Reportage ( PDF 304Ko ) - Architecture Hospitalière

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Reportage ( PDF 304Ko ) - Architecture Hospitalière
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Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph
La renaissance d’une cité hospitalière au cœur de Paris
Crédit photo : Hervé Abbadie
Le Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph est un hôpital privé à but non lucratif, Etablissement de Santé Privé d'Intérêt Collectif (ESPIC). Il est né en
2006 de la fusion de trois hôpitaux du sud parisien fondés au XIXème siècle : l’hôpital Saint-Joseph, l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours et l’hôpital
Saint-Michel auxquels s’ajoute l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Avec cette fusion, la Fondation Hôpital Saint-Joseph a souhaité refondre
son dispositif de dispensation des soins et réorganiser son territoire hospitalier. Cette volonté s’est traduite par la construction de deux nouveaux
bâtiments, un dédié à la médecine et l’autre à la maternité, sur le site de Saint-Joseph, une construction qui a permis la fermeture de l’hôpital Saint
Michel en 2009 et le transfert de la maternité de Notre-Dame de Bon Secours en 2011.
AIA - Architectes Ingénieurs Associés était en charge du projet architectural élu en début d'année lauréat des ArchiDesign Club Awards dans la
catégorie santé. Le respect de la structure pavillonnaire, des galeries, des jardins et la préservation de la chapelle, a permis de conserver la figure du
plan historique. Le projet architectural a pris acte de l’empreinte historique et les nouveaux bâtiments se sont inscrits en lieu et place de l’architecture
existante, préservant ainsi la lisibilité du plan originel, à la fois structuré et ouvert. L’architecture a ainsi placé au cœur de l’institution la naissance et
l’enfance, essence fondamentale du renouveau de nos sociétés. Ainsi, la nouvelle maternité se développe en point médian de l’axe central historique,
elle s’inscrit au plus près des infrastructures médico-techniques et favorise la mutualisation des moyens. Avec sa façade blanche immaculée,
graphiquement animée par ses volets protecteurs, elle devient l’emblème d’un hôpital situé au cœur de la population.
accueillons 35 000 urgences. Nous pratiquons exclusivement des
tarifs de secteur 1. Nous enregistrons 50 000 séjours par an (dont
la moitié se fait en médecine) et 3 200 accouchements. Notre
établissement participe à l’enseignement universitaire de la Faculté
de médecine Paris Descartes.
Présentation avec Jean-Patrick Lajonchère, Directeur
Général du Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph
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Le Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph...
Jean-Patrick Lajonchère : Notre établissement se situe dans le
quatorzième arrondissement de Paris, une zone assez dense en matière
de santé. Le Groupe Hospitalier Saint-Joseph est un hôpital généraliste
participant à la mission de service public hospitalier puisque nous
Les grandes lignes de l’opération de regroupement...
J-P.L : Le Groupe Hospitalier Saint-Joseph est issu du regroupement
de trois hôpitaux. La structuration administrative de ce groupement
était effective en 2006 et concernait les hôpitaux Notre-Dame de
Bon Secours, Saint Michel et Saint Joseph. Cette décision a été suivie
de la fermeture de l’hôpital Saint Michel en 2009 et du site de NotreDame de Bon Secours en 2011. Ces fermetures ont été rendues possible
par la construction de deux bâtiments sur le site de l’hôpital Saint-Joseph.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph
Quels ont été les acteurs ayant participé aux réflexions autour
de la construction des deux nouveaux bâtiments ?
J-P.L : Ces réflexions ont été très collégiales. Pendant la réalisation,
nous avons systématiquement impliqué les médecins chefs de pôles
concernés afin qu’ils conduisent le projet. Ces pôles sont constitués de
manière à regrouper géographiquement les activités qui interagissent
le plus souvent et offrir la meilleure prise en charge possible.
Pourquoi avez-vous décidé de mettre en œuvre ce projet de
regroupement et de le traduire architecturalement par la
construction de ces deux bâtiments ?
J-P.L : Nos trois hôpitaux concernés par le regroupement avaient
une taille critique insuffisante et connaissaient une situation de déficit.
