Jérôme Bosch 1450/1516

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Jérôme Bosch 1450/1516
Jérôme Bosch 1450/1516
L’atmosphère inquiétante de son œuvre, le monde étrange de
ses sujets, font de Jérôme Bosch un peintre parmi les plus
fascinants et les plus inquiétants de la fin du XVème siècle.
 Premier portrait
Jérôme prit le surnom de Bosch qui est la dernière syllabe du
nom de la ville du Brabant où il naquit : Hertogenbosch, ou,
en français : Bois-le Duc.
En Italie, on connaît l’artiste sous le nom de Bosco di Bolduc.
Son nom véritable était en réalité Van Aken (nom qui vient de
la ville de Charlemagne, Aachen).
 Deuxième portrait
On ne sait pas la date exacte de sa naissance, mais on la situe
aux environs de 1450. Il ne quitta jamais, ou pratiquement
jamais, sa ville de Bois-le-Duc. C’était une ville prospère,
enrichie par le commerce des tissus et de l’acier mais non
dépourvue de vie artistique.
Son père Anthonis Van Aken était peintre. Est-ce lui qui forma
son fils ? On l’ignore.
 Troisième portrait
En 1478 Bosch épouse Aleid Van de Meervenne, riche
bourgeoise de 20 ans son aînée, qui lui apporte en dot une
maison de campagne à une trentaine de kilomètres de Bois-leDuc. Il était aussi propriétaire d’une maison dans le centre de
sa ville, sur la place du Marché, où il vécut dans l’aisance et
sans doute l’indépendance artistique.
 Les sept péchés capitaux 1480 Huile/bois (120/150) Musée du Prado. Madrid .
Voici une des œuvres de Bosch que Philippe II fit envoyer à l’Escurial en 1574. Il
gardait ce tableau dans sa chambre, comme un avertissement permanent du péché.
La composition s’organise en cinq cercles. Le grand cercle central est axé sur un
médaillon avec l’image traditionnelle du Christ des Douleurs accompagné de
l’inscription : « Attention, attention, le Christ le voit. » La zone annulaire qui
l’entoure est divisée en sept secteurs, chacun d’eux illustrant un péché. La
disposition des scènes impose pour être vue de faire le tour de la table. Les figures
masculines alternent avec les figures féminines, situées dans des intérieurs ou au
milieu d’un paysage urbain ou rural. La colère, par exemple revêt l’apparence
d’une querelle entre voisins, tandis que la luxure consiste en une intime fête
champêtre égayée par des jongleurs.
Les tondos dans les angles représentent :
En haut : la Mort et Le Jugement dernier. Le premier met en scène un médecin,
trois prêtres, une religieuse, un ange et la mort entourant le moribond dont la tête
est bandée ; sa famille est groupée dans une pièce contiguë. Le Jugement, pour sa
part, se conforme à un modèle très médiéval, avec la figure du Seigneur
triomphant, parmi les anges, dans un cimetière d’où surgissent les défunts alertés
par l’appel des trompettes.
En bas : l’Enfer, avec des teintes rougeâtres et sombres, où se déroulent des
scènes de tortures tant de fois décrites par le peintre et le Paradis, présidé par la
figure divine au milieu de cohortes angéliques ; à sa porte se tiennent Saint
Michel et Saint Pierre.
 Le char de foin. Détail, panneau central du triptyque. (147/100) Madrid.
Source littéraire de ce triptyque dans un proverbe flamand : « Le monde est un tas
de foin, chacun en prend ce qu’il peut ». Philippe II en fit l’acquisition.
 Le char de foin. Détail. Musée du Prado. Madrid.
L’acharnement des personnages qui grouillent rend de façon surprenante
l’atmosphère de lutte. Les panneaux latéraux représentent : La Création et la
chute des anges rebelles, et l’Enfer.
 L’extraction de la pierre de la folie 1480 (48/35) Madrid
La démence, identifiée à la possession diabolique est un des éléments
idéologiques constamment présents dans l’œuvre de Bosch. Conçu comme un
tout, ce panneau rectangulaire, décoré dans ses parties inférieure et supérieure
d’une inscription à la calligraphie compliquée, présente une scène à quatre
personnages dans un décor de paysage aux teintes délicates, avec une ville dans le
lointain. Au centre, dans une attitude dolente est assis le malade ; il est entouré du
chirurgien, armé du bistouri et coiffé d’un entonnoir, du praticien et d’une femme
portant un livre sur le sommet de la tête et accoudée à une table circulaire. Le
traitement des figures n’est pas exempt d’un certain archaï sme. En fonction de
l’inscription qui l’illustre, on peut penser que ce tableau a un caractère votif. Elle
dit en effet : « Maî tre, opérez-moi. Mon nom est Lubbert Das. »
 La tentation de Saint-Antoine. Panneau central (131,5/119) Lisbonne.
