Elevage du bison d`Amérique (Bison Bison)
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Elevage du bison d`Amérique (Bison Bison)
INRA Prod. Anim., 1996, 9 (5),379-388 J. AGABRIEL, J. BONY *, D. MICOL INRA Laboratoire Adaptation des Herbivores aux Milieux Theix 63122 St-Gen•s-Champanelle * INRA Domaine des Razats 63850 Laqueuille Elevage du bison dÕAmŽrique (Bison Bison) LÕŽlevage de bisons est tr•s marginal, mais suscite un intŽr•t croissant en Europe. Depuis 3 ans lÕINRA a engagŽ des recherches pour mieux conna”tre cette esp•ce et Žtudier ses capacitŽs dÕadaptation aux techniques dÕŽlevage pratiquŽes en France. Cet article fait le point des connaissances sur les particularitŽs biologiques du bison reproduction, alimentation, croissance - et son potentiel de production de viande, et les compare ˆ ceux des bovins. Les syst•mes traditionnels de production de viande rouge nÕintŽressent que quelques esp•ces dÕherbivores domestiques (bovins, ovins, Žquins), mais conduisent ˆ une diversitŽ importante des produits. Ceux-ci se heurtent pourtant de plus en plus ˆ la saturation des marchŽs fortement concurrentiels (Potherat et Mainsant 1995). Des solutions marginales dÕŽlevage de nouvelles esp•ces (cervidŽs par exemple) sont tentŽes depuis quelques annŽes pour initier une nouvelle demande de la part des consommateurs. Ces essais sont gŽnŽralement le fait de Ç producteurs - entrepreneurs È qui ne sont pas toujours familiari- RŽsumŽ LÕŽlevage du bison suscite un intŽr•t grandissant en Europe, essentiellement pour la production de viande et pour son image touristique. La production mondiale de viande de bison est pour le moment encore tr•s marginale et sÕest dŽveloppŽe en France essentiellement sur la base dÕanimaux importŽs. Le bison sÕadapte bien ˆ nos conditions dÕŽlevage de dimensions Ç modestes È, et ne devient agressif que lorsquÕil se sent contenu. Son rŽgime alimentaire est tr•s proche de celui des bovins placŽs dans des conditions de milieu identiques. Les femelles ont la capacitŽ de mettre bas toute lÕannŽe, mais le bison est plut™t saisonnŽ. Les v•lages se dŽroulent en majoritŽ en mai et correspondent ˆ des saillies relativement groupŽes au mois dÕaožt. Les jeunes femelles peuvent se reproduire ˆ partir de 2 ans et, au cours de sa carri•re, la bisonne peut mettre bas une fois par an. La durŽe de gestation est de 270 jours. Le poids ˆ la naissance des femelles est de 25 kg et celui des m‰les de 30 kg. La production laiti•re permet dÕassurer une croissance journali•re de 600 g environ jusquÕau sevrage qui intervient vers lÕ‰ge de 7 mois. Le poids adulte (450-500 kg pour les femelles, 700-800 kg pour les m‰les) est atteint tardivement. Le niveau dÕingestion moyen rapportŽ au poids serait, sur une longue pŽriode, comparable ˆ celui de nos races bovines rustiques. Croissance et niveau dÕingestion des jeunes dÕŽlevage varient avec la saison, sans doute avec la durŽe dÕŽclairement. Dans nos rŽgions, le principal atout du bison rŽside dans sa capacitŽ ˆ produire une viande rouge avec des rendements ˆ lÕabattage satisfaisants (environ 57 %). Avant lÕabattage, les m‰les sont engraissŽs avec des rŽgimes concentrŽs et leur croissance atteint alors 800 g/j. Pour produire les carcasses de 250 ˆ 300 kg demandŽes par le marchŽ, il faut les abattre ˆ 2,5-3,0 ans. sŽs aux probl•mes dÕŽlevage, mais qui savent saisir des petits crŽneaux Žconomiquement porteurs. De tels Žlevages permettent de mettre sur le marchŽ de nouvelles viandes rouges et peuvent •tre aussi des facteurs positifs pour le dŽveloppement du tourisme local. Ils permettent parfois dÕapporter des solutions originales ˆ une demande Žcologique particuli•re comme cela a ŽtŽ tentŽ avec lÕŽlevage de lamas pour limiter lÕembroussaillement de la garrigue. En plus de nouvelles questions zootechniques, ces Žlevages posent souvent des questions dÕordre juridique, sanitaire, et Žconomique. LÕŽlevage du bison dÕAmŽrique est un exemple de cette diversification. Il suscite un intŽr•t grandissant en Europe, essentiellement pour la production de viande et pour son image. Cette viande est attrayante par son originalitŽ (viande festive), son image de qualitŽ (produite uniquement avec des animaux ŽlevŽs en plein air), et sa rŽputation diŽtŽtique liŽe ˆ sa faible teneur en lipides (Marchello et al 1989). La production mondiale de viande de bison est pour le moment encore tr•s marginale du fait des faibles effectifs de cette esp•ce. En AmŽrique du Nord, la Ç National Bison Association È cite le chiffre dÕenviron 150 000 t•tes, dont 70 % seraient dans des ranchs dÕŽlevage, qui commercialiseraient environ 15 000 carcasses par an cÕest-ˆdire moins de 4 000 t de viande (Žquivalentcarcasse). Il faut rappeler que cette esp•ce revient de loin puisque ces m•mes sources statistiques estiment la population de bisons au dŽbut du 19e si•cle ˆ 70 millions de t•tes et ˆ quelques milliers seulement au dŽbut de notre si•cle. En France, le marchŽ de la viande de bison (300 t Žquivalent-carcasse en 1994) sÕest dŽveloppŽ essentiellement sur la base dÕanimaux importŽs pour lÕabattage, mais ce crŽneau 380 / J. AGABRIEL, J. BONY, D. MICOL commercial pourrait intŽresser des Žleveurs de notre pays car le produit se valorise encore bien (pr•s de trois fois le prix du bÏuf par kg de carcasse). Une