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Mémoire de DEA de sciences politiques mention sociologie politique LA CAMPAGNE DE MARTINE AUBRY LORS DES ELECTIONS MUNICIPALES DE LILLE EN 2001 LEFEBVRE Wilfried, LECOCQ Olivier Sous la direction de Pierre MATHIOT Année universitaire 2000-2001 REMERCIEMENTS A Madame Martine AUBRY Monsieur Guy LE FLECHER, Pour nous avoir accordé les entretiens nécessaires à la réalisation de ce mémoire. A Monsieur Pierre MATHIOT, notre directeur de mémoire, Pour son aide précieuse. INTRODUCTION L’étude des élections municipales a longtemps été marquée par le modèle des élections intermédiaires de Jean Luc PARODI qui consistait à considérer que les « élections dites intermédiaires c’est à dire celles qui ne concernent pas la distribution du pouvoir national, présenteraient des régularités d’ajustement par rapport à l’élection nationale antérieure et se caractériseraient par le recul du parti ou de la coalition au pouvoir, sans présenter de caractère prédictif particulier par rapport à l’élection nationale postérieure ». Mais on peut estimer avec frédéric SAWICKI1 que « l’interprétation localiste des élections municipales de 1989 a rompu cette logique d’élections intermédiaires propice à la reprise des thèmes nationaux dans les débats locaux. » On aboutirait donc à reconnaître un particularisme certain à ce type d’élection locale caractérisée par un retour à la terre, c’est à dire une focalisation des hommes politiques et des électeurs sur les enjeux proprement locaux, même si les grands thèmes d’ampleur nationale comme l’emploi ou l’environnement ne sont pas absents des joutes électorales à l’échelon communal. A partir de ce constat, il faut reconnaître que l’élection municipale est une élection complexe où l’homme politique est pris dans le tourbillon « d’une dialectique subtile entre ces univers bien différents que sont l’Etat central et les sommets parisiens, et les réalités locales du moment.»2 Par ailleurs, le mandat de maire est particulièrement prisé. Tout homme politique d’envergure se doit de posséder un fief, une implantation locale qui le rattache à un point d’ancrage stable. Il en fut ainsi de François Mitterrand à Château-Chinon, de Valery Giscard d’Estaing à Chamalière (A VERIFIER)ou du Général De Gaulle à Colombey- les deux –eglises. Aujourd’hui encore, le président Jacques Chirac ne manque pas de rappeler son attachement à la Corrèze alors que le premier ministre Lionel Jospin a rendu célèbre le petit bourg de Cintegabelle en Haute Garonne. A ce propos, il est à noter que la plupart du temps, les territoires choisis ne sont pas les régions d’origine de nos hommes d’Etat. 1 2 In POUVOIRS- 1992- « CAMPAGNE ELECTORALE » Marc ABELES « jours tranquilles en 89 » De plus, il existe un véritable attachement des hommes politiques à la fonction de maire tout comme les citoyens sont presque familièrement liés au personnage central de leur commune. L’homme politique aime cette fonction. Ainsi, Paul FEUILLOLEY3considère ce mandat comme le plus beau des mandats. Il est clair en tout cas que le maire apparaît comme un médiateur proche des préoccupations des individus. Le citoyen ressent cette proximité car il est capable la plupart du temps de citer le nom du maire de sa commune et en cas de problème il se tournera davantage vers le maire que vers tout autre titulaire d’un pouvoir politique4. Il convient cependant de différencier le maire rural du maire urbain. La proximité étant d’autant plus grande que la commune est petite. Selon Marc ABELES5, « L’homme politique local en milieu urbain est, qu’il le veuille ou non, l’homme d’un parti » alors qu’à la campagne le maire apparaît plutôt comme un rassembleur qui transcende les clivages partisans. Malgré cela, l’élection municipale, aux champs comme à la ville, passionne les français qui ont pour habitude de se déplacer en masse pour choisir le premier magistrat de leur commune ou plus exactement la liste qu’il conduit, car nous sommes en présence d’un scrutin indirect. Ce scrutin indirect connaît un biais car « si formellement, le maire est élu au second degré par le conseil municipal, en fait la concurrence est nulle et le choix acquis d’avance »6. Concernant la forte participation, il faut nuancer le propos en avançant que plus la commune est petite et plus l’enjeu municipal est proche donc mobilisateur pour les électeurs7. Pour expliquer la mobilisation des électeurs lors des élections municipales, Daniel GAXIE et Patrick LEHINGUE8 proposent une hypothèse : selon eux, « si les électeurs sont intéressés par ce type d’élection, c’est sans doute qu’ils perçoivent avec plus de 3 4 In POUVOIRS-1983-« Le Maire » Daniel GAXIE et Patrick LEHINGUE-« Enjeux municipaux :La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale » 5 Marc ABELES « Jours tranquilles en 89 » 6 In POUVOIRS- 1983- « Le Maire »-Article de Philippe GARRAUD 7 Pierre MARTIN-« Les élections municipales en France depuis 1945 » netteté en quoi leurs intérêts (matériels ou symboliques) peuvent être affectés par la gestion municipale ». Ainsi : « longtemps considéré comme scrutin politique mineur, l’élection municipale s’avère rassembler un pourcentage relativement élevé de votants et apparaît, sous l’angle de la participation, comme l’une des élections les moins affectées par les effets de conjoncture. » Ce tableau est aujourd’hui obsolète car l’abstention bat tous les records y compris lors des élections municipales et surtout dans les grandes villes comme Lille, théâtre de notre enquête. A Lille, moins d’un citoyen sur deux a daigné se déplacer aux urnes les 11 et 18 mars dernier : l’un des taux d’abstention les plus élevé en France. Le beffroi de Lille, ville de 212000 habitants au cœur d’une agglomération de plus d’un million d’âmes, est l’enjeu de la campagne que nous avons suivi. Cette ville remuante, universitaire, réputée pour sa vie culturelle, a retrouvé son dynamisme puisqu’elle a su se convertir aux activités tertiaires, elle qui était le symbole même de la ville industrielle. Ainsi, elle constitue une des villes de pointe sur le plan du développement d’internet et des créations de start up. Aujourd’hui, au delà d’une capitale régionale, elle constitue la ville centre d’une métropole européenne transfrontalière. Au coeur même du triangle : Paris, Londres, Amsterdam, elle a su profiter de la création du TGV Nord pour prendre une dimension supérieure étant située à moins de 2 heures de ces grandes capitales européennes. A côté de ce constat positif, Lille est une ville à deux vitesses qui possède en son sein des quartiers particulièrement pauvres comme Lille Sud ou Faubourg de Béthune et des quartiers très chics et branchés comme le Vieux Lille ou le Centre ville. Elle souffre également d’un manque criant d’espaces verts comparée aux autres grandes villes françaises. Au cœur de la ville et de la campagne électorale ,nous étions des observateurs privilégiés et participatifs puisque nous avons intégré l’équipe de Martine Aubry, la candidate issue du parti socialiste. Nous avons de ce fait participé à des réunions de 8 idem note 4 concertation avec la société civile, assisté à des réunions de quartier, suivi l’équipe de campagne sur les marchés ou dans les quartiers lors des porte à porte. Cette position au sein même du dispositif de campagne de l’ancienne ministre de l’emploi et de la solidarité nous a permis de collecter de nombreuses informations mais elle induit incontestablement un biais du fait de notre proximité avec la candidate. Il s’agit pour nous de prendre de la distance avec notre objet afin de conserver le maximum d’objectivité. Afin de présenter dans les meilleurs conditions l’élection municipale de Lille 2001, il convient tout d’abord de réaliser un bref historique des scrutins municipaux à Lille depuis plusieurs décennies : La ville de Lille n’est pas sociologiquement très à gauche, malgré tout elle s’est toujours donné un maire socialiste depuis 1959. Le dernier en date étant Pierre Mauroy, ancien premier ministre de 1981 à 1983, qui, à la suite d’Augustin Laurent, a gouverné la ville durant 28 ans. En 1995, Pierre Mauroy avait préparé sa succession en appelant à ses côtés Martine Aubry pour le combat municipal. Ce renfort ne fut pas de trop car La liste Mauroy l’emporta, grâce au maintien du Front national, d’une courte tête face à Alex Turk( Mauroy :48.53%, Turk :41.75%, Lang :9.72%), le candidat de la droite républicaine, au sommet de son art. L’échéance municipale de 2001 marque donc une nouvelle étape dans la vie politique lilloise avec le départ de son maire emblématique, capable de rassembler au delà de la sphère d’influence naturelle de la gauche. C’est une âpre campagne qui attend donc Martine Aubry face à son challenger de droite Christian Decocq et surtout à cause des divisions à gauche : les Verts et l’extrême gauche présentant plusieurs listes concurrentes face à elle. Martine Aubry, de part son aura médiatique impressionnante apparaît comme la grande favorite de cette élection. Il convient donc de la présenter de façon plus précise9. Issue d’une famille de fonctionnaires dont son père Jacques Delors, Martine Aubry a intégré le Parti socialiste suite à la campagne de François Mitterrand pour les présidentielles de 1974. Elle a travaillé dans la fonction publique et en entreprise(chez Pechiney) avant de devenir Ministre de l’emploi et de la solidarité du gouvernement Cresson en 1991, bien qu’elle « n’ait pas fait ce qu’il fallait (…) pour un jour être nommé ministre. ». C’est à partir de ce moment là qu’elle s’est « posée la question du mandat électoral considérant qu’il fallait avoir un mandat électoral si on voulait faire de la politique » afin de « coller au terrain ». Cette volonté de proximité ne peut être assouvie qu’à travers le mandat de maire qui, selon Madame le Ministre est le poste « le plus proche des préoccupations des gens » et qui permet de toucher « une horizontalité de problèmes ». D’autre part la fonction de maire lui permet « d’alimenter la réflexion politique nationale et ses propres convictions par le terrain, les gens, leurs problèmes en voyant leurs réactions , ce qu’ils attendent et en expérimentant un certain nombre de réponses ». Du point de vue purement politique, Martine Aubry avoue se situer dans la lignée d’Edmond Maire, Michel Rocard et son père mais refuse de se placer dans un « courant », car elle estime que ces courants « sont fermés sur eux mêmes ». Elle regrette amèrement la fin du second septennat de françois Mitterrand où selon elle « on avait complètement dérapé ».C’est pour cela qu’à l’époque elle a préféré créer une fondation plutôt que « d’aller être député pour hurler contre l’opposition ». Elle a également participé avec quelques autres à l’élaboration du programme de Lionel Jospin en 1995. Concernant son « parachutage »à Lille , Martine Aubry insiste sur le fait qu’elle a eu de nombreuses propositions et qu’elle ne voulait pas « aller dans un endroit où elle « pose problème » étant par définition « parachutée puisque parisienne ». elle a accepté la proposition de Pierre Mauroy pour être la numéro 2, malgré la présence de Bernard Roman soutenu par une partie de l’appareil local(certains considèraient au sein du P.S qu’il existait une fracture entre Martine Aubry et le Parti socialiste local) car elle a estimé « qu’il y avait énormément de boulot à faire (…) que les gens avaient besoin que 9 cf entretien en annexe l’on se batte pour eux ». De plus, elle voue une grande admiration à Pierre Mauroy, qui « jusqu’à Jospin a été le seul grand premier ministre de la gauche ». A propos de ce parachutage, il convient de présenter de façon théorique cette notion pour voir si ce terme convient à l’arrivée de Martine Aubry sur le territoire lillois. Selon Jean PETAUX10 cette pratique a existé bien avant le mot, le terme est devenu populaire dans les années 50 surtout au moment des élections législatives des 1eres années de gaullisme. Le parachuté est désigné comme tel par l’autre qui le stigmatise comme l’étranger. « Littéralement, est parachuté celui qui tombe du ciel, par opposition à celui qui a poussé sur la terre de ses ancêtres »11.Dans le même ordre d’idée, sont parachutés les candidats qui « n’ont pas d’attribution élective ni attache familiale dans le lieu de province où ils se présentent »12.Le parachuté cumule un certain nombre de handicaps : méconnaissance du terrain, résistance de l’appareil partisan local, stigmatisation par l’adversaire,… Comme atouts, il ne dispose que de « sa position dans le monde politique parisien, sa ténacité et son habileté à surmonter les mille obstacles qu’il rencontrera sur son chemin »13.D’autre part il se doit : « pour accroître sa représentativité dans une démarche qui intègre la durée » de ne pas être seulement « le ministre qui vient conduire la liste socialiste. Il faut, à l’échelle du département, devenir un homme d’influence c’est à dire être pleinement intégré à l’univers des élus »14. C’est ce qu’a bien compris Martine Aubry en restant dans l’ombre de Pierre Mauroy pendant 6 ans afin de se familiariser avec le terrain et les acteurs politiques locaux et d’écarter toute velléité de concurrence de l’éternel dauphin de Pierre Mauroy : Bernard Roman. Dans cette optique, il semble que Martine Aubry ait cherché à se tisser un réseau local à l’image des barons du socialisme lillois que sont Bernard Roman ou Alain Cacheux. Dans le cas de Martine Aubry, on se situe en fait dans le cadre d’un parachutage indirect selon la classification de Pierre MARTIN15en effet avant de se présenter aux élections 10 colloque « le parachutage politique »- IEP de Lille Marc ABELES « Jours tranquilles en 89 » 12 Etienne CRIQUI- colloque « le parachutage politique » IEP de Lille 13 idem note 11 14 Marc ABELES « Jours tranquilles en 89 » à propos du parachutage d’Henri Nallet dans L’Yonne 15 colloque « Le parachutage politique » IEP de Lille 11 municipales de 2001, Martine Aubry a occupé le poste de 1er adjoint depuis 1995 et a remporté la 5eme circonscription du nord lors des législatives de 1997.Il s’agit donc d’un parachutage indirect achevé qui a bénéficié en sus de la bénédiction du maire sortant, ce qui facilite les choses. Le soutien de la principale personnalité locale du camp étant ,de même que l’équation personnelle du candidat qui doit être très forte, une condition nécessaire à un bon parachutage16. En 2001, Martine Aubry n’est plus à proprement parler une parachutée car elle est déjà connu du fait de son élection sur la liste de Pierre Mauroy en 1995. Selon Etienne CRIQUI17, elle ne l’était déjà plus lors des législatives de 1997. Concernant la campagne des municipales à proprement parler, Martine Aubry s’est appuyée sur un noyau dur dirigé par Pierre De Saintignon, fidèle parmi les fidèles, qui est aujourd’hui premier adjoint Elle n’a cependant pas mis à l’écart les grands barons du socialisme lillois que sont Alain Cacheux, Patrick Kanner et surtout Bernard Roman. Elle disposait également au point de vue logistique d’un local de campagne à proximité de la fédération locale du parti socialiste. Le projet porté par celle qui allait devenir le nouveau maire de Lille a été constitué à partir du travail des 10 sections lilloises du P.S et de chaque élu, thème par thème. Martine Aubry a également mis en avant le rôle des réunions de concertation. Sur le plan de la forme, ce fut une véritable campagne de proximité. Martine Aubry insiste sur cet aspect quand elle affirme : « vous avez vu la campagne que j’ai faite, je veux dire, j’ai pas attendu qu’on m’explique les résultats du 2eme tour pour comprendre que les gens avaient besoin de proximité. Etre élu local sans faire de la proximité, je vous demande à quoi on sert. Pour moi c’est intrinsèque à la fonction d’élu d’être à l’écoute des gens, de leur demander leur avis (…) les gens veulent la proximité(…) ils veulent que les élus les entendent, les écoutent et répondent à leurs questions ». Martine Aubry compte bien faire fructifier cette volonté de proximité en développant les structures de concertation au coeur de la ville. 16 17 Bernard Dolez- colloque : « le parachutage politique » IEP de Lille colloque « Le parachutage politique »IEP de Lille Le concept de concertation n’est pas nouveau. Il dérive des notions de participation politique et de citoyenneté. La participation politique constitue : « l’ensemble des activités, individuelles ou collectives, susceptibles de donner aux gouvernés une influence sur le fonctionnement du système politique. Dans les régimes démocratiques où cette norme est érigée en valeur fondamentale, elle est associée au concept de citoyenneté »18. Celui-ci représente la « capacité d’exercer les droits liés à la participation politique de type démocratique ». Quant à la notion de concertation, elle marque une volonté de proximité avec les citoyens et la nécessité de leur donner la parole en dehors des périodes de consultation électorale. Ces principes ont entraîné des réalisations concrètes notamment à Lille. Ainsi Pierre Mauroy a créé des mairies de quartier il y a 25 ans. Il fut précurseur en la matière avec le maire de Grenoble . il a également instauré des conseils de quartier et un conseil communal de concertation, qui a pris place en Juin 1996, sous la direction de Michel Falise. Le C.C.C, comme il est coutume de l’appeler, constitue « un lieu global, permanent et structuré de dialogue entre la mairie et l’ensemble des composantes de la société lilloise(…)Sa création était l’une des grandes innovations du précédent mandat municipal » .Cette notion de concertation a connu un certain nombre de développements théoriques notamment à partir des travaux de Marion Paoletti19 Tout d’abord, la concertation « est une méthode de gouvernement qui consiste en une consultation permanente des administrés ». Le processus de concertation concernant les politiques publiques de la ville a débuté avec les lois sur la décentralisation et il est accompagné d’une volonté de création d’une démocratie locale participative. Marion Paoletti, lors d’un article paru en avril 1998 nous apprend que l’idée « de participation entre 2 élections est valorisée par les gouvernants » et que « dans le même temps cette participation doit se réduire à une influence ». Ceci signifie tout de même un changement car longtemps on a privilégié en la matière « la négociation en circuit fermé entre différentes formes de représentation élective et associative dans la commune ». 18 19 P.Braud « sociologie politique »LGDJ-5eme édition-2000 Marion PAOLETTI « Les habits neufs de la démocratie locale ? »Pouvoir local, 39(4),1998, p104-119 Marion Paoletti ajoute qu’ « entre 1992 et 1998 approximativement, le local s’approprie les technologies déjà développées sur le marché central. Les professionnels de la communication sont présents dans les cabinets des maires et cette position n’est pas sans conséquences sur l’évolution des croyances concernant les bonnes formes de participation ». La différence dans ce cas entre le pouvoir central le pouvoir communal, c’est que les maires avouent qu’ils questionnent mais ne veulent pas publier le résultat de leur questionnaire : « par le questionnaire , le maire rend public le fait qu’il consulte, ce qui ne veut pas dire que les résultats soient rendus publics ». De plus , la publication des résultats s’accompagne d’un enfermement de l’espace public local par lequel les maires cherchent à créer des espaces d’expression directe des électeurs pour que ces espaces soient contrôlés par eux. Cette réflexion critique sur la concertation permet d’en relativiser la portée avant même de l’étudier plus en détail. La concertation, concept central de la campagne de Martine Aubry, constitue le point de départ de notre étude. Nous allons tâcher d’analyser l’application des différentes techniques de concertation durant la campagne de Martine Aubry où proximité, concertation et clientélisme ne semblent pas séparés par des frontières bien marquées, sans oublier pour autant de nous intéresser aux autres caractéristiques de cette campagne. Pour cela, nous nous attacherons dans le premier chapitre à faire un tour d’horizon de la démocratie participative à Lille , avant d’aborder dans un deuxième chapitre le caractère traditionnel de cette campagne menée par Martine Aubry. SOMMAIRE INTRODUCTION p.1 CHAPITRE 1 : L’IDEAL DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE ET SES APPLICATIONS CONCRETES A LA CAMPAGNE DE MARTINE AUBRY p.10 Section 1: L’idéal de démocratie participative dans sa conception lilloise p.10 Section 2 : La concertation à Lille et son utilisation lors de la constitution du programme de Martine Aubry p.25 I- La concertation : une méthode de constitution du programme p.27 A- La concertation est un souci affirmé tout au long du programme de Martine Aubry p.27 B- Le mode de fonctionnement des réunions de concertation p.30 II- Applications concrètes p.34 A- Réunions antérieures au programme et applications programmatiques p.34 B- Les réunions dont le résultat a été anticipé : la projection p.36 CHAPITRE 2 : UNE CAMPAGNE TRADITIONNELLE p.41 Section1 : Une relation ritualisée lors des réunions publiques p.42 Section 2 : Le contact avec l’électeur et la présentation de soi de la candidate en campagne p.51 . Le Porte à Porte p.51 . Les marchés p.54 . La permanence p.56 . Les conférences de presse p.57 . L’affichage p.60 Section 3 : Profession Homme politique p.61 . Communication ou clientélisme ? p.61 . Le reclassement du personnel politique p.63 CONCLUSION p.65 INTRODUCTION L’étude des élections municipales a longtemps été marquée par le modèle des élections intermédiaires de Jean Luc PARODI qui consistait à considérer que les « élections dites intermédiaires c’est à dire celles qui ne concernent pas la distribution du pouvoir national, présenteraient des régularités d’ajustement par rapport à l’élection nationale antérieure et se caractériseraient par le recul du parti ou de la coalition au pouvoir, sans présenter de caractère prédictif particulier par rapport à l’élection nationale postérieure ». Mais on peut estimer avec frédéric Sawicki20 que « l’interprétation localiste des élections municipales de 1989 a rompu cette logique d’élections intermédiaires propice à la reprise des thèmes nationaux dans les débats locaux. » On aboutirait donc à reconnaître un particularisme certain à ce type d’élection locale caractérisée par un retour à la terre, c’est à dire une focalisation des hommes politiques et des électeurs sur les enjeux proprement locaux, même si les grands thèmes d’ampleur nationale comme l’emploi ou l’environnement ne sont pas absents des joutes électorales à l’échelon communal. A partir de ce constat, il faut reconnaître que l’élection municipale est une élection complexe où l’homme politique est pris dans le tourbillon « d’une dialectique subtile entre ces univers bien différents que sont l’Etat central et les sommets parisiens, et les réalités locales du moment.»21 Par ailleurs, le mandat de maire est particulièrement prisé. Tout homme politique d’envergure se doit de posséder un fief, une implantation locale qui le rattache à un point d’ancrage stable. Il en fut ainsi de François Mitterrand à Château-Chinon, de Valery Giscard d’Estaing à Chamalière ou du Général De Gaulle à Colombey les deux eglises. Aujourd’hui encore, le président Jacques Chirac ne manque pas de rappeler son attachement à la Corrèze alors que le premier ministre Lionel Jospin a rendu célèbre le petit bourg de Cintegabelle en Haute Garonne. A ce propos, il est à noter que la plupart du temps, les territoires choisis ne sont pas les régions d’origine de nos hommes d’Etat. 20 SAWICKI (F.) , campagne électorale, Pouvoir, 1992 De plus, il existe un véritable attachement des hommes politiques à la fonction de maire tout comme les citoyens sont presque familièrement liés au personnage central de leur commune. L’homme politique aime cette fonction. Ainsi, Paul Feuilloley22considère ce mandat comme le plus beau des mandats. Il est clair en tout cas que le maire apparaît comme un médiateur proche des préoccupations des individus. Le citoyen ressent cette proximité car il est capable la plupart du temps de citer le nom du maire de sa commune et en cas de problème il se tournera davantage vers le maire que vers tout autre titulaire d’un pouvoir politique23. Il convient cependant de différencier le maire rural du maire urbain. La proximité étant d’autant plus grande que la commune est petite. Selon Marc Abelès24, « L’homme politique local en milieu urbain est, qu’il le veuille ou non, l’homme d’un parti » alors qu’à la campagne le maire apparaît plutôt comme un rassembleur qui transcende les clivages partisans. Malgré cela, l’élection municipale, aux champs comme à la ville, passionne les français qui ont pour habitude de se déplacer en masse pour choisir le premier magistrat de leur commune ou plus exactement la liste qu’il conduit, car nous sommes en présence d’un scrutin indirect. Ce scrutin indirect connaît un biais car « si formellement, le maire est élu au second degré par le conseil municipal, en fait la concurrence est nulle et le choix acquis d’avance »25. Concernant la forte participation, il faut nuancer le propos en avançant que plus la commune est petite et plus l’enjeu municipal est proche donc mobilisateur pour les électeurs26. Pour expliquer la mobilisation des électeurs lors des élections municipales, Daniel Gaxie et Patrick Lehingue27 proposent une hypothèse : selon eux, « si les électeurs sont 21 ABELES (M.), jours tranquilles en 89 : ethnologie politique d’un département français, Editions Odile Jacob,1989 22 FEUILLOLEY (P.), Le Maire, Pouvoir, 1983 23 GAXIE (D.), LEHINGUE (P.), Enjeux municipaux :La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale 24 ABELES (M.), Jours tranquilles en 89,op.cit. 25 GARRAUD (P.) Le Maire, Pouvoir, 1983 26 MARTIN (P.), Les élections municipales en France depuis 1945 intéressés par ce type d’élection, c’est sans doute qu’ils perçoivent avec plus de netteté en quoi leurs intérêts (matériels ou symboliques) peuvent être affectés par la gestion municipale ». Ainsi : « longtemps considéré comme scrutin politique mineur, l’élection municipale s’avère rassembler un pourcentage relativement élevé de votants et apparaît, sous l’angle de la participation, comme l’une des élections les moins affectées par les effets de conjoncture. » Ce tableau est aujourd’hui obsolète car l’abstention bat tous les records y compris lors des élections municipales et surtout dans les grandes villes comme Lille, théâtre de notre enquête. A Lille, moins d’un citoyen sur deux a daigné se déplacer aux urnes les 11 et 18 mars dernier : l’un des taux d’abstention les plus élevé en France. Le beffroi de Lille, ville de 212000 habitants au cœur d’une agglomération de plus d’un million d’âmes, est l’enjeu de la campagne que nous avons suivi. Cette ville remuante, universitaire, réputée pour sa vie culturelle, a retrouvé son dynamisme puisqu’elle a su se convertir aux activités tertiaires, elle qui était le symbole même de la ville industrielle. Ainsi, elle constitue une des villes de pointe sur le plan du développement d’internet et des créations de start up. Aujourd’hui, au delà d’une capitale régionale, elle constitue la ville centre d’une métropole européenne transfrontalière. Au coeur même du triangle : Paris, Londres, Amsterdam, elle a su profiter de la création du TGV Nord pour prendre une dimension supérieure étant située à moins de 2 heures de ces grandes capitales européennes. A côté de ce constat positif, Lille est une ville à deux vitesses qui possède en son sein des quartiers particulièrement pauvres comme Lille Sud ou Faubourg de Béthune et des quartiers très chics et branchés comme le Vieux Lille ou le Centre ville. Elle souffre également d’un manque criant d’espaces verts comparée aux autres grandes villes françaises. Au cœur de la ville et de la campagne électorale ,nous étions des observateurs privilégiés et participatifs puisque nous avons intégré l’équipe de Martine Aubry, la candidate issue du parti socialiste. Nous avons de ce fait participé à des réunions de 27 GAXIE (D.), LEHINGUE (P.), op.cit. concertation avec la société civile, assisté à des réunions de quartier, suivi l’équipe de campagne sur les marchés ou dans les quartiers lors des porte à porte. Cette position au sein même du dispositif de campagne de l’ancienne ministre de l’emploi et de la solidarité nous a permis de collecter de nombreuses informations mais elle induit incontestablement un biais du fait de notre proximité avec la candidate. Il s’agit pour nous de prendre de la distance avec notre objet afin de conserver le maximum d’objectivité. Afin de présenter dans les meilleurs conditions l’élection municipale de Lille 2001, il convient tout d’abord de réaliser un bref historique des scrutins municipaux à Lille depuis plusieurs décennies : La ville de Lille n’est pas sociologiquement très à gauche, malgré tout elle s’est toujours donné un maire socialiste depuis 1959. Le dernier en date étant Pierre Mauroy, ancien premier ministre de 1981 à 1983, qui, à la suite d’Augustin Laurent, a gouverné la ville durant 28 ans. En 1995, Pierre Mauroy avait préparé sa succession en appelant à ses côtés Martine Aubry pour le combat municipal. Ce renfort ne fut pas de trop car La liste Mauroy l’emporta, grâce au maintien du Front national, d’une courte tête face à Alex Turk ( Mauroy :48.53%, Turk :41.75%, Lang :9.72%), le candidat de la droite républicaine, au sommet de son art. L’échéance municipale de 2001 marque donc une nouvelle étape dans la vie politique lilloise avec le départ de son maire emblématique, capable de rassembler au delà de la sphère d’influence naturelle de la gauche. C’est une âpre campagne qui attend donc Martine Aubry face à son challenger de droite Christian Decocq et surtout à cause des divisions à gauche : les Verts et l’extrême gauche présentant plusieurs listes concurrentes face à elle. Martine Aubry, de part son aura médiatique impressionnante apparaît comme la grande favorite de cette élection. Il convient donc de la présenter de façon plus précise28. Issue d’une famille de fonctionnaires dont son père Jacques Delors, Martine Aubry a intégré le Parti socialiste suite à la campagne de François Mitterrand pour les présidentielles de 1974. Elle a travaillé dans la fonction publique et en entreprise(chez Pechinet) avant de devenir Ministre de l’emploi et de la solidarité du gouvernement Cresson en 1991, bien qu’elle « n’ait pas fait ce qu’il fallait (…) pour un jour être nommé ministre. ». C’est à partir de ce moment là qu’elle s’est « posée la question du mandat électoral considérant qu’il fallait avoir un mandat électoral si on voulait faire de la politique » afin de « coller au terrain ». Cette volonté de proximité ne peut être assouvie qu’à travers le mandat de maire qui, selon Madame le Ministre est le poste « le plus proche des préoccupations des gens » et qui permet de toucher « une horizontalité de problèmes ». D’autre part la fonction de maire lui permet « d’alimenter la réflexion politique nationale et ses propres convictions par le terrain, les gens, leurs problèmes en voyant leurs réactions , ce qu’ils attendent et en expérimentant un certain nombre de réponses ». Du point de vue purement politique, Martine Aubry avoue se situer dans la lignée d’Edmond Maire, Michel Rocard et son père mais refuse de se placer dans un « courant », car elle estime que ces courants « sont fermés sur eux mêmes ». Elle regrette amèrement la fin du second septennat de François Mitterrand où selon elle « on avait complètement dérapé ».C’est pour cela qu’à l’époque elle a préféré créer une fondation plutôt que « d’aller être député pour hurler contre l’opposition ». Elle a également participé avec quelques autres à l’élaboration du programme de Lionel Jospin en 1995. Concernant son « parachutage »à Lille , Martine Aubry insiste sur le fait qu’elle a eu de nombreuses propositions et qu’elle ne voulait pas « aller dans un endroit où elle « pose problème » étant par définition « parachutée puisque parisienne ». elle a accepté la proposition de Pierre Mauroy pour être la numéro 2, malgré la présence de Bernard Roman soutenu par une partie de l’appareil local(certains considéraient au sein du P.S qu’il existait une fracture entre Martine Aubry et le Parti socialiste local) car elle a estimé « qu’il y avait énormément de boulot à faire (…) que les gens avaient besoin que 28 cf entretien en annexe l’on se batte pour eux ». De plus, elle voue une grande admiration à Pierre Mauroy, qui « jusqu’à Jospin a été le seul grand premier ministre de la gauche ». A propos de ce parachutage, il convient de présenter de façon théorique cette notion pour voir si ce terme convient à l’arrivée de Martine Aubry sur le territoire lillois. Selon Jean Petaux29 cette pratique a existé bien avant le mot, le terme est devenu populaire dans les années 50 surtout au moment des élections législatives des 1eres années de gaullisme. Le parachuté est désigné comme tel par l’autre qui le stigmatise comme l’étranger. « Littéralement, est parachuté celui qui tombe du ciel, par opposition à celui qui a poussé sur la terre de ses ancêtres »30.Dans le même ordre d’idée, sont parachutés les candidats qui « n’ont pas d’attribution élective ni attache familiale dans le lieu de province où ils se présentent »31.Le parachuté cumule un certain nombre de handicaps : méconnaissance du terrain, résistance de l’appareil partisan local, stigmatisation par l’adversaire,… Comme atouts, il ne dispose que de « sa position dans le monde politique parisien, sa ténacité et son habileté à surmonter les mille obstacles qu’il rencontrera sur son chemin »32.D’autre part il se doit : « pour accroître sa représentativité dans une démarche qui intègre la durée » de ne pas être seulement « le ministre qui vient conduire la liste socialiste. Il faut, à l’échelle du département, devenir un homme d’influence c’est à dire être pleinement intégré à l’univers des élus »33. C’est ce qu’a bien compris Martine Aubry en restant dans l’ombre de Pierre Mauroy pendant 6 ans afin de se familiariser avec le terrain et les acteurs politiques locaux et d’écarter toute velléité de concurrence de l’éternel dauphin de Pierre Mauroy : Bernard Roman. Dans cette optique, il semble que Martine Aubry ait cherché à se tisser un réseau local à l’image des barons du socialisme lillois que sont Bernard Roman ou Alain Cacheux. Dans le cas de Martine Aubry, on se situe en fait dans le cadre d’un parachutage indirect selon la classification de Pierre Martin34en effet avant de se présenter aux élections 29 PETAUX (J.), Colloque, Le parachutage politique , IEP de Lille 25 et 26 Janvier 2001 ABELES (M.), op.cit. 31 CRIQUI (E.), Colloque, Le parachutage politique, IEP de Lille 25 et 26 Janvier 2001 32 ABELES (M.), op.cit. 33 ABELES (M.), op.cit. à propos du parachutage d’Henri Nallet dans L’Yonne 34 MARTIN (P.), Colloque, Le parachutage politique, IEP de Lille 25 et 26 Janvier 2001 30 municipales de 2001, Martine Aubry a occupé le poste de 1er adjoint depuis 1995 et a remporté la 5eme circonscription du nord lors des législatives de 1997.Il s’agit donc d’un parachutage indirect achevé qui a bénéficié en sus de la bénédiction du maire sortant, ce qui facilite les choses. Le soutien de la principale personnalité locale du camp étant ,de même que l’équation personnelle du candidat qui doit être très forte, une condition nécessaire à un bon parachutage35. En 2001, Martine Aubry n’est plus à proprement parler une parachutée car elle est déjà connu du fait de son élection sur la liste de Pierre Mauroy en 1995. Selon Etienne Criqui36, elle ne l’était déjà plus lors des législatives de 1997. Concernant la campagne des municipales à proprement parler, Martine Aubry s’est appuyée sur un noyau dur dirigé par Pierre De Saintignon, fidèle parmi les fidèles, qui est aujourd’hui premier adjoint Elle n’a cependant pas mis à l’écart les grands barons du socialisme lillois que sont Alain Cacheux, Patrick Kanner et surtout Bernard Roman. Elle disposait également au point de vue logistique d’un local de campagne à proximité de la fédération locale du parti socialiste. Le projet porté par celle qui allait devenir le nouveau maire de Lille a été constitué à partir du travail des 10 sections lilloises du P.S et de chaque élu, thème par thème. Martine Aubry a également mis en avant le rôle des réunions de concertation. Sur le plan de la forme, ce fut une véritable campagne de proximité. Martine Aubry insiste sur cet aspect quand elle affirme : « vous avez vu la campagne que j’ai faite, je veux dire, j’ai pas attendu qu’on m’explique les résultats du 2eme tour pour comprendre que les gens avaient besoin de proximité. Etre élu local sans faire de la proximité, je vous demande à quoi on sert. Pour moi c’est intrinsèque à la fonction d’élu d’être à l’écoute des gens, de leur demander leur avis (…) les gens veulent la proximité(…) ils veulent que les élus les entendent, les écoutent et répondent à leurs questions ». Martine Aubry compte bien faire fructifier cette volonté de proximité en développant les structures de concertation au coeur de la ville. 