La fantaisie de Bosch se déchaî ne pour représenter les tourments de l’ermite.
 La tentation de Saint-Antoine. (détail du panneau central)
Sous la tour en ruine, le fauconnier ailé à tête de chardon est monté sur un chevaljarre, tandis que sur un rat se trouve la femme-arbre-sirène avec l’enfant
alchimique : le monde est bouleversé par des métamorphoses perverses.
 La tentation de Saint-Antoine. (détail du panneau de gauche bas)
Le Saint est enlevé par des monstres volants. « Chaque fois qu’il était emporté
dans les airs par les anges, les démons venaient et lui barraient le passage en lui
opposant les péchés qu’il avait commis depuis sa naissance. » (Légende dorée.)
 La tentation de Saint Antoine (détail panneau de gauche haut)
Vers 1480-1481, il peignit deux panneaux d’un triptyque que
son père avait laissé inachevé.
 L’adoration des Rois 1480 71/57 New York
Au dessus de ruines médiévales plutôt inhabituelles, quelques anges étendent une
immense toile rappelant un chapiteau de cirque.
 Le Calvaire 1485 73/61 Bruxelles
Il ne comporte pas les créations fantastiques et les monstres qui, ailleurs,
assurèrent la renommée de l’artiste. Il s’agit d’une composition votive dont le
protagoniste est le donateur agenouillé au pied de la croix et qui attend avec un
visage angoissé l’arrêt du destin. Saint Pierre, son patron, le présente au crucifié,
tandis que la Vierge et Saint Jean, du côté opposé, parlent entre eux comme s’ils
intercédaient en sa faveur ? S’agit-il d’une version insolite du jugement dernier
qui suit la mort ? Est-ce la raison pour laquelle les traits de l’homme ont un aspect
cadavérique ? La tête de mort et les ossements épars, ainsi que la présence de
corbeaux accentuent cette impression.
En 1486 il est admis dans la confrérie de Notre-Dame,
confrérie très fermée dont les membres étaient tonsurés et
portaient un costume de bure particulier.
 Le portement de croix. (74,1/81). Musée des Beaux - Arts de Gand.
C’est l’une des créations les plus impressionnantes de Bosch : des personnages
sont furieux et hurlants, le fond sans perspective. Les détails irisés se détachent
des couleurs brunes ( la coiffe de Sainte Véronique).
 Le portement de croix. (détail).
Bosch a aimé le contraste violent entre la douleur des saintes femmes et la foule
bruyante des masques idiots et sadiques qui font des larrons des êtres de dérision.
 L’Epiphanie. Triptyque, panneau central. (138/72,5). Musée du Prado. Madrid.
Cette œuvre se trouvait dans la cathédrale de Bois-le-Duc, dans la chapelle de la
confrérie à laquelle appartenait Bosch. Sur les panneaux latéraux on voit les
armoiries des donateurs.
 Le couronnement d’épines. (72,5/58,5). National Gallery. Londres.
Ce même sujet a été reproduit plusieurs fois. Dans toutes ces œuvres, le
personnage en haut à droite représente le même homme.
 Le fils prodigue. (70,6 de diamètre). Rotterdam.
Tableau rond, presque en camaï eu, à peine touché de quelques taches de lumière
rosée. Il reprend un thème déjà traité au dos du Char de foin. Déguenillé et
souffrant, chargé d’une hotte, un homme s’éloigne de la maison de mauvaise vie ;
les cochons, avec leur groin avide trempé dans l’auge, confirment la parabole
évangélique. Certains ont voulu y voir une allégorie du libre-arbitre.
En 1493-1494, il exécuta des cartons pour des vitraux de la
cathédrale Saint-Jean où se trouvaient déjà plusieurs de ses
tableaux, représentant des scènes bibliques. Ces toiles furent
détruites par des réformés protestants en 1629.
 Saint Jean-Baptiste dans le désert. (48,5/40). Musée Lazaro-Galdiano. Madrid.