trentaine dÕŽlevages de bisons amŽricains se sont constituŽs au cours des derni•res annŽes (environ 1 000 t•tes au total) dÕapr•s la rŽcente association fran•aise des Žleveurs de bisons. La conduite de ces Žlevages est gŽnŽralement transposŽe de celle des vaches allaitantes ŽlevŽes en plein air intŽgral, car le bison supporte tr•s bien le froid et les conditions rigoureuses (Christoferson et al 1978). Les m‰les sont gŽnŽralement abattus vers 3 ans, apr•s complŽmentation ˆ lÕherbe avec des cŽrŽales pour produire des carcasses suffisament lourdes (250-300 kg). La production de bisons pourrait aussi se justifier par la possibilitŽ dÕutiliser des territoires en forte dŽprise agricole par cet animal rustique ˆ besoins limitŽs. En France, la lŽgislation prŽconise dÕoffrir au minimum un hectare par t•te. Mais la nŽcessitŽ de cl™turer lÕespace allouŽ au troupeau et le cožt correspondant rŽduit la possibilitŽ dÕune rŽelle extensification telle quÕelle existe aux EtatsUnis pour ce type dÕŽlevage. LÕINRA a constituŽ en 1993 au Domaine expŽrimental de Laqueuille (63), avec lÕaide du FIDAR, un troupeau de 40 jeunes bisons Bison d’Europe (Bison bonasus) et bison d’Amérique (Bison bison) Le bison d’Europe (3 000 individus recensés dans le monde) vit plutôt dans un milieu forestier fermé et couvert (forêt de Bialowesa à la frontière russe de la Pologne) alors que le bison d’Amérique vit à l’état naturel dans une végétation découverte (grandes plaines des USA). L’un comme l’autre ont une toison laineuse épaisse l’hiver qu’ils perdent l’été. Les deux types ont un régime alimentaire à base d’herbe pâturée, qu’ils préfèrent aux ligneux. Leur morphologie diffère légèrement : les apophyses épineuses des vertèbres thoraciques (et donc la bosse) des bisons d’Amérique sont beaucoup plus développées, la robe des bisons d’Europe est plus grise. Les deux espèces semblent sensibles à la durée d’éclairement - effet sur la croissance et l’ingestion, et présentent une saison sexuelle marquée. Les caractéristiques des cycles de production des deux espèces de bisons sont voisines : durée de gestation (270 j), poids du veau naissant (25 à 30 kg), production laitière et durée d’allaitement (6 mois), croissance des jeunes. A l’âge adulte, le dimorphisme sexuel est marqué, mais aussi prononcé dans les deux espèces (poids adulte : 450-500 kg pour les femelles, 700800 pour les mâles). Selon la réglementation française, le bison d’Europe ne fait pas l’objet d’élevage à des fins de production de viande. INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 importŽs du Canada quelques mois apr•s leur sevrage. Le programme de recherche correspondant a pour but de prŽciser les capacitŽs dÕadaptation de cette esp•ce aux techniques dÕŽlevage pratiquŽes dans notre pays pour les bovins ou les cervidŽs. Cet article prŽsente les particularitŽs physiologiques du bison et son potentiel de production de viande en comparant les rŽfŽrences acquises, quand cela est possible, ˆ celles disponibles chez les bovins. Les rŽfŽrences prŽsentŽes sont celles de la bibliographie nordamŽricaine ou bien les premi•res donnŽes issues de lÕŽlevage expŽrimental de lÕINRA. Les donnŽes bibliographiques dŽcrivant la conduite et la physiologie de cette esp•ce sont relativement peu nombreuses, compte tenu de la difficultŽ de manipulation des animaux. Plusieurs travaux de recherches ont ŽtŽ Žgalement rŽalisŽs en Pologne (Bialowiesa) sur le bison dÕEurope (Bison Bonasus), que nous utiliserons souvent par comparaison. 1 / Comportement de lÕesp•ce 1.1 / Comportement social : incidence de la captivitŽ Le bison est un animal grŽgaire qui, contrairement ˆ lÕidŽe re•ue, vit naturellement en groupes plut™t restreints et instables de une ˆ plusieurs dizaines dÕindividus (Lott et Minta 1983 ; figure 1). Les femelles, leurs produits et les jeunes m‰les immatures restent ensemble et sont rejoints par les m‰les plus ‰gŽs au moment de la reproduction. Figure 1. Répartition de la taille des groupes de bisons observés dans un troupeau de 400 têtes dans l’île de Santa Catalina, Californie (200 km2). D’après Lott et Minta (1983) : observations tous les 3 mois entre novembre 1975 et juillet 1978. Deux animaux à moins de 90 m l’un de l’autre forment un groupe. Nombre d'observations 270 240 210 180 150 120 90 60 30 8 16 24 32 40 48 Taille des groupes 56 Elevage du bison / PlacŽ dans un milieu dÕŽlevage de dimensions beaucoup plus restreintes que celles de son milieu naturel, le bison sÕadapte bien et reste dans les parcelles qui lui sont imparties. Au si•cle dernier, dans les plaines nord-amŽricaines, les animaux se rŽunissaient pour migrer, mais il ne semble pas que ce besoin de migration soit irrŽsistible : les bisons en enclos nÕen laissent pas appara”tre les signes (Allard 1992). SÕil a suffisamment dÕespace au p‰turage, le bison est m•me un animal placide que lÕon peut approcher relativement aisŽment. Plusieurs Žleveurs signalent cependant quÕil faut sÕen mŽfier en permanence, car il peut tr•s rapidement changer de comportement (Meyer 1992). LorsquÕil se sent approchŽ, le groupe de bisons se resserre et lÕagressivitŽ entre animaux est tr•s forte. Les animaux dominŽs sont alors la cible privilŽgiŽe des autres. Ces attitudes agressives sont dÕautant plus marquŽes que lÕespace allouŽ est restreint. Elles sont certainement ˆ leur maximum, dÕapr•s nos observations, dans les parcs dÕattente des corrals, par exemple avant dÕenvoyer les animaux dans un couloir de contention ou de les faire monter dans un camion. Ces moments correspondent aux plus gros risques dÕaccidents pour lÕŽleveur et pour les jeunes animaux, et se traduisent par les plus gros probl•mes de manipulation. Pour accro”tre la capacitŽ dÕexpŽrimenter sur ces animaux et augmenter le nombre des mesures possibles, nous essayons, dans le troupeau expŽrimental de lÕINRA, de produire des animaux plus aisŽment manipulables d•s la naissance. Le protocole retenu consiste ˆ faire adopter de jeunes bisons par des vaches laiti•res particuli•rement calmes et les premiers rŽsultats semblent encourageants. 