35 36 DOLEZ (B.), Colloque, le parachutage politique, IEP de Lille 25 et 26 Janvier 2001 CRIQUI (E.), Colloque, Le parachutage politique, IEP de Lille 25 et 26 Janvier 2001 Le concept de concertation n’est pas nouveau. Il dérive des notions de participation politique et de citoyenneté. La participation politique constitue : « l’ensemble des activités, individuelles ou collectives, susceptibles de donner aux gouvernés une influence sur le fonctionnement du système politique. Dans les régimes démocratiques où cette norme est érigée en valeur fondamentale, elle est associée au concept de citoyenneté »37. Celui-ci représente la « capacité d’exercer les droits liés à la participation politique de type démocratique ». Quant à la notion de concertation, elle marque une volonté de proximité avec les citoyens et la nécessité de leur donner la parole en dehors des périodes de consultation électorale. Ces principes ont entraîné des réalisations concrètes notamment à Lille. Ainsi Pierre Mauroy a créé des mairies de quartier il y a 25 ans. Il fut précurseur en la matière avec le maire de Grenoble . il a également instauré des conseils de quartier et un conseil communal de concertation, qui a pris place en Juin 1996, sous la direction de Michel Falise. Le C.C.C, comme il est coutume de l’appeler, constitue « un lieu global, permanent et structuré de dialogue entre la mairie et l’ensemble des composantes de la société lilloise(…)Sa création était l’une des grandes innovations du précédent mandat municipal » .Cette notion de concertation a connu un certain nombre de développements théoriques notamment à partir des travaux de Marion Paoletti38 Tout d’abord, la concertation « est une méthode de gouvernement qui consiste en une consultation permanente des administrés ». Le processus de concertation concernant les politiques publiques de la ville a débuté avec les lois sur la décentralisation et il est accompagné d’une volonté de création d’une démocratie locale participative. Marion Paoletti, lors d’un article paru en avril 1998 nous apprend que l’idée « de participation entre 2 élections est valorisée par les gouvernants » et que « dans le même temps cette participation doit se réduire à une influence ». Ceci signifie tout de même un changement car longtemps on a privilégié en la matière « la négociation en circuit fermé entre différentes formes de représentation élective et associative dans la commune ». 37 38 BRAUD (P.), sociologie politique, LGDJ, 5eme édition, 2000 PAOLETTI (M.), Les habits neufs de la démocratie locale ? , Pouvoir local, 39(4),1998, p104-119 Cette réflexion critique sur la concertation permet d’en relativiser la portée avant même de l’étudier plus en détail. La concertation, concept central de la campagne de Martine Aubry, constitue le point de départ de notre étude. Nous allons tâcher d’analyser l’application des différentes techniques de concertation durant la campagne de Martine Aubry où proximité, concertation et clientélisme ne semblent pas séparés par des frontières bien marquées, sans oublier pour autant de nous intéresser aux autres caractéristiques de cette campagne. Pour cela, nous nous attacherons dans le premier chapitre à faire un tour d’horizon de la démocratie participative à Lille , avant d’aborder dans un deuxième chapitre le caractère traditionnel de cette campagne menée par Martine Aubry. CHAPITRE I : L’IDEAL DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE ET SES APPLICATIONS CONCRETES A LA CAMPAGNE DE MARTINE AUBRY Il s’agira tout d’abord de faire un tour d’horizon du concept de démocratie participative et des structures de concertation lilloises (A) avant de se pencher sur l’utilisation de la concertation lors de l’élaboration du programme de Martine Aubry(B) Section 1 : L’idéal de démocratie participative dans sa conception Lilloise. En France la démocratie est représentative, c’est à dire que ce sont les citoyens qui élisent les représentants qui exerceront le pouvoir en leurs noms. Ces représentants, une fois élus, sont censés gouverner et effectuer différents choix conforme à l’intérêt général, cependant ce mode gouvernement engendre principalement deux sortes de problèmes : - 1 - Les représentants élus sont le plus souvent détachés des réalités du terrain et agissent plus en gestionnaires qu’en gouvernants. Ceci rejoint une critique communément admise et développée par Pierre Richard39concernant la technocratie et « l’hostilité croissante » à l’égard de celle-ci. - 2 - L’élu assume seul ses choix du fait du mandat délégué par le peuple, ce qui le surexpose en cas d’échec : la participation des citoyens aux décisions publiques devient alors un moyen de s’exonérer de cette responsabilité40. Au plan municipal, il existe selon Loïc Blondiaux41 « un mythe et une réalité de la démocratie participative de quartier ». 39 RICHARD (P.), le temps des citoyens, p108-109 PAOLETTI (M.), Les habits neufs de la démocratie locale ,Pouvoir local, 39(4) 1998, p104-119. 41 BLONDIAUX (L.), représenter, délibérer ou gouverner ? Les assises politiques fragiles de la démocratie participative de quartier, CURRAP,CRAPS, La démocratie locale. Représentation, participation et espace public, PUF, 1999. 40 Le mythe de cette démocratie participative de quartier fait de l’espace communal un lieu presque naturel de la participation politique et évoque la possibilité d’expérimenter de nouvelles formes d’expression politique à l’échelon local. La réalité ce sont les expériences politiques qui se multiplient depuis les élections de 1995 dans toute la France42. Ces expériences ont pour but d’associer sous les formes institutionnelles les plus diverses, les citoyens au pouvoir municipal. Pour Pierre Richard ces expériences seraient conformes aux vœux des citoyens qui ne « veulent plus se contenter de déléguer la part de souveraineté qu’il détiennent : ils entendent participer aux choix qui engagent leur avenir, en comprendre les raisons ; ils veulent qu’on leurs rende des comptes, qu’on évalue les résultats, que l’utilisation de l’argent public soit contrôlée. » Ces initiatives divergent pourtant dans leurs objectifs, leurs moyens et leurs résultats. Pour les autorités politiques elles semblent aller de la volonté explicite d’encourager certaines formes de démocratie directe à la simple démarche « managériale » visant à la gestion administrative des conflits quotidiens, en passant par l’espoir de faire parvenir par ce moyen à « la reconstruction d’un lien social mis à mal par la crise économique ou les évolutions culturelles ».43 A ces conseils ou comités de quartier seront confiées en conséquence des missions de nature très différente, allant de la simple information des habitants à la cogestion de certains dossiers municipaux en passant par la consultation et la concertation. C’est le cas à Lille où depuis le milieu des années soixante-dix se sont développés les conseils de quartiers sous l’impulsion de Pierre Mauroy. 42 Numéro spécial de la revue Territoire, instances participatives de quartier : 45 villes s’engagent, n°373, 1996. 43 BLONDIAUX (L.) op.cit. En effet la mairie centrale de Lille se décline en dix mairies de quartier ayant pour but de facilité les démarches administratives municipales des habitants. La première de ces mairie de quartier fut créer dans le quartier des Bois Blancs en Mars 1975. Ces mairies sont placées sous la tutelle politique de l’adjoint municipal chargé de la coordination et de la décentralisation. Chaque mairie de quartier est dotée des services administratifs et sociaux traditionnels (Etat civil, RMI, etc.), mais également d’un conseil de quartier qui est l’organe de la démocratie locale. Le premier conseil de quartier fut créé à Lille Sud en Septembre 1978 et le dernier date de Janvier 1987 à Lille Centre . La brochure Nous, vous, Lille dans un numéro spécial Hors série de Mai 2001, intitulé « Tous citoyens », nous éclaire sur les caractéristiques des membres des conseils de quartier ainsi que sur leurs missions. CONSEILLER DE QUARTIER Les conseillers de quartiers participent à l’animation de la démocratie locale et sont forces de propositions. Ils était 266 lors du précédent mandat, ils passeront à 280 lors du renouvellement du 22 Juin, pour tenir compte de l’augmentation sensible de la population. Le nombre de conseillers est différent dans chaque quartier, compte tenu , là aussi, du nombre d’habitants. Ils seront donc : - 22 aux Bois-Blancs et au faubourg de Béthune - 26 à Saint-Maurice Pellevoisin, Vauban-Esquerme et au VieuxLillle - 30 à Fives, Lille-Sud et Moulins - 34 au Centre et à Wazemmes. Le mandat de conseiller de quartier est exigeant : au moins cinq réunions annuelles, et entre chaque réunion du conseil, 2 à 3 réunions de la ou des deux commissions où chaque conseiller s’est inscrit. On y ajoutera les représentations dans le quartier ( fêtes manifestations diverses) et la participation au sein des organismes extérieurs ( par exemple les conseils d’écoles du quartiers ). Pour bien remplir leurs missions les conseillers de quartier bénéficieront d’une formation et seront aidés dans l’exercice de leur mandat. Le conseil de quartier à plusieurs compétences : il est systématiquement consulté pour avis, avant les délibérations du Conseil Municipal, sur les projets soumis à enquête publique, les projets de schéma d’urbanisme, d’établissement, de révision ou de modification du plan d’occupation des sols, l’implantation d’un équipement municipal, par exemple un espace verts, et son président est consulté sur les permis de construire. Le conseil de quartier y a également une compétence de gestion déléguée pour le fonctionnement du patrimoine d’équipements ou d’espaces publics municipaux. Il s’occupe également de l’animation. Il disposera de crédits décentralisés d’investissement et de fonctionnement renforcés pour mené a bien ces différentes actions, et notamment d’une ligne de crédits spécifique pour les écoles et les cours d’écoles du quartier, sur les crédits municipaux de l’enseignement ; Enfin, les quartiers concernés par la politique de la ville bénéficient de deux outils supplémentaires : les Fonds de participation des habitants (FPH) et les Fonds de Travaux Urbains , pour impulser des projets spécifique de développement urbain. Nous, vous, Lille. Mai 2001 HORS SERIE n°1, P.3 Cette brochure est parue peu de temps après l’élection de la liste conduite par Martine Aubry aux élections municipales de Lille 2001 et elle illustre parfaitement cette volonté de la part de la nouvelle municipalité de jouer la carte de la démocratie locale. En effet, le nombre des conseillers de quartier augmente, ceux ci seront désormais « formés » pour exercer leur mission, d’autre part les crédits accordés pour le fonctionnement des conseils de quartier seront augmentés. Lors de l’entretien que Martine Aubry nous a accordé, à une question de relance alors qu’elle abordait le sujet des conseils de quartier : Oui mais les conseils de quartier ont peu de pouvoir ? Elle nous a répondu : « Oui, mais on va les renforcer, ça c’est clair qu’aujourd’hui… D’abord un ça a été un progrès très important, les mairies de quartier : les mairies de quartier parce qu’il y a du service de proximité pour les gens que ça soit pour demander une fiche d’état civil, une aide sociale, le C.CA.S et à coté des services chez vous, des bons pour les vacances, un problème d’inscription dans une école primaire tout se fait par la mairie de quartier et je crois que c’est très apprécié par les Lillois et là Pierre Mauroy a été un précurseur, il a fait ça en même temps que Grenoble il y a 25 ans. En revanche les conseil de quartier n’ont, à mon avis, pas suffisamment de pouvoirs pour deux raisons : d’abord leur composition était trop politique, normalement c’était 50/50 50% les partis politiques au prorata des élus et 50% devant représenter les forces vives. Dans les faits dans les cinquante pour cent des forces vives, il y avait un arrangement avec l’opposition et je te mets untel et tu me mets un commerçant et je t’en mets un. Là on a complètement changé les choses puisque dans les cinquante pour cent… Et puis après ben ici Bernard Roman a discuté avec l’opposition, moi j’ai complètement cassé ça j’ai dit il y a 50% des politiques et les cinquante autre % les 2/3 représentent les forces vives économiques sociales et culturelles de votre quartier. C’est sur qu’on met plus de commerçants dans le vieux Lille qu‘à Lille sud. Regarder par rapport à votre nombre de conseil qu’on a réévalué en fonction du dernier recensement, regarder comment vous voulez répartir les 2/3 de ces 50% entre le monde culturel, le monde économique, le monde sportif, les intervenants associatifs, faite une répartition et dans ces 2/3 essayer de faire en sorte que les gens qu’ils représentent soit vraiment représentatifs des autres et quand vous avez une hésitation : vous vous réunissez . Par exemple j’ai deux postes pour le milieu sportif : réunissez les associations sportives de votre quartier et dite leur il me faut deux représentants. C’est pas a nous de les choisir et puis le tiers c’est pour des personnes incontournables dans le quartier …quelqu‘un qui a un rôle, quel qu’ il soit ; les habitants d’où l’appel aux habitants, pas l’habitant qui dit : « moi j’ai un poteau devant ma fenêtre que je veuxt faire changer donc je vais être au conseil de quartier ! » Non, les habitants c’est pour cela qu’on a demandé une lettre de motivation, qui ont des idées pour leur quartier, qui ne sont pas obligatoirement les dirigeants d’une association mais qui sont dans une association de parents d’élèves, de locataires qui ont une implication dans le quartier qui peuvent parler aussi au nom des autres et c’est aussi dans cette partie là qu’on va intégrer des jeunes car c’est très difficile, en général ils n’ont pas obligatoirement, c’est pas les forces vives ou ils ne sont pas encore au top. J’ai demandé à chaque président de conseil de quartier d’abord de recevoir les habitants dont les lettres de motivation étaient intéressantes et là, je voyais Marie-Thérèse Rougerie hier au centre elle a 50 candidatures elle me dit : « je vais en recevoir 48. » parce que pour choisir des gens un peu différents mais qui sont impliqués dans le quartier et d’aller vers les jeunes et d’essayer de voir, ça c’est plus difficile évidemment, quels sont les jeunes qui peuvent être représentatif du quartier, alors soit parce qu’il y a des associations de jeunes, soit parce que dans un centre social y a un ou deux jeunes qui sont vraiment moteur et moi je leur ai dit je ne m’en mêle pas, donc il n’y a pas de lecture politique, non seulement ça mais je leur ai dit je ne veux pas que l‘ont fasse rentrer par la fenêtre les militants socialistes qu’on a plus mis sur la liste des socialistes . »44 44 Entretien avec Martine Aubry cf. annexe. Il existe visiblement dans son propos une volonté de dépolitiser les conseils de quartier, car si comme on peut l’observer Martine Aubry se débarrasse très vite de notre question initiale portant sur les pouvoirs des conseils de quartier, elle insiste par contre très abondamment sur les transformations qu’elle souhaite apporter lors de son mandat à ces conseils de quartier, elle ne veut plus qu’ils servent uniquement de moyen de reclassement du personnel politique, mais que des citoyens peu ou pas « politisé » y accèdent. Cette méthode et cette présentation de soi peuvent aussi apparaître comme une volonté de mieux contrôler cet instrument de la démocratie locale qu’est le conseil de quartier. En effet cette expérience qui vise à associer le citoyen au pouvoir local, participe uniquement d’un « mouvement descendant »45 dans ce sens qu’elle résulte d’une initiative de l’autorité municipale alors que dans les années soixante, il n’était pas rare que des mouvements d’habitants ou d’associations soient à leur origine. Loïc Blondiaux précise que ces « initiatives » s’accompagnent d’une « rhétorique qui exalte la participation et la citoyenneté » qui sont selon cet auteur deux thèmes46 à la mode dans le discours politique. C’est en partie de cette mode que s’est inspirée Martine Aubry pour faire campagne et elle montre qu’elle souhaite marquer son mandat de cette empreinte c’est ainsi que tout au long de sa campagne comme dans le périodique Nous, vous, Lille47 consacré à la participation, elle fera souvent appel à ces notions. Déjà en 1995 Martine Aubry avait marqué son arrivée à la mairie par la création du conseil communal de concertation : 45 BLONDIAUX (L.) op. cit. Pour une analyse concrète et matérielle de des mécanismes de la participation démocratique : BLONDIAUX (L.), LEVEQUE (S.), la politique locale à l’épreuve de la démocratie : les formes de la démocratie participative de quartier dans le XX EME arrondissement , in Neveu (C.) (dir.). Citoyenneté et territoire. Paris L’Harmattan. 1997. 47 Op. cit. 46 LE CONSEIL COMMUNAL DE CONCERTATION PENSER LOCALEMENT AGIR GLOBALEMENT TEL EST LE LEITMOTIV DU CONSEIL COMMUNAL DE CONCERTATION CREE EN JUIN 1996. IL CONSTITUE UN LIEU GLOBAL ? PERMANENT ENTRE LA MAIRIE ET L ENSEMBLE DES COMPOSANTES DE LA SOCIETE LILLOISE. Sa création était l’une des l’une des grandes innovations du précédent mandat municipal. Constitué de 120 membres de la société civile, dont la moitié du secteur associatif (ils représentent huit secteurs d’activité : économie-commerce-emploi, culture, éducation-formation populaire, santé solidarité, Habitat environement-cadre de vie, sport, loisir tourisme), répartis dans plusieurs commissions, le CCC comme on rapidement pris l’habitude de le nommer, est présider par Michel Falise, Adjoint à la démocratie participative, ancien recteur de la catho. Le CCC n’est pas un conseil municipal bis . Ses membres ne sont pas des personnes physiques élues par le suffrage universel, mais des représentants de personnes morales (associations, organisations, syndicats, unions commerciales etc…) représentatifs de l’ensemble de la société Lilloise. Le CCC n’exerce pas de pouvoir de décision qui est celui des élus politiques, mais constitue un lieu précieux d’écoute, de propositions et de concertation entre l’Hôtel de ville et la société civile. Lors de son premier exercice, de 1995 à 2001, il a examiné de nombreux sujets relatifs à la vie locale et rendu un avis sur prés d’une trentaine de sujets aussi divers que la politique gérontologique, le plan de déplacements urbains, le tourisme ou le commerce. Ces avis ont d’ailleurs souvent été sollicité par les Elus de la ville, notamment avant la mise en œuvre des Plans Locaux d’Action. L’exemple du Conseil Communal de Concertation de Lille a inspiré plusieurs collectivités en France et en Europe. Nous, vous, Lille. Mai 2001,HORS SERIE n°1, P.4. Cet organe qui est selon la terminologie municipale :« un lieu précieux d’écoute, de propositions et de concertation entre l’Hôtel de ville et la société civile. », s’avère être l’instrument principal de communication politique entre la mairie et la société civile, en effet celui-ci ne disposant d’aucun pouvoir décisionnel 48 consultatif » et « même pas d’un avis il n’est en fait destiné qu’à cette fonction. Enfin, la municipalité a créé les ateliers urbains de proximité et les forums citoyens qui sont de nouveaux instruments de démocratie locale et qui apparaissent avec le nouveau mandat : LES ATELIERS URBAINS DE PROXIMITE Pour chaque grand projet (Euratechnologie sur les rives de la haute Deûle, la transformation du boulevard Jean-Baptiste Lebas, le grand projet de ville dans six quartiers,…), comme pour tout nouvel équipement (crèche, école, bibliothèque,…), ou aménagement (places, squares…) un forum spécifique sera organisé qui associera les habitants avec les élus et les techniciens, afin de recueillir les avis et les propositions, d’engager un débat et de construire le projet. Les habitants directement concernés par un projet au plus prés de chez eux, pourront participer à ces ateliers destinés à compléter, à amender ou à ajuster, projet par projet, espace urbain par espaces urbain, des propositions décidées en conseil municipal, après avis du conseil de quartier. Les grands projets, comme les grandes questions feront l’objet d’une concertation approfondie dans le cadre du conseil communal de concertation dont les avis seront présentés et discutés en Conseil municipal. Chaque année plusieurs débats sur des sujets essentiels pour la vie des Lillois seront organisés. « Je demanderai à chaque élu de travailler avec tous les acteurs de la ville susceptible de d’apporter une contribution dans son domaine de compétence », a annoncé Martine Aubry. Nous, vous, Lille. Mai 2001, HORS SERIE n°1 P3 Ces ateliers vont permettre d’associer les habitants concernés aux projets d’aménagement initiés par la municipalité, mais ce genre d’initiative risque de poser un certains nombre de problèmes de structure, notamment concernant la tenue de ces ateliers . En effet, sera-t-il possible d’assurer une publicité suffisante à ces réunions et de motiver correctement les citoyens à participer à ce genre de réunion. 48 Selon Didier Calonne, ancien conseiller municipal délégué aux droit de l’homme et aux relations interculturelles. Ce genre d’initiative dissimule assez mal la volonté de la municipalité de maîtriser les débats en les organisant ce qui peut empêcher la formation de groupes de pression ( des comité de défense d’un quartier par exemple). Mais là n’est pas la seule motivation du pouvoir municipal qui souhaite, par le biais de ce genre d’expériences, établir une meilleure communication politique avec les habitants du quartier concerné. Par ces expériences le pouvoir local, en expliquant aux riverains l’intérêt des équipements mis en place ainsi que leur nécessité, ne semble plus imposer ses vues à la population mais apparaît plutôt plus négociatrice. Afin d’animer un large débat sur un thème d’intérêt général, la municipalité a décidé de créer des Forums citoyens. DES FORUMS CITOYENS « Je demande à chaque président de conseil de quartier d’organiser avec les adjoints concernés, dans l’année qui vient, trois forums citoyens largement ouvert aux associations et à la population » , a annoncé Martine Aubry, lors de son premier conseil municipal, le 25 Mars dernier. Ces forums citoyens poursuivront le dialogue engagé ces dernières semaines, à l’occasion de la campagne électorale. Ils devront permettre de définir les priorités et les modalités de mise en ouvre de du programme municipal. Ces trois forums dont le premier pourrait avoir lieu en Septembre traiteront de : La qualité des espaces publics (places, squares, rue, jardins…) tant en terme d’aménagement et de propreté que de sécurité. L’amélioration des équipements et des services de proximité ( animation, culture, sport, loisirs…) Le développement économique, l’emploi et l’exclusion. Sur chacun de ces thèmes, les Lillois pourront concrètement faire entendre leur voix dans leur quartier, alimenter la réflexion et l’action des élus pour les années à venir. Nous, vous, Lille. Mai 2001, HORS SERIE n°1 P.3 Ces forums s’inscrivent dans l’idéal d’une démocratie Athénienne où tout les citoyens viennent se réunir, pour prendre les décisions ensemble concernant l’avenir de la municipalité, il n’est pas nécessaire de revenir ici sur l’instrumentalisation dont peut faite l’objet ce type d’expérience et non plus de présager des effets de réunions qui n’ont pas encore été tenues mais juste de s’inspirer des résultats de travaux sur la démocratie locale en ce sens49, afin de se demander si il ne risque pas de ses produire à Lille un effet d’amalgame de toutes ces structures concertatives dans l’esprit des administrés. En prônant pour plus de transparence la municipalité Lilloise, semble embrouiller considérablement le paysage de la démocratie participative, en effet si l’on considère le nombre de ces structures concertatives (4) et leurs missions qui sont relativement proche les unes des autres, il se peut que l’administré lambda de la ville de Lille se perde à travers ce dédale. C’est peut être pour cela que le pouvoir municipal lillois a investi dans un véritable projet d’école de la citoyenneté, à travers diverses expériences que sont Le conseil municipal d’enfants ainsi que La journée civique. LE CONSEIL MUNICIPAL D’ENFANTS Sa première séance publique s’est tenue il y a un peu plus d’un an à l’Hôtel de ville, le 12 février 2000, sous la présidence effective de Pierre Mauroy et de Thérèse Dan gréaux, l’élue qui l’a mis en place au précédent mandat, avant de passer le relais à Annick Georget. Ils sont 170 jeunes conseillères et conseillers, issus de quartiers de Lille, volontaire pour siéger toutes les deux semaines en commission et tous les deux mois en séance avec le président du conseil de leur quartier. Projets et initiatives pour le quartier problèmes sensibles, comme la violence scolaire, qui les concerne directement, animation, création d’espaces verts… Les membres du conseil Municipal d’Enfants de Lille sont le poil à gratter de la citoyenneté. Ils n’hésitent pas à poser les questions qui dérangent, et à demander où en est l’application des projets qu’ils ont proposés. Au passage, une formidable école d’instruction civique grandeur nature. Qui a dit que jeunes ne s’intéressaient pas à la politique? Nous, vous, Lille. Mai 2001, HORS SERIE n°1, P.4. 49 PAOLETTI (M.), op cit. Cette initiative, au delà de la récupération parfois démagogique50 ou maladroite51 que certains ont pu en faire, est un véritable moyen pédagogique d’apprentissage de la citoyenneté chez l’enfant. La brochure Nous, vous, Lille52 la décrit à juste titre comme « une véritable école d’instruction civique. »Les jeunes gens qui atteignent la majorité, pourront participer une fois dans l’année à la « journée civique » qui sera organisée chaque année et Martine Aubry les recevra avec la municipalité afin de les « sensibiliser à leurs droits et devoir de citoyens au premier rang duquel le droit de vote. » En plus d’être une méthode de gouvernement la concertation est aussi une volonté d’afficher un style , une sorte de « marque de fabrique », bref une présentation de soi. Différentes remarques peuvent être faites à ce sujet à travers l’analyse de certaines parties de l’entretien que nous a accordé Martine Aubry, en effet, pour elle, prendre l’avis de la population paraît être une donnée essentielle de la vie politique : Qu’est ce qui vous a poussée a passer justement ce pas du mandat ? « Je pense que si on veut éviter d’être un ministre technicien technocrate si on a envie vraiment de faire de la politique, il faut comprendre ce que ressentent les gens (…) » « (…)le mandat qui m’intéresse le plus c’est celui de maire, parce que c’est celui où on est le plus proche des gens et en plus où on touche une horizontalité de problèmes (…) » 50 Jean-Louis FREMAUX, président du conseil de quartier de Fives lors de la réunion publique du 28 Février 2001cf.infra. 51 Marie-Christine STANIEC-WAVRANT, présidente du conseil de quartier de Wazemmes, qui a fait témoigner des enfants lors de la réunion publique de ce quartier le Mardi 6 Mars 2001. 