N. 140 - La Santa Sede
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N. 140 (2012/III-IV) Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens CITÉ DU VATICAN Service d’information TABLE DES MATIÈRES Voyage Apostolique du Pape Benoît XVI au Liban (14-16 septembre 2012)............................................. 3 Treizième Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques (7-28 octobre 2012)........................... 5 Ouverture de l’Année de la Foi (11 octobre 2012) Homélie du Pape Benoît XVI.............................................................................................................. 15 Discours du Patriarche œcuménique Bartholomaios........................................................................ 17 Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (12-16 novembre 2012) Discours du Pape Benoît XVI.............................................................................................................. 19 Discours d’ouverture du Cardinal Kurt Koch, Président du CPPUC................................................ 20 Rapport d’activité novembre 2010-novembre 2012 de S. Exc. Mgr Brian Farrell, Secrétaire du CPPUC.................................................................................................................... 29 Visite au Patriarcat œcuménique d’une délégation du Saint-Siège pour la fête de Saint André (29-30 novembre 2012) Message du Pape Benoît XVI à Sa Sainteté Bartholomaios.............................................................. 41 Allocution du Patriarche œcuménique Bartholomaios à la délégation............................................ 42 Nouvelles œcuméniques In memoriam....................................................................................................................................... 45 Sa Sainteté Abuna Paulos, Patriarche de l’Église orthodoxe Tewahedo éthiopienne................... 45 Sa Béatitude Torkom II Manougian, Patriarche orthodoxe arménien de Jérusalem.................. 45 Sa Sainteté Maxime, Métropolite de Sofia et Patriarche de l’Église orthodoxe de Bulgarie)....... 45 Sa Béatitude Ignace Hazim IV, Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient........ 46 Élections Sa Sainteté Tawadros II, nouveau Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de Saint-Marc, 18 novembre 2012......................................................................................................................... 46 Sa Béatitude Youhanna X, nouveau Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, 17 décembre 2012........................................................................................................... 47 Sa Béatitude Nourhan Manougian, nouveau Patriarche arménien de Jérusalem, 24 janvier 2013.48 Sa Sainteté Néophit, nouveau Patriarche de Bulgarie, 24 février 2013 ..................................... 48 Dialogue méthodiste-catholique (Buenos Aires, Argentine, 12-19 octobre 2012)............................ 49 Commission de dialogue international entre l’Église catholique et l’Église vieille-catholique (Paderborn, Allemagne, 3-6 décembre 2012).............................................................................. 49 Dialogue international trilatéral catholique-luthérien-mennonite (Rome, 9-13 décembre 2012).. 50 Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme Télégramme du Pape à la Communauté juive de Rome pour les célébrations juives..................... 51 Assemblée plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme (Rome, 28-30 octobre 2012)......................................................................................................... 51 Discours d’ouverture du Cardinal Kurt Koch : « Au service de la compréhension entre juifs et catholiques .............................................................................................................. 51 BUREAUX: Via della Conciliazione, 5 – 00193 Rome (Italie) • Téléphone: +39 06.698.83212 (Rédaction) – +39 06.698.83074 (Administration) Fax: +39 06.698.85365 • E-mail: [email protected] Rédacteur: Vladimiro Caroli, OP ABONNEMENTS 1 an: ITALIE: � 25 EUROPE: � 35 ÉTRANGER HORS EUROPE: US $48 1 numéro déjà paru: US$9 – � 7 Pour vous abonner, veuillez envoyer un chèque ou un mandat postal international ètabli à l’ordre de: Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens – 00120 Cité du Vatican Adresse pour toute correspondance – Adresse postale La reproduction totale ou partielle des textes publiés dans SERVICE D’INFORMATION est autorisée. Néanmoins nous prions ceux qui utilisent ces textes de bien vouloir nous envoyer un exemplaire de leurs publications. VOYAGE APOSTOLIQUE DE BENOÎT XVI AU LIBAN 14-16 septembre 2012 Cérémonie de bienvenue Rafiq Hariri de Beyrouth à l’aéroport international 14 septembre 2012 Le Pape Benoît XVI a quitté l’aéroport romain de Ciampino dans la matinée du vendredi 14 septembre pour son 24e Voyage apostolique hors d’Italie. Ce voyage apostolique de Benoît XVI au Liban avait lieu dans le cadre de la signature et de la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale de l’Assemblée spéciale du Moyen-Orient du Synode des Évêques que le Pape a adressée à tous les chrétiens du Moyen-Orient. La cérémonie de bienvenue qui s’est tenue à l’aéroport a débuté par un salut d’honneur suivi de l’intervention du Président Sleiman et d’un discours du Pape Benoît XVI. Nous publions, ci-après, un extrait du discours du Pape prononcé en français. Monsieur le Président de la République, Messieurs les Présidents du Parlement et du Conseil des ministres, Chères Béatitudes, Membres du Corps diplomatique, Autorités civiles et religieuses présentes, chers amis, (…) Je tiens à saluer aussi avec grande déférence les Patriarches et Évêques orthodoxes venus me recevoir, ainsi que les représentants des diverses communautés religieuses du Liban. Votre présence, chers amis, démontre l’estime et la collaboration que vous souhaitez promouvoir entre tous dans le respect mutuel. Je vous remercie pour vos efforts et je suis certain que vous continuerez à rechercher des voies d’unité et de concorde. Je n’oublie pas les événements tristes et douloureux qui ont affligé votre beau pays durant de longues années. L’heureuse convivialité toute libanaise doit démontrer à l’ensemble du Moyen-Orient et au reste du monde qu’à l’intérieur d’une nation, peuvent exister la collaboration entre les différentes Églises, toutes membres de l’unique Église catholique, dans un esprit fraternel de communion avec les autres chrétiens, et dans le même temps, la convivialité et le dialogue respectueux entre les chrétiens et leurs frères d’autres religions. Vous savez comme moi que cet équilibre qui est présenté partout comme un exemple, est extrêmement délicat. Il menace parfois de se rompre lorsqu’il est tendu comme un arc, ou soumis à des pressions qui sont trop souvent partisanes, voire intéressées, contraires et étrangères à l’harmonie et à la douceur libanaises. C’est là qu’il faut faire preuve de réelle modération et de grande sagesse. Et la raison doit prévaloir sur la passion unilatérale pour favoriser le bien commun de tous. Le grand roi Salomon qui connaissait Hiram, le roi de Tyr, n’a-t-il pas jugé que la sagesse était la vertu suprême ? C’est pourquoi il l’a demandée à Dieu instamment, et Dieu lui donna un cœur sage et intelligent (cf.1 R 3, 9-12). (…) ORF, 20.09.2012 Rencontre œcuménique de Charfet au patriarcat syro-catholique 16 septembre 2012 Dimanche 16 septembre avant son départ, le Saint-Père s’est rendu au Patriarcat syro-catholique de Charfet. Il y a rencontré les patriarches orthodoxes, des représentants d’autres Églises et Communautés chrétiennes et les patriarches catholiques du Liban. En cette circonstance, il les a encouragés dans leur pèlerinage œcuménique, demandant que cette Église soit « pour les peuples de la région, un signe de la paix qui vient de Dieu et une lumière qui fait vivre leur espérance ». Nous publions, ci-dessous, le discours que le Saint-Père a prononcé en français. Sainteté, Béatitude, Vénérés Patriarches, chers Frères dans l’épiscopat, chers Représentants des Églises et des Communautés protestantes, chers frères, C’est avec joie que je me trouve parmi vous, dans ce monastère Notre Dame de la Délivrance de Charfet, haut-lieu de l’Église syriaque catholique pour le Liban et pour tout le Moyen-Orient. Je remercie Sa Béatitude Ignace Youssef Younan, Patriarche d’Antioche des syriaques catholiques, pour ses fortes paroles d’accueil. Je salue fraternellement chacun de vous qui représentez la diversité de l’Église en Orient, et en particulier Sa Béatitude Ignace IV Hazim, Patriarche grec orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient et Sa Sainteté Mar Ignatius Ier Zakke Iwas, Patriarche de l’Église syriaque orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient. Votre heureuse présence solennise cette rencontre. Je vous remercie de tout cœur pour être parmi nous. Ma pensée va aussi vers 3 l’Église copte orthodoxe d’Égypte et l’Église éthiopienne orthodoxe qui ont eu la douleur de perdre leur Patriarche respectif. Je les assure de ma proximité fraternelle et de ma prière. Permettez-moi de saluer ici le témoignage de foi rendu par l’Église syriaque d’Antioche au cours de sa glorieuse histoire, témoignage d’un amour ardent pour le Christ qui lui a fait écrire, jusqu’à nos jours, des pages héroïques pour demeurer fidèle à sa foi jusqu’au martyre. Je l’encourage à être pour les peuples de la région, un signe de la paix qui vient de Dieu et une lumière qui fait vivre leur espérance. J’étends cet encouragement à toutes les Églises et Communautés ecclésiales présentes dans cette région. Chers frères, notre rencontre de ce soir est un signe éloquent de notre désir profond de répondre à l’appel du Seigneur Jésus « Que tous soient un » (Jn 17, 21). Dans ces temps instables et enclins à la violence que connaît votre région, il est toujours plus urgent que les disciples du Christ donnent un témoignage authentique de leur unité, afin que le monde croie en son message d’amour, de paix et de réconciliation. C’est ce message que tous les chrétiens et nous en particulier avons reçu mission de transmettre au monde, et qui prend une valeur inestimable dans le contexte actuel du Moyen-Orient. Travaillons sans relâche pour que notre amour pour le Christ nous conduise peu à peu vers la pleine communion entre nous. Pour cela, par la prière et par l’engagement commun, il nous faut revenir sans cesse vers notre unique Seigneur et Sauveur. Car, comme je l’ai écrit dans l’Exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente que j’ai le plaisir de vous remettre, « Jésus unit ceux qui croient en lui et qui l’aiment en leur donnant l’Esprit de son Père, ainsi que Marie, sa mère » (n. 15). Je confie à la Vierge Marie chacune de vos personnes ainsi que les membres de vos Églises et de vos Communautés. Qu’elle implore pour nous son divin Fils afin que nous soyons délivrés de tout mal et de toute violence, et que cette région du Moyen- 4 Orient connaisse enfin le temps de la réconciliation et de la paix. Que la Parole de Jésus que j’ai souvent citée au cours de ce voyage, «[ مُكيطعُأ يمالَسJe vous donne ma paix »] (Jn 14, 27) , soit pour nous tous le signe commun que nous donnerons au nom du Christ aux peuples de cette région bien-aimée qui aspire avec impatience à la réalisation de cette annonce ! Merci à vous ! ORF, 20.09.2012 Audience générale 19 septembre 2012 Guidé par le désir de proclamer la paix du Seigneur, Benoît XVI « a fortement désiré » réaliser ce voyage au Liban, « en dépit des circonstances difficiles ». C’est ce que le Saint-Père affirmait face aux fidèles réunis dans la Salle Paul VI au Vatican, dans la matinée du mercredi 19 septembre, au cours de l’Audience générale. (…) J’ai eu la joie de remettre l’exhortation apostolique qui rassemble les conclusions de l’assemblée spéciale du Synode des évêques consacrée au MoyenOrient. À travers les patriarches et les évêques orientaux et latins, les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs, ce document veut atteindre tous les fidèles de cette chère région, pour les soutenir dans la foi et dans la communion et les encourager sur la voie de la nouvelle évangélisation tant souhaitée. Dans l’après-midi, au siège du patriarcat syro-catholique, j’ai eu ensuite la joie de vivre une rencontre œcuménique fraternelle avec les patriarches orthodoxes et les orthodoxes orientaux et avec les représentants de ces Églises, ainsi que des Communautés ecclésiales. (…) ORF, 20.09.2012 TREIZIÈME ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES 7-28 octobre 2012 « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne » Intervention de Sa GrÂce Rowan Williams Archevêque de Cantorbéry Primat d’Angleterre et de la Communion anglicane Cinquième Congrégation générale 10 octobre 2012 Sainteté, Révérends Pères, frères et sœurs dans le Christ, Chers amis, 1. Je suis très honoré d’avoir été invité par le Saint-Père à intervenir dans cette assemblée: comme dit le psalmiste: Ecce quam bonum et quam jucundum habitare Jratres in unum. Le rassemblement des évêques dans un Synode pour le bien de tout le peuple du Christ est l’une des disciplines qui entretiennent la santé de Son Église. Aujourd’hui, en particulier, nous ne pouvons pas oublier ce grand rassemblement de fratres in unum que fut le Concile Vatican II, qui tant a fait pour la santé de l’Église et l’a aidée à retrouver toute l’énergie nécessaire pour annoncer de façon efficace la Bonne Nouvelle de Jésus Christ à notre époque. Pour beaucoup de ma génération, même en dehors de l’Église catholique romaine, ce Concile a été un signe de grande promesse, un signe que l’Église était suffisamment forte pour se poser des questions ardues, à savoir si sa culture et ses structures étaient adaptées à la tâche consistant à partager l’Évangile dans l’esprit complexe, souvent rebelle, toujours fiévreux du monde moderne. 2. Le Concile a été, à tant d’égards, une redécouverte de l’intérêt et de la passion pour l’Évangile, se focalisant non seulement sur le renouveau de la vie même de l’Église mais aussi sur sa crédibilité dans le monde. Des textes tels que Lumen gentium et Gaudium et spes présentent une vision nouvelle et joyeuse de comment la réalité immuable du Christ, vivant dans son Corps sur terre grâce au don du Saint Esprit, pourrait prononcer des paroles nouvelles à la société de notre époque et même à ceux appartenant à d’autres religions. Il n’est pas surprenant que, cinquante ans plus tard, nous soyons encore aux prises avec tant de questions et d’implications du Concile; et je présume que l’intérêt de ce Synode pour l’évangélisation s’inscrit dans la continuité de cette recherche que le Concile nous a léguée. 3. Or, l’un des aspects les plus importants de la théologie de Vatican II a été le renouveau de l’anthropologie chrétienne. Au lieu du récit néo-scolastique, souvent forcé et artificiel, expliquant les relations entre la grâce et la nature dans la constitution des êtres humains, le Concile se base sur les meilleures intuitions d’une théologie qui était revenue à ses sources les plus anciennes et les plus riches: la théologie de génies spirituels comme Henri de Lubac, qui nous a rappelé ce que cela voulait dire pour la chrétienté primitive et médiévale parler d’humanité faite à l’image de Dieu et de grâce qui perfectionne et transfigure cette image si longtemps enduite de notre « inhumanité » habituelle. Dans cette perspective, proclamer l’Évangile, c’est proclamer qu’il est enfin possible d’être complètement humain: la foi catholique et chrétienne est un « vrai humanisme », pour emprunter les mots d’un autre génie du siècle dernier, Jacques Maritain. 4. De Lubac est pourtant clair sur ce que cela ne veut pas dire: nous ne remplaçons pas la tâche évangélisatrice par une campagne d’« humanisation ». « Humaniser avant de christianiser? » demande-t-il. « Si l’entreprise réussit, le christianisme viendra trop tard: la place sera prise. Et pense-t-on que le christianisme n’ait point valeur humanisante? ». C’est ce qu’il écrit dans son magnifique recueil d’aphorismes, Paradoxes. C’est la foi même qui détermine l’œuvre d’humanisation, mais sans la définition de l’humanité donnée dans le deuxième Adam, l’entreprise humanisante sera creuse. L’évangélisation, ancienne ou nouvelle, doit être ancrée dans la conviction profonde que nous avons une destinée humaine qui nous distingue et que nous devons montrer et partager avec le monde. Ce concept peut être expliqué de différentes façons, mais dans ces brèves remarques, je me concentrerai sur un aspect en particulier. 5. Le fait d’être pleinement humain signifie être recréé à l’image de l’humanité du Christ; et cette humanité est la parfaite « traduction » humaine de la relation du Fils éternel et du Père éternel, une relation se basant sur le don de soi dans l’amour et l’adoration, un torrent de vie envers l’Autre. Ainsi, l’humanité où nous grandissons avec l’Esprit, l’humanité que nous cherchons à partager avec le monde comme le fruit de l’œuvre rédemptrice du Christ, 5 est une humanité contemplative. Sainte Édith Stein a observé que nous commençons à comprendre la théologie quand nous voyons Dieu comme le « Premier Théologien », le premier à nous parler de la réalité de la vie divine, puisque « tout ce que l’on dit de Dieu présuppose que c’est Dieu lui-même qui parle »; de façon analogue nous pouvons dire que nous commençons à comprendre la contemplation quand nous voyons Dieu comme premier contemplatif, l’éternel paradigme de cette attention désintéressée portée à l’Autre, qui n’apporte pas la mort mais la vie. Toute la contemplation de Dieu présuppose la connaissance, absorbée et joyeuse, que Dieu a de Lui-même et la contemplation de Lui-même dans la vie trinitaire. 6. Être contemplatif comme l’est le Christ signifie être ouverts à toute la plénitude que le Père veut insuffler à nos cœurs. Par nos esprits rendus silencieux et prêts à recevoir, par nos fantaisies auto-générées sur Dieu et sur nous-mêmes réduits au silence, nous avons enfin atteint le point à partir duquel nous pouvons commencer à grandir. Et le visage que nous devons montrer à notre monde est le visage d’une humanité sans cesse en croissance vers l’amour, une humanité si enchantée et engagée par la gloire de ce vers quoi nous tendons que nous sommes prêts à entreprendre un voyage sans fin pour trouver la voie qui nous conduit plus en profondeur dans le cœur de la vie trinitaire. Saint Paul dit (2 Co 3, 18) « et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur », nous sommes transfigurés par un éclat toujours plus fort. C’est cela le visage que nous cherchons à montrer à nos semblables. 7. Nous recherchons cela non pas parce que nous cherchons une quelconque « expérience religieuse » privée qui nous fera nous sentir sûrs et saints. Nous le recherchons parce que par cet oubli de soi, tourné vers la lumière de Dieu dans le Christ, nous apprenons comment regarder l’autre, et toute la création de Dieu. Dans l’ancienne Église, nous comprenions clairement que nous devions partir d’une compréhension de soi ou d’une auto-contemplation, qui nous enseignait à réfréner nos instincts avides et nos désirs en faveur d’une « contemplation naturelle ». Cela nous permettait de percevoir et vénérer la sagesse de Dieu dans l’ordre du monde, et de voir la réalité telle qu’elle était créée, telle qu’elle était vraiment dans la vision de Dieu, plutôt que comment l’utiliser ou la dominer. À partir de là, la grâce pourrait nous conduire vers la véritable « théologie », le regard silencieux de Dieu, qui est notre objectif en tant que disciples. 8. Dans cette perspective, la contemplation est très loin d’être une de ces choses que font les chrétiens: elle est la clé de la prière, de la liturgie, de l’art et de l’éthique, la clé de l’essence d’une humanité renouvelée qui est capable de percevoir le monde et les autres sujets dans le monde avec liberté: liberté des habitudes égoïstes et avides, et de la mauvaise compréhension qui en émane. Pour l’expliquer plus nettement, la contemplation est l’unique et dernière réponse au monde irréel et insensé que nos systèmes financiers et notre culture de la publicité, que nos 6 émotions chaotiques et non réfléchies nous encouragent à habiter. Le fait d’apprendre la pratique contemplative revient à apprendre ce dont nous avons besoin afin de vivre authentiquement, honnêtement, et dans l’amour. C’est un sujet profondément révolutionnaire. 9. Dans son autobiographie, Thomas Merton décrit une expérience qu’il a vécue peu après avoir intégré le monastère où il devait passer le reste de sa vie (Elected Silence, p. 303). Ayant attrapé la grippe et étant confiné à l’infirmerie pour quelques jours, ditil, il a ressenti une « joie secrète » pour cette occasion de prier qui lui était offerte – et « de faire tout ce que je veux, sans avoir à courir partout pour répondre au son des cloches ». Il est forcé de reconnaître que cette attitude révèle que « toutes mes mauvais habitudes... s’étaient faufilées dans le monastère, avec moi, et ont reçu l’habit religieux en même temps que moi: gloutonnerie spirituelle, sensualité spirituelle, fierté spirituelle ». En d’autres termes, il essaye de vivre la vie chrétienne avec l’ensemble des émotions vécues par quelqu’un qui est encore profondément lié à la recherche de la satisfaction personnelle. C’est un avertissement percutant: nous devons bien veiller dans notre évangélisation à ne pas simplement persuader les gens à appliquer à Dieu et à la vie de l’esprit tous nos désirs de drame, d’excitation et d’auto-complaisance, auxquels nous cédons si souvent dans la vie quotidienne. Cela a été exprimé avec encore plus de force il y a quelques décennies par le spécialiste américain de la religion, Jacob Needleman, dans un livre controversé et provocateur, intitulé A la Recherche du christianisme perdu: les paroles de l’Évangile, dit-il, s’adressent à des personnes qui « n’existent pas encore »; c’est-à-dire que répondre à ce que l’Évangile attend de nous par le don de sa propre vie suppose une transformation de tout notre être, de nos sentiments, de nos pensées et de nos imaginations. Le fait d’être convertis à la foi ne signifie pas simplement acquérir un nouveau code de croyances, mais devenir une personne nouvelle, une personne en communion avec Dieu et les autres par le biais de Jésus Christ. 10. La contemplation est un élément intrinsèque dans ce processus de transformation. Apprendre à regarder Dieu sans considérer ma satisfaction personnelle immédiate, apprendre à examiner et à relativiser les désirs et les rêves qui grandissent en moi, c’est permettre à Dieu d’être Dieu et, par conséquent, à la prière de Jésus, la relation de Dieu avec Dieu, de vivre en moi. L’invocation de l’Esprit Saint revient à demander à la troisième personne de la Trinité de pénétrer mon esprit et d’y apporter la clarté dont j’ai besoin pour voir où j’en suis dans mon assujettissement à mes désirs et mes fantasmes, et de m’accorder ainsi la patience et le calme, alors que la lumière et l’amour de Dieu pénètrent ma vie intérieure. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me libérerai de l’idée que les dons de Dieu sont des biens que je peux m’approprier pour être heureux ou pour dominer d’autres personnes. À mesure que ce processus se déploie, je deviens plus libre – pour emprunter une phrase de saint Augustin (Confessions IV, 7) –« d’aimer les êtres humains de façon humaine », de les aimer non pas pour ce qu’ils pourraient me promettre, de les aimer non pas comme s’ils étaient là pour me fournir une sécurité et un confort durable, mais en tant que créatures fragiles qui, comme moi, sont soutenues par l’amour de Dieu. Je découvre (comme nous l’avons remarqué ci-dessus) comment voir les autres personnes et les choses pour ce qu’elles sont par rapport à Dieu, et non à moi. Et c’est là que la vraie justice, tout comme le véritable amour, a ses racines. 11. Le visage humain que les chrétiens veulent montrer au monde est un visage marqué par cette justice et cet amour, un visage forgé donc par la contemplation, par les disciplines du silence et le détachement de soi des objets qui l’assujettissent et des instincts non contrôlés qui peuvent le tromper. Si l’évangélisation revient à montrer au monde le visage humain « dévoilé », reflétant le visage du Fils tourné vers le Père, cela doit comporter aussi un sérieux engagement à promouvoir et à nourrir cette prière et cette pratique. Il n’est sans doute pas nécessaire de préciser que cela ne veut pas du tout dire que la transformation « interne » est plus importante que l’action en faveur de la justice; il faut plutôt insister sur le fait que la clarté et l’énergie dont nous avons besoin pour faire justice implique que nous fassions place à la vérité, afin que la réalité de Dieu puisse entrer. Autrement, notre recherche de justice et de paix devient un nouvel exercice de la volonté humaine, minée par notre propre duperie. Les deux appels sont indissociables, l’appel à la « prière et à l’action juste », comme l’a écrit le martyr protestant Dietrich Bonhoeffer, depuis sa prison en 1944. La vraie prière purifie la motivation, la vraie justice est le tâche nécessaire qui consiste à partager avec les autres et à dégager en eux l’humanité que nous avons découverte dans notre rencontre contemplative. 12. Ceux qui connaissent peu les institutions et les hiérarchies de l’Église et qui s’en soucient moins sont, ces jours-ci, souvent attirés et interpellés par les vies qui révèlent un peu de cela. Ce sont les nouvelles communautés religieuses, ou celles qui ont été renouvelées, qui établissent des contacts plus efficaces avec ceux qui n’ont jamais eu de foi ou bien ceux qui l’ont abandonnée la jugeant vide et dépassée. Lorsqu’on écrit l’histoire chrétienne de notre époque, – spécialement mais pas seulement concernant l’Europe et l’Amérique du Nord – nous devons constater combien le témoignage de lieux comme Taizé ou Bose est important et vital, ainsi que celui de communautés plus traditionnelles qui sont devenues des points centraux pour une étude de l’humanité plus élargie et approfondie, que celle encouragée par les habitudes sociales. Les principaux réseaux spirituels aussi, tels que Sant’Egidio, le mouvement des Focolari, Communion et Libération, décrivent les mêmes phénomènes; ils ont une vision humaine plus profonde car, de manière différente, ils offrent tous une discipline de vie personnelle et en commun qui consent à la réalité de Jésus de devenir vivante en nous. 13. Ainsi, comme le montrent ces exemples, l’attrait et le défi dont nous parlons peuvent générer des engagements et des enthousiasmes qui suivent des lignes confessionnelles historiques. Nous nous sommes habitués à parler, ces jours-ci, de l’importance impérieuse de « l’œcuménisme spirituel »; mais cela ne doit en aucune manière s’opposer à tout ce qui est spirituel ou institutionnel, ou remplacer les engagements spécifiques par un sens général de solidarité chrétienne. Si nous avons une explication exhaustive et bien fondée de ce que le terme « spirituel » signifie en lui-même, se basant sur des intuitions scripturaires comme celles des passages de la Deuxième Epître aux Corinthiens que nous avons citée précédemment, nous comprendrons l’œcuménisme spirituel au sens de recherche partagée pour nourrir et soutenir les disciplines de contemplation dans l’espoir de dévoiler le véritable visage de l’humanité. Or, plus nous, les chrétiens de différentes confessions, restons séparés les uns des autres, moins ce véritable visage de l’humanité semblera convaincant. Je viens de citer le Mouvement des Focolari: vous vous souvenez que l’impératif de base dans la spiritualité de Chiara Lubich est celui de « devenir un »: un avec le Christ crucifié et abandonné, un à travers lui avec le Père, un avec tous ceux appelés à cette unité et donc un avec les besoins les plus profonds du monde. « Ceux qui vivent l’unité... vivent en essayant de pénétrer toujours plus en Dieu. Ils se rapprochent toujours plus de Dieu... et plus ils s’en approchent plus ils se rapprochent des cœurs de leurs frères et de leurs sœurs » (Chiara Lubich: Écrits essentiels, p. 37). L’habitude de la contemplation démasque une supériorité inconsidérée envers d’autres croyants baptisés et la supposition que je n’ai rien à apprendre d’eux. Dans la mesure où l’habitude à la contemplation nous aide à approcher toute expérience comme un don, nous devons toujours nous demander ce qu’un frère ou une sœur ont à partager avec nous – même le frère ou la sœur qui est d’une manière ou d’une autre séparé de nous ou de ce que nous supposons être la plénitude de la communion. Quant bonum et quant jucundum. 14. En pratique, cela peut suggérer que quel que soit l’endroit où des initiatives sont prises pour établir de nouveaux contacts avec un public de chrétiens qui ne pratiquent plus ou postchrétien, un travail sérieux devrait être fait pour comprendre comment pouvoir prendre pied dans des pratiques contemplatives partagées de manière œcuménique. En plus de la manière étonnante par laquelle Taizé a développé une « culture » liturgique internationale accessible à une grande variété de personnes, un réseau comme celui de la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne, avec ses fortes racines et affiliations bénédictines, a ouvert de nouvelles possibilités. De plus, cette communauté a travaillé dur pour rendre la pratique contemplative accessible aux enfants et aux jeunes gens, et ceci doit vraiment être encouragé. Ayant constaté personnellement, dans les écoles anglicanes en Grande-Bretagne, la réponse chaleureuse des jeunes enfants à cette invitation offerte par la méditation dans cette tradition, je crois que son potentiel est immense pour introduire les jeunes gens aux profondeurs de notre foi. Et pour ceux qui se sont éloignés de la pratique habituelle de la foi sacramentelle, les rythmes et les pratiques de Taizé ou de la Communauté mondiale de méditation chré7 tienne (CMMC) sont souvent un retour au cœur et au foyer du sacrement. 15. Ce que les gens de tout temps reconnaissent dans ces pratiques, c’est tout simplement, la possibilité de vivre de manière plus humaine: vivre avec mois de frénésie de posséder, vivre des moments de calme, vivre dans l’attente d’apprendre et vivre en ayant conscience qu’il y a une joie solide et durable à découvrir dans les disciplines de l’oubli de soi, ce qui est bien différent de la gratification de telle ou telle impulsion. Si notre évangélisation n’ouvre pas la porte à tout cela, on risque de tenter de baser notre foi sur un ensemble d’habitudes humaines difficiles à transformer, avec le résultat, ô combien familier, que l’Église apparaisse malheureusement comme beaucoup d’autres institutions purement humaines: anxieuse, occupée, compétitive et voulant avoir le contrôle. Il est très important de souligner qu’une véritable mission d’évangélisation sera toujours une reévangélisation de nous-mêmes en tant que chrétiens, une redécouverte de la raison pour laquelle notre foi est différente, transfigurant un rétablissement de notre propre nouvelle humanité. 16. Et bien sûr cela arrive le plus souvent lorsque nous ne l’avons pas planifié ou cherché. Pour en revenir à de Lubac encore une fois: « Celui qui répondra le mieux aux besoins de son temps sera celui qui n’aura » pas « »essayé d’abord d’y répondre » (op. cit. p. 111-2); et « L’homme qui cherche la sincérité, au lieu de chercher la vérité dans son désintéressement, est comme un homme qui cherche à être détaché au lieu de se disposer à s’ouvrir à l’amour » (p. 114). L’ennemi de toute proclamation de l’Évangile est la conscience de sa propre image, et par définition, nous ne pouvons résoudre cela en étant encore plus conscients. Nous devons revenir à Saint Paul et nous demander « Que cherchons-nous? » Considérons-nous avec anxiété les problèmes quotidiens, les diverses infidélités ou menaces à la foi et à la morale, la faiblesse des institutions? Ou bien essayons-nous de chercher Jésus, dans le visage dévoilé de l’image de Dieu à la lumière duquel nous voyons l’image qui se reflète en nous-mêmes et en notre prochain? 17. Ceci nous rappelle simplement que l’évangélisation découle toujours de quelque chose d’autre: le voyage du disciple vers la maturité en Christ, un voyage qui n’est pas organisé par l’ambition de l’ego mais qui est le résultat de l’impulsion et du dessin de l’Esprit en nous. Dans nos réflexions sur la manière de rendre encore une fois l’Évangile incontestablement irrésistible pour les hommes et les femmes de notre temps, je souhaite que nous ne perdions jamais de vue ce qui le rend convaincant à nos yeux et pour chacun d’entre nous dans nos différents ministères. Je vous souhaite donc de la joie pendant ces discussions – et pas seulement de la clarté ou de l’efficacité dans nos travaux – la joie que comporte la promesse de la vision du visage du Christ, et la préfiguration de l’accomplissement d’une communion dans la joie entre nous, ici et maintenant. ORF, 18.10.2012 8 Salut du Patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartholomaios Ier Place Saint-Pierre, 11 octobre 2012 Nous publions ci-dessous le texte du message de salution adressé au Pape par le Patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartholomaios Ier, dans la matinée du jeudi 11 octobre 2012, avant la conclusion de la Messe célébrée Place Saint-Pierre pour l’ouverture de l’Année de la Foi, à l’occasion du 50e anniversaire du Concile Vatican II. Frères et sœurs, Quand le Christ se préparait à l’expérience de Gethsémani, il a prononcé une prière pour l’unité qui est rapportée au paragraphe 17, verset 11 de l’Évangile de Jean: « ...garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous ». Au fil des siècles, nous avons vraiment été gardés par la puissance et l’amour de Christ, et au juste moment de l’histoire, l’Esprit Saint est descendu sur nous et nous avons commencé un long parcours vers l’unité visible voulue par le Christ. Cela a été confirmé par Unitatis redintegratio n. 1: « Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette grâce et, sous l’effet de la grâce de l’Esprit Saint, est né un mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les chrétiens ». Sainteté, il y a cinquante ans, ici, sur cette place, une célébration puissante et significative a manifesté le cœur et l’esprit de l’Église catholique romaine, en la conduisant au cours des cinquante dernières années jusqu’au monde contemporain. L’ouverture du Concile Vatican II, pierre angulaire transformante, fut inspirée par la réalité fondamentale que le Fils et le Logos incarné de Dieu est là lorsque « deux ou trois sont réunis en son nom » (Mt 18, 20) et que l’Esprit qui procède du Père « nous introduira dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Nous nous souvenons avec clarté et tendresse, mais aussi avec jubilation et enthousiasme, des discussions personnelles que nous avons eues, au cours des cinquante années qui ont suivi, avec des évêques et des experts théologiens, pendant notre formation – en tant que jeune étudiant – à l’Institut pontifical oriental, ainsi que notre participation personnelle à quelques sessions spéciales du Concile. Nous sommes les témoins oculaires de la manière dont les évêques ont fait l’expérience, avec une conscience renouvelée, de la valeur – et du sens de continuité renforcé – de la tradition et de « la foi transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 1, 3). Ce fut une période prometteuse, riche d’espoirs, à l’intérieur et à l’extérieur de votre Église. Nous avons remarqué que, pour l’Église orthodoxe, ce fut une période d’échanges et d’attentes. Par exemple, la convocation des premières Conférences panorthodoxes à Rhodes, a conduit aux Conférences préconciliaires en préparation au grand Concile des Églises orthodoxes. Ces échanges allaient montrer au monde moderne le grand témoignage d’unité de l’Église orthodoxe. De plus, cette période a coïncidé avec « le dialogue de l’amour », et elle a annoncé la Commission internationale mixte pour le dia- logue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe, instituée par nos vénérables prédécesseurs, le Pape Jean-Paul II et le Patriarche œcuménique Dimitrios. Au cours des cinq dernières décennies, les conquêtes obtenues par cette Assemblée ont été nombreuses, comme le prouve la série de constitutions, déclarations et décrets importants et influents. Nous avons contemplé le renouvellement de l’esprit et « le retour aux origines » à travers l’étude liturgique, la recherche biblique et la doctrine patristique. Nous avons apprécié l’effort graduel pour se libérer des limites académiques rigides à l’ouverture du dialogue œcuménique, ce qui a mené aux abrogations réciproques des excommunications de l’année 1054, à l’échange de vœux, à la restitution des reliques, au début de dialogues importants et de visites réciproques dans nos sièges respectifs. Notre chemin n’a pas toujours été facile ou exempt de souffrances et de défis. Nous savons, en fait, que « étroite est la porte et resserré le chemin » (Mt 7, 14). La théologie fondamentale et les principaux thèmes du Concile Vatican II – le mystère de l’Église, la sacralité de la liturgie et l’autorité de l’évêque – sont difficiles à appliquer avec assiduité, et s’assimilent par des efforts qui durent toute la vie et avec l’engagement de l’Église tout entière. La porte devrait donc rester ouverte à un accueil plus profond, à un engagement pastoral plus grand et une interprétation ecclesiale du Concile Vatican II toujours plus approfondie. En poursuivant ce chemin ensemble, nous rendons grâces et gloire au Dieu vivant – Père, Fils et Saint Esprit – car l’assemblée des évêques elle-même a reconnu l’importance de la réflexion et d’un dialogue sincère entre nos « Églises sœurs ». Nous nous unissons dans « l’espoir, que le mur qui sépare l’Église d’Orient de celle d’Occident étant abattu, il n’y aura plus qu’une seule demeure, solidement établie sur la pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l’unité de l’une et de l’autre » (Unitatis redintegratio n. 18). Grâce au Christ, notre pierre angulaire, et à la tradition que nous avons en commun, nous serons en mesure – ou, plutôt, nous le serons par le don et la grâce de Dieu – d’apprécier davantage et d’exprimer de façon plus complète le Corps du Christ. Par nos efforts continus, conformes à l’esprit de la tradition de l’Église primitive et à la lumière de l’Église des Conciles du premier millénaire, nous pourrons vivre l’expérience de l’unité visible qui se trouve au-delà de notre temps présent. L’Église se