1.2 / Comportement au p‰turage Le rŽgime alimentaire du bison dÕŽlevage est essentiellement ˆ base dÕherbe p‰turŽe pr•s des deux tiers de lÕannŽe et dÕun peu de foin en hiver. DÕapr•s Belowsky et Slade (1986), au cours dÕune journŽe dÕŽtŽ, le bison passe 45 % de son temps en Ç activitŽ È (p‰turage, dŽplacements, interactions sociales) et le reste en repos. Le temps consacrŽ ˆ p‰turer serait seulement de 3 h/j, ce qui parait tr•s faible (5 ˆ 8 h/j pour des bovins) et reprŽsenterait alors 60 % du temps de rumination. Sur des bisons europŽens, dÕautres observations qui paraissent plus rŽalistes, montrent que, de lÕaube au crŽpuscule, 60 % du temps est passŽ ˆ p‰turer, 32 % ˆ se reposer et 8 % ˆ se dŽplacer (Cabon-Raczynska et al 1987). Les prŽfŽrences alimentaires du bison au p‰turage ont ŽtŽ ŽtudiŽes pour prŽciser la part des ligneux dans sa ration. A partir de lÕanalyses des f•ces de bovins et de bisons p‰turant ensemble dans les prairies ŽpiŽes de lÕUtah, Van Vuren et Bray (1983) concluent ˆ la similitude de leurs rŽgimes (index de similaritŽ des rations de 91 %), en soulignant que la tendance est plut™t dans le sens dÕune plus 381 grande hŽtŽrogŽnŽitŽ des plantes ingŽrŽes par les bovins. En effet, dans les f•ces de bisons, la part de rŽsidus provenant de ligneux Žtait la plus faible (1 % vs 8 %). Sur des prairies embroussaillŽes, en utilisant la mŽthode de la comparaison floristique des contenus de rumen, Towne et al (1988) concluent Žgalement ˆ une similaritŽ importante entre les rŽgimes alimentaires et donc dans le choix des esp•ces vŽgŽtales p‰turŽes. CÕest aussi le cas du bison europŽen de la for•t de Bialowiesa qui, dÕapr•s Cabon-Raczynska et al (1987), nÕa pas un rŽgime alimentaire tr•s spŽcialisŽ : il passe 95 % de son temps dÕingestion ˆ p‰turer des herbes et seulement 4,8 % de son temps ˆ consommer des jeunes pousses dÕarbres. Il peut aussi Žcorcer les arbres, mais ce comportement est plus dŽveloppŽ en hiver (Cabon-Raczynska et al 1983). 2 / Syst•me dÕŽlevage et cycle de production 2.1 / SaisonnalitŽ des v•lages et de la reproduction La rŽpartition annuelle des mise bas observŽes dans les diffŽrents troupeaux dÕAmŽrique du Nord ou dÕEurope est prŽsentŽe ˆ la figure 2. Les femelles ont la capacitŽ de mettre bas toute lÕannŽe, mais elles semblent fortement synchronisŽes et v•lent au printemps : 60 % des v•lages ont lieu en mai et juin, que ce soit dans les conditions dÕun ranch de lÕAlberta (Patten 1990), ou en France (enqu•te effectuŽe dans 10 Žlevages de bisons : J. Bony, communication personnelle). Dix des 16 pre- Chez le bison, la durŽe de gestation est de 270 jours et les mise bas ont surtout lieu au printemps. Figure 2. Répartition annuelle des mise bas dans différents troupeaux de bisons. Fréquence mensuelle (%) Bisons d'Amérique : 65 Domaine expérimental INRA, Laqueuille (n=30) 60 55 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 A A A A A A A AAA A A AA A A AA A A AAAAAAA Adams Ranch, Alberta, Canada (d'après Patten 1990) Enquête dans les élevages français (J. Bony, communication personnelle) Bisons d'Europe en enclos Avril Mai Juin Juillet Août Sept INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 Oct Nov Déc 382 / J. AGABRIEL, J. BONY, D. MICOL 2.2 / Aptitude des femelles ˆ la reproduction Les jeunes bisonnes semblent aptes ˆ •tre fŽcondŽes d•s lÕ‰ge de 2 ans pour un premier v•lage ˆ 3 ans (Jenning et Hebbring 1983, Dorn 1995). Les observations rŽalisŽes sur des bisons dÕEurope indiquent pourtant un ‰ge plus tardif pour les premi•res mise bas : pr•s de 4 ans (Krasinski et Raczynski 1967 ; figure 3). Comme pour les gŽnisses bovines, le poids Figure 3. Répartition de l’âge à la première mise bas de 58 bisons d’Europe (d’après Krasinski et Raczynski 1967). Fréquence cumulée (%) Moyenne : 47,8 mois 100 80 60 40 20 33 35 37 39 41 43 45 47 Age au premier vêlage (mois) INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 61-72 0 49-60 Le premier v•lage peut avoir lieu ˆ 3 ans, mais cÕest le poids de la jeune femelle qui dŽtermine lÕapparition des premi•res chaleurs. miers v•lages du troupeau INRA ont Žgalement eu lieu au mois de mai. Cette synchronisation naturelle des mise bas se retrouve chez les bisons dÕEurope observŽs dans la rŽserve de Bialowiesa par Krasinski et Raczynski (1967) : 71 % des v•lages se rŽpartissent sur trois mois, de mai ˆ juillet. Les saillies se passent donc de mani•re relativement groupŽe au mois dÕaožt malgrŽ la prŽsence de m‰les toute lÕannŽe. Comme pour les ovins ou les