52 Op cit. Ces réponses qui interviennent en début d’entretien nous montre que Martine Aubry aborde deux thèmes qui seront ensuite plus développés lors de notre entretien, celui de la concertation et celui de la proximité53. En ce qui concerne la concertation, nous avons interrogé Martine Aubry directement sur ce sujet : On a observé que la volonté de concertation était très présente dans la campagne, elle transparaît fréquemment dans tous les thèmes, dans le programme, dans vos actes en quoi est-ce pour vous un élément primordial ? « Ben, c’est simple je pense que la politique ça n’est pas désincarné, c’est pas des réponses comme ça théorique qu’on apporte en chambre, c’est un aller retour entre des problèmes, des attentes qu’ont les gens, des attentes, ou des aspirations positives qu’on peut avoir donc c’est d’abord la nécessité d’écouter et ensuite aussi d’élaborer des réponses qui correspondent aussi a ce qu’attendent les gens, c’est pour cela d’ailleurs que dans le programme, vous l’avez vu, on va sur tous les sujets : qu’on aménage une crèche ou un jardin public, on va demander leur avis aux gens, non pas qu’ils aient toujours raison contre les experts mais je pense qu’on se trompe très fréquemment si on écoute pas exactement leurs aspirations donc ce qui est vrai pour des équipements pour l’aménagement d’une place c’est encore plus vrai sur des priorités ou sur, voilà . Bon, en plus je pense que c’est ça qui est intéressant dans une ville c’est d’être au contact avec les gens aussi bien pour régler les problèmes individuels, que pour apporter des réponses collectives en plus je crois que c’est comme ça qu’on peut plus les mobiliser, c’est à dire faire en sorte qu’ils s’investissent pour qu’elle change, ma conviction c’est qu’on ne peut pas tout faire si les gens ne s’y mettent pas, c’est vrai du débat sempiternel auquel vous avez assister sur les crottes de chien, qui est absolument incroyable je veux dire dans toutes les villes, le sujet majeur ça a quand même été les crottes de chien. Si il n’y a pas un peu de civisme on peut faire ce qu’on veut on ne va ramasser toute la journée des crottes de chien mais d’événements comme cela jusqu'à des événements sur la solidarité où on peut dire aux gens qui vont bien aux retraités, vous pouvez passer un petit peu de temps à aller voir les mômes en difficulté, à aller dans les maisons de retraite voir les plus âgés que vous à des personnes actives qui 53 Martine Aubry évoquant son programme: «l’idée c’était la proximité, être le plus proche des gens possible » sont au 35 heures vous pouvez passer un peu de temps dans des associations, c’est aussi bien du civisme, chacun doit remplir son rôle de parent, de parents d’élève de locataire jusqu'à, vous pouvez passer une partie de votre temps , de votre énergie a apporté quelque chose aux autres et si on intègre pas les gens dans un programme s’ils ne se sentent pas portés et s’ils ne se reconnaissent pas dans ce qu’on leur propose comme projet et bien ils ne sont pas mobilisés, voilà. Donc c’est une nécessité pour répondre a leurs problèmes mais aussi pour les mobiliser et vous avez vus, le « Nous, vous, Lille » sur la concertation on a eu 400 demandes dans les conseils de quartier c’est hallucinant. Car c’est une soirée par mois, ça nécessite de bien connaître le quartier d’avoir des propositions on a eu des lettres et toutes les candidatures sont intéressantes » Au delà de cette thématique de la concertation en tant que méthode de la démocratie participative, Martine Aubry en développe une autre concernant le civisme et la responsabilisation des citoyens et la suite de notre entretien nous prouvera qu’elle se présente en partisane de ce type d’initiative, du type responsabilisation citoyenne ou encore gestion par les habitants de certains biens collectifs. Ce que l’on voulait savoir, c’est : est-ce qu’en fait la concertation agit à la marge ou bien est-ce que ça agit vraiment sur les grands projets ? « Bien évidemment par exemple sur Lille 2004 Capitale culturelle on en est à la quatrième réunion avec les habitants à Wazemmes pour savoir ce qu’on va faire dans la maison folie de Wazemmes qui va être gérée par les habitants, on est en train d’inventer un nouveau concept de maison de la culture ou de maison de quartier on va réhabiliter une ancienne usine, pour l’instant on a trois projets un à Wazemmes, un à Moulins, un à Fives et cette ancienne usine là en l’occurrence l’usine Leclerc va être, euh…il y aura une salle des fêtes, de spectacle qui va être gérée par les associations culturelles du quartier. Donc nous la ville qu’est-ce qu’on fait ? On fait les travaux, on met le mécanisme technique, on met un gardien et un technicien ; la salle de spectacle est gérée par les associations culturelles du quartier, ils font leur programmation donc ils se programment eux mêmes ça peut être l’accordéon, la musique populaire comme le rap, ils invitent, ils organisent. Ensuite il y aura une salle polyvalente si je puis dire, gérée par des habitants qu’on peut réserver pour un mariage, pour une association qui fait une fête avec des cuisines, avec des habitants qui vont gérer les cuisines, des jardins qui vont être gérés par des habitants qui auront envie de gérer les jardins. » Cela ne risque pas d’être un peu anarchique ? « Non, vous verrez bien… » Ce sont les gens qui vont se gérer entre eux (moue dubitative) ? « Mais bien sûr on a déjà des jardins comme ça qui marchent très, très bien à Lille. Et puis des ateliers d’artiste et un hammam car la population, puisqu’on les a consulté, a demandé un hammam dans ce lieu de convivialité donc les gens qui vont venir à un hammam ou a une fête pour un mariage ils vont passer dans les ateliers d’artistes, ah oui il y aura aussi un petit studio d’enregistrement rap etc.. Donc c’est un peu la maison de tout le monde mais c’est aussi, c’est chacun qui porte ses projets et qui doit les gérer entre eux ». Bien évidemment au départ on va les aider sur le plan de la gestion, sur le plan de l’organisation etc… , mais ça doit être leur lieu c’est eux qui font. Ce n’est pas nous qui donnons des services aux habitants, ce sont les habitants qui prennent possession de lieux et qui les gèrent éventuellement ces lieux peuvent changer d’affectation en fonction des besoins ou de ce demandent les gens. Donc c’est pour vous dire que dans Lille 2004 il y a une très, très grande implication on est en train de créer des remblats de la gare jusqu’au quai du Wault qui vont être fermés tous les week-end à la circulation, qui vont être animés pendant un an, ensuite tous les weekend pour l’avenir ils vont être animés aussi bien par des gens qui viennent de l’extérieur, on va exemple parader ce sera Shanghai pendant une semaine , ce sera New-York ; mais on dit aussi aux accordéonistes vous préparez une semaine d’animation, on dit aux hip-hopeur vous faites une semaine d’animation. Tous ceux qui font des choses culturelles dans la ville vont avoir l’opportunité d’animer un , bon donc tout cela ça demande énormément de temps de concertation, c’est passionnant aussi, on a un autre rapport avec ces publics. A travers les propos de Martine Aubry il est possible d’observer que la municipalité Lilloise souhaite se persuader de la participation active d’habitants qui vont s’engager spontanément dans une structure de type associatif et participer à sa gestion permettant ainsi d’en assurer la pérennité. En effet cette structure se retrouvera alors « appropriée » par les citoyens et ceux-ci joueront alors a son égard un rôle protecteur. En adoptant cette posture, la mairie se protège par rapport à diverses reproches de la part du monde associatif concernant par exemple la disponibilité d’un local, elle pourra se dissimuler derrière une mauvaise gestion, qui serait celle des habitants mais non plus de son fait. A travers ce mouvement de responsabilisation citoyenne, on peut apercevoir un autre type de mouvement qui serait lié à la deresponsabilisation du pouvoir politique local qui ne souhaite plus assumer seul la portée de ses décisions. De plus la municipalité, à travers Martine Aubry souhaite apparaître comme proche de individus et considère la proximité comme une notion évidente et parfaitement intégrée par les pouvoirs publics : « (…)moi très franchement ce discours sur la proximité …heureusement que quand on est élu…Qu’on est l’air de découvrir aujourd’hui vous avez vu la campagne que j’ai fait je veux dire, j’ai pas attendu qu’on m’explique les résultats du deuxième tour pour comprendre que les gens avaient besoin de proximité, être élu local sans faire de la proximité je vous demande a quoi on sert, pour moi c’est intrinsèque a la fonction d’élu d’être a l’écoute des gens de leur demander leur avis, autrement ça n’a absolument aucun sens d’être élu local donc les gens veulent la proximité et bien oui, ils veulent que les élu les entendent, les écoutent et répondent à leurs questions il me semble que ça a toujours était le cas ou plus … L’idée qu’on est l’air de découvrir cette idée de proximité moi ça me tue ! » Chez Martine Aubry il existe, une volonté plusieurs fois réaffirmée lors de notre entretien d’être une véritable élue de proximité, afin d’essayer de surprendre la vie locale dans son coté le plus typique, d’où sa manière de se présenter à certaines manifestation de la ville où normalement le maire n’est pas traditionnellement présent : « Et puis comme je vous l’ai dit je passe beaucoup de temps dans la ville soit parce que on m’a relevé le problème je vais voir, soit tout simplement dans la vie de la ville, donc je ne préviens , pas je ne vais pas inaugurer quoi, j’ai demandé à tous les présidents de conseil de quartier de me remonter tous ce qui se passe dans leurs quartiers, chaque semaine et bon il y a une fête dans une école j’y vais, je laisse Ariane Capon faire son discours, le président de conseil de quartier, il y a la fête dans une association il y a un déjeuner de femmes Maghrébine hop j’y vais, alors comme ça je sens les gens je parle avec eux et je laisse faire les adjoints ou les présidents de conseil de quartier, parfois je ne préviens pas du tout, en règle générale je préviens juste l’adjoint au dernier moment comme ça les gens sont normaux, ils ne se préparent pas : il y a madame le maire tout va bien, et c’est comme cela qu’on sent les gens. Voilà ! » Il nous est apparu judicieux, pour la réalisation de cette première section, d’utiliser un document et un entretien postérieurs à l’élection municipale afin de montrer l’importance accordée par la nouvelle municipalité au développement de la démocratie locale. Il convient, à présent, de se pencher sur l’utilisation de cette thématique lors des réunions de concertation avec les acteurs de la société civile qui se sont déroulées en début de campagne. Section 2 : La concertation à Lille et son utilisation lors de la constitution du programme de Martine Aubry Selon la définition classique agir de concert c’est agir ensemble et en s’étant accordé auparavant, la concertation étant « une méthode de gouvernement qui consiste en une consultation permanente des administrés54. » Le processus de concertation concernant les politiques publiques de la ville a débuté avec les lois sur la décentralisation et il s’est accompagné d’une volonté de création d’une démocratie locale participative. Marion Paoletti lors d’un article paru en Avril 199855 ; nous apprend que l’idée « de participation entre deux élections est valorisée par les gouvernants » et que « dans le même temps cette participation doit se réduire à une influence. » Ceci signifie tout de même un changement car longtemps on a privilégié en la matière « la négociation en circuit fermé entre différentes formes de représentation s élective et associative dans la commune. » Si bien que maintenant la participation apparaît comme une nouveauté voire même une mode, en effet Marion Paoletti remarque «qu’entre 1998 et 1992 approximativement, le local s’approprie les technologies déjà développées sur le marché central Les professionnels de la communication sont présents dans les cabinets des maires et cette position n’est pas sans conséquences sur l’évolution des croyances concernant les bonnes formes de participation. » La différence dans ce cas entre le pouvoir central et le pouvoir communal : c’est que les maires avouent qu’ils questionnent mais ne veulent pas publier le résultat de leur questionnaire .Marion Paoletti : « Par le questionnaire, le maire rend public le fait qu’il consulte, ce qui ne veut pas dire que les résultats soient rendus publics. » De plus la publication des procédures s’accompagne d’un enfermement de l’espace public local par lequel les maires cherchent à créer des espaces d’expression directe des électeurs pour que ces espaces soient contrôlés par eux. 54 Définition du petit Larousse C’est le cas à Lille avec le conseil communal de concertation dont le rôle est de consulter afin de recueillir les doléances de certaines franges représentatives de la population dans le but de rendre des avis. Sa composition est la suivante : élus représentant la mairie, les association, les corps de métier, les syndicats, le tout réunis à la mairie sous la présidence de Michel Falise56. Le mode de saisine de ce conseil est double : soit il s’auto saisit sur un problème précis, soit il est saisi par le conseil municipal.. Le but de la concertation est donc ; d’une part : d’accroître la légitimité des gouvernants plus que de renforcer véritablement la citoyenneté et d’autre part elle est assortie d’une volonté de briser la critique dans l’œuf « de désamorcer le potentiel critique »57 par la publication des opinions et des décisions prises en concertation. Mais il ne faut toutefois pas négliger, la capacité du public à venir perturber le jeu : « les maires évoluent sous la double contrainte du contrôle et de la prise en compte . »58 De plus avec la décentralisation s’est opéré la mise en place de techniques plus concrètes, plus juridiques de consultation des acteurs, elle n’est plus seulement qu’apparente car maintenant elle s’est institutionnalisée. Dans ce cadre les réunions de concertation n’ont servi qu’a légitimer un programme déjà conçu à l’avance ou participe t’elle réellement à la constitution de ce programme ? Pour tenter d’apporter une réponse à cette question nous aborderons en première partie la concertation en temps que méthode utilisée lors de la constitution du programme de Martine Aubry (I), pour ensuite observer la concrétisation programmatique des réunions de concertation (II). 55 PAOLETTI (M.)et all., Les habits neufs de la démocratie locale ? , Pouvoir local,39(4),1998,p.104119. 56 Ancien recteur de la faculté catholique de Lille, numéro 8 puis numéro 9 sur la liste de Martine Aubry pour les municipales. 57 PAOLETTI (M.), op.cit. 58 PAOLETTI (M.), op.cit. I- la concertation : une méthode de constitution d’un programme Après avoir montré que la concertation est un soucis affirmé tout au long du programme de Martine Aubry (A) nous observerons en détail le déroulement des réunions de concertation (B). A- La concertation est un soucis affirmé tout au long du programme de Martine Aubry Lors de la présentation de son programme à la salle du Gymnase à Lille à l’occasion d’une conférence de presse le 1er Févier 2001. Martine Aubry insiste sur le fait que celui-ci a été essentiellement élaboré en concertation avec les différents acteurs concernés : « Ce programme est le résultat de la concertation. » Elle insistera sur ses contacts tout au long de la campagne, parlera des réunions de concertation qui ont lieu, ainsi que de celles qui auront lieu plus tard et qui ont fait l’objet de projection tout au long du programme (aucun journaliste ne lui fera remarquer ce paradoxe). Elle insistera aussi sur l’utilisation du conseil communal de concertation pour la constitution de son programme. Elle annonce à cette occasion ses deux grand axes de campagne : 1. « Les Lillois et la vie quotidienne : une ville de qualité pour tous » 2. « Poursuite de la transformation de la ville » (dans la continuité du travail entrepris par P. Mauroy) En précisant qu’elle a agi selon une méthode : « Plus de participation, de concertation et de transparence ». Il apparaît alors une volonté d’avoir un citoyen au courant des affaires de sa ville (transparence) et qui participe a sa gestion ( ce qui paraît utopiste).Pourtant on peut constater que le champlexical de la concertation est présent tout au long de ce programme59 ainsi p.11 : 59 Programme municipal 2001-2007 Lille-Hellemmes-Lomme : « Vivre Lille, bien dans sa ville, mieux dans sa vie » élaboré pour les élections municipales des 11 et 18 Mars 2001. - « Réhabilitation de places ou de jardin publics, en concertation avec les habitants : Place Madeleine Caulier, Place Coli, espaces verts de Concorde et Belfort … » On peut lire d’autre part : - « Gestion urbaine de proximité avec les habitants : zone de la haute Deûle… » Ensuite il est question de procéder à « l’association des habitants à l’aménagement des grands ensembles (…) et à l’animation de leur quartier (…) » Enfin dés l’introduction de son programme Martine Aubry montre qu’il est le résultat d’un dialogue : « Le programme que je vous présente est issu de nos échanges… » Même le slogan de la campagne reprend le thème de la concertation : « Un programme élaboré avec vous, un programme évalué, un engagement vis à vis de vous. » Cette forme contractualiste (un engagement) est en accord avec la méthode mise en place par le gouvernement Jospin et suivant une tendance actuelle de contractualisation de la société où les pouvoirs publics agissent sur la base d’un contrat passé avec les citoyens. Ce qui favorise la multilatéralité des rapports plutôt que leur unilatéralté. Enfin, une des grandes ligne du programme s’intitule « plus de concertation, plus de participation, plus de citoyenneté. » Celle-ci est divisée en trois points : 1. Accentuer la décentralisation municipale : « les conseils de quartier dont les responsabilités seront renforcées, en leur confiant de nouvelles missions et décentralisant des moyens budgétaires plus important ». Avec pour ces conseils la proposition d’un débat public annuel. 2. Une ville ouverte à la concertation qui aide à la vie associative : il est ici question d’ouvrir au public 2 à 3 débats par an du conseil communal de concertation ( à la vue de la valeur des avis du conseil communal de concertation, on se demande en quoi résiderait l’intérêt pour le public de suivre ces débats) Il est aussi question de renforcer le conseil communal d’enfants : cette initiative à pour but de favoriser l’apprentissage de la citoyenneté mais elle peut être aussi une manœuvre démagogique car une décision prise en conseil communal des enfants revêt une ultra-légitimité et une opposition municipale peut difficilement la critiquer ou la nuancer . Par exemple lors de la réunion publique de campagne dans le quartier de Fives, le mercredi 28 Février 2001 : une habitante de ce quartier, responsable d’association s’est plainte de l’installation d’une piste de roller à proximité des habitations ( piste occasionnant des nuisances sonores auxquelles sont venues s’ajouter un trafic de drogue), l’endroit étant manifestement devenu un lieu de délinquance depuis la création de la piste. Le président du conseil de quartier de Fives rétorquera à cette plainte que : « la piste de roller était la seule réclamation du conseil communal des enfants et en tant que grand-père je ne pouvait pas leur refuser … » A la suite d’une telle argumentation la présidente de l’association ne savait plus quoi répondre et ainsi un problème grave avait été évincé du débat. 3. Pour une ville qui informe ses citoyens : « L’information est indispensable à l’exercice de la démocratie » Ceci illustre une volonté programmatique d’accéder à une démocratie participative à l’aide notamment des nouvelles technologies de l’information et des communications par « le développement du site Internet de la ville pour une pratique interactive entre les élus et l’administration d’une part et les citoyens d’autre part. » Il existe donc une véritable volonté de concertation lors de l’élaboration du programme mais aussi dans les propositions figurants à l’intérieur de celui-ci voyons maintenant le fonctionnement concret de la concertation à travers les réunions. B- Le mode de fonctionnement des réunions de concertation Cette étude repose sur la base des quatre réunions de concertation auxquelles nous avons assisté : chefs d’entreprise, exclusion, personnes âgées et cultures urbaines. Cette analyse sera subdivisée en quatre points : lieu, temps, individus présents, ambiance et attitude de Martine Aubry. - Lieu : Les réunions ont eue lieu pour la plupart à la mairie de quartier de Lille centre dans une grande salle de réunion pouvant accueillir une quarantaine de personnes et disposée en cercle afin que chacun puisse se voir et s’apostropher à sa guise. Seule la réunion sur les cultures urbaines s’est déroulée dans un endroit différent et adapté au public ciblé : le Rockline, un café concert à proximité du quartier du Faubourg de Béthune. - Temps : Les réunions sur l’exclusion et les personnes âgées ont eu lieu l’après-midi en semaine entre 15h00 et 17h00. La réunions avec les chefs d’entreprises s’est également déroulée en semaine mais le midi entre 12h00 et 14h30 afin de ménager leur emploi du temps surchargé. Les chefs d’entreprises ont bénéficié d’un traitement de faveur en ce sens qu’ils ont eu l’occasion de manger sur place : la réunion s’apparentant à un déjeuner de travail (le repas y était de très bonne qualité). C’est une précision importante car il est incontestable que l’on a cherché à placer les interlocuteurs dans des conditions parfaitement adaptées. De même pour la réunion sur les cultures urbaines puisque la réunion de concertation s’est déroulée au Rockline entre 21h00 et 23h00 : horaire parfaitement en phase avec celui des protagonistes. - Individus présents : Les réunions étaient orchestrées par Martine Aubry et Michel Falise (Président du Conseil Communal de Concertation) auxquels s’ajoutaient en fonction du sujet des réunions l’adjoint ou l’expert de la question en mairie. ? Ainsi Pierre de Saintignon (proche de Martine Aubry, Vice-président du Conseil Régional et spécialiste des nouvelles technologies) était présent pour la réunion avec les chefs d’entreprises. Il cadrait parfaitement avec le public ciblé d’autant qu’il a luimême une longue expérience du milieu du patronat puisqu’il a été responsable chez Darty. A noter que Martine Aubry, pour sa part, a participé à la direction du groupe Pechinet. ? Lors de la réunion sur l’exclusion, c’est Patrick Kanner qui était présent en tant qu’adjoint chargé aux affaires sociales. ? En ce qui concerne la réunion sur les personnes âgées : C’est Martine Filleul (en charge du dossier en mairie) qui a pris place aux côtés de Martine Aubry et de Michel Falise. ? Enfin, pour ce qui est des cultures urbaines : l’interlocuteur privilégié en mairie était présent : Norbert Richer. On pouvait également noter la présence de l’organisateur des festivités relatives à Lille 2004 : Capitale Européenne de la culture. - Ambiance et attitude de Martine Aubry : ? La réunion rassemblant les chefs d’entreprises de la métropole lilloise a été marquée par la présence d’une trentaine de convives dont le vice président de la chambre de commerce ou de Transpole et des grands patrons du privé : Banques, Auchan , Norpac… Certaines personnes étaient cependant absente comme Bruno Bonduelle (chargé il y a peu de la candidature de Lille aux jeux olympique 2004). De plus ces entreprises n’avaient pas toutes leur siège à Lille intra-muros. D’où une vision assez communautaire ou métropolitaine de la question. La réunion s’est déroulée de manière très courtoise et relativement calme. Martine Aubry a semblé très a l’aise avec ce milieu qu’elle connaît bien depuis son expérience chez Pechinet et son poste de ministre de l’emploi et des affaires sociales. On peut cependant noter une légère altercation avec le responsable de la chambre de commerce qui sembler traîner les pieds pour collaborer avec les pouvoirs publics. ? Pour ce qui est de la réunion avec les associations en charge du problème de l’exclusion, Martine Aubry avait activé le réseau associatif Lillois : 35 dirigeants étaient présents, ils représentaient des associations telles que le D.A.L, ATD Quart monde, les Restos du cœur, l’Armée du salut, le Secours populaire… La représentativité est apparue meilleure que pour les chefs d’entreprise, la réunion s’est déroulée dans un climat plus passionné marqué par des prises de parole un peu anarchiques.. ? En ce qui concerne la réunion sur les personnes âgées, les associations sportives du troisième âge ainsi que les directeurs de maisons de retraite et résidences pour personnes âgées, étaient présents. La réunion s’est très bien passée : l’ambiance y a été très conviviale notamment grâce à Martine Filleul, très appréciée par les interlocuteurs présents. Les aînés étaient très heureux d’avoir trouvé une oreille attentive. ? Enfin, pour ce qui est de la réunion sur les cultures urbaines, une quinzaine de représentants d’associations étaient présents. Ils représentaient le mouvement techno et hip-hop lillois. Cette réunion s’est déroulée dans le climat enfumé et alcoolisé d’un bar nocturne. Martine Aubry est même allée jusqu’à boire deux bières et à parler en des termes adaptés au public. Elle a par exemple utilisé le terme familier « se démerder ». Dans ce type de réunion, Martine Aubry a été un peu plus chahutée, d’autant plus que certains membres du comité de soutien aux sans-papiers sont venus se joindre à la fête. A ce propos, il est utile de rappeler que ces réunions étaient secrètes et que donc aucun journaliste n’a été mis au courant de ce procédé. Bref, pour terminer sur ce point, on peut donc estimer que Martine Aubry n’a rien laissé au hasard plaçant ses interlocuteurs dans leurs conditions favorites et s’entourant des personnes compétentes pour répondre aux questions posées et présenter le projet municipal (ce qu’elle a fait au début de chaque réunion, accompagné d’un bilan de l’action effectuée par Pierre Mauroy et son équipe). Elle s’est placée en héritière de son prédécesseur et a insisté sur la concertation préalable à ces réunions. Cette concertation préalable a eu lieu avec les personnes chargées de chaque dossier à la mairie, ce qui a permis d’établir un diagnostic fiable. Les réunions de concertations avaient donc pour but d’enrichir la réflexion. Après avoir étudié l’aspect méthodologique présenté à travers la volonté de concertation affirmée tout au long du programme et les moyens de concertation mis en œuvre, passons à présent à l’application concrète au niveau programmatique de ces réunions. II- Applications concrètes. Nous avons divisé cette étude en deux sous parties : la première s’attachant à analyser les réunions antérieures à la constitution du programme et leur application ; la seconde s’intéresse aux réunions apparemment secondaires effectuées postérieurement à la diffusion du programme. A – Réunions antérieures au programme et applications programmatiques. Les réunions qui ont eu lieu avant la constitution définitive du programme semblent être celles qui ont été considérées comme primordiales par l’équipe de campagne de Martine Aubry. Dans les réunions auxquelles nous avons assisté, trois entrent dans cette catégorie : l’exclusion, , les chefs d’entreprises et les personnes âgées. On peut y ajouter la petite enfance. Ces réunions ont été très riches, les interlocuteurs étaient très au fait des problèmes rencontrés, ayant de nombreuses revendications à faire passer. Les conditions de déroulement de ces réunions ayant été présentées antérieurement, il convient de s’intéresser plus directement à ce qui a été dit et à ce qui a été retenu pour l’élaboration du programme. Tout d’abord, il est nécessaire de présenter notre rôle lors de ces réunions : nous étions chargés de prendre des notes afin de rédiger un rapport divisé en trois parties : Points positifs et points négatifs du bilan municipal et propositions. Ce rapport était ensuite remis à Martine Aubry et son équipe à titre consultatif afin de réaliser le programme d’action municipale pour les six années à venir. D’un point de vue général, il apparaît que les réunions de concertation ont toutes eu des répercussions sur le plan programmatique mais chacune dans des proportions différentes. Ainsi, dans le programme, les propositions sur l’exclusion sont beaucoup plus nombreuses que celles relatives aux personnes âgées, chefs d’entreprises ou cultures urbaines. On trouve des propositions sur la lutte contre l’exclusion dans de nombreuses pages du programme alors que les trois autres thèmes sont confinés à une rubrique unique. On peut penser que le thème de l’exclusion est plus porteur sur le plan électoral et qu’il est un sujet fétiche de la gauche, d’où sa place primordiale dans le programme. • Concrètement, une quinzaine de propositions relatives à la lutte contre l’exclusion, présentées en réunion de concertation, ont trouvé place au sein du programme de Martine Aubry. Cela va de la lutte contre les logements insalubres à la création d’une structure d’urgence spécifique pour l’accueil des personnes en difficulté en passant par l’accueil et l’accompagnement des demandeurs d’emploi les plus en difficulté. • En ce qui concerne les chefs d’entreprise, le nombre de propositions relevées tombe à sept : de l’ouverture d’une maison de l’emploi et de la création destinée à favoriser les initiatives des jeunes entrepreneurs, à la mise en œuvre d’une concertation permanente avec les entreprises lilloises par secteurs d’activité. • La réunion sur les personnes âgées a donné lieu à de nombreuses propositions dont sept ont été relevées (sans compter les propositions à caractère plus général). De la création d’un comité local d’information et de coordination gérontologique à l’augmentation du nombre de résidences et de logements de proximité adaptés au vieillissement progressif. • Dans ces différentes réunions, les interlocuteurs invités n’ont pas hésité à critiquer le bilan municipal mais également à louer certaines initiatives ou réussites passées. D’ailleurs dans son programme, Martine Aubry s’appuie incontestablement sur les points forts du bilan de Pierre Mauroy : Métamorphose de Lille : lieu frappé par la crise industrielle, aujourd’hui rayonnante. Sa nouvelle attraction touristique, son développement économique basé sur la tertiaire. Dans chaque réunion, Martine Aubry a bien insisté sur ces points et faisait souvent l’unanimité quand elle abordait cette énumération de réussites. Dans son programme, on trouve d’ailleurs une interview de Pierre Mauroy qui fait le bilan de ses trente années en tant que maire. Ces réunions ne sont cependant pas tombées dans l’autosatisfaction, chacun ayant des critiques à formuler et voulant faire avancer les choses. Les réunions de concertation antérieures à l’élaboration définitive du programme semblent donc avoir eu des effets programmatiques non négligeables qu’il faudra nuancer par la suite. Avant cela, intéressons-nous aux réunions postérieures à la diffusion du programme : concernant notamment les cultures urbaines ou le sport. B – Les réunions dont le résultat a été anticipé : la projection Une seule réunion qui avait été prévue avant la constitution du programme, a été annulée. Il s’agissait de la réunion sur les personnes handicapées. Par contre, deux réunions ont eu lieu après la constitution du programme : une concernant le sport et l’autre qui portait sur les cultures urbaines. Nous avons pu assister à la réunion sur les cultures urbaines du 19 Février 2001. Cette réunion a abordé plusieurs thèmes tels que les problèmes rencontrés par le monde de la nuit (pas de transports en commun après minuit, discriminations du fait du filtrage à l’entrée des boites de nuit), des aides financières pour les associations, des locaux ou encore l’organisation de Lille 2004 capitale Européenne de la culture. Force est de constater qu’en ce qui concerne cette réunion, peu des thèmes abordés ce soir là ont fait l’objet de propositions dans le programme de Martine Aubry. Tout d’abord, à aucun moment dans le programme n’apparaît la formule « cultures urbaines ». Ce serait un terme pratique pour désigner une culture des quartiers ou les cultures des jeunes des villes : visiblement représentée à Lille par le mouvement hiphop ou les musiques électroniques. Ensuite, s’il a été abordé le thème de Lille 2004, capitale européenne de la culture, c’est à l’initiative de Martine Aubry et non des jeunes présents. Par ailleurs, la traduction de volontés exprimées lors de ces réunions en projection dans le programme, diffèrent des exigences réelles des participants. Exemple : Les associations (hip-hop) ont demandé de pouvoir utiliser l’Aéronef (moyens techniques et scène) pour pouvoir faire des répétitions notamment l’après-midi et ceci a été traduit dans le programme par « Affirmation du rôle de l’Aéronef, tête de réseau régional des musiques urbaines ». Par contre, on peut remarquer que certaines propositions ont été plutôt bien évaluées : Ainsi pouvait-on lire page 9 du programme : « Aide accordée aux associations culturelles dans le cadre de convention d’objectifs » ou encore « Ouverture d’une maison des associations, véritable lieu de service pour la formation des bénévoles, l’aide à la documentation, à la gestion et à la recherche de locaux. » qui répond à divers souhaits de responsables d’associations qui se plaignent du manque de formation, notamment pour apprendre à gérer et à manager. On peut légitimement se demander si ces réunions ont eu lieu pour calmer et pour prouver à ces représentantes des « cultures urbaines » qu’on les écoute, que les pouvoirs publics sont à leur écoute. Cependant cette interrogation est à nuancer car Martine Aubry paraît être sincèrement très intéressée par le sort réservé à la culture dans Lille (Pierre de Saintignon, son principal collaborateur nous l’avait présenté comme quelqu’un de particulièrement sensible à la culture). Mais toutefois, il faut poser la question de l’utilité de ces réunions du moins dans des domaines où la mairie est bien renseignée (C’est elle qui en majorité subventionne les associations qui constitue la nébuleuse des « cultures urbaines ».). Ceci nous ramène à une enquête effectuée sur le milieu associatif homosexuel lillois60 et sur son influence sur les politiques publiques municipales où un acteur de ce milieu disait à propos du conseil communal de concertation : « Je pense que si les services sociaux de la mairie faisaient leur travail, la mairie pourrait avoir d’autres sources pour agir par rapport à la délinquance, à la toxicomanie, à la violence,…c’est pas l’association des coulonneux ou des joueurs de cornemuse qui va lui donner. » Bref, ces réunions semblent ne servir en fait qu’à légitimer les décisions ou les prises de position de la municipalité : estampillées du « Label pris en Concertation » celles-ci deviennent alors très difficilement critiquables. 