Reportage ( PDF 304Ko ) - Architecture Hospitalière
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1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page45 Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph La renaissance d’une cité hospitalière au cœur de Paris Crédit photo : Hervé Abbadie Le Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph est un hôpital privé à but non lucratif, Etablissement de Santé Privé d'Intérêt Collectif (ESPIC). Il est né en 2006 de la fusion de trois hôpitaux du sud parisien fondés au XIXème siècle : l’hôpital Saint-Joseph, l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours et l’hôpital Saint-Michel auxquels s’ajoute l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Avec cette fusion, la Fondation Hôpital Saint-Joseph a souhaité refondre son dispositif de dispensation des soins et réorganiser son territoire hospitalier. Cette volonté s’est traduite par la construction de deux nouveaux bâtiments, un dédié à la médecine et l’autre à la maternité, sur le site de Saint-Joseph, une construction qui a permis la fermeture de l’hôpital Saint Michel en 2009 et le transfert de la maternité de Notre-Dame de Bon Secours en 2011. AIA - Architectes Ingénieurs Associés était en charge du projet architectural élu en début d'année lauréat des ArchiDesign Club Awards dans la catégorie santé. Le respect de la structure pavillonnaire, des galeries, des jardins et la préservation de la chapelle, a permis de conserver la figure du plan historique. Le projet architectural a pris acte de l’empreinte historique et les nouveaux bâtiments se sont inscrits en lieu et place de l’architecture existante, préservant ainsi la lisibilité du plan originel, à la fois structuré et ouvert. L’architecture a ainsi placé au cœur de l’institution la naissance et l’enfance, essence fondamentale du renouveau de nos sociétés. Ainsi, la nouvelle maternité se développe en point médian de l’axe central historique, elle s’inscrit au plus près des infrastructures médico-techniques et favorise la mutualisation des moyens. Avec sa façade blanche immaculée, graphiquement animée par ses volets protecteurs, elle devient l’emblème d’un hôpital situé au cœur de la population. accueillons 35 000 urgences. Nous pratiquons exclusivement des tarifs de secteur 1. Nous enregistrons 50 000 séjours par an (dont la moitié se fait en médecine) et 3 200 accouchements. Notre établissement participe à l’enseignement universitaire de la Faculté de médecine Paris Descartes. Présentation avec Jean-Patrick Lajonchère, Directeur Général du Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph 46 Le Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph... Jean-Patrick Lajonchère : Notre établissement se situe dans le quatorzième arrondissement de Paris, une zone assez dense en matière de santé. Le Groupe Hospitalier Saint-Joseph est un hôpital généraliste participant à la mission de service public hospitalier puisque nous Les grandes lignes de l’opération de regroupement... J-P.L : Le Groupe Hospitalier Saint-Joseph est issu du regroupement de trois hôpitaux. La structuration administrative de ce groupement était effective en 2006 et concernait les hôpitaux Notre-Dame de Bon Secours, Saint Michel et Saint Joseph. Cette décision a été suivie de la fermeture de l’hôpital Saint Michel en 2009 et du site de NotreDame de Bon Secours en 2011. Ces fermetures ont été rendues possible par la construction de deux bâtiments sur le site de l’hôpital Saint-Joseph. 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page46 Architecture hospitalière - numéro 10 - Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph Quels ont été les acteurs ayant participé aux réflexions autour de la construction des deux nouveaux bâtiments ? J-P.L : Ces réflexions ont été très collégiales. Pendant la réalisation, nous avons systématiquement impliqué les médecins chefs de pôles concernés afin qu’ils conduisent le projet. Ces pôles sont constitués de manière à regrouper géographiquement les activités qui interagissent le plus souvent et offrir la meilleure prise en charge possible. Pourquoi avez-vous décidé de mettre en œuvre ce projet de regroupement et de