cervidŽs, la saisonnalitŽ des bisonnes pourrait provenir dÕune sensibilitŽ particuli•re ˆ la dŽcroissance de la durŽe du jour, mais aucune expŽrience nÕest venue le confirmer. Des facteurs nutritionnels favorables doivent Žgalement contribuer ˆ la venue en chaleur ˆ cette saison comme dans le cas des vaches allaitantes : les rŽserves corporelles sont dŽjˆ en partie reconstituŽes et le niveau alimentaire est ŽlevŽ. Il semble que des femelles en bon Žtat puissent venir en chaleur plus t™t dans la saison. Ainsi, dans un Žlevage de Belgique o• lÕalimentation nÕest jamais limitante, les v•lages dŽmarrent en avril et correspondent ˆ des saillies de juillet (J. Bony, communication personnelle). Enfin, ce relatif groupage des mise bas peut aussi •tre le fait du m‰le qui serait moins fertile avant le mois dÕaožt. Cette hypoth•se ne semble toutefois pas se confirmer par les premi•res observations de la qualitŽ du sperme des m‰les reproducteurs du troupeau INRA qui ont pu •tre faites au printemps. dŽtermine sans doute lÕapparition de la cyclicitŽ et des premi•res chaleurs. Si lÕon consid•re quÕil sÕagit dÕun animal au moins aussi tardif que le bovin Charolais, il faut atteindre 55 % du poids vif adulte pour que plus de 50 % des jeunes bisonnes soient cyclŽes ; cela correspondrait alors ˆ un poids de 260 kg. Mais, comme pour les agnelles et les bichettes, il faut sans doute que les jeunes bisonnes arrivent ˆ ce poids minimal avant le dŽbut de la saison sexuelle, le mois dÕaožt dans nos conditions, pour que la reproduction puisse se faire. Les bisonnes nŽes tard ont un handicap supplŽmentaire car, dans le jeune ‰ge, leur croissance est plus faible du fait de la saison (cf chapitre 4), et le risque est alors grand pour quÕelles se dŽcalent dÕune annŽe compl•te. On voit lˆ tout lÕintŽr•t de rŽunir les conditions pratiques pour faire v•ler le plus t™t possible. La femelle est normalement capable de faire un veau par an. La durŽe dÕun cycle sexuel mesurŽ sur 8 bisonnes apr•s v•lage est de 23 jours (Kirpatrick et al 1991), et le comportement dÕÏstrus serait de courte durŽe : de 6 ˆ 12 h (Dorn 1995). Le taux de gestation dans les troupeaux varie fortement (de 50 ˆ 90 %) selon les mŽthodes dÕŽlevage (Patten 1990, Dorn 1995). Il varie aussi selon lÕ‰ge : 12 % pour des femelles de 2 ans, 76 % pour celles ‰gŽes de 7 ˆ 13 ans, 45 % au-delˆ de 14 ans (Shaw et Carter 1989 : 8 annŽes dÕobservations dans un parc de lÕOklahoma). En Žlevage, le taux de gestation est sans doute supŽrieur ˆ celui observŽ en parcs naturels, pour des raisons dÕŽtat sanitaire, de niveau alimentaire tout au long de lÕannŽe, et de tri des animaux infertiles. Dans une revue rŽcente, Dorn (1995) fait le point des essais pratiques dÕutilisation sur le bison des techniques Ç modernes È de ma”trise de la reproduction effectuŽs dans plusieurs ranchs des Etats-Unis. Il cite ainsi des insŽminations artificielles avec semence congelŽe, des transferts embryonnaires et la conservation dÕembryons par congŽlation. Mis ˆ part les difficultŽs de manipulation des femelles, ces techniques ne semblent pas poser de probl•me de faisabilitŽ, mais tr•s peu dÕessais ont ŽtŽ publiŽs (2 ˆ 3 et on ne parle que des tentatives qui ont rŽussi !). Cet auteur rappelle aussi que quelques essais de transplantation dÕembryons de bisons sur des vaches ont tous ŽtŽ des Žchecs du fait de lÕincompatibilitŽ entre les deux esp•ces. DÕailleurs les nombreuses expŽriences dÕhybridation bison-bovin ont montrŽ que 30 % seulement des gestations venaient ˆ terme quel que soit le sens de lÕhybridation (Logan et Sylvestre 1950, Krasinka 1988). Enfin, Jenning et Hebbring (1983) insistent sur le comportement particulier du m‰le lorsquÕune femelle est en chaleur dans un troupeau. AccaparŽ provisoirement, il abandonnerait tout intŽr•t pour les autres femelles du troupeau qui risquent alors de se dŽcaler dÕun cycle. Pour Žviter cela, ces auteurs conseillent dÕaugmenter le nombre de m‰les par femelles prŽsentes jusquÕau ratio de 1 pour 10. Elevage du bison / 2.3 / Gestation, lactation La durŽe de gestation calculŽe par Krasinska (1988) sur 184 bisons europŽens est de 265 jours, et serait ˆ peu pr•s Žquivalente pour le bison dÕAmŽrique : 270 jours. Cela correspond ˆ environ 15 jours de moins que pour une vache Salers. NŽanmoins la prŽcision de ce chiffre dŽpend de lÕobservation rŽelle des saillies, qui se passent surtout la nuit et sont de ce fait tr•s difficiles ˆ repŽrer. Si la chaleur observŽe est prise comme date de dŽbut de gestation, la durŽe moyenne de gestation de 7 bisonnes du troupeau INRA a ŽtŽ de 267 jours. La dŽtection de la gestation peut se faire par dosage de la progestŽrone sanguine (2 prises de sang ˆ 10 jours dÕintervalle) ou, comme pour les bovins, par dosage de la protŽine sŽrique de gestation, PSPB (ou PSP60, Mialon et al 1994). Certains Žlevages pratiquent aussi lÕŽchographie ˆ partir du 30e jour, mais cela nŽcessite une contention parfaite. Le dŽroulement du v•lage sÕeffectue en plein air et les possibilitŽs dÕintervention sont restreintes. Nous avons toutefois observŽ 2 cas de non dŽlivrance quÕil a fallu traiter, sur 27 v•lages. Les quantitŽs de lait produites par la femelle bison sont encore tr•s mal connues car il nÕexiste aucune mŽthode directe pour les mesurer. A partir de la