La survie d’un service public hospitalier exercé par des opérateurs
privés et non-lucratifs était alors clairement remise en question sur
ce secteur de Paris.
Quels étaient les enjeux architecturaux de ce projet et les
besoins que vous aviez identifiés ?
J-P.L : Comme décrits dès 1995, les enjeux architecturaux étaient
de garder l’esprit de l’ancien hôpital Saint-Joseph qui se caractérisait
par des bâtiments en brique, des galeries extérieures, une chapelle
au centre et des espaces verts très importants.
Le volet Architectural
« Il est assez rare de reconstruire un site hospitalier sur lui-même à Paris »
Plus de précisions avec Laurent Perusat, Architecte
associé du groupe européen AIA
L’opération de regroupement du Groupe Hospitalier Paris
Saint Joseph...
Laurent Perusat : Ce projet a été plus complexe que d’autre car
l’équipe de Maîtrise d’œuvre a participé lors d’une première phase
à la programmation et à l’élaboration des besoins avec des groupes
de travail qui avaient été identifiés par la Fondation afin de bâtir le
programme et le cahier des charges de cette opération de regroupement sur un même site de trois établissements. Donc notre équipe
étant chargée d’une partie de la programmation, nous avons dû pleinement
nous investir avec le personnel soignant. L’opération a donc été exigeante, mais notre implication et les échanges que nous avons eus
portent aujourd’hui leurs fruits. Les utilisateurs sont satisfaits de
l’ouvrage que nous leur avons livré, leur permettant ainsi de travailler
plus efficacement que dans leurs anciennes installations ; à NotreDame de Bon Secours où à Saint-Michel.
D’un point de vue architectural, quels étaient les enjeux de
cette opération ?
L.P : Les enjeux ont été multiples. Il s’agissait d’un projet parisien,
d’un hôpital très enclavé et fortement marqué par son caractère historique
Pourquoi aviez-vous opté pour le projet de AIA ?
J-P.L : Renouveler les idées et mettre en compétition de la manière
la plus positive les ateliers d’architecture a toujours été indispensable
à la qualité d’un projet. L’introduction de l’équipe AIA a été faite
dans ce sens et a apporté des idées nouvelles adaptées à des lignes
directrices plus anciennes. Ce projet a représenté un investissement
de 100 millions d’euros. Il a également entraîné la fermeture de
deux sites hospitaliers
Dans quelle mesure peut-on parler, avec ce projet, d’une
« renaissance » pour ce site ?
J-P.L : Quand les trois fondations ont décidé de fusionner, chacune
d’entre elles était en difficulté financière. Une situation de déficit
s’élevant à 28 millions d’euros cumulés n’était pas absorbable longtemps.
Un grand projet fédérant les équipes et témoignant du renouveau
du site était porteur de sens. L’architecture a donc traduit ce qui a
été initié par le conseil d’administration et le directeur général de
l’époque dès 2005.
Quelle est votre vision de l’hôpital de demain ?
J-P.L : L’hôpital de demain se caractérise par des séjours très courts.
Il s’agit d’un établissement tant humain que technique. Il doit également
être en lien avec le parcours sanitaire et médico-social du patient.
et sa conception pavillonnaire typique de la période du début du
XXe siècle. Nous devions donc conserver ce caractère dans notre
propre conception. Nous devions aussi nous inscrire dans la première
partie de la reconstruction du site qui avait été amorcée par nos
confrères architectes Jean-Louis SOORS et Jean-Philippe PARGADE.
Ils avaient imaginé installer, sous la chapelle du site, une partie du
plateau technique, en l’occurrence les salles de réveil. Notre projet
nécessitait donc une connexion assez délicate avec des reprises en
sous-œuvre qui, techniquement, représentaient un véritable enjeu
architectural. D’autre part, il nous fallait également préserver le
caractère paysager du site qui dispose de jardins de très grandes
qualités entre les bâtiments. Près du quart de la superficie du site
de 53 000 m2, est offert aux espaces verts, autant de jardins structurants,
de respirations pour un quartier en pleine requalification. L’enjeu
majeur était donc de conserver l’esprit et l’environnement de la cité
hospitalière d’origine qui devait repenser l’ensemble de son fonctionnement dans ce tissu parisien assez dense du 14ème arrondissement.