le traduire architecturalement par la construction de ces deux bâtiments ? J-P.L : Nos trois hôpitaux concernés par le regroupement avaient une taille critique insuffisante et connaissaient une situation de déficit. La survie d’un service public hospitalier exercé par des opérateurs privés et non-lucratifs était alors clairement remise en question sur ce secteur de Paris. Quels étaient les enjeux architecturaux de ce projet et les besoins que vous aviez identifiés ? J-P.L : Comme décrits dès 1995, les enjeux architecturaux étaient de garder l’esprit de l’ancien hôpital Saint-Joseph qui se caractérisait par des bâtiments en brique, des galeries extérieures, une chapelle au centre et des espaces verts très importants. Le volet Architectural « Il est assez rare de reconstruire un site hospitalier sur lui-même à Paris » Plus de précisions avec Laurent Perusat, Architecte associé du groupe européen AIA L’opération de regroupement du Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph... Laurent Perusat : Ce projet a été plus complexe que d’autre car l’équipe de Maîtrise d’œuvre a participé lors d’une première phase à la programmation et à l’élaboration des besoins avec des groupes de travail qui avaient été identifiés par la Fondation afin de bâtir le programme et le cahier des charges de cette opération de regroupement sur un même site de trois établissements. Donc notre équipe étant chargée d’une partie de la programmation, nous avons dû pleinement nous investir avec le personnel soignant. L’opération a donc été exigeante, mais notre implication et les échanges que nous avons eus portent aujourd’hui leurs fruits. Les utilisateurs sont satisfaits de l’ouvrage que nous leur avons livré, leur permettant ainsi de travailler plus efficacement que dans leurs anciennes installations ; à NotreDame de Bon Secours où à Saint-Michel. D’un point de vue architectural, quels étaient les enjeux de cette opération ? L.P : Les enjeux ont été multiples. Il s’agissait d’un projet parisien, d’un hôpital très enclavé et fortement marqué par son caractère historique Pourquoi aviez-vous opté pour le projet de AIA ? J-P.L : Renouveler les idées et mettre en compétition de la manière la plus positive les ateliers d’architecture a toujours été indispensable à la qualité d’un projet. L’introduction de l’équipe AIA a été faite dans ce sens et a apporté des idées nouvelles adaptées à des lignes directrices plus anciennes. Ce projet a représenté un investissement de 100 millions d’euros. Il a également entraîné la fermeture de deux sites hospitaliers Dans quelle mesure peut-on parler, avec ce projet, d’une « renaissance » pour ce site ? J-P.L : Quand les trois fondations ont décidé de fusionner, chacune d’entre elles était en difficulté financière. Une situation de déficit s’élevant à 28 millions d’euros cumulés n’était pas absorbable longtemps. Un grand projet fédérant les équipes et témoignant du renouveau du site était porteur de sens. L’architecture a donc traduit ce qui a été initié par le conseil d’administration et le directeur général de l’époque dès 2005. Quelle est votre vision de l’hôpital de demain ? J-P.L : L’hôpital de demain se caractérise par des séjours très courts. Il s’agit d’un établissement tant humain que technique. Il doit également être en lien avec le parcours sanitaire et médico-social du patient. et sa conception pavillonnaire typique de la période du début du XXe siècle. Nous devions donc conserver ce caractère dans notre propre conception. Nous devions aussi nous inscrire dans la première partie de la reconstruction du site qui avait été amorcée par nos confrères architectes Jean-Louis SOORS et Jean-Philippe PARGADE. Ils avaient imaginé installer, sous la chapelle du site, une partie du plateau technique, en l’occurrence les salles de réveil. Notre projet nécessitait donc une connexion assez délicate avec des reprises en sous-œuvre qui, techniquement, représentaient un véritable enjeu architectural. D’autre part, il nous fallait également préserver le caractère paysager du site qui dispose de jardins de très grandes qualités entre les bâtiments. Près du quart de la superficie du site de 53 000 m2, est offert aux