Interview : Emile Kanguè, artiste et grand musicien camerounais.

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Interview : Emile Kanguè, artiste et grand musicien camerounais.
Interview : Emile Kanguè, artiste et grand musicien camerounais.
Écrit par Ngo Nyobe
Jeudi, 07 Octobre 2010 22:45
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Rediffusion.
Il est des noms, des voix ou des chansons qui font partie intégrante du patrimoine culturel
camerounais. Emile Kanguè en fait partie, et traine avec lui une expérience de plus de 30
années de carrière ; carrière qui l’a conduit des cabarets d’Edéa aux grandes salles de
spectacle de l’occident. Liten Li Bassa est allé à sa rencontre et vous présente le producteur,
l’auteur compositeur et l’homme auteur du tube à succès « Ha Lom ».
Bonjour Émile Kangue. Que faites vous actuellement en France ?
Bonjour. Je suis actuellement en France pour une tournée organisée par un promoteur, Armand
Nlénd, qui fait beaucoup pour la culture camerounaise. Je lui tire un chapeau. Et je lui dis
courage, qu'il ne baisse pas les bras. Il a organisé un grand concert au Zénith l'année dernière,
chose qu'un camerounais n'a jamais osé. Celui prévu pour cette année a été décalé pour des
raisons que je ne saurais évoquer.
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Beaucoup connaissent l’artiste, très peu connaissent l’homme. Dites-nous, qui êtes-vous
?
Je m'appelle Émile Kangué, Ainé d'une fratrie de 12 enfants issus de l'union de Monsieur
Kangé Joseph, originaire de Ndoungue dans le Moungo, et de Madame Yaki Tapita, originaire
de Muanko et native de Nkag à Zock (Le dos de l'éléphant en langue bakoko). Je suis né en
1953 à Edéa où j'ai passé une enfance plutôt heureuse. J'ai successivement habité le quartier
d'amour, le quartier gare, et bonamikéngué.
J'ai fréquenté l'école (primaire) des garçons au bord du fleuve à Edea. Notre directeur était M.
Bang Ntamack Jean. Ensuite j'ai fait le CETI, avant de poursuivre au lycée à Douala.
C'est à ce moment que vous faites vos débuts dans la musique ?
Pas exactement. A Edéa déjà, dans les années soixante j'allais à la chorale avec ma mère. Elle
chantait dans Makom m’Essessa Yéhova (Les amis de la joie de Dieu en langue Douala).
Après la chorale, j'ai intégré l'orchestre scolaire : Les Bandeaux Noirs . Mais pour jouer avec ce
groupe, je devais sortir par la fenêtre à cause de l'interdiction parentale. Vous savez à l'époque,
pour les parents, la musique était une affaire de voyous.
Nous avons joué au Ration Bar (Lewat), à Canne à sucre bar (M. Disépio), Ambiance Bar
(Quartier Gare, chez Nounkeu, ancien de chef de la gare d'Edéa). Le groupe était composé
d'un chef d'orchestre, M. Njock Pierre. Monsieur Tédga, coiffeur à l'époque était notre batteur.
M. Bibaï Pierre, bassiste et le regretté Kaljob, mort de suite d'un accident.
Ce n'est qu'ensuite que je suis allé à Douala où j'ai intégré l'orchestre UVOCOT Jazz qui était
dirigé par le feu Epée Mbende Richard dit Epée d'Or, connu pour ses compositions ainsi que
pour sa coopération avec entre autres Emmanuel Néllé Eyoum et Ebanda Manfred.
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Parallèlement, j'avais crée un groupe au Mont Cameroun bar à Bali avec Nkotti Augustin et
quelques musiciens de l'orchestre de Mouelle Guillaume. Ce groupe s'appelait Les Corniches.
Nous sommes dans les années 70. On a évolué ensemble pendant un an ou deux, et le groupe
s'est séparé.
C'est alors que j'ai rejoint le groupe Black Styl. C'était dans DAVOUM bar à Bonakouamouang
et le propriétaire du bar s'appelait Toto Ekangué. A l'époque, seul le groupe Négro Style de
Néllé Eyoum chauffait réellement.
Parmi les BlackStyl se trouvaient Toto Guillaume, Le feu Mouéllé Jean, notre batteur Egnowé
Antoine mort il y a moins d'un an à Paris, Nkotti François, et Émile Kangué. Le groupe a
fonctionné pendant plus de 15 ans. Beaucoup de concerts, beaucoup d'errance de bar en bar,
de cabaret en cabaret : Mont Cameroun, Joie d'été, Mermoz Bar, Oryx, Pachengo pour ne citer
que ceux là.