Pour cette opération, combien de bâtiments devaient être
construits ?
L.P : Notre première étude incluait trois bâtiments, mais finalement
le projet s’est orienté vers la construction de deux nouvelles structures.
L’un des bâtiments est dédié à la médecine et s’inscrit dans la continuité
des pavillons de l’époque. Le second accueille la maternité et est
construit comme une clé de voûte au centre du système octogonal
formé par les pavillons. Aujourd’hui, le site accueille trois nouvelles
entités sanitaires supplémentaires ; le centre de dialyse de l’AURA,
conçu par BAU et VAN HECKE, et le bâtiment de la fondation Léopold
BELLAN conçu par Jean-Philippe PARGADE, construit en contiguïté
de cet établissement de dialyse. De notre côté, nous construisons
aujourd’hui, au sud de ce site historique de Saint Joseph, le bâtiment
de la clinique ARAGO dédié aux activités ambulatoires d’orthopédie.
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Comment avez-vous intégré ces bâtiments dans leur environnement ?
L.P : Nous avons intégré le bâtiment de médecine en reproduisant
à l’identique la conception pavillonnaire que nos confrères avaient
déjà réalisée. En réalité, il s’agit davantage d’un « effet de pavillon »
puisqu’ils sont tous reliés entre eux afin d’offrir une continuité
d’usage à l’intérieur de ces bâtiments, contrairement aux structures
d’époque qui étaient uniquement reliées par une galerie. Le bâtiment
de la maternité est complètement atypique et devait symboliser le
renouveau du site Saint-Joseph. Sa position stratégique, au cœur
de la composition générale du site révèle aussi une valeur toute
symbolique. C’est un peu le « cœur battant » du site hospitalier, ou
la « clé de voûte » de la composition globale, et il s’impose comme
un lieu de vie par excellence. Il devient repère, éclat de lumière, tableau
essentiel sur lequel se découpe la silhouette de la chapelle. L’ensemble
de ses façades se couvre d’une peau lisse et homogène presque
abstraite pour ne pas rivaliser avec l’architecture sacrée du XIXe siècle
et sa riche modénature. Cette enveloppe est composée de panneau
qui s’ouvrent ou se ferment au gré de la vie qui rythme l’activité et
les événements de ce lieu des naissances.
Quelles étaient les difficultés rencontrées sur ce site historiquement marqué ?
L.P : Les difficultés ont été techniques, mais elles ont été également liées
à la façon dont les riverains et la ville de Paris pouvaient s’approprier
le projet. Durant l’instruction du permis de construire, nous avons
eu de nombreuses discussions avec la mairie de Paris, qui nous ont
permis d’amender et de parfaire le projet. Nous avons aussi échangé
avec les riverains et nous avons pu constater que, paradoxalement,
ces derniers étaient moins réticents au projet que l’administration
parisienne. Les problèmes techniques et programmatiques que nous
avons pu rencontrer ont été gérés de manière efficace, mais la première
difficulté était bien d’obtenir le permis de construire.
Quelle est la place de la lumière naturelle dans les nouveaux
bâtiments du site de Saint Joseph ?
L.P : Elle était primordiale pour tous les projets que nous concevons,
et notamment pour le bâtiment de la maternité que nous imaginons avec
une lumière très présente et douce. Ainsi, les panneaux du bâtiment,
s’ouvrant automatiquement, peuvent être modulés en fonction de
l’apport recherché en lumière naturelle. Nous avons également
veillé à ce que les circulations de cette maternité soient systématiquement irriguées de cette lumière. Nous avons souhaité apporter cet
élément majeur dans les salles de réveil situées sous la chapelle grâce
à la mise en place de planchers en verre. De même, la réanimation,
située sous la maternité, a fait l’objet d’efforts importants pour irriguer
de lumière ces locaux évoluant sous une dalle. Ainsi, nous avons
mis en place des patios et des atriums relativement profonds qui
conduisent la lumière au sein du plateau technique, de la réanimation
et des espaces techniques, jusqu’au locaux de la pharmacie centrale.