espaces verts, autant de jardins structurants, de respirations pour un quartier en pleine requalification. L’enjeu majeur était donc de conserver l’esprit et l’environnement de la cité hospitalière d’origine qui devait repenser l’ensemble de son fonctionnement dans ce tissu parisien assez dense du 14ème arrondissement. Pour cette opération, combien de bâtiments devaient être construits ? L.P : Notre première étude incluait trois bâtiments, mais finalement le projet s’est orienté vers la construction de deux nouvelles structures. L’un des bâtiments est dédié à la médecine et s’inscrit dans la continuité des pavillons de l’époque. Le second accueille la maternité et est construit comme une clé de voûte au centre du système octogonal formé par les pavillons. Aujourd’hui, le site accueille trois nouvelles entités sanitaires supplémentaires ; le centre de dialyse de l’AURA, conçu par BAU et VAN HECKE, et le bâtiment de la fondation Léopold BELLAN conçu par Jean-Philippe PARGADE, construit en contiguïté de cet établissement de dialyse. De notre côté, nous construisons aujourd’hui, au sud de ce site historique de Saint Joseph, le bâtiment de la clinique ARAGO dédié aux activités ambulatoires d’orthopédie. 47 1-MAGAZINE ARCHI - N°10-28,5x22,5-FRANCE_Mise en page 1 02/05/14 17:18 Page47 Comment avez-vous intégré ces bâtiments dans leur environnement ? L.P : Nous avons intégré le bâtiment de médecine en reproduisant à l’identique la conception pavillonnaire que nos confrères avaient déjà réalisée. En réalité, il s’agit davantage d’un « effet de pavillon » puisqu’ils sont tous reliés entre eux afin d’offrir une continuité d’usage à l’intérieur de ces bâtiments, contrairement aux structures d’époque qui étaient uniquement reliées par une galerie. Le bâtiment de la maternité est complètement atypique et devait symboliser le renouveau du site Saint-Joseph. Sa position stratégique, au cœur de la composition générale du site révèle aussi une valeur toute symbolique. C’est un peu le « cœur battant » du site hospitalier, ou la « clé de voûte » de la composition globale, et il s’impose comme un lieu de vie par excellence. Il devient repère, éclat de lumière, tableau essentiel sur lequel se découpe la silhouette de la chapelle. L’ensemble de ses façades se couvre d’une peau lisse et homogène presque abstraite pour ne pas rivaliser avec l’architecture sacrée du XIXe siècle et sa riche modénature. Cette enveloppe est composée de panneau qui s’ouvrent ou se ferment au gré de la vie qui rythme l’activité et les événements de ce lieu des naissances. Quelles étaient les difficultés rencontrées sur ce site historiquement marqué ? L.P : Les difficultés ont été techniques, mais elles ont été également liées à la façon dont les riverains et la ville de Paris pouvaient s’approprier le projet. Durant l’instruction du permis de construire, nous avons eu de nombreuses discussions avec la mairie de Paris, qui nous ont permis d’amender et de parfaire le projet. Nous avons aussi échangé avec les riverains et nous avons pu constater que, paradoxalement, ces derniers étaient moins réticents au projet que l’administration parisienne. Les problèmes techniques et programmatiques que nous avons pu rencontrer ont été gérés de manière efficace, mais la première difficulté était bien d’obtenir le permis de construire. Quelle est la place de la lumière naturelle dans les nouveaux bâtiments du site de Saint Joseph ? L.P : Elle était primordiale pour tous les projets que nous concevons, et notamment pour le bâtiment de la maternité que nous imaginons avec une lumière très présente et douce. Ainsi, les panneaux du bâtiment, s’ouvrant automatiquement, peuvent être modulés en fonction de l’apport recherché en lumière naturelle. Nous avons également veillé à ce que les circulations de cette maternité soient systématiquement irriguées de cette lumière. Nous avons souhaité apporter cet élément majeur dans les salles de réveil situées sous la chapelle grâce à la mise en place de planchers en verre. De même, la réanimation, située sous la maternité, a fait l’objet d’efforts importants pour irriguer de lumière ces locaux évoluant sous une dalle. Ainsi, nous avons mis en place des patios et des atriums relativement profonds qui conduisent la lumière au sein du plateau technique, de la réanimation et des espaces techniques, jusqu’au locaux de la pharmacie centrale. 