comparaison entre les croissances de bisons m‰les sous leur m•re et de bisons homologues allaitŽs par des vaches laiti•res, dont on a mesurŽ la ration de lait bu par pesŽe avant et apr•s tŽtŽe, nous avons estimŽ la production de la femelle bisonne ˆ 6 kg/j. En Žlevage en libertŽ, le sevrage du jeune a lieu vers dŽcembre ce qui correspond ˆ une durŽe totale de lactation de 7 mois. Le veau reste cependant pr•s de sa m•re encore quelques mois (Lott et Minta 1983). Dans les conditions classiques de ranching nord-amŽricain, la pratique du sevrage se situe plus t™t, fin octobre, par groupe de jeunes veaux ‰gŽs de 5 ˆ 7 mois. 383 dŽpendre de la qualitŽ du foin. Une partie de la diffŽrence pourrait sÕexpliquer par le volume du rumen, proportionnellement plus faible chez le bison (64 vs 101 ml/kg poids vif, dÕapr•s Towne et al 1988). Les premi•res mesures de quantitŽs ingŽrŽes effectuŽes au domaine INRA de Laqueuille permettent Žgalement de situer le bison par rapport aux races bovines fran•aises (tableau 1). Suivant les types dÕanimaux, le niveau dÕingestion moyen rapportŽ au poids vif serait, sur une longue pŽriode, comparable aux prŽvisions des mod•les INRA (1988) pour des races rustiques. Mais les bisons de ce troupeau hivernent ˆ lÕextŽrieur, ce qui limite la portŽe de cette comparaison car on ne conna”t ni lÕinfluence de la tempŽrature sur la capacitŽ dÕingestion, ni les quantitŽs de vŽgŽtaux secs qui peuvent •tre prŽlevŽs sur la prairie. DÕapr•s Hawley et al (1981b), lorsque bisons et bovins re•oivent des fourrages identiques en hiver ou en ŽtŽ, lÕŽcart dÕingestion entre les deux esp•ces semble supŽrieur durant lÕhiver (et toujours en dŽfaveur du bison), ce qui laisserait supposer un effet dŽpressif et marquŽ RapportŽes au poids vif, les quantitŽs ingŽrŽes par les bisons sont plus faibles que celles ingŽrŽes par les bovins. Figure 4. Quantités ingérées par des bisons et des bovins (d’après Gebczynska et al 1974, Kowalczyk et al 1976, Hawley et al 1981, Towne et al 1989, Koch et al 1995). Quantité ingérée (kg MS/100 kg PV) Bovins Bisons 3 Poids des bisons (kg) 265 375 300 350 315 375 -20% -6% Ecart relatif entre espèces 2 -3% -6% 3 / Ingestion, Digestion 3.1 / Niveau dÕingestion : comparaison bison/bovin La capacitŽ dÕingestion des bisons dÕAmŽrique est mal connue. Quelques comparaisons bovins/bisons ont ŽtŽ rŽalisŽes sur des animaux en croissance, mais aucune sur des femelles en production. ObservŽes sur un nombre limitŽ dÕanimaux, les quantitŽs de mati•re s•che (MS) ingŽrŽes rapportŽes au poids vif sont infŽrieures dÕen moyenne 10 % ˆ celles de bovins de race anglo-saxonne prŽcoce (Towne et al 1988, 1989, Koch et al 1995 ; figure 4). Des observations similaires ont ŽtŽ rŽalisŽes par Gebczynska et al (1974), et Kowalczyk et al (1976), lors de comparaisons des niveaux dÕingestion de bisons europŽens et de bovins Pie Noir. Cet Žcart ne semble pas -13% 1 0 Valeur azotée du foin 4,4 (MAT % MS) Part du 100% fourrage dans la ration Foin de graminées Foin de luzerne 8,0 8,0 10,8 22 100% 100% 70% 70% INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 22 100% 384 / J. AGABRIEL, J. BONY, D. MICOL Tableau 1. Quantités de foin (MAT 110, CB 340 - g/kg MS) ingérées en hiver par des bisonnes d’élevage (hivernage extérieur : INRA domaine de Laqueuille) et comparaison avec les références bovines (INRA 1988). Les valeurs correspondent aux quantités mesurées en début et fin de période d’observation (novembre à mars). Type dÕanimal Poids vif 7-13 mois 200 kg 19-25 mois 300 kg Adulte tarie 450 kg QuantitŽ ingŽrŽe de foin (kgMS / j) CapacitŽ dÕingestion correspondante (UEB) CapacitŽ dÕingestion de gŽnisses Salers (1) du m•me ‰ge (de m•me poids) 3,2 ˆ 3,7 4,3 4,5 ˆ 5,0 6,0 7,0 ˆ 7,5 9,0 5,9 (4,1) 7,5 (5,9) 11,5 (9,4) (1) Poids adulte : 550 kg, Žtat dÕengraissement normal. de la mauvaise saison sur la capacitŽ dÕingestion du bison. Pour prŽciser cet effet, deux lots de 4 jeunes femelles bisonnes ‰gŽes de 1 an et plus (pesant 250 kg environ) ont re•u de septembre ˆ juin respectivement deux foins distribuŽs ˆ volontŽ (Agabriel et al 1996). Le niveau moyen dÕingestion des deux foins (digestibilitŽ de la mati•re organique de 0,69 et 0,57) a ŽtŽ respectivement de 5,55 et 5,23 kg MS/j, et la capacitŽ dÕingestion correspondante des bisonnes a ŽtŽ de 2,32 et 2,48 UEB/100 kg PV, soit des valeurs voisines de celles de gŽnisses bovines Holstein. Les quantitŽs ingŽrŽes ont variŽ dans le m•me sens que la durŽe du jour : maximales en automne (6,0 kg MS/j), elles ont baissŽ de plus de 20 % entre octobre et janvier (4,7 kg MS/j) avant de sÕaccro”tre de nouveau au printemps (figure 5). La digestibilitŽ des rations ˆ base de foin est plus ŽlevŽe chez le bison que chez le bovin, probablement en raison dÕun transit plus lent. Figure 5. Evolution des quantités de foin ingérées de deux lots de jeunes bisonnes au cours de l’hiver (d’après Agabriel et al 1996). 