60 Entretien avec David Lepoutre, représentant de l’association « Les Flamands Roses » Cette expérience nous a permis de mieux connaître des problèmes cruciaux dans la vie d’une grande ville et de participer à l’élaboration d’un programme. A ce propos, il est nécessaire de d’apporter une nuance à cette vision assez idéaliste que nous avons pu présenter . Il est vrai que les réunions de concertation semblent avoir participé à l’édition du programme mais on peut se demander si elles n’ont pas tout simplement agit à la marge . En effet, avant ces réunions de concertation, l’équipe de Martine Aubry et les adjoints sortants ont travaillé longuement, sur le cadre programmatique à présenter aux Lillois. On peut donc estimer que les grandes lignes du programme ont été définies avant ces réunions et que celles ci n’ont permis qu’une légère amélioration intervenant sur le détail. Ainsi le programme a sans doute été légitimé par les réunions de concertation plutôt que constitué grâce à elles. La volonté de concertation a cependant marqué la campagne de Martine Aubry : car les réunions de concertation ne sont pas les seules a avoir été dans ce sens. Dans chaque réunion publique, Martine Aubry a donné la parole aux habitants et a insisté sur la nécessité d’une concertation régulière et constructive. A travers cette section, nous avons voulu prouver que la concertation était le cheval de bataille de Martine Aubry et de son équipe durant la campagne, cependant il s’agit davantage d’une méthode que d’un thème majeur. Il est incontestable que Martine Aubry a insisté sur ce point mais elle a réalisé une campagne très traditionnelle. Après avoir observé la manière dont ce sont déroulées ces différentes réunions de concertation, il serait maintenant judicieux de se demander quel a été leur impact effectif sur lors de la réalisation du programme et pour ce faire nous, nous ,sommes entretenus avec Guy Le Flécher, rédacteur en chef du journal de Lille, qui a participer activement à la réalisation concrète du programme61. Il relève de cet entretien que le point de départ de la conception du programme serait le séminaire de Phalempin qui a eu lieu à la mi-octobre 2001 : « il y a eu des réunions dans toutes les sections Lilloises et il y a eu un séminaire qui a eu lieu à la mi-octobre à Phalempin réunissant l’ensemble des militants socialistes qui le voulaient , un samedi toute une journée ou était discuté le programme. » Sur ce point monsieur Le Flécher rejoint Martine Aubry qui insiste elle aussi sur la réunion de Phalempin ainsi que sur le travail qui y a été effectué en amont comme en aval. « (…)deuxièmement on a eu une chance extraordinaire c’est que le P.S se soit mobilisé comme il s’est mobilisé ça c’était avant l’été, avec le rendu de leur travail à Phalempin au mois de Septembre où le parti socialiste a… les dix sections se sont saisies d’un thème et ont travaillé sur ce thème, ont fait des propositions : la petite enfance, l’environnement etc... et ont fait des propositions sur leur quartier et je dois dire que ce travail été d’une très grande qualité, c’était pas : toujours plus, il faut tout faire en même temps c’était priorisé et hiérarchisé, intelligent et ça a été une bonne base de travail(…) » Mais Martine Aubry dégage aussi trois éléments : - Plusieurs réunions avec un petit groupe, un comité de campagne, composé de Pierre de Saintignon, Patrick Kanner, Bernard Roman et Alain Cacheux qui sont selon ses propres termes les piliers de cette campagne. - Des bilans effectués avec chaque élu : « (…) Il y avait ça, ensuite j’ai fait dés mon arrivée le bilan avec chaque élu de qu’est-ce…Comment tu vois aujourd’hui ton secteur quels sont les point forts, quels sont les points faibles ? Qu’est-ce qu’on a réussi et qu’est-ce que l’on a loupé ? Et quelles sont à ton avis les priorités pour l’avenir, donc j’avais les militants le P.S en liens avec les habitants, les élus dans un secteur déterminé (…) » - Les réunions de concertation : « j’ai monté ces réunions sur la vie économique sociale et culturelle où vous êtes venus pour avoir une autre vision » 61 Cette réalisation comprend la conception, la rédaction et l’impression du programme. A propos de ces réunions Guy Le Flécher, nous éclaire sur le véritable rôle qu’elles ont tenue lors de l’élaboration du programme : Nous avions participé à des réunions de concertation ; est-ce que ces réunions ont véritablement eu un rôle dans l’élaboration du programme ? Vous êtes vous servi des différents rapports que nous avons pu effectuer ? « Moi je me souviens de réunions que nous avions le soir sur le programme, où chacun ramenait sa pile de dossiers, il y avait des piles de dossier, il y avait certainement des comptes rendus de vos réunions, il y avait des textes personnels des différents candidats ou d’élus du précédent mandat, donc il y avait une masse de documents terribles, dans lesquels on piochait, des arbitrages quand ça posait des problèmes on le disait à voix haute, quand il y avait un problème ou de multiples propositions à ce moment-là c’est Martine Aubry qui décidait quoi(…) » En fait, il s’agissait de documents parmis d’autres et dont il ressort qu’ils ont été noyés dans la masse des dossiers qui ont été nécessaires pour construire ce programme. A travers cette section, nous avons voulu prouver que la concertation était le cheval de bataille de Martine Aubry et de son équipe durant la campagne, cependant il s’agit davantage d’une méthode que d’un thème majeur. Il est incontestable que Martine Aubry a insisté sur ce point mais elle a, malgré tout, réalisé une campagne très traditionnelle. CHAPITRE 2 :UNE CAMPAGNE TRADITIONNELLE En premier lieu, l’organisation de la campagne fut « très collective », Martine Aubry avoue à ce propos qu’ elle « ne sait pas travailler autrement que collectivement ».Elle s’est appuyée sur un petit groupe composé de « Pierre de Saintignon, Bernard Roman, Patrick Kanner, Alain Cacheux qui sont sous des formes diverses ou variables un peu des piliers(…)parce que c’est d’abord une campagne du P.S »62 et donc tout a été travaillé ensemble. En second lieu, au delà des réunions de concertation s’inscrivant dans une démarche de démocratie participative, la campagne de Martine Aubry s’est déroulée dans un souci de proximité avec les électeurs marqué par l’utilisation de modes d’action classiques de la communication politique locale : réunions publiques de quartier, porte à porte, affichage, marchés, permanence, conférences de presse. Ceci était le souhait de Martine Aubry : « l’idée, c’était la proximité, être le plus proche des gens possible, d’où le porte à porte et les réunions publiques » . Ces outils produisent « un effet supplémentaire qui consiste à montrer sa force, à manifester sa capacité de mobilisation. »63 Il convient de passer en revue ces différents modes d’action à la lumière de leur utilisation par l’équipe de campagne de Martine Aubry . Il convient de diviser ce chapitre en 3 sections : La première traitera de la relation ritualisée lors des réunions 62 63 Cf annexe- Entretien Martine Aubry MAAREK (P.), Communication et marketing de l’homme politique, Litec, 1992 publiques, la seconde du contact avec les électeurs et de la présentation de soi de la candidate en campagne et enfin la troisième servira à démontrer que le personnel politique est avant tout professionnel. Section 1 : Une relation ritualisée lors des réunions publiques Ces réunions publiques s’apparentaient moins à des meeting c’est à dire « des réunions électorales où la communication s’exerce presque toujours unidirectionnellement mais avec l’important feedback qu’est la réaction de la salle aux discours »64qu’à des permanences du futur maire de Lille où l’on venait présenter ses doléances, en ce sens que le public pouvait poser ses questions aux membres de la liste. Cette volonté de débat avait connu des prémices en 1995 lors de la campagne de Pierre Mauroy alors qu’en 1989 ce concept avait été occulté au profit de longs monologues. Guy Le Flécher, animateur des réunions publiques du P.S depuis 1989, nous a précisé que : « En 1995, Pierre Mauroy a lancé ses dix débats de quartier » mais il « avait un peu tendance à faire de longues interventions laissant peu de place au débat » contrairement à cette année où « les habitants s’adressaient plus facilement à Martine Aubry »65. La technique de 1995 a donc été reprise et améliorée. Ces réunions publiques se sont déroulées dans les 10 quartiers lillois : Bois-Blancs, Centre, Faubourg de Béthune, Fives, Moulins, Saint Maurice-Pellevoisin, Lille Sud, Vauban-Esquermes, Vieux-Lille, Wazemmes ainsi que dans les deux communes associées : Hellemmes et Lomme66. Il faut ajouter que 2 réunions thématiques, dont une sur invitation, ont également eu lieu au Gymnase -Place Sebastopol-. 64 MAAREK (P.), op.cit. cf annexe- entretien Guy Leflecher 66 Hellemmes a lié son destin à Lille il y a près de 25 ans alors que Lomme l’a fait depuis 1 an. 65 Elles concernaient la sécurité alimentaire et la sécurité. L’accès à la réunion sur la sécurité était contrôlé afin, selon Martine Aubry, d’éviter de rentrer dans un climat passionnel peu propice à des discussions constructives sur ce thème et de discuter directement avec les acteurs. Elle a justifié ce choix lors de la conférence de presse de présentation du programme en date du 1er Février 2001 en réponse à une question de Véronique Marchand, chroniqueuse politique sur France 3 Lille. Il est intéressant de noter que parallèlement Christian Decocq n’a pas hésité à ouvrir au public sa réunion sur ce thème. On peut penser que Martine Aubry a craint quelques débordements et que Christian Decocq a voulu profiter de la vague d’intérêt pour ce sujet afin de conquérir de nouveaux électeurs. La première réunion de quartier a eu lieu à Lille Sud afin de montrer que le quartier était la priorité de la nouvelle équipe et qu’il n’était pas oublié. C’était un choix délibéré du conseil de campagne.(selon Guy Le Flècher) Elles réunissaient les principales personnalités de la liste : de Martine Aubry à Pierre Mauroy (présent seulement à quelques réunions) en passant par Pierre de Saintignon, Bernard Roman ou Patrick Kanner. Le président du conseil de quartier prenait place également à la table d’honneur accompagné de quelques personnalités de la liste appartenant au quartier, alors que quelques colistiers de moindre importance se situaient derrière eux. Le public était assis face à eux. Derrière les orateurs , on pouvait lire le slogan de Martine Aubry : « Bien dans sa ville, Mieux dans sa vie ». Selon les quartiers, les salles disposaient de plus ou moins de places : ainsi la salle de la M.E.P, Place Georges Lyon, où s’est déroulée la réunion du quartier du centre était beaucoup plus grande et fonctionnelle que la salle polyvalente du quartier Saint Maurice, particulièrement exiguë et inadaptée. Il faut reconnaître que les lillois se sont déplacés en nombre à ces différentes réunions en effet les salles étaient toujours combles. Selon Guy Le Flécher : « il y a eu plus de monde en 2001 » qu’en 1995. On peut certainement accorder en partie ce succès au fait que les socialistes lillois ont activé leurs réseaux : de multiples militants étaient présents et certaines associations ont bénéficié d’invitations personnalisées. D’autre part, chaque lillois recevait dans sa boîte aux lettres un tract l’invitant à se rendre à sa réunion de quartier. Concernant l’ambiance, elle différait également d’une réunion à l’autre même si la plupart des réunions ont été perturbées par l’intrusion de défenseurs de la cause des sans-papiers. Ainsi lors la réunion de Lille centre, Le Professeur Léon Schwartzenberg est intervenu accompagné de Roland Diane et d’une petite fille implorant Martine Aubry de donner des papiers à ses parents. Cette intervention fut le point d’orgue d’une campagne de visibilité médiatique qui connut d’autres actions spectaculaires comme l’intrusion de sympathisants du collectif de défense des sans papiers lors d’une réunion de concertation « secrète » sur les cultures urbaines au Rockline ou la tentative de monopolisation de la parole lors de la séance de questions à la réunion de Lille-Moulins. Il apparaît cependant que Martine Aubry a géré « à sa main » ce conflit, l’utilisant le plus souvent à son profit. A ce propos, Guy Le Flécher nous a confié que lors de la réunion à Moulins : « Martine Aubry voulait se payer les petits jeunes(du comité de défense des sans- papiers) (…)visiblement elle avait été ulcérée que les sans papiers bloquent les alentours de la salle », qu’il ait fallu « faire appel à la police »et que finalement « quelques uns » soient rentrés « alors que les militants P.S avaient été bloqués dehors »(avec Michèle Demessine et Alain Cacheux) donc, « elle voulait se les payer et à 3 reprises elle est revenue à la charge ». Concernant le déroulement des réunions : elles duraient en général aux alentours de 2 heures et « pouvaient se prolonger pendant une petite demi heure, par des interventions directes auprès de Martine Aubry(…)de manière informelle, dans le cadre de la discussion privée »67. Elles débutaient toujours par un discours de Martine Aubry présentant les axes forts de son programme(qualité de vie, concertation) et les principaux représentants de la liste avant de dresser un état des lieux du quartier concerné. Par la suite, avant d’entamer le débat, Pierre Mauroy prenait la parole à chaque fois qu’il était présent pour tirer un bilan positif de son action en tant que 1er magistrat de la ville. Il est à noter que dans les communes associées, Les maires : Bernard Derosier à 67 Cf annexe - entretien Guy Le Flécher Hellemmes et Yves Durand à Lomme ont pris la parole en premier avant de passer la main à Martine Aubry. A ce propos , il est incontestable que la réunion lommoise a connu quelques particularités. Ainsi, elle n’a pas été animée par Guy Le Flécher et celui-ci garde un souvenir amer de cet événement : « La réunion de Lomme, c’est la seule que je n’ai pas animé, c’est la dernière réunion qui a eu lieu juste avant les élections et les lillois, entre guillemets, avaient été priés de ne pas trop se montrer à Lomme, si bien qu’à la tribune de la réunion publique de Lomme, il n’y avait que des lommois, 1 ou 2 candidats de la liste de Martine Aubry étaient présents dans la salle mais( …)il n’y avait pas de lillois qui s’occupait de la sono, pas de lillois animateur et pas de candidat lillois à la tribune(…)la sécurité lilloise est repartie laissant le terrain aux lommois(…)alors qu’à Hellemmes, il n’y a pas eu de problèmes »68. Pour ce qui est des débats, ils étaient souvent assez polissés car ils étaient cadenassés par Martine Aubry qui orientait L’animateur :Guy Le Flécher vers les interlocuteurs qu’elle souhaitait entendre. Ainsi Martine Aubry disait par exemple à l’animateur : « Bon, on termine dans 10 minutes, donne plus la parole à celui-là, fais gaffe à untel »69. Mais celui-ci conservait une certaine marge de manœuvre dans ses choix :ainsi, je le cite : « souvent j’ai donné la parole à des gens, à des personnes auxquelles Martine Aubry n’aurait peut être pas donné la parole, parce que c’était vraiment des chiants, des emmerdeurs, des gens qui voulaient intervenir et moi je pensais, au contraire, qu’il fallait tout de suite désamorcer le problème, leur donner la parole, une fois, deux fois et puis répondre et puis être tranquille, donc il y avait pas mal de pression(…)Les gens ont envie de parler, ils veulent soit se montrer, soit s’affronter avec les élus, il y a vraiment une envie d’échanger et puis moi, je trouve cela tout à fait légitime et j’ai toujours essayé de faire en sorte de pouvoir donner la parole y compris aux contestataires ». 68 69 idem idem D’autre part après une question dérangeante, on faisait souvent intervenir un militant présent dans le public pour « calmer le jeu ».Guy Le Flécher a confirmé notre intuition en indiquant : « A Faubourg de Béthune, à Wazemmes et à Fives, il y a eu des fausses questions : des gens qui intervenaient mais qui étaient militants ou très proches du président du conseil de quartier. » Pour illustrer ce propos, indiquons ainsi qu’à Wazemmes, une militante est intervenue, après une série de questions dérangeantes, pour se féliciter de la baisse du chômage due à la présence de la gauche au pouvoir et a mis en avant le travail du gouvernement et de Martine Aubry en particulier. Elle a par exemple insisté sur le fait que la France est le seul pays où l’on bénéficie de la CMU( Couverture Mutuelle Universelle). Cela n’a cependant pas empêcher quelques débordements de se produire. Ainsi lors de la réunion qui a eu lieu à Hellemmes, l'opposition hellemmoise a pris la parole et s’est vu qualifiée de « gloglos » par Bernard Derosier considérant leur question trop polémique. Cette intervention du 1er magistrat hellemmois, n’a, semble t’il, pas du tout plu à Martine Aubry, selon notre informateur. A Wazemmes, les jeunes ont hué à plusieurs reprises Martine Aubry et son équipe, attribuant à quelques personnalités des sobriquets peu respectueux : il en fut ainsi de Patrick Kanner pris en grippe par les jeunes qui estimaient que Patrick « Scanner » les avaient « tchatchés ». Lors d’une réunion thématique sur la sécurité alimentaire, en présence de Bernard Kouchner, Martine Aubry a été violemment prise à partie par des représentants de L’Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces (A.N.P.E.I.P Nord) qui avaient réussi à s’immiscer dans la salle avec des banderoles. Ceux-ci estimaient que Martine Aubry ne prenaient pas en compte leur problème et qu’elle refusait toute rencontre. Il s’est avéré, aux dires de Monsieur Pierre de Saintignon, que la responsable de cette association :Madame Paoletti était présente spécialement pour perturber la réunion. Nous avions voulu rencontrer cette dame afin d’écouter ses revendications et d’en faire part à l’équipe de campagne mais Pierre de Saintignon a estimé que ce n’était pas nécessaire car elle était : « hystérique » et que son mari était de « droite ». Selon lui, ces personnes souhaitaient attirer l’attention sur eux et causer du tort à Martine Aubry. La concertation était donc possible mais pas avec n’importe quel interlocuteur Enfin à Lille Sud, la réunion a été très tendu. Ainsi selon Guy Le Flécher : « Là où il y a eu le plus de violence, c’était à Lille Sud (…)A un moment à Lille Sud, il y a une chaise qui a manqué de valser(…)c’est une réunion où on a pas pu parler , ça a commencé tout de suite par des huées(…)le seul qui physiquement a tenu la réunion, c’est Pierre Mauroy(…)en tant que bête politique » Par ailleurs, il semble que la bonne tenue de ces réunions a conditionné la reconduction de la présidence de quartier en ce sens que dans les quartiers où la réunion a dérapé, le président du conseil de quartier a perdu sa place au profit d’un nouveau venu dès la mise en place des nouveaux conseils de quartier. C’est le cas par exemple à Lille Sud où Mr Sabre a cédé sa place à Mr Charles ou à Moulins où Mme Charles a perdu son poste au profit de Mme Rougerie Girardin (cf. tableau page suivante). Tableau illustrant les modifications survenues à la présidence des conseils de quartier QUARTIERS ANCIENS NOUVEAUX PRESIDENTS PRESIDENTS Bois Blancs Jeannine ESCANDE Jeannine ESCANDE Centre Marie-Thérèse Marie-Thérèse ROUGERIE ROUGERIE Faubourg de Béthune Martine FILLEUL Walid HANNA Fives Jean-Louis FREMAUX Jean-Louis FREMAUX Moulins Caroline CHARLES Françoise ROUGERIE-GIRARDIN Saint Maurice Pellevoisin Jacques DEBIEVE Betty GLEIZER Sud Jean-Claude SABRE Bernard CHARLES Vauban Esquermes Annick GEORGET Annick GEORGET Vieux Lille Christian BURIE Jacques MUTEZ Wazemmes Marie-Christine Danièle POLIAUTRE STANIEC Mr Le Flécher a confirmé notre impression car il nous a confié qu’ « à chacune de ces réunions publiques, chaque président de conseil de quartier, d’une certaine manière, jouait sa tête(…)par exemple, on a très bien vu à Wazemmes que la présidente du conseil de quartier du précédent mandat(Marie-Christine Staniec) ne tenait pas vraiment son quartier et elle n’est plus en place depuis le mois de mars(…)Il y avait des conflits(…)à Faubourg de Béthune, il y avait l’ancienne présidente Martine Filleul qui voulait voir son mandat renouvelé et puis, il y avait à coté Walid Hanna, l’actuel président, celui qui finalement a gagné et qui poussait pour obtenir le poste(…)je me souviens en 95 à Bois Blancs, c’est sur une réunion de quartier que la présidente du conseil de quartier a obtenu son renouvellement. C’était Jeannine Escande, qui est d’ailleurs encore et toujours présidente. Certains voulaient la mettre sur la touche au profit d’un jeune militant Didier Calonne qui voulait obtenir le quartier(…)c’était quasiment sûr que c’était lui qui allait devenir président du conseil de quartier et puis pendant la réunion, il y a des gens qui sont intervenus, notamment Rachid Belmimoun qui a fait applaudir Jeannine Escande. Beaucoup de gens ont dit le bien qu’ils pensaient d’elle(…)si bien qu’à la fin de la réunion, Pierre Mauroy a clos le débat en disant : « puisque vous avez tellement plébiscité Jeanine, il n’y a aucune raison que Jeanine ne continue pas »(…)par conséquent, la présidence du conseil de quartier est quand même vraiment un enjeu. » Martine Aubry ne semblait pas prendre ce poste à la légère estimant qu’il : « fallait avoir des gens capables d’animer, d’écouter, d’accepter le débat, d’aller à la rencontre des gens, donc un certain profil »70. Pour revenir sur les réunions thématiques, elles ne s’organisaient pas du tout de la même façon que les réunions de quartier. La réunion sur la sécurité a donné l’occasion à Martine Aubry, après un bref discours, de donner la parole à des spécialistes de la question. Ainsi Bruno Leroux, Maire d’Epinay sur seine, et Patrick Godelle, Directeur de l’association Itinéraires, se sont succédés à la tribune. Les principales personalités de la liste étaient présentes mais elles n’ont pas eu à s’employer car l’ambiance fut très feutré. On semblait baigné en plein consensus même au moment des questions du public. Il faut dire que le public avait été « trié sur le volet ». Martine Aubry ,qui dit aimer la contradiction, ne semble pas avoir pris le risque de se faire bousculer sur ce thème. En ce qui concerne la réunion sur la sécurité alimentaire. Elle fut l’occasion d’un « coup médiatique » avec la présence de Bernard Kouchner, de retour du Kosovo. Elle fut présidé par Danièle Poliautre, responsable de la Maison de la nature et de l’environnement et nouvelle venue sur la liste Aubry. L’intervention de Bernard Kouchner qui constituait un soutien pour la candidate socialiste au delà d’une réflexion sur la « malbouffe » a été suivie par une analyse du Docteur Mariojulz, spécialiste de ces questions relatives à la sécurité alimentaire. Ces discours, suivis du traditionnel débat, furent l’occasion de rappeler que Martine Aubry n’occultait aucun débat surtout pas ceux au cœur des préoccupations des français. Ces réunions connurent un franc succès populaire, la salle étant pleine voire trop petite pour l’ensemble du public. Ce fut le cas surtout lors de la réunion sur la sécurité alimentaire car l’entrée y était moins contrôlée. Parallèlement , le candidat de la droite républicaine :Christian Decocq s’est contenté d’un nombre réduit de réunions. Il faut dire qu’il lui aurait été sans doute difficile de remplir des salles dans chaque quartier considérant sa faible notoriété et son 70 cf annexe- entretien Martine Aubry insuffisance de réseaux comparés à ceux de l’équipe sortante. Il a débuté sa tournée par une intervention devant les étudiants de la faculté catholique, au même titre que Martine Aubry qui a du annulé cette intervention suite à des échauffourées71. Son intervention a été suivie par une vingtaine de personnes, dont nous qui avions été envoyés en tant qu’espions. Elle fut l’occasion d’un débat constructif avec les jeunes ,d’un violent plaidoyer contre Martine Aubry et d’un retour musclé sur les questions d’insécurité. Christian Decocq a également organisé une réunion sur la sécurité, ouverte à tous .Cette réunion a eu lieu au Gymnase en présence de Michèle Alliot-Marie, présidente du Rassemblement pour la République, ce qui prouve bien l’importance accordée à ce thème car c’est la seule et unique fois qu’une personnalité nationale du mouvement est venue prêter main forte au candidat lillois. Le meeting s'est déroulé devant une salle comble remplie en grande partie de militants et de membres de la liste qui ont eu l'occasion de poser des questions en fin de réunion. Ainsi 3 des 4 questions posées l’ont été par des membres de la liste de Christian Decocq. D’autre part , à la tribune, les principaux barons de l’opposition ont pris la parole comme Claire Daval, professeur à l’université de Lille 2 et aujourd’hui membre du conseil municipal ,Etienne Forrest, membre de Génération Ecologie ou Jacques Richir, personnage central de la droite lilloise. Les interlocuteurs ont insisté sur le laxisme des socialistes dans ce domaine et ont présenté leurs idées sur la question basées sur la notion de Tolérance 0. Force est de constater qu’ils ont eu le mérite de prendre le problème à bras le corps. Enfin, il a terminé sa campagne par un meeting entre les deux tours où il a fait intervenir les tombeurs de la gauche72 et les têtes d’affiche de la droite régionale73.Ce meeting était la dernière occasion de motiver les troupes et d’attaquer plus férocement Martine Aubry. Nous étions présents afin de jouer une nouvelle fois les espions et il faut reconnaître que ce fut un spectacle très rythmé et qui a sans doute rapporter quelques points à Christian Decocq vu l’enthousiasme soulevé chez les militants. Martine Aubry, 71 Au moment de l’intervention supposée de Martine Aubry, alors que la salle était pleine, des représentants du GUD (Groupe estudiantin d’extrème droite) auraient vaporisé de la bombe lacrymogène. 72 par exemple :Olivier Henno à Saint André, Nicolas Lebas à Fâches Thumesnil,… 73 Jacques Richir, Jean René Lecerf, Jean François Sinagra,… pour sa part, a choisi de rester silencieuse entre les deux tours estimant qu’il n’y avait pas péril en la demeure. Les réunions publiques constituent donc des temps forts de la campagne mais elles ne sont pas les seules, il est ainsi primordial d’utiliser d’autres moyens de communication avec les électeurs. Section 2 : Le contact avec l’électeur et la présentation de soi de la candidate en campagne Dans cette section, il sera question du porte à porte, des marchés, de la permanence, des conférences de presse et tribunes médiatiques ainsi que de l’affichage. Le Porte à Porte Il s’agit du type même d’action menée lors de campagnes locales, du fait de la taille souvent modeste du territoire à couvrir. Cela permet au candidat de se trouver en position de confrontation directe avec ses électeurs. La présence de la tête de liste est incontestablement préférable surtout dans le cas d’une personnalité comme Martine Aubry que les électeurs ont l’habitude de voir à la télévision. De ce fait, « grâce au contact direct, les électeurs ont l’impression que l’homme politique est bien leur élu, qu’il s’occupe de leur circonscription et de leurs intérêts, qu’il sait être présent sur le terrain, quelle que soit la réalité ultérieure de cette présence »74. Il s’agit donc d’un acte à forte charge symbolique. Dans le cas de la campagne de Martine Aubry, celle-ci a pris part à un certain nombre de porte à porte mais dans la majorité des cas elle a laissé cette tâche aux militants. Il faut dire que l’appareil militant lillois est très organisé, chaque section représentant un quartier, ce qui facilite la répartition des tâches. A ce propos, Martine Aubry s’est félicité d’avoir « la chance extraordinaire d’avoir autant de militants dans la ville ». 74 MAAREK, (P) Communication et marketing de l’homme politique, Litec, 1992 Dans le cas d’un porte à porte militant : « pour être rentable, le porte à porte ne doit pas être une véritable discussion avec les électeurs mais doit tout simplement donner lieu à la délivrance d’un message verbal assez court et au dépôt d’un imprimé ».75 Ce fut le cas quand nous avons participé en effet nous avions comme consigne de rappeler la date des élections municipales et cantonales et de distribuer le programme proposé pour la prochaine mandature accompagné en cas de présence de Martine Aubry et d’absence du résident par une carte de visite indiquant : « Chère Madame, Cher Monsieur, je suis passée pour vous rencontrer. Vous n’étiez pas là. Je reste à votre disposition si vous voulez soulever un problème, faire une proposition. Si vous le souhaitez, vous pouvez joindre ma permanence. Bien cordialement » Il est à noter que cette petite carte comprenait les coordonnées de la permanence ainsi que du site internet. On y trouvait également les deux slogans de la campagne : « Le choix de Lille » et « Bien dans sa ville, Mieux dans sa vie ». Lors des porte à porte (qui avaient lieu en début de soirée afin d’éviter de trouver portée close) où Martine Aubry nous accompagnait , le nombre de militants présents était beaucoup plus important, il semble que la rétribution symbolique est très importante dans ce cas. Les militants ressentent une grande fierté à côtoyer Martine Aubry, sa renommée rejaillissant quelque part sur eux . Il est intéressant de revenir sur un porte à porte qui a marqué la campagne afin de donner une idée de ces moments privilégiés entre l’édile et ses électeurs. Il s’est déroulé dans le quartier de Moulins le 1er février 2001 en présence des caméras de France 3 (national) et des principales personalités de la liste : Martine Aubry, Bernard Roman, Michèle Demessine, Danièle Poliautre et d’une vingtaine de militants .Nous sommes arrivés en voiture avec les gardes du corps de Martine Aubry qui nous ont confié être très flattés de protéger une telle personnalité susceptible, selon eux ,de devenir président de la République ou premier ministre. Nous suivions la voiture de Martine Aubry et nous nous sommes arrêtés à quelques dizaines de mètres de sa voiture et des immeubles. Nous avons visité tous les immeubles de haut en bas. Les personnes présentes ont gentiment ouvert 75 MAAREK (P), op.cit. leurs portes malgré la présence des caméras de télévision. Les habitants étaient très heureux et flattés de voir Martine Aubry qu’ils avaient tous déjà vu dans les médias. Certains n’ont pas hésité à parler de leurs problèmes personnels : licenciements, problèmes d’insécurité. Martine Aubry les a écouté et a parfois pris leurs noms et numéros de téléphone en leur promettant de suivre leur situation. Nous avons bien sûr distribuer des programmes de campagne. L’intervalle entre 2 immeubles a été l’occasion pour Martine Aubry et ses colistiers d’aller à la rencontre des jeunes pour parler avec eux de leurs problèmes. Certains étaient d’ailleurs à la recherche d’un emploi et Martine Aubry s’est montrée très attentive à leurs attentes cherchant à trouver des solutions. Les jeunes n’étaient pourtant pas dupes : ils savaient très bien que leurs requêtes ne seraient sans doute pas suivies de résultats concrets mais ils reconnaissaient avoir un petit espoir. La présence de Bernard Roman était très importante car il connaissait le terrain et faisait preuve d’un sens du contact certain. Il est même rentré chez le concierge pour jouer aux fléchettes. Martine Aubry s’est également essayée à cet exercice. Nous avons également rendu visite au club du 3eme âge où nous avons été accueillis les bras ouverts. Les personnes âgées étaient heureuses d’avoir de la visite. Cette description donne un aperçu de ce qu’est un porte à porte accompagné de personnalités. Cela est très différent quand le porte à porte est réalisé par des militants seuls. Les portes s’ouvrent moins facilement, les remarques désagréables sont plus courantes,… Ce mode de communication politique local manque parfois d’efficacité d’autant plus qu’en France : «les caractéristiques physiques et sociologiques de l’habitat urbain rendent le porte à porte beaucoup moins facilement praticable qu’aux Etats-Unis. D’un simple point de vue physique, tout d’abord, parce qu’il y a en France plus d’appartements que de maisons individuelles, ce qui rend les visites plus difficiles et moins intéressantes du point de vue de la visibilité de l’homme politique en campagne : le passage d’un étage à un autre dans l’ascenseur ne lui apportera aucune visibilité, au sens propre du terme, et donc aucun profit, alors que le passage, en pleine rue, d’une maison à une autre, ajoute de la visibilité à la campagne pour les voisins, les passants, etc. De même, du fait de la plus grande pratique des rapports de voisinage des NordAméricains, ils ouvrent facilement leur porte … à celui qui se déplace jusqu’à eux , ce qui n’est pas le plus souvent le cas des français »76. De ce fait « les hommes politiques français préfèrent souvent faire des visites de quartier en particulier sur les lieux de travail(les fameux marchés) comme succédanés du porte à porte »77. En l’espèce Martine Aubry a réalisé les deux. Les Marchés « De tout temps, les hommes politiques ont empiriquement compris qu’il leur était en général interdit de visiter la quasi-totalité de leurs électeurs potentiels, afin d’avoir une véritable communication avec eux. De tout temps également, ils ont su trouver un ersatz de contact direct en pratiquant des bains de foule. Le simple contact visuel direct, et à fortiori, la possibilité de toucher l’homme politique, de serrer sa main tendue, produisent du point de vue psychosociologique une pseudo-communion »78. La visite des marchés participe incontestablement de cette logique mais elle possède un atout supplémentaire car elle permet à certains passants de discuter quelques instants avec le candidat voire de lui demander quelques services. Ce fut le cas lors des marchés que nous avons suivis où beaucoup de promeneurs ont exposé leurs problèmes personnels, pris en note par Pierre de Saintignon, tout comme les commerçants d’ailleurs, par exemple à Wazemmes où ils s’inquiétaient d’une rumeur colportant que le plus grand marché lillois déménagerait sur l’Esplanade.