N. 140 - La Santa Sede

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N. 140 - La Santa Sede
N. 140
(2012/III-IV)
Conseil Pontifical
pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens
CITÉ DU VATICAN
Service d’information
TABLE DES MATIÈRES
Voyage Apostolique du Pape Benoît XVI au Liban (14-16 septembre 2012)............................................. 3
Treizième Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques (7-28 octobre 2012)........................... 5
Ouverture de l’Année de la Foi (11 octobre 2012)
Homélie du Pape Benoît XVI.............................................................................................................. 15
Discours du Patriarche œcuménique Bartholomaios........................................................................ 17
Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (12-16 novembre 2012)
Discours du Pape Benoît XVI.............................................................................................................. 19
Discours d’ouverture du Cardinal Kurt Koch, Président du CPPUC................................................ 20
Rapport d’activité novembre 2010-novembre 2012 de S. Exc. Mgr Brian Farrell,
Secrétaire du CPPUC.................................................................................................................... 29
Visite au Patriarcat œcuménique d’une délégation du Saint-Siège pour la fête de Saint André
(29-30 novembre 2012)
Message du Pape Benoît XVI à Sa Sainteté Bartholomaios.............................................................. 41
Allocution du Patriarche œcuménique Bartholomaios à la délégation............................................ 42
Nouvelles œcuméniques
In memoriam....................................................................................................................................... 45
Sa Sainteté Abuna Paulos, Patriarche de l’Église orthodoxe Tewahedo éthiopienne................... 45
Sa Béatitude Torkom II Manougian, Patriarche orthodoxe arménien de Jérusalem.................. 45
Sa Sainteté Maxime, Métropolite de Sofia et Patriarche de l’Église orthodoxe de Bulgarie)....... 45
Sa Béatitude Ignace Hazim IV, Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient........ 46
Élections
Sa Sainteté Tawadros II, nouveau Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de Saint-Marc,
18 novembre 2012......................................................................................................................... 46
Sa Béatitude Youhanna X, nouveau Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout
l’Orient, 17 décembre 2012........................................................................................................... 47
Sa Béatitude Nourhan Manougian, nouveau Patriarche arménien de Jérusalem, 24 janvier 2013.48
Sa Sainteté Néophit, nouveau Patriarche de Bulgarie, 24 février 2013 ..................................... 48
Dialogue méthodiste-catholique (Buenos Aires, Argentine, 12-19 octobre 2012)............................ 49
Commission de dialogue international entre l’Église catholique et l’Église vieille-catholique
(Paderborn, Allemagne, 3-6 décembre 2012).............................................................................. 49
Dialogue international trilatéral catholique-luthérien-mennonite (Rome, 9-13 décembre 2012).. 50
Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme
Télégramme du Pape à la Communauté juive de Rome pour les célébrations juives..................... 51
Assemblée plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme
(Rome, 28-30 octobre 2012)......................................................................................................... 51
Discours d’ouverture du Cardinal Kurt Koch : « Au service de la compréhension
entre juifs et catholiques .............................................................................................................. 51
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VOYAGE APOSTOLIQUE DE BENOÎT XVI AU LIBAN
14-16 septembre 2012
Cérémonie de bienvenue
Rafiq Hariri de Beyrouth
à l’aéroport international
14 septembre 2012
Le Pape Benoît XVI a quitté l’aéroport romain de
Ciampino dans la matinée du vendredi 14 septembre
pour son 24e Voyage apostolique hors d’Italie.
Ce voyage apostolique de Benoît XVI au Liban
avait lieu dans le cadre de la signature et de la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale de
l’Assemblée spéciale du Moyen-Orient du Synode des
Évêques que le Pape a adressée à tous les chrétiens du
Moyen-Orient.
La cérémonie de bienvenue qui s’est tenue à l’aéroport a débuté par un salut d’honneur suivi de l’intervention du Président Sleiman et d’un discours du
Pape Benoît XVI. Nous publions, ci-après, un extrait
du discours du Pape prononcé en français.
Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Présidents du Parlement et du Conseil
des ministres,
Chères Béatitudes,
Membres du Corps diplomatique,
Autorités civiles et religieuses présentes,
chers amis,
(…) Je tiens à saluer aussi avec grande déférence les Patriarches et Évêques orthodoxes venus
me recevoir, ainsi que les représentants des diverses
communautés religieuses du Liban. Votre présence,
chers amis, démontre l’estime et la collaboration
que vous souhaitez promouvoir entre tous dans le
respect mutuel. Je vous remercie pour vos efforts et
je suis certain que vous continuerez à rechercher des
voies d’unité et de concorde. Je n’oublie pas les événements tristes et douloureux qui ont affligé votre
beau pays durant de longues années. L’heureuse
convivialité toute libanaise doit démontrer à l’ensemble du Moyen-Orient et au reste du monde qu’à
l’intérieur d’une nation, peuvent exister la collaboration entre les différentes Églises, toutes membres de
l’unique Église catholique, dans un esprit fraternel
de communion avec les autres chrétiens, et dans le
même temps, la convivialité et le dialogue respectueux entre les chrétiens et leurs frères d’autres religions. Vous savez comme moi que cet équilibre
qui est présenté partout comme un exemple, est extrêmement délicat. Il menace parfois de se rompre
lorsqu’il est tendu comme un arc, ou soumis à des
pressions qui sont trop souvent partisanes, voire intéressées, contraires et étrangères à l’harmonie et à
la douceur libanaises. C’est là qu’il faut faire preuve
de réelle modération et de grande sagesse. Et la raison doit prévaloir sur la passion unilatérale pour
favoriser le bien commun de tous. Le grand roi Salomon qui connaissait Hiram, le roi de Tyr, n’a-t-il
pas jugé que la sagesse était la vertu suprême ? C’est
pourquoi il l’a demandée à Dieu instamment, et Dieu
lui donna un cœur sage et intelligent (cf.1 R 3, 9-12).
(…)
ORF, 20.09.2012
Rencontre œcuménique
de Charfet
au patriarcat syro-catholique
16 septembre 2012
Dimanche 16 septembre avant son départ, le
Saint-Père s’est rendu au Patriarcat syro-catholique
de Charfet. Il y a rencontré les patriarches orthodoxes,
des représentants d’autres Églises et Communautés
chrétiennes et les patriarches catholiques du Liban.
En cette circonstance, il les a encouragés dans leur pèlerinage œcuménique, demandant que cette Église soit
« pour les peuples de la région, un signe de la paix qui
vient de Dieu et une lumière qui fait vivre leur espérance ». Nous publions, ci-dessous, le discours que le
Saint-Père a prononcé en français.
Sainteté, Béatitude,
Vénérés Patriarches,
chers Frères dans l’épiscopat,
chers Représentants des Églises
et des Communautés protestantes,
chers frères,
C’est avec joie que je me trouve parmi vous, dans
ce monastère Notre Dame de la Délivrance de Charfet, haut-lieu de l’Église syriaque catholique pour le
Liban et pour tout le Moyen-Orient. Je remercie Sa
Béatitude Ignace Youssef Younan, Patriarche d’Antioche des syriaques catholiques, pour ses fortes
paroles d’accueil. Je salue fraternellement chacun
de vous qui représentez la diversité de l’Église en
Orient, et en particulier Sa Béatitude Ignace IV
Hazim, Patriarche grec orthodoxe d’Antioche et de
tout l’Orient et Sa Sainteté Mar Ignatius Ier Zakke
Iwas, Patriarche de l’Église syriaque orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient. Votre heureuse présence
solennise cette rencontre. Je vous remercie de tout
cœur pour être parmi nous. Ma pensée va aussi vers
3
l’Église copte orthodoxe d’Égypte et l’Église éthiopienne orthodoxe qui ont eu la douleur de perdre
leur Patriarche respectif. Je les assure de ma proximité fraternelle et de ma prière.
Permettez-moi de saluer ici le témoignage de
foi rendu par l’Église syriaque d’Antioche au cours
de sa glorieuse histoire, témoignage d’un amour ardent pour le Christ qui lui a fait écrire, jusqu’à nos
jours, des pages héroïques pour demeurer fidèle à sa
foi jusqu’au martyre. Je l’encourage à être pour les
peuples de la région, un signe de la paix qui vient
de Dieu et une lumière qui fait vivre leur espérance.
J’étends cet encouragement à toutes les Églises et
Communautés ecclésiales présentes dans cette région.
Chers frères, notre rencontre de ce soir est un
signe éloquent de notre désir profond de répondre
à l’appel du Seigneur Jésus « Que tous soient un »
(Jn 17, 21). Dans ces temps instables et enclins à
la violence que connaît votre région, il est toujours
plus urgent que les disciples du Christ donnent un
témoignage authentique de leur unité, afin que le
monde croie en son message d’amour, de paix et de
réconciliation. C’est ce message que tous les chrétiens et nous en particulier avons reçu mission de
transmettre au monde, et qui prend une valeur inestimable dans le contexte actuel du Moyen-Orient.
Travaillons sans relâche pour que notre amour
pour le Christ nous conduise peu à peu vers la pleine
communion entre nous. Pour cela, par la prière et
par l’engagement commun, il nous faut revenir sans
cesse vers notre unique Seigneur et Sauveur. Car,
comme je l’ai écrit dans l’Exhortation apostolique
Ecclesia in Medio Oriente que j’ai le plaisir de vous
remettre, « Jésus unit ceux qui croient en lui et qui
l’aiment en leur donnant l’Esprit de son Père, ainsi
que Marie, sa mère » (n. 15).
Je confie à la Vierge Marie chacune de vos personnes ainsi que les membres de vos Églises et de
vos Communautés. Qu’elle implore pour nous son
divin Fils afin que nous soyons délivrés de tout mal
et de toute violence, et que cette région du Moyen-
4
Orient connaisse enfin le temps de la réconciliation
et de la paix. Que la Parole de Jésus que j’ai souvent
citée au cours de ce voyage, ‫ «[ مُكيطعُأ يمالَس‬Je vous
donne ma paix »] (Jn 14, 27) , soit pour nous tous
le signe commun que nous donnerons au nom du
Christ aux peuples de cette région bien-aimée qui
aspire avec impatience à la réalisation de cette annonce ! Merci à vous !
ORF, 20.09.2012
Audience générale
19 septembre 2012
Guidé par le désir de proclamer la paix du Seigneur,
Benoît XVI « a fortement désiré » réaliser ce voyage au
Liban, « en dépit des circonstances difficiles ». C’est ce
que le Saint-Père affirmait face aux fidèles réunis dans
la Salle Paul VI au Vatican, dans la matinée du mercredi 19 septembre, au cours de l’Audience générale.
(…) J’ai eu la joie de remettre l’exhortation apostolique qui rassemble les conclusions de l’assemblée
spéciale du Synode des évêques consacrée au MoyenOrient. À travers les patriarches et les évêques orientaux et latins, les prêtres, les personnes consacrées et
les laïcs, ce document veut atteindre tous les fidèles
de cette chère région, pour les soutenir dans la foi
et dans la communion et les encourager sur la voie
de la nouvelle évangélisation tant souhaitée. Dans
l’après-midi, au siège du patriarcat syro-catholique,
j’ai eu ensuite la joie de vivre une rencontre œcuménique fraternelle avec les patriarches orthodoxes et
les orthodoxes orientaux et avec les représentants de
ces Églises, ainsi que des Communautés ecclésiales.
(…)
ORF, 20.09.2012
TREIZIÈME ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE ORDINAIRE DU
SYNODE
DES
ÉVÊQUES
7-28 octobre 2012
« La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne »
Intervention de Sa GrÂce Rowan Williams
Archevêque de Cantorbéry
Primat d’Angleterre et de la Communion anglicane
Cinquième Congrégation générale
10 octobre 2012
Sainteté, Révérends Pères,
frères et sœurs dans le Christ,
Chers amis,
1. Je suis très honoré d’avoir été invité par le
Saint-Père à intervenir dans cette assemblée: comme
dit le psalmiste: Ecce quam bonum et quam jucundum habitare Jratres in unum. Le rassemblement des
évêques dans un Synode pour le bien de tout le peuple
du Christ est l’une des disciplines qui entretiennent
la santé de Son Église. Aujourd’hui, en par­ticulier,
nous ne pouvons pas oublier ce grand rassemblement de fratres in unum que fut le Concile Vatican
II, qui tant a fait pour la santé de l’Église et l’a aidée
à retrouver toute l’énergie nécessaire pour annoncer
de façon efficace la Bonne Nouvelle de Jésus Christ
à notre époque. Pour beaucoup de ma génération,
même en dehors de l’Église catholique romaine,
ce Concile a été un signe de grande promesse, un
signe que l’Église était suffisamment forte pour se
poser des questions ardues, à savoir si sa culture et
ses structures étaient adaptées à la tâche consistant
à partager l’Évangile dans l’esprit complexe, souvent rebelle, toujours fiévreux du monde moderne.
2. Le Concile a été, à tant d’égards, une redécouverte de l’intérêt et de la passion pour l’Évangile, se
focalisant non seulement sur le renouveau de la vie
même de l’Église mais aussi sur sa crédibilité dans le
monde. Des textes tels que Lumen gentium et Gaudium et spes présentent une vision nouvelle et joyeuse
de comment la réalité immuable du Christ, vivant
dans son Corps sur terre grâce au don du Saint Esprit, pourrait prononcer des paroles nouvelles à la
société de notre époque et même à ceux appartenant
à d’autres religions. Il n’est pas surprenant que, cinquante ans plus tard, nous soyons encore aux prises
avec tant de questions et d’implications du Concile;
et je présume que l’intérêt de ce Synode pour l’évangélisation s’inscrit dans la continuité de cette recherche que le Concile nous a léguée.
3. Or, l’un des aspects les plus importants de la
théologie de Vatican II a été le renouveau de l’anthropologie chrétienne. Au lieu du récit néo-scolastique,
souvent forcé et artificiel, expliquant les relations
entre la grâce et la nature dans la constitution des
êtres humains, le Concile se base sur les meilleures
intuitions d’une théologie qui était revenue à ses
sources les plus anciennes et les plus riches: la théologie de génies spirituels comme Henri de Lubac,
qui nous a rappelé ce que cela voulait dire pour la
chrétienté primitive et médiévale parler d’humanité
faite à l’image de Dieu et de grâce qui perfectionne
et transfigure cette image si longtemps enduite de
notre « inhumanité » habituelle. Dans cette perspective, proclamer l’Évangile, c’est proclamer qu’il est
enfin possible d’être complètement humain: la foi
catholique et chrétienne est un « vrai humanisme »,
pour emprunter les mots d’un autre génie du siècle
dernier, Jacques Maritain.
4. De Lubac est pourtant clair sur ce que cela ne
veut pas dire: nous ne remplaçons pas la tâche évangélisatrice par une campagne d’« humanisation ».
« Humaniser avant de christianiser? » demande-t-il.
« Si l’entreprise réussit, le christianisme viendra trop
tard: la place sera prise. Et pense-t-on que le christianisme n’ait point valeur humanisante? ». C’est ce
qu’il écrit dans son magnifique recueil d’aphorismes,
Paradoxes. C’est la foi même qui détermine l’œuvre
d’humanisation, mais sans la définition de l’humanité donnée dans le deuxième Adam, l’entreprise
humanisante sera creuse. L’évangélisation, ancienne
ou nouvelle, doit être ancrée dans la conviction profonde que nous avons une destinée humaine qui
nous distingue et que nous devons montrer et partager avec le monde. Ce concept peut être expliqué de
différentes façons, mais dans ces brèves remarques,
je me concentrerai sur un aspect en particulier.
5. Le fait d’être pleinement humain signifie être
recréé à l’image de l’humanité du Christ; et cette humanité est la parfaite « traduction » humaine de la
relation du Fils éternel et du Père éternel, une relation se basant sur le don de soi dans l’amour et l’adoration, un torrent de vie envers l’Autre. Ainsi, l’humanité où nous grandissons avec l’Esprit, l’humanité que nous cherchons à partager avec le monde
comme le fruit de l’œuvre rédemptrice du Christ,
5
est une humanité contemplative. Sainte Édith Stein
a observé que nous commençons à comprendre la
théologie quand nous voyons Dieu comme le « Premier Théologien », le premier à nous parler de la réalité de la vie divine, puisque « tout ce que l’on dit de
Dieu présuppose que c’est Dieu lui-même qui parle »;
de façon analogue nous pouvons dire que nous commençons à comprendre la contemplation quand
nous voyons Dieu comme premier contemplatif,
l’éternel paradigme de cette attention désintéressée
portée à l’Autre, qui n’apporte pas la mort mais la
vie. Toute la contemplation de Dieu présuppose la
connaissance, absorbée et joyeuse, que Dieu a de
Lui-même et la contemplation de Lui-même dans la
vie trinitaire.
6. Être contemplatif comme l’est le Christ signifie
être ouverts à toute la plénitude que le Père veut insuffler à nos cœurs. Par nos esprits rendus silencieux
et prêts à recevoir, par nos fantaisies auto-générées
sur Dieu et sur nous-mêmes réduits au silence, nous
avons enfin atteint le point à partir duquel nous
pouvons commencer à grandir. Et le visage que nous
devons montrer à notre monde est le visage d’une
humanité sans cesse en croissance vers l’amour, une
humanité si enchantée et engagée par la gloire de
ce vers quoi nous tendons que nous sommes prêts
à entreprendre un voyage sans fin pour trouver la
voie qui nous conduit plus en profondeur dans le
cœur de la vie trinitaire. Saint Paul dit (2 Co 3, 18)
« et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons
comme en un miroir la gloire du Seigneur », nous
sommes transfigurés par un éclat toujours plus fort.
C’est cela le visage que nous cherchons à montrer à
nos semblables.
7. Nous recherchons cela non pas parce que nous
cherchons une quelconque « expérience religieuse »
privée qui nous fera nous sentir sûrs et saints. Nous
le recherchons parce que par cet oubli de soi, tourné
vers la lumière de Dieu dans le Christ, nous apprenons comment regarder l’autre, et toute la création
de Dieu. Dans l’ancienne Église, nous comprenions
clairement que nous devions partir d’une compréhension de soi ou d’une auto-contemplation, qui
nous enseignait à réfréner nos instincts avides et nos
désirs en faveur d’une « contemplation naturelle ».
Cela nous permettait de percevoir et vénérer la sagesse de Dieu dans l’ordre du monde, et de voir la
réalité telle qu’elle était créée, telle qu’elle était vraiment dans la vision de Dieu, plutôt que comment
l’utiliser ou la dominer. À partir de là, la grâce pourrait nous conduire vers la véritable « théologie », le
regard silencieux de Dieu, qui est notre objectif en
tant que disciples.
8. Dans cette perspective, la contemplation est
très loin d’être une de ces choses que font les chrétiens: elle est la clé de la prière, de la liturgie, de l’art
et de l’éthique, la clé de l’essence d’une humanité renouvelée qui est capable de percevoir le monde et
les autres sujets dans le monde avec liberté: liberté
des habitudes égoïstes et avides, et de la mauvaise
compréhension qui en émane. Pour l’expliquer plus
nettement, la contemplation est l’unique et dernière
réponse au monde irréel et insensé que nos systèmes
financiers et notre culture de la publicité, que nos
6
émotions chaotiques et non réfléchies nous encouragent à habiter. Le fait d’apprendre la pratique
contemplative revient à apprendre ce dont nous
avons besoin afin de vivre authentiquement, honnêtement, et dans l’amour. C’est un sujet profondément
révolutionnaire.
9. Dans son autobiographie, Thomas Merton
décrit une expérience qu’il a vécue peu après avoir
intégré le monastère où il devait passer le reste de sa
vie (Elected Silence, p. 303). Ayant attrapé la grippe et
étant confiné à l’infirmerie pour quelques jours, ditil, il a ressenti une « joie secrète » pour cette occasion
de prier qui lui était offerte – et « de faire tout ce que
je veux, sans avoir à courir partout pour répondre
au son des cloches ». Il est forcé de reconnaître que
cette attitude révèle que « toutes mes mauvais habitudes... s’étaient faufilées dans le monastère, avec
moi, et ont reçu l’habit religieux en même temps que
moi: gloutonnerie spirituelle, sensualité spirituelle,
fierté spirituelle ». En d’autres termes, il essaye de
vivre la vie chrétienne avec l’ensemble des émotions
vécues par quelqu’un qui est encore profondément
lié à la recherche de la satisfaction personnelle. C’est
un avertissement percutant: nous devons bien veiller dans notre évangélisation à ne pas simplement
persuader les gens à appliquer à Dieu et à la vie
de l’esprit tous nos désirs de drame, d’excitation et
d’auto-complaisance, auxquels nous cédons si souvent dans la vie quotidienne. Cela a été exprimé avec
encore plus de force il y a quelques décennies par
le spécialiste américain de la religion, Jacob Needleman, dans un livre controversé et provocateur,
intitulé A la Recherche du christianisme perdu: les
paroles de l’Évangile, dit-il, s’adressent à des personnes qui « n’existent pas encore »; c’est-à-dire que
répondre à ce que l’Évangile attend de nous par le
don de sa propre vie suppose une transformation de
tout notre être, de nos sentiments, de nos pensées
et de nos imaginations. Le fait d’être convertis à la
foi ne signifie pas simplement acquérir un nouveau
code de croyances, mais devenir une personne nouvelle, une personne en communion avec Dieu et les
autres par le biais de Jésus Christ.
10. La contemplation est un élément intrinsèque
dans ce processus de transformation. Apprendre à
regarder Dieu sans considérer ma satisfaction personnelle immédiate, apprendre à examiner et à relativiser les désirs et les rêves qui grandissent en moi,
c’est permettre à Dieu d’être Dieu et, par conséquent,
à la prière de Jésus, la relation de Dieu avec Dieu, de
vivre en moi. L’invocation de l’Esprit Saint revient
à demander à la troisième personne de la Trinité de
pénétrer mon esprit et d’y apporter la clarté dont j’ai
besoin pour voir où j’en suis dans mon assujettissement à mes désirs et mes fantasmes, et de m’accorder
ainsi la patience et le calme, alors que la lumière et
l’amour de Dieu pénètrent ma vie intérieure. Ce n’est
qu’à ce moment-là que je me libérerai de l’idée que
les dons de Dieu sont des biens que je peux m’approprier pour être heureux ou pour dominer d’autres
personnes. À mesure que ce processus se déploie,
je deviens plus libre – pour emprunter une phrase
de saint Augustin (Confessions IV, 7) –« d’aimer les
êtres humains de façon humaine », de les aimer non
pas pour ce qu’ils pourraient me promettre, de les
aimer non pas comme s’ils étaient là pour me fournir une sécurité et un confort durable, mais en tant
que créatures fragiles qui, comme moi, sont soutenues par l’amour de Dieu. Je découvre (comme nous
l’avons remarqué ci-dessus) comment voir les autres
personnes et les choses pour ce qu’elles sont par rapport à Dieu, et non à moi. Et c’est là que la vraie
justice, tout comme le véritable amour, a ses racines.
11. Le visage humain que les chrétiens veulent
montrer au monde est un visage marqué par cette
justice et cet amour, un visage forgé donc par la
contemplation, par les disciplines du silence et le
détachement de soi des objets qui l’assujettissent et
des instincts non contrôlés qui peuvent le tromper.
Si l’évangélisation revient à montrer au monde le
visage humain « dévoilé », reflétant le visage du Fils
tourné vers le Père, cela doit comporter aussi un sérieux engagement à promouvoir et à nourrir cette
prière et cette pratique. Il n’est sans doute pas nécessaire de préciser que cela ne veut pas du tout dire
que la transformation « interne » est plus importante
que l’action en faveur de la justice; il faut plutôt insister sur le fait que la clarté et l’énergie dont nous
avons besoin pour faire justice implique que nous
fassions place à la vérité, afin que la réalité de Dieu
puisse entrer. Autrement, notre recherche de justice
et de paix devient un nouvel exercice de la volonté
humaine, minée par notre propre duperie. Les deux
appels sont indissociables, l’appel à la « prière et à
l’action juste », comme l’a écrit le martyr protestant
Dietrich Bonhoeffer, depuis sa prison en 1944. La
vraie prière purifie la motivation, la vraie justice est
le tâche nécessaire qui consiste à partager avec les
autres et à dégager en eux l’humanité que nous avons
découverte dans notre rencontre contemplative.
12. Ceux qui connaissent peu les institutions
et les hiérarchies de l’Église et qui s’en soucient
moins sont, ces jours-ci, souvent attirés et interpellés par les vies qui révèlent un peu de cela. Ce sont
les nouvelles communautés religieuses, ou celles
qui ont été renouvelées, qui établissent des contacts
plus efficaces avec ceux qui n’ont jamais eu de foi
ou bien ceux qui l’ont abandonnée la jugeant vide
et dépassée. Lorsqu’on écrit l’histoire chrétienne de
notre époque, – spécialement mais pas seulement
concernant l’Europe et l’Amérique du Nord – nous
devons constater combien le témoignage de lieux
comme Taizé ou Bose est important et vital, ainsi
que celui de communautés plus traditionnelles qui
sont devenues des points centraux pour une étude
de l’humanité plus élargie et approfondie, que celle
encouragée par les habitudes sociales. Les principaux réseaux spirituels aussi, tels que Sant’Egidio,
le mouvement des Focolari, Communion et Libération, décrivent les mêmes phénomènes; ils ont une
vision humaine plus profonde car, de manière différente, ils offrent tous une discipline de vie personnelle et en commun qui consent à la réalité de Jésus
de devenir vivante en nous.