C'est d'ailleurs au Mermoz bar que nous avons obtenu le contrat pour faire une tournée en
France. Le promoteur du tour en France se nommait Alexandre Ebonock. Avec lui nous (Black
Styls) avons produit des grands titres : Mota mataka tè, Dutéa, lors de notre tournée dans toute
la France qui a duré 3 mois.
De retour de la tournée en Europe j'ai quitté le groupe pour des raisons que je ne voudrais pas
évoquer. C'est à ce moment que je crée le groupe La Muzette du Mont Manengoumba, avec Pénda Dalle, Tamoch Henri, Nya Emmanuel, Ekoulé Francis, Sako Benoit, le feu Tongué Pierre
qui était mon jeune frère et Dooh Émile le trompettiste. J'étais en même temps directeur
artistique de la maison artistique Cousin Bar
Entre 1979 et 1980, j'enregistre le titre fétiche Dikom lam la moto (mon très très cher ami en
langue Dualà) qui a été vendu à plus de 50 miles vinyles et qui m'a valu un disque d'or au
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Cameroun avec la maison de disque Africa Kumba dont le directeur était le feu Wonga Jules.
C'est à partir de ces années que j'ai commencé à évoluer seul. J'ai donc composé des
chansons telles que
Je
plains ton sort
ou
Douala infos
,
Ndol'a Mumi, Jombe di Telame, Tet'Ekombo
que tout le monde connait.
Plus tard, nous avons essayé de reformer le groupe Black Styls avec de nouveaux artistes
comme Nadia Ewande, mais la mayonnaise n'a pas pris. Mes relations avec les anciens (Toto
Guillaume, Nkotti François …) demeurent tout de même très bonnes. Il nous arrive d'être
ensemble de temps en temps, comme en décembre dernier pour YaFé (Yaoundé en fête, ndlr).
Le groupe Black Styl a déjà perdu deux grands membres, Nyawe Jean et Néllé.
Que fait donc M. Emile Kangué aujourd'hui ?
Depuis 2003, Je suis propriétaire du label OTH K. Sophia production (Sophia est le prénom de
ma fille). Avec ce label, j'ai produit le Best of V1 en 2003, l'album Wéndé Championne en 2004
et
Villag
e Amatongue
en 2005.
Ayant constaté que les producteurs ne veulent plus s'occuper des artistes, je me suis dit tant
qu'à fait, pourquoi ne pas s'occuper de sois même. S'il plait à Dieu d'ici peu, je produirai
d'autres artistes.
Mon dernier CD, Village Amatongue est dans les bacs, je travaille sur les vidéos et je ne suis
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pas encore en studio. Je ne suis pas un artiste qui sort un album tous les 3 mois. Je prends du
temps pour bien peaufiner mon travail.
Vous résidez aux États Unis d'Amérique. Quelles sont les raisons de cet exil ?
Ce n'est pas une question d'exil. J'y suis allé pour une tournée de 3 mois; après quoi le
promoteur qui m'y a invité m'a proposé de rester. J'ai accepté sa proposition et je pense avoir
fait le bon choix. Je ne peux pas dire que je sois riche aux USA, mais j'y mène mon petit train
de vie. Mon séjour là bas m'a permis d'avoir des possibilités que je n'aurais pas eu dans mon
pays. J'ai pu me former. Aujourd'hui je suis informaticien, et parallèlement, je suis district
manager
d'une petite société nommé Dollar General. De temps en temps je prends mon micro, car
j'adore mon métier de musicien. C'est grâce à cette musique que j'ai un nom et le public,
camerounais en particulier me le rend bien.
Beaucoup d’artistes camerounais s’exilent, cela est-il toujours justifié ?
Cela dépend de comment chacun compose sa vie. Avant, il y avait des producteurs. Mais
aujourd'hui il y a des mesquins qui veulent escroquer les artistes.
L'une de vos particularités c'est d'être resté fidèle à votre style. Contrairement à la
jeune génération, vous ne vous laisser pas influencer par les tendances.
La musique camerounaise, avant que ces nouveaux rythmes ne naissent, était numéro 1. Ce
n'est pas une mauvaise chose de suivre les tendances, mais il faut le faire avec aisance. Si
vous écoutez bien, vous-vous rendrez compte que ces musiques s’inspirent du Makossa. On
trouve d'ailleurs peu de messages significatifs dans ces chansons. Il faut satisfaire le public. Je
tiens donc bien compte de ce que me demande mon public et c'est ce que je fais. C'est donc à
lui que je suis fidèle.
Aux USA, il y a un très grand public camerounais et les américains aiment la culture
camerounaise. De prime abord, sachez que l'américain, le chinois qui ne comprend pas ce que
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vous chantez, c'est le beat qui l'attire. Il y a un temps je devais jouer de la musique congolaise,
je ne comprenais rien à ce qu'ils disaient, mais il me fallait m'adapter aux rythmes des
instruments.
