Les études en cours La statuaire dans l`espace public (1800

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Les études en cours La statuaire dans l`espace public (1800
Les études en cours
La statuaire dans
l’espace public (1800-1945)
Falaise, statue en bronze de Guillaume le Conquérant
par Louis Rochet inaugurée en 1851.
© Photo Pascal Corbierre, 1982.
Mortagne-au-Perche, statue en bronze de Neptune.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Ces quatre statues équestres comptent parmi les œuvres
majeures du corpus et ont fait l’objet, après le repérage
de l’Inventaire, d’une protection au titre des Monuments
historiques. Au romantisme historiciste du Guillaume le
Conquérant et du Napoléon Ier ont succédé des figures
plus réalistes. Le Neptune, érigé à Mortagne-au-Perche
en 1878, est caractéristique de la précision apportée par
Emmanuel Frémiet dans le traitement de l’anatomie du
cheval. Ici, le sujet mythologique s’efface presque devant
la seule représentation animale. Avec le Duguesclin,
installé à Caen en 1921, Arthur Le Duc est parvenu à
figurer, pour la première fois en sculpture, un galop
crédible et livre une effigie toute de mouvement, de
vitesse et de fureur.
L
Cherbourg-Octeville, statue en bronze de Napoléon Ier
par Armand Le Véel inaugurée en 1858.
© Photo Manuel de Rugy, 2006.
e culte des grands hommes constitue une
caractéristique majeure d’un xix e siècle
féru d’histoire et soucieux du progrès
moral des populations. Ce phénomène a trouvé
dans la sculpture un mode d’expression privilégié, capable d’offrir au peuple « un livre d’histoire en bronze ». Le goût du monument public
sculpté a connu son âge d’or sous la IIIe République avant de souffrir de la profonde désaffection qui a touché l’ensemble de l’art du xix e
siècle jusqu’au début des années 1980.
S’inscrivant dans la lignée des travaux menés
par le musée d’Orsay, la Direction de l’Inventaire général du patrimoine culturel a initié
en 2007 un inventaire thématique régional
exhaustif de la statuaire dans l’espace public
en Basse-Normandie.
Caen, statue en bronze de Duguesclin par Arthur le Duc, 1914.
© Photo Manuel de Rugy, 2008.
La Basse-Normandie possède sur son territoire deux
colossales statues en marbre, témoignages admirables
de la sculpture néo-classique française : le Général
Valhubert par Pierre Cartellier à Avranches et le Maréchal Tourville par Joseph-Charles Marin à Tourville-surSienne.
Avranches, statue de Valhubert, 1815.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Tourville-sur-Sienne, statue de Tourville, 1827.
© Photo Pascal Corbierre, 2006.
Respectivement commandées par Napoléon Ier et Louis XVIII pour l’actuel pont de la Concorde à Paris,
les deux effigies ont, grâce aux vicissitudes de l’histoire, rejoint le département de la Manche. Au sobre
et sévère portrait de Valhubert, typique du néo-classicisme viril de l’ère napoléonienne, répond une
représentation plus sophistiquée de Tourville avec de très beaux effets de matière, notamment dans le
travail de la chevelure et du foulard.
[ Réf. 37 ]
La statuaire dans l’espace public
(1800-1945)
Gréville-Hague, statue de Jean-François Millet par Marcel-Jacques,
envoyée à la fonte sous le régime de Vichy et érigée à l’identique en 1998.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Aux côtés de monuments signés de grands noms
de la sculpture française du xix e siècle, l’inventaire de
la statuaire publique a permis de mettre en lumière la
production de nombreux sculpteurs locaux. Certains
sont renommés, comme Arthur Le Duc, Armand Le Véel
Bellême, Colin-maillard,
détail de la signature du fondeur Delafontaine.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Caen, statue en bronze de Louis XIV en
empereur romain par Louis Petitot inaugurée
en 1827. Elle est installée place Saint-Sauveur
depuis les années 1960.
© Photo Manuel de Rugy, 2008.
Coutances, monument Tourville,
détail de la signature de l’architecte du monument
Georges Dussart. © Photo Pascal Corbierre, 2007.
Vire, statue en bronze du naturaliste Castel
par Joseph De Bay, 1836.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Au-delà du seul sculpteur, la réalisation d’un monument public peut requérir l’intervention d’un fondeur
mais également celle d’un architecte, à qui l’on confie
généralement la conception et l’exécution du piédestal.
