l`éducation et la
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l`éducation et la
DOPAGE Dopage : miser sur l’éducation et la prévention Fléau des temps sportifs modernes, le dopage, moralement condamnable, est aussi dommageable pour la santé des athlètes qui succombent à la tentation. Face au phénomène, placé au cœur du problème, le médecin du sport, accompagnateur privilégié du champion de haut niveau ou de l'amateur enthousiaste, a un rôle primordial à jouer dans un combat à mener en profondeur. C oup de tonnerre, en juillet 1998, sur le Tour de France : le soigneur de l'équipe Festina, celle du très populaire Richard Virenque, se faisait coincer à la frontière belge avec, dans le coffre de sa voiture, des valises bourrées de substances illicites. Un simple fait divers qui devait, très vite, déboucher sur un énorme scandale. Car l'enquête allait dévoiler, au fil des jours, l'existence d'un dopage scientifiquement organisé au sein du peloton, géré par des médecins (!) et accepté, voire réclamé, par les coureurs. Ce n'est pas le dopage en lui-même que l'on découvrait alors, mais son institutionnalisation. Jusqu'à ce scandaleux été, seul le système d'Etat mis en place par l'ancienne RDA pour "optimiser" les performances de ses champions avait été prouvé, et dénoncé. Ailleurs, les cas d'athlètes contrôlés positifs, certes nombreux, concernaient des individus isolés. Le plus célèbre d'entre eux, au cours des deux dernières décennies, étant sans conteste Ben Johnson, le sprinter canadien vainqueur du 100m aux J.O. de Séoul et déchu de son titre pour avoir carburé au stanozolol, une hormone anabolisante à l'action identique à celle de la testostérone. Une triche généralisée à combattre Avec l'affaire Festina se trouvait démasqué un dopage sophistiqué, une triche contrôlée et généralisée dont étaient parties prenantes directeurs d'équipe et entraîneurs, médecins et coureurs. De révélation en révélation, le grand public apprenait aussi que cette triche s'étendait à tous les sports, pas uniquement aux disciplines traditionnellement montrées du doigt comme le cyclisme ou l'haltérophilie. Et que, si elle biaisait les résultats des compétitions, elle risquait de plus d'avoir des répercussions encore insoupçonnées sur la santé des dopés. Priorité des priorités aujourd'hui, la lutte contre le fléau manque pourtant cruellement d'efficacité : contrôles insuffisants ou inadaptés - les chercheurs Mabuse ont toujours une longueur d'avance sur les tests de détec- 38 Zoom sur... La médecine du sport DOPAGE Dopage : miser sur l’éducation et la prévention tion -, législations nationales et internationales parfois incohérentes, manque de motivation flagrant de la part de certains pays ou de certaines fédérations… Ce combat reste toutefois primordial, pour d'évidentes raisons d'éthique et pour mieux préserver la santé des athlètes. Un combat dans lequel le médecin du sport a un rôle capital d'éducation et de prévention à jouer. Substances et méthodes interdites Comment définir le dopage ? Il consiste, selon les articles 17 et 19 de la loi Buffet de 1999, à utiliser ou à "prescrire, céder, offrir, administrer ou appliquer aux sportifs des substances ou procédés de nature à modifier artificiellement (leurs) capacités". Tous actes évidemment frappés d'interdiction et réprimés. Peu importe d'ailleurs que la manœuvre ait échoué. Il suffit d'avoir utilisé, ou tenté d'utiliser, lesdites substances ou méthodes pour que l'infraction soit considérée comme consommée. Et le sportif sera sanctionné dès lors que les résultats de contrôles urinaires ou sanguins, ou les deux à la fois, auront apporté la preuve de son délit. Fixés par arrêté ministériel, les produits prohibés figurent sur une liste régulièrement mise à jour et conforme à celle publiée par le CIO (Comité international olympique). Ils sont classés en 5 groupes : stimulants, narcotiques, agents anabolisants, diurétiques, hormones peptidiques et substances mimétiques (hormone de croissance, EPO1) . Les uns sont strictement interdits, d'autres autorisés dans une certaine limite. Côté méthodes proscrites, sont visés le dopage sanguin (administration de sang ou de globules rouges à un athlète) et la manipulation pharmacologique, physique ou chimique (utilisation de produits masquants susceptibles d'altérer les prélèvements d'urine effectués lors des contrôles). Il