distingue toujours par sa dimension prophétique et pastorale particulière, par la modération et la spiritualité qui la caractérisent, et sert avec une humble sensibilité les « plus petits » des frères du Christ (Mt 25, 40). Bien-aimé frère, notre présence ici signifie et montre notre engagement à témoigner ensemble du message de salut et de guérison pour nos frères les plus petits: les pauvres, les opprimés, les marginalisés du monde créé par Dieu. Commençons les prières pour la paix et la santé de nos frères et sœurs qui vivent au Moyen-Orient. Dans le creuset actuel de violences, séparations et divisions qui s’intensi- fient entre les peuples et les nations, que l’amour et le désir d’harmonie que nous déclarons ici, et la compréhension que nous recherchons avec le dialogue, soient un modèle pour notre monde. Que l’humanité puisse tendre la main vers « l’autre » et que nous puissions travailler ensemble pour dépasser la douleur des peuples partout, et en particulier là où l’on souffre à cause de la faim, des catastrophes naturelles, des maladies et de la guerre qui finit par frapper notre vie à tous. À la lumière de tout ce que l’Église dans le monde devrait encore accomplir, et en appréciant grandement tous les progrès que nous avons partagés, nous sommes honorés d’avoir été invités à participer – et d’avoir été appelés à offrir notre modeste parole – à cette commémoration solennelle et joyeuse du Concile Vatican II. Ce n’est pas une coïncidence si cette célébration marque pour votre Église l’inauguration solennelle de l’Année de la Foi, car c’est la foi qui offre un signe évident du chemin que nous avons parcouru ensemble le long du chemin de la réconciliation et de l’unité visible. En conclusion, nous vous félicitons sincèrement, Sainteté, Frère bien-aimé – unis à la multitude bénie des fidèles ici rassemblés aujourd’hui – et nous Vous embrassons fraternellement en cette joyeuse occasion commémorative. Que Dieu vous bénisse tous. ORF, 25.10.2012 Intervention de Son Éminence LÉo Archevêque de Karélie et de toute la Finlande Patriarcat œcuménique Sixième Congrégation générale 11 octobre 2012 C’est pour moi un grand privilège, un honneur et une joie de pouvoir vous apporter les salutations de Sa Sainteté Bartholomaios Ier, Archevêque de Constantinople et Patriarche œcuménique. Je ne m’adresse pas à cette assemblée seulement en tant que représentant et invité car, vu l’urgence de la « nouvelle évangélisation », ce sujet est aussi important pour les chrétiens orientaux que pour la Grande Église de Rome. Nous avons lu avec joie les Orientations, et spécialement la reconnaissance que la tradition, la mystagogie et les expériences récentes de la chrétienté orientale offre un aperçu des nouveaux efforts de l’évangélisation de nos jours. Mais plus que tout, nous apprécions le discernement du fait que l’évangélisation ne commence pas en prêchant mais en écoutant. Ce n’est pas un hasard si l’icône du plus grand évangéliste et apôtre Jean, connu par nous en Orient comme le Théologien, met son doigt sur ses lèvres, indiquant le silence. Ce silence, comme l’indiquent les Orientations avec éloquence, n’est pas prêché avec lassitude, crainte, honte ou manque de foi: mais avec la reconnaissance que, si nous voulons être des partenaires « dans un dialogue avec le monde », si 9 nous voulons vraiment « partager cette même humanité cherchant la vérité sur l’existence », nous devons commencer là où la véritable humanité commence – dans des expériences d’émerveillement qui nous mènent à la transcendance. Être silencieux, écouter, et ensuite partager la Bonne Nouvelle: c’est la meilleure manière de montrer notre amour et notre préoccupation pour le monde aujourd’hui, comme Dieu lui-même a exprimé son Économie Divine en réponse à nos échecs, à nos recherches et à nos besoins. C’est seulement en prenant les problèmes de nos interlocuteurs aussi sérieusement que nous leur recommandons les solutions de Dieu, que nous pouvons établir et reconstruire la confiance, de sorte que nos paroles soient encore une fois révélées avec tout leur pouvoir de donner la vie – qu’elles soient prononcés, écrites ou tweetées. Et maintenant, Saint-Père, Éminences, Grâces, Frères et Sœurs dans le Christ, je vais commencer à écouter moi aussi, comme va le faire le monde. ORF, 25.10.2012 Intervention de Son Éminence Emmanuel Métropolite de France Président de la Conférence des Églises européennes En préparant cette modeste allocution, je me suis demandé quel lien pouvait être tissé entre l’engagement œcuménique en tant que mission du christianisme contemporain, et l’évangélisation, comme transmission de la foi chrétienne. Ces deux sujets puisent leur substance dans le mystère de l’incarnation. Il ne s’agit pas alors de se satisfaire de la seule élaboration théologique, voire intellectuelle, de ce mystère. Il me paraît essentiel d’entendre le mystère de l’incarnation à la manière de Saint Irénée de Lyon, c’est-à-dire d’une puissance « récapitulatrice » de l’humanité tout entière, voire de la création dans son ensemble. Dès lors, l’enseignement des Pères de l’Église nous propose de contempler la convergence entre l’effort théologique et l’expérience d’un christianisme incarné dans le monde et enraciné dans le temps. Cette expérience n’est pas seulement la récapitulation de certaines sagesses, mais bien une reconfiguration totale, pour ne pas dire holistique de l’homme corps, âme et esprit. Ainsi, comment articuler œcuménisme, évangelisation et transmission de la foi? En effet, la chose n’est pas aisée et renvoie à des considérations que les limites de temps qui me sont imparties ne me permettront pas d’aborder en profondeur. Néanmoins, il convient de reconnaître qu’à travers les trois termes de ma question initiale, nous pouvons découvrir un aspect saillant permettant d’en faire ressortir du sens. Car le cœur de la problématique qui nous intéresse ne renvoie pas tant à la foi comme telle, mais aux réponses que la foi est susceptible d’apporter dans notre monde contemporain. En résumé, ce qui prime dans l’intitulé de cette rencontre, c’est de savoir à quel champ sémantique renvoie le terme « nouveau ». Ce n’est que de cette manière que nous serons en mesure d’apporter une réponse adéquate aux interrogations de nos frères et sœurs. 10 Mondialisation et société de consommation ne sont que les épiphénomènes d’un problème plus profond: la mutation, la transformation de l’espoir en recherche du bonheur. Nos contemporains ont perdu espoir et ne sont qu’à la recherche du bonheur. Alors, d’aucuns pourraient se demander comment cette mutation a pu advenir et comment y répondre. Le réenchantement de l’espoir consiste à définir ce lien qui existe entre Dieu et l’homme, entre les différentes personnes humaines, et à l’intérieur même de chaque personnalité. Lorsque le Christ déclare qu’il est « la vérité, le chemin et la vie », il ne parle pas de concepts désincarnés, mais bien de principes dynamiques fondés sur le socle de l’unique Logos. Par conséquent, le Logos est aussi lien et relation. Ainsi, le bonheur se transforme en espoir dans la mesure où chaque personne apprend à se connaître en tant qu’être de relation, pour ne pas dire en tant qu’être de communion. Le Christ est objet de communion et il est simultanément lien de communion. Lorsque le bonheur individuel est relié à la destinée collective, l’Église, il se mue en espoir sous l’effet de l’eschatologie, l’avènement des fins dernières. Ces considérations ne sont pas si éloignées de mon propos initial qui tend à comprendre la place de l’œcuménisme à l’intérieur des nouvelles formes d’évangélisation. En effet, l’œcuménisme est une obligation à dépasser les représentations qui sont les nôtres et qui se limitent souvent à de simples guerres de clochers. Cependant, une telle attitude ne rend pas compte du message de salut porté par le Christ. L’expérience œcuménique, telle que nous la vivons dans le cadre de la Conférence des Églises Européennes, réfléchit activement à la manière de réconcilier la division des chrétiens avec l’évangélisation. Voilà pourquoi, les Églises et Communautés chrétiennes membres de la CEC se sont engagées à, je cite: « parler de nos initiatives d’évangélisation avec les autres Églises, à conclure des accords à ce sujet et à éviter ainsi une concurrence dommageable ainsi que le danger de nouvelles divisions ». Ayant ces considérations à l’esprit, il me semble qu’il reste nombre de chantiers à exploiter sur le plan pastoral. Ils nous permettraient, comme des préalables nécessaires à la reconstruction de l’unité des chrétiens, de témoigner plus justement de notre foi commune. Je vous encourage donc à prendre en considération dans vos réflexions la dimension, œcuménique de l’évangélisation. ORF, 25.10.2012 Intervention de Son Éminence Nifon Métropolite et Archevêque de Targovistis (Roumanie) Conseil œcuménique des Églises Salutations au nom du Secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE), le Rév. Olav Fylkse Tveit à la XIIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques. « Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié » (1 Co 2, 2). C’est la Parole vivante de Dieu, qui nous a été révélée dans la croix et la résurrection de Jésus Christ, qui est la Bonne Nouvelle, l’evangellion, que ceux qui confessent Jésus Christ comme Seigneur et Sauveur doivent proclamer dans toutes les dimensions de leurs vies. Il existe une logique dans la séquence du thème choisi pour la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, qui citait Jn 1, 14: « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité », et l’accent mis sur la nouvelle évangélisation à l’occasion de cette XIIIe Assemblée générale ordinaire. La justification dans le Christ, la proclamation de l’Évangile et l’appel à la sainteté appartiennent ensemble à la communauté des croyants, membres de l’unique corps du Christ (1 Co 12, 12). L’Église est construite lorsque les personnes sont transformées en recevant le Christ, le verbe incarné de Dieu, dans la puissance de l’Esprit Saint. Les personnes deviennent des disciples crédibles et visibles du Christ en célébrant la Sainte Eucharistie, en méditant des textes bibliques et en témoignant de l’Évangile dans leurs maisons et dans leurs familles, dans les rues ou sur leur lieu de travail en tant que salariés, entrepreneurs, chercheurs et dans beaucoup d’autres professions. Le Concile Vatican II énonçe, dans le Décret Dei Verbum: « L’Esprit Saint, par qui la voix vivante de l’Évangile retentit dans l’Église et, par l’Église, dans le monde, introduit les croyants dans la vérité tout entière et fait que la parole du Christ réside en eux avec toute sa richesse (cf. Col 3, 16) » [§ 8]. Nous nous souvenons du Concile Vatican II comme d’un moment extraordinaire de renouveau évangélique de l’Église catholique. Cela a été souligné par le modérateur du Conseil œcuménique des Églises, le Rév. Walter Altmann, dans son intervention lors de la récente réunion de la Commission au mois de septembre dernier en Crète. Nous exprimons notre gratitude et notre joie du fait qu’à travers le Décret sur l’œcuménisme (Unitatis redintegratio), l’Église catholique s’est ouverte au mouvement œcuménique et a donné un nouvel élan à la recherche de l’unité visible. Le Décret suscita l’espoir et l’inspiration des chrétiens du monde entier. Les Constitutions dogmatiques, les Déclarations et les Décrets du Concile ont été et continuent à être non seulement très importants pour le renouveau de l’Église catholique mais aussi sur le plan œcuménique. Le Concile Vatican II a aussi été œcuménique dans la réception positive de la recherche œcuménique et théologique de cette époque, y compris le travail de la Commission Foi et Constitution. L’invitation élargie aux observateurs fraternels et les possibilités qui leur ont été données de dialoguer étaient très significatives. Aujourd’hui, celà semble évident. À l’époque de Vatican II, cependant, il s’agissait d’un signe remarquable d’ouverture en direction des chrétiens d’autres traditions. Leur présence contribua à abattre la barrière qui nous séparait (Ep 2, 14). Inspiré par ma lecture des textes et des nouvelles initiatives de Vatican II, ma conviction a été renforcée que l’unité est un don de vie, donnée dans le Corps du Christ dans le quel nous avons tous besoin les uns des autres. Travailler pour l’unité de l’Église, c’est travailler pour l’unité de toute la vie, reconnaître et célébrer la diversité de la vie donnée par Dieu, dans les différentes cultures, les différents contextes et les différentes langues. En tant que Corps du Christ, l’Église est solidaire avec le genre humain et avec toute la Création, priant d’être conduite par Dieu à la justice et à la paix. Nous avons fait un long chemin au cours de ces 50 ans. L’étude « Harvesting the Fruits », qui a été publiée par le Cardinal Walter Kasper, une étude sur la Justification réalisée par le Groupe mixte de travail entre le Conseil œcuménique des Églises et l’Église catholique, ainsi que d’autres initiatives similaires ont prouvé combien il a été accompli, mais elles indiquent également les tâches qui demeurent à aborder sur le chemin de l’unité visible de l’Église dans une seule foi et dans la communion eucharistique. Nous souvenant de ce qui a été réalisé au cours de ces cinquante ans, nous reconnaissons également combien le contexte a changé, tout comme les conditions de la proclamation de l’Évangile dans les différentes cultures et sociétés du monde. La réalité que nous affrontons continue à changer rapidement. Elle est pleine de contradictions qui résistent aux généralisations simples et lance de nouveaux défis. Votre travail sur la nouvelle évangélisation et l’Année de la Foi qui commence aideront chacun d’entre nous à apprendre davantage sur la proclamation de l’Évangile dans les différents contextes actuels et il offrira, nous l’espérons, de nombreuses occasions de coopération comme signe de l’unité qui nous est déjà donnée dans le Christ et de laquelle, tant de chrétiens ont la nostalgie. Puisse Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, être avec vous et bénir vos réflexions. « À vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus Christ! » (1 Co 1, 3). ORF, 25.10.2012 Intervention de Son Éminence le Cardinal Kurt Koch Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens Treizième Congrégation générale 16 octobre 2012 (...) Œcuménisme et évangelisation vont toujours de paire. Ce serait un signe encourageant si de ce Synode des évêques l’invitation à percevoir comme un devoir commun la nouvelle évangelisation et à témoigner ensemble Jésus Christ de manière encore plus précise, parvenait également aux autres Églises et communautés chrétiennes. 11 Les témoins les plus crédibles de la foi sont les martyrs, qui ont donné leur vie pour le Christ. (...) Alors que nous chrétiens sommes encore dans une communion imparfaite sur cette terre, les martyrs de la gloire céleste vivent déjà en pleine communion. Par conséquent, nous pouvons trouver du réconfort dans l’espoir que le sang des martyrs de notre temps deviendra un jour la graine de la pleine unité du Corps du Christ. Et cette espérance, nous voulons la témoigner ensemble, avec une nouvelle évangélisation crédible. ORF, 08.11.2012 Intervention de son Éminence Hilarión Métropolite de Volokolamsk Directeur du département chargé des relations publiques du Patriarcat de Moscou (Fédération russe) Quatorzième Congrégation générale 16 octobre 2012 Le présent synode des évêques de l’Église catholique romaine coïncide avec une date mémorable – le 50e anniversaire du début du Concile Vatican II – et est consacré au thème de la nouvelle évangélisation qui concerne tous les chrétiens: le sermon du Christ dans le monde séculier. Il y a un demi-siècle, les pères du Concile savaient bien qu’une coopération plus étroite entre les chrétiens de différentes traditions voulait dire rendre le témoignage du Christ et de Sa mission salvifique dans le monde moderne plus convaincants. Aujourd’hui, nous sommes appelés à résoudre les tâches communes que l’époque actuelle nous présente. Les défis qui se sont succédé ces cinquante dernières années, depuis le début de Vatican II, n’ont pas seulement perdu leur signification, mais sont même devenus plus graves et plus menaçants. L’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine remplissent la mission à laquelle elles ont été appelées par le Christ et témoignent inlassablement de la vérité, « il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement » (Jn 16, 8). Dans le ministère, nos Églises deviennent plus conscientes de la nécessité de joindre nos efforts pour que les chrétiens qui répondent aux défis de la société moderne puissent être entendus. Ces dernières années, les Églises orthodoxes et catholiques ont coopéré efficacement au sein du forum orthodoxe-catholique, des organisations internationales et d’autres lieux de dialogue dans le monde séculier. Le Synode des Évêques qui se réunit à Rome examinera et cherchera les moyens les plus efficaces de prêcher la vérité de l’Évangile dans la société moderne. J’espère que l’un des fruits du travail du Synode sera le développement de la coopération orthodoxe-catholique, comme cela a été le cas après Vatican II: « Afin que le monde croie » (Jn 17, 21). ORF, 08.11.2012 12 Père Massis Zobouian Directeur du « Christian Education Department of the Catholicosate of the Holy See of Cilicia »(Liban) Église apostolique arménienne Message de Sa Sainteté Aram Ier Catholicos de Cilicie à l’Assemblée générale du Synode. Nous vous accueillons dans l’esprit de l’amour et de l’amitié chrétiens. L’initiative de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI de convoquer une Assemblée générale du Synode des Évêques sur le thème « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne » a une profonde signification et des implications œcuménique, ecclésiologique et missiologique. L’évangélisation est une raison d’être de l’Église. Elle est en même temps un don de Dieu en Christ et un appel. Il faut prêter une attention particulière à l’évangélisation chrétienne dans le monde d’aujourd’hui, dans lequel les valeurs spirituelles et morales sont en constante décadence. Renouveler et revigorer la vocation évangélique de l’Église n’est pas une option mais une nécessité urgente ainsi qu’un énorme défi. Ainsi, donner une nouvelle vigueur à la mission évangélisatrice de l’Église n’est pas une question qui concerne seulement l’Église catholique. Elle représente la priorité de tous les chrétiens et un impératif œcuménique. Les Églises qui témoignent dans les différentes parties du monde sont appelées à donner un nouvel élan à l’urgence cruciale de l’évangélisation et à insuffler un nouveau dynamisme dans leur engagement missionnaire. Nous devons prendre toutefois conscience que porter l’Évangile au monde n’est pas un devoir facile au sein des sociétés modernes dominées par les forces de la sécularisation et de la globalisation. L’Église ne peut renoncer, pour aucune raison que ce soit, à la mission que Dieu lui a confiée. Nous saluons avec chaleur l’esprit œcuménique et l’ouverture de Sa Sainteté qui a voulu inviter les délégués fraternels à participer à cet important événement spirituel dans la vie et dans le témoignage de l’Église catholique. Nous sommes certains que les Pères synodaux affronteront cet important devoir d’évangélisation avec une approche holistique et pertinente, en répondant ainsi à l’actuelle nécessité des fidèles au niveau local, à cette époque si difficile. Que Dieu vous conduise dans vos réflexions et dans vos actions pour la gloire de Son règne céleste. ORF, 08.11.2012 Intervention du Révérend Timothy George Doyen de la « Beeson Divinity School of Samford University » (États-Unis d’Amérique) Alliance baptiste mondiale En tant que délégué fraternel représentant l’Alliance baptiste mondiale, une organisation regroupant quelques 42 millions de chrétiens qui servent le Seigneur dans 177.000 églises réparties dans 120 pays, je voudrais souligner trois points par rapport à la nouvelle évangélisation. Tout d’abord, les Baptistes comme tous les chrétiens professent une profonde foi dans le Dieu Trine qui nous a fait partager sa vie divine à travers Jésus Christ, le grand évangélisateur, qui nous sauve par sa grâce. Sans cette réalité trinitaire fondamentale, tous nos programmes et nos projets pour l’évangélisation resteraient infructueux. En second lieu, il existe un impératif biblique à l’unité des chrétiens. Car l’œcuménisme en soit n’est jamais une fin mais est toujours au service de l’évangélisation. Jésus priait le Père céleste afin que tous les croyants soient une seule chose, « afin que le monde croie » (Jn 17, 21). Un exemple d’unité chrétienne est le Rapport du Dialogue international baptiste-catholique qui sera bientôt publié, « La Parole de pieu dans la vie de l’Église ». En troisième lieu, dans le courant de l’histoire, les Baptistes ont été les ardents hérauts de la liberté religieuse pour toutes les personnes. Une telle liberté ne se bâtit pas sur des constructions sociales et politiques mais vient de Dieu lui-même et du type de rapport auquel il appelle toutes les personnes. Aujourd’hui la liberté religieuse est attaquée de nombreuses façons, certaines sont plus évidentes alors que d’autres sont plus subtiles. Tous les chrétiens qui prennent au sérieux l’appel à l’évangélisation doivent s’engager et œuvrer ensemble pour la protéger et la faire s’épanouir. ORF, 08.11.2012 Intervention de Sarah F. Davis Vice-présidente du Conseil méthodiste mondial (ÉtatsUnis d’Amérique) Sainteté, Pape Benoît XVI, Éminences, Excellences, frères et sœurs en Jésus Christ, je suis très reconnaissante à Dieu pour cette première opportunité de faire partie de l’éminent forum que représente la XIIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques pour représenter le Conseil méthodiste mondial, un organisme comptant plus de 80 millions de membres appartenant à l’Église méthodiste, Wesleyenne et aux Églises en unification et unifiées, dans 90 pays. Le Conseil méthodiste mondial est extrêmement reconnaissant au Saint-Père de son invitation afin que nous participions au Synode le plus urgent et critique de la vie de la chrétienté. En 1971, quand la Conférence méthodiste mondiale a déclaré: « II est temps pour toutes les personnes appelées méthodistes de se consacrer à la fois à la mission mondiale et à l’évangélisation », l’évangélisation mondiale a été lancée avec beaucoup de ferveur et de détermination. Le Conseil méthodiste mondial croyait à l’époque, et le croit toujours aujourd’hui, que la grande mission du Christ à son Église à enseigner et prêcher l’Évangile et à créer des disciples est le devoir suprême de l’Église. Le Conseil méthodiste mondial est en accord avec le Saint-Père et avec les conclusions du Document de travail qui soulignent combien il est important que les gens connaissent Jésus Christ au XXIe siècle. Le monde est blessé, perdu, confus, distrait, bouleversé, malade et malheureux et a désespérément besoin de guérison, d’espoir et de salut. Il n’y a pas d’autre nom à appeler dans un moment comme celui-là que celui de Jésus. En affrontant les défis de la nouvelle évangélisation les considérations suivantes sont nécessaires: L’engagement évangélique doit être guidé et façonné par les besoins spécifiques et l’environnement culturel de ceux avec qui l’Évangile est partagé. Cela requiert de la créativité afin qu’en rencontrant les besoins des personnes, l’Évangile ne soit pas compromis. L’engagement évangélique doit être « holistique ». Il doit répondre à tous les besoins des personnes – physiques, affectifs, sociaux, politiques et spirituels – en proposant l’Évangile de Jésus Christ. L’engagement évangélique doit être basé sur la conscience du pouvoir de la grâce de Dieu. En tout temps et en tout lieu, Dieu œuvre sur les vies de toutes les personnes rencontrées. L’engagement évangélique doit toujours être insufflé par l’Esprit Saint Seuls, les évangélisateurs n’ont pas de pouvoir. Par le pouvoir que leur confère l’Esprit Saint, l’engagement devient une dynamique et une authentique expression de la grâce salvifique de Dieu, exprimée en Jésus Christ. Le succès de la nouvelle évangélisation est étroitement lié à la crédibilité de l’évangélisateur. Ce seront les évangélisateurs qui seront étudiés au microscope; pas les procédés, pas les programmes, ni les plans développés dans ce Synode. Les gens veulent savoir que ce que les évangélisateurs promeuvent a déjà eu un effet dans leur vie. Nous remercions Dieu pour l’appel lancé par Sa Sainteté pour la nouvelle évangélisation et nous prions Dieu afin qu’il continue à propager Sa grâce sur les résultats à venir de ce Synode. Gloire à Dieu. Merci. ORF, 08.11.2012 Intervention de son Excellence Steven Croft Évêque de Sheffield (Grande-Bretagne) Communion anglicane La semaine dernière, l’Archevêque Rowan Williams a parlé de la contemplation comme de la racine de l’évangélisation. Pour ma part, je parlerai des fruits de l’évangélisation dans la vie de l’Église, puisque l’Église reflète le caractère du Christ à travers ses disciples ayant grandi dans la foi, les nouvelles communautés ecclésiales et les nouveaux ministères. Premièrement, quand l’Église est renouvelée dans la contemplation du Christ et la Parole de Dieu, nous sommes transformés à sa ressemblance et devenons porteurs du caractère du Christ, devenant de manière plus évidente l’Église des Béatitudes. Deuxièmement, la nouvelle évangélisation exige une vision claire de ce que cela veut dire être un dis13 ciple. Dans la catéchèse, il est essentiel d’avoir un but précis devant nous: la formation de disciples mûrs, capables de vivre au rythme du culte, de la communauté et de la mission. Troisièmement, je voudrais encourager le Synode à réfléchir plus en profondeur sur la formation des nouvelles communautés ecclésiales en vue de la transmission de la foi à ceux qui ne font plus partie d’une Église. Au cours des dix dernières années, l’Église d’Angleterre a promu activement un nouveau mouvement missionnaire visant à lancer de nouvelles expressions de l’Église, dans le cadre même du ministère des paroisses ou des groupes de paroisses ou de diocèses. Enfin, qui seront les nouveaux évangélisateurs? Je préconise une réflexion plus approfondie sur la diakonia et le ministere des diacres. Le ministère consistant a former de nouvelles expressions d’Église est théologiquement ancré dans la diakonia et le ministère des diacres: écoute, service attentionné, et le fait d’être envoyé au nom de l’Église. Dans l’Église d’Angleterre, les diacres ordonnés sont décrits comme des hérauts du royaume du Christ et des agents des objectifs d’amour de Dieu. ORF, 08.11.2012 Intervention de son Excellence Siluan Évêque du diocèse orthodoxe roumain en Italie Patriarcat orthodoxe roumain La proclamation de l’Évangile à travers la liturgie et la charité: Message de Sa Béatitude Daniel, Patriarche de Roumanie. Le thème de la XIIIe assemblée du Synode des Évêques catholiques du monde entier sur l’évangélisation concerne tous ceux qui portent le nom du Christ (cf. Ac 2, 38), puisque l’évangélisation et la transmission de la foi constituent à la fois une vocation et un devoir pour l’Église et pour chaque chrétien. Le monde sécularisé et déchristianisé dans lequel nous vivons aujourd’hui a besoin d’apôtres ou de missionnaires, comme le furent les Apôtres du 14 Christ Seigneur et les saints Pères de l’Église. Aujourd’hui, les premiers qui sont appelés à cultiver de manière nouvelle et intense le zèle apostolique pour l’évangélisation, c’est nous, les évêques de l’Église du Christ, avec tout le clergé et tous les laïcs croyants. Une vie liturgique profonde est la source principale pour le renouveau de l’engagement d’évangélisation. La sainte et divine liturgie eucharistique est en même temps source et espace d’annonce de l’Évangile du Christ. La rencontre avec le Christ dans la sainte liturgie eucharistique est source de lumière pour proclamer Son amour charitable et promouvoir l’œuvre de charité de l’Église. En d’autres termes, la vie spirituelle doit être la source principale de l’action sociale, afin que celleci ne se réduise pas à une éthique humaniste sécularisée. En particulier, les familles chrétiennes, les paroisses et les monastères qui prient intensément et en même temps réalisent des œuvres de charité et sont des sources d’espérance et de renouveau pour l’évangélisation. Si la souffrance, la pauvreté, la solitude et l’injustice sociale deviennent souvent des sources de désespoir ou de violence, la prière, personnelle ou communautaire et l’action sociale chrétienne deviennent des sources d’espérance, de paix, de solidarité et de sainteté. La sainteté est vraiment l’antidote contre la sécularisation. Nous estimons donc que le lien permanent entre la liturgie et la charité, trait fondamental de la sainte tradition apostolique, est une grande ressource pour évangéliser la génération contemporaine, notamment par le recours à des instruments de catéchèse, pastorale et missionnaire, adaptés aux temps actuels. Nous souhaitons à Votre Sainteté, à Vos Éminences et à Vos Excellences, ainsi qu’à tous les participants aux travaux de ce Synode, une aide abondante par le Seigneur Jésus Christ pour le nouveau travail d’évangélisation des sociétés humaines aujourd’hui. Avec grande estime, et un amour profond en le Christ Seigneur. ORF, 08.11.2012 OUVERTURE DE L’ANNÉE DE LA FOI 11 octobre 2012 Dans la matinée du jeudi 11 octobre 2012, le Pape Benoît XVI a présidé une célébration eucharistique sur la Place Saint-Pierre à l’occasion de l’ouverture de l’Année de la foi, de la commémoration du 50e Anniversaire du début du Concile Vatican II et du 20e Anniversaire de la promulgation du catéchisme de l’Église catholique. Pendant la liturgie, après l’acclamation de l’Évangile, le Saint-Père a prononcé l’homélie et à la fin de la prière après l’Eucharistie, le Patriarche œcuménique a lu un message de salutations. Nous reproduisons ces deux textes ci-dessous. Homélie du Pape Benoît XVI Vénérés frères Chers frères et sœurs, À 50 ans de l’ouverture du Concile œcuménique Vatican II, c’est avec une joie profonde que nous inaugurons aujourd’hui l’Année de la foi. Je suis heureux de saluer toutes les personnes présentes, en particulier Sa Sainteté Bartholomaios Ier, Patriarche de Constantinople, ainsi que Sa Grâce Rowan Williams, Archevêque de Canterbury. J’ai une pensée spéciale pour les Patriarches et les Archevêques majeurs des Églises orientales catholiques et pour les Présidents des Conférences épiscopales. Pour faire mémoire du Concile, que certains d’entre nous ici présents – et que je salue affectueusement – ont eu la grâce de vivre personnellement, cette célébration est encore enrichie par quelques signes spécifiques : la procession initiale qui rappelle la procession inoubliable des Pères conciliaires lorsqu’ils firent leur entrée solennelle dans cette Basilique ; l’intronisation de l’Évangéliaire, copie de celui-là même qui a été utilisé durant le Concile ; les sept Messages finaux du Concile ainsi que le Catéchisme de l’Église catholique que je remettrai à la fin de la Messe, avant la Bénédiction. Non seulement ces signes nous rappellent le devoir de commémoration qui est le nôtre, mais ils nous offrent aussi l’opportunité de dépasser cette perspective pour aller au-delà. Ils nous invitent à entrer plus avant dans le mouvement spirituel qui a caractérisé Vatican II, pour se l’approprier et lui donner tout son sens. Ce sens fut et demeure la foi en Christ, la foi apostolique, animée par l’élan intérieur qui pousse à annoncer le Christ à chaque homme et à tous les hommes pendant le pèlerinage de l’Église sur les chemins de l’histoire. La cohérence entre l’Année de la foi que nous ouvrons aujourd’hui et le chemin que l’Église a parcouru depuis les 50 dernières années est évidente : à commencer par le Concile, puis à travers le Magistère du Serviteur de Dieu Paul VI qui, déjà en 1967, avait proclamé une « Année de la foi », jusqu’au Grand Jubilé de l’an 2000 par lequel le Bienheureux Jean-Paul II a proposé à nouveau à toute l’humanité Jésus Christ comme unique Sauveur, hier, aujourd’hui et pour toujours. Entre ces deux pontifes, Paul VI et Jean-Paul II, existe une convergence totale et profonde précisément au sujet du Christ, centre du cosmos et de l’histoire, ainsi qu’au regard du zèle apostolique qui les a portés à l’annoncer au monde. Jésus est le centre de la foi chrétienne. Le chrétien croit en Dieu par Jésus qui nous en a révélé le visage. Il est l’accomplissement des Écritures et leur interprète définitif. Jésus Christ n’est pas seulement objet de la foi mais, comme le dit la Lettre aux Hébreux, il est « celui qui donne origine à la foi et la porte à sa plénitude » (He 12,2). L’Évangile de ce jour nous dit que Jésus, consacré par le Père dans l’Esprit Saint, est le sujet véritable et pérenne de l’évangélisation. « L’Esprit du Seigneur est sur moi, pour cela il m’a consacré par l’onction et m’a envoyé annoncer aux pauvres une bonne nouvelle » (Lc 4,18). Cette mission du Christ, ce mouvement, se poursuit dans l’espace et dans le temps, il traverse les siècles et les continents. C’est un mouvement qui part du Père et, avec la force de l’Esprit, porte la bonne nouvelle aux pauvres de tous les temps, au sens matériel et spirituel. L’Église est l’instrument premier et nécessaire de cette œuvre du Christ parce qu’elle est unie à Lui comme le corps l’est à la tête. « Comme le Père m’a envoyé, moi-aussi je vous envoie » (Jn 20, 21). C’est ce qu’a dit le Ressuscité aux disciples et, soufflant sur eux, il ajouta : « Recevez l’Esprit Saint » (v. 22). C’est Dieu le sujet principal de l’évangélisation du monde, à travers Jésus-Christ ; mais le Christ lui-même a voulu transmettre à l’Église sa propre mission, il l’a fait et continue de le faire jusqu’à la fin des temps en répandant l’Esprit Saint sur les disciples, ce même Esprit qui se posa sur Lui et demeura en Lui durant toute sa vie terrestre, Lui donnant la force de « proclamer aux prisonniers la libération et aux aveugles la vue », de « remettre en liberté les opprimés » et de « proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18-19). Le Concile Vatican II n’a pas voulu consacrer un document spécifique au thème de la foi. Pourtant, il a été entièrement animé par la conscience et le dé15 sir de devoir, pour ainsi dire, s’immerger à nouveau dans le mystère chrétien, afin d’être en mesure de le proposer à nouveau efficacement à l’homme contemporain. À cet égard, le Serviteur de Dieu Paul VI déclarait deux ans après la clôture de l’Assise conciliaire : « Si le Concile ne traite pas expressément de la foi, il en parle à chaque page, il en reconnaît le caractère vital et surnaturel, il la répute entière et forte et établit sur elle toutes ses affirmations doctrinales. Il suffirait de rappeler quelques affirmations conciliaires […] pour se rendre compte de l’importance essentielle que le Concile, en cohérence avec la tradition doctrinale de l’Église, attribue à la foi, à la vraie foi, celle qui a pour source le Christ et pour canal le magistère de l’Église (Catéchèse de l’Audience générale du 8 mars 1967). Ainsi s’exprimait Paul VI en 1967. Mais nous devons maintenant remonter à celui qui a convoqué le Concile Vatican II et qui l’ouvrit : le Bienheureux Jean XXIII. Dans son discours inaugural, celui-ci présenta le but principal du Concile en ces termes : « Voici ce qui intéresse le Concile œcuménique : que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit défendu et enseigné de façon plus efficace. (…) Le but principal de ce Concile n’est donc pas la discussion de tel ou tel thème de doctrine… pour cela il n’est pas besoin d’un Concile. (…) Il est nécessaire que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être fidèlement respectée, soit approfondie et présentée de façon à répondre aux exigences de notre temps » (AAS 54 [1962], 790.791-792). C’est ainsi que s’est exprimé le Pape Jean à l’inauguration du Concile. À la lumière de ces paroles, on comprend ce que j’ai moi-même eu l’occasion d’expérimenter : durant le Concile il y avait une tension émouvante face au devoir commun de faire resplendir la vérité et la beauté de la foi dans l’aujourd’hui de notre temps, sans pour autant sacrifier aux exigences du moment présent ni la confiner au passé : dans la foi résonne l’éternel présent de Dieu, qui transcende le temps et qui pourtant ne peut être accueillie par nous que dans notre aujourd’hui qui est unique. C’est pourquoi je considère que la chose la plus importante, surtout pour un anniversaire aussi significatif que celui-ci, est de raviver dans toute l’Église cette tension positive, ce désir d’annoncer à nouveau le Christ à l’homme contemporain. Mais afin que cet élan intérieur pour la nouvelle évangélisation ne reste pas seulement virtuel ou ne soit entaché de confusion, il faut qu’il s’appuie sur un fondement concret et précis, et ce fondement est constitué par les documents du Concile Vatican II dans lesquels il a trouvé son expression. Pour cette raison, j’ai insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de revenir, pour ainsi dire, à la “ lettre ” du Concile – c’est-à-dire à ses textes – pour en découvrir l’esprit authentique, et j’ai répété que le véritable héritage du Concile réside en eux. La référence aux documents protège des excès ou d’une nostalgie anachronique et de courses en avant et permet d’en saisir la nouveauté dans la continuité. Le Concile n’a rien produit de nouveau en matière de foi et n’a pas voulu en ôter ce qui est antique. Il s’est plutôt préoccupé de faire en sorte que la même foi 16 continue à être vécue dans l’aujourd’hui, continue à être une foi vivante dans un monde en mutation. Si nous acceptons la direction authentique que le Bienheureux Jean XXIII a voulu imprimer à Vatican II, nous pourrons la rendre actuelle durant toute cette Année de la foi, dans l’unique voie de l’Église qui veut continuellement approfondir le dépôt de la foi que le Christ lui a confié. Les Pères conciliaires entendaient présenter la foi de façon efficace. Et s’ils se sont ouverts dans la confiance au dialogue avec le monde moderne c’est justement parce qu’ils étaient sûrs de leur foi, de la solidité du roc sur lequel ils s’appuyaient. En revanche, dans les années qui ont suivi, beaucoup ont accueilli sans discernement la mentalité dominante, mettant en discussion les fondements même du depositum fidei qu’ils ne ressentaient malheureusement plus comme leurs dans toute leur vérité. Si aujourd’hui l’Église propose une nouvelle Année de la foi ainsi que la nouvelle évangélisation, ce n’est pas