Pour établir le corpus des artistes, le relevé des signatures sur les œuvres est nécessaire.
De cette production de plus de cent
sculptures, on peut
dégager une évolution chronologique de la typologie
des monuments en
Basse-Normandie.
La statue, en pied
pour les soldats,
assise pour les
scientifiques ou les
hommes de lettres,
fit place, entre 1890
et 1905, à des réalisations plus complexes, associant
au portrait des alléModèle en plâtre du monument
Tourville de Coutances par Ernest Hulin, 1907.
gories caractérisant
Musée Quesnel-Morinière de Coutances.
© Photo Pascal Corbierre, 2007.
l’œuvre ou la personnalité du grand homme. Pour répondre à la lassitude des populations et des commanditaires devant ces
exubérances, les sculpteurs imaginèrent ensuite des
compositions moins ostentatoires, autour du médaillon.
Enfin, pour des raisons d’économie, les commanditaires
durent souvent, après 1918, se contenter de simples
bustes, plus ou moins monumentaux.
Argentan, monument en marbre aux frères Mézeray
par le sculpteur Le Harivel-Durocher, 1866.
Les portraits étaient à l’origine encadrés par des
figures allégoriques de L’Histoire et de La Vérité.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
ou Victor Leharivel-Durocher, d’autres plus méconnus
comme le cherbourgeois Marcel-Jacques, le coutançais
Ernest Hulin ou Charles Lemarquier, sculpteur caennais
dont on peut découvrir deux bustes dans l’atrium du
palais de justice de Caen.
Flers, monument Jules Gévelot par le sculpteur
Carlès et l’architecte Sallez, détail de la figure
en bronze de la Reconnaissance.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Fermanville, monument Marie Ravenel.
Le médaillon de la poétesse, signé Elisa Bloch,
est serti dans un bloc rappelant les mégalithes
du Val-de-Saire.
© Photo Pascal Corbierre, 2007.
[ Réf. 38 ]
La statuaire dans l’espace public
(1800-1945)
Honfleur, buste en bronze du peintre Eugène Boudin
par Ernest Guilbert. © Photo Pascal Corbierre, 2001.
Saint-Sauveur-le-Vicomte, buste en bronze de Barbey d’Aurevilly
par Auguste Rodin, 1909. © Photo Pascal Corbierre, 2007.
Si, du point de vue historique, l’on considère la
nature des « statufiés », les personnes représentées, on
constate que la Basse-Normandie, terre demeurée politiquement conservatrice sous la IIIe République, s’est
moins reconnue dans ses élus que dans ses hommes
de lettres, écrivains de renom ou poètes patoisants, et
ses artistes.
Alençon, buste en bronze
de La Sicotière par Denys Puech.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
Échauffour, buste en pierre du poète Paul Harel par le sculpteur grec
Costas Dimitriadis inauguré en 1931. © Photo Pascal Corbierre, 1989.
Nous peinons, de nos jours, à prendre la mesure de
ce grand mouvement de commémorations sculptées,
qualifié de « statuomanie ». En effet, non seulement les
œuvres encore en place souffrent d’un environnement
urbain peu favorable mais, surtout, le régime de Vichy a
imposé une sévère purge au nom de la récupération des
métaux non ferreux. Dans bien des cas, la carte postale
demeure une source primordiale pour la connaissance
de ce patrimoine autant artistique qu’historique.
Bayeux, statue en marbre d’Arcisse de Caumont
par Le Harivel Durocher dévoilée en 1876.
© Photo Pascal Corbierre, 2002.
Ce phénomène a profité de la vitalité d’associations
culturelles et régionalistes, souvent à l’origine d’hommages publics. Certaines d’entre-elles n’hésitèrent pas
à honorer leur fondateur, comme Léon de La Sicotière à
Alençon ou Arcisse de Caumont à Bayeux, deux personnalités centrales dans la reconnaissance et la protection
du patrimoine au xix e siècle.
Sées, statue en bronze de Jacques-Louis Conté
par Jacques Droz. Carte postale du début du
siècle. Collection particulière.
xx e
Sées, place de l’Hôtel-de-Ville, tête de Jacques-Louis Conté
sauvée de la destruction sous l’Occupation.
© Photo Pascal Corbierre, 2001.
[ Réf. 39 ]