13. Ainsi, comme le montrent ces exemples, l’attrait et le défi dont nous parlons peuvent générer
des engagements et des enthousiasmes qui suivent
des lignes confessionnelles historiques. Nous nous
sommes habitués à parler, ces jours-ci, de l’importance impérieuse de « l’œcuménisme spirituel »; mais
cela ne doit en aucune manière s’opposer à tout ce
qui est spirituel ou institutionnel, ou remplacer les
engagements spécifiques par un sens général de solidarité chrétienne. Si nous avons une explication
exhaustive et bien fondée de ce que le terme « spirituel » signifie en lui-même, se basant sur des intuitions scripturaires comme celles des passages de
la Deuxième Epître aux Corinthiens que nous avons
citée précédemment, nous comprendrons l’œcuménisme spirituel au sens de recherche partagée pour
nourrir et soutenir les disciplines de contemplation
dans l’espoir de dévoiler le véritable visage de l’humanité. Or, plus nous, les chrétiens de différentes
confessions, restons séparés les uns des autres,
moins ce véritable visage de l’humanité semblera
convaincant. Je viens de citer le Mouvement des
Focolari: vous vous souvenez que l’impératif de base
dans la spiritualité de Chiara Lubich est celui de
« devenir un »: un avec le Christ crucifié et abandonné, un à travers lui avec le Père, un avec tous ceux
appelés à cette unité et donc un avec les besoins les
plus profonds du monde. « Ceux qui vivent l’unité...
vivent en essayant de pénétrer toujours plus en Dieu.
Ils se rapprochent toujours plus de Dieu... et plus ils
s’en approchent plus ils se rapprochent des cœurs de
leurs frères et de leurs sœurs » (Chiara Lubich: Écrits
essentiels, p. 37). L’habitude de la contemplation démasque une supériorité inconsidérée envers d’autres
croyants baptisés et la supposition que je n’ai rien
à apprendre d’eux. Dans la mesure où l’habitude à
la contemplation nous aide à approcher toute expérience comme un don, nous devons toujours nous
demander ce qu’un frère ou une sœur ont à partager
avec nous – même le frère ou la sœur qui est d’une
manière ou d’une autre séparé de nous ou de ce que
nous supposons être la plénitude de la communion.
Quant bonum et quant jucundum.
14. En pratique, cela peut suggérer que quel que
soit l’endroit où des initiatives sont prises pour établir de nouveaux contacts avec un public de chrétiens
qui ne pratiquent plus ou postchrétien, un travail
sérieux devrait être fait pour comprendre comment
pouvoir prendre pied dans des pratiques contemplatives partagées de manière œcuménique. En plus de
la manière étonnante par laquelle Taizé a développé
une « culture » liturgique internationale accessible à
une grande variété de personnes, un réseau comme
celui de la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne, avec ses fortes racines et affiliations
bénédictines, a ouvert de nouvelles possibilités. De
plus, cette communauté a travaillé dur pour rendre
la pratique contemplative accessible aux enfants et
aux jeunes gens, et ceci doit vraiment être encouragé. Ayant constaté personnellement, dans les écoles
anglicanes en Grande-Bretagne, la réponse chaleureuse des jeunes enfants à cette invitation offerte
par la méditation dans cette tradition, je crois que
son potentiel est immense pour introduire les jeunes
gens aux profondeurs de notre foi. Et pour ceux qui
se sont éloignés de la pratique habituelle de la foi
sacramentelle, les rythmes et les pratiques de Taizé
ou de la Communauté mondiale de méditation chré7
tienne (CMMC) sont souvent un retour au cœur et
au foyer du sacrement.
15. Ce que les gens de tout temps reconnaissent
dans ces pratiques, c’est tout simplement, la possibilité de vivre de manière plus humaine: vivre avec
mois de frénésie de posséder, vivre des moments de
calme, vivre dans l’attente d’apprendre et vivre en
ayant conscience qu’il y a une joie solide et durable à
découvrir dans les disciplines de l’oubli de soi, ce qui
est bien différent de la gratification de telle ou telle
impulsion. Si notre évangélisation n’ouvre pas la
porte à tout cela, on risque de tenter de baser notre
foi sur un ensemble d’habitudes humaines difficiles
à transformer, avec le résultat, ô combien familier,
que l’Église apparaisse malheureusement comme
beaucoup d’autres institutions purement humaines:
anxieuse, occupée, compétitive et voulant avoir le
contrôle. Il est très important de souligner qu’une
véritable mission d’évangélisation sera toujours une
reévangélisation de nous-mêmes en tant que chrétiens, une redécouverte de la raison pour laquelle
notre foi est différente, transfigurant un rétablissement de notre propre nouvelle humanité.
16. Et bien sûr cela arrive le plus souvent lorsque
nous ne l’avons pas planifié ou cherché. Pour en revenir à de Lubac encore une fois: « Celui qui répondra le mieux aux besoins de son temps sera celui
qui n’aura » pas « »essayé d’abord d’y répondre » (op.
cit. p. 111-2); et « L’homme qui cherche la sincérité,
au lieu de chercher la vérité dans son désintéressement, est comme un homme qui cherche à être détaché au lieu de se disposer à s’ouvrir à l’amour » (p.
114). L’ennemi de toute proclamation de l’Évangile
est la conscience de sa propre image, et par définition, nous ne pouvons résoudre cela en étant encore
plus conscients. Nous devons revenir à Saint Paul et
nous demander « Que cherchons-nous? » Considérons-nous avec anxiété les problèmes quotidiens, les
diverses infidélités ou menaces à la foi et à la morale,
la faiblesse des institutions? Ou bien essayons-nous
de chercher Jésus, dans le visage dévoilé de l’image
de Dieu à la lumière duquel nous voyons l’image qui
se reflète en nous-mêmes et en notre prochain?
17. Ceci nous rappelle simplement que l’évangélisation découle toujours de quelque chose d’autre:
le voyage du disciple vers la maturité en Christ, un
voyage qui n’est pas organisé par l’ambition de l’ego
mais qui est le résultat de l’impulsion et du dessin de
l’Esprit en nous. Dans nos réflexions sur la manière
de rendre encore une fois l’Évangile incontestablement irrésistible pour les hommes et les femmes de
notre temps, je souhaite que nous ne perdions jamais
de vue ce qui le rend convaincant à nos yeux et pour
chacun d’entre nous dans nos différents ministères.
Je vous souhaite donc de la joie pendant ces discussions – et pas seulement de la clarté ou de l’efficacité
dans nos travaux – la joie que comporte la promesse
de la vision du visage du Christ, et la préfiguration
de l’accomplissement d’une communion dans la joie
entre nous, ici et maintenant.
ORF, 18.10.2012
8
Salut du Patriarche œcuménique,
Sa Sainteté Bartholomaios Ier
Place Saint-Pierre, 11 octobre 2012
Nous publions ci-dessous le texte du message de
salution adressé au Pape par le Patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartholomaios Ier, dans la matinée
du jeudi 11 octobre 2012, avant la conclusion de la
Messe célébrée Place Saint-Pierre pour l’ouverture de
l’Année de la Foi, à l’occasion du 50e anniversaire du
Concile Vatican II.
Frères et sœurs,
Quand le Christ se préparait à l’expérience de
Gethsémani, il a prononcé une prière pour l’unité qui est rapportée au paragraphe 17, verset 11 de
l’Évangile de Jean: « ...garde-les dans ton nom que tu
m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous ». Au
fil des siècles, nous avons vraiment été gardés par la
puissance et l’amour de Christ, et au juste moment de
l’histoire, l’Esprit Saint est descendu sur nous et nous
avons commencé un long parcours vers l’unité visible
voulue par le Christ. Cela a été confirmé par Unitatis
redintegratio n. 1: « Très nombreux sont partout les
hommes qui ont été touchés par cette grâce et, sous
l’effet de la grâce de l’Esprit Saint, est né un mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les chrétiens ».
Sainteté, il y a cinquante ans, ici, sur cette place,
une célébration puissante et significative a manifesté
le cœur et l’esprit de l’Église catholique romaine, en
la conduisant au cours des cinquante dernières années jusqu’au monde contemporain. L’ouverture du
Concile Vatican II, pierre angulaire transformante,
fut inspirée par la réalité fondamentale que le Fils
et le Logos incarné de Dieu est là lorsque « deux ou
trois sont réunis en son nom » (Mt 18, 20) et que
l’Esprit qui procède du Père « nous introduira dans
la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Nous nous souvenons avec clarté et tendresse, mais aussi avec jubilation et enthousiasme, des discussions personnelles
que nous avons eues, au cours des cinquante années
qui ont suivi, avec des évêques et des experts théologiens, pendant notre formation – en tant que jeune
étudiant – à l’Institut pontifical oriental, ainsi que
notre participation personnelle à quelques sessions
spéciales du Concile. Nous sommes les témoins oculaires de la manière dont les évêques ont fait l’expérience, avec une conscience renouvelée, de la valeur
– et du sens de continuité renforcé – de la tradition et
de « la foi transmise aux saints une fois pour toutes »
(Jude 1, 3). Ce fut une période prometteuse, riche
d’espoirs, à l’intérieur et à l’extérieur de votre Église.
Nous avons remarqué que, pour l’Église orthodoxe, ce fut une période d’échanges et d’attentes. Par
exemple, la convocation des premières Conférences
panorthodoxes à Rhodes, a conduit aux Conférences
préconciliaires en préparation au grand Concile des
Églises orthodoxes. Ces échanges allaient montrer
au monde moderne le grand témoignage d’unité de
l’Église orthodoxe. De plus, cette période a coïncidé avec « le dialogue de l’amour », et elle a annoncé la Commission internationale mixte pour le dia-
logue théologique entre l’Église catholique romaine
et l’Église orthodoxe, instituée par nos vénérables
prédécesseurs, le Pape Jean-Paul II et le Patriarche
œcuménique Dimitrios.
Au cours des cinq dernières décennies, les
conquêtes obtenues par cette Assemblée ont été
nombreuses, comme le prouve la série de constitutions, déclarations et décrets importants et influents. Nous avons contemplé le renouvellement de
l’esprit et « le retour aux origines » à travers l’étude
liturgique, la recherche biblique et la doctrine patristique. Nous avons apprécié l’effort graduel pour
se libérer des limites académiques rigides à l’ouverture du dialogue œcuménique, ce qui a mené aux
abrogations réciproques des excommunications de
l’année 1054, à l’échange de vœux, à la restitution
des reliques, au début de dialogues importants et de
visites réciproques dans nos sièges respectifs.
Notre chemin n’a pas toujours été facile ou
exempt de souffrances et de défis. Nous savons, en
fait, que « étroite est la porte et resserré le chemin »
(Mt 7, 14). La théologie fondamentale et les principaux thèmes du Concile Vatican II – le mystère
de l’Église, la sacralité de la liturgie et l’autorité de
l’évêque – sont difficiles à appliquer avec assiduité,
et s’assimilent par des efforts qui durent toute la
vie et avec l’engagement de l’Église tout entière. La
porte devrait donc rester ouverte à un accueil plus
profond, à un engagement pastoral plus grand et
une interprétation ecclesiale du Concile Vatican II
toujours plus approfondie.
En poursuivant ce chemin ensemble, nous rendons grâces et gloire au Dieu vivant – Père, Fils et
Saint Esprit – car l’assemblée des évêques elle-même
a reconnu l’importance de la réflexion et d’un dialogue sincère entre nos « Églises sœurs ». Nous nous
unissons dans « l’espoir, que le mur qui sépare l’Église
d’Orient de celle d’Occident étant abattu, il n’y aura
plus qu’une seule demeure, solidement établie sur la
pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l’unité de
l’une et de l’autre » (Unitatis redintegratio n. 18).
Grâce au Christ, notre pierre angulaire, et à la
tradition que nous avons en commun, nous serons
en mesure – ou, plutôt, nous le serons par le don et la
grâce de Dieu – d’apprécier davantage et d’exprimer
de façon plus complète le Corps du Christ. Par nos
efforts continus, conformes à l’esprit de la tradition
de l’Église primitive et à la lumière de l’Église des
Conciles du premier millénaire, nous pourrons vivre
l’expérience de l’unité visible qui se trouve au-delà
de notre temps présent.
L’Église se distingue toujours par sa dimension
prophétique et pastorale particulière, par la modération et la spiritualité qui la caractérisent, et sert avec
une humble sensibilité les « plus petits » des frères du
Christ (Mt 25, 40).
Bien-aimé frère, notre présence ici signifie et
montre notre engagement à témoigner ensemble
du message de salut et de guérison pour nos frères
les plus petits: les pauvres, les opprimés, les marginalisés du monde créé par Dieu. Commençons les
prières pour la paix et la santé de nos frères et sœurs
qui vivent au Moyen-Orient. Dans le creuset actuel
de violences, séparations et divisions qui s’intensi-
fient entre les peuples et les nations, que l’amour
et le désir d’harmonie que nous déclarons ici, et la
compréhension que nous recherchons avec le dialogue, soient un modèle pour notre monde. Que l’humanité puisse tendre la main vers « l’autre » et que
nous puissions travailler ensemble pour dépasser la
douleur des peuples partout, et en particulier là où
l’on souffre à cause de la faim, des catastrophes naturelles, des maladies et de la guerre qui finit par
frapper notre vie à tous.
À la lumière de tout ce que l’Église dans le monde
devrait encore accomplir, et en appréciant grandement tous les progrès que nous avons partagés, nous
sommes honorés d’avoir été invités à participer – et
d’avoir été appelés à offrir notre modeste parole –
à cette commémoration solennelle et joyeuse du
Concile Vatican II. Ce n’est pas une coïncidence si
cette célébration marque pour votre Église l’inauguration solennelle de l’Année de la Foi, car c’est la foi
qui offre un signe évident du chemin que nous avons
parcouru ensemble le long du chemin de la réconciliation et de l’unité visible.
En conclusion, nous vous félicitons sincèrement,
Sainteté, Frère bien-aimé – unis à la multitude bénie
des fidèles ici rassemblés aujourd’hui – et nous Vous
embrassons fraternellement en cette joyeuse occasion commémorative. Que Dieu vous bénisse tous.
ORF, 25.10.2012
Intervention de Son Éminence LÉo
Archevêque de Karélie et de toute la Finlande
Patriarcat œcuménique
Sixième Congrégation générale
11 octobre 2012
C’est pour moi un grand privilège, un honneur et une joie de pouvoir vous apporter les salutations de Sa Sainteté Bartholomaios Ier, Archevêque de Constantinople et Patriarche œcuménique. Je ne m’adresse pas à cette assemblée
seulement en tant que représentant et invité car,
vu l’urgence de la « nouvelle évangélisation »,
ce sujet est aussi important pour les chrétiens
orientaux que pour la Grande Église de Rome.
Nous avons lu avec joie les Orientations, et spécialement la reconnaissance que la tradition, la mystagogie et les expériences récentes de la chrétienté
orientale offre un aperçu des nouveaux efforts de
l’évangélisation de nos jours. Mais plus que tout,
nous apprécions le discernement du fait que l’évangélisation ne commence pas en prêchant mais en
écoutant.
Ce n’est pas un hasard si l’icône du plus grand
évangéliste et apôtre Jean, connu par nous en Orient
comme le Théologien, met son doigt sur ses lèvres,
indiquant le silence. Ce silence, comme l’indiquent
les Orientations avec éloquence, n’est pas prêché
avec lassitude, crainte, honte ou manque de foi: mais
avec la reconnaissance que, si nous voulons être des
partenaires « dans un dialogue avec le monde », si
9
nous voulons vraiment « partager cette même humanité cherchant la vérité sur l’existence », nous devons
commencer là où la véritable humanité commence
– dans des expériences d’émerveillement qui nous
mènent à la transcendance.
Être silencieux, écouter, et ensuite partager la
Bonne Nouvelle: c’est la meilleure manière de montrer notre amour et notre préoccupation pour le
monde aujourd’hui, comme Dieu lui-même a exprimé son Économie Divine en réponse à nos échecs,
à nos recherches et à nos besoins. C’est seulement
en prenant les problèmes de nos interlocuteurs aussi
sérieusement que nous leur recommandons les solutions de Dieu, que nous pouvons établir et reconstruire
la confiance, de sorte que nos paroles soient encore
une fois révélées avec tout leur pouvoir de donner la
vie – qu’elles soient prononcés, écrites ou tweetées.
Et maintenant, Saint-Père, Éminences, Grâces,
Frères et Sœurs dans le Christ, je vais commencer à
écouter moi aussi, comme va le faire le monde.
ORF, 25.10.2012
Intervention de Son Éminence Emmanuel
Métropolite de France
Président de la Conférence des Églises européennes
En préparant cette modeste allocution, je me
suis demandé quel lien pouvait être tissé entre l’engagement œcuménique en tant que mission du christianisme contemporain, et l’évangélisation, comme
transmission de la foi chrétienne. Ces deux sujets
puisent leur substance dans le mystère de l’incarnation. Il ne s’agit pas alors de se satisfaire de la seule
élaboration théologique, voire intellectuelle, de ce
mystère. Il me paraît essentiel d’entendre le mystère de l’incarnation à la manière de Saint Irénée de
Lyon, c’est-à-dire d’une puissance « récapitulatrice »
de l’humanité tout entière, voire de la création dans
son ensemble. Dès lors, l’enseignement des Pères de
l’Église nous propose de contempler la convergence
entre l’effort théologique et l’expérience d’un christianisme incarné dans le monde et enraciné dans le
temps. Cette expérience n’est pas seulement la récapitulation de certaines sagesses, mais bien une reconfiguration totale, pour ne pas dire holistique de
l’homme corps, âme et esprit.
Ainsi, comment articuler œcuménisme, évangelisation et transmission de la foi? En effet, la chose
n’est pas aisée et renvoie à des considérations que
les limites de temps qui me sont imparties ne me
permettront pas d’aborder en profondeur. Néanmoins, il convient de reconnaître qu’à travers les
trois termes de ma question initiale, nous pouvons
découvrir un aspect saillant permettant d’en faire
ressortir du sens. Car le cœur de la problématique
qui nous intéresse ne renvoie pas tant à la foi comme
telle, mais aux réponses que la foi est susceptible
d’apporter dans notre monde contemporain. En résumé, ce qui prime dans l’intitulé de cette rencontre,
c’est de savoir à quel champ sémantique renvoie
le terme « nouveau ». Ce n’est que de cette manière
que nous serons en mesure d’apporter une réponse
adéquate aux interrogations de nos frères et sœurs.
10
Mondialisation et société de consommation ne sont
que les épiphénomènes d’un problème plus profond: la mutation, la transformation de l’espoir en
recherche du bonheur. Nos contemporains ont perdu espoir et ne sont qu’à la recherche du bonheur.
Alors, d’aucuns pourraient se demander comment
cette mutation a pu advenir et comment y répondre.
Le réenchantement de l’espoir consiste à définir ce
lien qui existe entre Dieu et l’homme, entre les différentes personnes humaines, et à l’intérieur même de
chaque personnalité. Lorsque le Christ déclare qu’il
est « la vérité, le chemin et la vie », il ne parle pas
de concepts désincarnés, mais bien de principes dynamiques fondés sur le socle de l’unique Logos. Par
conséquent, le Logos est aussi lien et relation. Ainsi,
le bonheur se transforme en espoir dans la mesure
où chaque personne apprend à se connaître en tant
qu’être de relation, pour ne pas dire en tant qu’être
de communion. Le Christ est objet de communion et
il est simultanément lien de communion. Lorsque le
bonheur individuel est relié à la destinée collective,
l’Église, il se mue en espoir sous l’effet de l’eschatologie, l’avènement des fins dernières.
Ces considérations ne sont pas si éloignées de
mon propos initial qui tend à comprendre la place
de l’œcuménisme à l’intérieur des nouvelles formes
d’évangélisation. En effet, l’œcuménisme est une
obligation à dépasser les représentations qui sont
les nôtres et qui se limitent souvent à de simples
guerres de clochers. Cependant, une telle attitude
ne rend pas compte du message de salut porté par
le Christ. L’expérience œcuménique, telle que nous
la vivons dans le cadre de la Conférence des Églises
Européennes, réfléchit activement à la manière de
réconcilier la division des chrétiens avec l’évangélisation. Voilà pourquoi, les Églises et Communautés
chrétiennes membres de la CEC se sont engagées
à, je cite: « parler de nos initiatives d’évangélisation
avec les autres Églises, à conclure des accords à ce
sujet et à éviter ainsi une concurrence dommageable
ainsi que le danger de nouvelles divisions ». Ayant
ces considérations à l’esprit, il me semble qu’il reste
nombre de chantiers à exploiter sur le plan pastoral.
Ils nous permettraient, comme des préalables nécessaires à la reconstruction de l’unité des chrétiens,
de témoigner plus justement de notre foi commune.
Je vous encourage donc à prendre en considération
dans vos réflexions la dimension, œcuménique de
l’évangélisation.
ORF, 25.10.2012
Intervention de Son Éminence Nifon
Métropolite et Archevêque de Targovistis (Roumanie)
Conseil œcuménique des Églises
Salutations au nom du Secrétaire général du
Conseil œcuménique des Églises (COE), le Rév. Olav
Fylkse Tveit à la XIIIe Assemblée générale ordinaire
du Synode des Évêques.
« Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon
Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié » (1 Co 2, 2).
C’est la Parole vivante de Dieu, qui nous a été révélée dans la croix et la résurrection de Jésus Christ,
qui est la Bonne Nouvelle, l’evangellion, que ceux qui
confessent Jésus Christ comme Seigneur et Sauveur
doivent proclamer dans toutes les dimensions de
leurs vies. Il existe une logique dans la séquence du
thème choisi pour la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, qui citait Jn 1, 14: « Et le
Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous
avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son
Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité »,
et l’accent mis sur la nouvelle évangélisation à l’occasion de cette XIIIe Assemblée générale ordinaire.
La justification dans le Christ, la proclamation
de l’Évangile et l’appel à la sainteté appartiennent
ensemble à la communauté des croyants, membres
de l’unique corps du Christ (1 Co 12, 12).
L’Église est construite lorsque les personnes sont
transformées en recevant le Christ, le verbe incarné de Dieu, dans la puissance de l’Esprit Saint. Les
personnes deviennent des disciples crédibles et visibles du Christ en célébrant la Sainte Eucharistie,
en méditant des textes bibliques et en témoignant de
l’Évangile dans leurs maisons et dans leurs familles,
dans les rues ou sur leur lieu de travail en tant que
salariés, entrepreneurs, chercheurs et dans beaucoup d’autres professions.
Le Concile Vatican II énonçe, dans le Décret Dei
Verbum: « L’Esprit Saint, par qui la voix vivante de
l’Évangile retentit dans l’Église et, par l’Église, dans
le monde, introduit les croyants dans la vérité tout
entière et fait que la parole du Christ réside en eux
avec toute sa richesse (cf. Col 3, 16) » [§ 8].
Nous nous souvenons du Concile Vatican II
comme d’un moment extraordinaire de renouveau
évangélique de l’Église catholique. Cela a été souligné par le modérateur du Conseil œcuménique des
Églises, le Rév. Walter Altmann, dans son intervention lors de la récente réunion de la Commission au
mois de septembre dernier en Crète. Nous exprimons notre gratitude et notre joie du fait qu’à travers
le Décret sur l’œcuménisme (Unitatis redintegratio),
l’Église catholique s’est ouverte au mouvement œcuménique et a donné un nouvel élan à la recherche de
l’unité visible. Le Décret suscita l’espoir et l’inspiration des chrétiens du monde entier.
Les Constitutions dogmatiques, les Déclarations
et les Décrets du Concile ont été et continuent à être
non seulement très importants pour le renouveau
de l’Église catholique mais aussi sur le plan œcuménique. Le Concile Vatican II a aussi été œcuménique
dans la réception positive de la recherche œcuménique et théologique de cette époque, y compris le
travail de la Commission Foi et Constitution. L’invitation élargie aux observateurs fraternels et les possibilités qui leur ont été données de dialoguer étaient
très significatives. Aujourd’hui, celà semble évident.
À l’époque de Vatican II, cependant, il s’agissait
d’un signe remarquable d’ouverture en direction des
chrétiens d’autres traditions. Leur présence contribua à abattre la barrière qui nous séparait (Ep 2, 14).
Inspiré par ma lecture des textes et des nouvelles
initiatives de Vatican II, ma conviction a été renforcée que l’unité est un don de vie, donnée dans le Corps
du Christ dans le quel nous avons tous besoin les uns
des autres. Travailler pour l’unité de l’Église, c’est
travailler pour l’unité de toute la vie, reconnaître et
célébrer la diversité de la vie donnée par Dieu, dans
les différentes cultures, les différents contextes et
les différentes langues. En tant que Corps du Christ,
l’Église est solidaire avec le genre humain et avec
toute la Création, priant d’être conduite par Dieu à
la justice et à la paix.
Nous avons fait un long chemin au cours de ces
50 ans. L’étude « Harvesting the Fruits », qui a été publiée par le Cardinal Walter Kasper, une étude sur la
Justification réalisée par le Groupe mixte de travail
entre le Conseil œcuménique des Églises et l’Église
catholique, ainsi que d’autres initiatives similaires
ont prouvé combien il a été accompli, mais elles indiquent également les tâches qui demeurent à aborder sur le chemin de l’unité visible de l’Église dans
une seule foi et dans la communion eucharistique.
Nous souvenant de ce qui a été réalisé au cours
de ces cinquante ans, nous reconnaissons également combien le contexte a changé, tout comme les
conditions de la proclamation de l’Évangile dans les
différentes cultures et sociétés du monde. La réalité
que nous affrontons continue à changer rapidement.
Elle est pleine de contradictions qui résistent aux
généralisations simples et lance de nouveaux défis.
Votre travail sur la nouvelle évangélisation et l’Année de la Foi qui commence aideront chacun d’entre
nous à apprendre davantage sur la proclamation de
l’Évangile dans les différents contextes actuels et il
offrira, nous l’espérons, de nombreuses occasions
de coopération comme signe de l’unité qui nous est
déjà donnée dans le Christ et de laquelle, tant de
chrétiens ont la nostalgie.
Puisse Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, être
avec vous et bénir vos réflexions.
« À vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et
le Seigneur Jésus Christ! » (1 Co 1, 3).
ORF, 25.10.2012
Intervention de Son Éminence le Cardinal Kurt Koch
Président du Conseil pontifical pour la promotion de
l’unité des chrétiens
Treizième Congrégation générale
16 octobre 2012
(...) Œcuménisme et évangelisation vont toujours
de paire. Ce serait un signe encourageant si de ce
Synode des évêques l’invitation à percevoir comme
un devoir commun la nouvelle évangelisation et à
témoigner ensemble Jésus Christ de manière encore
plus précise, parvenait également aux autres Églises
et communautés chrétiennes.