3.2 / DigestibilitŽ des rations Plusieurs mesures de digestibilitŽ comparŽe entre bovin et bison dÕAmŽrique, ou bovin et bison dÕEurope ont ŽtŽ effectuŽes sur des rŽgimes ˆ base de foin distribuŽ ˆ volontŽ dont la qualitŽ variait de 5 ˆ 19 % de MAT (figure 6). Dans ces essais, la quantitŽ de f•ces Žmise est toujours estimŽe par une mŽthode indirecte utilisant des marqueurs internes indigestibles (oxyde de chrome, cendres). Tous les rŽsultats vont dans le sens dÕune meilleure digestibilitŽ de la ration par le bison (de 6 ˆ 10 points) quel que soit le crit•re retenu (digestibilitŽ de la MS, de la MO ou de la cellulose). Pour expliquer cet Žcart, les caractŽristiques ruminales des deux esp•ces recevant un foin de prŽ ou un foin de luzerne ont ŽtŽ comparŽes (Towne et al 1989). Aucune diffŽrence significative nÕest apparue ni sur les param•tres des fermentations ruminales (% des diffŽrents AGV, N ammoniacal % N total) ni dans les proportions des diffŽrents composants de la faune (colonies de bactŽries, rapport bactŽries/protozoaires). La proportion de bactŽries les plus actives sur la cellulolyse (F. succinogenes) ne semble pas plus ŽlevŽe chez le bison (Millet et al 1995). Une seule Figure 6. Digestibilité comparée bisons-bovins de rations à base de foin distribué à volonté (d’après Gebczynska et al 1974, Richmond et al 1977, Hawley et al 1981, Towne et al 1989). Estimations par marqueurs (Chrome ou cendres indigestibles). Bovins Critère mesuré dNdF Marqueur Quantité ingérée (kg MS / j) dNdF dMO Cendres dMO dNdF Cr203 Cendres Digestibilité (%) P1 27/09 - 02/12 6,5 Bisons P2 03/12 - 01/02 P3 02/02 - 15/05 + 8,5 % Ecart relatif entre espèces Lot 1 (280 kg) 60 +9% 6,0 + 7,6 % + 11 % + 6,5 % 5,5 40 5,0 Lot 2 (230 kg) 20 4,5 1erOct 1erNov 1erDéc 1erJan 1erFév 1erMar 1erAvr 1erMai Durée du jour (h) 15 P1 P2 0 P3 12 Valeur azotée 4,4 du foin (MAT % MS) 9 6 Oct Nov Déc Jan Fév Mar Avr Mai INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 Part du 100% fourrage dans la ration Foin de graminées Foin de luzerne 8,0 8,0 10,8 19 100% 100% 70% 100% Elevage du bison / Žtude (Hawley et al 1981a) sugg•re que la vitesse de transit des aliments dans le rumen serait plus faible chez le bison, ce que sugg•re Žgalement le plus faible niveau dÕingestion. DÕautres expŽriences plus anciennes (Peden et al 1974) indiquent que lÕŽcart de digestibilitŽ entre bison et bovin est plus important sur les mauvais foins, et sÕexplique par une capacitŽ de recyclage de lÕazote supŽrieure, mais ce rŽsultat semble infirmŽ par les mesures plus rŽcentes. 4 / Croissance des jeunes et carcasses produites 4.1 / Potentiel de croissance Une synth•se bibliographique des contr™les de croissance effectuŽs sur des animaux en condition dÕŽlevage extensif permet de proposer (figure 7) un schŽma thŽorique de la croissance des bisons de la naissance ˆ lÕ‰ge adulte. Le poids vif adulte est proche de 500 kg pour la femelle et de 800 kg pour le m‰le, et il est atteint au-delˆ de 5 ans. Les conditions dÕŽlevage, milieu contr™lŽ ou naturel, font varier fortement les niveaux de croissance et les poids ˆ ‰ge type. Le poids ˆ la naissance des jeunes est dÕenviron 30 kg pour les m‰les et 25 kg pour les femelles, soit respectivement 3,8 % et 5 % du poids des adultes, comme ce que lÕon observe chez les bovins Salers (m‰les : 42/1000=3,8 % et femelles 38/650=5,8 %). MesurŽ dans deux parcs naturels AmŽricains, le poids moyen est de 130 kg (n=64) ˆ 5 mois et de 175 kg (n=178) ˆ 6 mois (J. Bony, communication personnelle). LÕŽcart de poids entre les m‰les et les femelles est alors de 10 kg (180 vs 170 kg). Avant cet ‰ge, la croissance moyenne (800 g/j) varie dÕabord avec le niveau de production laiFigure 7. Reconstitution théorique de la courbe de croissance de jeunes bisons, par comparaison à celle d’une femelle bovine qui pèserait le même poids à l’âge adulte. Bison mâle à l'engrais Poids (kg) ue 500 bo vi ne ru st iq 400 Fe m el le 300 Bis 100 on fem ell e 200 1 2 3 Age (ans) 4 5 385 ti•re de la m•re, car le jeune ne consomme pratiquement que du lait au moins jusquÕˆ 3 mois. Deux jeunes bisons m‰les nŽs dans le troupeau expŽrimental ˆ Laqueuille, ont ŽtŽ allaitŽs par une vache Holstein et ont bu 8 ˆ 9 kg de lait par jour. Leur croissance quotidienne jusquÕˆ 7 mois a alors approchŽ 900 g/j et, ˆ cet ‰ge, ils pesaient 210 kg. La croissance de trois jeunes femelles menŽes dans des conditions dÕallaitement identiques a atteint 530 g/j. Les femelles de 1 an p•sent pr•s de 220 kg (Jenning and Hebbring 1983) soit 40 ˆ 45 % du poids adulte, contre plus de 50 % pour un bovin du m•me ‰ge. Au-delˆ, le niveau de croissance du jeune dŽpend : - de son potentiel gŽnŽtique. Comme cette esp•ce nÕa jamais ŽtŽ sŽlectionnŽe sur la croissance, la variabilitŽ des performances pondŽrales entre animaux est ŽlevŽe ; - de facteurs environnementaux (date de naissance, ‰ge au sevrage...), et comportementaux (hiŽrarchie dans le groupe) ; - de lÕapport nutritionnel, en particulier de la densitŽ ŽnergŽtique de la ration (qualitŽ du fourrage, rapport foin/concentrŽ). Des bisons m‰les de 250 kg recevant un foin de luzerne complŽmentŽ avec 25 % ou 50 % dÕaliment concentrŽ ont rŽalisŽ des gains quotidiens de 570 g et 680 g soit 81 et 89 g/kg MS ingŽrŽe (Koch et al 1995). Dans cette expŽrience, lÕefficacitŽ alimentaire de la ration est comparable ˆ celle des tŽmoins bovins (70 g de gain par kg de MS). A partir des donnŽes du troupeau INRA, la croissance dÕun lot de 6 jeunes m‰les de 1 an recevant un foin de bonne qualitŽ tout au long des 6 mois dÕhiver a pu atteindre 300 g/j, mais nÕa ŽtŽ que de 150 g/j avec un foin plus mŽdiocre. Plus ‰gŽs, entre 20 et 26 mois, ces animaux, qui