existe enfin 5 classes de substances soumises à restrictions : anesthésiques locaux, corticostéroïdes, bêta-bloquants, alcool et cannabinoïdes. tout mettre en œuvre pour améliorer la qualité de sa performance dans un monde où celle-ci, souvent valorisée à outrance, est synonyme d'argent et de notoriété. Nombreux sont ceux qui peuvent succomber à la tentation, bien aidés par leur entourage : jeunes athlètes désireux de brûler les étapes, champions vieillissants soucieux de se maintenir au top, sportifs tellement médiatisés et sollicités qu'ils en oublient de s'entraîner… Le dopage est concerné par les articles 17 et 19 de la loi Buffet 1999 Une tentation à portée de main tant la pharmacopée moderne offre de possibilités. De produits spécifiques auxquels on a recours en fonction de la discipline exercée, de l'effort à soutenir, de la concentration requise, du temps nécessaire à la récupération. Ainsi les stimulants (caféine, éphédrine, cocaïne…), substances euphorisantes qui permettent de surmonter la fatigue et d'accroître la vigilance, sont-ils privilégiés lorsque la performance brève, intense, réclame un maximum d'attention : sprint, escrime, gymnastique par exemple. Ainsi les diurétiques, couplés à des amphétamines coupe-faim, sont-ils employés dans les sports où l'athlète combat dans une catégorie de poids donnée, comme le judo ou la boxe. Quant à l'EPO, hormone de synthèse qui favorise l'oxygénation des muscles, elle est fort prisée dans les disciplines d'endurance telles le marathon, le cyclisme ou le triathlon. La performance à tout prix Pourquoi se doper ? Pourquoi cette pratique douteuse et dangereuse qui touche d'abord les sportifs de haut niveau, hommes et femmes confondus, mais aussi de plus en plus d'amateurs ? Le but est clair : se donner les moyens -même particulièrement tordus- de gagner, Loi du 23 mars 1999 relative "à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage". Initiée par Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports (Voir encadré). 1 Les stéroïdes anabolisants au hit-parade Certaines substances dopantes sont davantage recherchées que d'autres. Au hit-parade des produits "préférés" des athlètes figurent trois stéroïdes anabolisants androgènes : la testostérone, le stanozolol et la nandrolone. Zoom sur... La médecine du sport 39 DECTAHLON 4/10 DECATHLON 5/10 DOPAGE Dopage : miser sur l’éducation et la prévention - La testostérone est une hormone sexuelle mâle (androgène) sécrétée par les glandes génitales de l'homme et que l'on synthétise en laboratoire. Administrée par voie orale ou en injection, c'est l'anabolisant le plus utilisé par les sportifs. Parmi ses propriétés : développement de la masse musculaire, augmentation de l'oxygénation du sang, accroissement de la force et de l'endurance. Comme la testostérone existe à l'état naturel dans l'organisme, les contrôles s'avèrent délicats : quelle est la part de sécrétion naturelle, et celle d'apport médicamenteux ? - Le stanozolol et la nandrolone : hormones stéroïdes de synthèse dérivées de la testostérone et aux "vertus" identiques. A ceci près que la nandrolone, anabolisant plus puissant et aux effets secondaires moins virilisants, peut permettre dans certains cas de gommer des douleurs articulaires. A noter aussi que les produits "baptisés" créatine - protéine assimilable dont les effets, positifs ou négatifs, ne sont toujours pas prouvés - vendus dans des magasins de sport ou sur Internet contiennent pour la plupart de la nandrolone2. “ Plus performante que les anabolisants les plus actifs, l’hormone de croissance permet d’accroître fortement la puissance musculaire Les hormones de synthèse, produits "branchés" “ Du "dop" au dopage Ethymologiquement, le terme "dop", ou "dope", provient du dialecte Cafre Bantou, une ethnie sud-africaine du Cap qui nommait ainsi, dès le XVIIème siècle, une boisson initiatique contenant des extraits de noix de cola, d'alcool et de xanthine (substance azotée basique). En 1889, le mot "doping" fait son apparition dans un dictionnaire britannique pour désigner un "mélange d'opiacés et d'analgésiques destiné aux chevaux de courses". Après quelques autres tentatives fantaisistes de définition, c'est en 1967 que la commission médicale du CIO, nouvellement créée, énonce précisément que le dopage concerne "tout usage volontaire ou involontaire de substances appartenant