pour célébrer un anniversaire, mais parce que c’est une nécessité, plus encore qu’il y a 50 ans ! Et la réponse à donner à cette nécessité est celle voulue par les Papes et par les Pères du Concile, contenue dans ses documents. L’initiative même de créer un Conseil pontifical destiné à promouvoir la nouvelle évangélisation, que je remercie pour les efforts déployés pour l’Année de la foi, entre dans cette perspective. Les dernières décennies ont connu une « désertification » spirituelle. Ce que pouvait signifier une vie, un monde sans Dieu, au temps du Concile, on pouvait déjà le percevoir à travers certaines pages tragiques de l’histoire, mais aujourd’hui nous le voyons malheureusement tous les jours autour de nous. C’est le vide qui s’est propagé. Mais c’est justement à partir de l’expérience de ce désert, de ce vide, que nous pouvons découvrir de nouveau la joie de croire, son importance vitale pour nous, hommes et femmes. Dans le désert on redécouvre la valeur de ce qui est essentiel pour vivre ; ainsi dans le monde contemporain les signes de la soif de Dieu, du sens ultime de la vie, sont innombrables bien que souvent exprimés de façon implicite ou négative. Et dans le désert il faut surtout des personnes de foi qui, par l’exemple de leur vie, montrent le chemin vers la Terre promise et ainsi tiennent en éveil l’espérance. La foi vécue ouvre le cœur à la grâce de Dieu qui libère du pessimisme. Aujourd’hui plus que jamais évangéliser signifie rendre témoignage d’une vie nouvelle, transformée par Dieu, et ainsi indiquer le chemin. La première lecture nous a parlé de la Sagesse du voyageur (cf. Si 34,9-13) : le voyage est une métaphore de la vie et le voyageur sage est celui qui a appris l’art de vivre et est capable de le partager avec ses frères – comme c’est le cas pour les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques ou sur les autres voies qui ont connu récemment, non par hasard, un regain de fréquentation. Comment se fait-il que tant de personnes ressentent le besoin de parcourir ces chemins ? Ne serait-ce pas parce qu’il trouvent là, ou au moins y perçoivent quelque chose du sens de notre être au monde ? Voici alors la façon dont nous pouvons penser cette Année de la foi : un pèlerinage dans les déserts du monde contemporain, au cours duquel il nous faut emporter seulement ce qui est essentiel : ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent et n’ayez pas deux tuniques – comme dit le Seigneur à ses apôtres en les envoyant en mission (cf. Lc 9,3) – mais l’Évangile et la foi de l’Église dont les documents du Concile œcuménique Vatican II sont l’expression lumineuse, comme l’est également le Catéchisme de l’Église catholique, publié il y a 20 ans maintenant. Vénérés et chers Frères, le 11 octobre 1962 on célébrait la fête de la Vierge Marie, Mère de Dieu. C’est à elle que nous confions l’Année de la foi, comme je l’ai fait il y a une semaine lorsque je suis allé en pèlerinage à Lorette. Que la Vierge Marie brille toujours comme l’étoile sur le chemin de la nouvelle évangélisation. Qu’elle nous aide à mettre en pratique l’exhortation de l’apôtre Paul : « Que la Parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse ; instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres avec une vraie sagesse… Et tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père » (Col 3,16-17). Amen. ORF, 18.10.2012 Discours du Patriarche œcuménique Bartholomaios Ier Frères et sœurs, Quand le Christ se préparait à l’expérience de Gethsémani, il a prononcé une prière pour l’unité qui est rapportée au paragraphe 17, verset II de l’Évangile de Jean: « ...garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous ». Au fil des siècles, nous avons vraiment été gardés par la puissance et l’amour du Christ, et au juste moment de l’histoire, l’Esprit Saint est descendu sur nous et nous avons commencé un long parcours vers l’unité visible voulue par le Christ. Cela a été confirmé par Unitatis redintegratio n. 1: « Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette grâce et, sous l’effet de la grâce e l’Esprit Saint, est né un mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les chrétiens ». Sainteté, il y a cinquante ans, ici, sur cette place, une célébration puissante et significative a manifesté le cœur et l’esprit de l’Église catholique romaine, en la conduisant au cours des cinquante dernières années jusqu’au monde contemporain. L’ouverture du Concile Vatican I I , pierre angulaire transformante, fut inspirée par la réalité fondamentale que le Fils et le Logos incarné de Dieu est là lorsque « deux ou trois sont réunis en son nom » (Mt 18, 20) et que l’Esprit qui procède du Père « nous introduira dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Nous nous souvenons avec clarté et tendresse, mais aussi avec jubilation et enthousiasme, les discussions personnelles que nous avons eues, au cours des cinquante années qui ont suivi, avec des évêques et des experts théologiens, pendant notre formation – en tant que jeune étudiant – à l’Institut pontifical oriental, ainsi que notre participation personnelle à quelques sessions spéciales du Concile. Nous sommes les témoins oculaires de la manière dont les évêques ont fait l’expérience, avec une conscience renouvelée, de la valeur – et du sens de continuité renforcé – de la tradition et de « la foi transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 1, 3). Ce fut une période prometteuse, riche d’espoirs, au sein et en dehors de votre Église. Nous avons remarqué que, pour l’Eglise orthodoxe, ce fut une période d’échanges et d’attentes. Par exemple, la convocation des premières Conférences panorthodoxes à Rhodes, a conduit aux Conférences préconciliaires en préparation au grand Concile des Églises orthodoxes. Ces échanges allaient montrer au monde moderne le grand témoignage d’unité de l’Église orthodoxe. De plus, cette période a coïncidé avec « le dialogue de l’amour », et elle a annoncé la Commission internationale mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe, instituée par nos vénérables prédécesseurs, le Pape Jean-Paul II et le Patriarche œcuménique Dimitrios. Au cours des cinq dernières décennies, les conquêtes obtenues par cette Assemblée ont été nombreuses, comme le prouve la série de constitutions, déclarations et décrets importants et influents. Nous avons contemplé le renouvellement de l’esprit et « le retour aux origines » à travers l’étude liturgique, la recherche biblique et la doctrine patristique. Nous avons apprécié l’effort graduel pour se libérer des limites académiques rigides à l’ouverture du dialogue œcuménique, ce qui a mené aux abrogations réciproques des excommunications de l’année 1054, à l’échange de vœux, à la restitution des reliques, au début de dialogues importants et de visites réciproques dans nos sièges respectifs. Notre chemin n’a pas toujours été facile ou exempt de souffrances et de défis. Nous savons, en fait, que « étroite est la porte et resserré le chemin » (Mt 7, 14). La théologie fondamentale et les principaux thèmes du Concile Vatican I I – le mystère de l’Église, la sacralité de la liturgie et l’autorité de l’évêque – sont difficiles à appliquer avec assiduité, et s’assimilent par des efforts qui durent toute la vie et avec l’engagement de l’Église tout entière. La porte devrait donc rester ouverte à un accueil plus profond, à un engagement pastoral plus grand et une interprétation ecclésiale du Concile Vatican I I toujours plus approfondie. En poursuivant ce chemin ensemble, nous rendons grâces et gloire au Dieu vivant – Père, Fils et Saint-Esprit – car l’assemblée des évêques elle-même a reconnu l’importance de la réflexion et d’un dialogue sincère entre nos « Églises sœurs ». Nous nous unissons dans « l’espoir, que le mur qui sépare l’Église d’Orient de celle d’Occident étant abattu, il n’y aura plus qu’une seule demeure, solidement établie sur la pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l’unité de l’une et de l’autre » (Unitatis Redintegratio n. 18). Grâce au Christ, notre pierre angulaire, et à la tradition que nous avons en commun, nous serons en mesure – ou, plutôt, nous le serons par le don et la grâce de Dieu – d’apprécier davantage et d’exprimer de façon plus complète le Corps du Christ. Par nos efforts continus, conformes à l’esprit de la tradition 17 de l’Église primitive et à la lumière de l’Église des Conciles du premier millénaire, nous pourrons vivre l’expérience de l’unité visible qui se trouve au-delà de notre temps présent. L’Église se distingue toujours par sa dimension prophétique et pastorale particulière, par la modération et la spiritualité qui la caractérisent, et sert avec une humble sensibilité les « plus petits » des frères du Christ (Mt 25, 40). Bien-aimé frère, notre présence ici signifie et montre notre engagement à témoigner ensemble le message de salut et de guérison pour nos frères les plus petits: les pauvres, les opprimés, les marginalisés du monde créé par Dieu. Commençons les prières pour la paix et la santé de nos frères et sœurs qui vivent au Moyen-Orient. Dans le creuset actuel de violences, séparations et divisions qui s’intensifient entre les peuples et les nations, que l’amour et le désir d’harmonie que nous déclarons ici, et la compréhension que nous recherchons avec le dialogue, soient un modèle pour notre monde. Que l’humanité puisse tendre la main vers « l’autre » et que nous puissions travailler ensemble pour dépasser la douleur des peuples partout, et en particulier là où l’on souffre à cause de la faim, des catastrophes naturelles, des maladies et de la guerre qui finit par frapper notre vie à tous. À la lumière de tout ce que l’Église dans le monde devrait encore accomplir, et en appréciant grandement tous les progrès que nous avons partagés, nous sommes honorés d’avoir été invités à participer – et d’avoir été appelés à offrir notre modeste parole – à cette commémoration solennelle et joyeuse du Concile Vatican II. Ce n’est pas une coïncidence si cette célébration marque pour votre Église l’inauguration solennelle de l’Année de la Foi, car c’est la foi qui offre un signe évident du chemin que nous avons parcouru ensemble le long du chemin de la réconciliation et de l’unité visible. En conclusion, nous vous félicitons sincèrement, Sainteté, Frère bien-aimé – uni à la multitude bénie des fidèles ici rassemblés aujourd’hui – et nous Vous embrassons fraternellement en cette joyeuse occasion commémorative. Que Dieu vous bénisse tous. www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2012/documents/hf_ben-xvi_hom_20121011_anno-fede_fr.html Site consulté le 15.04.2013 18 ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L’UNITÉ DES CHRÉTIENS 12-16 novembre 2012 « L’importance de l’œcuménisme pour la nouvelle évangélisation » Discours du Pape Benoît XVI aux participants de l’Assemblée plénière 15 novembre 2012 Dans son discours aux participants à l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens qu’il a reçus en audience, jeudi 15 novembre 2012, le Pape Benoît XVI a tenu à souligner le « lien très étroit qui existe entre le devoir d’évangélisation et le dépassement des divisions existant entre les chrétiens ». Nous reproduisons ci-dessous l’intégrale du discours que le Saint-Père a prononcé en italien. Messieurs les cardinaux, vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, chers frères et sœurs ! Je suis heureux de tous vous rencontrer, membres et consulteurs du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, à l’occasion de l’assemblée plénière. J’adresse à chacun mon salut cordial, en particulier au président, le Cardinal Kurt Koch – que je remercie pour les aimables paroles à travers lesquelles il a interprété les sentiments communs – au secrétaire et aux collaborateurs du dicastère, ainsi que ma reconnaissance pour leur travail au service d’une cause si décisive pour la vie de l’Église. Cette année, votre assemblée plénière porte son attention sur le thème : « L’importance de l’œcuménisme pour la nouvelle évangélisation ». Avec ce choix, vous vous placez de façon opportune en continuité avec ce qui a été examiné au cours de la récente Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, et, dans un certain sens, vous entendez donner une forme concrète, selon la perspective particulière du dicastère, à ce qui est apparu au cours de cette assemblée. En outre, la réflexion que vous menez s’insère bien dans le contexte de l’Année de la foi, que j’ai voulue comme un moment propice pour reproposer à tous le don de la foi dans le Christ ressuscité, en l’année où nous célébrons le 50e anniversaire du début du Concile Vatican II. Comme on le sait, les Pères conciliaires ont voulu souligner le lien très étroit qui existe entre le devoir d’évangélisation et le dépassement des divisions existant entre les chrétiens. « Une telle division – affirme-t-on au début du Décret Unitatis redintegratio – s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature » (n. 1). L’affirmation du décret conciliaire fait écho à la « prière sacerdotale » de Jésus lorsque, s’adressant au Père, il demande que ses disciples « soient un, afin que le monde croie » (Jn 17, 21). Dans cette grande prière, par quatre fois au moins, il invoque l’unité pour les disciples d’alors et pour ceux de l’avenir, et il indique par deux fois comme objectif de cette unité que le monde croie, qu’Il le « reconnaisse » comme envoyé du Père. Il existe donc un lien étroit entre le destin de l’évangélisation et le témoignage de l’unité entre les chrétiens. Un authentique chemin œcuménique ne peut être poursuivi en ignorant la crise de foi que traversent de vastes régions de la planète, y compris celles qui ont accueilli en premier l’annonce de l’Évangile et où la vie chrétienne a été florissante pendant des siècles. D’autre part, on ne peut ignorer les nombreux signes qui attestent la constance d’un besoin de spiritualité, qui se manifeste de diverses façons. La pauvreté spirituelle d’un grand nombre de nos contemporains, qui ne perçoivent plus l’absence de Dieu dans leur vie comme une privation, cette pauvreté spirituelle représente un défi pour tous les chrétiens. Dans ce contexte, il nous est demandé à nous, croyants dans le Christ, de revenir à l’essentiel, au cœur de notre foi, pour témoigner ensemble au monde du Dieu vivant, c’est-à-dire d’un Dieu qui nous connaît et qui nous aime, dans le regard duquel nous vivons; d’un Dieu qui attend la réponse de notre amour dans la vie de chaque jour. L’engagement des Églises et des Communautés ecclésiales pour une annonce renouvelée de l’Évangile à l’homme contemporain est donc un motif d’espérance. En effet, témoigner du Dieu vivant, qui s’est fait proche dans le Christ, est l’impératif le plus urgent pour tous les chrétiens, et c’est également un impératif qui nous unit, en dépit de la Communion ecclésiale incomplète dont nous faisons encore l’expérience. Nous ne devons pas oublier ce qui nous unit, c’est-à-dire la foi en Dieu, Père et Créateur, qui s’est révélé dans le Fils Jésus Christ, insufflant l’Esprit qui vivifie et sanctifie. Telle est la foi du Baptême que nous avons reçu et telle est la foi que, dans l’espérance et dans la charité, nous pouvons professer ensemble. 19 À la lumière de la priorité de la foi, on comprend également l’importance des dialogues théologiques et des entretiens avec les Églises et avec les Communautés ecclésiales, dans lesquels l’Église catholique est engagée. Même lorsqu’on n’entrevoit pas, dans un avenir immédiat, la possibilité du rétablissement de la pleine communion, ceux-ci permettent de recueillir, à côté des résistances et des obstacles, également des richesses d’expérience, de vie spirituelle et de réflexions théologiques, qui deviennent un encouragement pour un témoignage toujours plus profond. Nous ne devons pas non plus oublier que l’objectif de l’œcuménisme est l’unité visible entre les chrétiens divisés. Cette unité n’est pas une œuvre que nous pouvons simplement réaliser, nous hommes. Nous devons nous engager de toutes nos forces, mais nous devons aussi reconnaître que, en ultime analyse, cette unité est don de Dieu, elle ne peut venir que du Père au moyen du Fils, car l’Église est son Église. Dans cette perspective, se fait jour l’importance d’invoquer l’unité visible du Seigneur, mais il apparaît aussi que la recherche de cet objectif est importante pour la nouvelle évangélisation. Le fait de marcher ensemble vers ce but est une réalité positive, à condition, toutefois, que les Églises et Communautés ecclésiales ne s’arrêtent pas en route, qu’elles acceptent les diversités contradictoires comme quelque chose de normal ou comme le mieux que l’on puisse obtenir. C’est en revanche dans la pleine communion dans la foi, dans les sacrements et dans le ministère, que l’on rendra évidente de façon concrète la force présente et opérante de Dieu dans le monde. À travers l’unité visible des disciples de Jésus, unité humainement inexplicable, se reconnaîtra l’agir de Dieu qui dépasse la tendance du monde à la désagrégation. Chers amis, je veux souhaiter que l’Année de la foi contribue aussi au progrès du chemin œcuménique. L’unité est, d’un côté, le fruit de la foi et, de l’autre, un moyen et presque une condition pour annoncer de façon toujours plus crédible la foi à ceux qui ne connaissent pas encore le Sauveur ou qui, même s’ils ont reçu l’annonce de l’Évangile, ont presque oublié ce don précieux. Le véritable œcuménisme, en reconnaissant la primauté de l’action divine, exige avant tout patience, humilité, abandon à la volonté du Seigneur. À la fin, œcuménisme et nouvelle évangélisation exigent tous les deux le dynamisme de la conversion, entendu comme volonté sincère de suivre le Christ et d’adhérer pleinement à la volonté du Père. En vous remerciant encore une fois, j’invoque volontiers sur tous la Bénédiction apostolique. Merci. ORF, 06.12.2012 Discours d'ouverture du Cardinal Kurt Koch, Président du conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens L’importance de l’œcuménisme pour la nouvelle évangélisation « Le défi de la nouvelle évangélisation interpelle l’Église universelle et nous demande également de poursuivre avec application la recherche de la pleine unité entre les chrétiens ».1 Par ces paroles, le Pape Benoît XVI a annoncé, durant les premières Vêpres de la solennité des Saints Apôtres Pierre et Paul en 2010, la création du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation. L’Église universelle a été interpellée de manière particulièrement impressionnante avec la 13e Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques sur « la nouvelle évangélisation pour la propagation de la foi chrétienne ». La seconde exigence, à savoir que la nouvelle évangélisation doit avoir une dimension œcuménique, a été rappelée lors du Synode des évêques surtout par l’heureuse présence de nombreux Délégués fraternels et par leurs contributions, et constitue le thème principal de l’Assemblé plénière du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. C’est notre devoir que de nous interroger principalement sur le lien entre mission pour la nouvelle évangélisation et recherche de l’unité de tous les hommes qui croient au Christ et qui sont baptisés en son nom. 1. Nouvelle évangélisation et unité des chrétiens La correspondance entre la nouvelle évangélisation et la recherche de l’unité des chrétiens est au fond aussi ancienne que le christianisme lui-même et remonte au Cénacle où Jésus, avant sa Passion et sa mort, a prié pour l’unité de ses disciples: « Afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21). Avec cette conclusion de la prière du Seigneur dans son testament, l’évangéliste Jean affirme que l’unité des disciples de Jésus n’est pas un but en soi, mais est au contraire au service d’une annonce crédible de l’Évangile de Jésus Christ dans le monde d’aujourd’hui et représente la condition indispensable pour la crédibilité du message chrétien. La finalité de la prière pour l’unité réside, comme l’a fait ressortir le Pape Benoît XVI dans son explication de la prière sacerdotale de Jésus, en cela que par l’unité des disciples la « vérité de sa mission » apparaît clairement aux hommes et que Jésus « lui-même [est] légitimé » : « il devient clair qu’il est vraiment le ‘Fils’ ».2 a) L’unité œcuménique au service d’une évangélisation crédible Face à la profonde gravité du Testament de Jésus, il n’est pas étonnant que son intention et donc l’indissoluble correspondance entre évangélisation et recherche œcuménique pour l’unité des chrétiens ait été très présente à l’esprit du Concile Vatican II. Déjà dans le pre1 Benoît XVI, « La chiesa è un’immensa forza rinnovatrice. La celebrazione dei primi vespri della solennità dei Santi Pietro e Paulo il 28 giugno 2010 », dans : Insegnamenti di Benedetto XVI VI, 1 2010 (Città del Vaticano) 984-987, cit. 987 (traduction officielle). 2 J. Ratzinger – Benoît XVI. Jesus von Nazareth. Zweiter Teil : Vom Einzug in Jerusalem bis zur Auferstehung (Freiburg i. Br. 2011) 113-114. 20 mier paragraphe de son Décret sur l’œcuménisme, il est question du fondement de tout œcuménisme, à savoir que le Christ a voulu et fondé « une seule et unique Église ». À cette conviction s’oppose le fait empirique que plusieurs Communautés chrétiennes revendiquent devant les hommes de présenter et de défendre le « véritable héritage du Christ ». Parce que de là peut venir la fausse impression que le « Christ lui même serait partagé », le Décret sur l’œcuménisme défend la conviction que la présente division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ, qu’elle est « un objet de scandale » pour le monde et qu’« elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature ».3 Ainsi, en des termes clairs, est exprimée la très profonde anomalie de la situation de division de la chrétienté. Que des chrétiens et des chrétiennes qui croient en Jésus Christ comme Sauveur du monde et sont baptisés dans son Corps unique continuent de vivre plus longtemps en des Églises et des Communautés ecclésiales séparées, constitue un fait extrêmement déplorable que la chrétienté présente encore au monde d’aujourd’hui et qui mérite d’être dénoncé comme un scandale. En effet, les séparations de l’Église sont en tous les cas à identifier comme une rupture de ce qui, par nature, est indivisible, à savoir l’unité du Corps du Christ, et elles font obstacle à la crédibilité de l’annonce de l’Évangile. C’est pour cela que le Décret sur l’œcuménisme commence précisément par l’affirmation que « l’un des buts principaux du saint Concile Vatican II » est de « promouvoir la restauration de l’unité entre tous les chrétiens ». Si l’on prend à cœur cette claire perception du Concile, il devrait apparaître évident que la nouvelle évangélisation également ne peut réussir que si le but originel du mouvement œcuménique est revitalisé : retrouver l’unité visible des chrétiens. Le témoignage chrétien doit avoir aussi et clairement dans le monde d’aujourd’hui une clef musicale œcuménique, afin que la mélodie puisse résonner non pas comme une cacophonie mais comme une symphonie. La relation étroite entre évangélisation et engagement œcuménique fut reconnue dès le début du mouvement œcuménique au XXe siècle qui vit le jour de manière décisive en Écosse, en 1910, lors de la première Conférence missionnaire mondiale à Édimbourg qui eut pour toile de fond un « mouvement de prière œcuménique » déjà très intense.4 Les missionnaires rassemblés à Édimbourg avaient sous les yeux le scandale de la concurrence que les différentes Églises chrétiennes et Communautés ecclésiales se faisaient dans le travail missionnaire. Ainsi, elles avaient nui à l’annonce crédible de l’Évangile de Jésus Christ surtout dans les continents lointains car en même temps que l’Évangile chrétien, elles avaient également porté dans d’autres cultures les divisions de l’Église en Europe. Mais puisqu’un témoignage sincère de l’œuvre salvifique de Jésus Christ dans le monde n’est possible que lorsque les Églises arrivent à dépasser leurs divisions dans la doctrine de la foi et dans la vie ecclésiale, à Édimbourg l’évêque missionnaire anglican Charles Brent invita à réaliser des efforts intenses en vue du dépassement de ces dif Unitatis redintegratio, 1. (traduction officielle). W. Kardinal Kasper, Katolische Kirche. Wesen – Wirklichkeit – Sendung (Freiburg i. br. 2011) 427. 3 4 férences dans l’enseignement et dans l’organisation de l’Église qui sont un obstacle sur le chemin de leur unité. Avec cette perspective qu’il faut qualifier de prophétique, à savoir que les divisions de la chrétienté constituent le plus grand obstacle à la mission dans le monde, la première Conférence missionnaire mondiale n’a pas été seulement le point de départ du mouvement œcuménique moderne, mais encore la charge missionnaire de l’Église est devenue toujours davantage un thème important à l’ordre du jour œcuménique. Depuis Édimbourg, l’exigence œcuménique et l’engagement missionnaire sont perçus comme indissociables, et œcuménisme et évangélisation sont comme des jumeaux qui mutuellement s’appellent et s’enrichissent, et cela dans une logique interne mutuelle. Puisque la mission chrétienne signifie le rassemblement de l’humanité dans l’unique amour de Dieu révélé en Jésus Christ, amour qui embrasse tout, elle est aussi par ellemême un « signe pour l’unité » : « Comme les péchés dispersent les hommes, ainsi l’unique foi les rassemble en un homme nouveau ».5 En ce sens, un beau signe œcuménique a été donné par le pape Benoît XVI qui, en l’année anniversaire du centenaire de la Conférence missionnaire mondiale, a créé le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation et cela dans la conviction que toutes les Églises qui vivent sur des territoires de tradition chrétienne ont un besoin pressant d’un élan missionnaire renouvelé, comme « expression d’une nouvelle ouverture généreuse au don de la grâce. »6 b) La sécularisation, conséquence des fautes de la chrétienté La considération de l’indissoluble relation entre évangélisation et responsabilité œcuménique s’impose également dans un regard rétrospectif sur l’histoire, surtout par rapport à la division de l’Église à l’époque de la Réforme. À son sujet, l’historien de l’Église catholique et œcuméniste Joseph Lortz, devenu célèbre pour ses recherches sur la Réforme surtout en Allemagne,7 déclarait dès 1950 : « La crédibilité de l’annonce chrétienne a sévèrement pâti de la division de la chrétienté ».8 Ainsi, Lortz était par5 J. Ratzinger, « Considerationes quoad fundamentum theologicum missionis ecclesiae / Überlegungen zur theologischen Grundlage der Sendung (Mission) der Kirche », dans : R. Vorderholzer / Ch. Schaller / F.-X. Heibl (Hrsg.), Mitteilungen Institut Benedikt XVI. Band 4 (Regensburg 2011), 15-22, cit. 16. 6 Benoît XVI, Motu proprio « Ubicumque et semper » (traduction officielle). 7 Cf. J. Lortz, Die Reformation in Deutschland (Freiburg i. Br. 1962). 8 J. Lortz, Wie kam es zur Reformation ? (Einsiedeln 1950). À la base de ce jugement se trouve la conviction de Lortz selon laquelle l’Europe, d’un côté, plonge ses racines les plus profondes dans le christianisme, et cela dans le sens précis que les peuples du continent européen ont progressé ensemble vers une unité culturelle essentiellement à travers le christianisme, mais que l’Europe, d’un autre côté, s’en est éloignée de manière dangereuse, de sorte que Lortz, avec le regard vigilent de l’historien, posa déjà à son époque le diagnostic suivant : « Ce que l’on appelle l’Occident chrétien est en réalité depuis longtemps déchristianisé. Il s’agit même d’un Occident apostat. Des statistiques sûres de tous les pays parlent ici un langage bouleversant. Seulement le plus souvent, nous ne voyons pas la réalité suffisamment nue ». Parmi tous les facteurs qui ont conduit à cette déchristianisation 21 faitement clair sur ce point : la Réforme n’était « pas seulement une division », mais « bien plus », et cependant elle était « essentiellement aussi une division ».9 Lortz était également conscient que la division de l’Église présentait le contraire de ce qu’elle proposait à l’origine: « La Réforme chercha à obtenir une réforme de la tête et des membres de l’unique Église de tous les chrétiens. Cela ne se produisit pas ; il survint une fracture qui divisa l’Église et la chrétienté. L’incontestable tâche centrale de l’Église ne fut pas honorée ».10 Et Lortz d’ajouter ce vœu: « Cela doit pénétrer toujours plus profondément dans la conscience des chrétiens évangéliques ».11 Nous devons par conséquent nous réjouir que cette conviction soit aujourd’hui partagée et gardée vivante, surtout par l’œcuméniste évangélique Wolfhart Pannenberg: « La Réforme doit, face à son échec du XVIe siècle et face à un laisser-aller négligent pendant plusieurs siècles à la suite de son échec, encore et toujours être accomplie. Mais l’accomplissement de la Réforme réclame le rétablissement de l’unité chrétienne ».12 Avec la reconnaissance fondamentale qu’il s’agissait à l’origine pour la Réforme d’un renouvellement global de toute l’Église et non pas de la fondation de nouvelles Églises, que rien ne lui était plus étranger que la « séparation d’Églises particulières évangéliques de l’unique Église catholique », et que par conséquent la naissance d’Églises évangéliques et réformées particulières n’exprimaient « non pas le succès mais au contraire l’échec de la Réforme »,13 Wolfhart Pannenberg a également encore et encore montré que la sécularisation de l’époque moderne, plus précisément le processus de dépouillement de la foi chrétienne de sa mission pour la paix dans la société dans le sens de la fondation, de l’entretien et du renouvellement de l’organisation de la vie en société, doit être compris comme une conséquence, certes non voulue et non intentionnelle mais tragique de la division de l’Église d’Occident au XVIe siècle. Car l’émancipation du monde culturel de l’époque moderne en premier lieu des divergences des Églises qui s’affrontent entre elles et, finalement, du christianisme en général, doit être jugée comme le résultat de la division de l’Église et des guerres de religions sanglantes qui ont suivi aux XVIe et XVIIe siècles, en particulier la guerre de Trente ans. Étant donné que, comme tragique effet de ces guerres, le christianisme, du point de vue de sa forme historique, était encore identifiable dans les diverses confessions qui s’étaient battues jusqu’au sang, cette constellation historique devait avoir pour conséquence inévitable le prix élevé que la paix religieuse de l’Europe, il n’y a pas, selon Lortz, de raison « aussi importante que la Réforme », plus précisément « la division de la chrétienté causée par la Réforme » (8-9). 9 Ibid. 8. 10 Ibid. 8. 11 Ibid. 10. 12 W. Pannenberg, « Über Lortz hinaus? », dans: R. Decot und R. Vinke (Hrsg), Zum Gedenken an Joseph Lortz (1887-1975). Beiträge zur Reformationsgeschichte und Ökumene (Stuttgart 1989) 93-105, cit. 94. 13 W. Pannenberg, « Reformation und Einheit des Kirche », dans: Ders, Ethik und Ekkelsiologie. Gesammelte Aufsätze (Göttingen 1977) 254-267, cit. 255. 22 allait coûter au christianisme, en éliminant du jeu les différences confessionnelles et, par répercussion, le christianisme lui-même, afin de pouvoir donner une nouvelle base à la paix sociale, comme Wolfhart Pannenberg l’a diagnostiqué avec raison: « Là où la sécularisation de l’époque moderne a pris la forme d’un éloignement du christianisme, il n’a pas fondu sur les Églises comme un destin extérieur, mais comme une conséquence de leurs propres péchés contre l’unité, comme conséquence de la division de l’Église du XVIe siècle et des guerres de religion des XVIe et XVIIe siècles, qui ne laissèrent pas d’autre choix aux hommes sur les territoires mixtes du point-de-vue confessionnel que de reconstruire à neuf leur vivre ensemble sur une base commune vierge des oppositions confessionnelles ».14 Comme chrétiens en Europe, nous n’avons pas le droit d’effacer de notre mémoire historique le fait que l’actuelle compréhension de la foi chrétienne soit devenue une affaire purement privée de l’individu et que d’une manière tragique le christianisme lui-même se soit rendu coupable de son éviction de la sphère publique sociale, qu’il s’agit donc, comme l’affirme avec insistance le théologien catholique Johann B. Metz, d’une « privatisation pour ainsi dire ‘faite maison’ du christianisme ».15 Ce jugement implique à l’inverse que le rétablissement de la mission publique du christianisme suppose le dépassement des divisions héritées dans une unité des chrétiens recouvrée et que la Réforme du XVIe siècle est pour le moins restée inachevée et doit le demeurer encore, jusqu’à ce que se produise à nouveau l’unité d’une Église catholique renouvelée dans l’esprit de l’Évangile de Jésus Christ. Dans la mesure où il est question, dans le mouvement œcuménique, du succès lui-même – volontairement différé – de la Réforme, tout ce qui est en jeu dans l’œcuménisme pour la nouvelle évangélisation devient absolument clair, et cela non seulement dans la perspective de la crédibilité des Églises individuelles, mais aussi et avant tout dans la perspective de l’authenticité du christianisme en général dans nos sociétés modernes. En effet, si la privatisation moderne de la religion est essentiellement fondée dans l’échec de la Réforme, alors le christianisme en Europe ne pourra retrouver une signification pour l’ensemble de la société que lorsque l’échec de la Réforme aura été dépassé. C’est la raison pour laquelle le processus œcuménique de dépassement de la division de l’Église ne peut être sans conséquence pour la relation entre la culture sécularisée moderne avec le thème de la religion en général et du christianisme en particulier. Les motifs qui, du point de vue historique, ont conduit à une séparation de la culture moderne de la religion et des Églises chrétiennes, ne pourront plus du tout être avancés validement contre un christianisme 14 W. Pannenberg, « Einheit des Kirche als Glaubenswirklichkeit und als ökumenisches Ziel », dans: Ders, Ethik und Ekklesiologie. Gesammelte Aufsätze (Göttingen 1977) 200-210, cit. 201. Zum Ganzen vgl. Ders., Christentum in einer säkularisierten Welt (Freiburg i. Br. 1988). 15 J.B. Metz, Glaube in Geschichte und Gesellschaft (Mainz 1977) 31. qui aura dépassé les divisions.16 Avec raison, Joseph Lortz avait lui aussi déjà avancé que le rétablissement de la « force de conviction de l’annonce chrétienne » a comme préalable principal l’ « unio des confessions chrétiennes, et avant tout la préparation de cette unio ».17 c) Évangélisation et œcuménisme face à de nouveaux défis Il convient de nous intéresser à l’arrière-plan historique complexe de la relation entre évangélisation et œcuménisme dans tous ses détails, et ceci non pas uniquement parce que nous approchons du 500e anniversaire de la Réforme dont il nous faut évoquer l’aspect positif mais aussi la dimension tragique.18 Ces rappels historiques conduisent bien plus à la constatation que dans l’intervalle, les situations œcuménique et missionnaire ont énormément changé et que nous nous retrouvons une nouvelle fois devant de tout nouveaux défis. Dans les décennies passées, l’Europe s’est encore développée et est devenue largement une terre de mission, comme le Père Alfred Delp, qui a donné sa vie pour la foi pendant la terreur du nazisme, l’a déjà rappelé dans les années quarante du siècle dernier avec ces paroles lapidaires: « Nous sommes devenus une terre de mission. Cet aveu doit être mis à exécution ». Cette situation missionnaire touche aujourd’hui toutes les Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales, elle donne à l’entente et à la collaboration œcuméniques des chrétiens une nouvelle urgence et doit stimuler tous les chrétiens à unir leurs forces pour affronter ce nouveau défi. À cela vient s’ajouter une complication: la nouvelle réalité missionnaire a un impact aujourd’hui jusque dans les Églises. Cela est évident surtout si nous considérons que les fondements de la foi, qui jusque-là pouvaient nous servir de tremplin pour entrer en œcuménisme, sont mis en question, et que de nouveaux fossés, surtout dans le domaine de l’éthique ont été creusés, si bien que les différences confessionnelles se sont étendues pour une large part du champ dogmatique à la question du mode de vie et de l’éthique, portant en particulier sur les nouvelles et complexes questions de la bioéthique, de la protection de la vie humaine de la conception à la mort naturelle, du sens fondamental du mariage et de la famille, et de l’accomplissement responsable de la sexualité. Dans cette dominance de questions éthiques controversées, il faut remarquer un changement fondamental dans la situation œcuménique. Alors que dans une phase précédente du mouvement œcuménique le slogan disait: « La foi divise – l’agir unit », aujourd’hui il se trouve pratiquement ren16 Cf. K. Koch, « Hat das Christentum noch Zukunft? Zur Präsenz der Kirche in den säkularisierten Gesellschaften Europas », dans: Communio. Internationale katholische Zeitschrift 32 (2003) 116-136; Idem, « Brauchen wir ein öffentliches Christentum? », dans: M. Delgado / A. Jödicke / G. Vergauwen (Hrsg.), Religion und Öffentlichkeit. Probleme und Perspektiven (Stuttgart 2009) 99-118. 17 J. Lortz, Wie kam es zur Reformation? (Einsiedeln 1950) 10. 