11
Les témoins les plus crédibles de la foi sont
les martyrs, qui ont donné leur vie pour le Christ.
(...) Alors que nous chrétiens sommes encore
dans une communion imparfaite sur cette terre,
les martyrs de la gloire céleste vivent déjà en
pleine communion. Par conséquent, nous pouvons trouver du réconfort dans l’espoir que le sang
des martyrs de notre temps deviendra un jour la
graine de la pleine unité du Corps du Christ. Et
cette espérance, nous voulons la témoigner ensemble, avec une nouvelle évangélisation crédible.
ORF, 08.11.2012
Intervention de son Éminence Hilarión
Métropolite de Volokolamsk
Directeur du département chargé des relations
publiques du Patriarcat de Moscou
(Fédération russe)
Quatorzième Congrégation générale
16 octobre 2012
Le présent synode des évêques de l’Église catholique
romaine coïncide avec une date mémorable – le 50e
anniversaire du début du Concile Vatican II – et est
consacré au thème de la nouvelle évangélisation qui
concerne tous les chrétiens: le sermon du Christ
dans le monde séculier. Il y a un demi-siècle, les
pères du Concile savaient bien qu’une coopération
plus étroite entre les chrétiens de différentes traditions voulait dire rendre le témoignage du Christ et
de Sa mission salvifique dans le monde moderne
plus convaincants. Aujourd’hui, nous sommes appelés à résoudre les tâches communes que l’époque
actuelle nous présente. Les défis qui se sont succédé
ces cinquante dernières années, depuis le début de
Vatican II, n’ont pas seulement perdu leur signification, mais sont même devenus plus graves et plus
menaçants.
L’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine remplissent la mission à laquelle elles ont été
appelées par le Christ et témoignent inlassablement
de la vérité, « il établira la culpabilité du monde en
fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement »
(Jn 16, 8). Dans le ministère, nos Églises deviennent
plus conscientes de la nécessité de joindre nos efforts
pour que les chrétiens qui répondent aux défis de
la société moderne puissent être entendus. Ces dernières années, les Églises orthodoxes et catholiques
ont coopéré efficacement au sein du forum orthodoxe-catholique, des organisations internationales
et d’autres lieux de dialogue dans le monde séculier.
Le Synode des Évêques qui se réunit à Rome
examinera et cherchera les moyens les plus efficaces de prêcher la vérité de l’Évangile dans la société moderne. J’espère que l’un des fruits du travail du Synode sera le développement de la coopération orthodoxe-catholique, comme cela a été le
cas après Vatican II: « Afin que le monde croie » (Jn
17, 21).
ORF, 08.11.2012
12
Père Massis Zobouian
Directeur du « Christian Education Department of the
Catholicosate of the Holy See of Cilicia »(Liban)
Église apostolique arménienne
Message de Sa Sainteté Aram Ier Catholicos de
Cilicie à l’Assemblée générale du Synode.
Nous vous accueillons dans l’esprit de l’amour et
de l’amitié chrétiens.
L’initiative de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI de
convoquer une Assemblée générale du Synode des
Évêques sur le thème « La nouvelle évangélisation
pour la transmission de la foi chrétienne » a une profonde signification et des implications œcuménique,
ecclésiologique et missiologique.
L’évangélisation est une raison d’être de l’Église.
Elle est en même temps un don de Dieu en Christ
et un appel. Il faut prêter une attention particulière
à l’évangélisation chrétienne dans le monde d’aujourd’hui, dans lequel les valeurs spirituelles et morales sont en constante décadence. Renouveler et revigorer la vocation évangélique de l’Église n’est pas
une option mais une nécessité urgente ainsi qu’un
énorme défi.
Ainsi, donner une nouvelle vigueur à la mission
évangélisatrice de l’Église n’est pas une question qui
concerne seulement l’Église catholique. Elle représente la priorité de tous les chrétiens et un impératif
œcuménique. Les Églises qui témoignent dans les
différentes parties du monde sont appelées à donner
un nouvel élan à l’urgence cruciale de l’évangélisation et à insuffler un nouveau dynamisme dans leur
engagement missionnaire.
Nous devons prendre toutefois conscience que
porter l’Évangile au monde n’est pas un devoir facile au sein des sociétés modernes dominées par
les forces de la sécularisation et de la globalisation.
L’Église ne peut renoncer, pour aucune raison que ce
soit, à la mission que Dieu lui a confiée.
Nous saluons avec chaleur l’esprit œcuménique
et l’ouverture de Sa Sainteté qui a voulu inviter les
délégués fraternels à participer à cet important événement spirituel dans la vie et dans le témoignage
de l’Église catholique. Nous sommes certains que les
Pères synodaux affronteront cet important devoir
d’évangélisation avec une approche holistique et
pertinente, en répondant ainsi à l’actuelle nécessité
des fidèles au niveau local, à cette époque si difficile.
Que Dieu vous conduise dans vos réflexions et
dans vos actions pour la gloire de Son règne céleste.
ORF, 08.11.2012
Intervention du Révérend Timothy George
Doyen de la « Beeson Divinity School
of Samford University » (États-Unis d’Amérique)
Alliance baptiste mondiale
En tant que délégué fraternel représentant l’Alliance baptiste mondiale, une organisation regroupant quelques 42 millions de chrétiens qui servent
le Seigneur dans 177.000 églises réparties dans 120
pays, je voudrais souligner trois points par rapport à
la nouvelle évangélisation.
Tout d’abord, les Baptistes comme tous les chrétiens professent une profonde foi dans le Dieu Trine
qui nous a fait partager sa vie divine à travers Jésus
Christ, le grand évangélisateur, qui nous sauve par
sa grâce. Sans cette réalité trinitaire fondamentale,
tous nos programmes et nos projets pour l’évangélisation resteraient infructueux.
En second lieu, il existe un impératif biblique
à l’unité des chrétiens. Car l’œcuménisme en soit
n’est jamais une fin mais est toujours au service de
l’évangélisation. Jésus priait le Père céleste afin que
tous les croyants soient une seule chose, « afin que le
monde croie » (Jn 17, 21). Un exemple d’unité chrétienne est le Rapport du Dialogue international baptiste-catholique qui sera bientôt publié, « La Parole
de pieu dans la vie de l’Église ».
En troisième lieu, dans le courant de l’histoire,
les Baptistes ont été les ardents hérauts de la liberté
religieuse pour toutes les personnes. Une telle liberté
ne se bâtit pas sur des constructions sociales et politiques mais vient de Dieu lui-même et du type de
rapport auquel il appelle toutes les personnes.
Aujourd’hui la liberté religieuse est attaquée de
nombreuses façons, certaines sont plus évidentes
alors que d’autres sont plus subtiles. Tous les chrétiens qui prennent au sérieux l’appel à l’évangélisation doivent s’engager et œuvrer ensemble pour la
protéger et la faire s’épanouir.
ORF, 08.11.2012
Intervention de Sarah F. Davis
Vice-présidente du Conseil méthodiste mondial (ÉtatsUnis d’Amérique)
Sainteté, Pape Benoît XVI, Éminences, Excellences, frères et sœurs en Jésus Christ,
je suis très reconnaissante à Dieu pour cette première opportunité de faire partie de l’éminent forum
que représente la XIIIe Assemblée générale ordinaire
du Synode des évêques pour représenter le Conseil
méthodiste mondial, un organisme comptant plus de
80 millions de membres appartenant à l’Église méthodiste, Wesleyenne et aux Églises en unification et
unifiées, dans 90 pays. Le Conseil méthodiste mondial est extrêmement reconnaissant au Saint-Père de
son invitation afin que nous participions au Synode
le plus urgent et critique de la vie de la chrétienté.
En 1971, quand la Conférence méthodiste mondiale a déclaré: « II est temps pour toutes les personnes appelées méthodistes de se consacrer à la
fois à la mission mondiale et à l’évangélisation »,
l’évangélisation mondiale a été lancée avec beaucoup de ferveur et de détermination. Le Conseil méthodiste mondial croyait à l’époque, et le croit toujours aujourd’hui, que la grande mission du Christ
à son Église à enseigner et prêcher l’Évangile et à
créer des disciples est le devoir suprême de l’Église.
Le Conseil méthodiste mondial est en accord avec le
Saint-Père et avec les conclusions du Document de
travail qui soulignent combien il est important que
les gens connaissent Jésus Christ au XXIe siècle. Le
monde est blessé, perdu, confus, distrait, bouleversé, malade et malheureux et a désespérément besoin
de guérison, d’espoir et de salut. Il n’y a pas d’autre
nom à appeler dans un moment comme celui-là que
celui de Jésus.
En affrontant les défis de la nouvelle évangélisation les considérations suivantes sont nécessaires:
L’engagement évangélique doit être guidé et façonné par les besoins spécifiques et l’environnement
culturel de ceux avec qui l’Évangile est partagé. Cela
requiert de la créativité afin qu’en rencontrant les
besoins des personnes, l’Évangile ne soit pas compromis.
L’engagement évangélique doit être « holistique ».
Il doit répondre à tous les besoins des personnes –
physiques, affectifs, sociaux, politiques et spirituels
– en proposant l’Évangile de Jésus Christ.
L’engagement évangélique doit être basé sur la
conscience du pouvoir de la grâce de Dieu. En tout
temps et en tout lieu, Dieu œuvre sur les vies de
toutes les personnes rencontrées.
L’engagement évangélique doit toujours être insufflé par l’Esprit Saint Seuls, les évangélisateurs
n’ont pas de pouvoir. Par le pouvoir que leur confère
l’Esprit Saint, l’engagement devient une dynamique
et une authentique expression de la grâce salvifique
de Dieu, exprimée en Jésus Christ.
Le succès de la nouvelle évangélisation est étroitement lié à la crédibilité de l’évangélisateur. Ce seront les évangélisateurs qui seront étudiés au microscope; pas les procédés, pas les programmes, ni les
plans développés dans ce Synode. Les gens veulent
savoir que ce que les évangélisateurs promeuvent a
déjà eu un effet dans leur vie.
Nous remercions Dieu pour l’appel lancé par
Sa Sainteté pour la nouvelle évangélisation et nous
prions Dieu afin qu’il continue à propager Sa grâce
sur les résultats à venir de ce Synode. Gloire à Dieu.
Merci.
ORF, 08.11.2012
Intervention de son Excellence Steven Croft
Évêque de Sheffield (Grande-Bretagne)
Communion anglicane
La semaine dernière, l’Archevêque Rowan Williams a parlé de la contemplation comme de la racine de l’évangélisation. Pour ma part, je parlerai
des fruits de l’évangélisation dans la vie de l’Église,
puisque l’Église reflète le caractère du Christ à travers ses disciples ayant grandi dans la foi, les nouvelles communautés ecclésiales et les nouveaux ministères.
Premièrement, quand l’Église est renouvelée
dans la contemplation du Christ et la Parole de Dieu,
nous sommes transformés à sa ressemblance et devenons porteurs du caractère du Christ, devenant de
manière plus évidente l’Église des Béatitudes.
Deuxièmement, la nouvelle évangélisation exige
une vision claire de ce que cela veut dire être un dis13
ciple. Dans la catéchèse, il est essentiel d’avoir un
but précis devant nous: la formation de disciples
mûrs, capables de vivre au rythme du culte, de la
communauté et de la mission.
Troisièmement, je voudrais encourager le Synode à réfléchir plus en profondeur sur la formation
des nouvelles communautés ecclésiales en vue de la
transmission de la foi à ceux qui ne font plus partie
d’une Église.
Au cours des dix dernières années, l’Église d’Angleterre a promu activement un nouveau mouvement
missionnaire visant à lancer de nouvelles expressions
de l’Église, dans le cadre même du ministère des paroisses ou des groupes de paroisses ou de diocèses.
Enfin, qui seront les nouveaux évangélisateurs?
Je préconise une réflexion plus approfondie sur
la diakonia et le ministere des diacres. Le ministère consistant a former de nouvelles expressions
d’Église est théologiquement ancré dans la diakonia
et le ministère des diacres: écoute, service attentionné, et le fait d’être envoyé au nom de l’Église. Dans
l’Église d’Angleterre, les diacres ordonnés sont décrits comme des hérauts du royaume du Christ et
des agents des objectifs d’amour de Dieu.
ORF, 08.11.2012
Intervention de son Excellence Siluan
Évêque du diocèse orthodoxe roumain en Italie
Patriarcat orthodoxe roumain
La proclamation de l’Évangile à travers la liturgie et la charité: Message de Sa Béatitude Daniel, Patriarche de Roumanie.
Le thème de la XIIIe assemblée du Synode des
Évêques catholiques du monde entier sur l’évangélisation concerne tous ceux qui portent le nom du
Christ (cf. Ac 2, 38), puisque l’évangélisation et la
transmission de la foi constituent à la fois une vocation et un devoir pour l’Église et pour chaque chrétien.
Le monde sécularisé et déchristianisé dans lequel nous vivons aujourd’hui a besoin d’apôtres ou
de missionnaires, comme le furent les Apôtres du
14
Christ Seigneur et les saints Pères de l’Église. Aujourd’hui, les premiers qui sont appelés à cultiver de
manière nouvelle et intense le zèle apostolique pour
l’évangélisation, c’est nous, les évêques de l’Église du
Christ, avec tout le clergé et tous les laïcs croyants.
Une vie liturgique profonde est la source principale pour le renouveau de l’engagement d’évangélisation. La sainte et divine liturgie eucharistique
est en même temps source et espace d’annonce de
l’Évangile du Christ.
La rencontre avec le Christ dans la sainte liturgie
eucharistique est source de lumière pour proclamer
Son amour charitable et promouvoir l’œuvre de charité de l’Église.
En d’autres termes, la vie spirituelle doit être la
source principale de l’action sociale, afin que celleci ne se réduise pas à une éthique humaniste sécularisée. En particulier, les familles chrétiennes, les
paroisses et les monastères qui prient intensément
et en même temps réalisent des œuvres de charité et
sont des sources d’espérance et de renouveau pour
l’évangélisation. Si la souffrance, la pauvreté, la solitude et l’injustice sociale deviennent souvent des
sources de désespoir ou de violence, la prière, personnelle ou communautaire et l’action sociale chrétienne deviennent des sources d’espérance, de paix,
de solidarité et de sainteté. La sainteté est vraiment
l’antidote contre la sécularisation.
Nous estimons donc que le lien permanent entre
la liturgie et la charité, trait fondamental de la sainte
tradition apostolique, est une grande ressource pour
évangéliser la génération contemporaine, notamment par le recours à des instruments de catéchèse,
pastorale et missionnaire, adaptés aux temps actuels.
Nous souhaitons à Votre Sainteté, à Vos Éminences et à Vos Excellences, ainsi qu’à tous les participants aux travaux de ce Synode, une aide abondante par le Seigneur Jésus Christ pour le nouveau
travail d’évangélisation des sociétés humaines aujourd’hui.
Avec grande estime, et un amour profond en le
Christ Seigneur.
ORF, 08.11.2012
OUVERTURE DE L’ANNÉE DE LA FOI
11 octobre 2012
Dans la matinée du jeudi 11 octobre 2012, le Pape Benoît XVI a présidé une célébration eucharistique sur la
Place Saint-Pierre à l’occasion de l’ouverture de l’Année de la foi, de la commémoration du 50e Anniversaire du
début du Concile Vatican II et du 20e Anniversaire de la promulgation du catéchisme de l’Église catholique.
Pendant la liturgie, après l’acclamation de l’Évangile, le Saint-Père a prononcé l’homélie et à la fin de la prière
après l’Eucharistie, le Patriarche œcuménique a lu un message de salutations. Nous reproduisons ces deux textes
ci-dessous.
Homélie du Pape Benoît XVI
Vénérés frères
Chers frères et sœurs,
À 50 ans de l’ouverture du Concile œcuménique
Vatican II, c’est avec une joie profonde que nous
inaugurons aujourd’hui l’Année de la foi. Je suis
heureux de saluer toutes les personnes présentes, en
particulier Sa Sainteté Bartholomaios Ier, Patriarche
de Constantinople, ainsi que Sa Grâce Rowan Williams, Archevêque de Canterbury. J’ai une pensée
spéciale pour les Patriarches et les Archevêques majeurs des Églises orientales catholiques et pour les
Présidents des Conférences épiscopales. Pour faire
mémoire du Concile, que certains d’entre nous ici
présents – et que je salue affectueusement – ont eu la
grâce de vivre personnellement, cette célébration est
encore enrichie par quelques signes spécifiques : la
procession initiale qui rappelle la procession inoubliable des Pères conciliaires lorsqu’ils firent leur entrée solennelle dans cette Basilique ; l’intronisation
de l’Évangéliaire, copie de celui-là même qui a été
utilisé durant le Concile ; les sept Messages finaux
du Concile ainsi que le Catéchisme de l’Église catholique que je remettrai à la fin de la Messe, avant
la Bénédiction. Non seulement ces signes nous rappellent le devoir de commémoration qui est le nôtre,
mais ils nous offrent aussi l’opportunité de dépasser
cette perspective pour aller au-delà. Ils nous invitent
à entrer plus avant dans le mouvement spirituel qui
a caractérisé Vatican II, pour se l’approprier et lui
donner tout son sens. Ce sens fut et demeure la foi en
Christ, la foi apostolique, animée par l’élan intérieur
qui pousse à annoncer le Christ à chaque homme et
à tous les hommes pendant le pèlerinage de l’Église
sur les chemins de l’histoire.
La cohérence entre l’Année de la foi que nous
ouvrons aujourd’hui et le chemin que l’Église a parcouru depuis les 50 dernières années est évidente : à
commencer par le Concile, puis à travers le Magistère du Serviteur de Dieu Paul VI qui, déjà en 1967,
avait proclamé une « Année de la foi », jusqu’au
Grand Jubilé de l’an 2000 par lequel le Bienheureux
Jean-Paul II a proposé à nouveau à toute l’humanité Jésus Christ comme unique Sauveur, hier, aujourd’hui et pour toujours. Entre ces deux pontifes,
Paul VI et Jean-Paul II, existe une convergence totale
et profonde précisément au sujet du Christ, centre
du cosmos et de l’histoire, ainsi qu’au regard du zèle
apostolique qui les a portés à l’annoncer au monde.
Jésus est le centre de la foi chrétienne. Le chrétien
croit en Dieu par Jésus qui nous en a révélé le visage.
Il est l’accomplissement des Écritures et leur interprète définitif. Jésus Christ n’est pas seulement objet
de la foi mais, comme le dit la Lettre aux Hébreux, il
est « celui qui donne origine à la foi et la porte à sa
plénitude » (He 12,2).
L’Évangile de ce jour nous dit que Jésus, consacré par le Père dans l’Esprit Saint, est le sujet véritable et pérenne de l’évangélisation. « L’Esprit du
Seigneur est sur moi, pour cela il m’a consacré par
l’onction et m’a envoyé annoncer aux pauvres une
bonne nouvelle » (Lc 4,18). Cette mission du Christ,
ce mouvement, se poursuit dans l’espace et dans le
temps, il traverse les siècles et les continents. C’est
un mouvement qui part du Père et, avec la force de
l’Esprit, porte la bonne nouvelle aux pauvres de tous
les temps, au sens matériel et spirituel. L’Église est
l’instrument premier et nécessaire de cette œuvre du
Christ parce qu’elle est unie à Lui comme le corps
l’est à la tête. « Comme le Père m’a envoyé, moi-aussi
je vous envoie » (Jn 20, 21). C’est ce qu’a dit le Ressuscité aux disciples et, soufflant sur eux, il ajouta :
« Recevez l’Esprit Saint » (v. 22). C’est Dieu le sujet
principal de l’évangélisation du monde, à travers Jésus-Christ ; mais le Christ lui-même a voulu transmettre à l’Église sa propre mission, il l’a fait et continue de le faire jusqu’à la fin des temps en répandant
l’Esprit Saint sur les disciples, ce même Esprit qui se
posa sur Lui et demeura en Lui durant toute sa vie
terrestre, Lui donnant la force de « proclamer aux
prisonniers la libération et aux aveugles la vue », de
« remettre en liberté les opprimés » et de « proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18-19).
Le Concile Vatican II n’a pas voulu consacrer un
document spécifique au thème de la foi. Pourtant, il
a été entièrement animé par la conscience et le dé15
sir de devoir, pour ainsi dire, s’immerger à nouveau
dans le mystère chrétien, afin d’être en mesure de le
proposer à nouveau efficacement à l’homme contemporain. À cet égard, le Serviteur de Dieu Paul VI déclarait deux ans après la clôture de l’Assise conciliaire : « Si le Concile ne traite pas expressément de
la foi, il en parle à chaque page, il en reconnaît le
caractère vital et surnaturel, il la répute entière et
forte et établit sur elle toutes ses affirmations doctrinales. Il suffirait de rappeler quelques affirmations
conciliaires […] pour se rendre compte de l’importance essentielle que le Concile, en cohérence avec la
tradition doctrinale de l’Église, attribue à la foi, à la
vraie foi, celle qui a pour source le Christ et pour canal le magistère de l’Église (Catéchèse de l’Audience
générale du 8 mars 1967). Ainsi s’exprimait Paul VI
en 1967.
Mais nous devons maintenant remonter à celui
qui a convoqué le Concile Vatican II et qui l’ouvrit :
le Bienheureux Jean XXIII. Dans son discours inaugural, celui-ci présenta le but principal du Concile
en ces termes : « Voici ce qui intéresse le Concile
œcuménique : que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit défendu et enseigné de façon plus efficace. (…) Le but principal de ce Concile n’est donc
pas la discussion de tel ou tel thème de doctrine…
pour cela il n’est pas besoin d’un Concile. (…) Il est
nécessaire que cette doctrine certaine et immuable,
qui doit être fidèlement respectée, soit approfondie
et présentée de façon à répondre aux exigences de
notre temps » (AAS 54 [1962], 790.791-792). C’est
ainsi que s’est exprimé le Pape Jean à l’inauguration
du Concile.
À la lumière de ces paroles, on comprend ce que
j’ai moi-même eu l’occasion d’expérimenter : durant
le Concile il y avait une tension émouvante face au
devoir commun de faire resplendir la vérité et la
beauté de la foi dans l’aujourd’hui de notre temps,
sans pour autant sacrifier aux exigences du moment
présent ni la confiner au passé : dans la foi résonne
l’éternel présent de Dieu, qui transcende le temps
et qui pourtant ne peut être accueillie par nous que
dans notre aujourd’hui qui est unique. C’est pourquoi je considère que la chose la plus importante,
surtout pour un anniversaire aussi significatif que
celui-ci, est de raviver dans toute l’Église cette tension positive, ce désir d’annoncer à nouveau le Christ
à l’homme contemporain. Mais afin que cet élan intérieur pour la nouvelle évangélisation ne reste pas
seulement virtuel ou ne soit entaché de confusion, il
faut qu’il s’appuie sur un fondement concret et précis, et ce fondement est constitué par les documents
du Concile Vatican II dans lesquels il a trouvé son
expression. Pour cette raison, j’ai insisté à plusieurs
reprises sur la nécessité de revenir, pour ainsi dire,
à la “ lettre ” du Concile – c’est-à-dire à ses textes –
pour en découvrir l’esprit authentique, et j’ai répété
que le véritable héritage du Concile réside en eux.
La référence aux documents protège des excès ou
d’une nostalgie anachronique et de courses en avant
et permet d’en saisir la nouveauté dans la continuité.
Le Concile n’a rien produit de nouveau en matière de
foi et n’a pas voulu en ôter ce qui est antique. Il s’est
plutôt préoccupé de faire en sorte que la même foi
16
continue à être vécue dans l’aujourd’hui, continue
à être une foi vivante dans un monde en mutation.
Si nous acceptons la direction authentique que
le Bienheureux Jean XXIII a voulu imprimer à Vatican II, nous pourrons la rendre actuelle durant toute
cette Année de la foi, dans l’unique voie de l’Église
qui veut continuellement approfondir le dépôt de la
foi que le Christ lui a confié. Les Pères conciliaires
entendaient présenter la foi de façon efficace. Et s’ils
se sont ouverts dans la confiance au dialogue avec le
monde moderne c’est justement parce qu’ils étaient
sûrs de leur foi, de la solidité du roc sur lequel ils
s’appuyaient. En revanche, dans les années qui ont
suivi, beaucoup ont accueilli sans discernement la
mentalité dominante, mettant en discussion les
fondements même du depositum fidei qu’ils ne ressentaient malheureusement plus comme leurs dans
toute leur vérité.
Si aujourd’hui l’Église propose une nouvelle Année de la foi ainsi que la nouvelle évangélisation, ce
n’est pas pour célébrer un anniversaire, mais parce
que c’est une nécessité, plus encore qu’il y a 50 ans !
Et la réponse à donner à cette nécessité est celle voulue par les Papes et par les Pères du Concile, contenue dans ses documents. L’initiative même de créer
un Conseil pontifical destiné à promouvoir la nouvelle évangélisation, que je remercie pour les efforts
déployés pour l’Année de la foi, entre dans cette perspective. Les dernières décennies ont connu une « désertification » spirituelle. Ce que pouvait signifier une
vie, un monde sans Dieu, au temps du Concile, on
pouvait déjà le percevoir à travers certaines pages tragiques de l’histoire, mais aujourd’hui nous le voyons
malheureusement tous les jours autour de nous. C’est
le vide qui s’est propagé. Mais c’est justement à partir de l’expérience de ce désert, de ce vide, que nous
pouvons découvrir de nouveau la joie de croire, son
importance vitale pour nous, hommes et femmes.
