Saluzzo, joyau perdu au cœur du Piémont
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Saluzzo, joyau perdu au cœur du Piémont
En baladE samedi 23, dimanche 24 juin 2012 Lac SUISSE Léman Lac Majeur ITALIE e 500 km p l A Milan I TA L I E LOMBARDIE Saluzzo, joyau perdu au cœur du Piémont Pô Turin Pô Loin des sentiers touristiques ordinaires, la ville médiévale italienne recèle de vraies merveilles architecturales Rome s VAL D'AOSTE ÉMILIEROMAGNE PIÉMONT Mt Viso 3841 m Gênes Saluzzo FRANCE Golfe de Gênes LIGURIE Nice Mer Ligurienne n traverse Saluzzo par hasard. O n y revient par goût. Car rien ne prédestine le visiteur à s’aventurer dans les vallées perdues du Piémont (Italie). Si Turin séduit par son élégance baroque, Saluzzo reste méconnue. Et pourtant ! Sous l’œil scrutateur du « roi de pierre », le mont Viso, la petite ville est un concentré de ce que la Renaissance a pu offrir de meilleur. Ici les façades sont aussi chaudes qu’austères, les fresques aussi épurées que bouleversantes, les petites rues pavées aussi improbables que familières. Et celle qu’on surnomme la « Sienne des Alpes » regorge aussi d’églises romanes et de châteaux médiévaux. Comme si chaque époque avait tenu à imprimer sa marque. Accolée à la verdoyante vallée de la Varaita, la petite ville a su sauvegarder son centre historique. Le bourg, dont l’organisation remonte au tout début du XVe siècle, est surmonté par l’auguste Castiglia, le château résidence des marquis de Saluzzo. Autour, une multitude de petites ruelles en galets s’enchevêtrent. De temps à autre, un escalier un peu raide permet de les relier, offrant une vue imprenable sur de minuscules jardins suspendus. Les façades ocre des hôtels particuliers des siècles passés sont décrépies… comme il se doit. Ailleurs, on s’offusquerait d’un tel laisser-aller, en Italie cela va de soi. Ces couleurs défraîchies donnent presque un charme supplémentaire aux demeures. « Ici, personne ne veut repeindre sa façade : les pauvres parce qu’ils n’en ont pas les moyens, les riches parce qu’ils ne veulent surtout pas attirer l’attention ! », s’amuse Tiziana Gallien, la guide du lieu. Et cela pour le plus grand bonheur du visiteur. Car, même délavées, les fresques des façades gothiques de la Salita al Castello, le centre de la vie économique et sociale au Moyen Âge, restent éblouissantes, tout particulièrement la grisaille de la Casa delle arti liberali. Ici et là, on perçoit encore les contours d’une ancienne méridienne. La vieille ville est surplombée par un campanile du XVe siècle. Très subtilement éclairé, c’est lui qui happe le regard à la nuit tombée. Idé 50 km 19 HAGER TINA / FOCUS / COSMOS O Maison à Saluzzo. La ville est un concentré de ce que chaque époque a pu lui offrir de meilleur. Tout ici rappelle la splendeur passée de la dynastie des marquis de Saluzzo. Capitale du marquisat pendant plus de quatre siècles, la petite bourgade a tout fait pour maintenir son indépendance. Prise en étau entre les ambitions de la maison de Savoie et celles des Français, elle atteste que les marquis ont su assimiler le génie de Renaissance italienne tout en s’ouvrant à la culture gothique de leur voisin transalpin. De nombreux vestiges témoignent de l’influence de la France. De nombreux vestiges témoignent d’ailleurs de l’influence de la France. C’est le cas lorsqu’on repères EN PRATIQUE P Comment y aller ? Vol Paris-Turin : 192 € A/R, Lufthansa. Prendre ensuite un bus jusqu’à Saluzzo (liaisons quotidiennes avec la compagnie principale, ATI). P Où se loger ? Agriturismo Camisassi, Via Torino, 75. L’établissement se trouve au milieu des champs, dans une ferme carrée du XVIe siècle, et compte neuf chambres confortables. Chambres doubles à partir de 70 €. Resort San Giovani, Via San Giovani, 9A. Un ancien cloître du XVe siècle, les cellules des moines ayant été converties en chambres. Avec ses fresques d’époque au mur, ce lieu laisse un souvenir mémorable au visiteur. Chambres doubles à partir de 90 €. P Quel guide se procurer ? Peu de guides touristiques consacrent quelques pages à Saluzzo. C’est le cas du Guide du routard d’Italie du Nord 2012, 557 p., 14,20 €. L’office du tourisme local peut, lui aussi, être de bon conseil. ADRESSE : Piazza Risorgimento, 1. Tél : 0175 46 710. visite le château de Manta, à quatre kilomètres au sud de Saluzzo. Ici, on vient admirer l’un des plus impressionnants documents du gothique international : les peintures murales de la Sala baronale. Cette fresque représente 18 héros et héroïnes mythiques (dont Charlemagne, Alexandre le Grand ou encore Jules César), tous peints sous les traits des marquis de Saluzzo. « Ces fresques datent de l’an 1400, précise Tiziana Gallien. Les historiens ont réussi à les dater grâce aux costumes. C’est en effet ceux que l’on portait à Paris à cette époque ! » Totalement ignorée des Français, Saluzzo commence à asseoir sa réputation en Italie. En raison de l’écrin naturel dans lequel elle s’inscrit. Charnière entre la chaîne des Alpes et la vallée de Cuneo, la région attire pour ses nombreux « sentiers découverte ». Jalonnant la vallée de la Maira, les voies de communication utilisées par les habitants de celle-ci ont été à nouveau balisées. L’occasion de redécouvrir des sentiers autrefois empruntés pour le commerce ou les pèlerinages, comme l’attestent les nombreuses petites chapelles les ponctuant. « Dans ces oratoires, on prie saint Jacques, le patron des pèlerins, mais aussi un autre saint, moins connu, saint Bernard de Menthon », explique la guide. Aux beaux jours, ces chemins regorgent de géraniums sauvages, de lys de Saint-Bruno, de myosotis et de garciane. On s’y sent seul au monde. Ce qui n’empêche pas d’y croiser d’autres solitaires. Les uns à la recherche de points de vue époustouflants, les autres en quête de frissons. Le petit sentier débouche en effet sur une via ferrata renommée où l’on peut s’essayer à l’escalade. Dino Matteodo, le maire d’un petit village alentour, se réjouit de l’attrait touristique croissant de la région. « Pendant des décennies, l’Italie a vécu sur ses acquis en matière de tourisme. Comme nous avions moins d’atouts qu’ailleurs, nous nous démenons pour valoriser notre patrimoine, qu’il soit culturel ou naturel. Et ça marche ! » La région est, par ailleurs, en train de massivement investir dans le cyclotourisme et l’agritourisme. De quoi faire de Saluzzo une halte incontournable dans le Piémont. MARIE BOËTON