aux classes interdites, ainsi que tout recours aux méthodes défendues, selon la liste en vigueur." retards de croissance chez l'enfant. Plus performante que les anabolisants les plus actifs, elle permet d'accroître fortement la puissance musculaire. Avec, à terme, des conséquences redoutables : problèmes cardiaques, risque de diabète… Corticostéroïdes et anti-asthmatiques Autres produits vedettes dans l'arsenal des substances dopantes, l'EPO et l'hormone de croissance. - L'érythropoïétine (EPO) : hormone naturellement sécrétée par les reins et fabriquée par génie génétique pour les insuffisants rénaux. Elle active la croissance et la multiplication des globules rouges par stimulation de la moelle osseuse. Son intérêt ? Plus de globules rouges signifie davantage d'oxygène transporté vers les muscles. - L'hormone de croissance (hGH) : hormone peptidique3 produite par l'hypophyse, fabriquée également par génie génétique notamment pour soigner les Etude réalisée à la demande du ministère de la Jeunesse et des Sports, qui tente d'obtenir l'inscription de la créatine sur la liste des produits interdits. 3 Peptide = petite protéine 2 42 Zoom sur... La médecine du sport Dernières substances phares enfin : les corticostéroïdes et les bêta agonistes. - La classe des corticostéroïdes comprend plusieurs hormones stéroïdes, naturelles (cortisol, cortisone) sécrétées par les glandes surrénales ou synthétisées, utilisées pour soigner asthme et réactions allergiques ou inflammatoires. Exploitées depuis les années 60 dans le cyclisme, ces produits à l'action euphorisante et excitante modifient la perception de la douleur et reculent le seuil d'apparition de la fatigue. Interdits par voie orale ou intramusculaire, ils sont autorisés, sur justification médicale vali- DOPAGE Dopage : miser sur l’éducation et la prévention mies. Des faits qui interpellent, des statistiques dérandée par une ordonnance, par voie locale et intra-artigeantes, mais pour l'instant aucune certitude scienticulaire4. Ce qui laisse perplexe : tandis que 50 coufique sur les liens entre agents dopants et santé reurs du Tour de France 2001 étaient contrôlés positifs défaillante. aux corticoïdes, mais avec autorisation, l'Américain Jonathan Vauthers, victime d'une piqûre de guêpe au visage, était contraint d'abandonner la compétition Un rôle fondamental faute d'avoir pu bénéficier de l'injection intramusculaire dont il avait besoin ! - Les bêta agonistes - salbutaComment, dans ces conditions, peut-on sérieusement mol, terbutaline entre autres - sont utilisés dans le traiappliquer l'article 7 de la loi Buffet de 1999 qui fait oblitement de l'asthme. Permis par inhalation, ces produits gation aux médecins confrontés à des "signes évocafavorisent une augmentateurs" de dopage d'alertion des capacités pulmoter les antennes médicaLe médecin du sport, n’est naires, et donc musculaires. les, créées il y a 2 ans ? Il pas là pour améliorer la Problème : une réglementas'agit ni plus ni moins tion plutôt laxiste dans ce d'une dénonciation performance du champion, domaine. Comme le prouve basée sur des observamais pour accompagner un l'usage du salbutamol, déstions sans la moindre individu qui s’exprime à ormais autorisé jusqu'à 100 confirmation avérée. Et travers son corps nanogrammes par millilitre d'une démarche dont d'urine, voire 130 si l'on l'efficacité reste à proutient compte de la marge d'erreur. C'est beaucoup. ver : les sportifs nécessitant un suivi médical sont diriQuoi d'étonnant alors de découvrir encore et toujours gés vers ces fameuses antennes majoritairement 5 plus de sportifs asthmatiques … situées dans les services psychiatriques des CHU spécialisés dans la médecine addictive6. Des signes cliniques inexistants Or le dopage n'a rien à voir avec la toxicomanie. L'athlète ne recherche aucunement des sensations Produits dopants égale produits dangereux pour la fortes, il se dope pour se donner les moyens de ne pas santé des athlètes ? L'affaire est complexe. S'il est éviperdre. C'est dans cette optique que le médecin du dent que la prise répétée de médicaments n'est jamais sport a un rôle fondamental à jouer. Avant tout médeanodine, que le risque d'effets secondaires nocifs exiscin, il n'est pas là pour améliorer coûte que coûte la te, rien ne permet d'établir une corrélation entre injecperformance du champion, mais pour soutenir, accomtions