Dans le désert on redécouvre la valeur de ce qui est
essentiel pour vivre ; ainsi dans le monde contemporain les signes de la soif de Dieu, du sens ultime de la
vie, sont innombrables bien que souvent exprimés de
façon implicite ou négative. Et dans le désert il faut
surtout des personnes de foi qui, par l’exemple de leur
vie, montrent le chemin vers la Terre promise et ainsi tiennent en éveil l’espérance. La foi vécue ouvre le
cœur à la grâce de Dieu qui libère du pessimisme. Aujourd’hui plus que jamais évangéliser signifie rendre
témoignage d’une vie nouvelle, transformée par Dieu,
et ainsi indiquer le chemin. La première lecture nous
a parlé de la Sagesse du voyageur (cf. Si 34,9-13) :
le voyage est une métaphore de la vie et le voyageur
sage est celui qui a appris l’art de vivre et est capable
de le partager avec ses frères – comme c’est le cas
pour les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques ou
sur les autres voies qui ont connu récemment, non
par hasard, un regain de fréquentation. Comment se
fait-il que tant de personnes ressentent le besoin de
parcourir ces chemins ? Ne serait-ce pas parce qu’il
trouvent là, ou au moins y perçoivent quelque chose
du sens de notre être au monde ? Voici alors la façon
dont nous pouvons penser cette Année de la foi : un
pèlerinage dans les déserts du monde contemporain,
au cours duquel il nous faut emporter seulement ce
qui est essentiel : ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent
et n’ayez pas deux tuniques – comme dit le Seigneur
à ses apôtres en les envoyant en mission (cf. Lc 9,3) –
mais l’Évangile et la foi de l’Église dont les documents
du Concile œcuménique Vatican II sont l’expression
lumineuse, comme l’est également le Catéchisme de
l’Église catholique, publié il y a 20 ans maintenant.
Vénérés et chers Frères, le 11 octobre 1962 on célébrait la fête de la Vierge Marie, Mère de Dieu. C’est
à elle que nous confions l’Année de la foi, comme je
l’ai fait il y a une semaine lorsque je suis allé en pèlerinage à Lorette. Que la Vierge Marie brille toujours
comme l’étoile sur le chemin de la nouvelle évangélisation. Qu’elle nous aide à mettre en pratique l’exhortation de l’apôtre Paul : « Que la Parole du Christ
habite en vous dans toute sa richesse ; instruisez-vous
et reprenez-vous les uns les autres avec une vraie sagesse… Et tout ce que vous dites, tout ce que vous
faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus
Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu
le Père » (Col 3,16-17). Amen.
ORF, 18.10.2012
Discours du Patriarche œcuménique Bartholomaios Ier
Frères et sœurs,
Quand le Christ se préparait à l’expérience de
Gethsémani, il a prononcé une prière pour l’unité qui est rapportée au paragraphe 17, verset II de
l’Évangile de Jean: « ...garde-les dans ton nom que tu
m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous ». Au
fil des siècles, nous avons vraiment été gardés par la
puissance et l’amour du Christ, et au juste moment
de l’histoire, l’Esprit Saint est descendu sur nous et
nous avons commencé un long parcours vers l’unité
visible voulue par le Christ. Cela a été confirmé par
Unitatis redintegratio n. 1: « Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette grâce
et, sous l’effet de la grâce e l’Esprit Saint, est né un
mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos
frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les
chrétiens ».
Sainteté, il y a cinquante ans, ici, sur cette place,
une célébration puissante et significative a manifesté
le cœur et l’esprit de l’Église catholique romaine, en
la conduisant au cours des cinquante dernières années jusqu’au monde contemporain. L’ouverture du
Concile Vatican I I , pierre angulaire transformante,
fut inspirée par la réalité fondamentale que le Fils
et le Logos incarné de Dieu est là lorsque « deux ou
trois sont réunis en son nom » (Mt 18, 20) et que l’Esprit qui procède du Père « nous introduira dans la
vérité tout entière » (Jn 16, 13).
Nous nous souvenons avec clarté et tendresse,
mais aussi avec jubilation et enthousiasme, les discussions personnelles que nous avons eues, au cours
des cinquante années qui ont suivi, avec des évêques
et des experts théologiens, pendant notre formation
– en tant que jeune étudiant – à l’Institut pontifical
oriental, ainsi que notre participation personnelle
à quelques sessions spéciales du Concile. Nous
sommes les témoins oculaires de la manière dont les
évêques ont fait l’expérience, avec une conscience
renouvelée, de la valeur – et du sens de continuité
renforcé – de la tradition et de « la foi transmise aux
saints une fois pour toutes » (Jude 1, 3). Ce fut une
période prometteuse, riche d’espoirs, au sein et en
dehors de votre Église.
Nous avons remarqué que, pour l’Eglise orthodoxe, ce fut une période d’échanges et d’attentes. Par
exemple, la convocation des premières Conférences
panorthodoxes à Rhodes, a conduit aux Conférences
préconciliaires en préparation au grand Concile des
Églises orthodoxes. Ces échanges allaient montrer
au monde moderne le grand témoignage d’unité de
l’Église orthodoxe. De plus, cette période a coïncidé avec « le dialogue de l’amour », et elle a annoncé la Commission internationale mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine
et l’Église orthodoxe, instituée par nos vénérables
prédécesseurs, le Pape Jean-Paul II et le Patriarche
œcuménique Dimitrios.
Au cours des cinq dernières décennies, les
conquêtes obtenues par cette Assemblée ont été
nombreuses, comme le prouve la série de constitutions, déclarations et décrets importants et influents. Nous avons contemplé le renouvellement de
l’esprit et « le retour aux origines » à travers l’étude
liturgique, la recherche biblique et la doctrine patristique. Nous avons apprécié l’effort graduel pour
se libérer des limites académiques rigides à l’ouverture du dialogue œcuménique, ce qui a mené aux
abrogations réciproques des excommunications de
l’année 1054, à l’échange de vœux, à la restitution
des reliques, au début de dialogues importants et de
visites réciproques dans nos sièges respectifs.
Notre chemin n’a pas toujours été facile ou
exempt de souffrances et de défis. Nous savons, en
fait, que « étroite est la porte et resserré le chemin »
(Mt 7, 14). La théologie fondamentale et les principaux thèmes du Concile Vatican I I – le mystère
de l’Église, la sacralité de la liturgie et l’autorité de
l’évêque – sont difficiles à appliquer avec assiduité,
et s’assimilent par des efforts qui durent toute la
vie et avec l’engagement de l’Église tout entière. La
porte devrait donc rester ouverte à un accueil plus
profond, à un engagement pastoral plus grand et
une interprétation ecclésiale du Concile Vatican I I
toujours plus approfondie. En poursuivant ce chemin ensemble, nous rendons grâces et gloire au Dieu
vivant – Père, Fils et Saint-Esprit – car l’assemblée
des évêques elle-même a reconnu l’importance de la
réflexion et d’un dialogue sincère entre nos « Églises
sœurs ». Nous nous unissons dans « l’espoir, que le
mur qui sépare l’Église d’Orient de celle d’Occident
étant abattu, il n’y aura plus qu’une seule demeure,
solidement établie sur la pierre angulaire, le Christ
Jésus qui fera l’unité de l’une et de l’autre » (Unitatis
Redintegratio n. 18).
Grâce au Christ, notre pierre angulaire, et à la
tradition que nous avons en commun, nous serons
en mesure – ou, plutôt, nous le serons par le don et la
grâce de Dieu – d’apprécier davantage et d’exprimer
de façon plus complète le Corps du Christ. Par nos
efforts continus, conformes à l’esprit de la tradition
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de l’Église primitive et à la lumière de l’Église des
Conciles du premier millénaire, nous pourrons vivre
l’expérience de l’unité visible qui se trouve au-delà
de notre temps présent.
L’Église se distingue toujours par sa dimension
prophétique et pastorale particulière, par la modération et la spiritualité qui la caractérisent, et sert avec
une humble sensibilité les « plus petits » des frères du
Christ (Mt 25, 40).
Bien-aimé frère, notre présence ici signifie et
montre notre engagement à témoigner ensemble
le message de salut et de guérison pour nos frères
les plus petits: les pauvres, les opprimés, les marginalisés du monde créé par Dieu. Commençons les
prières pour la paix et la santé de nos frères et sœurs
qui vivent au Moyen-Orient. Dans le creuset actuel
de violences, séparations et divisions qui s’intensifient entre les peuples et les nations, que l’amour
et le désir d’harmonie que nous déclarons ici, et la
compréhension que nous recherchons avec le dialogue, soient un modèle pour notre monde. Que l’humanité puisse tendre la main vers « l’autre » et que
nous puissions travailler ensemble pour dépasser la
douleur des peuples partout, et en particulier là où
l’on souffre à cause de la faim, des catastrophes naturelles, des maladies et de la guerre qui finit par
frapper notre vie à tous.
À la lumière de tout ce que l’Église dans le monde
devrait encore accomplir, et en appréciant grandement tous les progrès que nous avons partagés, nous
sommes honorés d’avoir été invités à participer – et
d’avoir été appelés à offrir notre modeste parole –
à cette commémoration solennelle et joyeuse du
Concile Vatican II. Ce n’est pas une coïncidence si
cette célébration marque pour votre Église l’inauguration solennelle de l’Année de la Foi, car c’est la foi
qui offre un signe évident du chemin que nous avons
parcouru ensemble le long du chemin de la réconciliation et de l’unité visible.
En conclusion, nous vous félicitons sincèrement,
Sainteté, Frère bien-aimé – uni à la multitude bénie
des fidèles ici rassemblés aujourd’hui – et nous Vous
embrassons fraternellement en cette joyeuse occasion commémorative. Que Dieu vous bénisse tous.
www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2012/documents/hf_ben-xvi_hom_20121011_anno-fede_fr.html
Site consulté le 15.04.2013
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ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION
DE L’UNITÉ DES CHRÉTIENS
12-16 novembre 2012
« L’importance de l’œcuménisme pour la nouvelle évangélisation »
Discours du Pape Benoît XVI aux participants
de l’Assemblée plénière
15 novembre 2012
Dans son discours aux participants à l’Assemblée
plénière du Conseil pontifical pour la promotion de
l’unité des chrétiens qu’il a reçus en audience, jeudi 15
novembre 2012, le Pape Benoît XVI a tenu à souligner
le « lien très étroit qui existe entre le devoir d’évangélisation et le dépassement des divisions existant entre
les chrétiens ».
Nous reproduisons ci-dessous l’intégrale du discours que le Saint-Père a prononcé en italien.
Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et sœurs !
Je suis heureux de tous vous rencontrer, membres
et consulteurs du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, à l’occasion de l’assemblée plénière. J’adresse à chacun mon salut cordial,
en particulier au président, le Cardinal Kurt Koch
– que je remercie pour les aimables paroles à travers
lesquelles il a interprété les sentiments communs
– au secrétaire et aux collaborateurs du dicastère,
ainsi que ma reconnaissance pour leur travail au
service d’une cause si décisive pour la vie de l’Église.
Cette année, votre assemblée plénière porte son
attention sur le thème : « L’importance de l’œcuménisme pour la nouvelle évangélisation ». Avec
ce choix, vous vous placez de façon opportune en
continuité avec ce qui a été examiné au cours de la
récente Assemblée générale ordinaire du Synode
des évêques, et, dans un certain sens, vous entendez
donner une forme concrète, selon la perspective particulière du dicastère, à ce qui est apparu au cours
de cette assemblée. En outre, la réflexion que vous
menez s’insère bien dans le contexte de l’Année de
la foi, que j’ai voulue comme un moment propice
pour reproposer à tous le don de la foi dans le Christ
ressuscité, en l’année où nous célébrons le 50e anniversaire du début du Concile Vatican II. Comme
on le sait, les Pères conciliaires ont voulu souligner
le lien très étroit qui existe entre le devoir d’évangélisation et le dépassement des divisions existant
entre les chrétiens. « Une telle division – affirme-t-on
au début du Décret Unitatis redintegratio – s’oppose
ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le
monde un objet de scandale et elle fait obstacle à
la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature » (n. 1). L’affirmation du décret
conciliaire fait écho à la « prière sacerdotale » de Jésus lorsque, s’adressant au Père, il demande que ses
disciples « soient un, afin que le monde croie » (Jn
17, 21). Dans cette grande prière, par quatre fois au
moins, il invoque l’unité pour les disciples d’alors
et pour ceux de l’avenir, et il indique par deux fois
comme objectif de cette unité que le monde croie,
qu’Il le « reconnaisse » comme envoyé du Père. Il
existe donc un lien étroit entre le destin de l’évangélisation et le témoignage de l’unité entre les chrétiens.
Un authentique chemin œcuménique ne peut être
poursuivi en ignorant la crise de foi que traversent de
vastes régions de la planète, y compris celles qui ont
accueilli en premier l’annonce de l’Évangile et où la
vie chrétienne a été florissante pendant des siècles.
D’autre part, on ne peut ignorer les nombreux signes
qui attestent la constance d’un besoin de spiritualité, qui se manifeste de diverses façons. La pauvreté
spirituelle d’un grand nombre de nos contemporains,
qui ne perçoivent plus l’absence de Dieu dans leur
vie comme une privation, cette pauvreté spirituelle
représente un défi pour tous les chrétiens. Dans ce
contexte, il nous est demandé à nous, croyants dans
le Christ, de revenir à l’essentiel, au cœur de notre foi,
pour témoigner ensemble au monde du Dieu vivant,
c’est-à-dire d’un Dieu qui nous connaît et qui nous
aime, dans le regard duquel nous vivons; d’un Dieu
qui attend la réponse de notre amour dans la vie de
chaque jour. L’engagement des Églises et des Communautés ecclésiales pour une annonce renouvelée de
l’Évangile à l’homme contemporain est donc un motif d’espérance. En effet, témoigner du Dieu vivant,
qui s’est fait proche dans le Christ, est l’impératif le
plus urgent pour tous les chrétiens, et c’est également
un impératif qui nous unit, en dépit de la Communion ecclésiale incomplète dont nous faisons encore
l’expérience. Nous ne devons pas oublier ce qui nous
unit, c’est-à-dire la foi en Dieu, Père et Créateur, qui
s’est révélé dans le Fils Jésus Christ, insufflant l’Esprit
qui vivifie et sanctifie. Telle est la foi du Baptême que
nous avons reçu et telle est la foi que, dans l’espérance
et dans la charité, nous pouvons professer ensemble.
19
À la lumière de la priorité de la foi, on comprend également l’importance des dialogues théologiques et des
entretiens avec les Églises et avec les Communautés
ecclésiales, dans lesquels l’Église catholique est engagée. Même lorsqu’on n’entrevoit pas, dans un avenir
immédiat, la possibilité du rétablissement de la pleine
communion, ceux-ci permettent de recueillir, à côté
des résistances et des obstacles, également des richesses d’expérience, de vie spirituelle et de réflexions
théologiques, qui deviennent un encouragement pour
un témoignage toujours plus profond.
Nous ne devons pas non plus oublier que l’objectif
de l’œcuménisme est l’unité visible entre les chrétiens
divisés. Cette unité n’est pas une œuvre que nous pouvons simplement réaliser, nous hommes. Nous devons nous engager de toutes nos forces, mais nous
devons aussi reconnaître que, en ultime analyse, cette
unité est don de Dieu, elle ne peut venir que du Père
au moyen du Fils, car l’Église est son Église. Dans
cette perspective, se fait jour l’importance d’invoquer
l’unité visible du Seigneur, mais il apparaît aussi que
la recherche de cet objectif est importante pour la
nouvelle évangélisation. Le fait de marcher ensemble
vers ce but est une réalité positive, à condition, toutefois, que les Églises et Communautés ecclésiales ne
s’arrêtent pas en route, qu’elles acceptent les diversités contradictoires comme quelque chose de normal
ou comme le mieux que l’on puisse obtenir. C’est en
revanche dans la pleine communion dans la foi, dans
les sacrements et dans le ministère, que l’on rendra
évidente de façon concrète la force présente et opérante de Dieu dans le monde. À travers l’unité visible
des disciples de Jésus, unité humainement inexplicable, se reconnaîtra l’agir de Dieu qui dépasse la tendance du monde à la désagrégation.
Chers amis, je veux souhaiter que l’Année de la foi
contribue aussi au progrès du chemin œcuménique.
L’unité est, d’un côté, le fruit de la foi et, de l’autre,
un moyen et presque une condition pour annoncer
de façon toujours plus crédible la foi à ceux qui ne
connaissent pas encore le Sauveur ou qui, même
s’ils ont reçu l’annonce de l’Évangile, ont presque oublié ce don précieux. Le véritable œcuménisme, en
reconnaissant la primauté de l’action divine, exige
avant tout patience, humilité, abandon à la volonté
du Seigneur. À la fin, œcuménisme et nouvelle évangélisation exigent tous les deux le dynamisme de la
conversion, entendu comme volonté sincère de suivre
le Christ et d’adhérer pleinement à la volonté du Père.
En vous remerciant encore une fois, j’invoque volontiers sur tous la Bénédiction apostolique. Merci.
ORF, 06.12.2012
Discours
d'ouverture du Cardinal Kurt Koch, Président du conseil pontifical pour la promotion de
l’unité des chrétiens
L’importance de l’œcuménisme
pour la nouvelle évangélisation
« Le défi de la nouvelle évangélisation interpelle
l’Église universelle et nous demande également de poursuivre avec application la recherche de la pleine unité
entre les chrétiens ».1 Par ces paroles, le Pape Benoît XVI
a annoncé, durant les premières Vêpres de la solennité
des Saints Apôtres Pierre et Paul en 2010, la création
du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle
évangélisation. L’Église universelle a été interpellée de
manière particulièrement impressionnante avec la 13e
Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
sur « la nouvelle évangélisation pour la propagation de
la foi chrétienne ». La seconde exigence, à savoir que la
nouvelle évangélisation doit avoir une dimension œcuménique, a été rappelée lors du Synode des évêques
surtout par l’heureuse présence de nombreux Délégués
fraternels et par leurs contributions, et constitue le
thème principal de l’Assemblé plénière du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. C’est
notre devoir que de nous interroger principalement sur
le lien entre mission pour la nouvelle évangélisation et
recherche de l’unité de tous les hommes qui croient au
Christ et qui sont baptisés en son nom.
1. Nouvelle évangélisation et unité des chrétiens
La correspondance entre la nouvelle évangélisation
et la recherche de l’unité des chrétiens est au fond aussi
ancienne que le christianisme lui-même et remonte au
Cénacle où Jésus, avant sa Passion et sa mort, a prié
pour l’unité de ses disciples: « Afin que le monde croie
que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21). Avec cette conclusion
de la prière du Seigneur dans son testament, l’évangéliste Jean affirme que l’unité des disciples de Jésus
n’est pas un but en soi, mais est au contraire au service
d’une annonce crédible de l’Évangile de Jésus Christ
dans le monde d’aujourd’hui et représente la condition
indispensable pour la crédibilité du message chrétien.
La finalité de la prière pour l’unité réside, comme l’a
fait ressortir le Pape Benoît XVI dans son explication
de la prière sacerdotale de Jésus, en cela que par l’unité
des disciples la « vérité de sa mission » apparaît clairement aux hommes et que Jésus « lui-même [est] légitimé » : « il devient clair qu’il est vraiment le ‘Fils’ ».2
a) L’unité œcuménique
au service d’une évangélisation crédible
Face à la profonde gravité du Testament de Jésus, il
n’est pas étonnant que son intention et donc l’indissoluble correspondance entre évangélisation et recherche
œcuménique pour l’unité des chrétiens ait été très présente à l’esprit du Concile Vatican II. Déjà dans le pre1
Benoît XVI, « La chiesa è un’immensa forza rinnovatrice.
La celebrazione dei primi vespri della solennità dei Santi Pietro e
Paulo il 28 giugno 2010 », dans : Insegnamenti di Benedetto XVI VI,
1 2010 (Città del Vaticano) 984-987, cit. 987 (traduction officielle).
2
J. Ratzinger – Benoît XVI. Jesus von Nazareth. Zweiter Teil :
Vom Einzug in Jerusalem bis zur Auferstehung (Freiburg i. Br.
2011) 113-114.
20
mier paragraphe de son Décret sur l’œcuménisme, il
est question du fondement de tout œcuménisme, à savoir que le Christ a voulu et fondé « une seule et unique
Église ». À cette conviction s’oppose le fait empirique
que plusieurs Communautés chrétiennes revendiquent
devant les hommes de présenter et de défendre le « véritable héritage du Christ ». Parce que de là peut venir
la fausse impression que le « Christ lui même serait
partagé », le Décret sur l’œcuménisme défend la conviction que la présente division s’oppose ouvertement
à la volonté du Christ, qu’elle est « un objet de scandale » pour le monde et qu’« elle fait obstacle à la plus
sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute
créature ».3 Ainsi, en des termes clairs, est exprimée la
très profonde anomalie de la situation de division de
la chrétienté. Que des chrétiens et des chrétiennes qui
croient en Jésus Christ comme Sauveur du monde et
sont baptisés dans son Corps unique continuent de
vivre plus longtemps en des Églises et des Communautés ecclésiales séparées, constitue un fait extrêmement
déplorable que la chrétienté présente encore au monde
d’aujourd’hui et qui mérite d’être dénoncé comme un
scandale. En effet, les séparations de l’Église sont en
tous les cas à identifier comme une rupture de ce qui,
par nature, est indivisible, à savoir l’unité du Corps du
Christ, et elles font obstacle à la crédibilité de l’annonce
de l’Évangile. C’est pour cela que le Décret sur l’œcuménisme commence précisément par l’affirmation que
« l’un des buts principaux du saint Concile Vatican II »
est de « promouvoir la restauration de l’unité entre
tous les chrétiens ». Si l’on prend à cœur cette claire
perception du Concile, il devrait apparaître évident
que la nouvelle évangélisation également ne peut réussir que si le but originel du mouvement œcuménique
est revitalisé : retrouver l’unité visible des chrétiens.
Le témoignage chrétien doit avoir aussi et clairement
dans le monde d’aujourd’hui une clef musicale œcuménique, afin que la mélodie puisse résonner non pas
comme une cacophonie mais comme une symphonie.
La relation étroite entre évangélisation et engagement œcuménique fut reconnue dès le début du mouvement œcuménique au XXe siècle qui vit le jour de manière décisive en Écosse, en 1910, lors de la première
Conférence missionnaire mondiale à Édimbourg qui
eut pour toile de fond un « mouvement de prière œcuménique » déjà très intense.4 Les missionnaires rassemblés à Édimbourg avaient sous les yeux le scandale de
la concurrence que les différentes Églises chrétiennes
et Communautés ecclésiales se faisaient dans le travail
missionnaire. Ainsi, elles avaient nui à l’annonce crédible de l’Évangile de Jésus Christ surtout dans les continents lointains car en même temps que l’Évangile chrétien, elles avaient également porté dans d’autres cultures
les divisions de l’Église en Europe. Mais puisqu’un témoignage sincère de l’œuvre salvifique de Jésus Christ
dans le monde n’est possible que lorsque les Églises
arrivent à dépasser leurs divisions dans la doctrine de
la foi et dans la vie ecclésiale, à Édimbourg l’évêque
missionnaire anglican Charles Brent invita à réaliser
des efforts intenses en vue du dépassement de ces dif Unitatis redintegratio, 1. (traduction officielle).
W. Kardinal Kasper, Katolische Kirche. Wesen – Wirklichkeit
– Sendung (Freiburg i. br. 2011) 427.
3
4
férences dans l’enseignement et dans l’organisation de
l’Église qui sont un obstacle sur le chemin de leur unité.
Avec cette perspective qu’il faut qualifier de prophétique, à savoir que les divisions de la chrétienté
constituent le plus grand obstacle à la mission dans
le monde, la première Conférence missionnaire mondiale n’a pas été seulement le point de départ du mouvement œcuménique moderne, mais encore la charge
missionnaire de l’Église est devenue toujours davantage
un thème important à l’ordre du jour œcuménique. Depuis Édimbourg, l’exigence œcuménique et l’engagement missionnaire sont perçus comme indissociables,
et œcuménisme et évangélisation sont comme des jumeaux qui mutuellement s’appellent et s’enrichissent,
et cela dans une logique interne mutuelle. Puisque la
mission chrétienne signifie le rassemblement de l’humanité dans l’unique amour de Dieu révélé en Jésus
Christ, amour qui embrasse tout, elle est aussi par ellemême un « signe pour l’unité » : « Comme les péchés
dispersent les hommes, ainsi l’unique foi les rassemble
en un homme nouveau ».5 En ce sens, un beau signe
œcuménique a été donné par le pape Benoît XVI qui,
en l’année anniversaire du centenaire de la Conférence
missionnaire mondiale, a créé le Conseil pontifical pour
la promotion de la nouvelle évangélisation et cela dans
la conviction que toutes les Églises qui vivent sur des
territoires de tradition chrétienne ont un besoin pressant d’un élan missionnaire renouvelé, comme « expression d’une nouvelle ouverture généreuse au don de la
grâce. »6
b) La sécularisation, conséquence
des fautes de la chrétienté
La considération de l’indissoluble relation entre
évangélisation et responsabilité œcuménique s’impose également dans un regard rétrospectif sur l’histoire, surtout par rapport à la division de l’Église à
l’époque de la Réforme. À son sujet, l’historien de
l’Église catholique et œcuméniste Joseph Lortz, devenu célèbre pour ses recherches sur la Réforme
surtout en Allemagne,7 déclarait dès 1950 : « La crédibilité de l’annonce chrétienne a sévèrement pâti de
la division de la chrétienté ».8 Ainsi, Lortz était par5
J. Ratzinger, « Considerationes quoad fundamentum theologicum missionis ecclesiae / Überlegungen zur theologischen
Grundlage der Sendung (Mission) der Kirche », dans : R. Vorderholzer / Ch. Schaller / F.-X. Heibl (Hrsg.), Mitteilungen Institut
Benedikt XVI. Band 4 (Regensburg 2011), 15-22, cit. 16.
6
Benoît XVI, Motu proprio « Ubicumque et semper » (traduction officielle).
7
Cf. J. Lortz, Die Reformation in Deutschland (Freiburg i.
Br. 1962).
8
J. Lortz, Wie kam es zur Reformation ? (Einsiedeln 1950).
À la base de ce jugement se trouve la conviction de Lortz selon
laquelle l’Europe, d’un côté, plonge ses racines les plus profondes
dans le christianisme, et cela dans le sens précis que les peuples
du continent européen ont progressé ensemble vers une unité
culturelle essentiellement à travers le christianisme, mais que
l’Europe, d’un autre côté, s’en est éloignée de manière dangereuse, de sorte que Lortz, avec le regard vigilent de l’historien,
posa déjà à son époque le diagnostic suivant : « Ce que l’on appelle
l’Occident chrétien est en réalité depuis longtemps déchristianisé.