Dans le même ordre ; la musique camerounaise, par le passé fut la plus écoutée dans
les milieux africains en occident et sur le continent. D’après vous, qu’est-ce qui a mis fin
à cela ?
La musique camerounaise est toujours numéro 1. Je pense que la tendance est la
responsabilité des hommes de média. Avant quand on faisait un disque, les journalistes étaient
contents de le passer à la radio. Aujourd'hui c'est celui qui donne plus d'argent qui passe le plus
sur les ondes. C'est aux journalistes de vendre notre culture.
J'ai fais une tournée au Congo. Là- bas, c'est la musique congolaise qui passe à longueur de
journée sur les ondes. Alors que chez nous, on vous fait consommer des arts venus d'ailleurs
ou des gens qui chantent du n'importe quoi ou reprennent nos paroles. Je comprends qu'il leur
faut des fonds, mais je dis consommons d'abord camerounais.
L’un de vos plus célèbres tubes est le titre «Halom». Cette chanson, jusqu'à présent
résiste à l’effet de mode. Comment expliquez-vous ce succès ?
J'avais 2 amis banquiers au Cameroun. Nous-nous retrouvions tous les dimanches et jouions
au foot pour la santé. Au cours d'une conversation, les amis me disent «mais tu ne chante
qu'en Duala. Pourquoi jamais en bassa?
».
Alors je réponds : « le bassa est un peu borné dans l'assiko ». Ils insistent et me demandent de
sortir un Makossa en bassa. Mais vous savez pour faire de la musique il faut trouver les bonnes
paroles. Je l'ai fait et la chanson a marché. Je pense que le secret du succès réside dans les
paroles. Dans notre cas, on parle d'une femme, épouse de ministre, qui ne fait rien, elle a tout
dans sa maison, tout le confort et n'a jamais pensé au renversement de la situation. D'où « me yik bé lè nin i yé be
». C’est la vie de beaucoup de personnes. Je ne raconte pas n'importe quoi et les gens se
reconnaissent dans mes chansons.
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Aujourd'hui certains disent qu'ils portent le flambeau de la chanson en bassa, mais ils sont
d'hier. Je pense que si il y a eu les Samson Chaud Gars, c'est parce qu'ils ont suivi les pas des
gens comme Bikoko. Alors que ceux se la posent en précurseurs m'étonnent.
Au delà de la diffusion des langues ou de la culture camerounaise en général, quel est
ou devrait être selon vous, le rôle de l’artiste dans la société ?
Il faudrait d'abord que le ministère de la culture soit conscient de ce que les artistes
camerounais apportent au pays. S’il ne le fait pas, que voulez vous que les artistes fassent. Si
l'artiste n'est pas apprécié à sa juste valeur, il ne fera pas plus. Je suis allé un jour en audience
dans les bureaux d'un ministre de la culture camerounaise qui me répondait que lui n'écoute
que Beethoven. Que voulez vous qu'un artiste de la culture camerounais que je suis réponde à
cela ? Celui là n'est pas nommé pour notre culture.
Alors la retraite : Au village ou aux USA ?
Je ne sais pas encore. Si la maladie ne me prend pas, je continuerai à travailler, que je sois aux
USA, au Cameroun ou ailleurs. Il faut de la patience, être conscient de ce que l'on veut faire.
Un dernier mot peut-être ?
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Écrit par Ngo Nyobe
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Oui, merci de m'offrir cette tribune. J'aimerais dire ceci : A ambiance bar à Edéa, j'ai vu jouer
Bikoko. C'est quelqu'un qui m'a beaucoup appris. Et j'ai été surpris qu'à la veillée à Paris, les
bassa aient fait le choix de donner le micro aux gens, qui sont des musiciens certes, mais qui
ne l'ont même pas connu. C'était une honte pour moi et cela m'a révolté. En dernière minute
quand ils m'ont passé le micro , j'étais obligé d'être celui là qui disait dire qui était réellement
Bikoko car j'ai fait des spectacles avec lui, c'est quelqu'un avec qui j'ai vécu. Je suggère que
désormais quand un patriarche meurt, qu'on fasse parler les gens qui le connaissent vraiment.
Je ne voudrais pas polémiquer, mais je dis qu'il faut respecter les gens. Et pas ceux qui veulent
être entendus à la radio.
Comme à l'accoutumée, nous finirons en vous priant de partager avec nos internautes,
une sagesse bassa
Kul yok yok : La tortue ne court marche jamais, et ne participera jamais à une course.
LLB vous remercie pour votre disponibilité.
C'est moi qui vous remercie.
Me nyéga nyakalak.
L'album Village Amatonge d'Emile Kangué est disponible à paris :
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Restaurant Le Lion Indomptable
86, Rue de La Réunion
75020 Paris
Tel : 01 44 93 04 09
www.aulionindomptable.com
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