Le saint est endormi, un doigt pointé vers l’agneau mystique, symbole du Christ.
Mais le sommeil livre l’esprit aux pernicieux enchantements des sens. Le désert se
peuple d’une faune et d’une flore étranges. Une plante exotique symbolise la
tentation. Bosch traite ce thème religieux traditionnel avec une liberté stupéfiante.
Les formes, et en particulier le paysage au loin, garde toute la délicatesse des
miniatures médiévale, mais la figure du saint, son manteau et sa pose ont déjà la
précision sculpturale de l’art nouveau de la Renaissance.
 Saint Jérôme en prière. (86,5/60). Palais des Doges. Venise.
C’est le centre d’un triptyque dont les parties latérales représentent saint Egide et
saint Antoine abbé. Les couleurs étant très dégradées, il a été restauré.
En 1504, il reçut un acompte pour une commande d’un grand
tableau « où doit estre le jugement de Dieu, assavoir paradis
et enfer, que Monseigneur lui avait ordonné de faire pour son
très noble plaisir » : son client était Philippe le Bel
 Le jugement dernier
Sur un fond obscur, presque noirâtre, se détachent le réveil des morts et les
supplices infernaux.
On sait en outre qu’il participa activement à la mise en scène
des « Mystères », représentation théâtrales montées
traditionnellement par la confrérie, et qu’il se joignit aussi à
l’organisation de chars qui évoquaient des scènes religieuses
et suivaient certaines processions. Cette activité aura permis
à son imagination fantastique de s’exprimer et ne sera pas
sans laisser de traces dans son art.
 Le jardin des délices. Triptyque, panneau central : 220/195. Panneaux latéraux
220/97.Prado. Madrid.
 Le jardin des délices. Panneau central
Le sujet est développé sur trois plans dont les divisions sont nettement marquées.
Le centre de la composition est construit sur deux ellipses parallèles. Dans une
pièce d’eau baigne le monde féminin. Autour d’elle une cavalcade de mâles nus
poursuit inlassablement sa chevauchée. Les montures sont diverses, les hommes
sont calmes, acrobates ou excités. Des fruits, des oiseaux, des poissons, des oeufs
sont les étendards de cette procession à laquelle se joindront bientôt les groupes
latéraux. Les nudités du premier plan n’ont pas de volume mais les cucurbitacées,
les coloquintes, les fruits, les fleurs, les coquillages, les oiseaux, les hiboux
prouvent par leur rondeur qu’on eut sans doute tort de comparer cette composition
à une tapisserie sans relief.
 Le jardin des délices. Détail du panneau central.
Des personnages nus mordent dans la framboise qu’un oiseau énorme tient dans
son bec ou dans le fruit extraordinaire qui flotte sur l’eau et qu’un couple, enfermé
dans une citrouille, cherche à attirer à lui.
 Le jardin des délices. Détail du panneau central (II)
C’est la fontaine de jouvence dans laquelle se baigne les femmes, coiffées
d’oiseaux symboles (le corbeau pour l’incrédulité, le paon pour la vanité, l’ibis
pour l’oubli du passé). Les animaux du cortège ont tous une signification
allégorique. L’œil se perd dans ce labyrinthe de scènes incongrues et de formes
déjà « surréalistes ». Les concrétions végétales-minérales qui se dressent au fond
du tableau sont composées de symboles sexuels, et traitées avec une délicatesse
de coloris rares à l’époque. Tout semble vu à travers un cristal, ce qui donne une
effet translucide d’aquarium au panneau. Le génie du peintre a su transformer le
grouillement des corps en une multitude de scènes empreintes d’une sensuelle
poésie.
 Le jardin des délices. Panneau latéral droit.
L’Enfer, selon Bosch, s’il est imprégné de souvenirs religieux, est aussi rempli
d’allusions aux doctrines occultistes de son temps. Un raffinement sadique
étonnant préside à l’invention des châtiments. Ainsi, au premier plan, un joueur
est cloué à la table par un monstre affublé d’une main bénissant percée d’un
couteau, symbole de la charité chrétienne anéantie par le vice et l’avidité.
L’invention onirique cache toujours un mystérieux rébus.
 Le jardin des délices. Détail du panneau latéral droit.
Des oreilles transpercées, deux troncs desséchés (les jambes), un œuf (symbole de
la création, le corps) et une tête humaine (selon certains le portrait du peintre)
composent l’homme-arbre. Il s’agit de l’être « alchimique », ou peut-être d’une
image du démon.