Il s’agit même d’un Occident apostat. Des statistiques sûres de
tous les pays parlent ici un langage bouleversant. Seulement le
plus souvent, nous ne voyons pas la réalité suffisamment nue ».
Parmi tous les facteurs qui ont conduit à cette déchristianisation
21
faitement clair sur ce point : la Réforme n’était « pas
seulement une division », mais « bien plus », et cependant elle était « essentiellement aussi une division ».9
Lortz était également conscient que la division de
l’Église présentait le contraire de ce qu’elle proposait
à l’origine: « La Réforme chercha à obtenir une réforme de la tête et des membres de l’unique Église de
tous les chrétiens. Cela ne se produisit pas ; il survint
une fracture qui divisa l’Église et la chrétienté. L’incontestable tâche centrale de l’Église ne fut pas honorée ».10 Et Lortz d’ajouter ce vœu: « Cela doit pénétrer toujours plus profondément dans la conscience
des chrétiens évangéliques ».11 Nous devons par
conséquent nous réjouir que cette conviction soit
aujourd’hui partagée et gardée vivante, surtout par
l’œcuméniste évangélique Wolfhart Pannenberg:
« La Réforme doit, face à son échec du XVIe siècle
et face à un laisser-aller négligent pendant plusieurs
siècles à la suite de son échec, encore et toujours être
accomplie. Mais l’accomplissement de la Réforme
réclame le rétablissement de l’unité chrétienne ».12
Avec la reconnaissance fondamentale qu’il s’agissait à l’origine pour la Réforme d’un renouvellement
global de toute l’Église et non pas de la fondation
de nouvelles Églises, que rien ne lui était plus étranger que la « séparation d’Églises particulières évangéliques de l’unique Église catholique », et que par
conséquent la naissance d’Églises évangéliques et
réformées particulières n’exprimaient « non pas le
succès mais au contraire l’échec de la Réforme »,13
Wolfhart Pannenberg a également encore et encore
montré que la sécularisation de l’époque moderne,
plus précisément le processus de dépouillement de
la foi chrétienne de sa mission pour la paix dans la
société dans le sens de la fondation, de l’entretien
et du renouvellement de l’organisation de la vie en
société, doit être compris comme une conséquence,
certes non voulue et non intentionnelle mais tragique de la division de l’Église d’Occident au XVIe
siècle. Car l’émancipation du monde culturel de
l’époque moderne en premier lieu des divergences
des Églises qui s’affrontent entre elles et, finalement,
du christianisme en général, doit être jugée comme
le résultat de la division de l’Église et des guerres de
religions sanglantes qui ont suivi aux XVIe et XVIIe
siècles, en particulier la guerre de Trente ans. Étant
donné que, comme tragique effet de ces guerres,
le christianisme, du point de vue de sa forme historique, était encore identifiable dans les diverses
confessions qui s’étaient battues jusqu’au sang, cette
constellation historique devait avoir pour conséquence inévitable le prix élevé que la paix religieuse
de l’Europe, il n’y a pas, selon Lortz, de raison « aussi importante
que la Réforme », plus précisément « la division de la chrétienté
causée par la Réforme » (8-9).
9
Ibid. 8.
10 Ibid. 8.
11
Ibid. 10.
12
W. Pannenberg, « Über Lortz hinaus? », dans: R. Decot
und R. Vinke (Hrsg), Zum Gedenken an Joseph Lortz (1887-1975).
Beiträge zur Reformationsgeschichte und Ökumene (Stuttgart
1989) 93-105, cit. 94.
13
W. Pannenberg, « Reformation und Einheit des Kirche »,
dans: Ders, Ethik und Ekkelsiologie. Gesammelte Aufsätze (Göttingen 1977) 254-267, cit. 255.
22
allait coûter au christianisme, en éliminant du jeu
les différences confessionnelles et, par répercussion,
le christianisme lui-même, afin de pouvoir donner
une nouvelle base à la paix sociale, comme Wolfhart
Pannenberg l’a diagnostiqué avec raison: « Là où la
sécularisation de l’époque moderne a pris la forme
d’un éloignement du christianisme, il n’a pas fondu sur les Églises comme un destin extérieur, mais
comme une conséquence de leurs propres péchés
contre l’unité, comme conséquence de la division
de l’Église du XVIe siècle et des guerres de religion des XVIe et XVIIe siècles, qui ne laissèrent pas
d’autre choix aux hommes sur les territoires mixtes
du point-de-vue confessionnel que de reconstruire
à neuf leur vivre ensemble sur une base commune
vierge des oppositions confessionnelles ».14
Comme chrétiens en Europe, nous n’avons pas
le droit d’effacer de notre mémoire historique le fait
que l’actuelle compréhension de la foi chrétienne
soit devenue une affaire purement privée de l’individu et que d’une manière tragique le christianisme
lui-même se soit rendu coupable de son éviction de
la sphère publique sociale, qu’il s’agit donc, comme
l’affirme avec insistance le théologien catholique Johann B. Metz, d’une « privatisation pour ainsi dire
‘faite maison’ du christianisme ».15 Ce jugement implique à l’inverse que le rétablissement de la mission
publique du christianisme suppose le dépassement
des divisions héritées dans une unité des chrétiens
recouvrée et que la Réforme du XVIe siècle est pour
le moins restée inachevée et doit le demeurer encore,
jusqu’à ce que se produise à nouveau l’unité d’une
Église catholique renouvelée dans l’esprit de l’Évangile de Jésus Christ. Dans la mesure où il est question, dans le mouvement œcuménique, du succès
lui-même – volontairement différé – de la Réforme,
tout ce qui est en jeu dans l’œcuménisme pour la
nouvelle évangélisation devient absolument clair, et
cela non seulement dans la perspective de la crédibilité des Églises individuelles, mais aussi et avant
tout dans la perspective de l’authenticité du christianisme en général dans nos sociétés modernes. En
effet, si la privatisation moderne de la religion est
essentiellement fondée dans l’échec de la Réforme,
alors le christianisme en Europe ne pourra retrouver
une signification pour l’ensemble de la société que
lorsque l’échec de la Réforme aura été dépassé. C’est
la raison pour laquelle le processus œcuménique de
dépassement de la division de l’Église ne peut être
sans conséquence pour la relation entre la culture
sécularisée moderne avec le thème de la religion en
général et du christianisme en particulier. Les motifs qui, du point de vue historique, ont conduit à
une séparation de la culture moderne de la religion
et des Églises chrétiennes, ne pourront plus du tout
être avancés validement contre un christianisme
14
W. Pannenberg, « Einheit des Kirche als Glaubenswirklichkeit und als ökumenisches Ziel », dans: Ders, Ethik und Ekklesiologie. Gesammelte Aufsätze (Göttingen 1977) 200-210, cit. 201.
Zum Ganzen vgl. Ders., Christentum in einer säkularisierten Welt
(Freiburg i. Br. 1988).
15
J.B. Metz, Glaube in Geschichte und Gesellschaft (Mainz
1977) 31.
qui aura dépassé les divisions.16 Avec raison, Joseph
Lortz avait lui aussi déjà avancé que le rétablissement de la « force de conviction de l’annonce chrétienne » a comme préalable principal l’ « unio des
confessions chrétiennes, et avant tout la préparation
de cette unio ».17
c) Évangélisation et œcuménisme face
à de nouveaux défis
Il convient de nous intéresser à l’arrière-plan historique complexe de la relation entre évangélisation
et œcuménisme dans tous ses détails, et ceci non pas
uniquement parce que nous approchons du 500e anniversaire de la Réforme dont il nous faut évoquer
l’aspect positif mais aussi la dimension tragique.18
Ces rappels historiques conduisent bien plus à la
constatation que dans l’intervalle, les situations œcuménique et missionnaire ont énormément changé et
que nous nous retrouvons une nouvelle fois devant
de tout nouveaux défis. Dans les décennies passées,
l’Europe s’est encore développée et est devenue largement une terre de mission, comme le Père Alfred
Delp, qui a donné sa vie pour la foi pendant la terreur
du nazisme, l’a déjà rappelé dans les années quarante
du siècle dernier avec ces paroles lapidaires: « Nous
sommes devenus une terre de mission. Cet aveu doit
être mis à exécution ». Cette situation missionnaire
touche aujourd’hui toutes les Églises chrétiennes et
les Communautés ecclésiales, elle donne à l’entente
et à la collaboration œcuméniques des chrétiens une
nouvelle urgence et doit stimuler tous les chrétiens
à unir leurs forces pour affronter ce nouveau défi.
À cela vient s’ajouter une complication: la nouvelle réalité missionnaire a un impact aujourd’hui
jusque dans les Églises. Cela est évident surtout si
nous considérons que les fondements de la foi, qui
jusque-là pouvaient nous servir de tremplin pour entrer en œcuménisme, sont mis en question, et que
de nouveaux fossés, surtout dans le domaine de
l’éthique ont été creusés, si bien que les différences
confessionnelles se sont étendues pour une large
part du champ dogmatique à la question du mode
de vie et de l’éthique, portant en particulier sur les
nouvelles et complexes questions de la bioéthique,
de la protection de la vie humaine de la conception
à la mort naturelle, du sens fondamental du mariage
et de la famille, et de l’accomplissement responsable
de la sexualité. Dans cette dominance de questions
éthiques controversées, il faut remarquer un changement fondamental dans la situation œcuménique.
Alors que dans une phase précédente du mouvement
œcuménique le slogan disait: « La foi divise – l’agir
unit », aujourd’hui il se trouve pratiquement ren16
Cf. K. Koch, « Hat das Christentum noch Zukunft? Zur
Präsenz der Kirche in den säkularisierten Gesellschaften Europas », dans: Communio. Internationale katholische Zeitschrift 32
(2003) 116-136; Idem, « Brauchen wir ein öffentliches Christentum? », dans: M. Delgado / A. Jödicke / G. Vergauwen (Hrsg.),
Religion und Öffentlichkeit. Probleme und Perspektiven (Stuttgart
2009) 99-118.
17
J. Lortz, Wie kam es zur Reformation? (Einsiedeln 1950) 10.
18
Cf. K. Koch, «Tragik oder Befreiung der Reformation?
Unzeitgemässe Überlegungen aus ökumenischer Sicht», dans:
Stimmen der Zeit 210 (1992) 234-246.
versé, de sorte que la foi rassemble et que l’éthique
surtout divise. Mais lorsque des Églises chrétiennes
et les Communautés ecclésiales ne réussissent pas à
parler d’une seule voix face aux grandes questions
éthiques de notre époque, cela nuit à l’œcuménisme
chrétien comme à la crédibilité de la nouvelle évangélisation, pour laquelle précisément un témoignage
unanime de l’œcuménisme chrétien est absolument
nécessaire pour les questions éthiques. Précisément
dans la perspective de la nécessaire relation entre
nouvelle évangélisation et œcuménisme, nous pouvons dire que cela constitue une preuve élémentaire
de la crédibilité de la chrétienté aujourd’hui.
Ce n’est pas seulement la situation œcuménique,
mais aussi la situation missionnaire qui, dans les décennies passées, a été confrontée à un changement
fondamental. D’une part, l’orientation géographique
de l’histoire de la mission, qui a jusque-là surtout
suivi un mouvement nord-sud et ouest-est, a changé
considérablement. D’autre part, la perception critique de la relation historique entre mission et colonisation a largement conduit à la conclusion qu’avec
le début de la dernière phase de la décolonisation,
la dimension missionnaire de l’Église serait également arrivée à son terme. Cette conclusion erronée,
le Pape Jean-Paul II l’a contredite dans son encyclique Redemptoris missio sur la valeur pérenne de la
charge missionnaire de l’Église, avec la conviction
que nous ne sommes en aucune manière arrivés
au terme de la mission mais qu’au contraire, nous
sommes plutôt au début d’une nouvelle phase de la
mission chrétienne et que l’envoi en mission pour
l’évangélisation du monde appartient à l’identité la
plus profonde de l’Église.
Cette conviction dont était fondamentalement
imprégné le Concile Vatican II, les papes de l’aprèsconcile, dans une admirable suite et continuité, l’ont
placée, avant tout dans la perspective d’une nouvelle
évangélisation, au centre de la vie de l’Église et de
la responsabilité œcuménique.19 Le Pape Paul VI a
perçu, dans son admirable Lettre Apostolique Evangelii nuntiandi en 1975, l’efficacité évangélisatrice
de l’Église comme la plus élémentaire définition de
son identité: « Évangéliser est, en effet, la grâce et
la vocation propre de l’Église, son identité la plus
profonde. Elle existe pour évangéliser ».20 Puisque
Paul VI a diagnostiqué que le véritable drame de
l’humanité actuelle se situait dans une fracture entre
l’Évangile chrétien et la culture sécularisée, il espérait également d’un nouvel élan évangélisateur la
guérison de cette fracture. Le Pape Jean-Paul II a
proposé, dans son long pontificat, la nouvelle évangélisation comme itinéraire pastoral de l’Église dans
le futur, à l’occasion de quoi il a fortement insisté sur
le fait qu’il ne s’agissait pas d’une « réévangélisation »
mais d’une « nouvelle évangélisation » avec une triple
nouveauté: « nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes et dans ses expressions ».21 À sa suite, le pape
19
Pontificio Consiglio per la promozione della nuova evangelizzazione (Ed.), Enchiridion della nuova evangelizazzione. Testi
del Magistero pontificio e conciliare 1939-2012 (Città del Vaticano
2012).
20
Paul VI, Evangelii nuntiandi, 14 (traduction officielle).
21
Predigten und Ansprachen von Papst Johannes Paulus II.
23
Benoît XVI poursuit le travail de la nouvelle évangélisation, et cela dans la conviction que ce n’est pas
« un projet d’expansion » qui se trouve à l’origine de
toute évangélisation mais, au contraire, le « désir de
partager le don inestimable que Dieu a voulu nous
faire, en nous faisant participer à sa vie même ».22
Avec cet itinéraire clair, à savoir que la mission
chrétienne jaillit de la dynamique de l’amour et qu’en
tout premier lieu, elle veut être un témoignage de
l’amour de Dieu révélé dans le Christ, c’est jusqu’au
noyau le plus dur de la nouvelle évangélisation qui
est rendu visible, laquelle assurément ne peut être
perçue comme efficace que dans la communion œcuménique. L’œcuménisme a donc pour tâche urgente,
aujourd’hui, de faire en sorte que les Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales reviennent
ensemble à leur engagement missionnaire.23 Que ces
deux exigences, mission et œcuménisme, sont liées
de manière indissoluble transparaît aussi dans le fait
que là où l’élan missionnaire menace de s’affaiblir, là
aussi le combat originel ardent pour l’unité des chrétiens est en veilleuse et que là où l’on s’est accommodé du scandale de la persistance des divisions de
l’Église, voire même qu’on ne les perçoit plus comme
un scandale, là aussi on n’entreprend plus d’efforts
missionnaires particuliers. Dans un sens positif, cela
signifie que la nouvelle évangélisation ne peut réussir
que si elle est réalisée dans la responsabilité œcuménique. Ce n’est que lorsque les chrétiens et les Églises
collaborent qu’ils peuvent témoigner au monde d’aujourd’hui de la crédibilité de la Bonne Nouvelle, tant
est que nous pouvons résumer le défi majeur actuel
par les paroles du Cardinal Walter Kasper : « Une
Église missionnaire doit aussi être une Église œcuménique ; une Église engagée dans l’œcuménisme est
la condition d’une Église missionnaire ».24
2. Chemins crédibles
d’une nouvelle évangélisation œcuménique
Tout comme la première évangélisation, qui a eu
lieu dans des cultures pendant longtemps sans lien
avec le christianisme, s’est produite dans une situation où les chrétiens n’avaient pas encore vécu dans
des Églises séparées, de même aujourd’hui la nouvelle évangélisation ne pourra être perçue comme
crédible que si elle adopte la clef musicale œcuménique. C’est pourquoi le mouvement œcuménique
doit aujourd’hui, d’une manière particulière, se
mettre au service de la nouvelle évangélisation. Pour
qu’elle puisse être effectuée de manière crédible, il
convient dans une étape ultérieure de se demander
plus précisément quelles en sont les conditions essenbei seiner Apostolischen Reise nach Mittelamerika vom 2. bis 10.
März 1983 = Verlautbarungen des Apostolischen Stuhls 46 (Bonn
o. J.) 120.
22
Benoît XVI, Motu proprio « Ubicumque et semper » (traduction officielle).
23
Cf. K. Koch, « Mission oder De-Mission der Kirche? Herausforderungen an eine notwendige Neuevangelisierung », dans:
G. Augustin / K. Krämer (Hrsg.), Mission als Herausforderung. Impulse zur Neuevangelisierung (Freiburg i. Br. 2011) 41-79.
24
W. Kasper, « Eine missionarische Kirche ist ökumenisch »,
dans: Ders., Wege zur Einheit der Christen = Gesammelte Schriften.
Band 14 (Freiburg i. Br. 2012) 621-634, cit. 623.
24
tielles. La première condition fondamentale présuppose, sans aucun doute, que la dynamique missionnaire naisse de la joie de l’Évangile et que les chrétiens soient convaincus qu’avec l’Évangile de Jésus
Christ leur a été confié un si grand présent, qu’ils ne
peuvent le garder pour eux et que, d’un autre côté,
il ne peuvent l’imposer aux autres, mais bien plutôt
qu’ils ne peuvent que le leur offrir à leur tour en les
invitant à le recevoir. La nouvelle évangélisation ne
peut réussir que lorsque le cœur des chrétiens, rempli de la joie de la foi, touche le cœur des autres et
que leur raison parle à la raison des autres hommes.
C’est un processus fait en totale liberté, une invitation
faite librement aux autres d’entrer en communication et d’entreprendre un dialogue stimulant, comme
le faisait observer le pape Benoît XVI en décrivant la
mission fondamentale de l’Église: « Nous n’imposons
notre foi à personne: cette sorte de prosélytisme est
en contradiction avec le christianisme. La foi peut apparaître seulement dans la liberté. Mais c’est la liberté
de l’homme que nous invitons à s’ouvrir à Dieu, à le
chercher, à lui offrir son écoute ».25
a) Évangélisation sans prosélytisme
Avec le mot-clef « prosélytisme », nous abordons
un problème qui, du point de vue œcuménique, est
d’une signification fondamentale et sur lequel nous
devons nous pencher avec attention pour pouvoir
atteindre le nécessaire consensus œcuménique dans
la perspective du programme pastoral de la nouvelle
évangélisation. Le mot « prosélytisme » présente tout
d’abord la difficulté de pouvoir être utilisé dans des
sens différents.26 Dans une acception positive ou du
moins neutre, le terme peut désigner tous les efforts
d’une communauté religieuse pour gagner de nouveaux membres. Dans la discussion œcuménique
l’emporte en revanche depuis longtemps l’acception
négative du terme, par lequel il faut comprendre
tous les efforts d’une communauté religieuse pour
gagner de nouveaux membres à tous les prix et par
tous les moyens, selon le principe, décadent d’un
point de vue moral, que la fin justifie les moyens.
Cette connotation négative est devenue dominante
dans le mouvement œcuménique, et cela depuis
qu’en 1961 a été approuvé par l’assemblé plénière
du Conseil œcuménique des Églises à New-Dehli
un document de travail dans lequel il est dit: « Le
prosélytisme n’est pas quelque chose de complètement différent du véritable témoignage: il est la caricature du témoignage. Le témoignage se trouve
déformé quand – de manière cachée ou ouvertement
– on utilise l’art de la persuasion, la corruption, une
pression illégitime ou l’intimidation pour provoquer
une conversion apparente ».27 Dans cette même ac25
Benoît XVI, « La “vendetta” di Dio è la croce. Il “no” alla violenza. La solenne concelebrazione eucaristica sulla spianata della
“Neue Messe” in München il 10 settembre 2006 », dans: Insegnamenti
di Benedetto XVI II, 2 2006 (Città del Vaticano 2007) 230-235, cit. 234.
26
Cf. S. Ferrari, « Proselytism and human rights », dans:
J. Witte, Jr. and F. S. Alexander (Ed.), Christianity and Human
Rights. An Introduction (Cambridge 2010) 253-266.
27
F. Lüpsen (Ed.), Neu Delhi-Dokumente (Witten 1962) 104106.
ception, le Concile Vatican II, dans sa « Déclaration
sur la liberté religieuse », refuse toute forme de prosélytisme, lorsqu’il est affirmé par exemple qu’il faudrait pour la « propagation de la foi et l’introduction
de pratiques religieuses toujours s’abstenir de toute
forme d’agissements ayant un relent de coercition,
de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s’il
s’agit de gens sans culture ou sans ressources ».28
Se pose donc la question, qui n’a rien de simple,
de savoir comment concilier le principe de la liberté
religieuse et le refus, fondé en lui-même, du prosélytisme avec la tâche évangélisatrice de l’Église. À cet
égard, il peut être utile de savoir comment naquit la
Déclaration sur la liberté religieuse.29 Dans le projet
qui, au cours de la période préconciliaire, fut présenté à la Commission centrale en 1962, le mot « prosélytisme » était encore utilisé explicitement: « vitatis
omnibus apertis vel consortis improbi proselytismi
molimentis seu mediis improbiis vel inhonestis ».
L’expression ne fut cependant pas conservée car il
semblait que ce passage s’adressât exclusivement
aux missionnaires catholiques. Le Concile voulait en
effet éviter un autre malentendu, à savoir que s’insinue l’idée que la Déclaration sur la liberté religieuse
sonnait la fin de l’activité missionnaire de l’Église.
L’article 14 de « Dignitatis humanae » montre sans
équivoque que cela ne se produisit en aucune manière : « De par la volonté du Christ, en effet, l’Église
catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est
d’exprimer et d’enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer
et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l’ordre moral découlant de la nature même
de l’homme ». Ainsi, la Déclaration sur la liberté
religieuse n’invite en aucune manière au renoncement au témoignage missionnaire pour la vérité de
la foi, mais au contraire elle exige le renoncement
à tout moyen incompatible avec la Bonne Nouvelle
de Jésus Christ, et bien plutôt encourage à user uniquement des méthodes employées par l’Évangile
lui-même qui consistent en l’annonce de la Parole
et le témoignage de la vie jusqu’au martyre. Ou encore, pour reprendre les mots du Cardinal Johannes
Willebrands, second président du Conseil Pontifical
pour la promotion de l’unité des chrétiens: la Déclaration conciliaire sur la liberté religieuse « porte à
un approfondissement du travail missionnaire, en
cela qu’elle le rend plus vrai et plus pur ».30 Cela vaut
en tout premier lieu pour la nouvelle évangélisation qui doit se réaliser dans un contexte qui est aujourd’hui entièrement imprégné du désir de liberté
des hommes.
b) Évangélisation et dialogue interreligieux
La mission d’évangélisation de l’Église et le
principe de la liberté religieuse, que le Concile
Vatican II fonde sciemment dans la « dignité de la
Dignitatis humane, 4 (traduction officielle).
Cf. J. Hamer et Y. Congar (Ed.), Die Konzilserklärung über
die Religionsfreiheit (Paderborn 1967).
30
Cardinal J. Willebrands, « Religionsfreiheit und Ökumenismus », dans: Idem., Mandatum Unitatis. Beiträge zur Ökumene
(Paderborn 1989) 54-69, cit. 63.
28
personne humaine », affirmant ainsi qu’elle concerne
chaque être humain dans son attitude religieuse, ont
besoin l’une de l’autre et se nourrissent mutuellement. Dans cette perspective se pose alors et de façon très vive la question de savoir si la conviction de
l’absolue vérité de la foi chrétienne d’où part toute
évangélisation, dans la mesure où elle est indissolublement liée à l’universalité de la personne de Jésus Christ et à son message, est capable de s’ouvrir
au dialogue du point de vue interreligieux ou si la
mission chrétienne doit plutôt être remplacée par le
dialogue interreligieux.31
Pour pouvoir se réaliser de manière crédible, la
nouvelle évangélisation doit partir du fait que l’universalité de la foi chrétienne ne peut impliquer en
aucune manière la revendication absolue d’une vérité objective inscrite de manière exclusive dans le
domaine de la connaissance humaine dont nous disposons et que nous pouvons faire valoir contre les
autres religions. Bien plus, elle est le contraire de
l’exclusion et de la polarisation, de l’affirmation de
soi et de l’intolérance. L’universalité de la vérité dont
témoigne la foi chrétienne est la personne même de
Jésus Christ, qui dit de lui-même: « Je suis la vérité ».
Mais cette vérité est un amour personnel, pur, universel, englobant tout et tous, n’excluant personne,
amour qui est apparu en Jésus Christ, comme le
Pape Jean-Paul II l’a souligné dans son encyclique
Redemptoris missio: « L’universalité du salut ne signifie pas qu’il n’est accordé qu’à ceux qui croient au
Christ explicitement et qui sont entrés dans l’Église.
Si le salut est destiné à tous, il doit être offert concrètement à tous ».32
La foi chrétienne ne peut pas renoncer par principe à la reconnaissance de l’universalité de la vérité
de l’amour du Bon Dieu manifestée en Jésus Christ,
y compris dans le concert actuel des religions, si elle
ne veut pas renoncer à elle-même ainsi qu’au service
qu’elle offre aux hommes. Car ce service incessible
de la chrétienté dans la société réside en cela: désigner le Christ et l’amour radical et universel de Dieu
manifesté en lui. Les chrétiens qui reconnaissent cet
amour de Dieu devenu tangible dans la personne de
Jésus Christ, témoignent de cet amour mais toujours
par des attitudes terrestres et trop souvent faibles,
qui ne sont pas à la hauteur de cet amour. Un des
aspects essentiels de la foi chrétienne est donc de
reconnaître et professer qu’elle confesse quelque
chose dont elle ne dispose pas et dont elle ne peut
témoigner, en dernière analyse, que humblement en
détournant l’attention d’elle-même et en la dirigeant
vers Jésus Christ et vers l’amour radical et universel
de Dieu manifesté en lui, comme l’a fait Jean le Baptiste. Seul celui qui, comme Jean-Baptiste indique
par sa propre vie le Seigneur qui vient, peut exprimer également de nos jours de manière crédible la
revendication de l’universelle vérité de la foi chrétienne. Et seulement dans cette attitude fondamentale, l’évangélisation chrétienne, qui considère la
29
31
Cf. K. Koch, « Glaubensüberzeugung und Toleranz. Interreligiöser Dialog in christlicher Sicht », dans: Zeitschrift für Missions- und Religionswissenschaft 92 (2008) 196-210.