(rumeur démentie par Martine Aubry elle même) Du point de vue de l’appareil militant, les marchés sont l’occasion de distribuer des tracts et de toiser du regard les militants des autres partis présents également sur les marchés. On s’y apostrophe et on n’hésite pas à faire des pronostics sur les résultats des élections à venir79. 76 MAAREK (P.), op. cit. MAAREK (P.), op.cit. 78 MAAREK (P.), op.cit. 79 certains militants socialistes n’hésitaient pas à déclarer que Martine Aubry allait passer au 1er tour. 77 A propos des tracts, ils constituaient le plus souvent une synthèse du programme distribué dans les boîtes aux lettres. En ce qui concerne l’organisation du cortège : Martine Aubry était toujours accompagné de Pierre de Saintignon et de plusieurs gardes du corps. Selon les lieux, Martine Aubry était également entouré de différentes personnalités de la liste connaissant bien le quartier afin d’être dans les meilleures dispositions face aux électeurs potentiels. Ainsi au marché de Lille Sud, Ariane Capon et Walid Hanna étaient présents. A Wazemmes, Marie christine Staniec, ex-présidente du conseil de quartier, conduisait le cortège. Le défilé avançait au rythme de l’accordéon afin de créer une ambiance festive. Le Marché de Wazemmes en date du 4 mars 2001 fut le point d’orgue de ces visites avec la présence notamment de Pierre Mauroy, Patrick Kanner, etc… Martine Aubry a pu y saluer Farid Sellani et surtout Eric Quiquet à qui elle a proposé un repas de travail afin de discuter d’une future alliance80. A la fin du périple, qui nous a vu saluer la plupart des commerçants du marché, nous avons dégusté une soupe de l’amitié et écouté des groupes locaux dans deux cafés du quartier : Le Presto et Le Cheval blanc. Avant son départ pour d’autres rivages, Martine Aubry s’est faite apostrophée par 2 membres du comité de soutien aux sans papiers qui ont été rapidement neutralisés par les vigiles. Les marchés constituent donc des lieux privilégiés de rencontre avec les électeurs et de propagande mais également des endroits où les hommes politiques rencontrent des opposants contrairement à la permanence. La permanence « La permanence fait plus partie de la communication de gestion des circonscriptions locales que de la communication de campagne. Il s’agit d’indiquer aux citoyens du cru qu’ils peuvent rencontrer l’homme politique à une heure et dans un endroit précis, à 80 Celui ci a accepté l’invitation mais ,quelques jours plus tard, Martine Aubry a annulé la rencontre suite aux propos tenus par Eric Quiquet lors du meeting des Verts au Splendid . intervalles réguliers (une heure par semaine semblant un minimum). Ce contact direct permet, évidemment, une communication d’une excellente qualité, puisque l’homme politique peut y converser sans intermédiaires avec ses interlocuteurs. Mais il faut que ces derniers accomplissent une démarche extrêmement volontaire : ce n’est plus l’homme politique qui vient vers eux. Ils sont donc la plupart du temps fortement motivés. C’est ce qui explique que, lors d’une campagne, l’homme politique a peu de chances de voir venir à lui lors de ses permanences des indifférents qu’il pourrait convaincre. La permanence électorale n’en reste pas moins praticable de façon homéopathique, ne serait-ce parfois que pour donner à certains militants ou sympathisants une occasion de contact direct avec le candidat, et de permettre ainsi de renforcer le moral de l’organisme de campagne. »81 La permanence de Martine Aubry se trouvait à proximité de la fédération du Nord du Parti socialiste, Rue Watteau. 3 personnes étaient chargées du standard téléphonique, des réponses aux lettres des électeurs, etc.… Plusieurs personnes de la liste faisaient acte de présence chacun à leur tour. Les électeurs ne se sont pas bousculés dans ce lieu par contre le local de campagne a reçu de nombreux appels téléphoniques. La permanence centralisait également les agendas des différentes personnalités de la liste en campagne . Au delà de ce type de structures, la communication politique passe également par les médias. Les conférences de presse et les tribunes médiatiques « La conférence de presse (…)reste le moyen traditionnel de faire véhiculer une communication le plus rapidement possible par les journalistes. On se doute que plus l’homme politique est « reconnu », et plus nombreux sont les médias qui enverront un représentant à ses conférences de presse et les répercuteront de façon significative. »82 81 82 .MAAREK(P.), op. cit. MAAREK (P.), op.cit. Durant sa campagne, Martine Aubry a réalisé 2 conférences de presse : l’une le 21 janvier pour présenter sa liste, la deuxième le 1er Février pour présenter son programme .Les journalistes locaux et nationaux étaient présents en nombre du fait de la notoriété de la candidate socialiste, ex-ministre de l’emploi et de la solidarité. L’importance de la ville de Lille, à la tête de la 4ème agglomération française, a sans doute eu également un impact sur la médiatisation . Il est à noter que c’était Pierre de Saintignon qui était chargé des relations médias. La première conférence de presse s’est déroulée en présence de l’ensemble de la liste. Martine Aubry les a présenté un par un insistant sur la parité et les nouveaux venus. Par la suite Bernard Derosier, Yves Durand et Pierre Mauroy ont pris la parole. Les maires d’Hellemmes et Lomme ont loué l’association de commune qui permettra sans doute à terme d’avoir une ville centre de 300000 habitants. Quant à Pierre Mauroy, il s’est félicité de la métamorphose de Lille devenue capitale d’une grande métropole européenne. Cette présentation avait pour vocation de mettre en avant la compétence et l’esprit d’union de cette liste malheureusement handicapée par l’absence des verts. La deuxième conférence de presse a débuté par le dévoilement du slogan de campagne « Vivre Lille, Bien dans sa ville, Mieux dans sa vie » issu d’un sondage indiquant que 83 % des lillois reconnaissaient vivre bien dans leur ville. Ensuite Martine Aubry a félicité Pierre Mauroy pour sa gestion de la ville avant d’en venir plus directement au programme et son axe fort : la concertation. Les principales personnalités de la liste ainsi que le Président du comité de soutien : Le professeur Stelin , sont alors intervenus chacun dans leur domaine de compétence lors des questions des journalistes. A propos de la presse, il convient de souligner également que les grands quotidiens nationaux ont pour la plupart consacré des dossiers à l’élection municipale lilloise. Ce fut le cas par exemple du « Monde » en date du 16 Février 2001 ou d’ « Aujourd’hui en France » daté du 29 Janvier 2001.Les deux journaux ont insisté sur la forte probabilité de voir Martine Aubry l’emporter. Ainsi, selon « Le Monde »,qui consacre 3 pages à l’élection lilloise83, un « boulevard semble s’ouvrir devant l’ancienne ministre ». Quant à Aujourd’hui en France, qui a fait de Lille l’une de ses 12 villes test, il estime à l’époque que « le beffroi ne paraît guère menacé »84.L’édition nationale du « Parisien » insiste sur le caractère tranquille de la campagne de Martine Aubry et revient sur la faible notoriété de son plus sérieux adversaire. Autre tribune médiatique, la télévision a joué son rôle dans cette campagne. Ainsi les antennes nationales ont consacré des reportages à la ville de Lille, en particulier à Martine Aubry, qui a été favorisée par son aura nationale comparée à la faible notoriété de son adversaire de droite. France 3 Nord Pas de Calais a, pour sa part, apporté sa contribution au débat public en diffusant un débat opposant les 2 principaux candidats à savoir Martine Aubry et Christian, Decocq. Ce débat a été l’objet d’une préparation minutieuse de la part de l’équipe de Martine Aubry. Guy Le Flécher nous a confié les choses suivantes : « on avait donc récupéré les documents de campagne de Decocq et on avait créé une petite cellule qui a étudié toutes les propositions de Decocq, en les attaquant, notamment le projet sur les portes de l’avenir85. On avait décortiqué ça en montrant qu’il s’agissait d’une architecture stalinienne avec des blocs et nous avions trouver la formule qu’a dite Martine Aubry à la télévision sur les portes de l’avenir, c’est les portes du pénitencier. Donc, tout avait été préparé, cadré, on a essayé de voir toutes les attaques possibles de Decocq ». 83 les articles insistent sur la métamorphose de Lille, redevenue un carrefour européen, mais également sur son activité culturelle bouillonnante et son manque d’espaces verts. Une page est consacrée au portrait de Pierre Mauroy. 84 2 pages sont réservées à l’élection lilloise comprenant notamment des interview de Martine Aubry et Christian Decocq. 85 Les portes de l’avenir constituait un projet créant un nouveau centre de ville au cœur des quartiers difficiles Guy Le Flécher est revenu également sur un moment important du débat : « Decocq avait terminé le débat par une pirouette, en disant : « Madame Aubry, les lillois savent que votre avenir n’est pas à Lille, que vous serez premier ministre ou Président de la république et qu’à votre place, vous nous laisserez Michèle Demessine comme maire de Lille »(…)là c’était ressortir l’argument de la communiste le couteau entre les dents, c’était vraiment de mauvaise foi mais c’était bien joué(…)alors que politiquement c’est impossible parce que si Martine Aubry quittait son poste de maire, ce ne serait pas un communiste qui prendrait la place ». Implicitement, Guy Le Flécher semble reconnaître que Martine Aubry pourrait quitter son poste de maire pour celui de premier ministre en cas de victoire de Lionel Jospin aux Présidentielles. Cette possibilité, que Martine Aubry a plusieurs fois écartée, paraît tout à fait plausible. La candidate socialiste a donc été dans l’obligation de se justifier sur ce point à plusieurs reprises en face des médias. Les relations avec les médias et la manière dont on s’y montre sont donc des éléments centraux d’une campagne électorale, qu’il convient de ne pas négliger. Au même titre l’affichage peut avoir des conséquences majeures. L’affichage « L’affichage est un vecteur classique de la communication politique. Au fur et à mesure que le taux d’analphabétisme diminuait, il a remplacé les proclamations traditionnelles faites par les garde-champêtres dans les villages. La transition s’est principalement effectuée au cours du 19ème siècle, les affiches des candidats « officiels » sous Napoléon III et les fameuses affiches de la mobilisation générale apposées sur les murs de toutes les mairies en 1914 ayant été l’aboutissement de cette évolution (…)L’affichage est loin d’être un moyen de communication idéal : il est hermétique à la transmission des messages un tant soit peu complexes, et il n’est, de toutes les façons, pas forcément efficace. Tout d’abord, la pratique confirmant la théorie, même aujourd’hui, il apparaît que le message que véhicule l’affiche doit être relativement simple, si l’on veut qu’il soit intelligible, à cause, en particulier, du temps de lecture très bref propre au média(…)L’affichage politique est donc une discipline beaucoup moins facile à employer qu'elle en a l'air. Le marketing politique doit y résoudre une équation aux termes apparemment contradictoires : à la fois marquer, être simple… et ne pas faire oublier le message à relayer. » A ce propos, Martine Aubry semble avoir respecté ces consignes. Son affiche : sa photo surmontée du slogan : « Le choix de Lille » est très sobre et intelligible. On peut y trouver plusieurs sens :Martine Aubry aurait fait le choix de Lille et Lille se devait de la choisir. On peut cependant noter que son affiche ne contenait aucune référence ou sigle du parti socialiste, cela s’expliquerait par le fait que sa liste était une liste d’union avec les communistes, les radicaux, … D’autre part son affiche se différenciait nettement de celle de 1995, moment où Pierre Mauroy préparait sa succession, où la photo de Pierre Mauroy était accompagnée selon les quartiers de celle de Martine Aubry, Bernard Roman ou Bernard Derosier, ce qui permettait de « voir les secteurs où les militants étaient plus pro Roman ou Pro Aubry »86. Il semble donc que la campagne de cette année a joué sur la force du nom et la notoriété de la candidate Pour sa part, le candidat R.P.R : Christian Decocq a choisi l’humour et la dérision , son slogan étant : « Face à la sempiternelle rose socialiste, j’y vais la fleur aux dents »et la photo le montrant la marguerite aux dents. De l’avis de tous, ce ne fut pas une grande réussite d’autant plus que cela n’a certainement pas amélioré la crédibilité du candidat RPR. Le choix de l’affiche est donc crucial et conditionne la vision que les électeurs auront des candidats. Il est temps à présent de se poser la question de l’existence d’un certain clientélisme dans les rapports avec les électeurs. Section 3 : Profession Homme politique Cette section portera sur la frontière étroite séparant la communication politique locale et le clientélisme et sur le reclassement du personnel politique. Communication ou Clientélisme ? Le clientélisme consiste en « un système d’échanges interpersonnels non marchands de biens et de services échappant à tout encadrement juridique entre agents disposant de ressources inégales »87. Les pratiques clientélaires recouvrent : « l’attribution de logements sociaux, la distribution d’emplois permanents ou temporaires dans l’administration municipale ou para-municipale, l’intercession auprès de l’administration et des services publics, l’aide médicale gratuite, les petits marchés publics. »88. Par ailleurs, « c’est la façon dont le service est rendu et la finalité qui est recherchée, à savoir la production d’une fidélité personnelle, qui définissent la pratique clientélaire »89. « Dans des situations où l’action publique est justifiée en référence au modèle de la bureaucratie rationelle légale et où les comportements politiques se doivent de répondre à celui de la citoyenneté civique, les relations clientélaires apparaissent comme des pratiques déviantes par rapport aux normes dominantes de la légitimité politique » et pourtant : « l’analyse des processus effectifs de la modernisation montre cependant que la formation et le développement des institutions politiques modernes peut fort bien s’accommoder de conduites clientélaires, ces dernières participant même au fonctionnement de ces institutions et à la réalisation concrète de leurs objectifs sur un territoire déterminé. Plutôt qu’une dénaturation des finalités de la modernisation politique, la politique clientélaire apparaît ici comme le résultat de l’appropriation par certains groupes sociaux des institutions apparues à la faveur de cette modernisation ». 86 cf annexe- entretien Guy Leflecher BRIQUET (J.L.), SAWICKI (F.), Le clientélisme politique dans les sociétés contemporaines, P.U.F 88 BRIQUET (J.L.), SAWICKI (F.), op.cit. 89 BRIQUET (J.L.), SAWICKI (F.), op.cit. 87 Le clientélisme apparaît donc plus comme une réalité qui s’accommode parfaitement des conditions d’exercice de la vie politique dans les sociétés contemporaines , plutôt que comme une survivance du passé. Peut-on alors parler de clientélisme durant la campagne de Martine Aubry ? Le nouveau maire de Lille refuse cette dénomination mais elle considère que « ce qu’il y a de plus important pour les gens, c’est de se dire que leur maire est utile, qu’il est à même de leur apporter des réponses quelles que soient leurs opinions politiques ». Elle reconnaît « régler énormément de problèmes » à l’aide d’une dizaine de personnes qui travaillent uniquement là dessus. Elle estime qu’il est du devoir du maire et son équipe de régler tous les problèmes de logement. Mais ce type d’action peut-il être considéré comme du clientélisme ? En l’espèce, il est clair que pour les administrés, la rencontre avec Martine Aubry lors des marchés, des réunions publiques ou des porte à porte était l’occasion de présenter ses doléances personnelles et de demander un certain nombre de services. L’équipe de campagne est parfaitement rentrer dans ce petit jeu : ainsi, Pierre de Saintignon était chargé sur les marchés de prendre note des différentes demandes de la population en insistant bien sur le fait que le problème allait être traité. De même lors des réunions publiques, il n’était pas rare qu’un citoyen prenne la parole en soulevant par exemple un problème de logement. Alain Cacheux ou un autre adjoint se faisait alors un plaisir de convier l’administré à le rencontrer en fin de réunion afin de régler au plus vite la question. On peut penser que l’individu bénéficiant de l’aide du candidat ou de son équipe aura tendance à voter pour lui et à en parler autour de lui, ce qui n’est pas négligeable pour un élu. Par ailleurs, il est certain que la relation de « clientèle » n’existe pas uniquement lors des campagnes électorales, le fait par exemple d’appartenir à une association subventionnée par la mairie peut également entraîner une fidélité sans faille de l’administré à son maire, d’autant plus, si cette subvention conditionne la survie de l’association. Dans ce cas, il existe véritablement un lien de dépendance entre l’association et la mairie. A ce propos, l’opposition municipale n’a pas manqué de stigmatiser le « système socialiste » lillois reposant sur une instrumentalisation des associations. Ainsi, « dans de nombreuses villes socialistes, le paiement de la cotisation au parti » finirait « par devenir le meilleur moyen d’obtenir un logement , un emploi ou une commande publique ou tout autre avantage. »90 Le Reclassement du personnel politique Il est intéressant de noter que les candidats non élus ou les personnalités exclus de la liste bénéficient le plus souvent d’un reclassement dans d’autres fonctions. C’est le cas par exemple de Marc Bodiot battu par Christian Decocq lors des cantonales de Lille Centre et qui a été élu conseiller du quartier de Lille centre par ses camarades de la section(ce qu’il était déjà auparavant). Pour sa part, Bouziane Delgrange, ancien conseiller délégué à l’action humanitaire et à la coopération humanitaire, va être nommé chargé de mission pour le développement de la coopération économique et sociale avec les villes jumelées. Un autre exemple est Jacquie Buffin qui fut adjointe aux affaires culturelles et qui va être nommée chargée de mission dans le cadre de la réouverture de l’opéra . Ainsi, Il est rare qu’un ancien élu ou qu’une personnalité destinée à en devenir un soit laissé de côté. Il est de bon ton de trouver des « points de chute » à ses individus, qui vont rester en « réserve de la république » durant la durée du mandat avant de se présenter à nouveau devant les électeurs. Il est cependant difficile de reclasser tout le monde dans des fonctions para-politiques et certains personnages sont sacrifiés sur l’autel du changement ou de l’efficacité politique. Ainsi que sont devenus des personnalités telles que Paul Besson, ex-adjoint aux Sports, Didier Calonne, ancien conseiller délégué aux droits de l’homme, aux relations interculturelles et à l’intégration ou encore Jean Louis Brochen, ex adjoint à l’action culturelle. Sont-ils des victimes du renouvellement des cadres effectué par Martine Aubry ,ont-ils choisis délibérément d’arrêter leurs fonctions ou enfin n’ont-ils pas trouver de postes de repli ? Le monde politique est impitoyable même pour ses plus humbles serviteurs ! CONCLUSION Martine Aubry a réalisé une campagne traditionnelle, comparable à celle de tout autre candidat à l’élection municipale dans toutes les grandes villes de France, dans le sens où elle a effectué un travail de terrain fondé sur une relation de proximité avec les citoyens cependant Martine Aubry se distingue de son prédécesseur en insistant sur le thème de la démocratie locale. Il convient de rappeler qu’il s’agit là d’un thème à la mode qui a séduit plus d’un homme politique lors de ces élections. Martine Aubry a été entraînée sur ce terrain du fait de plusieurs facteurs : - La sociologie de la ville de Lille ne favorisait plus le parti socialiste, elle nous l’a expliqué, car à la question de relance concernant la succession de Pierre Mauroy : Ce n’était pas facile ? Martine Aubry nous a répondu : 90 BRIQUET (J.L.), SAWICKI (F.), op.cit. « Ce n’était pas facile pour lui, mais bon il m’a dit faut que tu viennes parce qu’on risque de perdre et d’ailleurs on est passé just, on est passé à 48% en triangulaire c’est vrai que l’évolution de la ville qui est quand même… D’abord la ville elle a toujours était socialiste mais toujours juste et puis elle a eu surtout une évolution ces dernières années grâce au travail fait par pierre Mauroy D ‘ailleurs qui sur le plan du fond est parfait mais sur le plan politique a des effets qui ne sont pas bon pour nous, puisque le centre ville rénové les prix ont augmenté et donc les classes moyennes sont parties et son choix de garder, ce qui est un choix non seulement méritoire mais que moi je considère comme excellent de garder les classes en difficulté dans la ville fait qu’on a 6 quartiers en difficulté, alors que tous les autres ont balancé leurs quartiers, regardez Strasbourg… » En Banlieue ? « Lyon etc en banlieue nous on a gardé ces quartiers en difficulté, et c’est les classes moyennes les instits, les facteurs, les profs , les machins qui sont partis en banlieue à Villeuneuve D’Ascq etc… L’électorat normal du P.S il n’est plus chez nous, et ça a commencé a être encore plus cata en 95 parce que la ville commençait à… Et donc il y avait des gens qui partaient et donc on avait des quartiers en grande difficulté des gens riches et très riches qui ne vont pas spontanément disons vers la gauche et voilà » Ainsi, selon Martine Aubry, l’électorat classique du parti socialiste a quitté la ville et il ne reste plus que les plus démunis et les plus privilégiés qui n’ont pas le profil habituel de l’électeur socialiste, qui se recrute plutôt dans les classes moyennes. Cette vision nous semble un peu caricaturale car les classes moyennes n’ont pas complètement désertés la ville, mais cela permet de comprendre pourquoi la candidate socialiste a insisté sur la nécéssité d’une concertation avec les habitants qui les rend plus dépendants de la municipalité en offrant des structures participatives qui les poussent à agir en collaboration avec le pouvoir municipal. Ces structures apparaissent, de ce fait, comme des éléments de communication politique permettant à la mairie et par là-même au parti socialiste d’atteindre et de séduire des populations qui ne font pas traditionnellement parti de son électorat. Ainsi Martine Aubry tente de rassembler au delà de la sphère d’influence habituelle de la gauche comme l’a fait son prédécesseur Pierre Mauroy, reconnu même à droite pour son pragmatisme et sa stratégie d’ouverture au centre caractérisée par exemple par la présence sur sa liste en 1995 du recteur de la faculté catholique de Lille : Michel Falise - Elle fut aussi obligée de se tisser un réseau local à l’instar des ténors du socialisme Lillois tels que Bernard Roman, Alain Cacheux et Patrick Kanner. En effet, du fait de son parachutage et de sa méconnaissance du terrain, elle possédait un handicap face à eux. Le fait d’avoir choisi de rester dans l’ombre de Pierre Mauroy pendant 6 ans lui a permis de commencer à se constituer un réseau de relations qu’elle a pu activer lors de la campagne. A partir de cette base, l’utilisation de la concertation a constitué un moyen de rencontrer les habitants et les principaux acteurs de la société civile lilloise. A présent, même si elle reste sans doute moins implantée qu’un homme tel que Bernard Roman, elle a tout de même réussi à obtenir l’investiture à la mairie sans trop d’opposition et elle a rallié à sa cause de nombreux militants tout en intégrant dans le paysage politique lillois des proches issus de ses propres réseaux : Pierre de Saintignon, Latifa Kechemir ou encore Catherine Cullen. Par ailleurs, il nous est apparu, malgré les louanges adressées par Martine Aubry à l’égard des militants socialistes lillois, que pointait une certaine méfiance qui s’est matérialisée par exemple par la volonté de choisir des éléments extérieurs au parti pour l’assister lors de sa campagne. Ainsi pourquoi avoir choisi des étudiants pour effectuer les rapports relatifs aux réunions de concertation ou des compte-rendus des réunions publiques de ses adversaires alors que certains militants auraient pu faire l’affaire ? Concernant ce dernier point, l’explication avancée par l’équipe de campagne insistant sur le fait que l’on soit des anonymes pour leurs adversaires ne nous semble pas suffisante. Ici aussi nous pouvons penser que Martine Aubry nourrit quelques réserves à l’encontre du personnel militant et qu’elle a cherché à tisser de nouveaux réseaux. Pour conclure, la campagne de Martine Aubry fondée sur une volonté de promouvoir la démocratie locale participative, reste cependant une campagne traditionnelle utilisant des techniques de communication politique locale ayant fait leurs preuves et apparaît comme celle d’une candidate cherchant à s’ancrer définitivement dans le paysage politique lillois. BIBLIOGRAPHIE . Ouvrages : - ABELES (M.), Jours tranquilles en 89.Ethnologie politique d’un département français, Editions Odile Jacob,1989. - BRAUD (P.), Sociologie politique, LGDJ, Cinquième édition, 2000. - BRIQUET (JL.) et SAWICKI (F.), Le clientélisme politique dans les sociétés contemporaines, PUF. - DE CARLO (L.), Gestion de la ville et démocratie locale, L’Harmattan, 1984. - GAXIE (D.) et LEHINGUE (P.), Enjeux municipaux. La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale, PUF, 1984. - GERSTLE, La communication politique, Que sais-je ? Paris, PUF. - MAAREK (P.), Communication et marketing de l’homme politique, Litec, 1992. - MARTIN (P.), Les élections municipales en France depuis 1945. - RICHARD (P.), Le temps des citoyens. . Articles et notes : - BLONDIAUX (L.), Représenter, délibérer, ou gouverner ? Les assises politiques fragiles de la démocratie participative de quartier, CURRAP, CRAPS, La démocratie locale. Représentation, participation et espace public. PUF, 1999. - BLONDIAUX (L.) et LEVEQUE (S.), la politique locale à l’épreuve de la démocratie : les formes de la démocratie participative de quartier dans le XXEME arrondissement, in Neveu (C.), Citoyenneté et participation, Paris, L’Harmattan, 1997. - PAOLETTI (M.), Les habits neufs de la démocratie locale ? Pouvoir local, 39(4), 1998, p. 104-119. . Revues : - POUVOIRS, Le maire, 1983. - POUVOIRS, Campagnes électorales, 1992. - POUVOIRS , La démocratie municipale, 1995. - TERRITOIRE, Instances participative de quartier : 45 villes s’engagent, 1996. . Presse : - L’Expresse du 28 Septembre 2000. - Le Monde du 16 Février 2001. - Aujourd’hui en France du 29 Janvier 2001. BIBLIOGRAPHIE . 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Tout d’abord je viens d’une famille de fonctionnaires…avec mon père donc j’ai toujours vécu dans l’idée que disons réussir sa vie, c’est faire en gros des choses qui sont positives pour la société quoi…et donc très naturellement j’avais l’intention de rentrer dans la fonction publique, ce que j’ai fait hésitant d’ailleurs entre (…) après un DES de science éco d’aller plutôt dans la fonction… enfin de préparer un doctorat en économie ou de préparer l’E.N.A et finalement les circonstances ont fait que j’ai après science po, j’ai passé en septembre, j’ai été reçue, j’aurai pas été reçue, j’aurai pas fait une prep E.NA, donc je serai plutôt allée vers l’enseignement ou la recherche en économie. Voilà donc je suis rentrée au ministère du travail, c’était un choix que j’avais fait bien que j’aurais pu aller dans les grands corps etc… parce que je pensais qu’à la fois ma formation économique, me permettait d’entrer dans un ministère qui était extrêmement social et me disant que la France avait un retard assez grand dans la façon de traiter le capital humain en entreprise et que donc c’est autant par un raisonnement économique, que par un intérêt pour le social que je suis allée au ministère du travail et puis je dirais qu’après être restée de 75 à 89 au ministère du travail j’avais la conviction qu’en tant que fonctionnaire on pouvait faire beaucoup de choses mais à un moment donné si on ne passait pas le pas sur le plan politique on manquait une dimension ainsi que d’une certaine efficacité. Alors parallèlement j’ai eue des engagements syndicaux avant de rentrer au parti socialiste, donc j’étais à la C.F.D.T dés que j’étais à l‘E.N.A donc en 71,72 et c’est seulement… et non je suis rentrée au P.S quasiment en même temps, c’était après la campagne de François Mitterand, mais pas du tout dans l’objectif de faire de la politique plus comme une militante et d’ailleurs je n’ai jamais eu le moindre mandat, je n’ai jamais été secrétaire de section, je n’ai jamais demandé à avoir… à Paris de 75 à 91 où j’ai été ministre je n’ai jamais eu de fonction politique dans le parti socialiste ce n’était pas mon truc obligatoirement. Alors, en revanche en 81, quand Jean Auroux91 m’a appelée comme directeur adjoint de son cabinet pour préparer celles qui sont devenues les lois Auroux, c’était déjà un véritable engagement politique et c’est là que me suis définitivement rendue compte puisque ça faisait 5 ans que j’étais au ministère, qu’il était essentiel d’être sur ce terrain là si on voulait être efficace. Donc j’ai été au cabinet de jean Auroux, puis de Pierre Bèrègovoy je suis redevenue directeur d’administration, je suis partie ensuite en entreprise, parce que j’avais vraiment la conviction qu’il fallait que j’ai cette expérience de l’entreprise donc j’ai été directeur général de Péchinet pendant trois ans et c’est là où Edith Cresson que j’avais connue quand elle avait monté des groupes de travail sur l’Europe, et où elle m’avait chargée d’un groupe sur l’Europe sociale m’a appelée pour être ministre de l’emploi et de la solidarité. 