18 Cf. K. Koch, «Tragik oder Befreiung der Reformation? Unzeitgemässe Überlegungen aus ökumenischer Sicht», dans: Stimmen der Zeit 210 (1992) 234-246. versé, de sorte que la foi rassemble et que l’éthique surtout divise. Mais lorsque des Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales ne réussissent pas à parler d’une seule voix face aux grandes questions éthiques de notre époque, cela nuit à l’œcuménisme chrétien comme à la crédibilité de la nouvelle évangélisation, pour laquelle précisément un témoignage unanime de l’œcuménisme chrétien est absolument nécessaire pour les questions éthiques. Précisément dans la perspective de la nécessaire relation entre nouvelle évangélisation et œcuménisme, nous pouvons dire que cela constitue une preuve élémentaire de la crédibilité de la chrétienté aujourd’hui. Ce n’est pas seulement la situation œcuménique, mais aussi la situation missionnaire qui, dans les décennies passées, a été confrontée à un changement fondamental. D’une part, l’orientation géographique de l’histoire de la mission, qui a jusque-là surtout suivi un mouvement nord-sud et ouest-est, a changé considérablement. D’autre part, la perception critique de la relation historique entre mission et colonisation a largement conduit à la conclusion qu’avec le début de la dernière phase de la décolonisation, la dimension missionnaire de l’Église serait également arrivée à son terme. Cette conclusion erronée, le Pape Jean-Paul II l’a contredite dans son encyclique Redemptoris missio sur la valeur pérenne de la charge missionnaire de l’Église, avec la conviction que nous ne sommes en aucune manière arrivés au terme de la mission mais qu’au contraire, nous sommes plutôt au début d’une nouvelle phase de la mission chrétienne et que l’envoi en mission pour l’évangélisation du monde appartient à l’identité la plus profonde de l’Église. Cette conviction dont était fondamentalement imprégné le Concile Vatican II, les papes de l’aprèsconcile, dans une admirable suite et continuité, l’ont placée, avant tout dans la perspective d’une nouvelle évangélisation, au centre de la vie de l’Église et de la responsabilité œcuménique.19 Le Pape Paul VI a perçu, dans son admirable Lettre Apostolique Evangelii nuntiandi en 1975, l’efficacité évangélisatrice de l’Église comme la plus élémentaire définition de son identité: « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser ».20 Puisque Paul VI a diagnostiqué que le véritable drame de l’humanité actuelle se situait dans une fracture entre l’Évangile chrétien et la culture sécularisée, il espérait également d’un nouvel élan évangélisateur la guérison de cette fracture. Le Pape Jean-Paul II a proposé, dans son long pontificat, la nouvelle évangélisation comme itinéraire pastoral de l’Église dans le futur, à l’occasion de quoi il a fortement insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une « réévangélisation » mais d’une « nouvelle évangélisation » avec une triple nouveauté: « nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes et dans ses expressions ».21 À sa suite, le pape 19 Pontificio Consiglio per la promozione della nuova evangelizzazione (Ed.), Enchiridion della nuova evangelizazzione. Testi del Magistero pontificio e conciliare 1939-2012 (Città del Vaticano 2012). 20 Paul VI, Evangelii nuntiandi, 14 (traduction officielle). 21 Predigten und Ansprachen von Papst Johannes Paulus II. 23 Benoît XVI poursuit le travail de la nouvelle évangélisation, et cela dans la conviction que ce n’est pas « un projet d’expansion » qui se trouve à l’origine de toute évangélisation mais, au contraire, le « désir de partager le don inestimable que Dieu a voulu nous faire, en nous faisant participer à sa vie même ».22 Avec cet itinéraire clair, à savoir que la mission chrétienne jaillit de la dynamique de l’amour et qu’en tout premier lieu, elle veut être un témoignage de l’amour de Dieu révélé dans le Christ, c’est jusqu’au noyau le plus dur de la nouvelle évangélisation qui est rendu visible, laquelle assurément ne peut être perçue comme efficace que dans la communion œcuménique. L’œcuménisme a donc pour tâche urgente, aujourd’hui, de faire en sorte que les Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales reviennent ensemble à leur engagement missionnaire.23 Que ces deux exigences, mission et œcuménisme, sont liées de manière indissoluble transparaît aussi dans le fait que là où l’élan missionnaire menace de s’affaiblir, là aussi le combat originel ardent pour l’unité des chrétiens est en veilleuse et que là où l’on s’est accommodé du scandale de la persistance des divisions de l’Église, voire même qu’on ne les perçoit plus comme un scandale, là aussi on n’entreprend plus d’efforts missionnaires particuliers. Dans un sens positif, cela signifie que la nouvelle évangélisation ne peut réussir que si elle est réalisée dans la responsabilité œcuménique. Ce n’est que lorsque les chrétiens et les Églises collaborent qu’ils peuvent témoigner au monde d’aujourd’hui de la crédibilité de la Bonne Nouvelle, tant est que nous pouvons résumer le défi majeur actuel par les paroles du Cardinal Walter Kasper : « Une Église missionnaire doit aussi être une Église œcuménique ; une Église engagée dans l’œcuménisme est la condition d’une Église missionnaire ».24 2. Chemins crédibles d’une nouvelle évangélisation œcuménique Tout comme la première évangélisation, qui a eu lieu dans des cultures pendant longtemps sans lien avec le christianisme, s’est produite dans une situation où les chrétiens n’avaient pas encore vécu dans des Églises séparées, de même aujourd’hui la nouvelle évangélisation ne pourra être perçue comme crédible que si elle adopte la clef musicale œcuménique. C’est pourquoi le mouvement œcuménique doit aujourd’hui, d’une manière particulière, se mettre au service de la nouvelle évangélisation. Pour qu’elle puisse être effectuée de manière crédible, il convient dans une étape ultérieure de se demander plus précisément quelles en sont les conditions essenbei seiner Apostolischen Reise nach Mittelamerika vom 2. bis 10. März 1983 = Verlautbarungen des Apostolischen Stuhls 46 (Bonn o. J.) 120. 22 Benoît XVI, Motu proprio « Ubicumque et semper » (traduction officielle). 23 Cf. K. Koch, « Mission oder De-Mission der Kirche? Herausforderungen an eine notwendige Neuevangelisierung », dans: G. Augustin / K. Krämer (Hrsg.), Mission als Herausforderung. Impulse zur Neuevangelisierung (Freiburg i. Br. 2011) 41-79. 24 W. Kasper, « Eine missionarische Kirche ist ökumenisch », dans: Ders., Wege zur Einheit der Christen = Gesammelte Schriften. Band 14 (Freiburg i. Br. 2012) 621-634, cit. 623. 24 tielles. La première condition fondamentale présuppose, sans aucun doute, que la dynamique missionnaire naisse de la joie de l’Évangile et que les chrétiens soient convaincus qu’avec l’Évangile de Jésus Christ leur a été confié un si grand présent, qu’ils ne peuvent le garder pour eux et que, d’un autre côté, il ne peuvent l’imposer aux autres, mais bien plutôt qu’ils ne peuvent que le leur offrir à leur tour en les invitant à le recevoir. La nouvelle évangélisation ne peut réussir que lorsque le cœur des chrétiens, rempli de la joie de la foi, touche le cœur des autres et que leur raison parle à la raison des autres hommes. C’est un processus fait en totale liberté, une invitation faite librement aux autres d’entrer en communication et d’entreprendre un dialogue stimulant, comme le faisait observer le pape Benoît XVI en décrivant la mission fondamentale de l’Église: « Nous n’imposons notre foi à personne: cette sorte de prosélytisme est en contradiction avec le christianisme. La foi peut apparaître seulement dans la liberté. Mais c’est la liberté de l’homme que nous invitons à s’ouvrir à Dieu, à le chercher, à lui offrir son écoute ».25 a) Évangélisation sans prosélytisme Avec le mot-clef « prosélytisme », nous abordons un problème qui, du point de vue œcuménique, est d’une signification fondamentale et sur lequel nous devons nous pencher avec attention pour pouvoir atteindre le nécessaire consensus œcuménique dans la perspective du programme pastoral de la nouvelle évangélisation. Le mot « prosélytisme » présente tout d’abord la difficulté de pouvoir être utilisé dans des sens différents.26 Dans une acception positive ou du moins neutre, le terme peut désigner tous les efforts d’une communauté religieuse pour gagner de nouveaux membres. Dans la discussion œcuménique l’emporte en revanche depuis longtemps l’acception négative du terme, par lequel il faut comprendre tous les efforts d’une communauté religieuse pour gagner de nouveaux membres à tous les prix et par tous les moyens, selon le principe, décadent d’un point de vue moral, que la fin justifie les moyens. Cette connotation négative est devenue dominante dans le mouvement œcuménique, et cela depuis qu’en 1961 a été approuvé par l’assemblé plénière du Conseil œcuménique des Églises à New-Dehli un document de travail dans lequel il est dit: « Le prosélytisme n’est pas quelque chose de complètement différent du véritable témoignage: il est la caricature du témoignage. Le témoignage se trouve déformé quand – de manière cachée ou ouvertement – on utilise l’art de la persuasion, la corruption, une pression illégitime ou l’intimidation pour provoquer une conversion apparente ».27 Dans cette même ac25 Benoît XVI, « La “vendetta” di Dio è la croce. Il “no” alla violenza. La solenne concelebrazione eucaristica sulla spianata della “Neue Messe” in München il 10 settembre 2006 », dans: Insegnamenti di Benedetto XVI II, 2 2006 (Città del Vaticano 2007) 230-235, cit. 234. 26 Cf. S. Ferrari, « Proselytism and human rights », dans: J. Witte, Jr. and F. S. Alexander (Ed.), Christianity and Human Rights. An Introduction (Cambridge 2010) 253-266. 27 F. Lüpsen (Ed.), Neu Delhi-Dokumente (Witten 1962) 104106. ception, le Concile Vatican II, dans sa « Déclaration sur la liberté religieuse », refuse toute forme de prosélytisme, lorsqu’il est affirmé par exemple qu’il faudrait pour la « propagation de la foi et l’introduction de pratiques religieuses toujours s’abstenir de toute forme d’agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s’il s’agit de gens sans culture ou sans ressources ».28 Se pose donc la question, qui n’a rien de simple, de savoir comment concilier le principe de la liberté religieuse et le refus, fondé en lui-même, du prosélytisme avec la tâche évangélisatrice de l’Église. À cet égard, il peut être utile de savoir comment naquit la Déclaration sur la liberté religieuse.29 Dans le projet qui, au cours de la période préconciliaire, fut présenté à la Commission centrale en 1962, le mot « prosélytisme » était encore utilisé explicitement: « vitatis omnibus apertis vel consortis improbi proselytismi molimentis seu mediis improbiis vel inhonestis ». L’expression ne fut cependant pas conservée car il semblait que ce passage s’adressât exclusivement aux missionnaires catholiques. Le Concile voulait en effet éviter un autre malentendu, à savoir que s’insinue l’idée que la Déclaration sur la liberté religieuse sonnait la fin de l’activité missionnaire de l’Église. L’article 14 de « Dignitatis humanae » montre sans équivoque que cela ne se produisit en aucune manière : « De par la volonté du Christ, en effet, l’Église catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est d’exprimer et d’enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l’ordre moral découlant de la nature même de l’homme ». Ainsi, la Déclaration sur la liberté religieuse n’invite en aucune manière au renoncement au témoignage missionnaire pour la vérité de la foi, mais au contraire elle exige le renoncement à tout moyen incompatible avec la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, et bien plutôt encourage à user uniquement des méthodes employées par l’Évangile lui-même qui consistent en l’annonce de la Parole et le témoignage de la vie jusqu’au martyre. Ou encore, pour reprendre les mots du Cardinal Johannes Willebrands, second président du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens: la Déclaration conciliaire sur la liberté religieuse « porte à un approfondissement du travail missionnaire, en cela qu’elle le rend plus vrai et plus pur ».30 Cela vaut en tout premier lieu pour la nouvelle évangélisation qui doit se réaliser dans un contexte qui est aujourd’hui entièrement imprégné du désir de liberté des hommes. b) Évangélisation et dialogue interreligieux La mission d’évangélisation de l’Église et le principe de la liberté religieuse, que le Concile Vatican II fonde sciemment dans la « dignité de la Dignitatis humane, 4 (traduction officielle). Cf. J. Hamer et Y. Congar (Ed.), Die Konzilserklärung über die Religionsfreiheit (Paderborn 1967). 30 Cardinal J. Willebrands, « Religionsfreiheit und Ökumenismus », dans: Idem., Mandatum Unitatis. Beiträge zur Ökumene (Paderborn 1989) 54-69, cit. 63. 28 personne humaine », affirmant ainsi qu’elle concerne chaque être humain dans son attitude religieuse, ont besoin l’une de l’autre et se nourrissent mutuellement. Dans cette perspective se pose alors et de façon très vive la question de savoir si la conviction de l’absolue vérité de la foi chrétienne d’où part toute évangélisation, dans la mesure où elle est indissolublement liée à l’universalité de la personne de Jésus Christ et à son message, est capable de s’ouvrir au dialogue du point de vue interreligieux ou si la mission chrétienne doit plutôt être remplacée par le dialogue interreligieux.31 Pour pouvoir se réaliser de manière crédible, la nouvelle évangélisation doit partir du fait que l’universalité de la foi chrétienne ne peut impliquer en aucune manière la revendication absolue d’une vérité objective inscrite de manière exclusive dans le domaine de la connaissance humaine dont nous disposons et que nous pouvons faire valoir contre les autres religions. Bien plus, elle est le contraire de l’exclusion et de la polarisation, de l’affirmation de soi et de l’intolérance. L’universalité de la vérité dont témoigne la foi chrétienne est la personne même de Jésus Christ, qui dit de lui-même: « Je suis la vérité ». Mais cette vérité est un amour personnel, pur, universel, englobant tout et tous, n’excluant personne, amour qui est apparu en Jésus Christ, comme le Pape Jean-Paul II l’a souligné dans son encyclique Redemptoris missio: « L’universalité du salut ne signifie pas qu’il n’est accordé qu’à ceux qui croient au Christ explicitement et qui sont entrés dans l’Église. Si le salut est destiné à tous, il doit être offert concrètement à tous ».32 La foi chrétienne ne peut pas renoncer par principe à la reconnaissance de l’universalité de la vérité de l’amour du Bon Dieu manifestée en Jésus Christ, y compris dans le concert actuel des religions, si elle ne veut pas renoncer à elle-même ainsi qu’au service qu’elle offre aux hommes. Car ce service incessible de la chrétienté dans la société réside en cela: désigner le Christ et l’amour radical et universel de Dieu manifesté en lui. Les chrétiens qui reconnaissent cet amour de Dieu devenu tangible dans la personne de Jésus Christ, témoignent de cet amour mais toujours par des attitudes terrestres et trop souvent faibles, qui ne sont pas à la hauteur de cet amour. Un des aspects essentiels de la foi chrétienne est donc de reconnaître et professer qu’elle confesse quelque chose dont elle ne dispose pas et dont elle ne peut témoigner, en dernière analyse, que humblement en détournant l’attention d’elle-même et en la dirigeant vers Jésus Christ et vers l’amour radical et universel de Dieu manifesté en lui, comme l’a fait Jean le Baptiste. Seul celui qui, comme Jean-Baptiste indique par sa propre vie le Seigneur qui vient, peut exprimer également de nos jours de manière crédible la revendication de l’universelle vérité de la foi chrétienne. Et seulement dans cette attitude fondamentale, l’évangélisation chrétienne, qui considère la 29 31 Cf. K. Koch, « Glaubensüberzeugung und Toleranz. Interreligiöser Dialog in christlicher Sicht », dans: Zeitschrift für Missions- und Religionswissenschaft 92 (2008) 196-210. 32 Jean-Paul II, Redemptoris missio, 10 (traduction officielle). 25 conviction de foi et la tolérance non pas comme contraires mais comme éléments de même importance, pourra répondre au défi face auquel elle se trouve dans la réalité des hommes désormais multireligieuse. 3. Contenus principaux de la nouvelle évangélisation Ce discours de la foi chrétienne, les Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales doivent ensemble le défendre dans le monde d’aujourd’hui, et pour cela la nouvelle évangélisation doit présenter une dimension œcuménique. Cette dimension s’impose vraiment, lorsque, dans une étape supplémentaire, nous nous interrogeons sur le but de la nouvelle évangélisation et sur ses contenus prioritaires. La nouvelle évangélisation consistera essentiellement à conduire les hommes dans les sociétés sécularisées actuelles vers le mystère de Dieu et vers une relation personnelle avec Dieu, et cela dans la conviction de foi que ne donne pas assez à l’autre, celui qui ne lui donne pas Dieu. Au cœur de tout effort œcuménique pour la nouvelle évangélisation doit se trouver la question de Dieu.33 En cela réside le mystère, simple en réalité, du terme capital « nouvelle évangélisation », par lequel est désignée la mission fondamentale du christianisme, une mission, comme le rappelle Benoît XVI, que nous devons assumer de manière œcuménique. Le Pape Benoît XVI voit dans la centralité de la question de Dieu, le plus grand défi commun que doit affronter l’œcuménisme, comme il l’a montré au cours de la célébration œcuménique à l’occasion de la rencontre avec les représentants du Conseil des Églises évangéliques à Erfurt en Allemagne, à l’automne 2011, en mentionnant la signification particulière de la recherche passionnée de Dieu dans la vie et l’œuvre de Martin Luther: « L’homme est créé pour la relation avec Dieu et a besoin de lui. Aujourd’hui notre premier service œcuménique doit être de témoigner ensemble de la présence du Dieu vivant et ainsi de donner au monde la réponse dont il a besoin ».34 Ces paroles brèves et denses décrivent l’aspect essentiel du programme pastoral de la nouvelle évangélisation dont je désire présenter maintenant plus concrètement certains aspects. a) Maintenir éveillée la conscience de Dieu dans la société Lorsque nous jetons un regard sur la société actuelle, nous devons indubitablement conclure que la question de Dieu frappe énergiquement aux portes œcuméniques de l’Église,35 même si cela peut en un premier temps être perçu comme l’inverse de la réalité. Car l’époque actuelle ne se caractérise pas par 33 Cf. Cardinal W. Kasper, « Ökumenisch von Gott sprechen? » dans: I. U. Dalferth / J. Fischer / H.-P. Grosshans (Ed.), Denkwürdiges Geheimnis. Beiträge zur Gotteslehre. Festschrift für Eberhard Jüngel zum 70. Geburtstag (Tübingen 2004) 291-302. 34 Benoît XVI, Ökumenischer Gottesdienst im Augustinuskloster Erfurt am 23. September 2011. 35 Cf. K. Koch, « Die Gottesfrage klopft an die ökumenische Türe », dans: Catholica 54 (2000) 1-13. 26 une intense recherche de Dieu mais, bien plutôt, par un oubli de Dieu et une indifférence à l’égard de Dieu. La conscience de la présence de Dieu dans le monde s’est surtout affaiblie dans la sphère publique de la société, comme le montre surtout le rapport interrompu ou tout du moins ambigu qu’a la société actuelle avec le phénomène religieux en général. À cet égard, on constate de fortes tendances qui considèrent la religion comme un facteur insignifiant du point de vue social, voire nuisible, et qui la repoussent aux marges de la vie sociale. L’existence de telles tendances est confirmée par le fait que dans le préambule du traité de réforme de l’Union Européenne n’est faite aucune référence à Dieu, ni même aucune mention d’un héritage chrétien. Les discussions au sujet de ce que l’on appelle la Charte de l’Union Européenne ont mis en évidence que la mention publique de Dieu en Europe, où cependant 80 % des personnes sont encore baptisées chrétiennement, n’est plus en mesure de recueillir l’approbation de la majorité. Ainsi, il est apparu clairement que depuis quelque temps, l’Europe a entrepris une expérience historique aussi unique que délicate, dont personne ne peut dire à l’avance comment elle se terminera. Car l’Europe qui cherche à construire une société ou une communauté d’états qui, par principe, renonce à un fondement religieux, constitue à tel point un Novum dans l’histoire de la culture, que s’impose la conclusion que l’Europe est le seul continent véritablement sécularisé.36 D’un autre côté se pose de manière toujours plus pressante la question de savoir si la sécularisation moderne a vraiment conduit à une société laïque, ou si précisément la sécularisation ne court pas plutôt le risque de produire de nouveaux crépuscules des dieux, de manière cachée ou ouvertement, qui peuvent survenir dans la vie personnelle, sociale ou politique quand des réalités humaines ou terrestres sont substituées à Dieu et adorées à sa place. Un regard sur l’histoire montre que les pires forfaits se sont toujours produits lorsque des réalités terrestres telles que le sang ou la patrie, la nation ou le parti politique prennent la place de Dieu et sont terriblement idolâtrées. Il faut constamment se souvenir que les pires meurtres de masse ont été commis, dans l’époque moderne européenne prétendument éclairée, au nom d’idéologies antichrétiennes ou néopaïennes comme le nazisme ou le stalinisme.37 Le XXe siècle a en tous les cas plus que confirmé cette maxime de la foi chrétienne: l’humanité qui n’est pas fondée dans la divinité ne sombre que trop vite dans la bestialité. Au regard de ces terribles expériences, l’œcuménisme chrétien est convoqué à la tâche pour faire toujours plus davantage connaître que la nécessaire protection contre de telles idolâtries dangereuses suppose la mention explicite de Dieu et de la responsabilité de tous face à Dieu, et cela dans la vie 36 Cf. W. Kasper, « Ökumene und die Einheit Europas », dans: Idem., Wege zur Einheit der Christen = Gesammelte Schriften. Band 14 (Freiburg i. Br. 2012) 665-684. 37 Cf. A. Besancon, Le malheur du siècle. Sur le communisme, le nazisme et l’unicité de la Shoah (Paris 1998). personnelle, sociale et politique, comme le Pape Benoît XVI le rappelle avec raison: « Sans un fondement transcendant, sans une relation avec le Dieu créateur, sans une contemplation de notre destin éternel, nous courons le risque de devenir la proie d’idéologies nuisibles ».38 Au centre de la nécessaire et œcuménique nouvelle évangélisation responsable doit donc se trouver le témoignage de la centralité de la question de Dieu. Face à cette crise de Dieu très clairement décelable dans notre société, l’œcuménisme chrétien est appelé à répéter de nouveau la plus élémentaire leçon de la foi chrétienne: dans son noyau le plus dur, le christianisme est foi en Dieu et en une vie vécue dans une relation personnelle avec Dieu, dont tout le reste découle. b) Annoncer le Dieu au visage humain Face à ces grands défis, la nouvelle évangélisation doit avant tout s’efforcer de « témoigner de Dieu dans un monde qui peine à le trouver ».39 Pour nous chrétiens, Dieu n’est pas un Dieu éloigné ni simplement une hypothèse philosophique au sujet de l’origine du cosmos, mais au contraire un Dieu qui nous a montré son visage, qui s’est adressé à nous et qui en Jésus Christ est devenu homme. Avec la nouvelle évangélisation doit donc être central le témoignage de Jésus Christ, vrai homme et vrai Dieu. Une telle revitalisation de l’annonce christocentrique s’impose aussi parce que la crise de la foi dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, est au plus profond une crise de la foi biblique et ecclésiale en Christ. Elle se manifeste dans le fait que beaucoup d’hommes et même des chrétiens se sentent certes touchés par toutes les dimensions humaines de Jésus de Nazareth mais qu’ils ont du mal à croire qu’il est le Fils de Dieu incarné qui, ressuscité, est présent parmi nous. Il leur est donc difficile de professer la foi christologique de l’Église. Même dans l’Église et dans l’œcuménisme aujourd’hui, on ne parvient plus toujours à percevoir dans l’homme Jésus le visage du Fils de Dieu lui-même et l’on voit en lui plutôt celui d’un homme – certes excellent et particulièrement bon. Dans la chrétienté d’aujourd’hui, il faut conclure avec réalisme à une importante et préoccupante perte de sens de la foi chrétienne en Jésus en tant que Christ, en qui Dieu lui-même s’est fait homme. Mais c’est dans cette confession de foi que réside ou déchoit la foi chrétienne. Si ce Jésus, comme beaucoup l’admettent aujourd’hui, n’avait été qu’un simple homme d’il y a deux mille ans, alors il serait irrévocablement retourné au passé ; et seul notre propre souvenir pourrait plus ou moins le ramener à notre présent. Seulement si est vraie la foi chrétienne, selon laquelle Dieu lui-même s’est fait homme et 38 Benoît XVI, « In piena sintonia con la Sede Apostolica. Ai partecipanti all’assemblea generale della Caritas Internationalis il 27 maggio 2011 », dans: Insegnamenti di Benedetto XVI VII, 1 2011 (Città del Vaticano 2012) 722-725. 39 Benoît XVI, « La goia del servire. Intervista televisiva in occasione del viaggio apostolico in Germania », dans: Insegnamenti di Benedetto XVI II, 2 2006 (Città del Vaticano 2007) 88-102, cit. 92. Jésus Christ est vraiment homme et vraiment Dieu et a donc part à la présence de Dieu qui embrasse toutes les époques, le Christ peut être vraiment notre contemporain, non seulement hier mais aujourd’hui également, de sorte que nous ne reconnaissons pas seulement avec joie qu’il est « chemin, vérité et vie » (Jn 14, 6), mais que tous ont un motif pour parler aux autres de Jésus, de le leur donner à connaître et de les enthousiasmer pour lui. En conséquence, la priorité pour la nouvelle évangélisation précisément d’un point de vue œcuménique est celle que le Cardinal Walter Kasper a qualifiée de « concentration christologique »40 et qui est aussi l’interrogation centrale du Pape Benoît XVI, qu’il a formulée ainsi récemment: « Le caractère de la mission n’est rien qui serait ajouté extérieurement à la foi, mais il est la dynamique de la foi elle-même ». Celui qui a vu Jésus, celui qui l’a rencontré, doit presser ses amis et leur dire: “Nous l’avons trouvé, c’est Jésus qui a été crucifié pour nous” ».41 c) Ancrer la dignité de l’homme dans le mystère de Dieu La centralité de la question de Dieu et l’annonce christocentrique sont les perspectives élémentaires de la nouvelle évangélisation aussi et précisément dans une perspective œcuménique. La foi chrétienne est convaincue que la vitalité des deux perspectives est utile à l’homme, à sa dignité et à sa vie. Cette relation apparaît déjà dans cet état de fait: la crise radicale de Dieu, par laquelle sont attaquées nos sociétés, entraîne derrière elle, selon une logique interne parfaite, une tout aussi dangereuse crise de l’homme et la « mort de Dieu » proclamée par Friedrich Nietzche en Europe menace d’être suivie par la « mort de l’homme ». Car là où Dieu est écarté de la vie sociale, la dignité de l’homme risque dangereusement d’être foulée aux pieds. Le fait de passer sous silence Dieu dans la sphère publique de la société n’est en aucun cas bénéfique à l’homme. En effet, si l’homme est, selon la conviction biblique, image inviolable de Dieu, alors l’évaporation ou l’écartement de la conscience de Dieu dans la sphère publique actuelle mine également dangereusement la dignité de la vie de l’homme. Les symptômes de cette mise en danger sont tangibles dans la société actuelle. En particulier, on constate une forte perte du respect de la vie, tant à la fin de la vie humaine qu’à son début qui est irrémédiablement liée à la disparition de la conscience de Dieu dans la sphère publique de la société. Indubitablement, le plus clair symptôme de cette mise en danger de l’homme doit être diagnostiqué dans le déséquilibre entre la protection morale et juridique des choses et celle de la vie humaine. La protection 40 W. Kasper, « Neue Evangelisierung als theologische, pastorale und geistliche Herausforderung », dans: Idem., Das Evangelium Jesu Christi = Gesammelte Schriften. Band 5 (Freiburg i. Br. 2009) 243-317, cit. 293. 41 Benoît XVI, « “In Cristo Dio si è mostrato come ragione e amore“. La “lectio divina“ durante la visita al Pontificio Seminario Romano Maggiore », dans: Insegnamenti di Benedetto XVI VI, 1 2010 (Città del Vaticano 2011) 208-216, cit. 214. 27 des choses est dans la société actuelle bien mieux réglementée que la protection de la vie humaine dans ses différentes phases et dans ses diverses variations. Les voitures sont, par exemple, bien mieux protégées que les embryons et les mourants, si bien que l’on doit reprendre à son compte la conclusion du théologien de la pastorale Paul M. Zulehner lorsqu’il donne à penser qu’on devrait, dans la société actuelle, avoir la chance « de venir au monde en tant que voiture ». 42 Face à ce grand défi éthique et avant tout face à cette révolution anthropologique qui s’est produite sous l’effet du très rapide développement de la recherche biomédicale, le programme pastoral de la nouvelle évangélisation doit, d’un point de vue œcuménique, résider en cela: annoncer le Dieu vivant, faire découvrir aux hommes le mystère de Dieu – refuge salvifique – et se dépenser, au risque d’aller à contre-courant, pour le droit divin sur la vie humaine de la conception à la mort naturelle. La nouvelle évangélisation trouve son sens dans le fait d’éveiller, par l’annonce du Dieu vivant, également la joie de la grandeur de l’homme, et de rendre ainsi à nouveau visible la beauté de la foi chrétienne. 4. L’œcuménisme des martyrs au cœur de la nouvelle évangélisation De tout cela, il apparaît clairement que le témoignage de foi est la catégorie décisive de la nouvelle évangélisation, et cela conformément à ce que suggérait avec sagesse le Pape Paul VI: l’homme d’aujourd’hui n’a pas besoin de maîtres mais de témoins, et de maîtres dans la seule mesure où ils peuvent aussi être reconnus comme témoins. Ainsi l’œcuménisme peut se souvenir avec reconnaissance que les témoins de la foi les plus crédibles ainsi que les exégètes les plus convaincants de l’Évangile sont les martyrs qui ont donné leur vie pour la foi.43 Ils peuvent être pour nous aujourd’hui un précieux instrument d’orientation pour la nouvelle évangélisation, d’autant plus que le christianisme à la fin du deuxième et au début du troisième millénaire est de nouveau devenu une Église de martyrs.44 Dans le monde d’aujourd’hui en effet, 80% des personnes qui sont persécutées à cause de leur foi sont des chrétiens: la foi chrétienne est donc la religion la plus persécutée. Ce bilan bouleversant présente un grand défi pour l’œcuménisme chrétien, appelé à une solidarité véritable. Puisque aujourd’hui toutes les Églises chrétiennes et toutes les Communautés ecclésiales ont leurs martyrs, il convient de parler d’un œcuménisme des martyrs. Cela porte en soi, au-delà d’un aspect tragique, également une belle espérance. Malgré le drame des divisions de l’Église, les solides 42 P. M. Zulehner, Ein Obdach der Seele. Geistliche Übungen – nicht nur für fromme Zeitgenossen (Düsseldorf 1994) 54. 43 Cf. H. Moll, Martyrium und Wahrheit. Zeugen Christi im 20. Jahrhundert (Weilheim-Bierbronnen 2009); P.-W. Scheele, Zum Zeugnis berufen. Theologie des Martyriums (Würzburg 2008). 44 Cf. R. Backes, „Sie werden euch hassen“. Christenverfolgung heute (Augsburg 2005); R. Guitton, Cristianofobia. La nuova persecuzione (Torino 2010); Kirche in Not (Hrsg.), Religionsfreiheit weltweit. Bericht 2008 (Königstein 2008). 28 témoins de toutes les Églises et les Communautés chrétiennes ont montré que Dieu lui-même maintient entre les baptisés la communion à un niveau plus profond à travers une foi témoignée par le sacrifice suprême de la vie. Alors que nous chrétiens et Églises, nous vivons encore en une communion imparfaite, les martyrs dans la gloire du Ciel vivent d’ores et déjà une communion pleine et achevée. Ainsi, les martyrs, comme le Pape Jean-Paul II l’a présenté de façon marquante, « attestent de la manière la plus éloquente que tous les facteurs de division peuvent être dépassés et surmontés dans le don total de soi-même pour la cause de l’Évangile ».45 L’œcuménisme des martyrs s’est avant tout vérifié sous nos latitudes dans les camps de concentration nazis et communistes, dans lesquels se sont rencontrés des chrétiens courageux de différentes Églises chrétiennes, qui se « savaient unis contre un système injuste sans Dieu, inhumain, totalitaire nazi ou communiste ».46 Avec cet œcuménisme des martyrs s’est confirmée la conviction d’un des Pères de l’Église, Tertullien, et elle se confirme aujourd’hui à nouveau, à savoir que le sang des martyrs est semence de l’Église. Aujourd’hui aussi, nous pouvons en tant que chrétiens vivre dans l’espérance que le sang des martyrs de notre temps se révélera semence de la pleine unité du Corps du Christ. L’œcuménisme des martyrs constitue donc l’essence de la nouvelle évangélisation comme le montre déjà un regard sur l’histoire: les plus convaincus réformateurs et innovateurs dans l’Église ont toujours été les saints accompagnés par la lumière de l’Évangile. Ils sont pour cela aujourd’hui encore les plus authentiques protagonistes de la nouvelle évangélisation. L’œcuménisme des martyrs fait ressortir que, d’un côté, est convoquée l’union des forces humaines au service du rétablissement de l’unité des chrétiens mais que, d’un autre côté, l’unité n’est jamais l’œuvre des hommes, et qu’elle ne peut être reçue que comme un don de Dieu. Il dépend de nous cependant d’être ouverts à ce don et de prier pour cela, dans la grande assurance et en même temps le grand défi que le Pape Jean-Paul II a annoncé avec un geste prophétique lors du Jubilé de l’an 2000, lorsqu’il ouvrit la Porte Sainte de la Basilique Saint-Paul-Horsles-Murs avec le représentant du Patriarche œcuménique de Constantinople et l’Archevêque anglican de Cantorbéry. En indiquant par ce geste prophétique qu’il ne voulait pas ouvrir les portes du nouveau millénaire seulement de deux mains mais de six, le Pape Jean-Paul II a voulu exprimer sa profonde espérance œcuménique: après le premier millénaire de l’histoire du christianisme qui fut le temps de l’Église indivise, et après le deuxième millénaire où l’Église a connu de profondes divisions tant en Orient qu’en Occident, le troisième millénaire pourra venir à bout de la lourde tâche du rétablissement de l’unité perdue des chrétiens. Si nous reconnaissons que cette tâche ne pourra être réalisée que lorsque toutes les Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales Jean-Paul II, Ut unum sint, 1 (traduction officielle). W. Kardinal Kasper, Katholische Kirche. Wesen – Wirklichkeit – Sendung (Freiburg i. Br. 2011) 428. 45 46 s’orienteront d’une manière renouvelée vers l’Évangile de Jésus Christ, alors il est évident que nous ne pourrons relever le défi de la nouvelle évangélisation que par l’union de nos forces et dans la responsabilité œcuménique. Rapport d’activité novembre 2012-novembre 2012 S. Exc. Mgr Brian Farrell, Secrétaire du CPPUC de I. Introduction L’importance attribuée par le Bienheureux Jean-Paul II et le Pape Benoît XVI à la « nouvelle évangélisation » attire notre attention sur le lien étroit unissant œcuménisme et évangélisation. La réalisation du mandat missionnaire dépend de la vigueur de l’Église en tant que sacrement d’unité de tout le genre humain et, partant, du témoignage commun des chrétiens eux-mêmes. Comme l’a écrit le Saint-Père dans le Motu Proprio Ubicumque et semper, par lequel il a institué le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation: « À l’origine de toute évangélisation, il n’y a pas un projet humain d’expansion, mais le désir de partager le don inestimable que Dieu a voulu nous faire, en nous faisant participer à sa vie même ». Le partage de ce don est constitutif de la réalité de la communion ; la division lui fait obstacle. Tant que les chrétiens seront divisés, la mission ne pourra avoir lieu de manière crédible. C’est pourquoi la tâche œcuménique sera toujours une des plus grandes priorités de la nouvelle évangélisation, exactement comme l’évangélisation est le but ultime de l’œcuménisme: « Qu’ils soient un… pour que le monde croie » (cf. Jn 17,23). Néanmoins, la recherche de l’unité paraît accuser une certaine lassitude. Il semble qu’aujourd’hui les différentes parties en cause soient moins d’accord que par le passé sur ce qu’il faut entendre par unité et, en conséquence, sur l’objectif de la recherche œcuménique. Il y a donc hésitation quant au chemin à suivre. La nouvelle génération, prêtres et évêques y compris, est moins passionnée par l’unité ; elle n’a pas vécu la grâce du Concile Vatican II et la perspective nouvelle dans laquelle ce dernier a permis de situer les autres chrétiens. De plus, les dirigeants de toutes les Églises et Communautés s’inquiètent de constater l’affirmation d’une identité confessionnelle propre en réaction à la montée de la sécularisation. Face au pluralisme religieux croissant, ils consacrent beaucoup d’énergie au dialogue interreligieux, renvoyant à des temps meilleurs la recherche de l’unité. Ajoutons également que certaines évolutions s’étant vérifiées ces derniers temps au sein de plusieurs Églises constituent un problème pour les dialogue bilatéraux car elles vont en sens inverse de ce qu’affirment des déclarations communes signées précédemment ou créent de sérieuses difficultés par rapport à la doctrine catholique et la morale. La fragmentation porte à des séparations et à l’apparition de nouvelles communautés ecclésiales, brouillant encore davantage un panorama œcuménique déjà complexe. Pourtant, des signes encourageants sont à signaler. Il suffit de citer un exemple. Les progrès enregistrés dans les relations sont apparus nettement au cours de la Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde qui s’est tenue à Assise, le 27 octobre 2011. À cet événement ont pris part des représentants de nombreuses autres Églises et Communautés ecclésiales, parmi lesquels le Patriarche œcuménique Bartholomaios et l’Archevêque de Tirana et de toute l’Albanie, des délégués des Patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche, de Moscou, de Serbie, de Roumanie et des Églises orthodoxes de Chypre et de Pologne, des représentants de l’Église arménienne, de l’Église syrienne, de l’Église du Malankar et de l’Église assyrienne de l’Orient. Ces dignitaires se sont unis à l’Archevêque de Cantorbéry, au Secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, au Secrétaire général de l’Alliance évangélique mondiale et à de nombreux autres représentants des Communions mondiales pour exprimer ensemble leur souci commun pour le futur de l’humanité. Avoir manifesté ensemble cet engagement en faveur de la paix et de la justice représente un solide résultat pour le mouvement œcuménique. Depuis la dernière Assemblée plénière de novembre 2010, le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a continué à promouvoir la communion entre les Églises à travers de très nombreux contacts, dialogues et études. Ci-après sont décrites certaines de ces activités. 