32
Jean-Paul II, Redemptoris missio, 10 (traduction officielle).
25
conviction de foi et la tolérance non pas comme
contraires mais comme éléments de même importance, pourra répondre au défi face auquel elle se
trouve dans la réalité des hommes désormais multireligieuse.
3. Contenus principaux de la nouvelle évangélisation
Ce discours de la foi chrétienne, les Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales doivent ensemble le défendre dans le monde d’aujourd’hui, et
pour cela la nouvelle évangélisation doit présenter
une dimension œcuménique. Cette dimension s’impose vraiment, lorsque, dans une étape supplémentaire, nous nous interrogeons sur le but de la nouvelle
évangélisation et sur ses contenus prioritaires. La
nouvelle évangélisation consistera essentiellement à
conduire les hommes dans les sociétés sécularisées
actuelles vers le mystère de Dieu et vers une relation
personnelle avec Dieu, et cela dans la conviction de
foi que ne donne pas assez à l’autre, celui qui ne lui
donne pas Dieu. Au cœur de tout effort œcuménique
pour la nouvelle évangélisation doit se trouver la
question de Dieu.33 En cela réside le mystère, simple
en réalité, du terme capital « nouvelle évangélisation », par lequel est désignée la mission fondamentale du christianisme, une mission, comme le rappelle Benoît XVI, que nous devons assumer de manière œcuménique. Le Pape Benoît XVI voit dans la
centralité de la question de Dieu, le plus grand défi
commun que doit affronter l’œcuménisme, comme
il l’a montré au cours de la célébration œcuménique
à l’occasion de la rencontre avec les représentants
du Conseil des Églises évangéliques à Erfurt en
Allemagne, à l’automne 2011, en mentionnant la
signification particulière de la recherche passionnée
de Dieu dans la vie et l’œuvre de Martin Luther:
« L’homme est créé pour la relation avec Dieu et a besoin de lui. Aujourd’hui notre premier service œcuménique doit être de témoigner ensemble de la présence du Dieu vivant et ainsi de donner au monde
la réponse dont il a besoin ».34 Ces paroles brèves et
denses décrivent l’aspect essentiel du programme
pastoral de la nouvelle évangélisation dont je désire
présenter maintenant plus concrètement certains
aspects.
a) Maintenir éveillée la conscience de Dieu
dans la société
Lorsque nous jetons un regard sur la société actuelle, nous devons indubitablement conclure que la
question de Dieu frappe énergiquement aux portes
œcuméniques de l’Église,35 même si cela peut en un
premier temps être perçu comme l’inverse de la réalité. Car l’époque actuelle ne se caractérise pas par
33
Cf. Cardinal W. Kasper, « Ökumenisch von Gott sprechen? »
dans: I. U. Dalferth / J. Fischer / H.-P. Grosshans (Ed.), Denkwürdiges Geheimnis. Beiträge zur Gotteslehre. Festschrift für Eberhard
Jüngel zum 70. Geburtstag (Tübingen 2004) 291-302.
34
Benoît XVI, Ökumenischer Gottesdienst im Augustinuskloster Erfurt am 23. September 2011.
35
Cf. K. Koch, « Die Gottesfrage klopft an die ökumenische
Türe », dans: Catholica 54 (2000) 1-13.
26
une intense recherche de Dieu mais, bien plutôt,
par un oubli de Dieu et une indifférence à l’égard de
Dieu. La conscience de la présence de Dieu dans le
monde s’est surtout affaiblie dans la sphère publique
de la société, comme le montre surtout le rapport
interrompu ou tout du moins ambigu qu’a la société
actuelle avec le phénomène religieux en général. À
cet égard, on constate de fortes tendances qui considèrent la religion comme un facteur insignifiant du
point de vue social, voire nuisible, et qui la repoussent
aux marges de la vie sociale. L’existence de telles
tendances est confirmée par le fait que dans le préambule du traité de réforme de l’Union Européenne
n’est faite aucune référence à Dieu, ni même aucune
mention d’un héritage chrétien. Les discussions au
sujet de ce que l’on appelle la Charte de l’Union Européenne ont mis en évidence que la mention publique de Dieu en Europe, où cependant 80 % des
personnes sont encore baptisées chrétiennement,
n’est plus en mesure de recueillir l’approbation de la
majorité. Ainsi, il est apparu clairement que depuis
quelque temps, l’Europe a entrepris une expérience
historique aussi unique que délicate, dont personne
ne peut dire à l’avance comment elle se terminera.
Car l’Europe qui cherche à construire une société ou
une communauté d’états qui, par principe, renonce
à un fondement religieux, constitue à tel point un
Novum dans l’histoire de la culture, que s’impose la
conclusion que l’Europe est le seul continent véritablement sécularisé.36
D’un autre côté se pose de manière toujours plus
pressante la question de savoir si la sécularisation
moderne a vraiment conduit à une société laïque,
ou si précisément la sécularisation ne court pas plutôt le risque de produire de nouveaux crépuscules
des dieux, de manière cachée ou ouvertement, qui
peuvent survenir dans la vie personnelle, sociale ou
politique quand des réalités humaines ou terrestres
sont substituées à Dieu et adorées à sa place. Un regard sur l’histoire montre que les pires forfaits se
sont toujours produits lorsque des réalités terrestres
telles que le sang ou la patrie, la nation ou le parti
politique prennent la place de Dieu et sont terriblement idolâtrées. Il faut constamment se souvenir
que les pires meurtres de masse ont été commis,
dans l’époque moderne européenne prétendument
éclairée, au nom d’idéologies antichrétiennes ou
néopaïennes comme le nazisme ou le stalinisme.37
Le XXe siècle a en tous les cas plus que confirmé
cette maxime de la foi chrétienne: l’humanité qui
n’est pas fondée dans la divinité ne sombre que trop
vite dans la bestialité.
Au regard de ces terribles expériences, l’œcuménisme chrétien est convoqué à la tâche pour faire
toujours plus davantage connaître que la nécessaire
protection contre de telles idolâtries dangereuses
suppose la mention explicite de Dieu et de la responsabilité de tous face à Dieu, et cela dans la vie
36
Cf. W. Kasper, « Ökumene und die Einheit Europas », dans:
Idem., Wege zur Einheit der Christen = Gesammelte Schriften. Band
14 (Freiburg i. Br. 2012) 665-684.
37
Cf. A. Besancon, Le malheur du siècle. Sur le communisme,
le nazisme et l’unicité de la Shoah (Paris 1998).
personnelle, sociale et politique, comme le Pape
Benoît XVI le rappelle avec raison: « Sans un fondement transcendant, sans une relation avec le Dieu
créateur, sans une contemplation de notre destin
éternel, nous courons le risque de devenir la proie
d’idéologies nuisibles ».38 Au centre de la nécessaire
et œcuménique nouvelle évangélisation responsable
doit donc se trouver le témoignage de la centralité
de la question de Dieu. Face à cette crise de Dieu
très clairement décelable dans notre société, l’œcuménisme chrétien est appelé à répéter de nouveau la
plus élémentaire leçon de la foi chrétienne: dans son
noyau le plus dur, le christianisme est foi en Dieu et
en une vie vécue dans une relation personnelle avec
Dieu, dont tout le reste découle.
b) Annoncer le Dieu au visage humain
Face à ces grands défis, la nouvelle évangélisation doit avant tout s’efforcer de « témoigner de
Dieu dans un monde qui peine à le trouver ».39 Pour
nous chrétiens, Dieu n’est pas un Dieu éloigné ni
simplement une hypothèse philosophique au sujet
de l’origine du cosmos, mais au contraire un Dieu
qui nous a montré son visage, qui s’est adressé à
nous et qui en Jésus Christ est devenu homme. Avec
la nouvelle évangélisation doit donc être central le
témoignage de Jésus Christ, vrai homme et vrai
Dieu. Une telle revitalisation de l’annonce christocentrique s’impose aussi parce que la crise de la
foi dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui,
est au plus profond une crise de la foi biblique et
ecclésiale en Christ. Elle se manifeste dans le fait
que beaucoup d’hommes et même des chrétiens
se sentent certes touchés par toutes les dimensions humaines de Jésus de Nazareth mais qu’ils
ont du mal à croire qu’il est le Fils de Dieu incarné
qui, ressuscité, est présent parmi nous. Il leur est
donc difficile de professer la foi christologique de
l’Église. Même dans l’Église et dans l’œcuménisme
aujourd’hui, on ne parvient plus toujours à percevoir dans l’homme Jésus le visage du Fils de Dieu
lui-même et l’on voit en lui plutôt celui d’un homme
– certes excellent et particulièrement bon. Dans la
chrétienté d’aujourd’hui, il faut conclure avec réalisme à une importante et préoccupante perte de
sens de la foi chrétienne en Jésus en tant que Christ,
en qui Dieu lui-même s’est fait homme.
Mais c’est dans cette confession de foi que réside ou déchoit la foi chrétienne. Si ce Jésus, comme
beaucoup l’admettent aujourd’hui, n’avait été qu’un
simple homme d’il y a deux mille ans, alors il serait
irrévocablement retourné au passé ; et seul notre
propre souvenir pourrait plus ou moins le ramener à
notre présent. Seulement si est vraie la foi chrétienne,
selon laquelle Dieu lui-même s’est fait homme et
38
Benoît XVI, « In piena sintonia con la Sede Apostolica. Ai
partecipanti all’assemblea generale della Caritas Internationalis il
27 maggio 2011 », dans: Insegnamenti di Benedetto XVI VII, 1 2011
(Città del Vaticano 2012) 722-725.
39
Benoît XVI, « La goia del servire. Intervista televisiva in occasione del viaggio apostolico in Germania », dans: Insegnamenti
di Benedetto XVI II, 2 2006 (Città del Vaticano 2007) 88-102, cit.
92.
Jésus Christ est vraiment homme et vraiment Dieu
et a donc part à la présence de Dieu qui embrasse
toutes les époques, le Christ peut être vraiment notre
contemporain, non seulement hier mais aujourd’hui
également, de sorte que nous ne reconnaissons pas
seulement avec joie qu’il est « chemin, vérité et vie »
(Jn 14, 6), mais que tous ont un motif pour parler
aux autres de Jésus, de le leur donner à connaître
et de les enthousiasmer pour lui. En conséquence,
la priorité pour la nouvelle évangélisation précisément d’un point de vue œcuménique est celle que le
Cardinal Walter Kasper a qualifiée de « concentration christologique »40 et qui est aussi l’interrogation
centrale du Pape Benoît XVI, qu’il a formulée ainsi
récemment: « Le caractère de la mission n’est rien
qui serait ajouté extérieurement à la foi, mais il est
la dynamique de la foi elle-même ». Celui qui a vu
Jésus, celui qui l’a rencontré, doit presser ses amis et
leur dire: “Nous l’avons trouvé, c’est Jésus qui a été
crucifié pour nous” ».41
c) Ancrer la dignité de l’homme
dans le mystère de Dieu
La centralité de la question de Dieu et l’annonce
christocentrique sont les perspectives élémentaires
de la nouvelle évangélisation aussi et précisément
dans une perspective œcuménique. La foi chrétienne
est convaincue que la vitalité des deux perspectives
est utile à l’homme, à sa dignité et à sa vie. Cette
relation apparaît déjà dans cet état de fait: la crise
radicale de Dieu, par laquelle sont attaquées nos sociétés, entraîne derrière elle, selon une logique interne parfaite, une tout aussi dangereuse crise de
l’homme et la « mort de Dieu » proclamée par Friedrich Nietzche en Europe menace d’être suivie par la
« mort de l’homme ». Car là où Dieu est écarté de la
vie sociale, la dignité de l’homme risque dangereusement d’être foulée aux pieds. Le fait de passer sous
silence Dieu dans la sphère publique de la société
n’est en aucun cas bénéfique à l’homme. En effet, si
l’homme est, selon la conviction biblique, image inviolable de Dieu, alors l’évaporation ou l’écartement
de la conscience de Dieu dans la sphère publique actuelle mine également dangereusement la dignité de
la vie de l’homme.
Les symptômes de cette mise en danger sont
tangibles dans la société actuelle. En particulier, on
constate une forte perte du respect de la vie, tant à
la fin de la vie humaine qu’à son début qui est irrémédiablement liée à la disparition de la conscience
de Dieu dans la sphère publique de la société. Indubitablement, le plus clair symptôme de cette mise
en danger de l’homme doit être diagnostiqué dans le
déséquilibre entre la protection morale et juridique
des choses et celle de la vie humaine. La protection
40
W. Kasper, « Neue Evangelisierung als theologische, pastorale und geistliche Herausforderung », dans: Idem., Das Evangelium Jesu Christi = Gesammelte Schriften. Band 5 (Freiburg i. Br.
2009) 243-317, cit. 293.
41
Benoît XVI, « “In Cristo Dio si è mostrato come ragione e
amore“. La “lectio divina“ durante la visita al Pontificio Seminario Romano Maggiore », dans: Insegnamenti di Benedetto XVI VI,
1 2010 (Città del Vaticano 2011) 208-216, cit. 214.
27
des choses est dans la société actuelle bien mieux
réglementée que la protection de la vie humaine
dans ses différentes phases et dans ses diverses variations. Les voitures sont, par exemple, bien mieux
protégées que les embryons et les mourants, si bien
que l’on doit reprendre à son compte la conclusion
du théologien de la pastorale Paul M. Zulehner lorsqu’il donne à penser qu’on devrait, dans la société
actuelle, avoir la chance « de venir au monde en tant
que voiture ». 42
Face à ce grand défi éthique et avant tout face à
cette révolution anthropologique qui s’est produite
sous l’effet du très rapide développement de la recherche biomédicale, le programme pastoral de la
nouvelle évangélisation doit, d’un point de vue œcuménique, résider en cela: annoncer le Dieu vivant,
faire découvrir aux hommes le mystère de Dieu
– refuge salvifique – et se dépenser, au risque d’aller à contre-courant, pour le droit divin sur la vie
humaine de la conception à la mort naturelle. La
nouvelle évangélisation trouve son sens dans le fait
d’éveiller, par l’annonce du Dieu vivant, également la
joie de la grandeur de l’homme, et de rendre ainsi à
nouveau visible la beauté de la foi chrétienne.
4. L’œcuménisme des martyrs au cœur
de la nouvelle évangélisation
De tout cela, il apparaît clairement que le témoignage de foi est la catégorie décisive de la nouvelle
évangélisation, et cela conformément à ce que suggérait avec sagesse le Pape Paul VI: l’homme d’aujourd’hui n’a pas besoin de maîtres mais de témoins,
et de maîtres dans la seule mesure où ils peuvent
aussi être reconnus comme témoins. Ainsi l’œcuménisme peut se souvenir avec reconnaissance que les
témoins de la foi les plus crédibles ainsi que les exégètes les plus convaincants de l’Évangile sont les martyrs qui ont donné leur vie pour la foi.43 Ils peuvent
être pour nous aujourd’hui un précieux instrument
d’orientation pour la nouvelle évangélisation, d’autant plus que le christianisme à la fin du deuxième
et au début du troisième millénaire est de nouveau
devenu une Église de martyrs.44 Dans le monde d’aujourd’hui en effet, 80% des personnes qui sont persécutées à cause de leur foi sont des chrétiens: la foi
chrétienne est donc la religion la plus persécutée.
Ce bilan bouleversant présente un grand défi
pour l’œcuménisme chrétien, appelé à une solidarité véritable. Puisque aujourd’hui toutes les Églises
chrétiennes et toutes les Communautés ecclésiales
ont leurs martyrs, il convient de parler d’un œcuménisme des martyrs. Cela porte en soi, au-delà d’un
aspect tragique, également une belle espérance.
Malgré le drame des divisions de l’Église, les solides
42
P. M. Zulehner, Ein Obdach der Seele. Geistliche Übungen –
nicht nur für fromme Zeitgenossen (Düsseldorf 1994) 54.
43
Cf. H. Moll, Martyrium und Wahrheit. Zeugen Christi im 20.
Jahrhundert (Weilheim-Bierbronnen 2009); P.-W. Scheele, Zum
Zeugnis berufen. Theologie des Martyriums (Würzburg 2008).
44
Cf. R. Backes, „Sie werden euch hassen“. Christenverfolgung heute (Augsburg 2005); R. Guitton, Cristianofobia. La nuova
persecuzione (Torino 2010); Kirche in Not (Hrsg.), Religionsfreiheit weltweit. Bericht 2008 (Königstein 2008).
28
témoins de toutes les Églises et les Communautés
chrétiennes ont montré que Dieu lui-même maintient entre les baptisés la communion à un niveau
plus profond à travers une foi témoignée par le sacrifice suprême de la vie. Alors que nous chrétiens
et Églises, nous vivons encore en une communion
imparfaite, les martyrs dans la gloire du Ciel vivent
d’ores et déjà une communion pleine et achevée.
Ainsi, les martyrs, comme le Pape Jean-Paul II l’a
présenté de façon marquante, « attestent de la manière la plus éloquente que tous les facteurs de division peuvent être dépassés et surmontés dans le don
total de soi-même pour la cause de l’Évangile ».45
L’œcuménisme des martyrs s’est avant tout vérifié sous nos latitudes dans les camps de concentration nazis et communistes, dans lesquels se sont
rencontrés des chrétiens courageux de différentes
Églises chrétiennes, qui se « savaient unis contre un
système injuste sans Dieu, inhumain, totalitaire nazi
ou communiste ».46 Avec cet œcuménisme des martyrs s’est confirmée la conviction d’un des Pères de
l’Église, Tertullien, et elle se confirme aujourd’hui
à nouveau, à savoir que le sang des martyrs est semence de l’Église. Aujourd’hui aussi, nous pouvons
en tant que chrétiens vivre dans l’espérance que le
sang des martyrs de notre temps se révélera semence
de la pleine unité du Corps du Christ. L’œcuménisme
des martyrs constitue donc l’essence de la nouvelle
évangélisation comme le montre déjà un regard sur
l’histoire: les plus convaincus réformateurs et innovateurs dans l’Église ont toujours été les saints
accompagnés par la lumière de l’Évangile. Ils sont
pour cela aujourd’hui encore les plus authentiques
protagonistes de la nouvelle évangélisation.
L’œcuménisme des martyrs fait ressortir que,
d’un côté, est convoquée l’union des forces humaines
au service du rétablissement de l’unité des chrétiens mais que, d’un autre côté, l’unité n’est jamais
l’œuvre des hommes, et qu’elle ne peut être reçue
que comme un don de Dieu. Il dépend de nous cependant d’être ouverts à ce don et de prier pour cela,
dans la grande assurance et en même temps le grand
défi que le Pape Jean-Paul II a annoncé avec un geste
prophétique lors du Jubilé de l’an 2000, lorsqu’il ouvrit la Porte Sainte de la Basilique Saint-Paul-Horsles-Murs avec le représentant du Patriarche œcuménique de Constantinople et l’Archevêque anglican de
Cantorbéry. En indiquant par ce geste prophétique
qu’il ne voulait pas ouvrir les portes du nouveau millénaire seulement de deux mains mais de six, le Pape
Jean-Paul II a voulu exprimer sa profonde espérance
œcuménique: après le premier millénaire de l’histoire du christianisme qui fut le temps de l’Église
indivise, et après le deuxième millénaire où l’Église
a connu de profondes divisions tant en Orient qu’en
Occident, le troisième millénaire pourra venir à bout
de la lourde tâche du rétablissement de l’unité perdue des chrétiens. Si nous reconnaissons que cette
tâche ne pourra être réalisée que lorsque toutes les
Églises chrétiennes et les Communautés ecclésiales
Jean-Paul II, Ut unum sint, 1 (traduction officielle).
W. Kardinal Kasper, Katholische Kirche. Wesen – Wirklichkeit – Sendung (Freiburg i. Br. 2011) 428.
45
46
s’orienteront d’une manière renouvelée vers l’Évangile de Jésus Christ, alors il est évident que nous ne
pourrons relever le défi de la nouvelle évangélisation
que par l’union de nos forces et dans la responsabilité œcuménique.
Rapport d’activité novembre 2012-novembre 2012
S. Exc. Mgr Brian Farrell,
Secrétaire du CPPUC
de
I. Introduction
L’importance attribuée par le Bienheureux
Jean-Paul II et le Pape Benoît XVI à la « nouvelle
évangélisation » attire notre attention sur le lien
étroit unissant œcuménisme et évangélisation. La
réalisation du mandat missionnaire dépend de la
vigueur de l’Église en tant que sacrement d’unité
de tout le genre humain et, partant, du témoignage
commun des chrétiens eux-mêmes. Comme l’a écrit
le Saint-Père dans le Motu Proprio Ubicumque et
semper, par lequel il a institué le Conseil pontifical
pour la promotion de la nouvelle évangélisation: « À
l’origine de toute évangélisation, il n’y a pas un projet humain d’expansion, mais le désir de partager
le don inestimable que Dieu a voulu nous faire, en
nous faisant participer à sa vie même ». Le partage
de ce don est constitutif de la réalité de la communion ; la division lui fait obstacle. Tant que les
chrétiens seront divisés, la mission ne pourra avoir
lieu de manière crédible. C’est pourquoi la tâche
œcuménique sera toujours une des plus grandes
priorités de la nouvelle évangélisation, exactement
comme l’évangélisation est le but ultime de l’œcuménisme: « Qu’ils soient un… pour que le monde
croie » (cf. Jn 17,23).
Néanmoins, la recherche de l’unité paraît accuser une certaine lassitude. Il semble qu’aujourd’hui
les différentes parties en cause soient moins d’accord
que par le passé sur ce qu’il faut entendre par unité et, en conséquence, sur l’objectif de la recherche
œcuménique. Il y a donc hésitation quant au chemin
à suivre. La nouvelle génération, prêtres et évêques
y compris, est moins passionnée par l’unité ; elle n’a
pas vécu la grâce du Concile Vatican II et la perspective nouvelle dans laquelle ce dernier a permis
de situer les autres chrétiens. De plus, les dirigeants
de toutes les Églises et Communautés s’inquiètent
de constater l’affirmation d’une identité confessionnelle propre en réaction à la montée de la sécularisation. Face au pluralisme religieux croissant, ils
consacrent beaucoup d’énergie au dialogue interreligieux, renvoyant à des temps meilleurs la recherche
de l’unité.
Ajoutons également que certaines évolutions
s’étant vérifiées ces derniers temps au sein de plusieurs Églises constituent un problème pour les dialogue bilatéraux car elles vont en sens inverse de ce
qu’affirment des déclarations communes signées
précédemment ou créent de sérieuses difficultés
par rapport à la doctrine catholique et la morale. La
fragmentation porte à des séparations et à l’apparition de nouvelles communautés ecclésiales, brouillant encore davantage un panorama œcuménique
déjà complexe.
Pourtant, des signes encourageants sont à signaler. Il suffit de citer un exemple. Les progrès enregistrés dans les relations sont apparus nettement
au cours de la Journée de réflexion, de dialogue et de
prière pour la paix et la justice dans le monde qui s’est
tenue à Assise, le 27 octobre 2011. À cet événement
ont pris part des représentants de nombreuses autres
Églises et Communautés ecclésiales, parmi lesquels
le Patriarche œcuménique Bartholomaios et l’Archevêque de Tirana et de toute l’Albanie, des délégués
des Patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche, de Moscou,
de Serbie, de Roumanie et des Églises orthodoxes de
Chypre et de Pologne, des représentants de l’Église
arménienne, de l’Église syrienne, de l’Église du Malankar et de l’Église assyrienne de l’Orient. Ces dignitaires se sont unis à l’Archevêque de Cantorbéry,
au Secrétaire général du Conseil œcuménique des
Églises, au Secrétaire général de l’Alliance évangélique mondiale et à de nombreux autres représentants des Communions mondiales pour exprimer ensemble leur souci commun pour le futur de l’humanité. Avoir manifesté ensemble cet engagement en
faveur de la paix et de la justice représente un solide
résultat pour le mouvement œcuménique.
Depuis la dernière Assemblée plénière de novembre 2010, le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a continué à promouvoir la communion entre les Églises à travers de très
nombreux contacts, dialogues et études. Ci-après
sont décrites certaines de ces activités.
2. Les Églises orthodoxes
2.1. Le dialogue théologique avec les Églises orthodoxes
Les évolutions récentes intervenues dans le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église
orthodoxe sont à considérer dans le cadre d’un dialogue de vie permanent et croissant, qui va de l’envoi réciproque de délégations à la coopération dans
divers domaines, en passant par l’échange de correspondance, etc. La visibilité croissante des Églises
orthodoxes en Occident augmente les possibilités
d’entente et de collaboration.
En 2011, la Commission mixte internationale a
poursuivi son travail à travers ses sous-commissions
et son comité de coordination, dans la tentative de
surmonter les obstacles apparus durant la dernière
session plénière à Vienne (2010) sur la question du
rôle de l’évêque de Rome dans la communion de
l’Église au premier millénaire. La Commission n’a
pas réussi à s’accorder sur le texte préparé par deux
sous-commissions, texte jugé trop historique et trop
peu théologique par les orthodoxes. Il a été décidé
de traiter dans un nouveau projet le thème de la primauté dans le contexte de la synodalité et dans une
perspective spécifiquement théologique.
Suite à ces décisions, une sous-commission
mixte s’est réunie à Rethymno (Crête, Grèce) du 13
au 17 juin 2011 où, toutefois, la rédaction d’un texte
29
commun s’est révélé une tâche particulièrement ardue. Pour éviter que la rencontre se termine sans
aucun résultat, la sous-commission a décidé d’utiliser le texte orthodoxe comme base de discussion,
en proposant d’importants amendements pour en
élargir la perspective.