pesaient alors 300 kg, ont re•u un foin de deuxi•me coupe distribuŽ ˆ volontŽ et complŽmentŽ avec 30 % de ma•s grain. Leur croissance a alors atteint 700 g/j. Au p‰turage, la croissance de bisons de 1 ou 2 ans sÕŽl•ve ˆ 450-500 g/j entre mai et septembre. On ne conna”t pas encore leur capacitŽ de croissance compensatrice, mais, lors de lÕengraissement ˆ lÕherbe (5 kg de concentrŽ/j) dÕun lot de 6 m‰les ‰gŽs en moyenne de 3 ans (350 kg), la croissance entre juin et septembre a atteint 800 g/j. Par rapport aux jeunes bovins, la particularitŽ du bison rŽside dans sa sensibilitŽ ˆ la durŽe dÕŽclairement. Entre 15 et 18 mois, la croissance moyenne hivernale mesurŽe des 8 femelles (paragraphe 3.1) a ŽtŽ de 290 g/j : maximale ˆ lÕautomne (510 g/j), elle nÕa ŽtŽ que de 10 g/j entre dŽcembre et fŽvrier avant de sÕŽlever ˆ nouveau 300 g/j au mois de mars (Agabriel et al 1996). La baisse hivernale pourrait provenir de la rŽduction du niveau dÕingestion avec la durŽe dÕŽclairement, ce qui limiterait dÕautant lÕŽnergie ingŽrŽe disponible pour la croissance. Mais on ne peut exclure un effet direct de la durŽe dÕŽclairement sur la capacitŽ de croissance pondŽrale comme cÕest la cas chez les cervidŽs (ThŽriez 1989). De fŽvrier ˆ mai par exemple, lÕefficacitŽ alimentaire de jeunes bisons m‰les ˆ lÕenINRA Productions Animales, dŽcembre 1996 Le poids vif adulte est de 500 kg pour les femelles et 800 kg pour les m‰les. 386 / J. AGABRIEL, J. BONY, D. MICOL grais placŽs en stabulation libre (185 kg de poids vif) a ŽtŽ de 109 g de gain /kg MSI et sÕest ŽlevŽe ˆ 135 g de gain/kg MSI entre mai et septembre (alors quÕelle variait respectivement de 132 ˆ 103 g de gain/kg MSI pour leurs homologues bovins ; Koch et al 1995). Des observations similaires ont ŽtŽ rŽalisŽes sur les bisons engraissŽs du troupeau de Laqueuille (Micol et al 1995) dont la croissance sÕest considŽrablement ralentie apr•s le 15 octobre malgrŽ lÕapport de 6 kg dÕaliment concentrŽ par jour. Ce rŽsultat risque de conditionner la pŽriode dÕengraissement des m‰les afin de rechercher lÕefficacitŽ alimentaire maximum. Le niveau de croissance semble plus affectŽ que le niveau dÕingestion par la variation de durŽe dÕŽclairement. La date de naissance a donc une importance plus grande encore quÕen Žlevage bovin allaitant. Comme pour les cervidŽs, plus les animaux naissent t™t en saison, plus ils peuvent profiter pleinement de la pŽriode favorable dÕŽtŽ. A lÕopposŽ, des animaux nŽs tard ne peuvent pas rattraper pendant lÕhiver leur retard de poids qui ne devrait que sÕamplifier par le ralentissement des croissances. 4.2 / CaractŽristiques des carcasses produites Les caractŽristiques dÕabattage sont intŽressantes : rendement correct et dŽp™ts adipeux limitŽs. Le marchŽ demande de la viande aux caractŽristiques marquŽes, suffisamment rouge, et des carcasses dÕenviron 250 kg. Pour rŽpondre ˆ cette demande, les m‰les sont abattus selon leur performances de croissance entre 2,5 et 3,5 ans dÕ‰ge, soit ˆ un poids vif de 450 ˆ 500 kg, le rendement en carcasse Žtant alors dÕenviron 60 % (Hawley 1986). Dans un essai rŽcapitulatif, 14 bisons m‰les castrŽs dÕun poids vif moyen de 431 kg ont ŽtŽ abattus et comparŽs ˆ des bovins m‰les de 542 kg (Koch et al 1995). Les poids de carcasses et les rendements (poids carcasse chaude / poids vif avant abattage) ont atteint respectivement pour chaque esp•ce 269 kg et 62,6 % (bison), 326 kg et 60,7 % (bovins) avec des rŽgimes Tableau 2. Caractéristiques d’abattage et de rendement en carcasses de bisons selon l’âge (D. Micol, J. Agabriel, J. Bony : Programme bison INRA, domaine de Laqueuille). Age Nombre 2,5 ans 6 3,5 ans 6 Ensemble 12 Poids final (kg) Poids vif vide (kg) Poids de carcasse (kg) 448 398 247 482 424 269 465 411 258 Rendement Žconomique (%) (1) Rendement vrai (%) (2) 55,1 63,3 55,7 64,8 55,5 64,1 Composition de la carcasse (%) Muscles Squelette DŽp™ts adipeux 70,6 17,6 11,8 73,4 16,7 9,9 72,0 17,1 10,9 (1) Poids carcasse froide / poids vif final sur lÕexploitation. (2) Poids carcasse chaude / poids vif vide. INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 dÕengraissement ˆ base dÕensilage de ma•s. Les premiers rŽsultats dÕabattage ˆ lÕINRA ont permis de comparer les carcasses produites par des m‰les engraissŽs ˆ deux ‰ges, 2 et 3 ans. Ces bisons ont p‰turŽ une herbe de qualitŽ durant 6 mois avant lÕabattage, et recevaient en complŽment 4 kg de cŽrŽales et 1 kg de tourteau de soja par jour (tableau 2). Les poids de carcasses ont atteint en moyenne 247 et 269 kg respectivement pour les deux ‰ges, ce qui correspond ˆ des rendements vrais (poids carcasse chaude / poids vif vide) ŽlevŽs (64,1 %) variant peu avec lÕ‰ge (Micol et al 1995). Le faible dŽveloppement du tube digestif et surtout du rumen peut en partie expliquer la valeur de ces rendements. La composition anatomique des carcasses se rŽpartit en 72 % environ de tissu musculaire, 17 % dÕos et 10 % de dŽp™ts adipeux (72, 16 et 12 % respectivement dans lÕexpŽrience de Koch et al). LÕŽtat dÕengraissement para”t toujours limitŽ bien que le rŽgime alimentaire avant abattage ait ŽtŽ riche en Žnergie. Il ne semble pas non plus avoir variŽ avec lÕ‰ge. Dans la dŽcoupe, la proportion de quartiers arri•re a atteint 46,4 % du poids des carcasses (46 % pour Hawley 1986). Ces