2. Les Églises orthodoxes 2.1. Le dialogue théologique avec les Églises orthodoxes Les évolutions récentes intervenues dans le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe sont à considérer dans le cadre d’un dialogue de vie permanent et croissant, qui va de l’envoi réciproque de délégations à la coopération dans divers domaines, en passant par l’échange de correspondance, etc. La visibilité croissante des Églises orthodoxes en Occident augmente les possibilités d’entente et de collaboration. En 2011, la Commission mixte internationale a poursuivi son travail à travers ses sous-commissions et son comité de coordination, dans la tentative de surmonter les obstacles apparus durant la dernière session plénière à Vienne (2010) sur la question du rôle de l’évêque de Rome dans la communion de l’Église au premier millénaire. La Commission n’a pas réussi à s’accorder sur le texte préparé par deux sous-commissions, texte jugé trop historique et trop peu théologique par les orthodoxes. Il a été décidé de traiter dans un nouveau projet le thème de la primauté dans le contexte de la synodalité et dans une perspective spécifiquement théologique. Suite à ces décisions, une sous-commission mixte s’est réunie à Rethymno (Crête, Grèce) du 13 au 17 juin 2011 où, toutefois, la rédaction d’un texte 29 commun s’est révélé une tâche particulièrement ardue. Pour éviter que la rencontre se termine sans aucun résultat, la sous-commission a décidé d’utiliser le texte orthodoxe comme base de discussion, en proposant d’importants amendements pour en élargir la perspective. Ainsi, il a été possible de préparer un texte à soumettre au comité mixte de coordination qui s’est réuni à Rome du 21 au 26 novembre 2011. L’approche systématico-spéculative de ce projet a suscité de sérieuses réserves chez quelques-uns des membres catholiques. Par ailleurs, le fait que les membres orthodoxes ne reconnaissent pas tous dans ce texte la position orthodoxe a rendu difficile pour les catholiques la compréhension du point de vue de leurs partenaires. En raison de ces difficultés, le comité de coordination n’a pas pu compléter son étude du document et a décidé de se réunir ultérieurement en novembre 2012. À la complexité du thème pris en considération vient s’ajouter la nécessité de réfléchir de manière approfondie sur la méthodologie utilisée, sur la manière différente dont on entend la théologie en Orient et en Occident. Bien que pleinement conscient de ces problèmes, le Pape Benoît XVI s’est exprimé de façon positive à l’occasion de sa rencontre avec les représentants des Églises orthodoxes et orthodoxes orientales au cours de sa visite apostolique en Allemagne, le 24 septembre 2011: « Parmi les Églises et les communautés chrétiennes, l’Orthodoxie est, sans doute, théologiquement la plus proche de nous ; catholiques et orthodoxes ont conservé la même structure de l’Église des origines ; en ce sens, nous sommes toutes ‘l’Église des origines’ qui, toutefois, est toujours présente et nouvelle. Et ainsi nous osons espérer, même si humainement nous rencontrons sans cesse des difficultés, que ne soit pas pourtant si loin le jour où nous pourrons de nouveau célébrer l’Eucharistie ensemble». 2.2. Relations avec le Patriarcat œcuménique Le Patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartholomaios Ier, est venu en visite à Rome à deux reprises durant cette période: la première, à l’occasion de la Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde qui, comme cela a été rappelé ci-dessus, s’est tenue à Assise le 27 octobre 2011 ; la seconde, à l’occasion de l’inauguration de l’Année de la Foi, le 11 octobre 2012, jour du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. Au cours de ces deux dernières années ont régulièrement eu lieu des échanges de délégation entre le Saint-Siège et le Patriarcat œcuménique, pour les fêtes de leurs saints protecteurs: le 29 juin, fête des saints Pierre et Paul, à Rome, et le 30 novembre, fête de saint André, au Phanar. 2.3. Relations avec le Patriarcat de Moscou Le Cardinal Koch s’est rendu en Russie, du 12 au 17 mars 2011. À signaler tout particulièrement sa rencontre avec Sa Sainteté Kyrill, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, et celle avec le Métropolite Hilarion, Président du Département pour les 30 relations extérieures de l’Église. L’un et l’autre ont reconnu que les relations évoluent de manière positive même si certaines difficultés demeurent. Les rencontres avec le corps enseignant et les étudiants de l’Académie théologique de Moscou, de l’université orthodoxe de Saint Tichon et du cours de doctorat des Saints Cyrille et Méthode ont également été une occasion enrichissante pour la connaissance réciproque. La possibilité d’une collaboration future entre facultés catholiques et orthodoxes a aussi été mentionnée. Le Cardinal Koch a ensuite rencontré l’Archevêque Paolo Pezzi et les prêtres du diocèse catholique. La discussion a porté sur comment améliorer les relations œcuméniques. L’officier responsable de ce secteur s’est rendu quatre fois en visite à Moscou et dans d’autres villes de Russie pour y rencontrer des représentants de l’Église orthodoxe russe et les collaborateurs du Département pour les relations ecclésiastiques extérieures, et pour participer dans les quatre diocèses catholiques à des rencontres avec des prêtres et religieux sur le thème des rapports entre catholiques et orthodoxes. Naturellement, les visites à Rome n’ont pas manqué. Le Métropolite Hilarion est venu du 27 au 29 septembre 2011 et à cette occasion a pu rencontrer le Saint-Père, le Cardinal Bertone, le Cardinal Koch et le Cardinal Ravasi. Il était également présent lors du Synode des évêques, au mois d’octobre 2012. Le Métropolite Hilarion et le Cardinal Koch se sont rencontrés lors d’autres manifestations où ils avaient été invités: à l’Université de Fribourg (Suisse), à l’occasion du Colloque de Würzburg (Allemagne) et de la rencontre pour la paix à Sarajevo (Bosnie et Herzégovine). En ce qui concerne l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, le 1150e anniversaire de la découverte en Crimée des reliques du Pape saint Clément Ier par les saint Cyrille et Méthode a été commémorée à Rome, le 24 mai. En cette circonstance étaient présents, entre autres, le Cardinal Koch et l’Archevêque Oleksandr (Drabinko), Président du Département pour les relations extérieures de l’Église orthodoxe ukrainienne. La divine liturgie orthodoxe célébrée en la Basilique Sainte-Marie Majeure a représenté un beau témoignage du rapprochement croissant entre nos communautés. Du 22 au 26 septembre 2012, l’officier responsable de ce secteur s’est rendu à Kiev pour participer à un Congrès international et rencontrer le Métropolite Volodymyr, chef de l’Église orthodoxe ukrainienne, et quelques autres représentants orthodoxes et catholiques. Du 11 au 16 novembre 2011, le Cardinal Koch s’est rendu à Minsk (Biélorussie), sur invitation du Métropolite Philarète, chef de l’Église orthodoxe de Biélorussie qui dépend du Patriarcat de Moscou, pour prendre part à une conférence internationale sur le thème « Le dialogue catholique-orthodoxe: les valeurs éthiques chrétiennes comme contribution à la vie sociale en Europe ». La conférence était organisée par l’Institut pour le dialogue interreligieux et les communications interconfessionnelles du synode de l’Église orthodoxe biélorusse, en collaboration avec le CPPUC. Pendant son séjour à Minsk, le Cardinal a célébré une messe dans la cathédrale catholique et a rencontré les évêques catholiques de Biélorussie pour s’entretenir des relations entre chrétiens dans le pays. 2.4. Patriarcat de Serbie L’Officier responsable de ce secteur s’est rendu en Serbie du 16 au 20 septembre 2011 et du 2 au 7 mai 2012 pour y rencontrer le Patriarche Irinej et d’autres dirigeants de l’Église orthodoxe serbe et de l’Église catholique en Serbie. De nombreuses autres rencontres ont eu lieu en 2011 et en 2012 avec des représentants des Églises orthodoxes dans cette région. 2.5. Église de Grèce Le 20 septembre 2012, le Conseil pontifical a reçu la visite d’une délégation de Apostolikì Diakonia de l’Église de Grèce, organisme s’occupant d’activités pastorales, missionnaires et culturelles. La collaboration entre le Saint-Siège et cet organisme se poursuivra, l’un et l’autre soutenant réciproquement certaines activités de type culturel. 3. Les Églises orthodoxes orientales 3.1. La Commission internationale pour le dialogue théologique La huitième assemblée plénière annuelle de la Commission internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes s’est tenue à la fin du mois de janvier 2011, à Rome. La session était coprésidée par le Cardinal Kurt Koch et le Métropolite Anba Bishoy de Damiette, Secrétaire général du Saint-Synode de l’Église orthodoxe copte. Pendant cette réunion, les membres ont poursuivi leur étude sur la communion entre les Église jusqu’au Ve siècle et sur le rôle du monachisme dans ce contexte. Cette étude a mis en évidence un remarquable niveau de communion entre les Églises locales au cours des premiers siècles de diffusion du christianisme dans l’empire romain et au-delà, jusqu’en Arménie, en Perse, en Éthiopie et en Inde. Durant la neuvième assemblée plénière qui s’est déroulée à Addis Ababa (Éthiopie), du 17 au 21 janvier 2012, les membres de la commission ont approfondi leur étude sur la communion e la communication qui existaient entre les Églises jusqu’à la moitié du Ve siècle ainsi que sur le rôle joué par le martyre et le monachisme dans la vie de l’Église primitive. Les 13 et 14 septembre 2012, un comité de rédaction s’est réuni pour examiner les études présentées au cours de l’actuelle phase de dialogue afin de rédiger un projet qui devra ensuite être examiné durant la session de 2013 de la Commission. Lors de cette rencontre, les membres réfléchiront également sur « Les saints en tant qu’éléments de la communion et de la communication dans l’Église primitive » et « Le processus de reconnaissance/canonisation des saints dans le passé et aujourd’hui ». 3.2. Dialogue avec les Églises du Malankar L’Église orthodoxe du Malankar en Inde se compose de deux branches: l’Église syro-orthodoxe du Malankar (également dite Jacobite) qui est en pleine communion avec le Patriarcat syro-orthodoxe d’Antioche, et l’Église orthodoxe syrienne du Malankar qui a tendance à devenir pleinement autonome et indienne. La Commission mixte de dialogue entre l’Église catholique et l’Église syrienne orthodoxe du Malankar a tenu sa quatorzième rencontre au Centre patriarcal de Puthencruz, le 6 décembre 2011. Les coprésidents étaient l’Évêque Brian Farrell, Secrétaire du CPPUC, et le Métropolite Kuriakose Mar Theophilose. Parmi les principales questions à l’ordre du jour figuraient la signature de l’accord sur l’utilisation commune des lieux sacrés tels que les églises et les cimetières, l’apparition de groupe pentecôtistes au sein des Églises et le rapport sur le projet de traduction des prières de la tradition syriaque en anglais et en malayalam. La Commission mixte de dialogue entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe syrienne du Malankar a tenu sa vingt-et-unième rencontre les 7 et 8 décembre 2011 au Sophia Center de Kottayam. La réunion était coprésidée par l’Évêque Brian Farrell et le Métropolite Gabriel Mar Gregorios, Président du Département pour les relations œcuméniques. Diverses questions ont été débattues, entre autres celle de la réception de l’accord sur l’utilisation commune des lieux sacrés, l’administration du sacrement des malades pour les fidèles d’une autre Église, la spiritualité monastique dans le contexte indien, la place de saint Pierre dans les textes liturgiques, dans saint Ephrem et Jacques de Saroug. 3.3. Le dialogue avec l’Église assyrienne de l’Orient Le dialogue entre l’Église catholique et l’Église assyrienne de l’Orient a donné de nombreux et importants résultats. Le 11 novembre 1994, le Pape Jean-Paul II et le Patriarche Mar Dinkha IV ont signé une Déclaration christologique commune qui a ouvert de nouveaux horizons pour le dialogue théologique et la collaboration pastorale. Par la suite, la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église assyrienne de l’Orient s’est penchée sur la théologie sacramentelle dans l’intention de se consacrer ensuite à l’étude de la constitution de l’Église. La première phase s’est conclue en 2004 par un ample consensus sur des questions sacramentelles et le document final a été présenté aux autorités des Églises respectives pour en obtenir l’approbation. Certaines difficultés sont cependant apparues en raison du passage à l’Église catholique d’un des évêques assyriens les plus actifs dans le dialogue. Début octobre 2012, les entretiens avec une délégation de l’Église assyrienne semblent avoir ouvert la voie à la reprise du dialogue. 3.4. Comité catholique pour la collaboration culturelle L’attribution de bourses d’études est le secteur dans lequel le Comité continue d’être le plus actif. Pour l’année universitaire 2011-2012, le Comité a 31 offert une bourse annuelle à 51 étudiants et à 28 autres qui ont été aidés en partie, soit pour conclure leurs études, soit pour effectuer des recherches dans des bibliothèques ou encore pour suivre un cours de langue. Pour l’année universitaire 2012-2013, le Comité a accordé 45 bourses annuelles et 30 autres de plus brève durée. Le programme des projets spéciaux de collaboration avec diverses institutions orthodoxes se poursuit également. 4. Dialogues avec les Églises et les Communautés ecclésiales d’Occident 4.1. Conférence des Évêques vieux-catholiques de l’Union d’Utrecht La délégation de la Conférence des évêques vieux-catholiques de l’Union d’Utrecht qui a rendu visite au CPPUC était conduite par l’archevêque Joris A.O.L. Vercammen. La discussion a porté sur le Rapport de la Commission de dialogue international catholique – vieux-catholiques intitulé « Église et Communauté ecclésiale » (2009). Pendant ces consultations, il a été décidé qu’à partir de 2012, la Commission de dialogue devra approfondir davantage le consensus jusqu’ici atteint, surtout en ce qui concerne la question fondamentale du rapport entre Église universelle et Église locale. À cet égard, le concept répandu dans l’Église primitive selon lequel « il ne peut y avoir de communion eucharistique sans communion ecclésiale » nécessite une étude ultérieure, en particulier en ce qui concerne l’accord trouvé en 1985 par l’Église vieille-catholique et l’Église évangélique en Allemagne, à savoir « l’accord sur l’invitation réciproque à prendre part à la célébration eucharistique », et pour ce qui est de la pleine communion existant désormais entre vieux-catholiques et anglicans. En outre, il sera nécessaire de réfléchir ultérieurement sur les dogmes mariaux et les nouvelles divergences concernant l’ordination des femmes. La première réunion se tiendra du 3 au 6 décembre 2012 à Paderborn (Allemagne). Les coprésidents de cette nouvelle seconde phase de dialogue seront l’Archevêque de Padeborn, Mgr Hans-Josef Becker et le Dr Matthias Ring, Évêque vieux-catholique en Allemagne. En mai 2012, le CPPUC a reçu la visite du nouvel Archevêque Roald Nikolai Flemestad (ancien pasteur de l’Église luthérienne de Norvège) de l’Église catholique nordique (North Catholic Church, CCN) qui était accompagné de l’Archevêque Antony A. Mikovsky, Primat de l’Église catholique nationale polonaise aux États-Unis (Polish National Catholic Church, PNCC), venu avec une petite délégation. L’Église nordique a été fondée en Norvège en 2000 sous l’égide de la PNCC et fait partie de l’ « Union de Scranton » vieille-catholique qui s’est séparée en 2009 de l’Union d’Utrecht car certaines Églises de l’Union avaient accepté l’ordination de femmes et béni des unions homosexuelles. Entre-temps, la CCN a ouvert de petits centres également en Angleterre et en Allemagne. Pour la CCN, les Églises luthériennes nordiques ne possèdent plus ni l’ecclésiologie, ni la structure institutionnelle d’une Église et ne peuvent par conséquent se renouveler et redevenir 32 une institution spirituelle comme l’Église catholique qui, selon la CCN, possède les caractéristiques de la vraie catholicité mais est trop légaliste en attribuant à la papauté non seulement un primat mais une supériorité exclusive. Ces développements et ces événements témoignent de la tendance croissante à la fragmentation chez les partenaires œcuméniques de l’Église catholique. Les nouveaux organismes ecclésiaux qui se sont formés désirent se présenter au niveau international comme des interlocuteurs œcuméniques du CPPUC. Dans ces cas, le CPPUC recommande aux divers groupes de s’adresser en premier lieu aux évêques catholiques locaux pour un premier contact œcuménique. 4.2. Relations avec la Communion anglicane L’anglicanisme dans le monde continue à faire les frais des graves tensions et fractures qui se sont vérifiées au sein de la Communion. En raison de la présence du Primat de l’Église épiscopalienne, un tiers des Primats ont refusé de participer à la rencontre des Primats anglicans qui s’est tenue à Dublin début 2011. Bien que ces membres qui sont en désaccord aient réaffirmé leur adhésion à la Communion anglicane, leur protestation incessante met en évidence la difficulté qu’ont la Communion anglicane en général, et l’Archevêque de Cantorbéry en particulier, à mettre au point un instrument efficace en vue de maintenir la communion. L’Archevêque Rowan Williams a fortement appuyé l’Anglican Covenant car il y voit un instrument valable pour « approfondir les liens de la communion ». L’Anglican Covenant est un document qui tente d’établir quels sont les devoirs qu’implique l’appartenance à la Communion anglicane et, de manière plus controversée, de proposer certaines limites à la participation à la Communion de ceux ignorant ces obligations. Actuellement, ce texte est à l’étude des Provinces de la Communion mais on ne sait pas s’il recueillera l’approbation de la majorité. Au mois de mars 2012, l’Église d’Angleterre a voté contre le Covenant. Même si d’un point de vue technique, ce vote ne met pas un terme au processus d’approbation de la part des Provinces, il assène un coup très dur à l’autorité de l’Archevêque de Cantorbéry. Seules les Provinces qui signeront le Covenant pourront représenter la Communion anglicane dans les dialogues œcuméniques internationaux, mais puisque les non-signataires seront toujours considérés comme membres de la Communion, l’impact que cette situation aura sur le dialogue catholique-anglican reste incertain. L’avenir du Covenant a été l’objet d’un débat au sein du Conseil consultatif anglican, l’un des principaux instruments de la Communion, au mois de novembre 2012. Entre-temps, dans l’Église d’Angleterre se poursuit la discussion sur comment affronter la question de l’ordination des femmes à l’épiscopat. La grande majorité des diocèses est favorable à ce changement mais il existe aussi une nette volonté de prévoir des dispositions spécifiques pour ceux qui ne sont pas disposés à accepter une telle politique. Toutefois, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les oppo- sants à l’ordination des femmes acceptent que leur propre évêque devienne le représentant d’un autre évêque (qui pourrait être une femme) et étant donné que les partisans de l’ordination épiscopale des femmes ne sont pas favorables aux propositions prévoyant une structure diocésaine alternative, on imagine difficilement quelle solution sera trouvée à ce sujet. Cette mesure a fait l’objet d’un débat lors du Synode général qui s’est tenu du 19 au 21 novembre 2012. Pour employer un mot vague s’il en est, la discussion a porté sur le fait de « respecter » les opposants à l’ordination épiscopale des femmes mais en définitive, aucun compromis et solution juridique n’ont été trouvés. La Commission internationale anglicane-catholique a entamé sa troisième phase de dialogue (ARCIC III) en mai 2011, au Monastère de Bose (Italie), et s’est réunie une seconde fois à Hong Kong en mai 2012. La Commission, qui est présidée par l’Archevêque de Birmingham (Angleterre), Mgr Bernard Longley, du côté catholique, et par l’Archevêque David Moxon de Aotearoa (Nouvelle Zélande), du côté anglican, a entamé un débat sur deux thèmes étroitement liés: « L’Église comme communion, locale et universelle » et « Comment, dans la communion, l’Église locale et universelle parvient-elle à discerner quel est l’enseignement éthique juste ». Il est clair qu’actuellement ces deux sujets sont d’une importance fondamentale pour la Communion anglicane. La Commission recueillera et présentera également les documents de l’ARCIC II accompagnés de commentaires sur lesquels l’Église catholique et la Communion anglicane devront se prononcer officiellement. L’IARCCUM, la Commission internationale anglicane sur l’unité et la mission (International Anglican-Roman Catholic Commission on Unity and Mission), organe épiscopal dont l’objectif est la promotion de la réception de l’ARCIC, a repris son activité. Cette nouvelle phase, coprésidée par l’Évêque de Saskatoon, Mgr Donald Bolen, et l’Évêque David Hamid, évêque anglican auxiliaire d’Europe, est en train d’effectuer un sondage dans le but de favoriser l’échange d’informations, d’idées et de bonnes pratiques entre les dialogues anglicans-catholiques menés au niveau local et ceux conduits au niveau national. Les relations avec l’Archevêque de Cantorbéry demeurent étroites grâce aux différents contacts avec Lambeth Palace et aux rencontres avec le représentant de l’Archevêque à Rome, le Chanoine David Richardson, Directeur du Centre anglican de Rome. L’Archevêque lui-même est venu à Rome du 26 au 29 octobre 2011 pour participer à la Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice à Assise. En cette circonstance, il a prononcé un discours sur le rôle des religions dans la promotion de la paix dans le monde. Pendant son séjour à Rome, l’Archevêque a par ailleurs rendu visite à différents dicastères de la curie romaine, entre autres le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation pour s’entretenir de sa contribution au Synode des évêques de 2012 sur la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne où il a tenu un discours le 10 octobre 2012. L’Archevêque est également venu à Rome en mars 2012 pour participer au colloque organisé dans l’église SaintGrégoire-à-Celio d’où saint Augustin commença sa mission pour répandre la foi en Angleterre. Au cours de cette visite, il a également pris part aux Vêpres célébrées par le Pape Benoît XVI. En juin 2012, le Cardinal Koch s’est rendu à Lambeth et à Cantorbéry pour découvrir de plus près l’Église d’Angleterre et la Communion anglicane. Le Cardinal a rencontré des membres du clergé et des laïcs appartenant à diverses traditions de l’anglicanisme et participé à plusieurs liturgies anglicanes à la cathédrale de Cantorbéry. Un dîner a été organisé en son honneur à Lambeth Palace. Aux mois de novembre 2011 et 2012 ont eu lieu les Conversations informelles annuelles entre le CPPUC et les représentants de la Communion anglicane mondiale. Ces entretiens permettent un échange régulier d’informations et de points de vue sur divers sujets. Le 15 janvier 2011, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié un décret (Anglicanorum coetibus) instituant officiellement un « Ordinariat personnel » en Angleterre et au Pays de Galles pour les groupes de fidèles anglicans et leur clergé désirant entrer en pleine communion avec l’Église catholique. Début 2012 a été créé un Ordinariat pour les ÉtatsUnis et le Canada. En Australie, un Ordinariat de la Southern Cross a été institué le 15 juin 2012 et est placé sous la responsabilité de son propre évêque. Le débat sur ce qui constitue le patrimoine anglican et qui est étroitement lié à l’Ordinariat, a intéressé de très près les anglicans. À Rome, par exemple, le Centre anglican a organisé un cycle de séminaires sur quelques-uns des éléments de ce patrimoine, afin d’examiner divers aspects de la contribution spécifiquement anglicane apportée à l’Église catholique. 4.3. Relations avec le Conseil méthodiste mondial Le Conseil méthodiste mondial, organisme dirigeant de la famille des Églises méthodistes et wesleyenne au niveau mondial qui se réunit tous les cinq ans, a tenu une rencontre à Durban (Afrique du Sud) au mois d’août 2011. Le CPPUC y était représenté. La participation de trois cents délégués a permis que soit représentée une grande variété d’expériences, avec une forte présence de méthodistes d’Afrique du Sud et de Corée du Sud. Le méthodisme étant une confession présente au niveau mondial, un des principaux thèmes sur lesquels se sont penchées les Églises-membres était le suivant: « Nous considérons-nous comme une fédération d’Églises ou comme une communion ? » Le méthodisme a commencé à affronter ce genre de thématique dans le désir d’offrir une base à l’union entre ses Églisesmembres répandues dans le monde entier. Au terme de la neuvième phase de dialogue en 2012, la Commission a présenté deux documents. Le premier, intitulé « Together to Holiness » (Ensemble vers la sainteté), entendait résumer de manière systématique les résultats de plus de quarante années de dialogue et s’inspirait directement de 33 la méthodologie présentée par le Cardinal Walter Kasper dans « Harvesting the Fruits » (Récolter les fruits). Le second document est le neuvième rapport du Comité de dialogue, « Encountering Christ the Saviour » (À la rencontre du Christ Sauveur). Celui-ci examine les sacrements du baptême, de l’eucharistie et du ministère à la lumière du mystère pascal. Ces deux documents ont été présentés aux autorités respectives, à savoir l’Église catholique et le Conseil méthodiste mondial, qui devront présenter leurs commentaires sur ces sujets. La Commission a entamé sa dixième phase de dialogue en octobre 2012 sur le thème « Universal Call to Holiness » (Tous appelés à la sainteté). La réflexion sur ce thème reposera sur le travail ecclésiologique déjà accompli par le dialogue ainsi que sur ses études précédentes sur l’Esprit Saint et la vie de disciple. Ce thème encouragera par ailleurs une réflexion ultérieure sur les implications de l’adhésion du Conseil méthodiste mondial à la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification de 2006. 4.4. Relations avec les luthériens Les membres du Conseil nouvellement élu de la Fédération luthérienne mondiale (FLM) se sont réunis à Genève en juin 2011, sous la direction de leur président, l’Évêque Munib A. Younan de l’Église évangélique luthérienne en Jordanie et en TerreSainte, et du Secrétaire général, le Rév. Martin Junge, d’origine chilienne. Dans le cadre de la stratégie de la FLM pour 2012-2017 intitulée « With Passion for the Church and for the World » (Passionnément pour l’Église et pour le monde), cette rencontre, à laquelle avait été invité un représentant du CPPUC, s’est principalement penchée sur le thème « Discerning Our Common Journey » (Déterminer notre route commune). De même, la réunion du Conseil en juin 2012 à Bogotá (Colombie), sur le thème « Together for a Just, Peaceful and Reconciled World » (Ensemble pour un monde juste, pacifique et réconcilié) a laissé entière liberté aux Églises-membres de trouver une solution locale pour les questions concernant le mariage, la famille et la sexualité afin d’éviter un conflit ouvert au sein de la Fédération. En même temps se multiplient les manifestations d’insatisfaction par rapport à la manière dont sont traitées les questions relatives à la famille et la sexualité dans un nombre croissant d’Églises des pays de l’hémisphère nord. Par exemple en 2010, certains conservateurs luthériens des États-Unis se sont détachés de l’Église évangélique-luthérienne en Amérique (ELCA) et ont fondé une nouvelle Église luthérienne nord-américaine, la « North American Lutheran Church » (NALC). Cela en raison de la décision prise par l’ELCA en 2009 de permettre l’ordination de pasteurs vivant des relations homosexuelles. Au cours d’une visite au CPPUC, en septembre 2011, une délégation de la NALC guidée par son nouvel évêque, John D. Bradosky, a été encouragée à s’adresser à la Conférence épiscopale des États-Unis pour un éventuel contact œcuménique au niveau régional. 34 Durant une visite au CPPUC et à la Congrégation pour la doctrine de la foi en février 2012, des représentants de divers groupes luthériens conservateurs originaires d’Allemagne, de Scandinavie et des Pays Baltes, sous la direction du ministre luthérien Helmut Steinlein, Président de la « Evangelisch-Katholische Gemeinschaft Augustana », et du Pr Peter P. J. Beyerhaus, coordinateur du « Bund Apostolischer Bruderschaften », ont demandé d’examiner la possibilité d’une union collective avec l’Église catholique. En un premier temps, ils ont été invités à prendre contact avec les évêques catholiques locaux. Pour un dialogue théologique au niveau international, les groupes sont encore trop petits et fragmentés. La Commission internationale catholique-luthérienne s’est réunie en session plénière en juillet 2011 à Helsinki et en juillet 2012 à Paderborn (Allemagne). En 2011, la Commission était coprésidée, du côté catholique, par Mgr Gerhard Ludwig Müller, évêque de Regensburg. Celui-ci n’a cependant pas pu poursuivre dans cette tâche lors de la réunion de 2012 en raison de ses fonctions en tant que Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le coprésident luthérien est l’évêque émérite de Helsinki, Eero Huovinen. En vue de l’Année de la Réforme qui sera célébrée en 2017, la Commission a terminé un document commun intitulé: « From Conflict to Communion: Lutheran-Catholic Common commemoration of the Reformation in 2017 » (Du conflit à la communion: luthériens et catholiques commémorent ensemble la Réforme en 2017). Un groupe de travail restant à définir entre la FLM et le CPPUC mettra aussi à disposition pour 2017 des textes et divers éléments utiles pour une prière œcuménique commune sur la base de thèmes tirés de ce même document. Dans le futur, la Commission poursuivra son étude sur le « baptême et la communion ecclésiale croissante ». Sur invitation du CPPUC et de la FLM, un groupe de travail d’exégètes et d’experts en théologie systématique de traditions catholique, luthérienne, réformée et méthodiste a tenu sa dernière rencontre en février 2011 à Lutherstadt Wittenberg (Allemagne). Sur la base du consensus atteint en 1999 avec la « Déclaration commune sur la doctrine de la justification », le groupe d’experts a présenté un rapport final intitulé « The Biblical Foundations of the Doctrine of Justification. An Ecumenical Follow-Up to the Joint Declaration on the Doctrine of Justification » (Fondements bibliques de la Doctrine de la justification: follow-up œcuménique de la Déclaration commune sur la Doctrine de la justifiation) qui a déjà été publié comme ouvrage de travail par la FLM en 2012, en anglais et allemand. « Towards a Joint Declaration on the Lord’s Supper » (Vers une Déclaration commune sur le Repas du Seigneur) est le thème sur lequel ont réfléchi pendant les réunions des deux dernières années le groupe de travail œcuménique de théologiens catholiques et luthériens présidé du côté catholique par le Cardinal Karl Lehmann et du côté évangélique-luthérien par l’Évêque Martin Hein. Ces théologiens sont arrivés à la conclusion qu’il est impossible de concevoir une théologie exhaustive du Repas du Seigneur à travers une synthèse des résultats des dialogues conduits jusqu’ici, sans une recherche ultérieure dans le domaine exégétique, historique et théologique. Le cycle de consultations entre l’Institut pour l’œcuménisme Johann-Adam-Möhler de Paderborn et la Lutherische Theologische Hochschule de l’Église évangélique-luthérienne indépendante (SELK) d’Oberursel (Allemagne) a conclu ses travaux en 2010. Ceux-ci se donnaient pour but d’identifier les points communs fondamentaux entre l’Église catholique et la confession luthérienne tel qu’elle est professée par le Conseil international luthérien (International Lutheran Council – ILC) duquel fait également partie le Synode du Missouri des États-Unis. Dans leur rapport final, les partenaires ont émis le souhait que soit inauguré un dialogue international officiel entre le Conseil international luthérien et le CPPUC, lequel a entre-temps pris en considération avec le Président de l’ILC, l’Évêque luthérien Hans-Jörg Voigt de la SELK, la possibilité d’un cycle similaire de consultations théologiques au niveau international. Un nouveau dialogue trilatéral entre catholiques, luthériens et mennonites sur « Baptism, Redemption, Church, Faith » (Baptême, rédemption, Église et foi) et « Relationship between Church and State » (Relation entre Église et État) sera inauguré lors d’une première réunion en décembre 2012. Une délégation de la Gemeinschaft Evangelischer Kirchen in Europa, GEKE – ex Leuenberg Church Fellowship (Communauté des Églises évangéliques en Europe) guidée par son président, le Pasteur Thomas Wipf, et son secrétaire général, l’Évêque Michael Bönker, a rendu visite au CPPUC en septembre 2011 pour demander l’ouverture d’un dialogue avec l’Église catholique, conformément à la proposition faite par la VIe Assemblée plénière de la GEKE (Budapest, 2006). En accord avec cette délégation, il a été décidé d’entamer des conversations entre la GEKE et l’Église catholique sur l’ecclésiologie, en se référant aux fondements ecclésiologiques des Églises évangéliques, énoncés dans la Confessio Augustana VII et dans le document « L’Église de Jésus Crist » de 1994. Sur ce sujet, la GEKE a déjà organisé des consultations avec les Églises orthodoxes et la Communion anglicane. Avec l’approbation de la VIIe Assemblée plénière de la GEKE qui s’est tenue à Florence en septembre 2012, la nouvelle série de consultations débutera en février 2013 avec une première rencontre à Vienne. Selon une coutume désormais ancienne, le Pape Benoît XVI a reçu en audience privée, au mois de janvier 2011 et 2012, une délégation œcuménique de Finlande venue à Rome à l’occasion de la Fête de saint Henri, Patron de la Finlande. Ces groupes étaient guidés par divers évêques luthériens finlandais et l’évêque catholique du diocèse de Helsinki, Mgr Teemu Sippo, SCJ. Ces délégations se sont rendues auprès du CPPUC et se sont entretenues de questions ayant trait à la situation œcuménique en Finlande. Elles ont en outre participé à une célébration œcuménique à l’église Santa Maria sopra Minerva, le 19 janvier, et aux vêpres dans l’église des sœurs de l’Ordre de sainte Brigitte. De hauts représentants de la Vereinigte Evangelisch-Luterische Kirche Deutschlands-VELKD (Église évangélique-luthérienne d’Allemagne) guidés par l’Évêque Johannes Friedrich et l’Évêque Friedrich Weber, chargés des relations avec l’Église catholique au sein de la VELKD, ont rendu visite au CPPUC pour y tenir des conversations. La délégation a été reçue par le Pape Benoît XVI en audience privée le 24 janvier 2011. Le jour précédent, elle a pris part à une cérémonie œcuménique au cours de laquelle, près de la Basilique papale Saint-Paul-horsles-Murs, a été planté et béni un olivier dans le cadre du projet « Monument vert œcuménique, Jardin de Luther à Wittenberg 2017 ». La délégation a également participé aux vêpres célébrées par le Pape Benoît XVI en conclusion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. 4.5. Relations avec les réformés En 2011, la Communion mondiale des Églises réformées, née en 2010 de la fusion entre l’Alliance mondiale des Églises réformées et le Conseil œcuménique réformé, et le CPPUC ont entamé une nouvelle phase de dialogue international, la quatrième entre catholiques et réformés. Les trois phases précédentes (menées avec l’Alliance mondiale des Églises réformées) ont produit, respectivement, les rapports suivants: « La présence du Christ dans l’Église et dans le monde » (1970-1977), « Vers une compréhension commune de l’Église » (1984-1989) et « L’Église comme communauté de témoignage commun dans le Règne de Dieu » (1998-2005). La nouvelle phase qui prendra fin en 2017 a pour thème général « Justification et sacramentalité: la communauté chrétienne, promotrice de justice ». Les coprésidents, du côté catholique et du côté de la Communion mondiale des Églises réformées, sont respectivement Mgr Kevin Rhoades, évêque du diocèse de Fort Wayne-South Bend dans l’Indiana (USA), et la Rév. Dr Martha Moore-Keish, du Columbia Theological Seminary à Decatur (Géorgie, USA). La première réunion, qui s’est tenue à Rome du 3 au 9 avril 2011, avait pour thème « Justification: Reformed and Roman Catholic Perspectives (Historically and Currently) » (Justification: le point de vue réformé et catholique – dans le passé et aujourd’hui). Il est à souhaiter que cette phase de dialogue international, sur la base des accords déjà atteints, facilite la réflexion sur l’opportunité ou non d’une adhésion de la Communion mondiale des Église réformées à la Déclaration commune sur la doctrine de la justification. Le groupe s’est réuni pour son second cycle de conversations à Decatur, au mois d’avril 2012 pour réfléchir sur « Justification and Sacramentality: The Rites of the Church and the Ordering of the Sacraments and Rites » (Justification et sacramentalité: les rites de l’Église et l’ordonnance des sacrements et des rites). 4.6. Disciples du Christ (Christian Church) Un groupe de travail s’est réuni à Toronto du 1er au 5 mai 2011 pour préparer une nouvelle phase de dialogue. Les comodérateurs de cette phase seront 35 Mgr David Ricken, évêque de Green Bay (USA) et le Rév. Dr Newell Williams, de la Brite Divinity School de Fort Worth (USA). Le début de ce nouveau cycle de conversations a été repoussé d’un an afin que puisse se tenir avant, en juin 2012, un comité exécutif pour examiner les révisions suggérées par le Rapport final de la quatrième phase et pour examiner le thème proposé pour la cinquième phase: « Formed and Transformed at the Table of the Lord: The Eucharist in the Church and for the World » (Formés et transformés à la table du Seigneur: l’Eucharistie dans l’Église et pour le monde). Du 16 au 19 juin 2012 s’est en effet tenue la rencontre de l’Executive Committe à la Brite Divinity School de la Texas Christian University (TCU), à Fort Worth au Texas. Les buts fixés pour cette rencontre ont été atteints: 1) terminer le Rapport de la quatrième phase en tenant compte des observations envoyées par le CPPUC ; 2) mettre au point la proposition pour la cinquième phase sur la base du projet préparé lors de la réunion de mai 2011 ; 3) définir les dates et la méthodologie à suivre pour la première rencontre de 2013. La cinquième phase ayant pour thème « Christians formed and Transformed by the Eucharist » (Les chrétiens formés et transformés par l’Eucharistie) sera inaugurée en mai 2013 dans le Kentucky (USA). La méthodologie de travail a été définie, les thèmes à traiter choisis et une proposition de dates pour les trois prochaines années a été faite. Il est important de signaler que les membres du comité exécutif ont ajouté dans la conclusion de la proposition finale: « Nous réaffirmons que notre but demeure la pleine unité visible de nos deux communions ». 