Ainsi, il a été possible de préparer un texte à soumettre au comité mixte de coordination qui s’est réuni à Rome du 21 au 26 novembre 2011. L’approche
systématico-spéculative de ce projet a suscité de
sérieuses réserves chez quelques-uns des membres
catholiques. Par ailleurs, le fait que les membres
orthodoxes ne reconnaissent pas tous dans ce texte
la position orthodoxe a rendu difficile pour les catholiques la compréhension du point de vue de leurs
partenaires. En raison de ces difficultés, le comité
de coordination n’a pas pu compléter son étude du
document et a décidé de se réunir ultérieurement en
novembre 2012.
À la complexité du thème pris en considération
vient s’ajouter la nécessité de réfléchir de manière
approfondie sur la méthodologie utilisée, sur la manière différente dont on entend la théologie en Orient
et en Occident. Bien que pleinement conscient de ces
problèmes, le Pape Benoît XVI s’est exprimé de façon
positive à l’occasion de sa rencontre avec les représentants des Églises orthodoxes et orthodoxes orientales au cours de sa visite apostolique en Allemagne,
le 24 septembre 2011: « Parmi les Églises et les communautés chrétiennes, l’Orthodoxie est, sans doute,
théologiquement la plus proche de nous ; catholiques
et orthodoxes ont conservé la même structure de
l’Église des origines ; en ce sens, nous sommes toutes
‘l’Église des origines’ qui, toutefois, est toujours présente et nouvelle. Et ainsi nous osons espérer, même
si humainement nous rencontrons sans cesse des
difficultés, que ne soit pas pourtant si loin le jour
où nous pourrons de nouveau célébrer l’Eucharistie
ensemble».
2.2. Relations avec le Patriarcat œcuménique
Le Patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartholomaios Ier, est venu en visite à Rome à deux reprises
durant cette période: la première, à l’occasion de la
Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la
paix et la justice dans le monde qui, comme cela a été
rappelé ci-dessus, s’est tenue à Assise le 27 octobre
2011 ; la seconde, à l’occasion de l’inauguration de
l’Année de la Foi, le 11 octobre 2012, jour du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. Au cours
de ces deux dernières années ont régulièrement eu
lieu des échanges de délégation entre le Saint-Siège
et le Patriarcat œcuménique, pour les fêtes de leurs
saints protecteurs: le 29 juin, fête des saints Pierre et
Paul, à Rome, et le 30 novembre, fête de saint André,
au Phanar.
2.3. Relations avec le Patriarcat de Moscou
Le Cardinal Koch s’est rendu en Russie, du 12
au 17 mars 2011. À signaler tout particulièrement
sa rencontre avec Sa Sainteté Kyrill, Patriarche de
Moscou et de toute la Russie, et celle avec le Métropolite Hilarion, Président du Département pour les
30
relations extérieures de l’Église. L’un et l’autre ont
reconnu que les relations évoluent de manière positive même si certaines difficultés demeurent. Les
rencontres avec le corps enseignant et les étudiants
de l’Académie théologique de Moscou, de l’université orthodoxe de Saint Tichon et du cours de doctorat des Saints Cyrille et Méthode ont également
été une occasion enrichissante pour la connaissance
réciproque. La possibilité d’une collaboration future
entre facultés catholiques et orthodoxes a aussi été
mentionnée. Le Cardinal Koch a ensuite rencontré
l’Archevêque Paolo Pezzi et les prêtres du diocèse
catholique. La discussion a porté sur comment améliorer les relations œcuméniques. L’officier responsable de ce secteur s’est rendu quatre fois en visite
à Moscou et dans d’autres villes de Russie pour y
rencontrer des représentants de l’Église orthodoxe
russe et les collaborateurs du Département pour les
relations ecclésiastiques extérieures, et pour participer dans les quatre diocèses catholiques à des rencontres avec des prêtres et religieux sur le thème des
rapports entre catholiques et orthodoxes.
Naturellement, les visites à Rome n’ont pas manqué. Le Métropolite Hilarion est venu du 27 au 29
septembre 2011 et à cette occasion a pu rencontrer
le Saint-Père, le Cardinal Bertone, le Cardinal Koch
et le Cardinal Ravasi. Il était également présent lors
du Synode des évêques, au mois d’octobre 2012. Le
Métropolite Hilarion et le Cardinal Koch se sont rencontrés lors d’autres manifestations où ils avaient
été invités: à l’Université de Fribourg (Suisse), à
l’occasion du Colloque de Würzburg (Allemagne) et
de la rencontre pour la paix à Sarajevo (Bosnie et
Herzégovine).
En ce qui concerne l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, le 1150e anniversaire de la découverte en Crimée des reliques du
Pape saint Clément Ier par les saint Cyrille et Méthode
a été commémorée à Rome, le 24 mai. En cette circonstance étaient présents, entre autres, le Cardinal
Koch et l’Archevêque Oleksandr (Drabinko), Président du Département pour les relations extérieures
de l’Église orthodoxe ukrainienne. La divine liturgie orthodoxe célébrée en la Basilique Sainte-Marie
Majeure a représenté un beau témoignage du rapprochement croissant entre nos communautés. Du
22 au 26 septembre 2012, l’officier responsable de
ce secteur s’est rendu à Kiev pour participer à un
Congrès international et rencontrer le Métropolite
Volodymyr, chef de l’Église orthodoxe ukrainienne,
et quelques autres représentants orthodoxes et catholiques.
Du 11 au 16 novembre 2011, le Cardinal Koch
s’est rendu à Minsk (Biélorussie), sur invitation du
Métropolite Philarète, chef de l’Église orthodoxe de
Biélorussie qui dépend du Patriarcat de Moscou,
pour prendre part à une conférence internationale
sur le thème « Le dialogue catholique-orthodoxe: les
valeurs éthiques chrétiennes comme contribution à
la vie sociale en Europe ». La conférence était organisée par l’Institut pour le dialogue interreligieux et les
communications interconfessionnelles du synode de
l’Église orthodoxe biélorusse, en collaboration avec
le CPPUC. Pendant son séjour à Minsk, le Cardinal
a célébré une messe dans la cathédrale catholique et
a rencontré les évêques catholiques de Biélorussie
pour s’entretenir des relations entre chrétiens dans
le pays.
2.4. Patriarcat de Serbie
L’Officier responsable de ce secteur s’est rendu
en Serbie du 16 au 20 septembre 2011 et du 2 au 7
mai 2012 pour y rencontrer le Patriarche Irinej et
d’autres dirigeants de l’Église orthodoxe serbe et de
l’Église catholique en Serbie. De nombreuses autres
rencontres ont eu lieu en 2011 et en 2012 avec des
représentants des Églises orthodoxes dans cette région.
2.5. Église de Grèce
Le 20 septembre 2012, le Conseil pontifical a
reçu la visite d’une délégation de Apostolikì Diakonia
de l’Église de Grèce, organisme s’occupant d’activités pastorales, missionnaires et culturelles. La collaboration entre le Saint-Siège et cet organisme se
poursuivra, l’un et l’autre soutenant réciproquement
certaines activités de type culturel.
3. Les Églises orthodoxes orientales
3.1. La Commission internationale pour le dialogue
théologique
La huitième assemblée plénière annuelle de la
Commission internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes s’est tenue à la fin du mois de janvier 2011,
à Rome. La session était coprésidée par le Cardinal Kurt Koch et le Métropolite Anba Bishoy de
Damiette, Secrétaire général du Saint-Synode de
l’Église orthodoxe copte. Pendant cette réunion,
les membres ont poursuivi leur étude sur la communion entre les Église jusqu’au Ve siècle et sur le
rôle du monachisme dans ce contexte. Cette étude a
mis en évidence un remarquable niveau de communion entre les Églises locales au cours des premiers
siècles de diffusion du christianisme dans l’empire
romain et au-delà, jusqu’en Arménie, en Perse, en
Éthiopie et en Inde.
Durant la neuvième assemblée plénière qui s’est
déroulée à Addis Ababa (Éthiopie), du 17 au 21 janvier 2012, les membres de la commission ont approfondi leur étude sur la communion e la communication qui existaient entre les Églises jusqu’à la moitié
du Ve siècle ainsi que sur le rôle joué par le martyre
et le monachisme dans la vie de l’Église primitive.
Les 13 et 14 septembre 2012, un comité de rédaction
s’est réuni pour examiner les études présentées au
cours de l’actuelle phase de dialogue afin de rédiger un projet qui devra ensuite être examiné durant
la session de 2013 de la Commission. Lors de cette
rencontre, les membres réfléchiront également sur
« Les saints en tant qu’éléments de la communion
et de la communication dans l’Église primitive » et
« Le processus de reconnaissance/canonisation des
saints dans le passé et aujourd’hui ».
3.2. Dialogue avec les Églises du Malankar
L’Église orthodoxe du Malankar en Inde se compose de deux branches: l’Église syro-orthodoxe du
Malankar (également dite Jacobite) qui est en pleine
communion avec le Patriarcat syro-orthodoxe d’Antioche, et l’Église orthodoxe syrienne du Malankar
qui a tendance à devenir pleinement autonome et
indienne. La Commission mixte de dialogue entre
l’Église catholique et l’Église syrienne orthodoxe du
Malankar a tenu sa quatorzième rencontre au Centre
patriarcal de Puthencruz, le 6 décembre 2011. Les
coprésidents étaient l’Évêque Brian Farrell, Secrétaire du CPPUC, et le Métropolite Kuriakose Mar
Theophilose. Parmi les principales questions à
l’ordre du jour figuraient la signature de l’accord sur
l’utilisation commune des lieux sacrés tels que les
églises et les cimetières, l’apparition de groupe pentecôtistes au sein des Églises et le rapport sur le projet de traduction des prières de la tradition syriaque
en anglais et en malayalam.
La Commission mixte de dialogue entre l’Église
catholique et l’Église orthodoxe syrienne du Malankar a tenu sa vingt-et-unième rencontre les 7 et
8 décembre 2011 au Sophia Center de Kottayam. La
réunion était coprésidée par l’Évêque Brian Farrell
et le Métropolite Gabriel Mar Gregorios, Président
du Département pour les relations œcuméniques. Diverses questions ont été débattues, entre autres celle
de la réception de l’accord sur l’utilisation commune
des lieux sacrés, l’administration du sacrement des
malades pour les fidèles d’une autre Église, la spiritualité monastique dans le contexte indien, la place
de saint Pierre dans les textes liturgiques, dans saint
Ephrem et Jacques de Saroug.
3.3. Le dialogue avec l’Église assyrienne de l’Orient
Le dialogue entre l’Église catholique et l’Église
assyrienne de l’Orient a donné de nombreux et importants résultats. Le 11 novembre 1994, le Pape
Jean-Paul II et le Patriarche Mar Dinkha IV ont signé une Déclaration christologique commune qui a
ouvert de nouveaux horizons pour le dialogue théologique et la collaboration pastorale. Par la suite,
la Commission mixte pour le dialogue théologique
entre l’Église catholique et l’Église assyrienne de
l’Orient s’est penchée sur la théologie sacramentelle
dans l’intention de se consacrer ensuite à l’étude de
la constitution de l’Église. La première phase s’est
conclue en 2004 par un ample consensus sur des
questions sacramentelles et le document final a été
présenté aux autorités des Églises respectives pour
en obtenir l’approbation. Certaines difficultés sont
cependant apparues en raison du passage à l’Église
catholique d’un des évêques assyriens les plus actifs
dans le dialogue. Début octobre 2012, les entretiens
avec une délégation de l’Église assyrienne semblent
avoir ouvert la voie à la reprise du dialogue.
3.4. Comité catholique pour la collaboration culturelle
L’attribution de bourses d’études est le secteur
dans lequel le Comité continue d’être le plus actif.
Pour l’année universitaire 2011-2012, le Comité a
31
offert une bourse annuelle à 51 étudiants et à 28
autres qui ont été aidés en partie, soit pour conclure
leurs études, soit pour effectuer des recherches dans
des bibliothèques ou encore pour suivre un cours
de langue. Pour l’année universitaire 2012-2013, le
Comité a accordé 45 bourses annuelles et 30 autres
de plus brève durée. Le programme des projets spéciaux de collaboration avec diverses institutions orthodoxes se poursuit également.
4. Dialogues avec les Églises et les Communautés
ecclésiales d’Occident
4.1. Conférence des Évêques vieux-catholiques de
l’Union d’Utrecht
La délégation de la Conférence des évêques
vieux-catholiques de l’Union d’Utrecht qui a rendu
visite au CPPUC était conduite par l’archevêque Joris A.O.L. Vercammen. La discussion a porté sur le
Rapport de la Commission de dialogue international catholique – vieux-catholiques intitulé « Église
et Communauté ecclésiale » (2009). Pendant ces
consultations, il a été décidé qu’à partir de 2012,
la Commission de dialogue devra approfondir davantage le consensus jusqu’ici atteint, surtout en ce
qui concerne la question fondamentale du rapport
entre Église universelle et Église locale. À cet égard,
le concept répandu dans l’Église primitive selon lequel « il ne peut y avoir de communion eucharistique
sans communion ecclésiale » nécessite une étude
ultérieure, en particulier en ce qui concerne l’accord trouvé en 1985 par l’Église vieille-catholique et
l’Église évangélique en Allemagne, à savoir « l’accord
sur l’invitation réciproque à prendre part à la célébration eucharistique », et pour ce qui est de la pleine
communion existant désormais entre vieux-catholiques et anglicans. En outre, il sera nécessaire de réfléchir ultérieurement sur les dogmes mariaux et les
nouvelles divergences concernant l’ordination des
femmes. La première réunion se tiendra du 3 au 6
décembre 2012 à Paderborn (Allemagne). Les coprésidents de cette nouvelle seconde phase de dialogue
seront l’Archevêque de Padeborn, Mgr Hans-Josef
Becker et le Dr Matthias Ring, Évêque vieux-catholique en Allemagne.
En mai 2012, le CPPUC a reçu la visite du nouvel
Archevêque Roald Nikolai Flemestad (ancien pasteur de l’Église luthérienne de Norvège) de l’Église
catholique nordique (North Catholic Church, CCN)
qui était accompagné de l’Archevêque Antony A.
Mikovsky, Primat de l’Église catholique nationale
polonaise aux États-Unis (Polish National Catholic
Church, PNCC), venu avec une petite délégation.
L’Église nordique a été fondée en Norvège en 2000
sous l’égide de la PNCC et fait partie de l’ « Union
de Scranton » vieille-catholique qui s’est séparée
en 2009 de l’Union d’Utrecht car certaines Églises
de l’Union avaient accepté l’ordination de femmes
et béni des unions homosexuelles. Entre-temps, la
CCN a ouvert de petits centres également en Angleterre et en Allemagne. Pour la CCN, les Églises luthériennes nordiques ne possèdent plus ni l’ecclésiologie, ni la structure institutionnelle d’une Église et ne
peuvent par conséquent se renouveler et redevenir
32
une institution spirituelle comme l’Église catholique
qui, selon la CCN, possède les caractéristiques de la
vraie catholicité mais est trop légaliste en attribuant
à la papauté non seulement un primat mais une supériorité exclusive.
Ces développements et ces événements témoignent de la tendance croissante à la fragmentation chez les partenaires œcuméniques de l’Église
catholique. Les nouveaux organismes ecclésiaux qui
se sont formés désirent se présenter au niveau international comme des interlocuteurs œcuméniques
du CPPUC. Dans ces cas, le CPPUC recommande
aux divers groupes de s’adresser en premier lieu aux
évêques catholiques locaux pour un premier contact
œcuménique.
4.2. Relations avec la Communion anglicane
L’anglicanisme dans le monde continue à faire les
frais des graves tensions et fractures qui se sont vérifiées au sein de la Communion. En raison de la présence du Primat de l’Église épiscopalienne, un tiers
des Primats ont refusé de participer à la rencontre
des Primats anglicans qui s’est tenue à Dublin début
2011. Bien que ces membres qui sont en désaccord
aient réaffirmé leur adhésion à la Communion anglicane, leur protestation incessante met en évidence
la difficulté qu’ont la Communion anglicane en général, et l’Archevêque de Cantorbéry en particulier,
à mettre au point un instrument efficace en vue de
maintenir la communion. L’Archevêque Rowan Williams a fortement appuyé l’Anglican Covenant car il
y voit un instrument valable pour « approfondir les
liens de la communion ». L’Anglican Covenant est un
document qui tente d’établir quels sont les devoirs
qu’implique l’appartenance à la Communion anglicane et, de manière plus controversée, de proposer
certaines limites à la participation à la Communion
de ceux ignorant ces obligations. Actuellement, ce
texte est à l’étude des Provinces de la Communion
mais on ne sait pas s’il recueillera l’approbation de la
majorité. Au mois de mars 2012, l’Église d’Angleterre
a voté contre le Covenant. Même si d’un point de vue
technique, ce vote ne met pas un terme au processus
d’approbation de la part des Provinces, il assène un
coup très dur à l’autorité de l’Archevêque de Cantorbéry. Seules les Provinces qui signeront le Covenant
pourront représenter la Communion anglicane dans
les dialogues œcuméniques internationaux, mais
puisque les non-signataires seront toujours considérés comme membres de la Communion, l’impact que
cette situation aura sur le dialogue catholique-anglican reste incertain. L’avenir du Covenant a été l’objet
d’un débat au sein du Conseil consultatif anglican,
l’un des principaux instruments de la Communion,
au mois de novembre 2012.
Entre-temps, dans l’Église d’Angleterre se poursuit la discussion sur comment affronter la question
de l’ordination des femmes à l’épiscopat. La grande
majorité des diocèses est favorable à ce changement
mais il existe aussi une nette volonté de prévoir des
dispositions spécifiques pour ceux qui ne sont pas
disposés à accepter une telle politique. Toutefois,
étant donné qu’il est peu vraisemblable que les oppo-
sants à l’ordination des femmes acceptent que leur
propre évêque devienne le représentant d’un autre
évêque (qui pourrait être une femme) et étant donné que les partisans de l’ordination épiscopale des
femmes ne sont pas favorables aux propositions prévoyant une structure diocésaine alternative, on imagine difficilement quelle solution sera trouvée à ce
sujet. Cette mesure a fait l’objet d’un débat lors du
Synode général qui s’est tenu du 19 au 21 novembre
2012. Pour employer un mot vague s’il en est, la discussion a porté sur le fait de « respecter » les opposants à l’ordination épiscopale des femmes mais en
définitive, aucun compromis et solution juridique
n’ont été trouvés.
La Commission internationale anglicane-catholique a entamé sa troisième phase de dialogue
(ARCIC III) en mai 2011, au Monastère de Bose (Italie), et s’est réunie une seconde fois à Hong Kong en
mai 2012. La Commission, qui est présidée par l’Archevêque de Birmingham (Angleterre), Mgr Bernard
Longley, du côté catholique, et par l’Archevêque David Moxon de Aotearoa (Nouvelle Zélande), du côté
anglican, a entamé un débat sur deux thèmes étroitement liés: « L’Église comme communion, locale
et universelle » et « Comment, dans la communion,
l’Église locale et universelle parvient-elle à discerner
quel est l’enseignement éthique juste ». Il est clair
qu’actuellement ces deux sujets sont d’une importance fondamentale pour la Communion anglicane.
La Commission recueillera et présentera également
les documents de l’ARCIC II accompagnés de commentaires sur lesquels l’Église catholique et la Communion anglicane devront se prononcer officiellement.
L’IARCCUM, la Commission internationale
anglicane sur l’unité et la mission (International
Anglican-Roman Catholic Commission on Unity and
Mission), organe épiscopal dont l’objectif est la promotion de la réception de l’ARCIC, a repris son activité. Cette nouvelle phase, coprésidée par l’Évêque
de Saskatoon, Mgr Donald Bolen, et l’Évêque David
Hamid, évêque anglican auxiliaire d’Europe, est en
train d’effectuer un sondage dans le but de favoriser l’échange d’informations, d’idées et de bonnes
pratiques entre les dialogues anglicans-catholiques
menés au niveau local et ceux conduits au niveau
national.
Les relations avec l’Archevêque de Cantorbéry
demeurent étroites grâce aux différents contacts
avec Lambeth Palace et aux rencontres avec le représentant de l’Archevêque à Rome, le Chanoine
David Richardson, Directeur du Centre anglican de
Rome. L’Archevêque lui-même est venu à Rome du
26 au 29 octobre 2011 pour participer à la Journée
de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la
justice à Assise. En cette circonstance, il a prononcé
un discours sur le rôle des religions dans la promotion de la paix dans le monde. Pendant son séjour à
Rome, l’Archevêque a par ailleurs rendu visite à différents dicastères de la curie romaine, entre autres le
Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle
évangélisation pour s’entretenir de sa contribution
au Synode des évêques de 2012 sur la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne
où il a tenu un discours le 10 octobre 2012. L’Archevêque est également venu à Rome en mars 2012 pour
participer au colloque organisé dans l’église SaintGrégoire-à-Celio d’où saint Augustin commença sa
mission pour répandre la foi en Angleterre. Au cours
de cette visite, il a également pris part aux Vêpres
célébrées par le Pape Benoît XVI. En juin 2012, le
Cardinal Koch s’est rendu à Lambeth et à Cantorbéry pour découvrir de plus près l’Église d’Angleterre
et la Communion anglicane. Le Cardinal a rencontré des membres du clergé et des laïcs appartenant
à diverses traditions de l’anglicanisme et participé à
plusieurs liturgies anglicanes à la cathédrale de Cantorbéry. Un dîner a été organisé en son honneur à
Lambeth Palace.
Aux mois de novembre 2011 et 2012 ont eu lieu
les Conversations informelles annuelles entre le
CPPUC et les représentants de la Communion
anglicane mondiale. Ces entretiens permettent un
échange régulier d’informations et de points de vue
sur divers sujets.
Le 15 janvier 2011, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié un décret (Anglicanorum coetibus) instituant officiellement un « Ordinariat personnel » en Angleterre et au Pays de Galles pour les
groupes de fidèles anglicans et leur clergé désirant
entrer en pleine communion avec l’Église catholique.
Début 2012 a été créé un Ordinariat pour les ÉtatsUnis et le Canada. En Australie, un Ordinariat de la
Southern Cross a été institué le 15 juin 2012 et est
placé sous la responsabilité de son propre évêque.
Le débat sur ce qui constitue le patrimoine anglican et qui est étroitement lié à l’Ordinariat, a intéressé de très près les anglicans. À Rome, par exemple,
le Centre anglican a organisé un cycle de séminaires
sur quelques-uns des éléments de ce patrimoine, afin
d’examiner divers aspects de la contribution spécifiquement anglicane apportée à l’Église catholique.
4.3. Relations avec le Conseil méthodiste mondial
Le Conseil méthodiste mondial, organisme dirigeant de la famille des Églises méthodistes et wesleyenne au niveau mondial qui se réunit tous les cinq
ans, a tenu une rencontre à Durban (Afrique du Sud)
au mois d’août 2011. Le CPPUC y était représenté.
La participation de trois cents délégués a permis que
soit représentée une grande variété d’expériences,
avec une forte présence de méthodistes d’Afrique
du Sud et de Corée du Sud. Le méthodisme étant
une confession présente au niveau mondial, un des
principaux thèmes sur lesquels se sont penchées
les Églises-membres était le suivant: « Nous considérons-nous comme une fédération d’Églises ou
comme une communion ? » Le méthodisme a commencé à affronter ce genre de thématique dans le
désir d’offrir une base à l’union entre ses Églisesmembres répandues dans le monde entier.
Au terme de la neuvième phase de dialogue en
2012, la Commission a présenté deux documents. Le
premier, intitulé « Together to Holiness » (Ensemble
vers la sainteté), entendait résumer de manière
systématique les résultats de plus de quarante
années de dialogue et s’inspirait directement de
33
la méthodologie présentée par le Cardinal Walter
Kasper dans « Harvesting the Fruits » (Récolter les
fruits). Le second document est le neuvième rapport
du Comité de dialogue, « Encountering Christ the
Saviour » (À la rencontre du Christ Sauveur). Celui-ci
examine les sacrements du baptême, de l’eucharistie
et du ministère à la lumière du mystère pascal. Ces
deux documents ont été présentés aux autorités
respectives, à savoir l’Église catholique et le Conseil
méthodiste mondial, qui devront présenter leurs
commentaires sur ces sujets. La Commission a entamé sa dixième phase de dialogue en octobre 2012
sur le thème « Universal Call to Holiness » (Tous appelés à la sainteté). La réflexion sur ce thème reposera sur le travail ecclésiologique déjà accompli par
le dialogue ainsi que sur ses études précédentes sur
l’Esprit Saint et la vie de disciple. Ce thème encouragera par ailleurs une réflexion ultérieure sur les
implications de l’adhésion du Conseil méthodiste
mondial à la Déclaration conjointe sur la doctrine
de la justification de 2006.
4.4. Relations avec les luthériens
Les membres du Conseil nouvellement élu de
la Fédération luthérienne mondiale (FLM) se sont
réunis à Genève en juin 2011, sous la direction de
leur président, l’Évêque Munib A. Younan de l’Église
évangélique luthérienne en Jordanie et en TerreSainte, et du Secrétaire général, le Rév. Martin Junge,
d’origine chilienne. Dans le cadre de la stratégie de
la FLM pour 2012-2017 intitulée « With Passion for
the Church and for the World » (Passionnément pour
l’Église et pour le monde), cette rencontre, à laquelle
avait été invité un représentant du CPPUC, s’est principalement penchée sur le thème « Discerning Our
Common Journey » (Déterminer notre route commune). De même, la réunion du Conseil en juin 2012
à Bogotá (Colombie), sur le thème « Together for a
Just, Peaceful and Reconciled World » (Ensemble
pour un monde juste, pacifique et réconcilié) a laissé
entière liberté aux Églises-membres de trouver une
solution locale pour les questions concernant le mariage, la famille et la sexualité afin d’éviter un conflit
ouvert au sein de la Fédération.