91 Ministre du travail du gouvernement Mauroy Je dirais que cela c’est fait… autant j’était complètement impliquée dans le domaine politique dans les cabinets de ministres et j’allais préparer les lois et tout ça, autant je pense que si Edith Cresson ne m’avait pas appelée, comme je n’est jamais été dans aucun courant, je n’ai jamais essayé d’avancer par les biais normaux d’un parti où chacun se place pour la suite je pense si Edith Cresson qui était quand même assez euh… exceptionnelle au sens différente en politique ne m’avait pas appelée je pense que je serais, je ne sais pas toujours dans l’administration ou en entreprise …. Chez Péchinet? Non, peut être pas chez Péchinet, en deux ans et demi j’avait fait un peu le tour de ce que moi j’attendais, j’y serais restée sans doute un peu plus longtemps ça c’est sûr . Voilà donc j’ai essentiellement hésité parce que j’avais un engagement vis à vis de Jean Gandois et que j’avais un boulot passionnant et qu’il m’avait fait confiance chez Péchinet ce qui n’était pas évident venant d’où je venais. Mais il m’a dit : « De toute façon c’est beaucoup mieux pour vous ( en plus c’est ce que vous voulez) allez-y ! » Et voilà et là j’ai été de plein pied dans la politique mais je dirais que ça c’est fait quasiment , à la fois c’est totalement naturellement que je suis passée de la fonction publique au monde politique ou du syndicalisme au parti socialiste mais en même temps c’est une opportunité que m’a donnée Edith Cresson parce que je n’ai pas fait ce qu’il fallait dans le parti pour un jour être nommée ministre ou pour avoir une circonscription ou autre et c’est seulement à partir de ce moment là que je me suis posée la question du mandat électoral considérant qu’il fallait avoir un mandat si on voulait faire de la politique moins par principe que par le fait qu’on est collé au terrain et que l’on ressent les… Qu’est ce qui vous a poussée à passer justement ce pas du mandat ? Je pense que si on veut éviter d’être un ministre technicien, technocrate, si on a envie vraiment de faire de la politique il faut comprendre ce que ressentent les gens. Moi j’ai eu deux expériences très intéressantes en dehors de mes vingt ans au ministère du travail : c’est Péchinet pendant 2 ans et demi qui m’a permis de bien voir la réalité de l’entreprise surtout que j’y avais des fonctions diverses et puis quand j’ai créé ma fondation en 93 pour aller dans les quartiers en difficulté. Donc cela m’a permis d’avoir une palette de l’entreprise jusque le terrain le plus difficile quoi ; en passant par l’action administrative, en plus j’ai passé deux ans au Conseil d’Etat pour faire un peu de droit parce que ma formation est économique et moi mon idée est toujours d’enrichir mes compétences, mes expériences pour pouvoir avoir une réflexion plus performante et des réponses plus performantes sur la société, donc à partir de là je n’imaginais pas d’être ministre et de ne pas coller au terrain quoi. En 93 je ne me suis pas présentée à la députation bien que j’ai eu des propositions parce que le mandat qui m’intéresse le plus c’est celui de maire, parce que c’est celui où on est le plus proche des gens et en plus où on touche une horizontalité de problèmes, bon moi j’ai une formation économique, le développement économique me passionne, de tempérament je supporte assez mal les injustices et donc je suis très engagée dans la lutte contre les exclusions et donc dans les domaines sociaux en général et tous mes goût personnels vont vers la culture donc si vous voulez quand on est maire on s’occupe de tout et en plus derrière les statistiques et tout cela on voit des gens, on connaît les gens et tous les soirs on peut se dire : tiens j’ai réglé le problème de telle personne, moi je pense que c’est essentiel d’avoir un allerretour entre le terrain et la réflexion générale par exemple actuellement être à la fois maire de Lille et préparer le projet pour 200292 où je rencontre énormément d’intellectuels, d’experts, je retravaille sur quelle est leur vision de la société et quelles peuvent être les réponses . Pour moi c’est essentiel, c’est à dire d’avoir un peu les deux voilà et d’alimenter la réflexion politique nationale, mes propres convictions par le terrain en voyant les gens et leurs problèmes en voyant leurs réactions, ce qu’ils attendent et en expérimentant un certains nombre de réponses. Sinon dans quelles lignée politique vous inscrivez-vous, quelles sont les figures mythiques du socialisme ou pas forcément du socialisme qui vous ont donné envie de vous engager ? Pour moi les gens qui m’ont le plus marquée dans ma vie, dans mes engagements, c’est Edmond Maire C.F.D.T, Michel Rocard et mon père. Voilà c’est cette lignée là même si je n’est jamais été Rocardienne car j’ai toujours eu beaucoup de mal à m’inscrire dans (…) dans des castes voilà dans des castes et surtout dans des espèces de … Pour moi la politique doit être ouverte et ces courants ils sont fermés sur eux-mêmes et c’est une espèce de machine pour porter en avant le chef voilà. Avec tous ceux qui s’accrochent derrière en espérant être dans la lignée, moi c’est pas tellement mon tempérament, moi je me bats, je fais des choses, si je peux être utile à un moment donné j’y vais. Donc je n’ai jamais été dans le courant Rocardien mais c’est vrai que surtout quand j’était plus jeune Edmond Maire, Michel Rocard et mon père sont les trois personnes qui ont marqué mes engagements. Maintenant vous êtes tout de même relativement proche de Lionel Jospin ? Oui mais je ne peux pas dire que ce soit lui qui ait marqué mes engagements… Moi je l’ai connu en 95, entre 93 et 95 j’ai beaucoup travaillé sur…Très franchement en 93 je suis partie du ministère avec une impression d’immense échec, c’est à dire qu’on avait vraiment complètement dérapé. Deuxième septennat de Mitterand moi quand j’y suis rentrée c’était la fin du deuxième septennat, c’était une période où on avait perdu nos repères c’est le moins qu’on puisse dire, donc moi je me sentais très, très, je trouvais qu’on avait été très mauvais et c’est la raison pour laquelle je suis partie créer une fondation : je me suis dit c’est pas possible qu’on laisse comme ça déraper toute une partie de notre pays, il y a sans doute des réponses, allons essayer de les construire, j’ai préféré aller là que d’aller être député pour hurler contre l’opposition, cela me paraissait plus efficace et en même temps j’ai monté des groupes d’experts pour retravailler sur le projet économique et social. Quand en 95 Jospin s’est porté candidat je lui ai dit : « Tout ce travail est à ta disposition ». Et on a fait à quelques-uns ce programme de 95 car le P.S en 95 n’était pas du tout en ordre de marche. Alors qu’en 92 Martin Aubry est chargée de préparer le programme du parti socialiste pour les élections présidentielle de 2002 97 Jospin l’ayant repris en 95 il était en ordre de marche de 95 à 97 on a préparé le programme qui est devenu celui des législatives et celui du gouvernement Jospin, avant 95 le P.S n’avait rien foutu quoi. Et donc on a préparé à quelques-uns le programme et moi j’ai apporté ce que j’avais préparé sur le plan économique et social avec un certains nombre d’intellectuels, d’experts etc… Et je doit dire que Jospin je le connaissais très mal, on s’était croisé dans le même gouvernement où il était ministre de l’éducation nationale, il est parti très vite et évidemment au P.S mais je n’ai jamais été une de ses proches, je l’ai vraiment apprécié pour la campagne présidentielle de 95 et on s’est très bien entendu ce qui m’a valu, entre nous, l’opposition ensuite de Stauss-Kahn qui n’a pas supporté ce je pouvait faire, car lui il était Jospinien de la première heure il avait déjà réussi à exclure Emmanuelli, Glavany en faisant une scission pour être juste derrière Jospin (…).Et donc je me suis très bien entendue avec Jospin car c’est un type clair, net qui travaille les dossier et qui a un mode de fonctionnement qui est assez peu courant en politique et donc on a continué à travailler ensemble encore après 95. Qu’est ce qui à motivé votre venue à Lille ? Alors au moment de l’approche des élections de juin 1995, à partir de début 1994 on a commencé à parler des choix des candidats pour les élections municipales, alors là j’ai eu une flopée de propositions tous les jours, on m’annonçait à Pau, à Reims, à Grenoble, à…il y a un journaliste qui avait fait la liste, il y avait 42 endroits où j’étais annoncée. La vérité c’est que j’avais eu plusieurs propositions que j’avais refusées, comme par exemple Labarère( ?) à Pau ou Reims, Grenoble j’avait vérifié que c’était Destaux( ?) qui était candidat et que c’était les fabiusiens qui m’avait poussée pour emmerder Destaux( ?), je vous passe tous ces trucs là, moi mon idée c’était pas d’aller dans un endroit qui où je pose problème étant par définition parachutée puisque j’étais parisienne, n’envisageant pas de faire de la politique à Paris parce que la politique à Paris est totalement désincarnée quoi ! Sauf quand on est maire, ça c’est clair que je pense que Delanoé va faire beaucoup de boulot, mais même moi je préférai un endroit où il y avait…pour moi Paris était trop une ville musée, une ville qui est déjà très marquée, moi je préférai une ville où il y avait du boulot à faire dans les trois domaines dont je vous ai déjà parlé :c’est à dire développement économique, lutte contre les inégalités et puis politique culturelle etc… Donc j’était très largement avancée sur deux sûr…avec Chabroux sur Saint-Etienne et avec comment il s’appelle celui qui s’est suicidé sur Clermont-Ferrand…non sur Limoges pardon…J’était bien avancée avec les deux sur les discussions je n’avais pas très envie d’aller dans le centre, je n’aime pas tellement cette région, j’était assez avancée avec Chabroux sur Saint-Etienne, d’ailleurs l’un s’est suicidé et Chabroux a abandonné, il voulait passer la main et je suis venue ici en Janvier, Février1994 pour soutenir Patrick Kanner qui se présentait à une cantonale et Pierre Mauroy m’a appelée la veille et il m’a dit est-ce que tu peux passer me voir et là il m’a dit voilà moi je pense à la suite etc est-ce que tu accepterais de venir comme numéro 2 sur ma liste , alors je veux dire que cela m’a un peu suffoquée mais tout de suite évidemment tentée d’abord j’aime beaucoup le Nord, je dirais c’est d’abord cela j’aime les gens du nord je me sens à l’aise ici, je trouve qu’il y a des valeurs qui sont intéressantes. J’irais jamais dans le Sud me présenter par exemple à Avignon tout cela, comme Elisabeth93 c’est un courage extraordinaire… Et puis je trouvait qu’il il avait énormément de boulot à faire qu’il avait des opportunités formidables dans cette ville cette région que les gens avaient besoin que l’on se batte pour eux quoi ! Voilà donc personne n’a très bien compris parce que l’on m’a dit tu pourrais être maire tout de suite alors que là tu y vas comme numéro 2, j’ai jamais demandé à Pierre Mauroy quand est-ce que tu vas partir etc… Non j’ai trouvé cela intéressant j’ai tout de suite discuté avec Bernard Roman pour vérifier qu’il n’y avait pas de difficultés de son coté .(…) Ce n’était pas facile ? Ce n’était pas facile pour lui, mais bon il m’a dit faut que tu viennes parce qu’on risque de perdre et d’ailleurs on a passé just, on est passé à 48% en triangulaire c’est vrai que l’évolution de la ville qui est quand même… D’abord la ville, elle a toujours été socialiste mais toujours juste et puis elle a eu surtout une évolution ces dernières années grâce au travail fait par pierre Mauroy .D ‘ailleurs qui sur le plan du fond et parfait mais sur le plan politique a des effets qui ne sont pas bon pour nous, puisque le centre ville rénové , les prix ont augmenté et donc les classes moyennes sont parties et son choix de garder, ce qui est un choix non seulement méritoire mais que moi je considère comme excellent de garder les classes en difficulté dans la ville fait qu’on a 6 quartiers en difficulté, alors que tous les autres ont balancé leurs quartiers : regardez Strasbourg… 93 Elisabeth Gigoux, ministre de l’emploi et de la solidarité candidate malheureuse a la mairie d’Avignon aux élection municipale 2001 En Banlieue ? Lyon etc en banlieue nous on a gardé ces quartiers en difficulté, et c’est les classes moyennes les instits, les facteurs, les profs , les machins qui sont partis en banlieue à Villeneuve D’Ascq etc… L’électorat normal du P.S il n’est plus chez nous, et ça a commencé à être encore plus cata en 95 parce que la ville commençait a… Et donc il y avait des gens qui partaient et donc on avait des quartiers en grande difficulté : des gens riches et très riches qui ne vont pas spontanément disons vers la gauche et voilà et donc il a senti que ça allait pas très bien et c’est là où il m’a dit. Bon comme j’avais déjà été ministre comme j’étais un peu connu voilà et hop ! Donc moi je suis venue parce que et bien : un, j’aime bien le nord et que choisir une ville où on va vivre il faut l’aimer autrement ça n’a pas de sens il faut aimer les gens, c’est l’élément majeur ; le deuxième c’est parce que c’était passionnant et je pense qu’il faut vraiment se battre pour cette région bon et puis travailler avec Pierre Mauroy, je me suis toujours très bien entendue avec lui j’étais chez Auroux quand il était premier ministre, donc je le voyais énormément parce que Auroux n’était pas très présent et voilà c’est un homme qui jusque qu’à Jospin, je ne mets évidement pas Jospin à sa hauteur, a été le seul grand premier ministre de la gauche. Et le fait d’avoir été numéro 2 ça a caché votre parachutage ? Non, mais je pensais que c’était utile aussi, c’est à dire vous savez quand on arrive, je pense qu’il faut être, moi je l’ai dit d’ailleurs, quand je suis arrivée la première chose que j’ai dit c’est : « c’est vrai que je suis parachutée, c’est à moi de faire mes preuves, ce n’est pas à la ville de m’accueillir à bras ouvert . » Donc c’est très bien d’être numéro 2 ça me permet, ben je prends des engagements, c’est à dire de travailler ici, de m’immerger complètement dans la ville de travailler pour cette ville et puis après les habitants verrons. Est-ce que j’ai respecté mes engagements ou pas c’est à moi de faire mes preuves et donc ca m’a permis et moralement et déontologiquement je trouve cela bien aussi de ne pas dire : « hop, j’ai été ministre j’arrive je prends un truc ! », mais j’accepte, ce qui moi ne pose aucun problèmes d’être numéro 2, je ne sais pas pour combien de temps, bon et avec Pierre Mauroy on n’a pas eu un problème en six ans, ça a été vraiment une entente parfaite. Quel jugement portez vous sur votre campagne électorale? Qui s’en est occupé ? C’est à dire moi je ne sais pas travailler autrement que collectivement donc ça a été une organisation très collective d’abord sur le plan politique, puisque j’ai formé un petit groupe avec un certains nombre de socialistes : Pierre de Saintignon, Bernard Roman, Patrick Kanner, Alain Cacheux qui sont sous des formes diverses ou variables un peu les piliers je dirai parce que c’est d’abord une campagne du P.S et donc on a vraiment tout travailler ensemble. Depuis que suis arrivée le 18 Octobre on a conçu la campagne ensemble, travailler sur le programme ensemble même si on a plus travaillé avec Pierre et moi parce que on a eu plus de disponibilité j’ai conçu la liste mais j’en ai parlé avec chacun et tout s’est fait finalement à l’unanimité j’ai essayé de faire qu’il y ait un consensus réel à la fois sur le fond sur la liste et sur les modalités de la campagne donc dés le 18 Octobre dés que je suis arrivée on a eu une réunion par semaine et un déjeuner par semaine pour traiter l’ensemble des problèmes, ça c’est la première chose deuxièmement, on a eu une chance extraordinaire c’est que le P.S se soit mobilisé comme il s’est mobilisé ça c’était avant l’été avec le rendu de leur travail à Phalempin au mois de Septembre où le parti socialiste a… les dix sections se sont saisies d’un thème et ont travaillé sur ce thème, ont fait des propositions : la petite enfance, l’environnement etc. et ont fait des propositions sur leur quartier et je dois dire que ce travail était d’une très grande qualité, c’était pas : toujours plus, il faut tout faire en même temps c’était priorisé et hiérarchisé, intelligent et ça a été une bonne base de travail. Il y avait ça, ensuite j’ai fait dés mon arrivée le bilan avec chaque élu de qu’est-ce…Comment tu vois aujourd’hui ton secteur quels sont les point forts, quels sont les points faibles ? Qu’est-ce qu’on a réussi et qu’est-ce que l’on a loupé ? Et quelles sont à ton avis les priorités pour l’avenir, donc j’avais les militants le P.S en liens avec les habitants, les élus dans un secteur déterminé et après j’ai monté ces réunions avec Michel Falise, des acteurs de la vie économique sociale et culturelles, où vous êtes venus pour avoir une autre vision et avec ces trois éléments plus ce que moi même je sens, de rédiger un programme et de prendre un certains nombre d’engagements en les hiérarchisant, en les priorisant. Je pense que le travail sur le programme a été vraiment sérieux après à chaque fois tout a été chiffré mesuré donc à chaque fois on a pas…Ce qui est d’ailleurs assez étonnant c’est qu’en face il n’y ai pas eu de programme parce que ce n’est pas ce tract sur les portes de Lille Sud ou je ne sais pas quoi, complètement ridicule qui peut servir de programme. Donc on a quand même travaillé sur le fond, ce qui est très important pour nous aujourd’hui, parce que dans le fond on met en application mais on déjà fait un travail très, très préparatoire, bon ça c’est pour le fond des choses le projet qui pour moi est le plus important, ensuite l’idée c’était la proximité, être le plus proche des gens possible, d’où le porte à porte et toutes les réunions publiques que vous avez vécues, tout cela c’est pas la peine de vous en parler et puis la relation extérieure, média qui a été portée par Pierre de Saintignon. Je crois que ce que l’on peut dire c’est qu’il y a eu vraiment un travail collectif qui ensuite s’est étendu à la liste et donc là, la liste ma conception des choses n’était pas de dire il faut tant de socialistes tant de ceci tant de cela, c’est de dire il faut trouver bien évidemment, le parti socialiste était le parti le plus important donc il faut qu’il est une place majeure, mais il faut qu’on réfléchisse tout de suite dans la liste à qui sera capable de prendre les fonctions, fonction de président de conseil de quartier c’est comme cela qu’on a fait. Voulant renforcer le rôle du président de conseil de quartier il fallait avoir des gens capables d’animer, d’écouter, d’accepter le débat d’aller à la rencontre des gens, donc un certain profil et deuxièmement qui peut prendre chacune des fonctions donc nous n’avons pas chez nous quelqu’un capable de prendre la culture il a fallu chercher quelqu’un à l’extérieur Catherine Cullen par exemple, donc ce travail de liste c’était en fonction de ce qui se passerai par la suite voilà. Et puis ensuite une équipe de campagne que vous avez vu fonctionné avec des militants de grande qualité, je crois qu’on a une chance extraordinaire d’avoir autant de militants dans la ville . Il n’y a pas eu de dissension avec l’appareil socialiste ? Ben non parce qu’il a été complètement intégré depuis le premier jour, l’appareil vous savez c’est qui , c’est Patrick Kanner qui préside le comité de ville donc les sections du parti socialiste dans la ville, c’est Alain Cacheux président du groupe socialiste, c’est à dire des élus de la ville, bon et puis les personnalités politiques ou autre, c’est Bernard Roman et Pierre de Saintignon : on a tout fait ensemble, moi a chaque fois que j’avais une idée je leur en parlais, je leur demandais leur avis ensuite je leur ai demandé, y compris sur les socialistes, de me faire une proposition on en a parlé ensemble, tout c’est fait on est arrivé à une liste à l’unanimité y compris dans le classement et d’ailleurs on est passé dans le comité de ville qui regroupe donc, 60 ou 70 personnes c’est à dire un peu les bureaux de chaque section, secrétaire de section et les trois, quatre personnes qui l’entoure et notre liste est passée à l’unanimité donc ce qui veut dire que les gens se rendaient compte qu’on avait essayé que tous les quartiers soient représentés, que…y compris dans les choix des socialistes quoi. Pour le choix des réunions, des dates, ainsi que de tout ce qui concerne la logistique y avait-il une personne de responsable ? C’est Pierre de Saintignon et moi … (…) En fonction des libertés des salles et de l’idée de faire comme vous l’avez vu qu’il y ait une réunion par quartier , plus Hellemmes et Lomme, plus des réunions thématiques qui était l’idée de sortir du quotidien pour aider les gens à réfléchir sur des sujets qui les préoccupe comme la sécurité alimentaire, etc… Et sinon vous l’avez traversée comment cette campagne ? Non ,très sereinement, on s’est bien marré en plus, vivante, gaie, vous savez quand on a vécu ce que j’ai vécu pendant un an et demi c’était un plaisir. C’était sérieux mais la grande différence entre ici et au ministère et je ne regrette absolument rien de ce que j’ai fait pendant trois ans et demi, c’est qu’ici j’ai l’impression que 90% de mon énergie va vers du positif alors qu’au ministère 90% de votre énergie va à contrer les peaux de bananes, les corporatismes, les machins et donc on use une énergie considérable à faire bouger les choses et c’est quand même extrêmement dur car on ne rétablit pas les comptes de la sécu en faisant plaisir aux gens donc c’est un combat permanent, donc au bout de trois ans et demi, je suis quand même quelqu’un qui aime bien me marrer, qui aime bien les rapports un peu sympa, un peu cool quoi et c’est vrai quand vous êtes toute la journée en train de vous coltiner à des gens y en a marre quoi, je veux dire, moi je me bats et je l’ai fait très volontiers parce que je croyais en ce que je faisais mais quand même mieux travailler avec une équipe en toute sérénité, d’avancer ensemble parce qu’on a des objectifs en commun et dans la campagne c’était effectivement ça quoi. On a observé que la volonté de concertation était très présente dans la campagne, elle transparaît fréquemment dans tous les thèmes, dans le programme, dans vos actes en quoi est-ce pour vous un élément primordial ? Ben, c’est simple je pense que la politique ça n’est pas désincarné, c’est pas des réponses comme ça théorique qu’on apporte en chambre, c’est un aller retour entre des problèmes, des attentes qu’ont les gens, des attentes, ou des aspirations positives qu’on peut avoir, donc c’est d’abord la nécessité d’écouter et ensuite aussi d’élaborer des réponses qui correspondent aussi a ce qu’attendent les gens, c’est pour cela d’ailleurs que dans le programme, vous l’avez vu, on va sur tous les sujets : qu’on aménage une crèche ou un jardin public on va demander leur avis aux gens, non pas qu’ils aient toujours raison contre les experts, mais je pense qu’on se trompe très fréquemment si écoute pas exactement leurs aspirations donc ce qui est vrai pour des équipements pour l’aménagement d’une place c’est encore plus vrai sur des priorité ou sur, voilà . Bon en plus je pense que c’est ça qui est intéressant dans une ville c’est d’être au contact avec les gens aussi bien pour régler les problèmes individuels, que pour apporter des réponses collectives en plus je crois que c’est comme ça qu’on peut plus les mobiliser, c’est à dire faire en sorte qu’ils s’investissent pour qu’elle change, ma conviction c’est qu’on ne peut pas tout faire si les gens ne s’y mettent pas, c’est vrai du débat sempiternel auquel vous avez assisté sur les crottes de chien, qui est absolument incroyable je veux dire dans toutes les villes, le sujet majeur ça a quand même été les crottes de chien. Si il n’y a pas un peu de civisme on peut faire ce qu’on veut, on ne va ramasser toute la journée des crottes de chien mais d’événement comme cela jusqu'à des événements sur la solidarité où on peut dire aux gens qui vont bien aux retraités, vous pouvez passer un petit peu de temps à aller voir les mômes en difficulté, à aller dans les maisons de retraite voir les plus âgés que vous à des personnes actives qui sont au 35 heures vous pouvez passer un peu de temps dans des associations, c’est aussi bien du civisme, chacun doit remplir son rôle de parents, de parents d’élève de locataire jusqu'à, vous pouvez passer une partie de votre temps , de votre énergie a apporté quelque chose aux autres et si on intègre pas les gens dans un programme s’ils ne sentent pas porté et si il ne se reconnaissent pas dans ce qu’on leur propose comme projet et bien il ne sont pas mobilisés, voilà. Donc c’est une nécessité pour répondre a leurs problèmes mais aussi pour les mobiliser et vous avez vous, le nous, vous Lille sur la concertation on a eu 400 demandes dans les conseil de quartier c’est hallucinant. Car c’est une soirée par mois, ça nécessite de bien connaître le quartier d’avoir des propositions on a eu des lettres et toutes les candidatures sont intéressantes Oui mais les conseils de quartier ont peu de pouvoir ? Oui, mais on va les renforcer, ça c’est clair qu’aujourd’hui… D’abord un ça a été un progrès très important, les mairies de quartier : les mairies de quartier parce qu’il y a du service de proximité pour les gens que ça soit pour demander une fiche d’état civil, une aide sociale, le C.CA.S et à coté des services chez vous, des bons pour les vacances, un problème d’inscription dans une école primaire tout se fait par la mairie de quartier et je crois que c’est très très apprécié par les Lillois et là Pierre Mauroy a été un précurseur, il a fait ça en même temps que Grenoble il y a 25 ans. En revanche les conseils de quartier n’ont, à mon avis, pas suffisamment de pouvoirs pour deux raisons : d’abord leur composition était trop politique, normalement c’était 50/50 50% les partis politiques au prorata des élus et 50% devant représenter les forces vives dans les faits dans les cinquante pour cent des forces vives, il y avait un arrangement avec l’opposition et je te mets untel et tu me mets un commerçant et je t’en mets un. Là on a complètement changé les chose puisque dans les cinquante pour cent… Et puis après ben ici Bernard Roman a discuté avec l’opposition, moi j’ai complètement cassé ça j’ai dit il y a50% des politiques et les cinquante autre % les 2/3 représentent les forces vives économiques, sociales et culturelles de votre quartier c’est sur qu’on met plus de commerçants dans le vieux Lille qu‘à Lille sud. Regarder par rapport à votre nombre de conseil qu’on a réévalué en fonction du dernier recensement, regarder comment vous voulez répartir les 2/3 de ces 50% entre le monde culturel, le monde économique, le monde sportif, les intervenants associatifs, faite une répartition et dans ces 2/3 essayer de faire en sorte que les gens qu’ils représentent soient vraiment représentatifs des autres et quand vous avez une hésitation : vous vous réunissez . Par exemple j’ai deux postes pour le milieu sportif : réunissez les associations sportives de votre quartier et dite leur il me faut deux représentants. C’est pas à nous de les choisir et puis le tiers c’est pour des personnes incontournables dans le quartier …quelqu‘un qui a un rôle, quelqu’ il soit ; les habitants d’où l’appel aux habitants, pas l’habitant qui dit : « moi j’ai un poteau devant ma fenêtre que je veux faire changer donc je vais être au conseil de quartier ! » Non, les habitants c’est pour cela qu’on a demandé une lettre de motivation, qui ont des idées pour leur quartier, qui ne sont pas obligatoirement les dirigeants d’une association mais qui sont dans une association de parents d’élèves, de locataires, qui ont une implication dans le quartier, qui peuvent parler aussi au nom des autres et c’est aussi dans cette partie là qu’on va intégrer des jeunes car c’est très difficile, en général ils n’ont pas obligatoirement, c’est pas les forces vives ou ils ne sont pas encore au top. J’ai demandé à chaque président de conseil de quartier d’abord de recevoir les habitants dont les lettres de motivations était intéressantes et là, je voyais Marie-Thérèse Rougerie hier au centre elle a 50 candidatures elle me dit : « je vais en recevoir 48. » parce que pour choisir des gens un peu différents mais qui sont impliqués dans le quartier et d’aller vers les jeunes et d’essayer de voir, ça c’est plus difficile évidemment, quels sont les jeunes qui peuvent être représentatifs du quartier, alors soit parce qu’il y a des associations de jeunes, soit parce que dans un centre social y un ou deux jeunes qui sont vraiment moteur et moi je leur ai dit je ne m’en mêle pas, donc il n’y a pas de lecture politique, non seulement ça mais je leur ai dit je ne veux pas que l‘on fasse rentrer par la fenêtre le militant socialiste qu’on a plus mis sur la listes des socialistes Moi j’ai l’impression que quelque part c’est quand même un peu instrumentalisé ces composition de conseils de quartier ? Non Là, vous avez amélioré la composition des conseils de quartier… Nous l’avons complètement changée.. A coté de cela il y a 50% de militants politiques…et le reste de ces gens sont quand même intégrés politiquement, qui ont quand même une conscience politique… Non, non, non pas une conscience politique, quand j’ai le président de l’union commerciale Soé( ?) président de l’union commerciale de Fives il vote à droite ce monsieur je le sais très bien, ça n’a aucune importance, il a aucune conscience politique, lui il défend les commerçants du quartier, eux, ils sont là pour défendre des intérêts et c’est bien qu’ils soient là parce que les commerçants ils ont des choses à dire. Quand je vais prendre un jeune par exemple je crois qu’il dirige…Kool…Kool 911 sur les cultures urbaines à propos de Béthune qui s’est créé avec une quinzaine d’autres gamins, bon lui, il a aucune culture politique, sa seule culture c’est celle de la musique et la culture des jeunes, bon ! et donc euh…les militants moi, je les connais, bon, moi je leur ai dit : « n’essayez pas de me les refiler des militants par la porte parce que de toute façon moi je les connais, donc quand j’aurais la liste je l’saurais », donc non, vous allez voir qu’on va avoir des gens, et même l’opposition l’a accepté et ce qui est marrant aujourd’hui c’est que c’est l’opposition qui vient nous refiler des noms en disant : « Vous ne pouvez pas mettre untel parce que je n’ai pas réussi à le mettre sur ma liste » j’lui ai dit mais non, je ne veux…je n’m’en occupe pas. En plus alors là vraiment entre nous, euh, pas écrit…on a six présidents de conseil de quartier sur dix qui sont pas socialistes…qui sont des personnalités, donc eux vous voyez, mais même les socialistes, ils ont accepté d’jouer l’ jeu ; moi j’leur ai dit de toute façon je regarderai ça hein, alors euh…il peut y avoir une personne qui est proche de la gauche parce qu’elle est engagée sur…non socialement, on va pas la retirer parce qu’elle est proche de la gauche, mais comme les commerçants, ils sont proches de la droite, si vous voulez bon !