Table ronde de l`UNESCO sur les jeux et sports traditionnels

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Table ronde de l`UNESCO sur les jeux et sports traditionnels
TABLE RONDE DE L’UNESCO SUR LES JEUX ET SPORTS TRADITIONNELS
ALMATY, KAZAKHSTAN, 5-6 NOVEMBRE 2006
RAPPORT FINAL
La réunion de la Table ronde de l’UNESCO sur les jeux et sports traditionnels (JST) a été
précédée d’une présentation de sports équestres kazakhs traditionnels, sur un hippodrome spécial
près d’Almaty. Les participants ont eu la possibilité de découvrir des jeux sportifs comme le kyz kuu
(rattraper la fille), le tenge ilu (attraper les sacs) et le kokpar (combat pour le « loup bleu »). À
l’issue de cette manifestation, les participants ont été invités dans une yourte kazakhe située à
proximité où un repas kazakh traditionnel leur a été servi. Dans la soirée, tous les participants ont
été conviés à la cérémonie de clôture du Festival mondial de la lutte traditionnelle.
Les débats de la Table ronde ont débuté dans la matinée du 6 novembre dans la salle
municipale d’Almaty. M. Brenjnoj Alexej Panteleevich, représentant des autorités kazakhes, a été
élu Président de la réunion. M. Maurice Tapsoba, représentant du Burkina Faso, a été désigné VicePrésident, tandis que MM. Wojciech Lipoñski (Pologne) et Pierre Parlebas (France) ont été élus
rapporteurs de la réunion et ont élaboré le présent rapport. M. Marcellin Dally, de l’UNESCO
(Paris), a prononcé quelques remarques liminaires, avant que Mme Tarja Virtanen, représentante de
l’UNESCO au Kazakhstan, ne prenne à son tour la parole. M. Panteleevich a souhaité la bienvenue
aux participants et a présenté un exposé sur les sports traditionnels typiques non seulement du
Kazakhstan, mais aussi des nations voisines telles que l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Tatarstan.
Deux séries d’interventions ont suivi. Dans la première, les participants se sont présentés,
tandis que dans la seconde ils ont présenté des expériences concernant les sports traditionnels
caractéristiques de leurs régions et institutions respectives. M. Maurice Tapsoba (Burkina Faso) a
inauguré cette seconde série en décrivant la situation des sports traditionnels dans son pays,
notamment les formes traditionnelles de lutte, expliquant qu’au Burkina Faso les sports
traditionnels sont considérés comme un élément de politique nationale, un festival consacré aux JST
y étant organisé tous les ans.
M. Arutyun Avetisyan, représentant de la Fédération de Russie, a évoqué la situation des
sports traditionnels dans son pays, où les JST, qui sont très appréciés, ont leur propre
commission/autorité au sein des autorités sportives générales. Il a expliqué que les JST étaient
considérés comme un élément de la politique générale d’État, bénéficiant du soutien de l’État sans
aucune distinction d’ordre ethnique, religieux, etc. Un festival des sports traditionnels rassemblant
toutes les nations de la Fédération de Russie a lieu chaque année.
La Hongrie était représentée par M. Andràs Lakatos, ambassadeur et délégué permanent de la
Hongrie auprès de l’UNESCO. Son exposé n’a pas porté uniquement sur la situation des JST en
Hongrie, mais aussi sur leur rôle en général dans les relations culturelles et politiques
internationales. M. Lakatos a souligné l’excellence des résultats sportifs de la Hongrie, supérieurs à
ceux de certains pays plus étendus et plus peuplés. En Hongrie, les JST sont considérés comme
« une part du patrimoine culturel immatériel enrichissante pour les sociétés ».
M. Lev Yugay, représentant de l’Ouzbékistan, a présenté la politique de son pays en matière
de jeux et sports traditionnels. En Ouzbékistan, les JST sont considérés comme « un élément de
l’indépendance récemment acquise ». Ils ont un statut équivalant à celui des sports olympiques et
font partie intégrante de la politique culturelle générale, ce dont est garant le fait que culture et sport
sont sous la tutelle du même ministère.