ou comprimés prohibés et pathologies obserpagner un individu qui s'exprime à travers son corps. vées. D'abord parce que l'on est souvent incapable de Et remplir auprès de lui, dans le respect absolu de sa retracer la réalité - substances exactes, nombre de santé, une mission éducative : l'informer sur la réalité doses, durée d'administration…- du dopage subi et et la nocivité des produits dopants, lui expliquer qu'une consenti. Ensuite parce que les signes cliniques de ce bonne hygiène de vie atténuera sa fatigue et qu'une dopage sont quasiment impossibles à prouver. alimentation équilibrée lui procurera les vitamines dont L'apparition d'un symptôme donné, même s'il ressemil a besoin. Dans ce contexte, le corps est avant tout un ble à tel ou tel effet secondaire d'un médicament, ne outil de travail, un capital, à préserver. Rôle d'accompagnement, rôle d'éducation et de prétraduit pas forcément un contact avec ce produit. vention : le médecin du sport, à partir du moment où il Aussi est-il très difficile de mettre sur le compte du exerce pleinement son métier de médecin à part entièdopage une maladie chez un sportif, sur la simple constatation d'effets secondaires de substances re, dès lors qu'il a acquis la confiance de son patient, connues. Tout juste pointe-t-on des faits troublants, devient un acteur essentiel de la lutte contre le dopacomme le nombre terriblement élevé de cyclistes proge. A une condition cependant : que son indépendanfessionnels qui meurent avant 50 ans de cancers ce soit totale, qu'il puisse se dégager de tout lien avec hépatiques, pancréatiques ou digestifs et de leucéles présidents de fédérations et les directeurs sportifs. Le médecin du travail est parfaitement autonome. A De sorte que leurs effets se cantonnent à l'échelon local (infiltration, spray nasal…) quand un statut semblable pour le médecin du sport ? “ “ 4 L'excès de ces substances risque d'entraîner une dépendance avec crises d'asthme sévères 5 Addiction = dépendance 6 Zoom sur... La médecine du sport 43 DOPAGE Dopage : miser sur l’éducation et la prévention Des substances sous haute surveillance La loi française - arrêté du 2 février 2000 - définit 5 classes de produits interdits et 5 soumises à restrictions. Substances interdites A - Les stimulants, qui agissent sur le système nerveux central et favorisent l'état de vigilance : caféine, cocaïne, éphédrine, amphétamines… Les risques sont ceux de toutes les puissances actives sur le psychisme. A noter que la caféine, comme d'autres produits, est interdite à partir d'un certain seuil : en l'occurrence, une concentration de 12 microgrammes par millilitre d'urine, soit plus d'un litre de breuvage absorbé en 6h. B - Les narcotiques, utilisés pour leur fonction anti-douleur : méthadone, morphine, péthidine… Risque d'accoutumance. C - Les agents anabolisants, répartis en 2 catégories : - stéroïdes anabolisants androgènes qui permettent de développer la masse musculaire : testostérone, stanozolol, nandrolone… Augmentent l'agressivité et ont des effets masculinisants chez la femme. - bêta 2 agonistes, dont l'action favorise les capacités pulmonaires : clenbuterol, salbutamol, terbutaline, salmétérol… D - Les diurétiques, qui augmentent le débit urinaire : bumetanide, mannitol… Provoquent un état de déshydratation. E - Les hormones peptidiques, sustances mimétiques et analogues, véritables messagers physiologiques qui possèdent un système d'auto-régulation à l'intérieur de l'organisme : érythropoïétine (EPO), hormone de croissance (hGH - somatotrophine), gonadotrophine chorionique (HCG), corticotrophine (ACTH). Risque majeur : une dérégulation physiologique interne avec des conséquences à court et à long terme. Substances soumises à restrictions - Anesthésiques locaux : l'injection de lidocaïne, procaïne, bupivacaïne (mais pas cocaïne) est autorisée par voie locale ou intra-articulaire, avec justification médicale obligatoire. - Corticostéroïdes : autorisés par voie locale ou intra-articulaire sur justification médicale. - Bêta-bloquants : interdits en France, comme au niveau international, dans certains sports. - Alcool et cannabinoïdes : en accord avec les fédérations de sport et les autorités responsables, des tests sur l'éthanol et les composants du cannabis peuvent être effectués et leurs résultats entraîner des sanctions. 44 Zoom sur... La médecine du sport