… et c’est pas grave, j’m’en fou hein…donc euh…de toute façon ça n’aurait aucun sens euh…’fin moi j’le fais pas par euh…déontologie, j’le fais parce que ça n’a pas d’intérêt d’avoir des gens qui sont d’accord avec vous…qu’est ce que j’ai intérêt à avoir en conseil de quartier ? des gens qui ne soulèvent les problèmes des gens pour pouvoir réagir…si c’est des gens qui vous expliquent comme avant, parce qu’ils expliquent quand même ça que tout ce qu’on fait est bien et qui sont des bénis oui oui…ça n’a aucun intérêt, mais qu’il y est la moitié des forces politiques, c’est quand même essentiel, parce que j’veux dire on est quand même dans une démocratie, on n’est pas en train de…bon il faut, ‘fin, c’est…ou alors, ou alors on change de régime ! ou bien dans l’autogestion, si vous voulez…ce qui n’a jamais été, bon…pour moi je crois qu’avant c’était deux tiers parti politique, un tiers euh… force vive, maintenant c’est cinquante cinquante et dans le cinquante non politique…c’est vraiment des non politiques et vous verrez les compositions et moi j’ai dit au président « vous savez, je ne veux pas les voir, vous me les envoyez, j’les passe à l’opposition pour qu’elle vérifie qu’il n’y a pas de problèmes, j’vais voir Christian Decocq, euh…j’suis allée le voir pour lui dire que…il m’a dit mais est-ce que…mais c’est dramatique pour nous ce que vous faites parce que vous ouvrez à tout le monde, ben j’dis oui c’est dramatique pour vous parce qu’on va écouter les gens ! (rires). Si on parlait de Christian Decocq , on a vue qu’il parlait pas mal de l’insécurité pendant la campagne, nous avons l’impression qu’il vous a porté sur ce problème ? Vous savez le problème de l’insécurité, moi depuis que j’ai terminé en Octobre, j’avais fait ce que j’avais déjà fait avant de partir, donc j’avais arrêté quand j’étais ministre c’est à dire ces réunions avec le préfet, le procureur de la république, le préfet de police une fois par semaine tous les Vendredi après-midi, donc moi c’est un sujet qui me tient énormément à cœur. On a eu l’impression que les gens étaient beaucoup… Parce que ça sert à rien d’en parler, vous savez l’insécurité moins on en parle, il faut faire et pas parler, voilà eux ils parlent, il ne font pas. Alors quand on me pose des questions je suis bien obligée de répondre mais je pense que ce sont des sujets où plus vous en parler plus vous créer ce sentiment ce sentiment d’insécurité, alors que finalement les gens qu’est-ce qu’ils vous demandent ? ils ne vous demandent pas de crier au loup en disant plus jamais ça, en voyant des voitures brûler, ils vous demandent de régler les problèmes et moi ma conviction profonde et j’ai beaucoup contribuer au niveau du gouvernement sur les contrats locaux de sécurité sur la police de proximité c’est que c’est un travail en coordination entre une municipalité, la police ; la justice, les acteurs éducatif sociaux de terrain, on arrive a traiter des problèmes c’est à dire faire en sorte que chaque acte donne lieu à une sanction proportionnée, voilà et c’est ce qu’on est en train de faire maintenant et là les cellules de veille qu’on a mise en place dans chaque quartier et qu’ensuite on regroupe par une réunion avec le procureur le préfet de police et c’est quand même très lourd tous les vendredi je me tape ça depuis le 18 Octobre mais c’est essentiel parce que à chacun je leur dit : mais alors qu’est-ce que vous avez foutu ? Mais comment ça se fait la justice comment ça fait un mois que les mômes(…) hein !Toujours rien, alors qu’ils étaient en flagrant délit mais alors avec des gamins de cet âge là a quoi ça sert… On voit les parents, on fait de l’accompagnement social si c’est nécessaire, on est tous autour de la table en se disant, arrêtons de nous dire que c’est la faute de l’autre, on a tous une part de responsabilité dans la réponse et essayons pour chaque cas de trouver la réponse et que chacun remplisse bien son boulot et ça commence a avoir des vrais réactions alors les résultats il vont pas avoir lieu dans les trois semaines hein. Mais par exemple on a des gens qui commence à parler, y a des rackets ils ne nous parlaient pas, ils parlent. On a les enseignants qui maintenant jouent le jeu avec nous, heu on a des parents d’élèves, c’est à dire de plus en plus les gens considèrent que c’est une affaire où ils ont aussi leur mot à dire quoi. C’est la grande différence avec la droite ici on pense implication et eux ils pense répression et montrer cette répression… Voilà alors qu’on sait très bien que ça n’a pas de sens, la tolérance zéro moi je ne sais pas ce que cela veut dire, c’est ça veut dire tout acte, quel qu’il soit effectivement doit donner lieu à une réponse la réponse ça peut être une réponse éducative, une sanction comme une tache d’intérêt général, bon oui…mais dans ce cas là, faisons-le, n’en parlons pas car en parler aujourd’hui c’est vouer à l’échec, car on ne peut pas du jour au lendemain euh…voilà donc il faut le faire, et puis avoir les résultats peu à peu et puis après on explique ce qu’on a fait, quoi voilà. J’aimerais bien qu’on revienne un peu sur les concertations… Alors pardon je ne vous ai pas dit qu’on aller conforter quand même le rôle des conseils de quartier hein…à la fois euh…d’abord en terme budgétaire puisqu’ils vont avoir des moyens plus importants, on va leurs associer les services techniques de la ville pour qu’il y est une brigade d’intervention polyvalente dans tous les domaines c’est à dire que pour que le président de conseil de quartier on l’appelle, il manque une ampoule, il manque un pavé euh…il y a une petite réparation à faire dans une école, c’est eux qui le feront directement. D’autres parts les conseils de quartier maintenant vont être très en amont et d’ailleurs c’est déjà le cas : Tous les adjoints, vous ne pouvez pas prendre une décision dans un quartier sans en avoir discuté avec le président de ce quartier alors qu’avant le président de conseil de quartier voyait un jardin qui florissait, des travaux qui étaient fait dans une rue, il n’était pas au courant. Donc là, il y a vraiment un travail…moi je réunis les présidents de conseil de quartier tous les quinze jours euh…je vous parlerais aussi après, parce que je crois que c’est très important, du fait qu’on travaille très collectivement maintenant…et donc deuxièmement, ils auront leur avis à donner sur tout ce qui les intéresse directement et avant c’était formel …aujourd’hui, ils vont, leur avis sera donné en conseil municipal et l’adjoint concerné sera obligé de dire ce sur quoi il a suivi et pourquoi il a pas suivi certains aspects, donc il y a vraiment un dialogue qui va s’instaurer troisièmement il auront un budget décentralisé plus lourd et puis le président du conseil de quartier, il va être le représentant du maire dans sa volonté de concertation, donc les conseils de quartier ça va pas être seulement on examine les délibérations qui passe au prochain municipal pour donner un avis qu’on va foutre dans un dossier, c’est aussi vous devez prendre les thèmes des, vous devez avoir des débats dans les conseils de quartiers, pour les thèmes qui intéressent le quartier. Vous devez inscrire les personnes qui sont dans un quartier qui vous disent, je sais pas je voudrais avoir un débat sur la sécurité ou je ne sais pas quoi la sécurité des enfants aux sorties des écoles, euh sur l’aménagement de telles structures, vous devez avoir des débats, vous devez être des maires locaux. Donc parce qu’on a vu qu’il y avait le conseil communal de concertation qui avait été mis en place lors du précédent mandat, apparemment il ne donne que des avis consultatifs, est-ce soit les conseils de quartier soit le Conseil communal de concertation vont avoir un pouvoir de décision plus… Non mais cela ça serait même contraire à la constitution, si vous voulez, le conseil municipal décide parce qu’on est des élus du peuple, l’important c’est le poids de leurs propositions ; bon d’abord si ils sont crédibles d’où l’importance de la composition, si vous avez uniquement des gens qui écoute ce que dit l’équipe municipale et qui dit ah comme ils sont formidables ces braves gars ça n’a aucun intérêt pour nous. Moi ce qui m’intéresse c’est qu’on me dise ce qui ne vas pas moi je suis sur le terrain je suis 2H au moins si ce n’est pas 3H, par jour dans la ville dans un quartier. Donc je suis complètement…déjà j’écoute et tous les 15 jours euh ma réunion avec les conseils de quartier où on fait le tour de chaque problème dans chaque quartier et on réagit ce qui n’arrivait jamais, entre nous les conseils de quartier n’ont pas étaient réunis ne serait ce qu’une seule fois par Pierre Mauroy, sur tous les derniers mandats pas une seule fois nous on se voit tous les quinze jours quoi, donc si voulez ça change tout euh…là ils organisent les forum citoyens c’est eux, on les prépare avec eux, on fait un dossier par quartier on va voir comment animer ces réunions pour que les gens puissent vraiment s’exprimer, qu’il y ait des suites mais c’est eux qui vont vraiment les animer. Donc les avis vont être pris en compte, plus pris en compte que par le passé ? Pour moi c’est pas une contrainte, c’est un nécessité ou alors vous êtes décalés de ce que veulent les gens. L’objectif c’est quand même de régler leur problèmes c’est pas de faire ce qu’on a envie nous, donc c’est une nécessité pour l’efficacité quoi, je ne dirai pas qu’ils était instrumentalisé je dirais on ne voulait pas oui pas de vague, moi je préfère 100 fois des gens qui viennent me dire alors vraiment vous déconner complètement ça va pas du tout pour qu‘on puisse réagir plutôt que d’apprendre trois ans après que ça va pas donc on a intérêt à ça et la critique pour moi je veut dire n’est pas gênante au contraire elle permet d’avancer quoi vous voyez . C’est une autre façon de voir les choses c’est d’accepter que les gens nous disent là où ça fait mal. Est-ce que ça ne serait pas une réponse aussi à la crise de légitimité du politique de lasser la parole aux citoyens, parce qu’on a l’impression que l’élection en fait ne donne pas un blanc seing aux politiques et qu’il doit travailler avec la population… Blanc seing c’est quand même qu’on a un projet, un programme et qu’on a pris des engagements et qu’il faut les respecter, moi très franchement ce discours sur la proximité …heureusement que quand on est élu…Qu’on est l’air de découvrir aujourd’hui vous avez vu la campagne que j’ai faite je veux dire, j’ai pas attendu qu’on m’explique les résultats du deuxième tour pour comprendre que les gens avaient besoin de proximité, être élu local sans faire de la proximité je vous demande a quoi on sert, pour moi c’est intraséque a la fonction d’élu d’être a l’écoute des gens de leur demander leur avis, autrement ça n’a absolument aucun sens d’être élu local donc les gens veulent la proximité et bien oui, ils veulent que les élus les entendent, les écoutent et répondent à leurs questions il me semble que ça a toujours était le cas ou plus … L’idée qu’on ait l’air de découvrir cette idée de proximité moi ça me tue ! C’est aussi, pour certains l’idée d’avoir un mandat de faire une carrière politique Mais oui, mais quel intérêt moi je veux dire si c’est pour s’enfermer dans son bureau. Non mais ça, franchement moi j’préfère gagner de l’argent dans une entreprise ou aller de l’humanitaire en Afrique noire là ou je suis utile quoi. Si c’est pas pour être utile aux gens ça n’a pas de sens quoi donc on va vraiment…et les présidents de conseils de quartier se sentent énormément confortés et les deux trois qui sont rester de l’ancienne équipe ils disent ça change tout quoi. Alors en terme de fonctionnement moi je réunis tous les lundi matin j’ai organisé la ville en pôles les élus donc on a huit pôles, vous avez ça la répartition je vais demander à Hervé Barrez qu’on vous les apporte.. Enlevez moi une minute votre truc là (coupure pour critiquer l’ancienne gestion a la Mauroy et le temps que le papier sur les pôles arrive) Je vais donner la liste la participation, le sport, la culture etc …Donc ces 8 animateurs de pôles parce que les autres n’ont pas un pouvoir hiérarchique je veux dire, chacun à sa délégation mais je les réunis tous les lundi de 8h à 13h, là qu’est-ce qu’on fait on prend un demi-heure pour regarder un sujet d’actualité, bon là il y a eu un incendie dans la ville il y a eu un problème pour qu’il soit tous informés et ensuite on prend des sujets qu’ils ont demandé de mettre à l’ordre du jour, soit parce qu’ils veulent faire prendre des décisions soit parce qu’il y a un problème dont il faut que l’on discute ensemble. Donc tous les grands dossiers sont traités collectivement et éventuellement on décide de faire une réunion deux réunions particulières pour approfondir tel ou tel dossier a cette réunion. Tous les lundi 11H-13H, tous les 15 jours je vois les présidents de conseil de quartier donc là aussi tour de table sur les points qu’ils ont chacun dans leurs quartier et puis on prend un ou deux sujets communs comme par exemple la réorganisation des services techniques , comment marchent les ateliers logement qui permettent de traiter les problèmes des logements des personnes les plus en difficulté, on a travaillé ensemble sur les conseils de quartier, on a fait un petit groupe qui a présenté les propositions des 2/3 , 1/3 du fonctionnement après on en a parlé avec eux on a mis le dispositif que vous connaissez, tous les mois je vois les 46 de la majorité avec à chaque 2 thèmes donc c’est un travail extrêmement collectif quoi. Moi par ailleurs j’ai ici, au cabinet des gens qui analysent tout le courrier avec l’idée que toute lettre doit entraîner une réponse et pas seulement envoyer l’adjoint ou le délégué en lui disant débrouillez-vous , donc nous on vérifie que les réponses soient apportées, quels types de réponses , quand ça n’avance pas on relance, quel type de réponse et on me retire du courrier des choses qui ne vont pas dans la ville que je vais voir, des problèmes de gens en vrai difficulté qui font que si on ne les aide pas ils n’y arriveront jamais voilà ça permet d’être à mon contact et on me fait une petite analyse du courrier, quels sont les thèmes qui remonte le plus etc.. Et puis comme je vous l’ai dit je passe beaucoup de temps dans la ville soit parce que on m’a relevé le problème je vais voir, soit tout simplement dans la vie de la ville, donc je ne préviens pas je ne vais pas inaugurer quoi, j’ai demandé à tous les présidents de conseil de quartier de me remonter tout ce qui se passe dans leurs quartiers, chaque semaine et bon il y a une fête dans une école j’y vais, je laisse Ariane Capon faire son discours, le président de conseil de quartier, il y a la fête dans une association il y a un déjeuner de femmes Maghrébines hop j’y vais, alors comme ça je sens les gens je parle avec eux et je laisse faire les adjoints ou les présidents de conseil de quartier, parfois je ne préviens pas du tout, en règle générale je préviens juste l’adjoint au dernier moment comme ça les gens sont normaux ils ne se préparent pas : il y a madame le maire tout va bien, et c’est comme cela qu’on sent les gens. Voilà ! Et la plupart des grands projets dont on a parlé comme Eurallile ne sont pas élaborés en concertation avec la population là c’est plus possible, est-ce que ça va changer ? Il y a plus de grands projets comme cela, maintenant qu’est-ce que c’est les grands projets il y a des grands projets pour les quartiers hein aménagement de place etc… Oui mais pour Lille 2004 capitale européenne de la culture , il va il avoir de grands projets est-ce que la concertation… Ah oui ça c’est complètement concerté, alors là c’est même moi je passe aujourd’hui entre deux ½ journée et trois ½ journées par semaine sur Lille capitale culturelle. Par exemple avec les grapheurs, avec les hip-hopeur, avec les rappeurs, avec la population sur ce qu’on fait dans les maisons folie… Ce que l’on voulait c’est est-ce qu’en fait ça agit à la marge la concertation ou bien ou est-ce que ça agit vraiment sur les grands projets ? Bien évidemment par exemple sur Lille 2004 Capitale culturelle on en est à la quatrième réunions avec les habitants à Wazemmes pour savoir ce qu’on va faire dans la maison folie de Wazemmes qui va être gérée par les habitants, on est en train d’inventer un nouveau concept de maison de la culture ou de maison de quartier on va réhabiliter une ancienne usine, pour l’instant on a trois projets un à Wazemmes, un à Moulins, un à Fives et cette ancienne usine là en l’occurrence l’usine Leclerc va être, euh…il y aura une salle des fêtes, de spectacle qui va être gérée par les associations culturelles du quartier. Donc nous la ville qu’est-ce qu’on fait on fait les travaux on met le mécanisme technique, on met un gardien et un technicien ; la salle de spectacle est gérée par les associations culturelles du quartier, ils font leur programmation donc ils se programment eux mêmes ça peut être l’accordéon, la musique populaire comme le rap il invitent ils organisent. Ensuite il y aura une salle polyvalente si je puis dire, gérée par des habitants qu’on peut réserver pour un mariage pour une association qui fait une fête avec des cuisines, avec des habitants qui vont gérer les cuisines, des jardins qui vont être gérés par des habitants qui auront envie de gérer les jardins. Cela ne risque pas d’être un peu anarchique ? Non, vous verrez bien… Ce sont les gens qui vont se gérer entre eux (moue dubitative) ? Mais bien sûr on a déjà des jardins comme ça qui marchent très, très bien à Lille. Et puis des ateliers d’artistes et un hammam car la population, puisqu’on les a consulté, a demandé un hammam dans ce lieu de convivialité donc les gens qui vont venir à un hammam ou a une fête pour un mariage ils vont passer dans les ateliers d’artistes, ah oui il y aura aussi un petit studio d’enregistrement rap etc.. Donc c’est un peu la maison de tout le monde mais c’est aussi, c’est chacun qui porte ses projets et qui doit les gérer entre eux. Bien évidemment au départ on va les aider sur le plan de la gestion, sur le plan de l’organisation etc , mais ça doit être leur lieu c’est eux qui font. Ce n’est pas nous qui donnons des services aux habitants, ce sont les habitants qui prennent possession de lieux et qui les gèrent éventuellement ces lieux peuvent changer d’affectation en fonction des besoins ou de ce que demandent les gens. Donc c’est pour vous dire que dans Lille 2004 il y a une très, très grande implication on est en train de créer des remblats de la gare jusqu’au Quai du Wault qui vont être fermés tout les week-end à la circulation qui vont être animés pendant un an, ensuite tous les week-end pour l’avenir ils vont être animés aussi bien par des gens qui viennent de l’extérieur, on va exemple parader ce sera Shanghai pendant une semaine , ce sera NewYork mais on dit aussi aux accordéonistes vous préparez une semaine d’animation, on dit aux hip-hopeur vous faites une semaine d’animation tous ceux qui font des choses culturelles dans la ville vont avoir l’opportunité d’animer un , bon donc tout cela ça demande énormément de temps de concertation c’est passionnant aussi on a un autre rapport avec ces publics. Pour en revenir à la campagne …. Il faut qu’on avance là… Il me semble qu’on a assisté a une dépolitisation de la campagne au profit d’une relation de proximité et une volonté de rendre des services à la population, on a pu le voir sur le marché beaucoup de gens viennent vous demander des services, on a eu le sentiment que la campagne n’était pas trop politisée ? D’abord je pense que c’est toujours le cas dans les élections municipales par rapport aux autres élections, elles sont beaucoup moins politisées, heureusement d’ailleurs parce que je pense que ce qu’il y a de plus important pour les gens, c’est de se dire que leur maire est utile, qu’il est à même de leur apporter des réponses quelles que soient leurs opinions politiques. Re-intervention de la secrétaire qui amène cette fois ci les bons papiers Donc vous nous disiez que les municipales c’ était souvent comme ça c’était moins politisé Oui c’est moins politisé et puis là en l’occurrence l’inexistence de la droite traditionnelle bon en plus moi de tempérament je n’aime pas attaquer les gens et quand je peux pas parler de leur programme parce qu’il y en a pas je ne parle pas d’eux, moi je ne vais pas attaquer Decocq parce qu’il habite, comme l’a fait Bienvenu à l’extérieur de Lille parce qu’il gagne 1.4 millions, moi ça ne m’intéresse pas. Decocq il fait ce qu’il veut de sa vie ce n ‘est pas mon problème, mon problème et de savoir ce qu’il veut faire pour la ville, or je n’ai pas eu à parler de lui parce qu’il n’avait pas de programme et comme je n’avais pas envie de l’attaquer, parce que je n’aime pas attaquer les hommes et les femmes pour ce qu’ils sont et plutôt avoir un débat d’idée, on a pas parler de lui quoi, voilà. Et d’ailleurs les résultats pour lui on été assez significatifs. Et comment ont été utilisé…, quand on vous demandait des services, ,vous avez suivie chaque dossier ? Bien évidemment, chaque dossier et là on 10 personnes qui travaillent uniquement làdessus. Déjà avec rien que ce que vous avez eu sur la campagne ça demande déjà un travail énorme… Oui on a réglé énormément de problèmes. Hier j’étais, car je ne sais pas si je vous l’ai raconté, j’ai un groupe de femmes avec qui je travaille depuis plus de 2 ans femmes à Lille sud, j’en avez tellement marre à Lille sud du fait qu’on ait du mal à entrer dans ce quartier et les seuls jeunes avec qui la mairie de quartier avait des relations c’était des jeunes qui foutaient le bins on y arrivait jamais. Moi j’ai fait ce que j’ai fait avec ma fondation j’ai réuni des femmes de Lille sud en me disant que les mères elles ont toujours envie que ça aille mieux pour leurs mômes et on leur jamais leur avis, surtout dans un milieu très maghrébin où c’est les hommes qui sont… Et donc on a monté il y a deux ans, une réunions avec 5 femmes, 10 femmes maintenant elles sont une cinquantaine que je réunissais le Samedi matin une fois par mois, que je continue à réunir et elles ont fait, d’abord ces femmes ont fait un atelier d’alphabétisation, on les a aidé à le monter, la plupart parlaient pas français, elles parlent Français. Hier, elles ont sorti leur premier journal, elle ne sortaient pas de chez elles, elles ont souhaiter aller à la piscine, on a mis pas mal de temps parce qu’elles sont musulmanes, elles voulaient une maîtresse nageuse elles ne voulaient pas d’hommes avec elles on a trouvé les moyens. On a enfin monté un jardin d’enfant qu’elles vont garder ellesmêmes, elles ont monté des pièces de théâtre. Elles sont en train d’organiser les problèmes dans les pieds d’immeubles avec les gamins, elles rentrent en discussion avec eux, c’est à dire qu’on est dans une logique de… Dans ces femmes il y avait plein de problèmes de leurs enfants, de leur maris, on a réglé pratiquement tous les problèmes les uns après les autres. Dés que les gens montrent une volonté vraiment de …je dis pas qu’on a réglé tous les problèmes de logement par exemple mais les plus cruciaux parce que là y en a beaucoup des gens qui sont dans un F3 et qui veulent un F5 et on ne peut pas inventer des F5 qu’on a pas et tous les cas vraiment difficiles on les a réglé et puis on continue puisque moi à chaque fois que je sors dans la ville j’ai un nouveau dossier donc on les traite. Pour terminer dernière question : on a appris que vous alliez préparer le programme du parti socialiste pour 2002 et est-ce que vous aller mettre en avant ce principe de concertation dans le programme ? Ben oui c’est exactement le même je sais pas, 300 groupes qui travaillent sur des sujets diverses et variés et c’est le parti socialiste ouvert vers l’extérieur avec des intellectuels, des experts, des membres du milieu associatif syndical, avec des experts selon les sujets et moi par ailleurs je fais avec le petit groupe constitué autour de moi pour le projet on fait des auditions de gens un peu décalés par rapport à nous et sur des sujets un peu horizontaux, on a pris la jeunesse, la mondialisation, les institutions et là on fait par exemple la culture, la famille, l’environnement et à chaque fois on voit plutôt des gens qui décoiffent et pas là aussi des gens qui sont d’accord avec nous, par exemple la dernière que j’ai fait sur la mondialisation il y avait par exemple l’économiste d’ATTAC Christophe Aguiton, euh Lin Van Hoc qui est le Bourdieu en économie, un des économistes les plus gauchos, avec Zaïki Laïdi et Daniel Cohen qui sont pas du tout politisés, mais qui sont plus proches d’économistes classiques et c’est un débat très très intéressant. Sur la jeunesse aussi, j’ai eu des sociologues qui ont des entrées très différentes, quoi, sur l’identité des jeunes sur les jeunes et la politique, voilà donc là aussi et puis on a fait dans chaque fédération une réunion avec les militants ouvrant aussi sur les acteurs de la vie locale. ENTRETIEN AVEC GUY LEFLECHER concernant les réunions publiques Depuis combien de temps vous occupez-vous des interventions du public dans les différentes réunions publiques ? J’avais fais les dix réunions de quartier lors des élections de 1995… Donc déjà en 1995…. Oui, donc en 1995, dix réunions de quartier et un meeting public, deux jours avant les élections et on a repris la même formule pour 2001. (…) En 2001, il y a eu dix réunions de quartier, trois réunions thématique, une réunion à Hellemmes et une réunion à Lomme, la réunion de Lomme c’est la seule que je n’ai pas animée, c’est la dernière réunion qui a eu lieu juste avant les élections et les Lillois, entre guillemets avait été prié de ne pas trop se montrer à Lomme, si bien qu’a la tribune de la réunion publique de Lomme, il n’y avait que des Lommois, un ou deux candidats de la liste de Martine Aubry étaient présent dans la salle mais il n’y avait pas eu, il n’y avait pas de Lillois qui s’occupaient de la sono, pas de Lillois animateur et pas de candidats Lillois à la tribune. Même le service de sécurité nous a dit qu’il y avait eu des problèmes entre la sécurité lommoise et lilloise… Absolument, absolument oui, oui… Il y aurait eu une sorte de rejet ? Absolument, si bien que finalement la sécurité lilloise est repartie laissant le terrain aux Lommois parce que vraiment ils sentaient que dans la population ça gênait un peu donc, alors qu’à Hellemmes vu que quand même la ville est associée depuis plus de 20 ans il n’y a plus de problèmes entre Lillois et Hellemmois, donc c’est la seule réunion à laquelle je n’ai pas participé. A cause de ce problème-là ? Oui, mais je n’étais pas seul, tous ceux qui étaient de l’infrastructure de la campagne n’était pas présents. Et donc vous vous êtes déjà occuper de la campagne de Pierre Mauroy… Oui. Etait-elle vraiment différente de ce que vous avez vécu en 2001 ? Moi j’ai fait les campagnes de Pierre Mauroy également de 1989, en 89 on n'avait pas fait de débats on avait fait uniquement des réunions de conseil de quartier, réunions publiques de conseil de quartier et ensuite les habitants qui étaient conviés s’adressaient directement au maire mais de manière informelle, pas sous forme d’un débat public on a compris cette nécessité de débat en 1995. En 1995 Pierre Mauroy a lancé ces 10 débats de quartier, ça se passer un peu différemment, à mon avis la différence entre 2001 et 1995, il y a plus de monde en 2001 au niveau de la présence dans les débats, deuxièmement j’avais l’impression que les habitants s’adressaient plus facilement à Martine Aubry, plus directement alors peut-être que la stature, le physique de Pierre Mauroy faisait que le dialogue s’engageait un peu plus difficilement, Pierre Mauroy avait un peu tendance en 1995 à faire de longues interventions laissant peu de place au débat alors que là Martine Aubry faisait, donc d’abord elle saluait les présents à la réunion ensuite elle faisait un petit topo sur le quartier telle qu’elle le ressentait, pas simplement au niveau des problèmes qu’il pouvait y avoir mais également les satisfactions qu’il y avait dans le quartier, les habitants qu’elle mettait en valeur, les initiatives qu’elle rappelait, ensuite elle faisait une courte intervention sur son programme ensuite, Pierre Mauroy intervenait s’il était présent et il n’a pas été présent à toutes les réunions, ensuite débat avec la salle et il pouvait y avoir un, deux ou trois élus qui intervenaient si c’était des sujets qui les concernaient directement. La réunion durait deux petites heures et pouvait se prolonger pendant une petite demi-heure, par des interventions directes auprès de Martine Aubry comme ça de manière informelle dans le cadre de la discussion privée quoi . Donc cela nous avons pus l’observer lors de nos des réunions auxquelles nous avons assisté … Toutes les réunions n’ont pas été pareilles chaque réunion a eu un déroulement spécifique Oui mais le cadre de fonctionnement que vous venez de m’expliquer a toujours été le même, ça c ’est toujours passé de la même manière ? Oui Y a-t-il eu des réunions plus ou moins houleuses ? Y a eu deux réunions difficiles ça a été les deux premières, Lille sud il y avait dans la salle les leaders de la liste de Farid Sellani mais ils ne sont pas intervenus directement ça a été d’autres qui sont intervenus mais on sentait qu’ils étaient en constitution de liste et qu’ils avaient une forte présence. Moulins où là il y avait le problème des sans papiers qui voulaient encercler la réunion, la police a du intervenir pour maintenir les gens à l’écart et ça a été une réunion comme à Lille sud où on ne comprenait rien, bordélique, on peut le dire. Ensuite il y a eu une réunion plus calme, la troisième c’était à Bois Blanc où là on a pu aborder un certain nombre de problèmes et les questions visiblement étaient posées par des acteurs locaux du quartier il y a eu des questions dans tous les domaines : culture, sport, loisir devenir du quartier mais c’était posé par des gens qui connaissaient bien les choses quoi. Il y a 2 ou 3 interventions de personnes qui n’étaient pas vraiment des militants de quartier donc une réunion de bonne tenue ou Martine Aubry a pu largement exprimer son programme ensuite on a eu la réunion Saint Maurice-Pellevoisin ou là je ne sais pas si vous y étiez dans la toute petite salle(…) Pierre Mauroy qui était arrivé en retard, un habitant du quartier qui venait vraiment pour prendre contact pour avoir des explications, il se fait rabrouer part Pierre Mauroy parce qu’il a dit qu’il était de Paris. Il y a eu une certaine incompréhension après il y a eu un chef d’entreprise, qui a félicité l’équipe Mauroy pour l’avoir aidé à sauver son entreprise, ça été aussi une réunion on va dire très calme enfin, pas houleuse, la promiscuité de la salle jouant beaucoup, en 1995 : on avait clos la réunion de Saint Maurice-Pellevoisin en disant : « Voilà c’est la dernière réunion qu’on tient ici, lors du prochain mandat on aura une autre salle ». En 2001 on a terminé la réunion en disant la même chose et bon et on verra en 2007. Ensuite il y a eu la réunion de Lille-centre alors là Lille centre il y a eu le problème des sans-papiers l’arrivée du professeur Schwartzenberg, avec le leader des sans-papiers et puis la présence en force de l’association des parents d’enfants surdoués qui ont voulu un peu monopolisé le débat sur leurs problèmes et puis on a eu le vieux-Lille, le vieux Lille il y a eu à la fois des questions qu’on ne posait pas dans les autres quartiers, comme Moulin, comme Lille-sud je me souviens d’une intervention de quelqu’un qui se plaignait de la bibliothèque municipale qui n’était pas suffisamment développée, il y a eu la volonté de rendre hommage aussi à la renaissance de Lille ancien en leur laissant à deux reprises la parole, ils avaient par ailleurs envoyé un questionnaire à Martine Aubry en lui demandant des prises de position bien précises sur le Lille ancien et puis il y a eu aussi les revendications de jeunes qui étaient dans le fond de la salle, qui avaient déposé des projets et qui n’avaient pas été suivis, ou acceptés ou accompagnés par la mairie et ils étaient un peu revendicatifs. Après il y a eu Fives, alors là Fives ça a été quasiment la grand messe (…), c’était hyper calme des questions très, très précises sur des micros problèmes au coin de la rue etc.. et tous qui l’écoutaient (…) et j’avais l’impression qu’a Fives on aurait pu encore tenir une heure ou deux. Personne ne partait, personne ne se lassait, pourtant c’était vraiment hyper précis quoi, ça n’avait rien de global et tout. Pourquoi ça se passe comme ça à Fives ? Parce que je crois que les gens ont assez souvent l’habitude d’aller à des réunions comme cela Fremaux94 en avait organisé à plusieurs reprises, enfin il y a une tradition sur Fives, moi je me souviens de réunions, il y a vingt ans sur la construction de la voie rapide, sur les problèmes du mont de terre, de la centrale de …, les Fivois ont l’habitude de participer a ces réunions et ça se passe plutôt bien. C’est aussi à cette réunion là que Martine Aubry, répondant à une question, a dit qu’elle ne serait pas premier ministre mais qu’elle resterait à Lille, qu’elle avait pris un engagement, ça, ça a été une réunion de bonne tenue, je crois. Après on a fait Faubourg de Béthune alors là Faubourg de Béthune, euh avant chacune des réunions Martine Aubry passait une heure dans le quartier avec des militants et elle un porte à porte hein et le jour de Faubourg de Béthune vraiment elle n’était pas du tout en forme, elle a interrompu le porte à porte au bout de cinq minutes parce qu’elle n’était pas bien, physiquement elle est arrivée, pour la réunion qui était à 18H30 , nous on avait fait une erreur de convocation dans les tracts du P.S où c’était 19H30, donc il y a eu un moment de flottement et à Faubourg de Béthune j’ai vu Martine Aubry, vraiment fatiguée enrhumée, etc. Elle est allée dans une petite salle de l’école95 et elle s’est reposée un peu, elle a pris deux ou trois cachet et puis elle est arrivée en réunion publique, ça a été au début très calme et puis tout de suite on sentait qu’elle prenait possession de la salle et (…) alors que une heure avant je me disais elle va pas tenir le coup là j’ai vu quelqu’un qui avait eu besoin de reprendre toute son énergie et qui arrivait à la déployer, alors à Faubourg de Béthune les questions avaient été quand même assez orientées et je me souviens qu’il y avait eu un petit problème avec une étudiante qui avait expliqué qu’à la réunion précédente qui avait eu lieu salle des amicales, elle n’avait pas pu rentré car le service d’ordre avait été un peu trop strict. Faut voir aussi qu’à chacune de ces réunions publique il y avait des rapports de pouvoir; chaque président de conseil de quartier d’une certaine manière jouait sa tête quoi. Fallait qu’il prouve quoi ! Qu’il était valable ? Donc ils avaient tous la trouille il était tous sur le « qui vive », euh ils voyaient un peu la salle et la salle reflétait…par exemple on a très bien vu à Wazemmes que la présidente de conseil de quartier du précédent mandat ne tenait pas vraiment son quartier et elle est plus en place là depuis le mois de Mars. Il y avait des conflits, pourquoi je vous parle de cela c’est parce que Faubourg de Béthune il y avait l’ancienne présidente Martine Filleul qui voulait voir son mandat renouvelé et puis il y avait à coté Walid Hanna, ,l’actuel président, celui qui finalement a gagné qui lui poussait pour obtenir le poste. 