-2M. Simon Taro, représentant de la CEDEAO (Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest) a décrit la richesse de l’activité des États d’Afrique de l’Ouest dans le domaine
des JST, notamment de la lutte, sport que la Wrestling Association of West Africa s’emploie à
développer. Il a déclaré qu’un inventaire des JST africains était en cours d’élaboration. Des
objectifs de développement des JST dans les pays d’Afrique de l’Ouest ont été définis tels que la
promotion des sports africains et la création d’organisations sportives nationales et régionales
spécialisées dans les sports africains. Il a ajouté que l’organisation de manifestations spécialisées
liées à la promotion des sports africains et tendant à favoriser l’émergence d’élites nationales dans
le domaine des JST africains, notamment de la lutte, constituait également un objectif culturel et
politique majeur.
M. Willy Baxter, président de la Fédération internationale de la lutte celtique et représentant
de l’Écosse, a évoqué l’importance des sports traditionnels aux yeux des nations celtes telles que la
Bretagne, les Cornouailles, le pays de Galles, l’Irlande, l’Islande et, bien entendu, son Écosse
natale. Dans toutes ces régions, une identité culturelle ethnique de plus en plus affirmée s’appuie
sur l’organisation de festivals et jeux traditionnels, dont les réunions de lutte celtique de différents
types et des Scottish Highland Games constituent les points forts et la meilleure vitrine.
M. Pierre Parlebas, professeur à l’Université de la Sorbonne (France), a parlé de la nécessité
d’établir les fondements scientifiques des JST, en tant que plate-forme culturelle commune pour
l’humanité. Il a insisté sur l’importance qu’il y avait à mettre au point une méthodologie de la
recherche spécialisée sur les JST et a brièvement décrit les initiatives qu’il conduit à la Sorbonne en
relation avec les jeux et sports traditionnels.
M. Wojciech Lipoñski (Pologne) a délivré un exposé similaire à propos de la recherche sur les
JST, qui s’inscrit selon lui dans le cadre d’études ethnographiques et anthropologiques plus
générales trop longtemps négligées sur le plan international. Ces études devraient notamment
déboucher sur une recherche des origines des JST et de leurs racines dans la culture humaine
générale. Le professeur Lipoñski a présenté les versions anglaise et française de son « Encyclopédie
mondiale des sports », qui ont été publiées sous les auspices de l’UNESCO, ainsi que son ouvrage
en polonais sur les méthodes de la recherche ethnographique en matière de JST, qui sera
prochainement traduit en anglais. Il a également décrit la situation des JST en Pologne où, après
avoir été longtemps délaissés, ceux-ci suscitent un regain d’intérêt. L’Académie d’éducation
physique de Poznañ a mis en place un Laboratoire d’ethnologie des sports et de l’olympisme,
département de taille modeste qui est l’un des tout premiers au monde de ce genre.
M. Dally, de l’UNESCO, a résumé le débat, avant de présenter un projet de communiqué final
qui a été unanimement approuvé par l’ensemble des participants (voir le texte ci-joint). Après cette
intervention, qui marquait la fin de la Table ronde, MM. Dally, Lakatos et Lipoñski ont prononcé de
brèves déclarations de remerciement à l’adresse des autorités kazakhes.
Rapporteurs :
M. Pierre Parlebas
M. Wojciech Lipoñski
-3COMMUNIQUÉ FINAL
TABLE RONDE INTERGOUVERNEMENTALE SUR LES JEUX
ET SPORTS TRADITIONNELS
Almaty, 6 novembre 2006
La session a été ouverte, au nom du pays hôte, par le représentant du Ministère de la
promotion du tourisme et des sports, M. Alexey Panteleevich Berejnoy.
Après les paroles de bienvenue d’usage prononcées respectivement par les représentants du
pays hôte et Mme Tarja VIRTANEN, chef du Bureau de l’UNESCO à Almaty, la réunion a abordé
les points de son ordre du jour réaménagé.
Plusieurs délégués, représentants de gouvernements, d’une organisation intergouvernementale
régionale, d’ONG et d’universités, ont unanimement salué le bien-fondé de la Table ronde. Celle-ci
faisait suite à une consultation collective d’ONG, d’OIG et de structures spécialisées, tenue à Paris,
au Siège de l’UNESCO, en mars 2006.
De l’ensemble des interventions se dégagent les points suivants :
Ø
L’importance des jeux et sports traditionnels dans la promotion de la diversité culturelle
et la préservation des identités culturelles aux niveaux local, national et international a
été soulignée avec force.