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Quels sont les autres éléments que vous avez mis en place
et qui participent au confort des utilisateurs, notamment au
niveau de la maternité ?
L.P : Le choix des matériaux a été particulièrement soigné. L’accueil
centralisé de la maternité a été traité avec des habillages en bois
qui offrent une réponse aux jardins suspendus derrière la chapelle
et une continuité au jardin en vis-à-vis du bâtiment. Le bois étant un
matériau chaleureux et au caractère plus domestique, nous souhaitions
le rendre plus présent dans la maternité. Nos choix de teintes pour
ce bâtiment ont été faits pour apporter une grande luminosité avec
des jeux de contrastes forts et marqués, sans être trop agressifs.
Comment avez-vous abordé la gestion des flux ?
L.P : Cette gestion est spécifique au site de Saint Joseph. Contrairement aux autres hôpitaux que nous avons pu concevoir, l’ensemble
des distributions du public se fait au-dessus du plateau technique,
ce qui est assez inhabituel. Le cheminement par des galeries couvertes
permet de regagner la maternité ou le bâtiment de médecine. Sur
ce même niveau de galeries, nous retrouvons les espaces de consultation
et des points de montée pour regagner les zones d’hospitalisation
situées au-dessus du niveau public. Les installations logistiques ont
été, en partie, regroupées sous le bâtiment de médecine. Elles ont
été conçues pour pouvoir intégrer un transport automatique lourd.
Aujourd’hui, le site de Saint Joseph dispose donc des espaces nécessaires
pour accueillir, si besoin, une solution de transport automatisé.
Dans quelle mesure cette opération s’est-elle inscrite dans
une démarche de développement durable ?
L.P : Notre cible prioritaire en tant qu’architectes était l’intégration
d’un bâtiment moderne et contemporain dans un site historique et
son rapport à ce dernier. Nous avons accordé une attention toute
particulière à la maîtrise des énergies et la qualité des enveloppes
qui permettent de limiter la production de chauffage. La lumière naturelle
est présente au plus près des espaces de travail et de soin. Les jardins
en périphérie des nouveaux bâtiments ont également été travaillés
afin de requalifier les espaces paysagers de l’hôpital et de replacer
le projet dans un véritable écrin de verdure. La volonté marquée
dans la conception de ce site était de supprimer au maximum la circulation des véhicules. Cela a permis de privilégier les espaces aménagés
en jardin ou en paysages urbains. Cela démontre, s’il le fallait encore,
la volonté d’inscrire ce site, et donc notre projet, dans une démarche
de développement durable.
Ce projet a été désigné lauréat des ArchiDesignClub (ADC) Awards
dans la catégorie santé. Que représente cette récompense ?
L.P : Etre désigné lauréat de ce prix national d’architecture est une
belle récompense de la part de la profession et du public sur un bâtiment
qui a été jugé comme étant de qualité, au regard d’autres projets
qui l’étaient également (Le Centre Hospitalier de Marne-la-Vallée
par Brunet Saunier Architecture, l’Hôpital privé à Villeneuve d’Ascq
réalisé par Pargade Architectes, la restructuration d’un établissement
Alzheimer à Paris par Philippon-Kalt Architectes). Cette récompense n’en
est que plus belle et nous l’acceptons comme une reconnaissance
de la qualité architecturale et hospitalière des créations de l’agence AIA.
Quel bilan faites-vous de cette opération ? Dans quelle mesure
peut-on parler de « renaissance » pour ce site ?
L.P : Cette renaissance est très marquée. Il est assez rare de reconstruire
un site hospitalier sur lui-même à Paris. De plus, le site de Saint Joseph
a été reconstruit sur la base d’une typologie historique avec un hôpital
« en peigne », à la façon de La Riboisière. Cette opération est donc
une prouesse en soi et l’intégration de bâtiments nouveaux dont la
conception respecte un site historique pérennise ces sites hospitaliers
d’époque. En cela, ces nouvelles constructions apportent un réel
renouveau à des sites marqués historiquement.