48 Quels sont les autres éléments que vous avez mis en place et qui participent au confort des utilisateurs, notamment au niveau de la maternité ? L.P : Le choix des matériaux a été particulièrement soigné. L’accueil centralisé de la maternité a été traité avec des habillages en bois qui offrent une réponse aux jardins suspendus derrière la chapelle et une continuité au jardin en vis-à-vis du bâtiment. Le bois étant un matériau chaleureux et au caractère plus domestique, nous souhaitions le rendre plus présent dans la maternité. Nos choix de teintes pour ce bâtiment ont été faits pour apporter une grande luminosité avec des jeux de contrastes forts et marqués, sans être trop agressifs. Comment avez-vous abordé la gestion des flux ? L.P : Cette gestion est spécifique au site de Saint Joseph. Contrairement aux autres hôpitaux que nous avons pu concevoir, l’ensemble des distributions du public se fait au-dessus du plateau technique, ce qui est assez inhabituel. Le cheminement par des galeries couvertes permet de regagner la maternité ou le bâtiment de médecine. Sur ce même niveau de galeries, nous retrouvons les espaces de consultation et des points de montée pour regagner les zones d’hospitalisation situées au-dessus du niveau public. Les installations logistiques ont été, en partie, regroupées sous le bâtiment de médecine. Elles ont été conçues pour pouvoir intégrer un transport automatique lourd. Aujourd’hui, le site de Saint Joseph dispose donc des espaces nécessaires pour accueillir, si besoin, une solution de transport automatisé. Dans quelle mesure cette opération s’est-elle inscrite dans une démarche de développement durable ? L.P : Notre cible prioritaire en tant qu’architectes était l’intégration d’un bâtiment moderne et contemporain dans un site historique et son rapport à ce dernier. Nous avons accordé une attention toute particulière à la maîtrise des énergies et la qualité des enveloppes qui permettent de limiter la production de chauffage. La lumière naturelle est présente au plus près des espaces de travail et de soin. Les jardins en périphérie des nouveaux bâtiments ont également été travaillés afin de requalifier les espaces paysagers de l’hôpital et de replacer le projet dans un véritable écrin de verdure. La volonté marquée dans la conception de ce site était de supprimer au maximum la circulation des véhicules. Cela a permis de privilégier les espaces aménagés en jardin ou en paysages urbains. Cela démontre, s’il le fallait encore, la volonté d’inscrire ce site, et donc notre projet, dans une démarche de développement durable. Ce projet a été désigné lauréat des ArchiDesignClub (ADC) Awards dans la catégorie santé. Que représente cette récompense ? L.P : Etre désigné lauréat de ce prix national d’architecture est une belle récompense de la part de la profession et du public sur un bâtiment qui a été jugé comme étant de qualité, au regard d’autres projets qui l’étaient également (Le Centre Hospitalier de Marne-la-Vallée par Brunet Saunier Architecture, l’Hôpital privé à Villeneuve d’Ascq réalisé par Pargade Architectes, la restructuration d’un établissement Alzheimer à Paris par Philippon-Kalt Architectes). Cette récompense n’en est que plus belle et nous l’acceptons comme une reconnaissance de la qualité architecturale et hospitalière des créations de l’agence AIA. Quel bilan faites-vous de cette opération ? Dans quelle mesure peut-on parler de « renaissance » pour ce site ? L.P : Cette renaissance est très marquée. Il est assez rare de reconstruire un site hospitalier sur lui-même à Paris. De plus, le site de Saint Joseph a été reconstruit sur la base d’une typologie historique avec un hôpital « en peigne », à la façon de La Riboisière. Cette opération est donc une prouesse en soi et l’intégration de bâtiments nouveaux dont la conception respecte un site historique pérennise ces sites hospitaliers d’époque. En cela, ces nouvelles constructions apportent un réel renouveau à des sites marqués historiquement.