4.7. Relations avec la Conférence mennonite mondiale La Conférence mennonite mondiale se définit elle-même comme une communion d’Églises d’orientation anabaptiste liées entre elles en une communauté de foi au niveau mondial, dans la fraternité, la liturgie, le service et le témoignage. Cet organisme comprend environ 1.600.000 fidèles appartenant à 99 Églises nationales mennonites et des Brethren in Christ dans 56 pays répartis sur six continents ; plus de 60 % d’entre eux se trouvent en Afrique, Asie et Amérique Latine. La Fédération luthérienne mondiale, la Conférence mennonite mondiale et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens entreprendront sous peu un dialogue trilatéral pour étudier le thème du baptême. 4.8. Relations avec l’Alliance baptiste mondiale L’Alliance baptiste mondiale, fondée en 1905 à Londres, est une alliance entre 216 « conventions » et unions baptistes comprenant plus de 37 millions de fidèles baptisés et 105 millions de membres. La différence entre ces deux chiffres s’explique du fait que les enfants ne sont pas inclus car ils n’ont pas encore accès au « baptême des croyants ». Une première phase de conversations théologiques internationales entre l’Alliance baptiste mondiale et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a eu lieu de 1984 à 1988 et s’est conclue par la publication d’un rapport final intitulé « Appelés à rendre 36 témoignage au Christ dans le monde d’aujourd’hui ». Après une longue interruption, en 2006 a débuté une nouvelle phase de conversations sur le thème « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église: Écriture, Tradition et Koinonia ». Ces entretiens ont eu pour objectif principal l’identification d’une base commune dans l’enseignement biblique, la foi apostolique et la vie concrète des croyants ainsi que l’étude des domaines dans lesquels existent encore de profondes divergences entre catholiques et baptistes. Les conversations sont coprésidées du côté catholique par Mgr Arthur Serratelli, évêque de Paterson (NJ, USA), et par le Rév. Dr Paul Fiddes, professeur de théologie systématique à l’Université d’Oxford (Angleterre), du côté baptiste. Cette seconde phase s’est conclue par la rencontre de décembre 2010 à Oxford au cours de laquelle les participants ont travaillé à la préparation du rapport final. Le texte a été présenté en 2012 aux deux organismes respectifs pour approbation. 4.9. Relations avec l’Armée du Salut L’Armée du Salut est née en Angleterre à la moitié du XIXe siècle comme mouvement de mission en faveur des plus démunis. Elle est active dans 121 pays et comprend plus de 17.000 officiers en service, plus de 8.700 officiers à la retraite, plus d’un million de « soldats », environ 100.000 employés et plus de 4,5 millions de volontaires. Ses membres peuvent être considérés comme des chrétiens protestants ne pratiquant aucun sacrement. Depuis 2007 sont en cours des conversations œcuméniques non-officielles entre l’Armée du Salut et l’Église catholique. En 2011, la réunion a eu pour thème la sanctification ; en 2012, la mission. 4.10. Relations avec des dirigeants pentecôtistes, évangéliques et charismatiques 4.10.1 Dialogue international catholique-pentecôtiste Au cours de la première phase de dialogue catholique-pentecôtiste (1972-1977) avec des représentants des pentecôtistes classiques, il a été nécessaire d’apporter des éclaircissements sur la terminologie et la méthodologie pour mieux délinéer les identités confessionnelles respectives. Lors d’une seconde phase (1979-1984), certaines des questions les plus épineuses ont été affrontées avant de se pencher sur le thème de l’ecclésiologie (Vue d’ensemble sur la koinonia, 1985-1989). Par la suite, les sujets étudiés ont été la mission et les problèmes relatifs à la manière de conduire la mission à la lumière de l’appel à l’unité des chrétiens (Évangélisation, prosélytisme et témoignage commun, 1990-1997). La cinquième phase a été l’occasion d’une réflexion sur notre héritage biblique et patristique commun en ce qui concerne la foi, la conversion, la vie de disciples, l’expérience chrétienne, la formation chrétienne et le baptême dans l’Esprit (Devenir chrétiens, 19982006). La sixième phase débutée en 2011 affronte directement le thème des « Charismes dans l’Église », en particulier en ce qui concerne leur importance, leur identification et leurs implications pastorales. La première session coprésidée par Mgr Michael Burbidge, évêque de Raleigh (USA) et le Rév. Cecil M. Robeck des Assemblées de Dieu, a eu pour objectif d’identifier quel est le terrain commun aux catholiques et aux pentecôtistes en ce qui concerne les charismes. Pendant la session de 2011, les membres du dialogue ont participé à la liturgie de la Pentecôte présidée par Benoît XVI en la Basilique Saint-Pierre. Le Saint-Père les a ensuite salués publiquement au cours de l’audience générale du mercredi suivant. La seconde session, qui s’est déroulée à Helsinki du 28 juin au 5 juillet 2012, a été consacrée à la question du discernement. 4.10.2. Conversations avec différents dirigeants des New Charismatic Churches (anciennement Non Denominational Pentecostals) Les 28 et 29 mai 2012 s’est tenue la troisième rencontre des Conversations préliminaires entre le CPPUC et des dirigeants des New Charismatic Churches. Le thème de réflexion qui avait été choisi était « Mission in Terms of Self-identity and Self-understanding » (La mission du point de vue de l’identité et de la conception de soi-même) mais la réunion a surtout porté sur la suite à réserver à ces trois rencontres. Le CPPUC a adhéré à la proposition de tenir un nouveau cycle de trois rencontres de Conversations à partir de 2014. 4.10.3. Consultation entre le CPPUC et l’Alliance évangélique mondiale La troisième série de consultations a commencé en 2011. Ce projet s’étendra sur cinq ans. La première session s’est tenue en 2009 à Sao Paulo (Brésil) sur le thème « Questions dogmatiques et éthiques: un terrain d’entente » ; la seconde session s’est déroulée à Rome du 12 au 17 septembre 2011 et a porté sur « Écriture et Tradition ». La troisième rencontre a eu lieu à Chicago du 14 au 18 octobre 2012 et était intitulée « Quels sont les enseignements des catholiques et des évangéliques par rapport au salut et comment les personnes parviennent-elles au salut ? » 5. Relations avec le Conseil œcuménique des Églises (COE) Les 8 et 9 mai 2011, le Cardinal Koch a effectué au Conseil œcuménique des Églises de Genève sa première visite officielle en qualité de nouveau président du CPPUC. En cette occasion, il a réaffirmé l’engagement irréversible de l’Église catholique dans l’œcuménisme et exprimé le désir de travailler en étroite collaboration avec le COE pour la recherche de l’unité pleine et visible des chrétiens. Le Secrétaire général du COE, le Dr Olav Fykse Tveit, au côté d’importants représentants des Communions chrétiennes mondiales, a participé à la Journée de prière pour la paix à Assise, sur invitation du Pape Benoît XVI. Dans le même esprit, une délégation catholique officielle a pris part à la Convocation œcuménique internationale pour la paix marquant la conclusion de la Décennie contre la violence et organisée à Kingston (Jamaïque) du 17 au 25 mai 2012. La participation commune à d’importants événements œcuméniques est le signe tangible de la volonté de l’Église catholique et du COE de continuer à travailler « en partenariat » au service de l’unité. Le CPPUC était représenté à la rencontre du 27 septembre au 1er octobre 2001 en préparation de la Xe Assemblée générale du COE prévue à Busan (Corée) du 30 octobre au 8 novembre 2013. Aussi bien le CPPUC et le COE sont conscients que, même si l’esprit œcuménique continue à se propager, les différences entre Églises émergent de façons toujours nouvelles. Aujourd’hui, le défi qu’ils doivent relever est celui de définir une orientation commune et de se fixer des objectifs intermédiaires réalisables, en particulier dans des domaines spécifiques de la vie œcuménique. La session plénière du Groupe mixte de travail s’est tenue à Malte du 31 octobre au 5 novembre 2011. Les travaux ont porté sur le projet de Neuvième Rapport qui a ensuite été présenté au Comité central du COE en septembre 2012. Les thèmes actuellement à l’étude sont les suivants: la réception, l’œcuménisme spirituel, les conséquences de la migration sur les Églises et la transmission de la foi aux jeunes. Le rapport souligne le rôle crucial qui doit être reconnu à la réception si l’œcuménisme veut éviter qu’on l’accuse d’élitisme et d’insignifiance dans la vie des fidèles. L’œcuménisme spirituel, y compris la prière, la lecture de la bible en commun et la conversion des cœurs au Christ Seigneur, crée un climat dans lequel les chrétiens peuvent affronter ensemble leurs doutes et difficultés. Du 8 au 14 mars 2012 s’est tenu à Dar es Salaam (Tanzanie) le Xe Forum des dialogues bilatéraux convoqué à la demande de la Conférence des secrétaires des Communions chrétiennes mondiales. Cette rencontre avait pour thème officiel : « Dialogues internationaux en dialogue: contexte et réception », une attention particulière étant réservée à l’Église dans les pays du sud et spécialement en Afrique. Le programme, réparti sur cinq jours, était divisé en trois parties: débats (« L’unité chrétienne en Tanzanie aujourd’hui », « Des théologiens africains donnent leur avis sur les dialogues œcuméniques », « Relations nord-sud au sein des Communions chrétiennes mondiales »), rapports des délégués des diverses Communions chrétiennes mondiales sur les dialogues bilatéraux à compter de 2008 (documents rédigés, projets entrepris, échéances, participations des membres des pays du sud, réunions dans l’hémisphère sud, tendances principales) et synthèse thématique. Du 23 au 27 juillet 2012 s’est tenue à l’Institut œcuménique de Bossey (Suisse) la quatrième rencontre du Comité de planification de l’Assemblée chargée d’apporter les dernières touches à la préparation de la Xe Assemblée générale qui aura lieu à Busan (Corée) du 30 octobre au 8 novembre 2013 et aura pour thème « Dieu de la vie, conduis-nous à la justice et à la paix ». Y ont pris part 27 personnes représentant les Églises-membres et des partenaires œcuméniques (Église catholique, pentecôtistes, Communions chrétiennes mondiales, Alliance évangélique mondiale). 37 Du 28 août au 5 septembre 2012 s’est réuni auprès de l’Académie orthodoxe de Crète le Comité central du COE. Il s’agit d’un « organisme à pouvoir décisionnel représentant les 349 Églises-membres ». La rencontre avait pour principale question à l’ordre du jour la préparation de la Xe Assemblée à Busan, ce qui signifiait apporter d’éventuels changements aux statuts, terminer les déclarations publiques, approuver le travail réalisé par le Comité de planification de l’Assemblée et définir le programme de cette dernière. 5.1. Foi et Constitution Le Conseil œcuménique des Églises a défini la Commission Foi et Constitution « le forum théologique le plus représentatif de la chrétienté ». L’Église catholique est membre de la Commission Foi et Constitution depuis 1967 et y est représentée par 12 commissaires sur 120 (10 % du nombre total). Le Comité permanent de Foi et Constitution compte 30 membres parmi lesquels trois commissaires catholiques (à nouveau 10 % du nombre total). Le Comité permanent se réunit une fois par an. En 2011, il a été généreusement accueilli à Gazzada par l’Archevêché de Milan. Avec la dernière rencontre de juin 2012 a pris fin son dernier mandat. Une nouvelle Commission sera nommée et entrera en activité après l’Assemblée générale du COE en 2013. Les trois projets de Foi et Constitution se situent à divers degrés d’avancement. Le premier porte sur le document d’étude intitulé « Nature et mission de l’Église ». Après que les Églises orthodoxes se sont réunies en mars 2011 pour mettre au point leur réponse officielle sur ce document, le groupe de travail sur l’ecclésiologie qui s’est retrouvé en mars 2011 à Columbus (Ohio, USA) a modifié radicalement son texte et l’a abrégé à la lumière des commentaires des Églises orthodoxes et des réflexions faites par les membres de la Commission sur la mission et sur l’évangélisation dans le monde et ceux du Comité permanent. En mars 2012, le groupe de travail sur l’ecclésiologie s’est à nouveau réuni pour terminer un texte qui a ensuite été soumis à l’évaluation du Comité permanent lors de sa rencontre de septembre 2012. La seconde étude porte sur les « Sources d’autorité ». Le groupe de travail qui en est chargé a présenté un rapport/guide sur ses propres résultats, en encourageant les Églises et Communautés ecclésiales à considérer « Les premiers maîtres de l’Église » comme sources d’autorité de l’enseignement chrétien, pour mieux comprendre les fondements ecclésiologiques de l’Église. Le troisième projet intitulé « Le discernement moral dans les Églises » applique une méthodologie basée sur l’étude cas par cas de diverses situations pour montrer comment les communautés parviennent à prendre certaines positions dans le domaine de la morale. 5.2. Semaine de prière pour l’unité des chrétiens Le CPPUC et la Commission Foi et Constitution du COE préparent chaque année les textes pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. En 2011, ce groupe de travail s’est réuni à Bangalore (India) pour évaluer les textes pour l’année 2013 présentés par un groupe œcuménique de chrétiens 38 indiens. En 2012, ce même groupe a travaillé avec des représentants œcuméniques du Canada pour préparer le matériel pour 2014. 6. La Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme D’un point de vue théologique, les juifs et les chrétiens non seulement partagent un riche patrimoine (cf. Nostra aetate, 4) mais, sur la base de ce patrimoine commun, sont en mesure de promouvoir des valeurs communes dans la société, de lutter pour la défense des droits de l’homme et de collaborer dans le domaine social et humanitaire. Un colloque en commémoration du 40e anniversaire du dialogue entre la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme et l’International Jewish Committee on Interreligious Consultations s’est tenu du 27 février au 2 mars 2011 à Paris, ville où eut lieu la première rencontre, il y a quarante ans. Vingt-cinq catholiques et vingt-cinq juifs du monde entier y ont pris part et ont débattu sur le thème « Quarante ans de dialogue. Réflexion et perspectives futures ». Au terme de cette réunion, une déclaration commune a été rendue publique. Le 17 janvier de chaque année, on célèbre en Italie, Pologne, Autriche et Hollande la « Journée du Judaïsme » qu’organisent les conférences épiscopales (en Suisse, cette Journée a lieu le deuxième dimanche de Carême). Cette initiative, qui rappelle aux catholiques les racines juives de leur foi, entend encourager le dialogue juif-catholique. Chaque année, le secrétaire de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, le P. Norbert Hofmann SDB, publie un article sur l’Osservatore Romano. En 2012, ce dernier avait pour titre « Confiance croissante et engagement commun pour la paix. La responsabilité particulière des juifs et des catholiques ». Cet article fait référence à l’initiative de la Commission d’encourager d’autres conférences épiscopales à introduire cette Journée dans leur calendrier. Le 24 janvier 2011, le secrétaire de la Commission a participé à une conférence de presse au Palazzo Chigi pour présenter deux documents apportant la preuve que le Séminaire lombard et le Couvent des Sœurs de Notre-Dame de Sion à Rome cachèrent et sauvèrent des juifs durant la Shoah. Cette conférence de presse a eu lieu dans le cadre des initiatives prises par le gouvernement italien pour encourager la collection de matériel historique sur la Shoah pour un musée sur l’holocauste. Les 23 et 24 mars 2011, le secrétaire de la Commission a fait partie d’une délégation du Saint-Siège à la Conférence de l’OCDE à Prague, organisée sous la présidence de la Lituanie sur le thème « Affronter l’antisémitisme dans le débat public ». Du 29 au 31 mars 2011, un groupe de représentants de la Commission et du Grand Rabbinat d’Israël s’est retrouvé à Jérusalem pour discuter sur la question suivante: « Défis de la foi et leadership religieux dans la société sécularisée ». Une déclaration commune a été publiée au terme de la réunion. La délégation catholique était guidée par le Cardinal Jorge Mejía, tandis que la délégation juive avait à sa tête le Grand Rabbin de Haifa, Shear Yashuv Cohen. Le secrétaire de la Commission a participé à la rencontre annuelle de l’International Council of Christians and Jews (ICCJ) qui s’est tenue à Cracovie (Pologne) du 1er au 7 juillet 2011 sur le thème « Religions et idéologies – Perspectives polonaises et au-delà ». Du 23 au 25 octobre 2011, le secrétaire a pris part à une conférence organisée par l’« Institut für jüdisch-christliche Forschung » de la Faculté de théologie de l’Université de Lucerne (Suisse) sur le thème suivant: « Das Studium des Judentums und die jüdisch-christliche Begegnung ». Le secrétaire a lu la conférence du Cardinal Kurt Koch intitulée « Gemeinsam Volk Gottes sein. Perspektiven des jüdisch-katholischen Dialogs von Nostra aetate bis Papst Benedikt XVI » (Être ensemble Peuple de Dieu. Tour d’horizon du dialogue juif-catholique, de Nostra aetate au Pape Benoît XVI). Une délégation composée de nouveaux dirigeants juifs des États-Unis, d’Israël et de quelques pays européens, a pris par à la Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix qui s’est tenue à Assise, les 27 et 28 octobre 2011. Du 29 octobre au 5 novembre 2011, le Cardinal Koch et le secrétaire de la Commission se sont rendus aux États-Unis pour y rencontrer la communauté juive et être informés de la réalité du dialogue juif-catholique local. Le Cardinal a tenu une conférence à la Seton Hall University (New Jersey) sur « Questions théologiques et perspectives futures dans le dialogue juif-catholique » (John M. Österreicher Memorial Lecture). La conférence était organisée par l’Institute of Judeo-Christian Studies de cette université et le Council of Centers for Jewish-Christian relations. Le Cardinal Koch s’est également rendu au Jewish Theological Seminary de New York et a rencontré des représentants de l’International Jewish Committee on Interreligious Consultations (IJCIC). À la Catholic University of America de Washington, il a donné une conférence sur les « Aspects fondamentaux de l’œcuménisme et perspectives futures ». Du 9 au 10 novembre 2011, l’Israeli Religious Council, composé de vingt-cinq dirigeants religieux de l’État d’Israël juifs, musulmans, druses et chrétiens de diverses traditions, s’est rendu en visite au Vatican et a été reçu en audience privée par le Saint-Père. La délégation a par ailleurs rencontré le Cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, ainsi que des représentants du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme. Le 12 décembre 2011, le Saint-Père a reçu en audience privée Lord Jonathan Sacks, Grand Rabbin de Grande-Bretagne. Lord Sacks a ensuite tenu à l’Université pontificale Grégorienne une conférence intitulée « L’Europe a-t-elle perdu son âme ? » Cette conférence, à laquelle ont pris part le Cardinal Koch et le secrétaire de la Commission, était une manifestation de caractère public organisée par le Centro Cardinale Bea per gli studi ebraici de l’Université Grégorienne. Du 27 au 29 mars 2012 s’est tenue à Rome la onzième rencontre pour le dialogue entre les délégations de notre Commission et du Grand Rabbinat d’Israël qui avait pour thème « Religious Perspectives on the Current Financial Crisis: Vision for a Just Economic Order » (La crise financière actuelle d’un point de vue religieux: imaginer un ordre économique juste). En ce qui concerne nos traditions respectives, la rencontre a eu lieu dans une atmosphère de profonde amitié et de compréhension mutuelle. Une déclaration commune a été rendue publique au terme des travaux. La délégation catholique avait à sa tête le Cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, la délégation juive était quant à elle guidée par le Grand Rabbin de Haifa, Shear Yashuv Cohen. Le 18 avril 2012, le secrétaire de la Commission a tenu une conférence à Fribourg (Suisse) intitulée « Die Einzigartigkeit des jüdisch-christlichen Dialogs und dessen Grundkonstanten » (La spécificité du dialogue entre juifs et chrétiens et ses constantes). Les étudiants de langue allemande de la faculté de théologie l’ont invité pour la « Semaine interdisciplinaire ». Le 10 mai 2012, pour la première fois dans l’histoire du dialogue juif-catholique, le Saint-Père a reçu une délégation du Latin American Jewish Congress, constituée de juifs provenant d’Amérique Latine, principalement du Brésil et d’Argentine. Au cours de la soirée précédant la rencontre avait été organisé un dîner auquel ont pris part divers représentants de la Curie romaine et de la Communauté juive de Rome. Le 16 mai 2012, le Cardinal Kurt Koch, président de la Commission, a tenu une « lectio coram publico » auprès de l’Université pontificale San Tommaso (Angelicum) à Rome sur le thème suivant: « Building on Nostra aetate: 50 Years of Christian-Jewish Dialogue » (Constuire sur Nostra Aetate: 50 ans de dialogue entre juifs et chrétiens). Du 22 au 27 mai 2012, le Cardinal président, accompagné du secrétaire de la Commission, s’est rendu en Israël pour diverses rencontres et visites. Au cours d’un colloque public auprès du Jerusalem Studies Institute de Jérusalem, organisé par l’Israel Jewish Council for Interreligious Relations (IJCIR) et portant sur la situation du dialogue juif-catholique, le Cardinal a tenu une conférence sur le thème suivant : « Christians Called to be Faithful to Abraham’s Heritage » (Appelés en tant que chrétiens à être fidèles à l’héritage d’Abraham). Avant ce colloque a eu lieu une rencontre privée avec des personnalités actives dans le dialogue interreligieux en Israël. Le Cardinal, accompagné du Rabbin David Rosen, s’est rendu en visite au Grand Rabbinat pour s’entretenir avec le Grand Rabbin Jonah Metzger et le Secrétaire général du Grand Rabbinat, Oded Wiener. Au cours de son séjour à Jérusalem, le Cardinal a également pris contact avec les évêques catholiques, entre autres ceux de Terre-Sainte, et les chefs d’autres Églises et Communautés ecclésiales. Une rencontre officielle a eu lieu au Centre Notre-Dame, suivie d’une réception. Il a rendu visite au Custode de Terre-Sainte, le P. Pierbattista Pizzaballa OFM, au Patriarche latin, Fouad Twan, et au Patriarche grec-orthodoxe, Theophilos III. Enfin, le Cardinal s’est rendu en Galilée pour y rencontrer Mgr Giacinto Marcuzzo à Nazareth et Mgr Elia Chacour à Haïfa. 39 Du 17 au 21 juin 2012, dans les alentours de New York, au Isabella Freedman Jewish Retreat Center, a eu lieu la seconde Catholic-Jewish Emerging Leadership Conference sur le thème « Catholics and Jews: Our Common Values, Our Common Roots » (Catholiques et juifs: nos valeurs communes, nos racines communes). Environ 50 jeunes gens, hommes et femmes d’âge compris entre 20 et 30 ans, juifs et catholiques, se sont rencontrés pour faire connaissance et redécouvrir de manière plus approfondie leur propre identité religieuse en se confrontant avec les traditions de l’autre. Cette initiative était organisée par l’International Jewish Committee on Interreligious Consultations (IJCIC) et la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme. Cette rencontre avait pour but d’instruire et de former des jeunes qui devront participer activement dans le futur au dialogue entre juifs et catholiques. Du 5 au 18 août 2012, le secrétaire de la Commission a participé à une Université d’été de la Stu- 40 dienstiftung des Deutschen Volkes à Ftan (Suisse) et a organisé pour les étudiants un atelier ayant pour thème « Dialog der Religionen. Grundlagen, Möglichkeiten und Ansätze aus theologischer und bildungswissenschaftlicher Sicht » (Dialogue des religions. Fondements, possibilités et objectifs du point de vue de la théologie et des sciences de l’éducation). Du 28 au 30 octobre 2012 s’est tenue la troisième session plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme à laquelle ont pris part huit consulteurs et dix-huit délégués de Conférences épiscopales. La rencontre a donné lieu a un échange utile d’informations et d’expériences. En particulier, la discussion a porté sur la célébration du 50e anniversaire de Nostra aetate, qui se tiendra en 2015, et de la possibilité de lancer au niveau de différentes Conférences épiscopales une Journée du judaïsme (cette Journée a déjà été introduite par les Conférences épiscopales d’Italie, Pologne, Autriche, PaysBas et Suisse). VISITE AU PATRIARCAT ŒCUMÉNIQUE D’UNE DÉLÉGATION DU SAINT-SIÈGE POUR LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ 29 novembre-1er décembre 2012 Dans le cadre du traditionnel échange de visites pour les fêtes de leurs saints patrons respectifs, le 29 juin à Rome pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul et le 30 novembre à Istanbul pour la fête de l’apôtre saint André, la délégation du Saint-Siège qui s’est rendue au Phanar, le 29 novembre 2012, était guidée par le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Le Cardinal Koch était accompagné de l’Évêque Brian Farrell et de Mgr Andrea Palmieri, respectivement secrétaire et sous-secrétaire de ce même dicastère. À Istanbul, ils ont été rejoints par le Nonce Apostolique en Turquie, Mgr Antonio Lucibello. La délégation du Saint-Siège a pris part à la divine liturgie présidée par Sa Sainteté Bartholomaios en l’église patriarcale du Phanar, et a rencontré personnellement le Patriarche et la Commission synodale chargée des relations avec l’Église catholique. Le Cardinal Koch a remis au Patriarche un message signé du Saint-Père qui a été lu en conclusion de la divine liturgie – ainsi qu’un présent. Par ailleurs, le Cardinal Koch a rencontré des représentants de la communauté catholique locale et s’est entretenu avec le Comité œcuménique du Vicariat apostolique de l’Église catholique à Istanbul. Nous publions, ci-dessous, le message du Pape Benoît XVI et le discours du Patriarche œcuménique. Message du Pape Benoît XVI à Sa Sainteté Bartho- lomaios À Sa Sainteté Bartholomaios, Archevêque de Constantinople, Patriarche œcuménique. « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi » (Ep 3, 17) Animé de sentiments de joie profonde et de proximité fraternelle, je voudrais aujourd’hui faire mien ce souhait, que saint Paul adresse à la communauté chrétienne d’Éphèse, pour le présenter à Votre Sainteté, aux Membres du Saint Synode, au clergé et à tous les fidèles, réunis en ce jour de fête pour célébrer la grande solennité de saint André. Suivant l’exemple de l’Apôtre, moi aussi, en tant que votre frère dans la foi, « je fléchis les genoux en présence du Père » (Ep 3, 14), pour demander qu’il vous concède « de vous armer de puissance par son Esprit » (Ep 3, 16) et de « connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance » (Ep 3, 19). L’échange de délégations entre l’Église de Rome et l’Église de Constantinople, qui se renouvelle chaque année à l’occasion des fêtes patronales respectives de saint André, au Phanar, et des saints Pierre et Paul, à Rome, témoigne de façon concrète du lien de proximité fraternelle qui nous unit. C’est une communion profonde et réelle, bien qu’encore imparfaite, qui se fonde non sur des raisons humaines de courtoisie ou de convenance, mais sur la foi commune au Seigneur Jésus Christ, dont l’Évangile de salut nous est parvenu grâce à la prédication et au témoignage des apôtres, scellé par le sang du martyre. Comptant sur ce solide fondement, nous pouvons ensemble avancer avec confiance sur le chemin qui conduit vers le rétablissement de la pleine communion. Sur ce chemin, grâce aussi au soutien assidu et actif de Votre Sainteté, nous avons accompli tant de progrès, dont je Vous suis très reconnaissant. Même si la route à parcourir peut sembler encore longue et difficile, notre intention de poursuivre dans cette direction reste inchangée, confortés par la prière que notre Seigneur Jésus Christ a adressée au Père : « Qu’ils soient un en nous, afin que le monde croie » (Jn 17, 21). Sainteté, je désire en ce moment vous renouveler l’expression de ma vive reconnaissance pour les paroles prononcées à la fin de la célébration pour le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II et l’ouverture de l’Année de la foi, qui s’est déroulée à Rome en octobre, paroles par lesquelles vous avez su vous faire l’interprète des sentiments de tous ceux qui étaient présents. Je conserve des souvenirs forts de votre visite à Rome en cette circonstance, durant laquelle nous avons eu l’occasion de renouveler les liens de notre sincère et authentique amitié. Cette amitié sincère qui est née entre nous, avec une grande vision commune des responsabilités auxquelles nous sommes appelés comme chrétiens et comme pasteurs du troupeau que Dieu nous a confié, est le motif d’une grande espérance pour que se développe une collaboration toujours plus grande, dans la tâche urgente de donner avec une vigueur renouvelée le témoignage du message évangélique au monde contemporain. En outre, je remercie de grand cœur Votre Sainteté et le Saint-Synode du Patriarcat œcuménique d’avoir voulu envoyer un délégué fraternel pour prendre part à l’Assemblée ordinaire générale du Synode des évêques, sur le thème : «La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne». Le défi le plus urgent, sur lequel nous nous sommes toujours trouvés en plein accord avec Votre Sainteté, est aujourd’hui celui de com41 ment faire parvenir l’annonce de l’amour miséricordieux de Dieu à l’homme de notre temps, si souvent distrait, plus ou moins incapable d’une réflexion profonde sur le sens-même de son existence, pris comme tel à partir de projets et d’utopies qui ne peuvent que le laisser déçu. L’Église n’a d’autre message que « l’Évangile de Dieu » (Rm 1, 1) et n’a d’autre méthode que l’annonce apostolique, soutenue et garantie par le témoignage de sainteté de la vie des pasteurs et du peuple de Dieu. Le Seigneur Jésus nous a dit que « la moisson est abondante » (Lc 10, 2) et nous ne pouvons accepter qu’elle soit perdue à cause de nos faiblesses et de nos divisions. Sainteté, dans la Divine liturgie qu’aujourd’hui vous avez célébrée en l’honneur de saint André, patron du Patriarcat œcuménique, vous avez prié « pour la paix dans le monde entier, pour la prospérité des saintes Églises de Dieu et pour l’union de tous ». Avec tous les frères et sœurs catholiques, je m’unis à votre prière. La pleine communion, à laquelle nous aspirons, est un don qui vient de Dieu. À Lui, « dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà, de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir » (Ep 3, 20), nous Lui adressons avec confiance notre demande, par l’intercession de saint André et de saint Pierre, son frère. Dans ces sentiments de sincère affection dans le Christ Seigneur, je renouvelle mes souhaits chaleureux, et échange avec Votre Sainteté une accolade fraternelle. Du Vatican, le 23 novembre 2012. BENEDICTUS PP XVI ORF, 06.12.2012 Allocution du Patriarche œcuménique Bartholomaios Phanar, 30 novembre 2012 Éminence, frère en Christ, Monsieur le Cardinal Kurth Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, et vous les autres membres de la délégation de notre bien-aimé frère, Sa Sainteté le Pape de Rome Benoît XVI, Nous vous remercions du fond du cœur, vous et Sa Sainteté le Pape de Rome qui vous a envoyés, de l’amour de l’Église vénérable de l’Ancienne Rome envers notre très sainte Église de la Nouvelle Rome. Cet amour se manifeste par votre participation à notre joie à l’occasion de la fête patronale du Patriarcat œcuménique, comme nous le faisons lors de la fête patronale de l’Église de Rome. Frères, nous sommes encore émus de notre récente rencontre avec notre frère le Pape de Rome en Son siège lors de la célébration du cinquantième anniversaire de la convocation du Concile Vatican II qui a vraiment tracé un nouveau chemin vers l’unité des Églises. En communiant par 42 la pensée aujourd’hui avec le très-saint Frère, nous Le remercions encore de l’honneur dont il nous a gratifié, et particulièrement de l’échange fraternel de points de vue et de réflexions sur la progression vers l’unité. L’unicité des fondateurs de nos Églises, de l’ancienne et de la nouvelle Rome, les saints apôtres Pierre et André, en tant que frères du même sang, constitue un encouragement pour nos deux Églises à vivre vraiment la fraternité spirituelle et à rétablir la communion dans le même esprit, dans la vérité et l’amour. Malheureusement, au cours des siècles, cette fraternité a été fortement affectée, ce qui a eu pour résultat de rompre l’unité spirituelle de nos Églises. Des siècles durant, des théologiens, mais aussi des ecclésiastiques des deux Églises ont gaspillé leurs forces non pas dans le cadre du dialogue, mais pour exposer et défendre isolément leurs propres thèses, sans tenir compte des paroles de saint Chrysostome : « J’ai parlé, me répondez-vous, et je n’ai pas été écouté. Eh bien ! Parlez de nouveau, et parlez encore, jusqu’à ce que vous ayez gagné votre frère. Chaque jour Dieu nous parle, et quoique nous ne l’écoutions pas toujours, il ne cesse point de nous faire entendre sa voix. Imitez donc à l’égard de vos frères cette paternelle Providence ».1 D’expérience, on voit déjà que l’idée a mûri dans les cœurs des deux parties, à savoir qu’il faut dorénavant diriger différemment nos efforts. Autrement dit, il faut déployer nos forces spirituelles non pas en cherchant des excuses à l’appui des thèses que nous avons défendues dans le passé pour justifier le schisme, mais en fournissant un effort sincère pour trouver des arguments confirmant l’erreur de la tendance à la division et en cherchant des moyens de rapprochement et, plus encore, de plein rétablissement de l’unité des Églises. Le meilleur moyen pour examiner cette question est de continuer à cultiver les relations et les dialogues interecclésiaux, surtout celui qui, commencé en tant que dialogue de charité, a évolué en dialogue théologique substantiel entre nos deux Églises, orthodoxe et catholique romaine. Le contact personnel des membres et spécialement des responsables des Églises conduit souvent à la constatation que les personnes sont de bonne volonté, et que la connaissance profonde et objective des questions ayant provoqué la rupture suffit pour dissiper des craintes, des suspicions, des méfiances et des conflits du passé. Aujourd’hui, les membres de nos Églises, les responsables surtout, sont pour la plupart inspirés par une bonne volonté pour lever les obstacles hérités et obtenir l’unité tant désirée dans la foi qui a pour corollaire la communion eucharistique à laquelle nous aspirons tous. Malencontreusement, les progrès et la conversion des âmes en ce sens sont lents, à cause de notre faiblesse humaine à obéir à la Volonté de Dieu, et à surmonter des thèses, des prises de positions et des « théologies », défendues encore récemment, et que plusieurs personnes au sein de nos deux Églises mettent encore en avant, comme le démontre aussi 1 Jean Chrysostome, Homélies sur les Statues, XVI, 6, PG 49, 171-172. la progression de notre dialogue théologique engagé depuis trente-deux ans. Par conséquent, nous devons accélérer ces progrès, en renforçant autant que possible ce dialogue de la vérité pour que, à travers de fréquents échanges à différents niveaux, nous puissions promouvoir la connaissance, faciliter la compréhension mutuelle et « accéder à la vérité tout entière »2 qui l’emporte sur tout. Et « nous ne placerons rien dans notre estime au-dessus de la vérité et de notre sécurité »,3 selon Basile le Grand de Cappadoce. Cette connaissance a conduit à un accord progressif sur des points particuliers, un accord qui dans le décompte des désaccords et des accords, ne cessera d’accoître la somme des accords jusqu’à ce que tous les désaccords soient dissipés. C’est alors que tous ensemble, unis dans la foi et l’amour, nous rendrons gloire au Christ Sauveur qui nous aura donné le repos en nous faisant passer par le feu et par l’eau. Votre visite ici aujourd’hui, frères aimés dans le Seigneur, pour participer à notre joie pour la fête de la très sainte Église de Constantinople, à l’occasion de la mémoire du saint apôtre André, disciple de Jean le Précurseur et Baptiste et, ensuite, de notre Seigneur Jésus Christ, contribue substantiellement à ranimer l’intérêt pour le progrès du dialogue entre nos Églises. Même quand nos délégués au dialogue ne parviennent pas à consentir à certaines conclusions communes, l’utilité de cet échec, qui n’est qu’apparent en l’occurrence, continue d’être grande, car le constat du désaccord nous pousse à chercher l’accord. La quête d’un but est le fondement pour atteindre le but recherché. Le désaccord sur une question nous mène à reprendre la discussion dans l’intention commune de ne pas échouer de nouveau. Tant que la bonne volonté existe, la Grâce de Dieu, qui surveille tout, récompensera les interlocuteurs de bonne foi par l’inspiration du Saint-Esprit pour agréer ensemble la conclusion appropriée, puisque, selon notre prédécesseur saint Grégoire le Théologien « ce n’est mauvais d’être vaincu dans le dialogue, car le dialogue n’est pas l’apanage de tout le monde ».4 Selon la vérité narrée dans l’Évangile de saint Jean – étant donné que la parole de Dieu est vérité5 – l’apôtre André annonce joyeusement à son frère, le saint apôtre Pierre : « Nous avons trouvé le Messie ! » et l’amène à Jésus. Or, c’est un frère qui amène un frère au Seigneur. En l’occurrence, cela n’a pas d’importance pour notre temps de savoir qui des deux frères a amené l’autre à Jésus. Nous devons tous deux, le successeur de l’apôtre Pierre et celui de l’apôtre André, témoigner chacun à son frère que « nous avons trouvé le Messie » et guider chacun les pas de l’autre vers Lui. Car c’est Lui le Chemin et la Vérité et la Vie.6 C’est Lui qui, ne cessant de faire invisiblement route avec nous vers Emmaüs ou la « Galilée » de chacun Jn 16,13. Basile de Césarée, Lettre CCXLV, À Théophile évêque, PG 32, 925 -C. 4 Grégoire de Nazianze, In laudem Heronis philosophi, 18, PG 35,1224B. 5 Cf. Jn 17, 17. 