94 95 Le président du conseil de quartier de Fives Ecole Aicard La présidence du conseil de quartier n’est apparemment pas un petit enjeu ? Non, moi je me souviens en 95 à Bois Blancs, c’est sur une réunion de quartier que la présidente du conseil de quartier à obtenu son renouvellement, c’était à Bois Blancs c’était Jeannine Escande, qui est d’ailleurs encore et toujours présidente du conseil de quartier et en 1995, certains voulaient la mettre sur la touche au profit d’un jeune militant Didier Calonne qui voulait obtenir le quartier . Didier Calonne qui était sur la liste, mais qui n’a pas été élu cette fois ci ? Oui, et donc Didier Calonne c’était quasiment sûr que c’était lui qui allait devenir président du conseil de quartier et puis pendant la réunion il y a eu des gens qui sont intervenus, il y a eu notamment Rachid BelMimoun qui est intervenu qui a fait applaudir Jeannine Escande , beaucoup de gens ont dit le bien qu’ils pensaient d’elle sur sa manière de travailler etc. si bien qu’à la fin de la réunion Pierre Mauroy à clos le débat en disant : « Puisque vous avez tellement plébiscité Jeanine il n’y a aucune raison que Jeannine ne continue pas ». Donc en 2 heures de temps la situation a été complètement inversée, donc c’est ça aussi qui est intéressant dans les réunions de quartier, ça permet de voir l’atmosphère, l’ambiance du quartier, parce même si on sait très bien que dans le quartier, enfin parmis l’assistance il y a des militants, des sympathisants, y a des très proches il y a quand même un enjeu et cet enjeu c’ est à qui va savoir s’en tirer le mieux par une intervention. C ‘est vrai que souvent les présidents de conseil de quartier prennent souvent la parole soit pour dédramatiser une situation ou pour embellir un acquis, mais pourtant on a pas l’impression que le président du conseil de quartier ait un pouvoir énorme ? Non, non, non.. Donc la présidence de conseil de quartier est-ce qu’elle permet d’accéder à d’autres postes ? Est- ce que c’est un ascenseur ? Parce qu’au niveau du rôle pur c’est pas énorme. ? C’est pas énorme non … C’est honorifique ? C’est pas honorifique parce qu’ils font quand même un sacré boulot, c’est un vrai boulot et pas toujours rigolo : c’est siéger dans les conseils d’école, régler les petits problèmes du coin de la rue. Ca prend beaucoup de temps… Et en plus on reçoit tous les problèmes des habitants ? Mais il y a, c’est vrai, une place convoitée la preuve les verts réclamaient 3 présidences de conseil de quartier (…) Ils en ont eu aucune. Mais cela montre que la décentralisation les gens y croient, ils voient un intérêt à un pouvoir puisqu’ils se battent soit pour avoir la place, soit avoir le quartier, même si à coté de cela ils disent que ça marche pas qu’il n’y a pas assez de dialogue pas assez de débat en fait la présidence de conseil de quartier est quand même vraiment un enjeu quoi. Et donc là je parlais de Faubourg de Béthune ensuite, alors là à Hellemmes fameuse réunion où Bernard Derosier a traité les opposants de gloglos là, à deux ou trois reprises et finalement ça a été un peu malheureux pour lui. Formule malheureuse qui a fait sursauter aussi Martine Aubry, Martine Aubry n’a pas du tout apprécié cela, ensuite Wazemmes, c’était un peu dur aussi j’ai eu des remarques de plusieurs jeunes qui me disaient : « c’est la première fois qu’on peut venir dans cette salle d’habitude elle nous est fermée, de toute façon tout cela c’est de la politique », ça c’est très, très mal passé Wazemmes, j’en est un mauvais souvenir, c’était hyper tendu la salle . Y avait dans cette grande salle de sport immense avec un haut plafond, mal insonorisée, il y avait des groupes de pression qui s’étaient instaurés dans toute la salle, j’ai du aller de groupes en groupes pour essayer de calmer les choses, il y avait la présidente du conseil de quartier96 qui voulait faire témoigner des enfants de 7, 8 ans qui étaient installés devant elle. Ils avaient été placés ? Oui, oui, parce que les gosses disaient : ben oui tout va bien la cantine elle est bonne et les centres aérés ils sont sympa et voilà. On sentait que le quartier lui échappait, donc le fait est une réunion un peu délicate et je crois que là elle a perdu sa place de présidente du conseil de quartier quoi. Vauban, alors là Vauban, la présidente de conseil de quartier qui était vraiment très énervée, parce qu’on à préparé au dernier moment la salle parce que c’était une école97 et qu’il y avait eu un centre aéré l’après-midi et il y avait un problème. Dans une toute petite salle, en plus il y avait la pression car cette réunion devait se terminer très tôt parce qu’ensuite il y avait la fête des femmes qui était organisée salle des amicales par Michelle Demessine à l’occasion de la journée de la femme, il fallait faire court, la salle était très petite, c’était le petit réfectoire de l’école, on se trouvait un peu serré et puis après cette fameuse réunion à Lomme où là c’était uniquement Lommo-Lommois. Vous parliez d’autres rôle que de celui d’animer les réunion publiques, quels sont les autres rôles que vous avez eus dans la campagne ? Il y a eu l’animation des réunions publique il y a eu la rédaction concrète du document qui a été distribué à tous les Lillois, donc la rédaction concrète, le choix des photos et puis le suivi, avec la fabrication quoi. En ce concerne les réunion publiques, qui a décidé de leur planning ? 96 97 Marie-Christine Staniec-Wavrant école Jouhaux Ce planning a été, je ne sais pas si on vous a expliqué qu’il y avait eu un conseil de campagne, on vous a dit les structures qui avait été mises en place ? Le conseil de campagne : c’était Martine Aubry, Pierre Mauroy, Bernard Derosier, Yves Durand ainsi qu’un certain nombre de personnes qui se réunissaient, alors comme ils se sont mis en place en Octobre et c’est eux conseil de campagne qui prenaient toutes les décisions, les décisions politiques, alors voilà on va faire X documents, X réunions, campagne là dessus, là dessus, là dessus. Pour les réunions publiques, ça a été décidé par le conseil de campagne et aussi en fonction, des agendas des uns et des autres quoi, avec le souhait de commencer par Lille sud, pour montrer que finalement…c’était un peu emblématique quoi, c’est toujours présenté comme le quartier à problèmes, celui dont on ne s’occupe paraît-il jamais, ce qui est faux ! Donc ils ont voulu commencer par celui-là et puis c’était celui qui avait fait l’objet de la dernière réunion en 1995. Donc on a recommencé et puis ça a été un petit peu au hasard quoi. Au hasard des calendriers, il fallait faire tous les quartiers, les deux communes associées, plus les réunions thématiques, ça les réunions thématiques c’est Martine Aubry qui les avait inventées en 1995, en 1995 je vous avez dit que Pierre Mauroy avait fait les dix réunions de quartier, il y avait eu aussi des réunions thématiques et ça c’était proposé et organisé par Martine Aubry et là donc elle a repris sur trois thèmes qu’elle a choisi car elle considérait que ça faisait l’objet d’un débat national. C’était représentatif des préoccupations du moment des gens quoi. La réunion publique donc, une fois qu’elle était décidée, il y avait des militants qui installaient la tribune, avec des tables où il y avait Martine Aubry, à ses cotés Pierre Mauroy s’il assistait à la réunion et puis ensuite deux ou trois personnes représentatives de la liste, plus tous les candidats issus du quartier, ceux-là avait le droit à la table d’honneur et puis après derrière venaient tous les candidats qui le souhaitaient quoi ! (…) Qui étaient membres de la liste et ils venaient à chaque fois nombreux, moi j’étais assez étonné, beaucoup n’ont pas parlé mais beaucoup étaient là pour écouter pour apprendre, pour voir un peu et ceux qui ont été le plus sollicités qui ont le plus souvent répondu ça a été Bernard Roman, Alain Cacheux, il y a eu Rougerie, il y a eu Cucheval pour les problèmes de handicap etc. donc il y a eu quand même plusieurs élus qui sont intervenus plus les présidents de conseil de quartier, ,qui sont intervenus à chaque fois . Comment choisissiez vous les intervenants ? C’était à l’initiative de Martine aubry ou quelle était votre part ? Moi, vraiment comme je vivais au milieu de la réunion, au milieu de la réunion au milieu des gens je subissais les pressions parce que pendant que Martine Aubry ou que l’élu parlait etc. Les gens venaient me voir et ils disaient : «il faut me donner la parole », « vous n’êtes pas démocratique ! » etc. Souvent j’ai donné la parole à des gens, à des personnes auxquelles Martine Aubry n’aurait peu être pas donné la parole, parce que c’était vraiment des chiants des emmerdeurs, des gens qui voulaient intervenir et moi je pensais, au contraire qu’il fallait tout de suite désamorcer le problème, leur donner la parole, une fois deux fois et puis répondre et puis être tranquille, donc il y avait pas mal de pression. On a dit aussi à Moulins qu’à ce moment là c’était même au détriment des gens du quartier ? Et à Moulins il y a eu aussi un phénomène c’est que Martine Aubry visiblement voulait se payer les petits jeunes… Parce qu’a un moment elle les a descendu ? Parce qu’a un moment je ne voulais plus leurs donner la parole, parce que je savais que c’était dans ce groupe là, enfin qu’ils étaient ensemble et elle m’a dit : « si, si redonnes la parole là ! » Parce qu’elle avait envie encore de leur dire, elle se souvenait avec douleur semble-t-il de la braderie lorsqu’il y avait eu une malheureuse petite boite de Coca-Cola pliée qui lui est arrivée sur l’épaule, c’était pas bien méchant quoi et c’est tout juste si elle disait pas qu’on lui avait lancé des pierres, etc. Donc là à Moulins je voyais que ,visiblement, elle avait été ulcérée que les sans papiers bloque les alentours de le salle, qu’il ait fallu faire appel à la police et que finalement il y en avait quelques-uns qui étaient entrés alors que les militants P.S avaient été bloqués dehors et puis ravivée par ce mauvais souvenir de la Braderie elle voulait vraiment se les payer. A trois reprises, elle est revenue à la charge ; eux sont partis après en distribuant des tracts c’est pas là, qu’il y a eu… là où il y a eu plus de violences constantes ça a été à Lille sud à un moment à Lille-sud il y a une chaise qui a manqué de valser quoi. Quelqu’un avait attrapé une chaise et puis voulait la balancer, Lille sud a été une réunion ou on a pas pu parler, ça a commencé tout de suite par des huées(…) le brouhaha, l’impossibilité de parler, je me souviens de Pierre de Saintignon qui a lu des chiffres et des chiffres de remise à l’emplois, de tout le travail qui pouvait être fait, ça a passé totalement inaperçu et le seul qui physiquement a tenu la réunion ça a été Pierre Mauroy, Pierre Mauroy ce jour là reprenant un thème qu’il avait déjà évoqué à Lille sud en disant c’est vous les habitants de Lille-sud qui m’avait fait député, ce que je suis devenu à l’époque où le sud voté a 80% à gauche avec pas d’abstention, pas de front national, pas de tous ça donc il a tenu la salle comme ça quoi et c’est vrai que bon il a impressionné en tant que bête politique, les gens qui n’avait pas connu ça, l’époque où Pierre Mauroy se faisait élire pour la première fois à Lille-sud, mais heureusement qu’il a été là vous voyez, il a tenu. Qui a réussi à tenir la salle ? Quand il y avait un petit peu de contestation ça été Pierre Mauroy et Bernard Roman. Tout autre personne qui pouvait prendre la parole huée, chahutée etc. Même Rachid Belmimoun qui a essayé de prendre la parole parce qu’il est d’origine Maghrébine par rapport aux autres, non ça a été pire qu’autre chose : « Qu’est-ce que tu parles toi, t ‘es un traître, t’es passé de l’autre coté, t’es plus de chez nous . » Il n’y avait vraiment que Martine Aubry et surtout Mauroy et Roman quoi, Mauroy parce que physiquement il impressionne quoi, la voix et tout et puis Roman, Roman aussi parce que connaissant les dossiers et puis sa manière intelligente de prendre les jeunes, par exemple à Moulins, il les prenait en leurs disant moi aussi je suis comme vous à moitié anar en fait, libertaire et puis après il arrivait à les retourner quoi. Est-ce qu’il existe un placement dans la salle ? Non il n’existe pas de placement dans la salle. Il y en a déjà eu ? Il y avait ceux qui voulait se faire remarquer par Martine Aubry qui se mettait dans les premiers rangs, mais il ne pouvait pas il y avoir de placement parce que finalement les salles étaient souvent petites et donc il fallait si on voulait être bien placé arriver souvent dans les premiers quoi. Quel était a peu prés le pourcentage de militants ? Il y en avait quand même pas mal. Je suppose que vous ne pouvez pas me donner me donner un chiffre exacte car vous ne connaissez pas tous les militants, mais peut être pouvez vous m’éclairer par rapport aux questions dont certaines étaient de manière flagrante des questions de militants ? Oui, il y avait quelques fois, bon ça a été le cas, où ca a été le cas ? A Faubourg de Béthune, à Wazemmes et à Fives où il y a des, des fausses questions quoi, des gens qui intervenaient mais qui étaient militants ou très proches du président de conseil de quartier, finalement moi je pense que ces réunions là si euh, après coup les candidats les analysaient vraiment ils pourraient les utiliser et il aurait pu les utiliser. Parce qu’en 95 on avait observé les mêmes phénomènes les candidats de 2001 ne se souvenaient plus de comment ça s’était passé en 1995 et s’ils avaient tiré le bilan de 1995, une salle comme cela c’est facile à manipuler, très facile à manipuler. Est-ce malgré tout c’est vraiment la peine, car ça n’est pas toujours une salle de gens acquis ; c’est souvent une salle où les gens viennent aussi demander des services ? Oui, c’est ça(…) il y a des salles où il y a des gens qui sont là pour se faire remarquer en disant : « vous êtes les plus beaux mais n’oubliez pas que nous on existe ». Il y a la cour d’une certaine manière, dans chaque quartier il y en a, après il y a des gens qui viennent demander des services. Après il y a les contestataire du quartier, après il y a les contestataires tout azimut et puis après il y a les militants sympas qui viennent, puis il y a aussi malgré tout des habitants qui viennent pour connaître les propositions… Se renseigner… Se renseigner, voir un peu ce qui se passe c’est quand même important une réunion de quartier je vois que les gens venaient même si tout le monde ne restait pas, ils venaient voir qui pouvait être là etc. (…) moi j’essayais vraiment de donner la parole à tout le monde, je voyais bien qu’il y avait des gens qui était vraiment des contestataires, autant leurs donner la parole tout de suite et à partir du moment où c’était un problème du quartier il fallait leur permettre de parler quoi. Martine Aubry quelque fois elle me disait non pas ceux-là, pas ceux-là… Ca vous a été reproché après coup d’avoir donner la parole a de mauvaises personnes ? Par l’équipe municipale ? Non, non. Moi on a pu me le reprocher pendant le débat : « Pourquoi tu lui a encore donner la parole », parce qu’elle m’appelait, vous l’avez remarquer ça ? Elle m’appelait et elle disait : « bon on termine dans 10 minutes etc. » « Donnes plus la parole à celui là, fais gaffe à gauche à untel » Mais après coup non, parce que à chaque fois c’était, après tout c’est la règle du jeu de la réunion publique. Ce qui est intéressant aussi c’est que l’équipe qui va mettre en place les ateliers urbains, l’urbanisme, les forums citoyens dans chaque quartier (…) Eh, il faut tenir les leçons . De ce qui s’est passé parce que les gens ont envie de parler, il veulent soit se montrer soit s’affronter avec les élus, il y a vraiment une envie d’échanger et puis moi je trouve cela tout à fait légitime et j’ai toujours essayé de faire en sorte de pouvoir donner la parole y compris aux contestataires quoi. Et en plus quand je donnais la ,parole c’était pas en tenant le micro. Je jetais le micro donc à la limite le micro ils pouvaient très bien le jeter à quelqu’un d’autre. Enfin ça n’est pas beaucoup arrivé ? Oui, oui, oui mais enfin je n’ai jamais coupé la parole quoi, ça a été peut être, par exemple en 95 on essayait de regrouper les questions, quelqu’un avait amorcé le débat dans la salle, c’était une question sur le logement, j’essayais d’en récupérer trois ou quatre sur le même thème le logement et puis après on répondait, mais là j’avais proposé à Martine qu’on fasse de la même manière et c’était rare que j’y arrive parce qu’à chaque fois elle voulait répondre, elle se retrouvait toujours dans cet état d’esprit de Faubourg de Béthune, là où elle entrait dans l’arène et puis hop elle répondait. Alors quelques fois ça faisait un peu décousu, mais j’essayais tout de même de tourner dans la salle d’aller de groupe en groupe pendant qu’elle répondait à une question j’allais en voir d’autre je calmais aussi des gens qui voulaient absolument parler par ce qu’ils menaçaient de prendre le micro, je me suis fait quelque fois des ennemis sur le moment quoi. Après la réunion j’allais voir des gens à qui j’avais pas pu donner la parole etc. Parce que Martine Aubry au bout d’un moment elle disait on arrête, parce que pour elle la journée continuait, il y avait des réunions ici en mairie Au niveau de la régulation des interventions les premières questions c’est vous qui les posez et ensuite c’est plutôt elle qui les choisit? Les premières questions généralement, moi je me trouvais en face de la table et je disais : « qui se lance ? » et ensuite j’interrogeais les premières personnes. C ‘était souvent les gens placés devant qui intervenaient ? Oui puis après j’allais vers le fond de la salle et puis je remontais et puis j’essayais d’équilibrer quoi, bien souvent très franchement j’ignorais les questions qui allaient être posées, quelquefois je pensais que j’allais donner la parole à quelqu’un qui était tellement calme que je me disait « celui là il va encore, poser une question déclaration d’amour à Martine Aubry » et je m’apercevais qu’au contraire cette personne avait des choses à dire et c’était, il y avait une… les gens avaient la possibilité de parler. Vous avez agit par expérience ? Ouais, ouais, ouais par soucis, parce que moi même si je suis militant, si bien sûr je faisais la campagne de Martine Aubry, moi je trouve que des questions un petit peu emmerdantes, un petit peu dérangeantes, ben elles étaient les biens venues par ce que c’était comme ça que. Parce que s’il s’agit de faire une intervention de chacun en disant : moi président de telle association, j’aimerais bien qu’on me donne un peu plus d’argent mais finalement je suis content de la politique de la ville. Vous n’avez pas reçu de consignes particulières avant les réunions ? Les seules consignes que je pouvais recevoir c’était pendant la réunion… Comme vous me l’avez expliqué tout à l’heure… Elle me disait : « regardes-moi quand tu es dans la salle », mais, de la tribune à l’intérieur même de la salle on ressent à peu prés les mêmes choses quoi, on savait très bien où se trouvaient les groupes de pression il y avait des gens que l’on calmait très, très facilement, j’allais les voir en leurs disant : « aller laisse tomber calme toi, t’iras la voir à la fin de la réunion » « Ne t’inquiètes pas je t’emmènerai, je te la présenterai pour ton problème d’emploi c’est pas la peine de… » Parce que pour les demandes d’emploi ou de logement c’était plutôt a la fin de la réunion(…) En 1995, j’avais eu ma veste déchirée et ça n’a pas été le cas en 2001 Sinon votre activité professionnelle ici ? Je suis rédacteur en chef du journal de Lille (…) De ce fait à Lille sud j’avais un petit avantage, avec la mort de Riad j’avais été sur le terrain et je connaissais des jeunes, donc c’est pour cela que leur ai donné la parole parce j’ai vu leur émotion j’étais parmi eux, j’ai vu leur marche silencieuse. Il y avait aussi une vrai émotion et pas simplement la confiscation par un petit groupe, de l’émotion pour faire de la politique mais qu’il y avait vraiment des choses c’est pour cela que je leur donnais volontiers la parole. Mais en leur expliquant en même temps qu’il y avait le débat à faire, qu’il ne fallait non plus faire parler les morts, qu’ils n’utilisaient pas la mort de Riad pour justifier leurs revendications et là j’avais trouvé quand même que l’échange avait été intéressant, l’échange que j’avais pu avoir moi avec eux, avec les jeunes pendant le débat alors que c’était le foutoir de tous les cotés…Il y avait aussi Farid Sellani qui allait présenter une liste ensuite, calmait malgré tout le jeu car il ne voulait pas s’entendre reprocher qu’il avait monter la salle contre Martine Aubry. (…) les sans papiers par exemple moi j’étais pour qu’on règle le problème très vite quoi en leur donnant la parole finalement on a abouti à cela par ce qu’il y a Schwartzenberg qui est venu. Sinon vous êtes militant depuis combien de temps ? Je suis au P.S depuis, ben ça va faire 10 ans . Au niveau des intervenants ceux qui étaient prévus étaient-ils toujours présent ? Il y a eu quelques absences quelques arrivées en retard, parce qu’ils avaient d’autres occupations des départs précipités mais jamais Martin Aubry s’est retrouvée seule avec 5,6 candidats bien au contraire… Ce genre de situation s’est elle déjà produite dans le passé ? Non, non, non mais il y avait une vrai présence mais il y a aussi un enjeu c’est que tous les candidats savaient qu’au deuxième , vu les résultats que les verts allaient faire, la droite et tout ça il y aurait des gens éliminés. ENTRETIEN AVEC GUY LEFLECHER (en rapport avec l’élaboration du programme pour les municipales de Lille 2001) La première question concerne l’élaboration du programme nous aimerions savoir combien vous avez eu de réunions afin d’effectuer la rédaction de celui-ci ? Alors le programme, la conception du programme ça a commencé, fin Mars début Avril de l’année dernière98 à partir du moment où les militants socialistes ont désigné Martine Aubry comme tête de liste. Il y a eu des réunions dans toutes les sections Lilloises et il y a eu un séminaire qui a eu lieu à la mi-octobre à Phalempin réunissant l’ensemble des militants socialistes qui le voulaient, un samedi toute une journée où était discuté le programme. A coté de cela il y a eu aussi des experts ou des personnes proches du P.S qui ont été consultés euh, il y a eu également chaque élu, ou chaque candidat qui venait faire ses propres propositions, tout cela nous a amené à Décembre, en Décembre il y a eu donc les arbitrages de Martine Aubry, mais également les arbitrages de l’ensemble du comité de campagne qui avait été mis en place à la rentrée l’année dernière ; qui était composé de Pierre Mauroy, Martine Aubry, Derosier et Pargnaux pour Hellemmes, Yves Durand, Roger Vicot pour Lomme , Bernard Roman et Patrick Kanner pour le P.S il y avait Pierre de Saintignon aussi. Et donc ce comité de campagne c’est eux qui ont dirigé la campagne donc il était question de cela en janvier, un petit comité de rédaction du programme il y avait donc Martine Aubry, Pierre de Saintignon, Bernard Masset, Jérôme Hesse et puis moi , donc là les arbitrages été rendus, les choses étaient décidées à partir des diverses propositions que Martine Aubry avait reçu des uns et des autres et puis il fallait mettre tout cela en forme donc on s’est réuni la deuxième semaine de Janvier je crois 7 ou 8 fois . (…) chaque soir de 18 H30 à 00H00, 1H du matin et pour la rédaction du programme sachant que chacun avait des parties qu’il rédigeait dans la journée et que l’on revoyait le soir etc. Donc on ne peut considérer que le programme a été fait en huit fois quatre heures, c’est un peu plus que ça, multiplié par le nombre de personnes qu’il y avait et tout cela pour une sortie du programme si je me souviens bien le deux ou trois février je crois. Il faut faire aussi le planning en fonction avec l’éditeur. Nous avions participé à des réunions de concertation ; est-ce que ces réunions ont véritablement eu un rôle dans l’élaboration du programme ? Vous êtes vous servi des différents rapports que nous avons pu effectuer ? Moi je me souviens de réunions que nous avions le soir sur le programme, où chacun ramenait sa pile de dossiers, il y avait des piles de dossier, il y avait certainement des comptes rendus de vos réunions, il y avait des textes personnels des différents candidats ou d’élus du précédent mandat, donc il y avait une masse de documents terrible, dans 98 2000 lesquels on piochait, des arbitrages quand ça posait des problèmes on le disait a voix haute, quand il y avait un problème ou de multiples propositions a ce moment-là c’est Martine Aubry qui décidait quoi. Après il fallait mettre en forme, le but de ces réunions c’était de mettre en forme, de trouver le plan et de savoir par quoi on commençait, quoi si on commençait par la poursuite du développement économique, ou alors on attaquait directement par les soucis de proximité, que pouvaient avoir les Lillois ou alors on faisait la plaquette, les photos, l’interview de Pierre Mauroy, qu’on a réalisé en tout début Janvier quoi et qui faisait la partie centrale du document, les liaisons avec Hellemmes et Lomme qui avaient leurs propres réunions programmatiques et puis fallait collecter l’ensemble de ces documents, remettre en forme, décider tout bêtement et tout concrètement si on mettait, comment on allait le rédiger, si on mettait par exemple : « nous allons poursuivre l’embellissement de la ville », ou alors « poursuivre l’embellissement de la ville » ; ou alors « poursuite de l’embellissement de la ville ». Il fallait que l’on tombe d’accord, et à partir de là il y avait ce schéma et puis voilà quoi ! Si on le mettait en deux parties, en trois parties, avec des sous parties, combien ? Le choix des photos, il fallait réaliser, faire réaliser et puis ensuite, décider. On avait le choix dans le programme de mettre des encadrés, des coup de flash sur différentes choses donc tout cela s’est élaboré au fur et à mesure, des réunions qu’on a pu avoir. Le fait de faire figurer cette interview de Pierre Mauroy au milieu du programme, est-ce que c’est une manière de se placer en héritière de son prédécesseur ? Non c’était pas tellement ça c’est que pour une raison financière, la campagne était, je ne sais plus combien elle a coûté d’argent, mais ça vous pouvez le retrouver parce que c’est public quoi. On avait décider de ne pas faire un bilan, normalement on fait le bilan et le programme, là (…) l’interview de Pierre Mauroy permettait de faire le bilan, sans que l’on donne toutes les précisions possibles et nécessaires mais disons que il y avait le bilan de l’impulsion de Mauroy des 30 dernières années, c’était ça le but de l’interview de Pierre Mauroy. C’était inséré au milieu pour éviter de faire deux documents, et finalement on n’a pas fait beaucoup de documents de campagne. (…) Parce que ce document ensuite devait être à la disposition de chaque militant pour la diffusion, le porte à porte, lors des réunions publiques et autres. C’était un document de travail aussi, pour eux, un peu exhaustif avec toutes les propositions, on déclinait aussi quartier par quartier, c’était important, vous avez vu qu’il il y avait la liste des propositions quartier par quartier. C’était une volonté de proximité aussi… Oui. Vous nous avez parlé d’à peu prés 8 réunions, lors de ces réunions les mêmes personnes étaient à chaque fois présentes ? Martine Aubry était là à chacune des réunions, ensuite à quelques une…J’ai oublié Pierre de Saintignon et aussi Hervé Barré, et donc faisait également le suivi à l’imprimerie et je me souviens qu’a une réunion de relecture de document, on s’est aperçu que l’on avait été un peu faible sur un point, c’était simplement sur la sécurité euh, on l’a signalé à Martine Aubry par téléphone… A quel moment vous êtes vous rendu compte que vous aviez une faiblesse sur ce point ? En faisant une relecture, en disant là on a mis 5 propositions mais vraiment ce n’est pas assez solide… Est-ce que ce n’est pas une réaction par rapport au programme de Decocq qui était quand même axée sur la sécurité ? Non , non vraiment c’était mal développé, mal dit, on a réécrit quasiment au marbre des propositions, on les a téléphonées à Martine Aubry, elle même a donné son sentiment, puis on a fait. Mais vous avez eu une réunion sur la sécurité dans le cadre de la campagne… Oui mais ça c’était après, le programme était déjà sorti, . Il y avait eu un débat sur France 3 entre Christian Decocq et Martine Aubry, comment a été préparé ce débat ? Oui, oui on avait donc récupéré les documents de campagne de Decocq et on avait créé une petite cellule qui a étudié toutes les propositions de Decocq, en les attaquant, notamment le projet qu’il avait sur les portes de l’avenir, on avait décortiqué ça en montrant qu’il s’agissait d’une architecture Stalinienne avec des Blocs et nous avions trouver la formule qu’a dite Martine Aubry à la télévision sur les portes de l’avenir c’est les portes du pénitencier, donc tout avait été préparé, cadré, on avait essayer de voir toutes les attaques possibles de Decocq. Vous avait fait partie de ce groupe ? Oui, on avait un gros travail pour peu de choses finalement parce que ce débat a été.. (…) Il y avait deux choses, dont je me souviens de ce débat, il y avait eu Martine Aubry, qui avait amené : « Les portes de l’avenir c’est les portes du pénitencier » et Decocq qui avait terminé le débat par une pirouette en disant « Madame Aubry, les Lillois savent que votre avenir n’est pas à Lille, que vous serez premier ministre, ou présidente de le république et qu’a votre place vous nous laisserez Michelle Demessine comme maire de Lille » ; là c’était ressortir l’argument de la communiste le couteau entre les dents, là c’était vraiment de mauvaise foi mais c’était bien joué parce que à la télé dire ça… Alors que c’est politiquement impossible parce que si Martine Aubry quittait son poste de maire ça ne serait pas un communiste qui prendrait la place. Mais c’était bien joué parce qu’elle ne pouvait pas répondre c’était la dernière phrase. (…) Ils voulaient tripler ou quadrupler le nombre d’espaces verts à Lille, donc on s’était amusé à faire un petit calcul en disant qu’il y avait X espaces verts actuellement donc si il fallait les tripler comme le souhaiter Decocq il fallait détruire X maisons, donc pour avoir les espaces nécessaire d’espaces vert ça devenait une catastrophe pas possible c’est 20000 logement qu’il fallait détruire. Mais ça Martine Aubry n’a pas eu l’argument à sortir à la télé, parce que dans les 15 minutes de débat on a jamais abordé le problème autrement elle avait déjà les argument en disant : « vous voulez détruire 20000 logements », ça aurait été un argument choc, mais à mon avis ce type de débat ne change rien. (…) Le débat a été enregistré à 9h30 et puis repassé vers 11h30 dans les conditions du direct…pas à une heure de grande écoute, bref c’était la contribution de France 3 au débat public. Enfin dernière question : pourquoi sur aucune affiche ou sur aucun document de campagne n’apparaît pas le sigle du P.S ? Au départ c’était une liste conduite par Martine Aubry pour le P.S, le P .C et il y avait les personnalités, etc. Donc c’est pour cela qu’on ne voyait nulle part le sigle du P.S ? Voilà en plus il y avait les radicaux… Oui mais on aurait pu mettre le logo quand même, parce en général quand Pierre Mauroy conduisait ses listes pour les municipales, on voyait le logo P.S ? Non il faudrait revoir celles de 1995, mais non à part celles de 1976… (…) De même qu’il n’y avait pas d’affiche de Martine Aubry avec Pierre Mauroy, alors qu’en 1995 on avait du faire une affiche avec les deux. En 1995 on avait fait cela, il y avait la photo de Pierre Mauroy seul et puis il y avait des bandeaux Pierre Mauroy avec Bernard Roman, avec Bernard Derosier, avec Martine Aubry donc ce bandeau était comme ça collé sur l’affiche ce qui permettait en 1995 de voir les secteurs ou les militants étaient plus pro Bernard Roman ou pro Martine Aubry. (…) C’était peu être ( le fait de ne pas mettre de logo ) une volonté de se poser en rassembleur ? C’était une liste de gauche plurielle. Dés le départ Martine Aubry savait que les verts allaient venir, dés le départ les verts avaient dit qu’au de Martine Aubry. Malgré tout la discussion a quand même durée assez longtemps ? Parce qu’il fallait régler en même temps, le problème de Roubaix . (…) les verts auraient dû baisser leurs prétentions et par contre il fallait que tout soit réglé au niveau de la communauté urbaine, c’est à dire en fait les verts voulaient être suffisamment nombreux pour constituer un groupe politique à la communauté urbaine donc cela demandait à Lille beaucoup d’élus Lillois, à Roubaix ils demandaient beaucoup d’élus Roubaisiens et puis finalement tout cela ça c’est réduit un petit peu en cendre en faisant en sorte que les verts puissent quand même avoir un groupe politique en disant de toutes façon à Roubaix vous avez X élus, à Lille ça plus ça plus à Tourcoing plus ça vous fait X élus donc vous avez votre politique, donc ça c’est aussi réglé comme ça d’accord et il fallait donc convaincre les verts de Roubaix et Vandirendonck le maire de Roubaix de se mettre d’accord aussi là-bas quoi. Ça a été une espèce d’accord global sur la métropole c’est pour cela que ça a duré aussi longtemps. Oui les verts auraient pu venir sur la liste dés le départ mais dans ces cas là, ils auraient eu moins de places (…). Parce qu’on aurait dit « ouais par rapport aux dernières municipales, aux scrutin locaux vous faites X » et eux nous aurait dit aux Européennes on a fait X %, donc voilà ce qu’on représente etc. Finalement ils ont réussi à montrer qu’ils représentaient effectivement ce qu’ils avaient déjà eus aux Européennes, donc après ils pouvaient négocier quoi. C’est vrai qu’ils avaient demandé beaucoup de choses et que ben leurs prétentions ont été réduites par la force des choses .. ce qui a aussi posé des problèmes au niveau des socialistes qui ont du abandonner leur places, pas toujours d’ailleurs…et tous cela c’est pas des choses faciles a mener . (…) Par exemple les communistes disent nous on ne négocie pas avec les verts c’est le problème de Martine Aubry, donc si elle veut donner la place aux verts… (…) Les communistes n’ont pas joué le jeu, ils n’ont pas dit nous aussi on est sur le déclin on a perdu des voix et ils ont dit : « c’est Martine Aubry qui négocie avec les verts c’est elle qui sacrifie ses candidats », ce qui n’était pas logique on a fait campagne tous ensemble donc tous ensemble on paye chacun notre part, y a pas de raison que ce soit le P.S. qui en pâtisse plus que les communistes. La suite de l’entretien concernera plus la constitution de la liste entre les deux tours de l’élection sans se fonder sur de véritables témoignages mais plutôt sur des projections sur « ce qui doit se passer en coulisse » son intérêt est donc moindre que ce qui a déjà été dit car elle relève plus de la discussion que de ce que l’on attend d’un travail classique d’entretien.