Elle peut enfin s’avérer un outil de découverte et de développement de soi. En revanche, l’hypnose mal utilisée peut aggraver certains états psychopathologiques (chez les patients psychotiques par exemple), ou réactiver de « faux souvenirs », lever inadéquatement une inhibition, masquer une problématique au lieu de la dévoiler. Il convient par conséquent d’y recourir avec circonspection. Formation La formation en hypnose médicale et thérapeutique est assurée en Suisse par plusieurs associations professionnelles : la Société Médicale Suisse d’Hypnose (SMSH), la Société d’hypnose clinique suisse (SHYPS), l’Institut Romand d’Hypnose en Suisse (IRHYS). Elle s’adresse aux médecins, médecins-dentistes, psychologues, psychothérapeutes. La formation dure environ trois ans et comprend environ 300 heures incluant un programme de cours théoriques et pratiques, des supervisions, des intervisions, l’étude de la littérature, la documentation des travaux avec les patients et l’évaluation finale. Parmi les formations en France, signalons le D.U. d’hypnose médicale de la PitiéSalpêtrière (Paris VI), et les enseignements de l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne (Association Française d’Etude de l’Hypnose Médicale), de l’Institut Français d’Hypnose à Paris (IFH), de l’Institut Milton H Erickson d'Avignon-Provence, de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapie Brève (CFHTB). Bibliographie conseillée Erickson M.H. The collected papers of Milton Erickson on hypnosis. Ed. Irvington, New York, 1980. trad. française Intégrale des articles de M. Erickson, Ed. Satas, Bruxelles, 1999. Haley J. Un thérapeute hors du commun. Milton H. Erickson. Ed. EPI, Paris, 1990. Rossi E.L. Psychobiologie de la guérison. Influence de l’esprit sur le corps. Ed. Le souffle d’or, Paris, 2002. Roustang F. Qu’est-ce que l’hypnose ? Ed. Minuit, Paris, 1994. Salem G. L’hypnose. in : N. Duruz, M. Gennart. Traité de psychothérapie comparée. Ed. Médecine & Hygiène, Genève, Paris, 2002, p. 345-373. Salem G., Bonvin E. Soigner par l’hypnose. Ed. Masson Elsevier, Paris, 2012 (5e édition). Yapko M.D. Trancework. An introduction to the practice of clinical hypnosis. Ed. Brunner & Mazel, New York,1990. Sites internet : www.irhys.ch (Institut Romand d’Hypnose Suisse) www.smsh.ch (Société Médicale Suisse d’Hypnose) www.ish.unimelb.edu.au/ish.html (Société internationale d’hypnose - ISH). www.esh-‐hypnosis.org (Société européenne d'hypnose – ESH) Adresse de l’auteur: Gérard Salem, CONSYL, 16 chemin de Lucinge, 1006 Lausanne. www.consyl.ch www.gerardsalem.com