2 de nous, est la Résurrection et le Salut du monde. C’est Lui aussi l’Espoir de l’humanité pour qu’elle sorte de toutes les crises morale et économique qui tourmentent notre époque. Or, par notre exemple, nous devons tous deux, notre frère le Pape de Rome et notre humble personne, ainsi que nos Églises et tous les chefs religieux, indiquer au monde qui détient la richesse de se rappeler la miséricorde et la charité envers les nécessiteux, sinon c'est la cohésion sociale qui, une fois ébranlée, apportera de terribles calamités aux justes et aux injustes. Cette année touche à sa fin. Avec des prévisions terribles et nullement positives pour l’humanité au niveau mondial. Cette année, nous avons fêté le cinquantième anniversaire du Concile Vatican II qui a ouvert de nouveaux chemins. En l’an de grâce 2013, nous fêterons le 1700e anniversaire de l’édit de Milan promulgué par l’empereur Romain, saint Constantin le Grand, proclamant la liberté de foi des chrétiens, la liberté religieuse en général. Cette liberté, que le Christ a annoncée et dans laquelle il nous a libérés,7 nous devons la préserver et la renforcer. Et c’est ce que nos deux Églises ensemble font en actes et en paroles. Votre Église catholique romaine a fêté le 50e anniversaire de l’inauguration du concile Vatican II. Notre sainte Église orthodoxe a la joie d’annoncer que la préparation de son saint et grand concile est presque achevée. Le concile sera prochainement réuni et se prononcera, entre autres, sur la question des dialogues de l’orthodoxie avec les autres Églises et prendra les décisions appropriées, en unité et en vérité, pour promouvoir la marche vers « l’unité de la foi » dans la communion du Saint-Esprit, dans la certitude que « pour les amants de la vérité, rien n’est préférable à Dieu et à l’espoir en Dieu ».8 Forts de cette conviction, et « oubliant le chemin parcouru, élançons-nous vers le but ».9 Les yeux fixés sur la Vérité, le Seigneur par qui tant a été créé, marchons vers la fin des temps, nous référant à Celui qui peut faire infiniment plus que ce que nous pouvons demander ou imaginer : « L’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le commencement et la fin ».10 Nous sommes convaincus que la Volonté divine nous conduira « à la vérité tout entière », pour que nous « soyons un », nous qui croyons en Lui, non seulement en forme et en paroles, mais aussi en substance et en actes. Au cours de cette marche historique commune dans laquelle il nous incombe de nous engager en quête de l’unité entre nous, nous devons en même temps démontrer, surtout aujourd’hui, cette vérité, dans la façon dont nous faisans face à la misère de nos semblables qui sont dans le dénuement, spirituel surtout, mais matériel aussi. C’est certainement ce qui est le plus facile à faire et susceptible d’application immédiate. Or, nous sommes appelés, nous chefs spirituels et ecclésiastiques, à nous ap- 3 Cf. Jn 14, 6. 6 Cf. Ga 5,1. Basile de Césarée, Lettre CLI, À Eustathe, grand médecin, PG 32, 608B. 9 Cf. Ph 3,14. 10 Cf. Ap 22, 13. 7 8 43 procher d’eux comme le bon Samaritain, et à « panser leurs plaies, en y versant de l’huile et du vin ».11 Nous démontrerons ainsi que nous avons les yeux fixés sur l’« être humain » et que notre semblable « a pour homme » l’Église, étant donné que pour cet homme et pour le monde notre Sauveur « s’est incarné et s’est revêtu de la chair (...)» et « toute chose Lui est soumise, toute chose Lui obéit, Il peut faire ce qu’il veut ». Lui seul dira quand viendra le temps : « Prends ton grabat, je t’ordonne de marcher ! »12 Et c’est alors que nous paraîtrons « jusqu’aux extrémités de la terre », en prêchant ensemble Sa puissance et Sa grande miséricorde, Lui, le Seigneur des puissances et de la gloire. Cf. Lc 10, 31 et 34. Cf. Dimanche du Paralytique, Grandes vêpres, Litie, Gloire au Père, ton 5, Pentecostaire, Diaconie Apostolique, Parme 1994, p. 149. 11 12 44 Animés par ces pensées et ces sentiments fraternels, nous vous souhaitons la bienvenue, Monsieur le Cardinal et Éminent frère, ainsi qu’aux honorables personnes qui vous accompagnent. Nous remercions encore une fois chaleureusement Sa Sainteté notre frère l’Évêque de l’Ancienne Rome qui vous a envoyés pour participer à la joie et à la solennité de notre fête patronale, en souhaitant la Grâce et la Bénédiction du Dieu miséricordieux sur nos deux Églises et sur le monde éprouvé, par l’intercession de la Très-sainte Mère de Dieu, du saint que nous fêtons aujourd’hui, l’apôtre André le premier-appelé, frère de l’apôtre Pierre, et de tous les saints. Amen. Traduction Patriarcat œcuménique NOUVELLES ŒCUMÉNIQUES In memoriam Sa Sainteté Abuna Paulos Patriarche de l’Église orthodoxe Tewahedo éthiopienne Sa Sainteté Abuna Paulos, Patriarche de l’Église orthodoxe éthiopienne, est décédée le 16 août 2012, à l’âge de 76 ans. Ayant appris cette nouvelle, le Saint-Père a adressé par l’intermédiaire de l’Archevêque George Panikulam, Nonce apostolique en Éthiopie, un télégramme de condoléances que nous publions ci-dessous. J’ai appris avec tristesse le décès de Sa Sainteté Abuna Paulos, patriarche de l’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo, et je désire présenter mes sincères condoléances aux membres du Saint-synode, au clergé, aux religieux et aux fidèles du patriarcat. Je me souviens encore avec plaisir de ses visites au Vatican, en particulier de son discours au cours de la deuxième assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques, le 6 octobre 2009, ainsi que les importantes observations qu’il fit à cette occasion. Je lui suis également reconnaissant pour son ferme engagement en vue de promouvoir une plus grande unité à travers le dialogue et la coopération entre l’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo et l’Église catholique. Au moment où le patriarcat déplore la mort de Sa Sainteté, je vous assure de mes prières pour le repos de son âme et pour tous ceux qui le pleurent. BENEDICTUS PP. XVI ORF, 23.08.2012 Sa Béatitude Torkom Manougian, Patriarche orthodoxe arménien de Jérusalem Sa Béatitude Torkom II Manougian, Patriarche orthodoxe arménien de Jérusalem, s’est éteinte le 12 octobre 2012 à l’âge de 93 ans, dans l’infirmerie du monastère franciscain où elle était hospitalisée depuis le mois de mars. En cette circonstance, le Pape Benoît XVI a adressé à Mgr Nourhan Manougian, Vicaire patriarcal, un message de condoléances signé par le Cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’État. Nous reproduisons, ci-dessous, le texte de ce télégramme ainsi que la lettre du Cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, adressée au Vicaire patriarcal le 24 octobre 2012. le clergé et les fidèles du Patriarcat arménien, et de vous assurer qu’il vous est proche dans la prière en la triste circonstance du décès de Sa Béatitude le Patriarche Torkom Manougian. Je me remémore avec une gratitude particulière son amitié avec l’Église catholique et son engagement dans la cause de l’unité des chrétiens. Au Seigneur ressuscité qui nous a été proclamé et que nous avons reçu dans la foi, auquel nous restons attachés et par lequel nous serons sauvés (cf. 1 Co 15,1-2), le Pape Benoît XVI confie dans la prière l’âme noble du Patriarche Manougian. Lettre du Cardinal Kurt Koch Votre Grâce, C’est avec grande tristesse que j’ai appris le décès de Sa Béatitude le Patriarche Torkom Manougian. En mon nom personnel et en celui du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, j’assure de notre plus profonde compassion et de notre proximité dans la prière l’ensemble du clergé et des fidèles du Patriarcat arménien qui viennent de perdre leur berger. Nous rendons grâce au Seigneur pour les nombreux dons faits à Son Église à travers le ministère pastoral de Sa Béatitude qui a servi l’Église en tant que Patriarche pendant de si nombreuses années. Je me souviens tout particulièrement avec gratitude de son engagement dans la cause de l’unité chrétienne et des relations fraternelles qu’il entretenait avec l’Église catholique. Nous contemplons la gloire de Jésus Christ dont la victoire sur la mort est notre rédemption. Que l’amour consolateur de Dieu vous réconforte. C’est le Seigneur ressuscité qui nous a été proclamé, que nous avons reçu dans la foi, auquel nous restons attachés et par lequel nous serons sauvés (cf. 1 Co 15,1-2). Que Votre Grâce veuille bien agréer l’expression de notre communion fraternelle et de notre solidarité dans la prière. Cardinal Kurt Koch Président CPPUC Télégramme du Cardinal Bertone Sa Sainteté le Pape Benoît XVI me demande de transmettre ses sincères condoléances à Votre Grâce, 45 Sa Sainteté Maxime Métropolite de Sofia et Patriarche orthodoxe bulgare Maxime Le Patriarche Maxime de Sofia, Patriarche de l’Église orthodoxe de Bulgarie pendant plus de quarante ans, est décédé à l’âge de 98 ans suite à une crise cardiaque. À l’annonce de sa mort, le Pape Benoît XVI a adressé le message de condoléances ci-dessous. C’est avec profonde affliction que je viens d’apprendre la nouvelle de la disparition de notre frère bien-aimé dans le Christ, Sa Sainteté Maxime, Métropolite de Sofia et Patriarche de Bulgarie qui, pendant de longues annés, a servi avec dévouement le Seigneur et son peuple. Au nom de l’Église catholique, je désire vous assurer, ainsi que l’ensemble des évêques, des prêtres et des fidèles de l’Église orthodoxe de Bulgarie, que je m’associe à votre douleur dans la prière. Que le Seigneur, qui est bon et miséricordieux, accueille en sa demeure céleste notre frère bien-aimé Maxime. Puisse-t-il lui accorder la paix et la mémoire éternelle! En prenant part à la douleur de l’Église orthodoxe de Bulgarie, je rends grâce à Dieu pour tous les bienfaits du défunt Patriarche pour son Église et le peuple de son pays. Tout particulièrement, je me souviens de l’accueil cordial qui fut réservé au Bienhereux Pape Jean-Paul II au cours de son voyage en Bulgarie, au mois de mai de l’année 2002. Je remercie le Seigneur pour les bonnes relations que le Patriarche avait développées avec l’Église catholique en ces terres et je forme le vœu que ces bons rapports puissent se poursuivre pour la proclamation de l’Évangile. En vous redisant toute ma sympathie et en vous assurant de mon souvenir et de ma prière, je vous prie d’agréer, Éminence, l’expression de mes sincères salutations en Christ. BENEDICTUS PP. XVI ORF, 08.11.2012 Sa Béatitude Ignace Hazim IV Patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient Sa Béatitude Ignace Hazime IV, Patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, est décédée le 5 décembre 2012 à l’âge de 92 ans. Apprenant cette triste nouvelle, Sa Sainteté Benoît XVI a adressé la lettre de condoléances ci-dessous à Son Éminence Spyridon, Métropolite de Heliopolis. Éminence, Je viens d’apprendre avec tristesse que le Seigneur a rappelé à lui Sa Béatitude Ignace IV Hazim, Patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient. Je vous adresse ainsi qu’au Saint-Synode et à l’ensemble des membres de l’Église, mes plus sincères condoléances et vous assure de mon union dans la prière avec tous ceux qui pleurent leur père et pasteur. 46 Au cours de sa longue vie au service de l’Évangile, le défunt Patriarche a offert un témoignage lumineux de foi et de charité en œuvrant avec dévouement pour l’élévation spirituelle du troupeau qui lui avait été confié et pour la grande cause de la réconciliation et de la paix entre les hommes. Je rends grâce au Seigneur pour la contribution positive et efficace que le Patriarche Ignace a apportée au processus de rapprochement entre nos deux Églises. Que son souvenir nous invite également à poursuivre le chemin du dialogue et de la recherche de la pleine communion en Christ ! Je vous assure de ma prière pour les fidèles affligés de votre Église et pour la paix dans la Région, et en vous redisant toute ma sympathie, je vous prie d’agréer, Éminence, l’expression de mes sincères salutations en Christ. Du Vatican, le 6 décembre 2012. BENEDICTUS PP. XVI http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/ index_fr.htm Site consulté le 26.03.2013 * * * Élection de Sa Sainteté Tawadros II Nouveau Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de Saint-Marc Lors de l’élection de Sa Sainteté Anba Tawadros II, le 4 novembre 2012, comme nouveau Patriarche de l’Église copte orthodoxe, le Pape Benoît XVI lui a adressé le télégramme suivant : J’ai été heureux d’apprendre votre élection comme Pape d’Alexandrie et patriarche du siège de saint Marc, et je suis heureux de vous transmettre, ainsi qu’au clergé et aux fidèles de l’Église orthodoxe copte, mes meilleurs vœux et ma solidarité dans la prière, en demandant au Seigneur de combler de bénédictions le vénéré ministère que vous vous apprêtez à commencer. Je suis certain que, comme votre prédécesseur de noble mémoire, le Pape Shenouda III, vous serez un père spirituel authentique pour votre peuple et un partenaire efficace avec tous vos concitoyens pour édifier la nouvelle Égypte dans la paix et l’harmonie, au service du bien commun et du bien de tout le MoyenOrient. En ces temps difficiles, il est important que tous les chrétiens apportent le témoignage de l’amour et de la fraternité qui les unit, se rappelant la prière offerte par notre Seigneur lors de la Cène: afin que tous soient un, pour que le monde croie (cf. Jn 17, 21). Je rends grâce au Tout-Puissant pour les progrès importants qui ont été accomplis, sous la direction de votre éminent prédécesseur, dans les relations entre l’Église orthodoxe copte et l’Église catholique, et je forme des vœux et des prières sincères afin que notre amitié et notre dialogue constants, guidés par l’Esprit Saint, portent des fruits à travers une solidarité toujours plus étroite et une réconciliation durable. Puisse notre Père céleste vous combler de paix et de force pour la noble tâche qui vous attend. BENEDICTUS PP. XVI ORF, 08.11.2012 Intronisation de Sa Sainteté Tawadros II 18 novembre 2012 La cérémonie d’intronisation du Patriarche Tawadros II a eu lieu en la cathédrale Saint-Marc, au Caire, dans la matinée du 18 novembre 2012. Sa Sainteté Tawadros II est le 118e patriarche de l’Église copte orthodoxe et a été élue le 4 novembre, un peu moins de neuf mois après le décès de son prédécesseur, le Pape Shenouda III, le 17 mars 2012. Le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, était présent lors de la cérémonie et a remis au Patriarche une lettre du Pape Benoît XVI. Nous en publions ci-dessous la traduction française. dément souhaités par le Seigneur (cf. Jn 17, 21). Sainteté, je prie pour que le Saint-Esprit soutienne votre ministère, afin que le troupeau confié à vos soins puisse connaître l’enseignement du Bon Pasteur. Puissent-ils être bénis par la sérénité pour offrir leur précieuse contribution au bien de la société et au bien-être de tous leurs concitoyens. Je prie aussi pour que les relations entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe copte continuent de croître dans la proximité, non seulement dans un esprit fraternel de collaboration, mais aussi à travers un approfondissement du dialogue théologique qui nous permettra de grandir dans la communion et de rendre témoignage devant le monde de la vérité salvifique de l’Évangile. Conscient des grands défis qui accompagnent le ministère spirituel et pastoral que Votre Sainteté va bientôt entreprendre, je vous assure de mes prières et de mes meilleurs vœux personnels. Avec estime et affection fraternelles, j’implore les bénédictions de Dieu sur votre personne et sur les fidèles qui sont confiés à vos soins. Du Vatican, le 14 novembre 2012 BENEDICTUS PP. XVI ORF, 08.11.2012 À Sa Sainteté Tawadros II, Pape d’Alexandrie Patriarche du Siège de Saint-Marc « À vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ » (Ga 1, 3) C’est avec une joie fraternelle que j’envoie mes salutations à Votre Sainteté en l’heureuse occasion de votre intronisation en tant que Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de Saint-Marc. J’ai confié à mon vénérable frère le Cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, la tâche de vous transmettre ces salutations, ainsi que l’assurance de ma proximité dans la prière au moment où vous assumez la noble charge de premier pasteur de l’Église copte orthodoxe. Puisse le Tout-Puissant accorder à Votre Sainteté d’abondants dons spirituels pour vous renforcer dans ce nouveau ministère, tandis que vous guidez le clergé et les laïcs sur les voies de la sainteté, pour le bien de votre peuple ainsi que pour la paix et l’harmonie de l’ensemble de la société. Mes pensées se tournent à présent vers votre vénérable prédécesseur, Sa Sainteté le Pape Shenouda III, dont le service long et dévoué au Seigneur continuera assurément de vous inspirer ainsi que tous les fidèles. Son désir d’approfondir les relations avec les autres Églises chrétiennes renforce notre espérance qu’un jour tous les disciples du Christ se retrouveront unis dans l’amour et la réconciliation qui sont si profon- Élection de Sa Béatitude Youhanna X Nouveau Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient 17 décembre 2012 Le 17 décembre 2012, le Saint-Synode de l’Église d’Antioche s’est réuni en assemblée extraordinaire pour nommer le successeur de feu le Patriarche Ignace IV et a élu Sa Béatitude Youhanna X(Yazigi) nouveau Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient. La cérémonie d’intronisation s’est tenue le 10 février 2013 à Damas, en Syrie. Le 17 février 2013, Sa Béatitude Youhanna X a présidé une divine liturgie à Beyrouth, dans la cathédrale Saint-Nicolas, à laquelle a pris part une délégation du Saint-Siège qui a remis au nouveau Patriarche un message personnel et un présent de la part du Pape Benoît XVI pour marquer cet important événement. La délégation comprenait le Cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Mgr Andrea Palmieri, sous-secrétaire de ce même dicastère, et l’Archevêque Gabriele Caccia, Nonce apostolique au Liban. Nous publions, ci-après, le texte du message du Saint-Père. 47 À Sa Béatitude Youhanna X Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient À l’occasion de votre élection comme Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, j’adresse avec une joie toute particulière à Votre Béatitude mes salutations fraternelles dans l’amour du Christ. Je tiens à vous assurer de ma sympathie spirituelle et de ma prière afin que le Père céleste vous accorde les dons abondants de l’Esprit Saint et vous permette de guider dans l’amour et la paix le troupeau qui vous est aujourd’hui confié. Vous êtes à présent le successeur de notre frère bien-aimé et de vénérée mémoire, Sa Béatitude Ignace IV, qui a laissé aux fidèles du Patriarcat gréco-orthodoxe d’Antioche un riche et durable héritage de renouvellement spirituel et ecclésial dans la continuité de la tradition vivante reçue des Apôtres. Pendant toutes les années de son long ministère qui ont été marquées par de profondes mutations dans la situation au MoyenOrient, le Patriarche Ignace IV s’est distingué par son engagement en faveur du maintien de la paix et par sa contribution à l’amélioration des relations entre tous les chrétiens de la région et entre nos Églises. Je suis convaincu que Votre Béatitude, sur les pas de son prédécesseur de vénérée mémoire, poursuivra cet effort en faveur de l’unité des disciples du Christ. En ces temps d’instabilité et enclins à la violence que connaît le Moyen-Orient, il est toujours plus urgent que les disciples du Christ offrent un témoignage authentique de leur unité, afin que le monde croie au message d’amour, de paix et de réconciliation de l’Évangile. Aussi avons-nous la responsabilité de poursuivre ensemble notre chemin pour manifester de manière encore plus visible la réalité spirituelle de la communion, bien qu’encore incomplète, qui déjà nous unit. Je souhaite donc de tout cœur que sous votre conduite paternelle, les relations entre le Patriarcat gréco-orthodoxe et l’Église catholique se développent ultérieurement à travers différentes formes de collaboration fructueuse et la poursuite de notre engagement à résoudre les questions qui encore nous divisent, grâce à la participation active et constructive aux travaux de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe dans son ensemble. Béatitude, soyez assurée de nouveau de mes prières et de mes vœux les plus fervents pour votre personne et votre ministère. Que Dieu Tout-puissant vous bénisse dans son amour et vous soutienne dans votre tâche en vous accordant toutes les grâces et bénédictions du Ciel. Enfin, gardant à l’esprit les souffrances qu’endurent les peuples du Moyen-Orient, en tant que votre frère dans la foi je m’unis à votre prière en invoquant notre Seigneur Jésus Christ, « le Prince de la Paix » (Es 9,5), qui lors de sa première venue parmi les hommes, a choisi de naître précisément dans cette région, afin d’apporter la consolation à tous ceux qui sont victimes de la violence et d’inspirer à chacun des gestes de paix. 48 Dans ces sentiments de profonde espérance, j’échange avec Votre Béatitude une fraternelle accolade dans le Seigneur. Du Vatican, le 25 décembre 2012 BENEDICTUS PP. XVI Élection de Sa Béatitude Nourhan Manougian Nouveau patriarche arménien de Jérusalem 24 janvier 2013 Le 24 janvier 2013, Sa Béatitude Nourhan Manougian a été élue nouveau Patriarche arménien de Jérusalem, succédant ainsi à Sa Béatitude Torkom II Manougian, décédée le 12 octobre 2012. Immédiatement après cette élection, le Pape Benoît XVI a adressé au nouveau Patriarche un télégramme de félicitations que nous publions, ci-dessous, avec la lettre que le Cardinal Kurt Koch lui a également fait parvenir en cette circonstance. Télégramme du Pape Benoît XVI Béatitude, C’est avec plaisir que j’ai appris que vous avez été élue Patriarche arménien de Jérusalem. En cette circonstance, je vous présente ainsi qu’à l’ensemble du clergé et des fidèles du Patriarcat arménien mes vœux les plus sincères et demande à l’Esprit Saint qu’il comble votre ministère d’abondantes bénédictions. Puissiez-vous, Béatitude, être un pasteur véritable pour votre peuple et un bâtisseur infatigable de paix et d’harmonie, au service du bien commun et de celui de la Terre Sainte et de tout le Moyen-Orient. Je souhaite et prie afin que les relations cordiales existant déjà entre l’Église catholique et l’Église apostolique arménienne à Jérusalem puissent s’intensifier et s’approfondir. En demandant à Dieu de bénir votre personne et tous ceux qui sont confiés à vos soins, je vous offre une fraternelle accolade en Jésus Christ, notre Seigneur. BENEDICTUS PP. XVI Traduction de l’anglais SI Lettre du Cardinal Kurt Koch 31 janvier 2013 Béatitude, J’ai appris avec joie la nouvelle de votre élection comme Patriarche arménien de Jérusalem et ai le plaisir d’offrir mes vœux les meilleurs à Votre Béatitude ainsi qu’au clergé et aux fidèles du Patriarcat arménien en vous assurant de ma proximité dans la prière au Seigneur pour qu’il vous bénisse abondamment et vous soutienne en vous comblant de tous les dons spirituels nécessaires à l’exercice de votre ministère. Votre Béatitude a été appelée à être un guide pour les chrétiens de Terre Sainte et du Moyen-Orient en un temps de grandes difficultés. Je prie afin que l’Esprit Saint vous guide dans vos intuitions et votre discernement dans la conscience qu’il est important pour tous les chrétiens de témoigner de l’amour et de la fraternité qui les unit, gardant à l’esprit la prière que nous a laissée le Seigneur durant la Sainte Cène : Que tous soient un, afin que le monde croie (cf. Jn 17,21). En me remémorant la visite de Votre Béatitude à Rome en 2008 avec Sa Sainteté Karékine II, Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, je désire exprimer ma solidarité avec les communautés chrétiennes du Moyen-Orient et en particulier de Terre Sainte. Je prie afin que puissent être développées des formes efficaces de témoignage commun ainsi que des relations toujours plus fraternelles entre l’Église catholique et l’Église apostolique arménienne de Jérusalem. Que notre Père qui est aux cieux vous comble de sa paix et vous affermisse dans la noble tâche qui vous attend. Cardinal Kurt Koch Président Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens Sa Sainteté Néophyte Nouveau Patriarche de Bulgarie 24 février 2013 L’élection de Sa Sainteté Néophyte ayant eu lieu après la renonciation du Pape Benoît XVI, le 11 février 2013, aucune lettre de félicitations n’a été adressée par le Saint-Siège au nouveau patriarche. Nous reportons ci-dessous un bref compte-rendu de cet événement. Dimanche 24 février 2013, le Métropolite Néophyte de Roussé a été élu nouveau chef spirituel de l’Église orthodoxe de Bulgarie par le Saint-Synode, l’emportant ainsi sur les deux autres candidats, les Métropolites Galaktion et Gavriil. La cérémonie d’intronisation de Sa Sainteté Néophyte, âgé de 67 ans, s’est tenue à Sofia dans la cathédrale Saint-Alexandre Nevski en présence des anciens de l’Église, de fonctionnaires de l’État, de représentants d’autres groupes religieux et d’une foule de fidèles. Le nouveau patriarche a invité à prier avec lui pour l’unité de la nation : « Lourde est la croix que Dieu et notre sainte Église me confient aujourd’hui mais j’ai foi en la parole de Dieu et je prie afin qu’il m’affermisse dans les moments de faiblesse ‘car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort’ ». Le nouveau Patriarche Néophyte était très proche de feu le Patriarche Maxime, décédé le 6 novembre 2012, dont il a rappelé la mémoire en ces termes : « Source d’inspiration sont ces grandes personnalités et patriotes passionnés qui ont fait notre histoire, les patriarches, les saint et les confesseurs qui ont toujours vécu en fils de la lumière. Le Patriarche Maxime, dont vous avez voulu aujourd’hui que je sois le successeur, nous a laissé un sentier lumineux à parcourir et je m’incline en hommage à sa vie et à son œuvre ». * * * Dialogue méthodiste-catholique San Miguel (Buenos Aires, Argentine), 12-19 octobre 2012 La première rencontre de la dixième phase du dialogue méthodiste-catholique s’est tenue du 12 au 19 octobre 2012 à la Casa Espiritualidad Maria Auxiliadora, à San Miguel, Buenos Aires (Argentine). Cette nouvelle phase ayant pour thème « L’appel commun à la sainteté » se propose d’étudier notre appel commun à la sainteté et notre engagement commun en ce sens en vérifiant dans quelle mesure la pratique et la doctrine méthodistes et catholiques convergent sur ce sujet. Après un examen attentif de documents de travail portant sur les moyens permettant de reconnaître la sainteté, sur les traditions de sainteté, la vie sainte et la communion des saints, la Commission a constaté que de vastes domaines d’intérêt étaient apparus et que certaines questions nécessitaient un débat plus approfondi. En préparation de la prochaine rencontre, la Commission a requis une recherche ultérieure sur des thèmes tels que le mérite, Marie et les saints, les mouvements de sainteté, la nature et la grâce. Les participants proposeront également leurs réflexions sur des questions clé comme l’anthropologie chrétienne, l’Église en tant qu’instrument de sainteté, l’eschatologie, la sainteté et la justice sociale, tant du point de vue méthodiste que catholique. Les membres de la Commission se sont rendus à Buenos Aires pour y rencontrer des responsables œcuméniques locaux. Ils ont aussi pris part à une célébration œcuménique organisée à l’église méthodiste La Boca et visité la cathédrale catholique et la First Methodist Church. Le niveau du travail réalisé au sein de la Commission et les bonnes relations œcuméniques constatées localement à Buenos Aires ont été extrêmement satisfaisants. Les membres de la Commission sont originaires de différents pays et sont l’expression d’un vaste éventail d’expériences et de contextes culturels. La prière a soutenu notre travail. Chaque matin en effet, les sessions ont commencé par une célébration de prière commune. Cette dixième phase de dialogue a donc bien débuté, les débats ont été francs et fructueux et se sont déroulés dans une atmosphère respectueuse et amicale. Nous espérons que les discussions de la Commission sur notre appel commun à la Sainteté intéresseront un vaste public méthodiste et catholique, tant dans le domaine pastoral qu’universitaire. La prochaine réunion de la Commission se tiendra en 2013 à Atlanta (Géorgie, USA). 49 Membres de la Commission : Catholiques Évêque Michael Putney (coprésident) Sr Dr Lorelei Fuchs, SA Mgr Dr Gerard McCarren Évêque Joseph Osei-Bonsu Évêque John Sherrington Dr Clare Watkins Rév. Dr Jorge Scampini, OP Mgr Mark Langham (cosecrétaire) Méthodistes Rév. Dr David Chapman (coprésident) Rév. Dr Young-Ho Chun Rév. Dr Edgardo Colon-Emeric Rév. Pr James Haire Rév. Dr Trevor Hoggard Évêque Dr Chikwendu Igwe Rév. Dr R. F. Leao Neto Rév. Dr Karen Westerfield Tucker (cosecrétaire) Dialogue international entre l’Église catholique ro- maine et l’Église vieille-catholique fondamental du ministère de l’évêque de Rome dans la communion des Églises locales et, par conséquent, de la relation entre Église universelle et locale. De même, le consensus de l’Église des premiers siècles selon lequel « i l ne peut y avoir de communion eucharistique sans communion ecclésiale » mérite qu’on lui accorde une plus grande attention – ceci par rapport à l’accord conclu en 1985 entre l’Église vieille-catholique en Allemagne et l’Église évangélique en Allemagne. Enfin, les questions de l’ordination des femmes et des dogmes mariaux devront être traitées de manière plus approfondie. Les participants de l’Église vieille-catholique étaient les suivants : Évêque Dr Matthias Ring (Allemagne), coprésident, Pasteur Dr Wietse van der Velde (Pays-Bas), Pr Dr Günter Esser (Allemagne), Pr Dr Urs von Arx (Suisse), Pr Dr Angela Berlis (Suisse) et Pasteur Martin Eisenbraun (Autriche), cosecrétaire. Les membres de la délégation catholique étaient les suivants : Archevêque Hans-Josef Becker (Allemagne), coprésident, Évêque Dr Hans van der Hende (Pays-Bas), Rév. Hubert Bour (Allemagne), Pr Dr Heinrich Reinhardt (Allemagne), Pr Dr Hans Jörg Urban (Allemagne) et Mgr Dr Matthias Türk (Cité du Vatican), cosecrétaire. Les consultations reprendront durant l’été 2013. Paderborn (Allemagne), 3-6 décembre 2012 La Commission de dialogue internationale entre l’Église catholique et l’Église vieille-catholique (IRAD) s’est réunie du 3 au 6 décembre 2012 à Paderborn pour la première rencontre d’une seconde phase d’entretiens. Les résultats de la première phase de dialogue (2004-2009) entre la Conférence épiscopale vieille-catholique de l’Union d’Utrecht (IBK) et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens ont été publiés en 2009 dans un rapport intitulé « Église et Communion ecclésiale » . La Commission de dialogue y a défini sa compréhension globale de l’Église en tant que communauté d’Églises locales au sein desquelles subsiste l’Église une et dans laquelle se situe le ministère du Pape pour l’unité de l’Église. Elle a confirmé les conclusions des conversations bilatérales précédentes, à savoir que les Églises vieilles-catholiques et l’Église catholique sont unies dans la profession commune des Saintes Écritures et du Credo de Nicée-Constantinople ainsi que par les décisions dogmatiques des Conciles œcuméniques reconnus en Orient et en Occident. Elles ont également en commun le ministère épiscopal sacramentel dans la succession apostolique dans laquelle l’Église se situe ainsi que les sept sacrements. Partant de cette base, la Commission a pris en considération la possibilité que s’instaure une communion ecclésiale entre nos deux Églises. Suite à une plus ample concertation, les partenaires de dialogue se sont accordés sur la nécessité d’une réflexion ultérieure sur le thème 50 Dialogue trilatéral rien-mennonite international catholique-luthé- Rome, 9-13 décembre 2012 La première rencontre de la nouvelle Commission de dialogue international trilatéral catholique-luthérien-mennonite sur la question du baptême s’est tenue à Rome du 9 au 13 décembre 2012. Cette rencontre a eu lieu au siège du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (CPPUC) où les participants ont été chaleureusement accueillis par le Cardinal Kurt Koch et l’Évêque Brian Farrell respectivement président et secrétaire de ce même dicastère. Entre le CPPUC et la Conférence mennonite mondiale (CMM) a déjà eu lieu un cycle de conversations internationales de 1998 à 2003. Les résultats de ce dialogue ont été publiés dans un rapport intitulé « Appelés ensemble à faire œuvre de paix ». La Fédération luthérienne mondiale (FLM) et la CMM s’étaient engagées quant à elles précédemment dans un dialogue d’une durée de quatre ans (20052008) dont les fruits ont été présentés dans un document commun intitulé « Guérir les mémoires : se réconcilier en Christ ». Enfin, le CPPUC et la FLM se rencontrent annuellement dans le cadre du dialogue international qu’ils ont entrepris, il y a onze ans ; la phase actuelle a pour thème « Baptême et croissance dans la communion ». Le thème principal choisi lors de cette rencontre de dialogue trilatéral international est le suivant: « Baptême et incorporation dans le Corps du Christ, l’Église ». Ce nouveau forum trilatéral permettra au dialogue de se pencher sur la théologie et la pratique du baptême dans nos communions respectives. La délégation de la FLM est coprésidée par le Dr Friederike Nüssel (Allemagne). Celle-ci n’a pu être présente à la rencontre de cette année ; elle était représentée par le Dr Turid Karlsen Seim (Italie/Norvège). Les autres membres sont les suivants: Évêque Musawenkosi Biyela (Afrique du Sud), Dr Theodor Dieter (France/Allemagne), Rév. KwongSang Peter Li (Hong-Kong), Rév. Kaisamari Hintikka (Suisse/Finlande), cosecrétaire. La délégation de la CMM est coprésidée par le Dr Alfred Neufeld (Paraguay). Autres membres de la délégation mennonite: Dr Fernando Enns (Allemagne/Pays-Bas), Dr John Rempel (Canada), Rév. Rebecca Osiro (Kenya), Rév. Larry Miller (France), cosecrétaire. Observateur de la CMM : Rév. César García, Secrétaire général de la CMM. La délégation catholique est présidée par l’Archevêque Luis Augusto Castro Quiroga, IMC (Colombie). Autres membres de la délégation catholique : Rév. William Henn, OFM Cap. (Italie/ USA), Rév. Luis Melo, SM (Vatican/Canada), Sr Marie-Hélène Robert, NDA (France) et Rév. Gregory Fairbanks (Vatican/USA), cosecrétaire. De brèves présentations des dialogues précédents sur le sujet du baptême ont été faites par le Dr Fernando Enns pour la CMM, le Rév. William Henn pour le CPPUC et par le Rév. Kaisamari Hintikka pour la FLM. Les principaux documents d’introduction à la Compréhension et à la pratique du baptême avaient été préparés par les Drs Alfred Neufeld et John Rempel pour la CMM, le Rév. Luis Melo pour le CPPUC et le Dr Theodor Dieter pour la FLM. La seconde rencontre de dialogue aura lieu en janvier 2014 et portera sur « Le baptême : grâce de Dieu en Christ et péché humain ». Dans les prochaines années, les thèmes affrontés seront : « Le baptême : communiquer la grâce et la foi » et « Vivre le baptême ». 51 COMMISSION POUR LES RELATIONS RELIGIEUSES AVEC LE JUDAÏSME Vœux Rome du Pape Benoît XVI à la Communauté juive de Pour les fêtes juives de Rosh Ha-Shanah 5773, Yom Kippour et Souccot, Benoît XVI a adressé un télégramme au Grand Rabbin de Rome, M. Riccardo Di Segni. Ci-dessous la traduction française du message du Saint-Père écrit en italien. À l’occasion des grandes célébrations de Rosh Ha-Shanah 5773, de Yom Kippour et de Souccot, je vous adresse ainsi qu’à toute la communauté juive de Rome mes vœux les plus sincères de paix et de bien, en invoquant du Tout-puissant d’abondantes bénédictions pour le Nouvel An et en souhaitant que juifs et chrétiens, forts de leur estime et amitié réciproques croissantes, puissent témoigner dans le monde des valeurs qui jaillissent de l’adoration du Dieu unique. ORE, 26.09.2012, traduction SI Assemblee pleniere de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme Rome, 28-30 octobre 2012 Prolusio du Cardinal Kurt Koch Au Service de l’entente judéo-catholique Chers confrères dans le ministère épiscopal et presbytéral, Chers professeurs, consulteurs et délégués des Conférences épiscopales, Je vous souhaite très cordialement la bienvenue à l’Assemblée plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, et vous remercie de votre présence et de la collaboration que de nouveau vous avez tenu à nous assurer. Les assemblées plénières de notre Commission sont plutôt rares et ne sont pas organisées à un rythme précis, mais sont au contraire toujours convoquées au gré d’occasions et de motifs spéciaux. La première assemblée de ce genre eut lieu en 1982, la seconde à l’occasion du quarantième anniversaire de la promulgation de Nostra aetate 4 en 2005. C’est donc la troisième fois que notre Commission organise une telle rencontre : en tant que nouveau président de cet organisme depuis déjà plus de deux ans, je souhaitais en effet connaître personnellement les consulteurs et délégués des différentes Conférences épiscopales pour le dialogue avec le judaïsme et m’entretenir avec eux. Outre un échange fraternel au sujet de la situation générale du dialogue judéo- catholique au plan mondial, plusieurs thèmes spécifiques sont à aborder car ils revêtent, selon moi, une certaine importance pour un dialogue fructueux 52 avec les « pères de notre foi » comme le Pape Benoît XVI a désigné les juifs. Mais je voudrais commencer mon exposé par un bref regard en arrière sur la Déclaration Nostra aetate 4 puisque celle-ci a, dès le début, fourni l’orientation et la structure de base du dialogue avec les juifs. 1. Nostra aetate (n. 4), une boussole permanente pour le dialogue judéo-catholique Au cours du vaste débat qui a eu lieu au sujet d’un éventuel retour de la fraternité sacerdotale Saint Pie X dans l’Église catholique, on s’interrogea, et pas seulement du côté juif, sur la signification et la valeur de la Déclaration Nostra aetate (n. 4). Les juifs redoutaient que, par cette éventuelle réintégration d’un certain nombre de prêtres et de fidèles potentiellement antijuifs et rejetant Nostra aetate, l’Église catholique eût pu donner une nouvelle orientation au dialogue avec le judaïsme ou du moins que cette Déclaration conciliaire eût pu être relativisée pour l’Église dans son ensemble. Du côté catholique, on a pu parfois entendre dire que le Concile Vatican II aurait opéré, au sujet de ses textes, une distinction entre « Constitutiones, Decreta et Declerationes » et que Nostra aetate appartiendrait précisément aux « Declarationes » qui seraient d’importance moindre et dont le caractère obligatoire pourrait être classé à un niveau inférieur par rapport aux autres types de textes. À l’égard des juifs, le Pape m’a chargé de rétablir la réalité : Nostra aetate n’est absolument pas remise en question pour le Magistère de l’Église, comme lui-même l’a sans cesse exprimé à l’égard du judaïsme dans ses discours, ses écrits ou ses attitudes personnelles ; et un rapprochement de la fraternité sacerdotale Saint Pie X ne signifie en aucune manière que leurs positions soient acceptées ou soutenues. En ce qui concerne les différents genres des textes conciliaires, on peut certes, sur le plan formel, établir une différence ; mais du point de vue du contenu, on ne saurait les séparer les uns des autres ou les opposer ; au contraire, tous les textes - Constitutions, Décrets et Déclarations - doivent être considérés très sérieusement dans leur interdépendance mutuelle.1 Dans la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium 9 et 16 et dans la Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei verbum 14-16, se trouvent par exemple des affirmations théologiques fondamentales qui correspondent à des affirmations reprises dans Nostra aetate 4. Dans cette mesure, Nostra aetate n’apparaît pas parmi les textes conciliaires comme une météorite isolée, qui serait pour ainsi dire tombée du ciel et n’aurait aucun lien avec les autres textes conciliaires. Pour cette 1 Cf. J.