Ø
Certains orateurs ont mis en exergue le rôle que la culture en général, et les JST en
particulier, jouent dans la construction nationale, régionale et internationale, notamment
à travers le brassage interculturel et la préservation de la mémoire et du patrimoine
culturel et sportif national. Il a été mis en évidence en particulier que les JST ont un
impact significatif sur la cohésion nationale, en favorisant notamment le respect de
l’identité de communautés d’appartenances culturelles différentes.
Ø
La dimension éducative, notamment la nécessité de transmettre le savoir, conforter les
connaissances et diffuser et partager l’information sur le patrimoine national, régional et
international des jeux et sports traditionnels, a été fortement soulignée, en tant
qu’élément fondamental contribuant au développement et à la promotion des jeux et
sports traditionnels auprès des jeunes générations.
Ø
Les expériences nationales présentées ont mis en lumière la richesse du patrimoine des
JST, en soulignant la nécessité de renforcer ou d’identifier les modalités et mécanismes
propres à en assurer la revitalisation ou la vitalité, selon le cas. À cet égard, le besoin
d’élaborer des répertoires, tant au niveau national qu’au-delà de la sphère nationale, a
été considéré comme prioritaire.
Ø
On a fortement souligné la nécessité d’un partage d’expériences et de connaissances au
niveau mondial, notamment par la mise en place à l’UNESCO d’un site Web consacré
au partage d’initiatives et à la mise à disposition d’une base de données sur les JST.
Ø
Les JST bénéficient dans beaucoup de pays d’une attention qui devrait conduire les
autorités gouvernementales et sportives à en améliorer la place et le rôle dans le
processus d’éducation et de promotion du patrimoine culturel, avec le concours du
système éducatif. Cependant, le renforcement des politiques nationales de promotion et
de développement des JST a aussi été mis en relief.
-4Ø
La nécessité d’une approche régionale dépassant les spécificités a été mise en exergue,
comme moyen de renforcer la coopération et les échanges en vue de développer et
promouvoir les JST et de mieux refléter les similitudes, convergences et différences, de
manière à favoriser la découverte, la tolérance et le respect mutuel dans la perspective
d’une diversité culturelle au service de la paix entre les peuples.
ACTION ET MISE EN ŒUVRE
1.
Les autorités sportives nationales et les mouvements sportifs nationaux sont invités à œuvrer
en coopération plus étroite à la promotion et au développement des JST, notamment en vue
d’élaborer une stratégie tendant à incorporer des composantes culturelles et des JST dans les
grandes manifestations sportives nationales, par exemple lors de la cérémonie d’ouverture
d’événements sportifs, en tant que programme culturel systématique.
2.
Lancement dans chaque pays d’un Festival national des JST avec le soutien du gouvernement
et des acteurs concernés. Dans le même ordre d’idées, promotion d’un Festival international
des JST avec les partenaires et États membres intéressés.
3.
Création ou amélioration d’un répertoire national des JST fondé sur les expériences
nationales, et appuyé et étayé par des travaux de recherche universitaires et des données
scientifiques. Il est fortement recommandé d’adopter dans tous les États membres des
méthodes scientifiques communes aux fins des expériences et échanges transnationaux. Il est
également recommandé que le ministère des sports de chaque pays mette en place un site
Web consacré aux JST, avec l’appui des organismes nationaux spécialisés ou des universités.
4.
Les représentants des gouvernements approuvent et soutiennent la création, sous la conduite
de l’UNESCO, d’un « organe mondial des JST » ayant pour mission de promouvoir,
développer, suivre et harmoniser les efforts, les initiatives et les expériences concernant les
JST, dans la perspective d’une diversité culturelle au service de la paix et du développement.
5.
Un comité ad hoc, guidé par le Secrétariat de l’UNESCO et bénéficiant de l’appui de la
CEDEAO et d’experts désignés par ledit Secrétariat de l’UNESCO, est chargé de finaliser le
plus tôt possible le projet relatif aux mécanismes et modalités de cet organe mondial sur les
JST.
6.
Les représentants des gouvernements expriment leur profonde gratitude aux autorités
kazakhes, à l’UNESCO et aux organisateurs pour le concours qu’ils ont apporté à
l’organisation de la Table ronde d’Almaty.
Fait à Almaty, novembre 2006