 Saint Jean à Patmos 1505 63/43 Galerie Dalhem Berlin
Si le disciple préféré du Christ est, suivant la tradition, représenté jeune, bien
qu’il fût très âgé quand il écrivit l’Apocalypse, le diable au monstrueux corps
d’insecte cherchant à saisir l’encrier, est typique de l’humour « boschien ».
 La nef des fous. (57,8/32,5). Musée du Louvre. Paris.
Pour se débarrasser de leurs fous, les villes des Flandres les réunissaient sur des
bateaux que l’on envoyait au loin, à la dérive. Bosch truffe la scène d’allusions
symboliques. L’oriflamme rose frappée d’un croissant est l’enseigne du Diable.
Sur la planche servant de table, les cerises sont l’image de la sensualité. Cet
équipage délirant représente l’humanité livrée à ses plus grossiers appétits. Dans
les eaux noires de la débauche, ces inconscients vont à leur perte. L’arbre de vie
du Paradis n’est plus qu’un mât bancal où grimace une chouette, emblème de
l’hérésie. Que les plus goulus soient le moine et la nonne est une satire des mœurs
dissolues du clergé.
Jérôme Bosch meurt en 1516 et le 9 août sont célébrées en
l’église Saint-Jean de Bois-le Duc les funérailles solennelles du
maître. La même année, on retrouve une de ses peintures :
« Un moyen tableau de Saint Antoine qui est fait de
Jheronimus Bosch » dans l’inventaire de Marguerite
d’Autriche, régente des Pays-Bas. Plus tard, sous la
domination espagnole, les œuvres seront dispersées.
Son œuvre
L’œuvre de Bosch jouit, immédiatement après la mort de
l’artiste, d’une gloire européenne. L’Espagne et Venise se
disputèrent ses œuvres. Philippe II d’Espagne, le cardinal
Grimani, Felipe de Guevara collectionnèrent la production, ce
qui explique la richesse du palais des Doges, du Musée du
Prado et de l’Escurial en œuvres du peintre.
Bosch travaillait rapidement. Sa manière était « franche,
prompte, aisée, et il parvenait à peindre nombre de ses
tableaux en une fois ».
Ses tableaux, grouillants de vie ou menaçants, dépeignent un
Univers bouleversé, incohérent, possédé par le Malin, par la
sensation brûlante du péché. Au loin, des lueurs d’incendie
rappellent les flammes de l’Enfer ; elles troublent à peine les
paysages sereins, les lointains bleus et les ciels où naviguent
des poissons et des embarcations imaginaires. Le sentiment
religieux était alors intense. Pourtant les mœurs étaient
déréglées et licencieuses, ce n’était que bals, polémiques et
satires contre le clergé ; les sectes et les communautés en
marge de la religion pullulaient. L’Eglise menait une lutte
contre les pratiques magiques.
Le monde à la fois terrifiant et enchanteur de Jérôme Bosch
révèle certaines angoisses et superstitions de son époque.
Une multitude d’obsessions et de symboles infernaux,
mystiques, alchimiques y prolifèrent
Il est certes difficile pour les époques modernes qui cèdent
facilement au besoin d’interpréter les symboles, de pénétrer
les intentions de l’auteur. Cependant en son temps et dans la
région où il peignait, on comprenait parfaitement. Cette
avidité « d’interpréter » a souvent empêché, par la suite, de
considérer les valeurs proprement artistiques des tableaux.
Liste des œuvres
Noces de cana 1475/1480
Ecce homo après 1476
Portement de croix 1480
mort de l’avare 1480
Crucifixion donateur 1480/1485
Jugement dernier triptyque après 1482
péchés capitaux 1485
allégorie de la débauche 1485/1516
nef des fous 1485/1516
la pierre de folie 1488/1516
St christophe 1490/1500
fils prodigue 1490/1505
l’épiphanie triptyque
ecce homo 2 1490
couronnement d’épines 1495/1500
L’escamoteur 1496/1516
Vision de l’au delà 1500/1503
l’épiphanie 1500/1509
trentation de st antoine 1500/1510
st antoine triptyque après 1501
arrestation du christ
chemin de croix du christ
chariot de foin 1502
jardin des délices 1503/1504
st jean à patmos 1504/1506
st jean baptiste désert 1504/1505
ermites triptyque vers 1505
st jérôme en prière vers 1505