rŽsultats soulignent que le bison, malgrŽ sa morphologie tr•s peu orientŽe vers la production de viande et son faible dŽveloppement pondŽral, prŽsente des caractŽristiques dÕabattage intŽressantes. Toutefois, tr•s peu de facteurs pouvant intervenir sur la quantitŽ de viande produite et la qualitŽ des carcasses ont ŽtŽ ŽtudiŽs. On ne conna”t pas notamment lÕeffet de la saison sur lÕŽtat dÕengraissement des carcasses, ni lÕeffet de la durŽe dÕengraissement, ni m•me lÕeffet du sexe. Les femelles sont en effet majoritairement conservŽes pour lÕŽlevage. Conclusions Les donnŽes bibliographiques et les premi•res observations sur les bisons du troupeau INRA sont encore trop partielles pour bien conna”tre cette esp•ce peu frŽquente en Europe. RŽgime alimentaire et comportement dÕingestion sont sans doute tr•s voisins de ceux des bovins. LÕutilisation de lÕŽnergie ingŽrŽe reste sans doute la principale question zootechnique ˆ prŽciser en liaison avec la sensibilitŽ ˆ la durŽe dÕŽclairement. Si, chez le bison, le niveau dÕingestion plus faible est compensŽ par une digestibilitŽ lŽg•rement supŽrieure, lÕŽnergie disponible pour les productions, ˆ poids comparable, sera-t-elle alors voisine pour les deux esp•ces ? Si le niveau des performances de croissance des jeunes est bien infŽrieur ˆ celui des bovins qui recevraient le m•me niveau ŽnergŽtique, comment le bison utilise-t-il cette Žnergie disponible ? LÕhypoth•se dÕun besoin dÕentretien particuli•rement ŽlevŽ (+20 %) et variable en fonction de la saison, plus faible en ŽtŽ quÕen hiver, doit •tre vŽrifiŽe. Elevage du bison / Dans nos pays, le principal atout du bison rŽside dans sa capacitŽ ˆ produire une viande rouge, tendre, avec des rendements satisfaisants ˆ lÕabattage. Mais son potentiel de croissance limitŽ le pŽnalise fortement par rapport aux races bovines ˆ viande. Enfin, du point de vue de lÕŽleveur, si les frais de fonctionnement des Žlevages de bisons peuvent •tre rŽduits par lÕabsence de b‰timents, le capital investi au dŽpart en animaux, en cl™tures (2 m de haut pour une surface dÕun hectare/t•te) et en contention (obligatoire pour 387 des raisons sanitaires et de manipulations) est nŽanmoins tr•s ŽlevŽ. Compte tenu de la longueur du cycle de production de lÕanimal, il faut attendre longtemps pour espŽrer le rentabiliser. Le risque est donc important si lÕon consid•re en plus que la demande actuelle est soutenue par un effet limitŽ et de mode. Remerciements : LÕŽtude expŽrimentale conduite ˆ lÕINRA a bŽnŽficiŽ du soutien financier du FIDAR interrŽgional Massif Central. RŽfŽrences bibliographiques Agabriel J., Bony J., Petit M., 1996. QuantitŽs ingŽrŽes et croissance de jeunes bisonnes dÕŽlevage effet de la saison. Ann. Zootech., 45, 319-325. Allard D., 1992. Elevage du Bison en France. Th•se de doctorat vŽtŽrinaire, Ecole VŽtŽrinaire de Nantes. Belovsky G.E., Slade J.B., 1986. Time budgets of grassland herbivores : body size similarities. Oecologia, 70, 53-62. Koch R.M., Jung H.G., Crouse J.D., Varel V.H., Cundiff L.V., 1995. Growth, digestive capability, carcass and meat characteristics of Bison bison, Bos taurus, and Bos x Bison. J. Anim. Sci., 73, 1271-1281. Kowalczyk J., Gebczynska Z., Krasinska M., 1976. The digestibility of nutrients of natural diet by European bison in different seasons. 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The development of bison farming is attracting a growing amount of interest in Europe. Bison are farmed essentially for meat production and for their tourist attraction potential. The amount of bison meat produced globally is currently very low. The French production has been largely developed from imported animals. The bison can be adapted to French farming conditions, even in small farms. The animals do not become aggressive unless they are unduly restrained. Their dietary requirements are very similar to those of cattle under similar conditions. Although the females may give birth throughout the year, the animals tend to be seasonal. Calving occurs primarily in May and breeding in August. Young females can begin to reproduce at 2 years of age and can be bred annually. The pregnancy length is 270 days. The birth weight of the young calves is 25 kg for females and 30 kg for males. The maternal milk production is such that the young INRA Productions Animales, dŽcembre 1996 gain about 600 g per day until they are weaned at an age of around 7 months. Adult weight (450-500 kg for females, 700-800 kg for males) is reached quite late (>7 years). The relationship between the average amount of intake and the weight gain over the long term is quite similar to that of hardy beef breeds. The growth rate and amount of feed ingested in the young have seasonal variations and are affected by the day length. In France, the most attractive feature of bison farming is his ability to produce a very red meat with a quite good yield (around 57 %). Before slaughter, the males are fattened with a concentrated diet that enables them to gain 800 g/d. In order to produce the 250-300 kg carcasses required for marketing, the animals should be slaughtered between 2.5 and 3 years of age. AGABRIEL J., BONY J., MICOL D., 1996. Elevage du bison dÕAmŽrique (Bison Bison). INRA Prod. 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