-H. Tück, « Die Verbindlichkeit des Konzils. Die Hermeneutik der Reform als Interpretationsschlüssel » dans: idem, Erinnerung an die Zukunft. Das Zweite Vatikanische Konzil (Freiburg i. Br. 2012) 85-104. raison, depuis le début de son pontificat, le Pape Benoît XVI n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il se base sur les fondements du Concile Vatican II et ses textes qu’il faut nécessairement considérer comme un tout. Dans son célèbre discours de Noël à la Curie Romaine en 2005, il a été très clair à ce sujet tout en offrant une réflexion herméneutique adéquate sur les textes conciliaires.2 Aujourd’hui encore, Nostra aetate est considéré comme étant le « document fondamental », la « Magna Charta » du dialogue de l’Église catholique avec le judaïsme. Cette Déclaration s’ouvre par une réflexion sur le mystère et la mission de l’Église dans l’histoire du salut, et rappelle ce lien profond par lequel le Peuple de la Nouvelle Alliance est uni de manière spirituelle à la lignée d’Abraham. Elle affirme avec force que le mépris, la dévalorisation ou le dédain du judaïsme doivent dans tous les cas être évités, et pour cela met explicitement en avant les racines juives du christianisme. Ainsi est rejetée l’accusation à l’emporte-pièce qui a hélas survécu en différents lieux au cours des siècles, selon laquelle les juifs auraient été des « déicides ». Du côté juif, on estime avant tout de manière extrêmement positive le fait que la Déclaration conciliaire prenne clairement position contre toute forme d’antisémitisme. Les juifs peuvent donc être totalement rassurés : l’Église catholique restera pour eux un allié fiable dans la lutte contre l’antisémitisme, lequel, même dans le monde actuel, n’a nullement été vaincu. Ce qui a mené concrètement à la rédaction de Nostra aetate, peut peut-être se résumer en trois points : une réflexion de la conscience chrétienne suite à la tragédie humaine de la Shoah, des études bibliques plus approfondies avant le Concile Vatican II et aussi la fondation de l’État d’Israël en 1948. Dans le contexte chrétien, affronter le drame de la Shoah fut évidemment l’un des motifs principaux qui ont conduit à la rédaction de cette Déclaration conciliaire. Mais les raisons politiques et pragmatiques jouèrent aussi un rôle qui ne fut pas sans conséquence. Depuis la fondation de l’État d’Israël, l’Église catholique en Terre-Sainte se trouve confrontée au fait qu’elle doit déployer une action pastorale à l’intérieur d’un État qui se conçoit comme juif en tout et pour tout. En ce qui concerne les réflexions théologiques qui forment une constante dans la structure fondamentale de Nostra aetate, les études bibliques ayant précédé le Concile ont tenté de resituer plus clairement la figure de Jésus de Nazareth dans le judaïsme de son temps. De cette manière, le Nouveau Testament fut entièrement considéré dans le cadre des traditions juives, et Jésus fut considéré comme un juif de son temps qui se savait soumis à ces traditions. Cette perspective a trouvé une entrée dans la Déclaration conciliaire, lorsque on y affirme, en référence à la lettre aux Romains (9, 5) que, selon 2 Benoît XVI, « Una giusta ermeneutica per leggere e recepire il Concilio come grande forza di rinnovamento della chiesa. Ai Cardinali, agli Arcivescovi, ai Vescovi e ai Prelati della Curia Romana per la presentazione degli auguri natalizi il 22 dicembre 2005 », dans : Insegnamenti di Benedetto XVI I 2005 (Città del Vaticano 2006) 1018-1032. Cf. Papst Benedikt XVI. und sein Schülerkreis - Kurt Kardinal Koch, Das Zweite Vatikanische Konzil Die Hermeneutik der Reform (Augsburg 2012). la chair, Jésus a tiré son origine du peuple d’Israël et que l’Église se souvient que « les Apôtres, fondements et colonnes de l’Église, sont nés du peuple juif, ainsi qu’un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l’Évangile du Christ ».3 C’est pourquoi depuis Nostra aetate, rappeler et mettre en évidence les racines juives de la foi chrétienne appartient au cantus firmus des échanges judéo-chrétiens, ce que le bienheureux Pape Jean-Paul II, lors de sa visite à la synagogue de Rome le 13 avril 1986, a exprimé en termes clairs et marquant : « La religion juive n’est pas pour nous quelque chose d’extrinsèque », au contraire elle appartient, en un certain sens, de manière « intrinsèque » à notre religion. Avec elle, nous avons ainsi des relations comme avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, en quelque sorte, nos frères ainés ».4 Quels que soient les motifs ou les facteurs qui ont conduit à la rédaction de Nostra aetate, cette Déclaration est et demeure la boussole indispensable servant à donner une orientation aux efforts du dialogue judéo-chrétien. On peut donc affirmer avec reconnaissance que cette redéfinition théologique de la relation entre l’Église catholique et le judaïsme a donné de nombreux fruits à travers l’histoire. Il semblerait que les Pères du Concile aient pris en considération, du point de vue du contenu, presque tout ce qui dans la poursuite du dialogue s’est révélé significatif. Si l’on considère la réception des textes conciliaires au cours des ans, on peut affirmer sans crainte que Nostra aetate est à compter parmi ces textes du Concile qui, de manière particulièrement convaincante, ont opéré un changement d’orientation fondamental de l’Église catholique après le Concile. Le principe fondamental du respect envers le judaïsme exprimé dans Nostra aetate, a permis au cours des récentes décennies que les parties en cause qui se considéraient auparavant avec scepticisme deviennent avec le temps des partenaires fiables et même de bons amis capables de surmonter ensemble les crises et de régler positivement des conflits. 2. Benoît XVI et son engagement au dialogue avec les juifs En ce qui concerne le dialogue avec le judaïsme, dès le début de son pontificat le Pape Benoît XVI a mis l’accent sur le fait qu’en suivant la route tracée par ses prédécesseurs, il voulait non seulement promouvoir mais aussi intensifier la relation avec les juifs. Il ne peut y avoir de doute à ce sujet car tous les efforts déployés par le Pape Jean-Paul II en faveur dialogue judéo-catholique étaient déjà justifiés à l’époque, du point de vue théologique, et encouragés par celui qui était alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le Cardinal Joseph Ratzinger. Encore étudiant en théologie, Joseph RatzinNostra aetate, 4. Jean-Paul II, « Ringraziamo il Signore per la ritrovata fratellanza e per la profonda intesa tra la Chiesa e l’Ebraismo. Allocuzione nella Sinagoga durante l’incontro con la Comunità Ebraica della Città di Roma il 13 aprile 1986 », dans : Insegnamenti di Giovanni Paolo II IX, 1, 1986 (Città del Vaticano 1986) 1024-1031, cit. 1027. 3 4 53 ger avait déjà eu l’occasion de se confronter avec la question du judaïsme à travers l’étude de l’Ancien et du Nouveau Testament ; cette approche s’intensifia par la suite grâce aux contacts personnels qu’il entretint avec des juifs, une fois établi à Rome. C’est ainsi qu’il publia des articles « révolutionnaires », si l’on peut dire, sur la relation spécifique entre christianisme et judaïsme dans le concert des religions mondiales.5 Le théologien Ratzinger fonde son opinion sur la conviction que l’Écriture Sainte ne peut vraiment être comprise que comme un seul livre, qu’une « concordia testamentorum » est donc absolument nécessaire pour une juste compréhension de l’annonce du salut. Une de ses principales préoccupations est donc de montrer les liens profonds existant entre des questions contenues dans le Nouveau Testament et le message vétérotestamentaire, afin de mettre en lumière la continuité entre Ancien et Nouveau Testament et la nouveauté que constitue l’annonce néotestamentaire. Comte tenu de ces convictions théologiques, il n’est pas étonnant que le Pape Benoît XVI poursuive et fasse avancer le travail de réconciliation entrepris par son prédécesseur dans le cadre du dialogue judéo-catholique. Non seulement la première lettre qu’il écrivit au début de son Pontificat était adressée au Grand Rabbin de Rome, mais il a assuré également, dès sa première rencontre avec une délégation juive le 9 juin 2005, que l’Église avançait fermement en s’appuyant sur les déclarations fondamentales de Nostra aetate et qu’il voulait continuer le dialogue entrepris par son prédécesseur. Si l’on considère les sept années qui se sont déjà écoulées depuis le début de son Pontificat, force est de constater qu’en si peu de temps il a franchi toutes les étapes qui ont marqué les vingtsept années de celui de Jean-Paul II : le Pape Benoît XVI a visité le 28 mai 2006 l’ancien camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau ; lors de son voyage en Israël en mai 2009, il s’est rendu lui aussi au Mur des Lamentations de Jérusalem ; il a rencontré le Grand Rabbin de Jérusalem et prié pour les victimes de la Shoah à Yad-Vashem ; enfin, le 17 janvier 2010, il a été cordialement accueilli par la communauté juive de Rome à la synagogue. Sa première visite à une synagogue eut lieu dès le 19 août 2005 à Cologne, à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, et le 18 avril 2008, il se rendit à la Park East Synagogue à New-York. On peut donc constater avec satisfaction que jusqu’à présent dans l’histoire, aucun Pape n’a visité autant de Synagogues que Benoît XVI. Toutes ces activités sont imprégnées de son propre style. Alors que le Pape Jean-Paul II avait un excellent sensorium pour les gestes marquants et les images fortes, Benoît XVI s’appuie avant tout sur la force de la parole et des rencontres humbles. En ce sens, le Pape Benoît XVI cherche encore et toujours, avec la force de sa parole et sa profondeur spirituelle, à faire ressortir les multiples facettes de l’héritage spirituel commun au judaïsme et au christianisme, et à conférer une profondeur théologique toujours plus grande aux lignes directrices que nous offre la Déclaration Nostra aetate.6 5 J. Kardinal Ratzinger, Die Vielfalt der Religionen und der Eine Bund (Urfeld 1998). 6 Cf.. A. Buckenmaier / R. Pesch / L. Weimer, Der Jude Jesus von Nazareth. Zum Gespräch zwischen Jacob Neusner und Papst Benedikt XVI. (Paderborn 2008). 54 3. Le dialogue avec 1’« International Jewish Commitee on Interreligious Consultations » (IJCIC) Avant que je n’en arrive aux initiatives de notre Commission vaticane pour les relations avec le judaïsme, j’aimerais, chers consulteurs et délégués des Conférences épiscopales, vous remercier pour tout ce qui, au niveau des Conférences épiscopales, Églises locales et instituts universitaires a été entrepris ou est entrepris pour la promotion du dialogue avec les juifs. Je suis impatient d’entendre vos exposés et les informations que vous avez à nous offrir. Vous savez que notre Commission est toujours prête à encourager toutes les initiatives valables ayant pour but de promouvoir ce dialogue à tous les niveaux, mais aussi et avant tout de les soutenir dans la prière. Nous désirons vous exprimer notre solidarité pour les efforts entrepris, et en même temps, dans le sens du principe de subsidiarité, souligner que des mesures concrètes ne peuvent être prises en définitive qu’au niveau local. Dans le domaine du dialogue judéo-catholique, une interaction entre Église locale et universelle est donc également utile et nécessaire. Étant donné que le judaïsme se présente sous divers aspects et ne possède pas d’unité structurelle, du côté catholique on se trouva confronté à la difficulté de savoir avec qui, après le Concile Vatican II, il convenait d’entreprendre concrètement le dialogue car il était impossible d’avoir des discussions individuelles et bilatérales autonomes avec tous les groupes et organisations juifs qui en exprimaient le désir. Afin de résoudre ce problème, les organisations juives acceptèrent la proposition formulée du côté catholique de fonder un unique organisme consacré au dialogue religieux. Le Jewish Committee on Interreligious Consultations (IJCIC) est donc le partenaire officiel du côté juif de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme. En font partie presque toutes les grandes organisations juives parmi lesquelles un nombre important ont leur siège aux États-Unis. L’IJCIC entra en activité en 1970 et organisa dès l’année suivante sa première conférence à Paris. Les rencontres qui depuis lors ont régulièrement été organisées sont l’expression de l’International Catholic-Jewish Liaison Committee (ILC) et le résultat de la collaboration entre l’IJCIC et la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme. Fin février 2011, lors du 21e rassemblement de l’ILC, nous avons pu reparcourir avec gratitude quarante ans de dialogue officiel et fêter à nouveau ce jubilé à Paris. Au cours de ces quarante ans, beaucoup a été fait : de la confrontation, nous sommes passés à une collaboration réussie; ce qui auparavant pouvait porter à un conflit s’est transformé en une gestion positive des désaccords, et de l’ancienne coexistence est née une solide amitié. Les liens d’amitié qui entre- temps se sont noués ont donné preuve de stabilité, si bien que des thèmes controversés ont finalement pu être abordés, sans courir le danger que le dialogue en subisse des conséquences dommageables. Cela était d’autant plus nécessaire que le dialogue par le passé n’avait pas toujours été exempt de tensions. Que l’on se souvienne simplement des crises qui ont provoqué, dans les années quatre- vingt, ce que l’on appelle « l’affaire Waldheim » ou le projet du Carmel d’Auschwitz. Rappelons dans une période plus récente le débat suscité par la nouvelle intention de prière du Vendredi-Saint dans la forme extraordinaire du rite romain, 1’« affaire Williamson » en 2009 ou encore les opinions très contrastées quant à la possible béatification de Pie XII desquelles un observateur attentif peut difficilement éviter de penser que du côté juif les avis concernant ce Pape ont changé, passant d’une profonde gratitude à l’origine à une grande préoccupation, suite à la représentation de la pièce de théâtre de Hochhuth. Dans l’ensemble, on constate cependant avec reconnaissance que dans le dialogue judéo-catholique, en particulier depuis le nouveau millénaire, de grands efforts sont accomplis ouvertement et dans un état d’esprit positif afín de surmonter les divergences d’opinions et les conflits pouvant survenir, ce qui ne fait que renforcer les relations mutuelles. Depuis la dernière Assemblée plénière de la Commission vaticane avec ses consulteurs et délégués en octobre 2005, l’ILC a tenu sa dix-neuvième conférence au Cap en novembre 2006 et la vingtième à Budapest en nombre 2008. Alors qu’en Afrique du Sud, le thème « Healthcare - Dignifying the Divine Image » (À travers la santé, honorer l’image de Dieu) entendait rassembler juifs et catholiques dans la lutte contre le VIH/Sida, en Hongrie, pays autrefois sous la domination communiste, en choisissant le thème « Religion and Civil Societies Today - Jewish and Catholic Perspectives » (La religion et les sociétés civiles des nos jours : points de vue juif et catholique), on a voulu placer au centre du débat la relation entre religion et société civile. Ces deux rassemblements ont à nouveau permis d’approfondir les liens d’amitié avec nos partenaires juifs. Une autre initiative importante dans le cadre des rassemblements de l’ILC mérite d’être signalée. À Budapest déjà, il avait été décidé qu’avant chaque conférence, un petit groupe de douze jeunes gens, juifs et catholiques, âgés de 20 à 35 ans, devrait se réunir pendant deux jours. Il s’agissait en fait de promouvoir la relève pour le dialogue judéo-chrétien, chose à laquelle depuis longtemps pensaient non seulement l’IJCIC mais également notre Commission. Finalement, ces jeunes gens ont pu participer comme membres à part entière à la Conférence de l’ILC proprement dit. Ils formaient pour ainsi dire une équipe de base pour l’organisation d’une « Emerging Leadership Conference » (Conférence pour les responsables de demain), qui a eu lieu à Castel-Gandolfo, dans la région de Rome, fin juin 2009. Pendant quatre jours, environ une cinquantaine de jeunes juifs et catholiques du monde entier se sont retrouvés et ont échangé sur le thème « Discovering Common Values » (Découvrir nos valeurs communes). Suite au succès de ce rassemblement, il fut décidé d’organiser une « Emerging Leadership Conférence » tous les deux ans, en alternance avec les Conférences de l’ILC. Ainsi le deuxième rassemblement pour la promotion de la relève a eu lieu du 18 au 21 juin 2012 dans la région de New-York sur le thème «Catholics and Jews : Our Common Values, Our Common Roots » (Catholiques et juifs : nos valeurs communes, nos racines communes). Pour 2013, un rassemblement ILC est prévu, mais les détails de son organisation ne sont pas encore connus. 4. Le dialogue avec le Grand Rabbinat d’Israël Outre le dialogue avec l’IJCIC, il convient de mentionner les conversations officielles avec le Grand Rabbinat d’Israël que l’on peut considérer comme le fruit de la rencontre du Pape Jean-Paul II avec le Grand Rabbin de Jérusalem lors de son voyage en Israël en mars 2000. La première rencontre fut organisée en juin 2002 à Jérusalem, et depuis ont eu lieu au total onze rencontres de ce type qui se sont déroulées en alternance à Rome et à Jérusalem. Les deux délégations sont relativement petites et forment un groupe d’environ quinze participants, de sorte qu’un échange personnel et intense sur différents thèmes est possible. Au cours des années, des thèmes divers ont été traités : la sainteté de la vie, les valeurs familiales, l’importance des enseignements des Saintes Écritures que nous partageons pour la vie en société, l’éducation des générations futures, une vision commune de la justice sociale et du comportement éthique, la relation entre autorités civiles et religieuses dans les traditions juive et catholique, la relation entre vie humaine et technologie, la liberté de religion et de conscience et ses limites, la création et l’environnement comme défi à l’intervention de l’homme dans l’ordre naturel, le rôle des responsables religieux dans la société sécularisée, les différentes points de vue du monde religieux par rapport à l’actuelle crise financière : comment envisager un ordre social juste. Puisque du côté catholique, les participants sont presque exclusivement des évêques et des prêtres et du côté juif des rabbins, il n’est pas étonnant que chaque thème soit examiné aussi dans une optique religieuse. Ceci est surprenant car habituellement, au sein du judaïsme orthodoxe, on aurait plutôt tendance à éviter les questions religieuses ou théologiques. Le dialogue avec le Grand Rabbinat d’Israël a donc permis une plus grande ouverture du judaïsme orthodoxe vis-à-vis de l’Église catholique. Après chaque rencontre est publiée sur le site web de la Commission vaticane une déclaration commune qui témoigne à chaque fois de la richesse de l’héritage spirituel commun du judaïsme et du christianisme et des précieux trésors qui peuvent encore être redécouverts. En passant en revue ces dix années de dialogue, nous pouvons affirmer avec gratitude qu’une amitié solide est née et qu’elle offre une bonne base pour notre cheminement futur. 5. Le travail de dialogue de la Commission vaticane Le travail de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme ne peut naturel55 lement pas se limiter à ces deux dialogues officiels. Son intention est de rester ouvert à tous les courants existant au sein du judaïsme et de maintenir les contacts avec tous les groupes et organisations juifs désireux d’entrer en relation avec le Saint-Siège. Nos partenaires juifs sont toujours très heureux de rencontrer le Saint-Père au cours d’audiences privées qui en chaque circonstance sont organisées par la Commission. Parmi les nombreuses audiences qui ont été accordées à des groupes juifs dans les années passées, il convient d’en mentionner trois en particulier. Le 10 novembre 2011 se sont rendus en visite à Rome les plus hauts représentants religieux d’Israël, le « Israeli Religious Concil ». Pour la première fois dans l’histoire se présentaient ensemble pour une audience privée avec le Saint-Père des juifs, des chrétiens, des musulmans et des druses qui vivent ensemble dans l’État d’Israël. Le 12 décembre 2011, le Pape Benoît XVI accueillait le Grand Rabbin de Grande-Bretagne, Sir Jonathan Sacks, avec lequel il s’est entretenu en privé au sujet de l’avenir de l’Europe, tout particulièrement dans une optique religieuse. Suite à cette audience, le Grand Rabbin Sacks a donné une conférence à l’Université pontificale Grégorienne sur le thème « Has Europe lost its Soul ? » (L’Europe a-t- elle perdu son âme ?) Enfin, le 10 mai 2012, le Latin American Jewish Congress a été reçu par le Pape. C’était la première fois qu’un groupe de juifs d’Amérique Latine aussi nombreux était accueilli au Vatican. Pour que l’activité de dialogue de la Commission vaticane acquière tout son sens, il n’est pas seulement nécessaire qu’elle accueille des juifs au Vatican mais qu’elle soit présente également là où les juifs vivent et s’organisent entre eux. Pour la Commission, Israël et les USA sont à cet égard les deux pays les plus importants car y résident environ onze des quatorze millions de juifs répandus dans le monde. Le premier voyage que j’ai effectué, accompagné du secrétaire de cette Commission, m’a conduit du 29 octobre au 5 novembre, aux USA. J’étais invité à prononcer une conférence à l’Institute of Judeo-Christian Studies à la Seton Hall University du New-Jersey sur le thème « Theological Questions and Perspectives in Jewish-Catholic Dialogue » (Questions et perspectives théologiques dans le Dialogue judéo-catholique). À New-York, nous avons été chaleureusement accueillis au Jewish Theological Seminary, nous avons rencontré des représentants de l’IJCIC et avons visité l’American Bible Society. À Washington enfin, nous avons rencontré des membres de la Conférence épiscopale américaine et j’ai été invité à prononcer une conférence à la Catholic University of America sur la situation œcuménique actuelle. Un autre grand voyage nous a conduits du 22 au 27 mai 2012 en Israël où nous avons rendu visite à nos interlocuteurs juifs. Au programme officiel se trouve toujours une visite au Grand Rabbinat d’Israël à Jérusalem que nous apprécions beaucoup: là, nous avons rencontré le Grand Rabbin Yonah Metzger et le secrétaire général du Grand Rabbinat Oded Wiener ainsi que le Rabbin David Rosen qui travaille pour l’American Jewish Committee à Jérusalem et s’occupe du dialogue interreligieux. En 56 cette occasion, nous avons été présentés au nouvel Ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, M. Zion Evrony, lequel a pris ses nouvelles fonctions début août 2012 à Rome. Au Jerusalem Studies Institute, nous avons rencontré un groupe d’environ vingtcinq personnes qui travaillent à la promotion du dialogue interreligieux dans différents instituts en Israël. Cette conversation informelle nous a permis de découvrir la situation actuelle du dialogue dans l’État d’Israël. Après cela, j’ai été invité à donner une conférence publique sur le thème « Christians called to be Faithful to Abraham’s Heritage » (Les chrétiens appelés à être fidèles à l’héritage d’Abraham) qui a été suivie d’un débat très animé. Il va de soi qu’en de telles occasions, nous avons également l’opportunité de rencontrer nos frères catholiques comme par exemple le Patriarche de Jérusalem Fouad Twal, le Custode de Terre-Sainte, le P. Pierbattista Pizzabella, l’évêque coadjuteur Giacinto Marcuzzo, l’Archevêque Elia Chacour et le Nonce apostolique Antonio Franco, qui s’est depuis lors retiré. Parallèlement aux relations qu’elle entretient directement avec le monde juif, la Commission vaticane cherche aussi à encourager le dialogue avec le judaïsme au sein de l’Église catholique et à collaborer avec les différentes Conférences épiscopales dans leurs efforts de promotion du dialogue judéo-catholique au niveau local. C’est à ce niveau que nous aimerions placer la discussion qui suivra cette introduction : que pouvons-nous encore faire pour une plus grande promotion et une intensification du dialogue au sein de notre Église ? Dans les décennies passées, aussi bien le « dialogue ad extra » que le « dialogue ad intra » ont fait prendre davantage conscience que chrétiens et juifs sont irrévocablement dépendants les uns et des autres et que le dialogue entre eux, du point de vue théologique, n’est pas seulement une option mais un devoir. Car juifs et chrétiens sont précisément dans leurs différences l’unique Peuple de Dieu qui peut s’enrichir dans une amitié mutuelle. J’ai eu l’opportunité d’approfondir cette thématique au cours d’une conférence ici à Rome, à l’Université pontificale Saint-Thomas (Angelicum), le 16 mai 2012. Devant un auditoire important, j’étais invité à m’exprimer sur le thème «Building on Nostra aetate : 50 years of Christian-Jewish Dialogue » (Construire sur Nostra aetate : 50 ans de dialogue judéo-chrétien). De nombreux représentants du judaïsme étaient présents, lesquels ont posé des questions particulièrement intéressantes au cours du débat qui a suivi la conférence. Naturellement, il ne m’appartient pas de déterminer le profit que le judaïsme peut retirer de ce dialogue. Je ne peux que m’associer au Cardinal Kasper et souhaiter que la Communauté juive reconnaisse que « couper le judaïsme du christianisme » signifierait « le priver de son universalité » qui fut pourtant promise à Abraham.7 En ce qui concerne l’Église chrétienne cependant, il est certain que sans 7 K. Walter Kasper, « Zwei Hinweise zu einer Theologie des Volkes Gottes », dans : Pontificia Università Lateranense (Ed.), Festliche Eröffnung des Lehrstuhls für die Theologie des Volkes Gottes (Urfeld 2009) 17-20, cit. 20. le judaïsme, elle courrait le risque de perdre sa place dans l’histoire du salut et de dégénérer en une gnose historiquement non attestée. 6. Aspects théologiques du dialogue avec le judaïsme La Déclaration du Concile Vatican II sur le judaïsme, le quatrième alinéa de Nostra aetate, se situe dans un cadre théologique bien précis. Aussi ne saurait-elle en aucune façon résoudre toutes les questions théologiques qui se posent dans la relation entre christianisme et judaïsme. Au contraire, ces dernières y sont abordées de manière prometteuse mais requièrent un approfondissement théologique ultérieur. Ceci trouve confirmation dans le fait que cette Déclaration conciliaire, comme tous les autres textes du Concile Vatican II, ne peut se référer dans ses notes à des textes de doctrine antérieurs et des décisions de Conciles précédents. Bien entendu, avant le Concile existaient déjà des textes du magistère de l’Église portant sur le judaïsme mais c’est Nostra aetate qui la première a présenté une vision théologique d’ensemble de la relation entre l’Église catholique et le judaïsme. Sans doute doit-on imputer à cette avancée décisive le fait que l’on a parfois tendance à trouver dans ce texte conciliaire des choses qu’il ne dit pas. Je ne citerai qu’un exemple mais qui est particulièrement significatif : que l’Alliance que Dieu a conclue avec le Peuple d’Israël demeure et ne passera jamais est une affirmation juste mais qui ne figure pas dans Nostra aetate. Cette déclaration fut en réalité faite ouvertement par le Pape Jean-Paul II lorsqu’il déclara lors d’une rencontre avec des représentants juifs à Mayence, le 17 novembre 1980, que Dieu n’a jamais révoqué l’Ancienne Alliance : « La première dimension de ce dialogue, à savoir la rencontre entre le Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance jamais reniée par Dieu et de celui de la Nouvelle Alliance, est également un dialogue à l’intérieur de notre Église, pour ainsi dire entre la première et la seconde partie de sa Bible ».8 Cette affirmation a, elle aussi, donné lieu à des incompréhensions, comme celle-ci par exemple : si l’Alliance des juifs avec Dieu reste valable, il doit y avoir deux chemins différents menant au salut, celui des juifs sans le Christ et celui de tous les autres hommes qui passe par Jésus Christ. Aussi évidente que cette réponse puisse paraître au premier abord, elle ne permet pas de résoudre de manière satisfaisante la difficile question théologique consistant à savoir comment la foi en la portée universelle du salut en Jésus Christ peut être conjuguée avec la conviction tout aussi nette que l’Alliance de Dieu avec Israël n’a pas été retirée.9 Que l’Église et le 8 Giovanni Paolo II, « La ricchezza della comune eredità ci apre al dialogo e alla collaborazione. Incontro con gli esponenti della Comunità Ebraica a Magonza il 17 novembre 1980 », dans : Insegnamenti di Giovanni Paolo II III, 2 1980 (Città del Vaticano 1980) 1272-1276, cit. 1274. 9 Cf. « Die differenzierte Studie von Th. Söding, Erwählung - Verstockung - Errettung. Zur Dialektik der paulinischen Israeltheologie in Rom 9-11 », dans: Communio. Internationale katholische Zeitschrift 39 (2010) 382- 417. judaïsme ne peuvent être présentés comme « deux voies parallèles de salut » et qu’au contraire l’Église doit « témoigner du Christ comme Sauveur de tous les hommes », a déjà été établi dans le second document publié par la Commission pour les relations avec le judaïsme en 1985 (Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l ‘Église catholique).10 Car la foi chrétienne dépend uniquement de la conviction que Dieu veut sauver tous les hommes, qu’il y parvient en Jésus Christ - médiateur universel - et qu’il « n’y a sous le ciel aucun autre nom offert aux hommes qui soit nécessaire à notre salut » (Ac 4, 12). Pour la foi chrétienne, il ne peut y avoir qu’un chemin menant au salut. Cependant, cette affirmation fondamentale n’entraîne pas nécessairement que les juifs, qui ne reconnaissent pas en Jésus Christ le Messie d’Israël et le Fils de Dieu, soient exclus du salut. Une telle affirmation n’aurait absolument aucun fondement dans la vision sotériologique de Paul qui, dans la lettre aux Romains, à la question que lui-même a posée de savoir si Dieu a répudié son propre peuple, répond négativement et fermement : « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11, 29). Que les juifs ont part au salut de Dieu est théologiquement indubitable ; mais comment cela est possible sans la foi explicite en Christ, est et reste un mystère insondable. Ce n’est donc pas un hasard si la méditation sotériologique de Paul en Rm 9-11, sur fond de mystère chrétien, culmine en une doxologie emprunte de mystère : « Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables ! » (Rm 11, 33). Ce n’est pas davantage un hasard si le Pape Benoît XVI, dans la deuxième partie de son livre sur Jésus de Nazareth, fait dire à Bernard de Clairvaux, au sujet de la question qui nous intéresse, que pour les juifs « un temps précis a été fixé, que l’on ne peut pas prévoir ».11 C’est dans le contexte de cette question théologique extrêmement complexe qu’a été reformulée l’ intention de prière du Vendredi-Saint pour les juifs dans la forme extraordinaire du rite romain, laquelle a été publiée en février 2008. Bien qu’elle proclame, dans la forme théologiquement correcte d’une prière à Dieu, l’universalité du salut en Jésus Christ dans une vision eschatologique (« la plénitude des nations étant entrée dans ton Église »)12, elle a été violemment critiquée du côté juif mais certes aussi par des 10 Publié en français dans : La Documentation Catholique 76 (1985) 733-738. 11 J. Ratzinger - Benedikt XVI., Jesus von Nazareth. Zweiter Teil: Vom Einzug in Jerusalem bis zur Auferstehung (Freiburg i. Br. 2011) 60. 12 Le Pape Benoît XVI a expliqué qu’il a modifié la formulation de l’intention de prière du Vendredi-Saint pour « qu’elle exprime notre foi dans le fait que le Christ est le sauveur de tous. Qu’il n’existe pas deux chemins vers le salut, que le Christ est donc aussi le sauveur des juifs, et pas seulement celui des Gentils. Mais aussi l’idée que l’on ne prie pas directement pour la conversion des juifs au sens missionnaire du terme, mais pour que le Seigneur fasse venir le jour où nous serons tous unis les uns aux autres ». Benoît XVI, Lumière du monde, Le pape, l’Église et les signes des temps, un entretien avec Peter Seewald, Bayard 2010, 145. (T.d.t) 57 chrétiens, et dans la plupart des cas interprétée à tort comme un appel explicite à la conversion des juifs.13 On comprend parfaitement qu’en utilisant l’expression « conversion des juifs », on touche à une question extrêmement délicate à leurs yeux car, toujours selon eux, elle concerne l’existence même d’Israël. D’autre part, cette question s’avère gênante aussi pour les chrétiens pour lesquels la portée universelle du salut en Jésus Christ et, par conséquent, la mission universelle de l’Église sont de la plus grande importance. Il ne fait aucun doute que l’Église du Christ doit concevoir sa mission d’évangélisation à l’égard des juifs, qui croient dans le Dieu unique, d’une manière différente de celle qui vise à la conversion des nations. Cela signifie concrètement que, comme le Cardinal Karl Lehmann l’a illustré de manière détaillée,14 l’Église catholique - à la différence de certains mouvements évangéliques fondamentalistes - ne reconnaît et ne soutient aucun travail missionnaire institutionnel spécifique à l’égard des juifs. Le fait que, par principe, les juifs ne sont pas objet d’une mission institutionnelle n’exclut cependant pas que les chrétiens puissent témoigner face à eux de leur foi en Jésus Christ ; toutefois, ce témoignage devrait être simple et discret, en gardant en mémoire la grande tragédie de la Shoah. 7. Perspectives futures pour le dialogue judéo-catholique Éclaircir en profondeur les questions théologiques ici brièvement abordées et qui s’imposent inévitablement dans le dialogue avec le judaïsme, peut être considéré comme la première tâche urgente à réaliser, pour ainsi dire « les devoirs » que les catholiques ont à faire « à la maison ». Dans le cadre du «dialogue ad intra», il serait également important d’encourager des théologiens catholiques à identifier les éléments constitutifs d’une «théologie chrétienne du judaïsme », ce qui n’a toujours pas été fait bien que de nombreux protagonistes du dialogue judéo-catholique aient présenté à ce sujet des projets extrêmement prometteurs. Souvenons-nous par exemple du livre «Théologie chrétienne du judaïsme» (1978),15 dont l’auteur Clemens Thoma fut pendant longtemps consulteur de notre Commission et qui est décédé le 7 décembre de l’année passée. Les commentaires que je viens de vous soumettre devraient faire apparaître de nouvelles lignes directrices pour le dialogue théologique avec le judaïsme. Nous devrions en premier lieu poursuivre avec enthousiasme, patience et persévérance les deux dialogues institutionnels de notre Commis13 W. Homolka / E. Zenger (Ed.), « „... damit sie Jesus Christus erkennen” ». Die neue Karfreitagsfiirbitte für die Juden (Freiburg i. Br. 2008). 14 Cardinal K. Lehmann, « Judenmission. Hermeneutische und theologische Überlegungen zu einer Problemanzeige im jüdisch-christlichen Gespräch », dans: H. Frankemölle / J. Wohlmuth (Ed.), Das Heil der Anderen. Problemfeld « Judenmission » (Freiburg i. Br. 2010) 142-167. 15 Cf. C. Thoma, Christliche Theologie des Judentums (Aschaffenburg 1978). Cf. idem., Das Messiasprojekt. Theologie jüdisch-christlicher Begegnung (Augsburg 1994). 58 sion avec l’IJCIC et le Grand Rabbinat d’Israël en lui insufflant une vigueur nouvelle et en l’ouvrant à de nouveaux horizons. À cet égard, il a été proposé dans les années passées d’organiser une rencontre de l’ILC avec des chrétiens orthodoxes, de sorte que chrétiens catholiques et orthodoxes puissent entrer ensemble en dialogue avec les juifs. Alors que cette idée intéresse beaucoup les chrétiens orthodoxes, l’IJCIC, après une réaction initiale positive, a récemment précisé qu’il préférait organiser des rencontres séparés avec les deux Églises chrétiennes. Mais cela ne signifie pas que cette idée soit totalement abandonnée, de nouvelles opportunités pouvant se dessiner avec d’autres personnes accédant à la direction de cette organisation. Sans patience, il est absolument impossible d’avoir un dialogue avec les juifs, et la patience est, comme l’a si bien dit Charles Péguy, la « petite sœur de l’espérance ». Ce qui ces dernières années a pu être mis en route de manière très efficace est la promotion de la relève pour le dialogue judéo-catholique, c’est-à-dire le recrutement de jeunes personnes pour ce dialogue qui, comme des multiplicateurs, pourront perpétuer dans le futur la réception des effets de Nostra aetate 4. Il serait souhaitable que les Emerging Leadership Conferences deviennent traditionnelles car elles sont une bonne manière de préparer l’avenir du dialogue. Puisque selon une conception juive, on ne peut parler de tradition que lorsqu’une chose s’est répétée au moins trois fois, une nouvelle rencontre de ce genre est prévue pour l’année 2014. Pour ces rencontres, il est toujours nécessaire de trouver des sponsors généreux, les jeunes gens ne disposant pas normalement de ressources financières adéquates. Jusqu’à maintenant - Dieu merci ! - de généreux donateurs ont été trouvés. Dans le cas où vous auriez des idées pour récolter des fonds de manière systématique dans ce but, nous vous serions reconnaissants de nous en faire part. Nous aurons suffisamment de temps aujourd’hui et demain pour nous concentrer sur d’autres aspects du dialogue judéo-catholique. De notre côté, nous aimerions aborder en particulier la question de l’éventuelle introduction d’une « Journée du judaïsme » au niveau des différentes Conférences épiscopales et de la célébration du cinquantième anniversaire de Nostra aetate, le 28 octobre 2015. Vous êtes très cordialement invités à nous faire part de vos idées dans la discussion qui va suivre afin d’assurer la bonne poursuite du dialogue avec nos « frères aînés dans la foi » dans le futur. Je vous remercie très sincèrement pour votre collaboration dans cette réflexion et cette tâche et vous souhaite de passer des heures agréables au cours de cette rencontre et de nos échanges.