Les jugements « avant dire droit »

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Les jugements « avant dire droit »
Yasmine SBAI
Licence 3 Droit
Atelier clinique juridique
Mai 2016
Les jugements « avant dire droit »
La terminologie juridique est parfois un vrai
casse-tête pour le justiciable. Notamment en
ce qui concerne la désignation des décisions
de justice: jugement, ordonnance, arrêt,
jugement avant-dire-droit… Or selon le
vocable employé ces décisions n’auront pas
les
mêmes
effets.
Que
recouvrent
exactement ces appellations ? Le jugement
désigne la décision
d’une juridiction du
premier degré et s’applique indifféremment
au juge unique ou aux formations collégiales;
l’arrêt renvoie aux décisions des juridictions
de second degré (Cours d’appel) ou à celles
de la Cour de Cassation. Les décisions des
juges uniques prenaient autrefois le nom
d’ordonnances; les cas où le juge statue seul
s’étant
considérablement
développés,
désormais ce terme d’ordonnance désigne
plutôt les décisions par lesquelles le juge
statue de manière simplifiée (saisine du juge
par simple requête, c’est-à-dire par courrier )
ou provisoire
ou prend des mesures
d’administration judiciaires. Les décisions des
juges statuant sous la forme du référé ou
répondant à une requête (ex : requête en
injonction de faire ou de payer) prennent
notamment le nom d’ordonnances ; celles de
l’arbitre ne sont pas des jugements mais
des sentences arbitrales.
Il existe par ailleurs trois types de jugements :
v les jugements dit définitifs sont ceux qui
tranchent le litige au sens le plus large du
terme
v les jugements provisoires sont ceux qui
ordonnent une mesure urgente pendant le
procès,
Clinique juridique
v les jugements mixtes prennent à la fois
des caractéristiques des jugements définitifs
et des jugements provisoires, à savoir qu’ils
tranchent une partie du litige et ordonnent
une mesure provisoire.
Parmi les jugements dits provisoires, il
convient de distinguer les jugements
provisoires par nature et les jugements avant
dire droit. C’est à cette dernière catégorie que
nous allons nous intéresser dans cet article.
Qu’est ce qu’un jugement avant dire droit
?
Un jugement avant dire droit est celui qui est
rendu avant que le juge ne dise le droit. Il
intervient donc en cours d’instance, c’est-àdire durant le procès. Il s’agit du premier
critère (temporel) de ce type de jugement.
Le second critère concerne son objet : en
effet le jugement avant-dire droit « se borne
… à ordonner une mesure d’instruction ou
une mesure provisoire » (article 4821 du code
de procédure civile).
Il existe deux catégories de jugements avant
dire droit :
v les jugements ordonnant une mesure
provisoire, qui ont pour but d’assurer à l’une
des parties une protection qui lui devient
nécessaire en raison des lenteurs de la
justice, comme par exemple la fixation
provisoire d’un loyer ou d’une pension
alimentaire pour le cours de l’instance
1
Article 482 du code de procédure civile
v ceux ordonnant une mesure d’instruction
relative au procès.Il s’agit des jugements qui,
sans trancher le litige, acheminent celui-ci
vers sa solution. C’est par exemple le cas
d’un jugement (ou ordonnance) ordonnant
une enquête, une expertise ou une
comparution personnelle d’une partie.
Quelles sont les caracté ristiques de ce
type de jugement ?
Le jugement avant dire droit comporte trois
caractéristiques:
v L’absence de dessaisissement du juge.
Le jugement avant dire droit ne dessaisit pas
le juge et ne met donc pas fin à l’instance
(article 4832 du code de procédure civile). Le
juge reste donc chargé de l’affaire puisque le
jugement sur le fond à savoir définitif n’a pas
encore été rendu.
v L’absence d’autorité de la chose jugée
sur le principal.
Le principe est que le tribunal qui statuera sur
le fond de l’affaire et rendra donc un
jugement définitif ne sera pas lié par la
décision avant dire droit rendue mais comme
nous avons pu le dire précédemment, ce
jugement avant dire droit existera par luimême et devra être exécuté.
v L’absence d’appel immédiat.
En principe, le jugement avant dire droit n’est
pas susceptible d’une voie de recours
immédiate comme l’appel (articles 544 3 ,
5454du code de procédure civile) car il n’a
pas « autorité de la chose jugée » puisqu’il
ne tranche pas le litige (article 482 du code
de procédure civile 5 ). Cette absence
d’autorité de la chose jugée signifie que le
juge qui statuera sur le fond de l’affaire ne
sera pas lié par le jugement avant dire droit ;
mais à l’égard du juge qui a rendu la décision
avant dire-droit, celle-ci ne perd pas toute
autorité; il ne pourra la modifier ou la rétracter
que si un fait nouveau surgit. Le jugement
avant dire droit existera par lui-même et
devra être executé en attente du jugement
définitif.
L’appel n’est toutefois pas impossible mais
simplement retardé : le jugement avant –dire
droit pourra être frappé d’appel en même
temps que le jugement qui tranchera le litige
(jugement au fond).
Par ailleurs, il existe des exceptions
limitativement énumérées par la loi pour
lesquelles l’appel immédiat est autorisé en
dépit du fait qu’il s’agisse d’un jugement
avant-dire-droit: le jugement qui ordonne un
sursis à statuer ou une expertise peut faire
l’objet d’un appel immédiat s’il existe un motif
grave et légitime et avec l’autorisation du
premier président de la Cour d’appel. De
meme, les mesures provisoires en matière de
divorce sont susceptibles d’appel immédiat
en raison du caractère délicat et important de
la matière (articles 1506 et 2727 du code de
procédure civile 8).
Yasmine SBAI
Liens utiles
Site des éditions Dalloz à destination des
étudiants: actu.dalloz-etudiant.fr
Site de l'encyclopédie juridique collaborative
JuriPedia: fr.juripedia.org
Sources
Code de procédure civile, articles 482 et 483
(définition-effets)
6
2
3
4
5
Article 483 du code de procédure civile
Article 544 du code de procédure civile
Article 545 du code de procédure civile
Article 482 du code de procédure civile
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Article 150 du code de procédure civile
Article 272 du Code de procédure civile
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autorisation obtenue après assignation en référé
délivrée à la partie adverse dans un délai d’un mois
après le prononcé du jugement
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