En même temps se multiplient les manifestations d’insatisfaction par rapport à la manière dont
sont traitées les questions relatives à la famille et la
sexualité dans un nombre croissant d’Églises des
pays de l’hémisphère nord. Par exemple en 2010,
certains conservateurs luthériens des États-Unis se
sont détachés de l’Église évangélique-luthérienne en
Amérique (ELCA) et ont fondé une nouvelle Église
luthérienne nord-américaine, la « North American Lutheran Church » (NALC). Cela en raison de
la décision prise par l’ELCA en 2009 de permettre
l’ordination de pasteurs vivant des relations homosexuelles. Au cours d’une visite au CPPUC, en septembre 2011, une délégation de la NALC guidée par
son nouvel évêque, John D. Bradosky, a été encouragée à s’adresser à la Conférence épiscopale des
États-Unis pour un éventuel contact œcuménique
au niveau régional.
34
Durant une visite au CPPUC et à la Congrégation
pour la doctrine de la foi en février 2012, des représentants de divers groupes luthériens conservateurs
originaires d’Allemagne, de Scandinavie et des Pays
Baltes, sous la direction du ministre luthérien Helmut Steinlein, Président de la « Evangelisch-Katholische Gemeinschaft Augustana », et du Pr Peter P.
J. Beyerhaus, coordinateur du « Bund Apostolischer
Bruderschaften », ont demandé d’examiner la possibilité d’une union collective avec l’Église catholique.
En un premier temps, ils ont été invités à prendre
contact avec les évêques catholiques locaux. Pour
un dialogue théologique au niveau international, les
groupes sont encore trop petits et fragmentés.
La Commission internationale catholique-luthérienne s’est réunie en session plénière en juillet
2011 à Helsinki et en juillet 2012 à Paderborn (Allemagne). En 2011, la Commission était coprésidée,
du côté catholique, par Mgr Gerhard Ludwig Müller,
évêque de Regensburg. Celui-ci n’a cependant pas
pu poursuivre dans cette tâche lors de la réunion de
2012 en raison de ses fonctions en tant que Préfet
de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le coprésident luthérien est l’évêque émérite de Helsinki,
Eero Huovinen. En vue de l’Année de la Réforme
qui sera célébrée en 2017, la Commission a terminé
un document commun intitulé: « From Conflict to
Communion: Lutheran-Catholic Common commemoration of the Reformation in 2017 » (Du conflit
à la communion: luthériens et catholiques commémorent ensemble la Réforme en 2017). Un groupe
de travail restant à définir entre la FLM et le CPPUC
mettra aussi à disposition pour 2017 des textes et
divers éléments utiles pour une prière œcuménique
commune sur la base de thèmes tirés de ce même
document. Dans le futur, la Commission poursuivra
son étude sur le « baptême et la communion ecclésiale croissante ».
Sur invitation du CPPUC et de la FLM, un groupe
de travail d’exégètes et d’experts en théologie systématique de traditions catholique, luthérienne, réformée et méthodiste a tenu sa dernière rencontre en
février 2011 à Lutherstadt Wittenberg (Allemagne).
Sur la base du consensus atteint en 1999 avec la
« Déclaration commune sur la doctrine de la justification », le groupe d’experts a présenté un rapport
final intitulé « The Biblical Foundations of the Doctrine of Justification. An Ecumenical Follow-Up to
the Joint Declaration on the Doctrine of Justification » (Fondements bibliques de la Doctrine de la
justification: follow-up œcuménique de la Déclaration commune sur la Doctrine de la justifiation) qui
a déjà été publié comme ouvrage de travail par la
FLM en 2012, en anglais et allemand.
« Towards a Joint Declaration on the Lord’s Supper » (Vers une Déclaration commune sur le Repas
du Seigneur) est le thème sur lequel ont réfléchi pendant les réunions des deux dernières années le groupe
de travail œcuménique de théologiens catholiques et
luthériens présidé du côté catholique par le Cardinal
Karl Lehmann et du côté évangélique-luthérien par
l’Évêque Martin Hein. Ces théologiens sont arrivés
à la conclusion qu’il est impossible de concevoir une
théologie exhaustive du Repas du Seigneur à travers
une synthèse des résultats des dialogues conduits
jusqu’ici, sans une recherche ultérieure dans le domaine exégétique, historique et théologique.
Le cycle de consultations entre l’Institut pour
l’œcuménisme Johann-Adam-Möhler de Paderborn et la Lutherische Theologische Hochschule
de l’Église évangélique-luthérienne indépendante
(SELK) d’Oberursel (Allemagne) a conclu ses travaux en 2010. Ceux-ci se donnaient pour but d’identifier les points communs fondamentaux entre
l’Église catholique et la confession luthérienne tel
qu’elle est professée par le Conseil international luthérien (International Lutheran Council – ILC) duquel fait également partie le Synode du Missouri des
États-Unis. Dans leur rapport final, les partenaires
ont émis le souhait que soit inauguré un dialogue
international officiel entre le Conseil international
luthérien et le CPPUC, lequel a entre-temps pris en
considération avec le Président de l’ILC, l’Évêque luthérien Hans-Jörg Voigt de la SELK, la possibilité
d’un cycle similaire de consultations théologiques au
niveau international.
Un nouveau dialogue trilatéral entre catholiques,
luthériens et mennonites sur « Baptism, Redemption, Church, Faith » (Baptême, rédemption, Église
et foi) et « Relationship between Church and State »
(Relation entre Église et État) sera inauguré lors
d’une première réunion en décembre 2012.
Une délégation de la Gemeinschaft Evangelischer Kirchen in Europa, GEKE – ex Leuenberg
Church Fellowship (Communauté des Églises évangéliques en Europe) guidée par son président, le
Pasteur Thomas Wipf, et son secrétaire général,
l’Évêque Michael Bönker, a rendu visite au CPPUC
en septembre 2011 pour demander l’ouverture d’un
dialogue avec l’Église catholique, conformément à la
proposition faite par la VIe Assemblée plénière de la
GEKE (Budapest, 2006). En accord avec cette délégation, il a été décidé d’entamer des conversations
entre la GEKE et l’Église catholique sur l’ecclésiologie, en se référant aux fondements ecclésiologiques
des Églises évangéliques, énoncés dans la Confessio
Augustana VII et dans le document « L’Église de Jésus Crist » de 1994. Sur ce sujet, la GEKE a déjà organisé des consultations avec les Églises orthodoxes
et la Communion anglicane. Avec l’approbation de la
VIIe Assemblée plénière de la GEKE qui s’est tenue
à Florence en septembre 2012, la nouvelle série de
consultations débutera en février 2013 avec une première rencontre à Vienne.
Selon une coutume désormais ancienne, le Pape
Benoît XVI a reçu en audience privée, au mois de
janvier 2011 et 2012, une délégation œcuménique
de Finlande venue à Rome à l’occasion de la Fête
de saint Henri, Patron de la Finlande. Ces groupes
étaient guidés par divers évêques luthériens finlandais et l’évêque catholique du diocèse de Helsinki,
Mgr Teemu Sippo, SCJ. Ces délégations se sont rendues auprès du CPPUC et se sont entretenues de
questions ayant trait à la situation œcuménique en
Finlande. Elles ont en outre participé à une célébration œcuménique à l’église Santa Maria sopra Minerva, le 19 janvier, et aux vêpres dans l’église des
sœurs de l’Ordre de sainte Brigitte.
De hauts représentants de la Vereinigte Evangelisch-Luterische Kirche Deutschlands-VELKD
(Église évangélique-luthérienne d’Allemagne) guidés
par l’Évêque Johannes Friedrich et l’Évêque Friedrich Weber, chargés des relations avec l’Église catholique au sein de la VELKD, ont rendu visite au
CPPUC pour y tenir des conversations. La délégation a été reçue par le Pape Benoît XVI en audience
privée le 24 janvier 2011. Le jour précédent, elle a
pris part à une cérémonie œcuménique au cours de
laquelle, près de la Basilique papale Saint-Paul-horsles-Murs, a été planté et béni un olivier dans le cadre
du projet « Monument vert œcuménique, Jardin de
Luther à Wittenberg 2017 ». La délégation a également participé aux vêpres célébrées par le Pape Benoît XVI en conclusion de la Semaine de prière pour
l’unité des chrétiens.
4.5. Relations avec les réformés
En 2011, la Communion mondiale des Églises
réformées, née en 2010 de la fusion entre l’Alliance
mondiale des Églises réformées et le Conseil œcuménique réformé, et le CPPUC ont entamé une nouvelle phase de dialogue international, la quatrième
entre catholiques et réformés. Les trois phases
précédentes (menées avec l’Alliance mondiale des
Églises réformées) ont produit, respectivement,
les rapports suivants: « La présence du Christ dans
l’Église et dans le monde » (1970-1977), « Vers une
compréhension commune de l’Église » (1984-1989)
et « L’Église comme communauté de témoignage
commun dans le Règne de Dieu » (1998-2005). La
nouvelle phase qui prendra fin en 2017 a pour thème
général « Justification et sacramentalité: la communauté chrétienne, promotrice de justice ». Les coprésidents, du côté catholique et du côté de la Communion mondiale des Églises réformées, sont respectivement Mgr Kevin Rhoades, évêque du diocèse de
Fort Wayne-South Bend dans l’Indiana (USA), et la
Rév. Dr Martha Moore-Keish, du Columbia Theological Seminary à Decatur (Géorgie, USA). La première réunion, qui s’est tenue à Rome du 3 au 9 avril
2011, avait pour thème « Justification: Reformed
and Roman Catholic Perspectives (Historically and
Currently) » (Justification: le point de vue réformé
et catholique – dans le passé et aujourd’hui). Il est
à souhaiter que cette phase de dialogue international, sur la base des accords déjà atteints, facilite la
réflexion sur l’opportunité ou non d’une adhésion de
la Communion mondiale des Église réformées à la
Déclaration commune sur la doctrine de la justification. Le groupe s’est réuni pour son second cycle de
conversations à Decatur, au mois d’avril 2012 pour
réfléchir sur « Justification and Sacramentality: The
Rites of the Church and the Ordering of the Sacraments and Rites » (Justification et sacramentalité:
les rites de l’Église et l’ordonnance des sacrements
et des rites).
4.6. Disciples du Christ (Christian Church)
Un groupe de travail s’est réuni à Toronto du 1er
au 5 mai 2011 pour préparer une nouvelle phase de
dialogue. Les comodérateurs de cette phase seront
35
Mgr David Ricken, évêque de Green Bay (USA)
et le Rév. Dr Newell Williams, de la Brite Divinity
School de Fort Worth (USA). Le début de ce nouveau cycle de conversations a été repoussé d’un
an afin que puisse se tenir avant, en juin 2012, un
comité exécutif pour examiner les révisions suggérées par le Rapport final de la quatrième phase et
pour examiner le thème proposé pour la cinquième
phase: « Formed and Transformed at the Table of
the Lord: The Eucharist in the Church and for the
World » (Formés et transformés à la table du Seigneur: l’Eucharistie dans l’Église et pour le monde).
Du 16 au 19 juin 2012 s’est en effet tenue la rencontre de l’Executive Committe à la Brite Divinity
School de la Texas Christian University (TCU), à
Fort Worth au Texas. Les buts fixés pour cette rencontre ont été atteints: 1) terminer le Rapport de la
quatrième phase en tenant compte des observations
envoyées par le CPPUC ; 2) mettre au point la proposition pour la cinquième phase sur la base du projet
préparé lors de la réunion de mai 2011 ; 3) définir
les dates et la méthodologie à suivre pour la première
rencontre de 2013. La cinquième phase ayant pour
thème « Christians formed and Transformed by the
Eucharist » (Les chrétiens formés et transformés
par l’Eucharistie) sera inaugurée en mai 2013 dans
le Kentucky (USA). La méthodologie de travail a été
définie, les thèmes à traiter choisis et une proposition
de dates pour les trois prochaines années a été faite. Il
est important de signaler que les membres du comité
exécutif ont ajouté dans la conclusion de la proposition finale: « Nous réaffirmons que notre but demeure
la pleine unité visible de nos deux communions ».
4.7. Relations avec la Conférence mennonite mondiale
La Conférence mennonite mondiale se définit
elle-même comme une communion d’Églises d’orientation anabaptiste liées entre elles en une communauté de foi au niveau mondial, dans la fraternité, la
liturgie, le service et le témoignage. Cet organisme
comprend environ 1.600.000 fidèles appartenant à
99 Églises nationales mennonites et des Brethren
in Christ dans 56 pays répartis sur six continents ;
plus de 60 % d’entre eux se trouvent en Afrique,
Asie et Amérique Latine. La Fédération luthérienne
mondiale, la Conférence mennonite mondiale et le
Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des
chrétiens entreprendront sous peu un dialogue trilatéral pour étudier le thème du baptême.
4.8. Relations avec l’Alliance baptiste mondiale
L’Alliance baptiste mondiale, fondée en 1905 à
Londres, est une alliance entre 216 « conventions » et
unions baptistes comprenant plus de 37 millions de
fidèles baptisés et 105 millions de membres. La différence entre ces deux chiffres s’explique du fait que
les enfants ne sont pas inclus car ils n’ont pas encore
accès au « baptême des croyants ». Une première
phase de conversations théologiques internationales
entre l’Alliance baptiste mondiale et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a
eu lieu de 1984 à 1988 et s’est conclue par la publication d’un rapport final intitulé « Appelés à rendre
36
témoignage au Christ dans le monde d’aujourd’hui ».
Après une longue interruption, en 2006 a débuté une
nouvelle phase de conversations sur le thème « La
Parole de Dieu dans la vie de l’Église: Écriture, Tradition et Koinonia ». Ces entretiens ont eu pour objectif principal l’identification d’une base commune
dans l’enseignement biblique, la foi apostolique et
la vie concrète des croyants ainsi que l’étude des domaines dans lesquels existent encore de profondes
divergences entre catholiques et baptistes. Les
conversations sont coprésidées du côté catholique
par Mgr Arthur Serratelli, évêque de Paterson (NJ,
USA), et par le Rév. Dr Paul Fiddes, professeur de
théologie systématique à l’Université d’Oxford (Angleterre), du côté baptiste. Cette seconde phase s’est
conclue par la rencontre de décembre 2010 à Oxford
au cours de laquelle les participants ont travaillé à la
préparation du rapport final. Le texte a été présenté
en 2012 aux deux organismes respectifs pour approbation.
4.9. Relations avec l’Armée du Salut
L’Armée du Salut est née en Angleterre à la moitié du XIXe siècle comme mouvement de mission
en faveur des plus démunis. Elle est active dans 121
pays et comprend plus de 17.000 officiers en service,
plus de 8.700 officiers à la retraite, plus d’un million
de « soldats », environ 100.000 employés et plus de
4,5 millions de volontaires. Ses membres peuvent
être considérés comme des chrétiens protestants
ne pratiquant aucun sacrement. Depuis 2007 sont
en cours des conversations œcuméniques non-officielles entre l’Armée du Salut et l’Église catholique.
En 2011, la réunion a eu pour thème la sanctification ; en 2012, la mission.
4.10. Relations avec des dirigeants pentecôtistes,
évangéliques et charismatiques
4.10.1 Dialogue international catholique-pentecôtiste
Au cours de la première phase de dialogue catholique-pentecôtiste (1972-1977) avec des représentants des pentecôtistes classiques, il a été nécessaire
d’apporter des éclaircissements sur la terminologie
et la méthodologie pour mieux délinéer les identités confessionnelles respectives. Lors d’une seconde
phase (1979-1984), certaines des questions les plus
épineuses ont été affrontées avant de se pencher
sur le thème de l’ecclésiologie (Vue d’ensemble sur
la koinonia, 1985-1989). Par la suite, les sujets étudiés ont été la mission et les problèmes relatifs à
la manière de conduire la mission à la lumière de
l’appel à l’unité des chrétiens (Évangélisation, prosélytisme et témoignage commun, 1990-1997). La
cinquième phase a été l’occasion d’une réflexion sur
notre héritage biblique et patristique commun en ce
qui concerne la foi, la conversion, la vie de disciples,
l’expérience chrétienne, la formation chrétienne et
le baptême dans l’Esprit (Devenir chrétiens, 19982006).
La sixième phase débutée en 2011 affronte directement le thème des « Charismes dans l’Église »,
en particulier en ce qui concerne leur importance,
leur identification et leurs implications pastorales.
La première session coprésidée par Mgr Michael
Burbidge, évêque de Raleigh (USA) et le Rév. Cecil
M. Robeck des Assemblées de Dieu, a eu pour objectif d’identifier quel est le terrain commun aux catholiques et aux pentecôtistes en ce qui concerne les
charismes. Pendant la session de 2011, les membres
du dialogue ont participé à la liturgie de la Pentecôte
présidée par Benoît XVI en la Basilique Saint-Pierre.
Le Saint-Père les a ensuite salués publiquement au
cours de l’audience générale du mercredi suivant. La
seconde session, qui s’est déroulée à Helsinki du 28
juin au 5 juillet 2012, a été consacrée à la question
du discernement.
4.10.2. Conversations avec différents dirigeants des
New Charismatic Churches (anciennement Non Denominational Pentecostals)
Les 28 et 29 mai 2012 s’est tenue la troisième
rencontre des Conversations préliminaires entre
le CPPUC et des dirigeants des New Charismatic
Churches. Le thème de réflexion qui avait été choisi
était « Mission in Terms of Self-identity and Self-understanding » (La mission du point de vue de l’identité et de la conception de soi-même) mais la réunion
a surtout porté sur la suite à réserver à ces trois rencontres. Le CPPUC a adhéré à la proposition de tenir
un nouveau cycle de trois rencontres de Conversations à partir de 2014.
4.10.3. Consultation entre le CPPUC et l’Alliance
évangélique mondiale
La troisième série de consultations a commencé
en 2011. Ce projet s’étendra sur cinq ans. La première
session s’est tenue en 2009 à Sao Paulo (Brésil) sur
le thème « Questions dogmatiques et éthiques: un
terrain d’entente » ; la seconde session s’est déroulée
à Rome du 12 au 17 septembre 2011 et a porté sur
« Écriture et Tradition ». La troisième rencontre a eu
lieu à Chicago du 14 au 18 octobre 2012 et était intitulée « Quels sont les enseignements des catholiques
et des évangéliques par rapport au salut et comment
les personnes parviennent-elles au salut ? »
5. Relations avec le Conseil œcuménique des Églises
(COE)
Les 8 et 9 mai 2011, le Cardinal Koch a effectué
au Conseil œcuménique des Églises de Genève sa
première visite officielle en qualité de nouveau président du CPPUC. En cette occasion, il a réaffirmé
l’engagement irréversible de l’Église catholique dans
l’œcuménisme et exprimé le désir de travailler en
étroite collaboration avec le COE pour la recherche
de l’unité pleine et visible des chrétiens.
Le Secrétaire général du COE, le Dr Olav Fykse
Tveit, au côté d’importants représentants des Communions chrétiennes mondiales, a participé à la
Journée de prière pour la paix à Assise, sur invitation
du Pape Benoît XVI. Dans le même esprit, une délégation catholique officielle a pris part à la Convocation œcuménique internationale pour la paix
marquant la conclusion de la Décennie contre la
violence et organisée à Kingston (Jamaïque) du 17
au 25 mai 2012. La participation commune à d’importants événements œcuméniques est le signe tangible de la volonté de l’Église catholique et du COE
de continuer à travailler « en partenariat » au service
de l’unité. Le CPPUC était représenté à la rencontre
du 27 septembre au 1er octobre 2001 en préparation
de la Xe Assemblée générale du COE prévue à Busan
(Corée) du 30 octobre au 8 novembre 2013.
Aussi bien le CPPUC et le COE sont conscients
que, même si l’esprit œcuménique continue à se
propager, les différences entre Églises émergent de
façons toujours nouvelles. Aujourd’hui, le défi qu’ils
doivent relever est celui de définir une orientation
commune et de se fixer des objectifs intermédiaires
réalisables, en particulier dans des domaines spécifiques de la vie œcuménique.
La session plénière du Groupe mixte de travail s’est
tenue à Malte du 31 octobre au 5 novembre 2011. Les
travaux ont porté sur le projet de Neuvième Rapport
qui a ensuite été présenté au Comité central du COE
en septembre 2012. Les thèmes actuellement à l’étude
sont les suivants: la réception, l’œcuménisme spirituel,
les conséquences de la migration sur les Églises et la
transmission de la foi aux jeunes. Le rapport souligne
le rôle crucial qui doit être reconnu à la réception si
l’œcuménisme veut éviter qu’on l’accuse d’élitisme et
d’insignifiance dans la vie des fidèles. L’œcuménisme
spirituel, y compris la prière, la lecture de la bible en
commun et la conversion des cœurs au Christ Seigneur, crée un climat dans lequel les chrétiens peuvent
affronter ensemble leurs doutes et difficultés.
Du 8 au 14 mars 2012 s’est tenu à Dar es Salaam
(Tanzanie) le Xe Forum des dialogues bilatéraux
convoqué à la demande de la Conférence des secrétaires des Communions chrétiennes mondiales. Cette
rencontre avait pour thème officiel : « Dialogues internationaux en dialogue: contexte et réception », une
attention particulière étant réservée à l’Église dans
les pays du sud et spécialement en Afrique. Le programme, réparti sur cinq jours, était divisé en trois
parties: débats (« L’unité chrétienne en Tanzanie aujourd’hui », « Des théologiens africains donnent leur
avis sur les dialogues œcuméniques », « Relations
nord-sud au sein des Communions chrétiennes mondiales »), rapports des délégués des diverses Communions chrétiennes mondiales sur les dialogues bilatéraux à compter de 2008 (documents rédigés, projets
entrepris, échéances, participations des membres des
pays du sud, réunions dans l’hémisphère sud, tendances principales) et synthèse thématique.
Du 23 au 27 juillet 2012 s’est tenue à l’Institut
œcuménique de Bossey (Suisse) la quatrième rencontre du Comité de planification de l’Assemblée
chargée d’apporter les dernières touches à la préparation de la Xe Assemblée générale qui aura lieu à
Busan (Corée) du 30 octobre au 8 novembre 2013
et aura pour thème « Dieu de la vie, conduis-nous à
la justice et à la paix ». Y ont pris part 27 personnes
représentant les Églises-membres et des partenaires
œcuméniques (Église catholique, pentecôtistes,
Communions chrétiennes mondiales, Alliance évangélique mondiale).
37
Du 28 août au 5 septembre 2012 s’est réuni auprès de l’Académie orthodoxe de Crète le Comité
central du COE. Il s’agit d’un « organisme à pouvoir
décisionnel représentant les 349 Églises-membres ».
La rencontre avait pour principale question à l’ordre
du jour la préparation de la Xe Assemblée à Busan, ce
qui signifiait apporter d’éventuels changements aux
statuts, terminer les déclarations publiques, approuver le travail réalisé par le Comité de planification de
l’Assemblée et définir le programme de cette dernière.
5.1. Foi et Constitution
Le Conseil œcuménique des Églises a défini la
Commission Foi et Constitution « le forum théologique le plus représentatif de la chrétienté ». L’Église
catholique est membre de la Commission Foi et
Constitution depuis 1967 et y est représentée par 12
commissaires sur 120 (10 % du nombre total). Le
Comité permanent de Foi et Constitution compte 30
membres parmi lesquels trois commissaires catholiques (à nouveau 10 % du nombre total). Le Comité
permanent se réunit une fois par an. En 2011, il a été
généreusement accueilli à Gazzada par l’Archevêché
de Milan. Avec la dernière rencontre de juin 2012 a
pris fin son dernier mandat. Une nouvelle Commission sera nommée et entrera en activité après l’Assemblée générale du COE en 2013.
Les trois projets de Foi et Constitution se situent
à divers degrés d’avancement. Le premier porte sur
le document d’étude intitulé « Nature et mission de
l’Église ». Après que les Églises orthodoxes se sont réunies en mars 2011 pour mettre au point leur réponse
officielle sur ce document, le groupe de travail sur l’ecclésiologie qui s’est retrouvé en mars 2011 à Columbus (Ohio, USA) a modifié radicalement son texte et
l’a abrégé à la lumière des commentaires des Églises
orthodoxes et des réflexions faites par les membres
de la Commission sur la mission et sur l’évangélisation dans le monde et ceux du Comité permanent. En
mars 2012, le groupe de travail sur l’ecclésiologie s’est
à nouveau réuni pour terminer un texte qui a ensuite
été soumis à l’évaluation du Comité permanent lors
de sa rencontre de septembre 2012. La seconde étude
porte sur les « Sources d’autorité ». Le groupe de travail qui en est chargé a présenté un rapport/guide
sur ses propres résultats, en encourageant les Églises
et Communautés ecclésiales à considérer « Les premiers maîtres de l’Église » comme sources d’autorité
de l’enseignement chrétien, pour mieux comprendre
les fondements ecclésiologiques de l’Église. Le troisième projet intitulé « Le discernement moral dans les
Églises » applique une méthodologie basée sur l’étude
cas par cas de diverses situations pour montrer comment les communautés parviennent à prendre certaines positions dans le domaine de la morale.
5.2. Semaine de prière pour l’unité des chrétiens
Le CPPUC et la Commission Foi et Constitution
du COE préparent chaque année les textes pour la
Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. En
2011, ce groupe de travail s’est réuni à Bangalore
(India) pour évaluer les textes pour l’année 2013
présentés par un groupe œcuménique de chrétiens
38
indiens. En 2012, ce même groupe a travaillé avec
des représentants œcuméniques du Canada pour
préparer le matériel pour 2014.
6. La Commission pour les relations religieuses
avec le Judaïsme
D’un point de vue théologique, les juifs et les chrétiens non seulement partagent un riche patrimoine
(cf. Nostra aetate, 4) mais, sur la base de ce patrimoine
commun, sont en mesure de promouvoir des valeurs
communes dans la société, de lutter pour la défense
des droits de l’homme et de collaborer dans le domaine
social et humanitaire. Un colloque en commémoration du 40e anniversaire du dialogue entre la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme et
l’International Jewish Committee on Interreligious
Consultations s’est tenu du 27 février au 2 mars 2011
à Paris, ville où eut lieu la première rencontre, il y a
quarante ans. Vingt-cinq catholiques et vingt-cinq juifs
du monde entier y ont pris part et ont débattu sur le
thème « Quarante ans de dialogue. Réflexion et perspectives futures ». Au terme de cette réunion, une déclaration commune a été rendue publique.
Le 17 janvier de chaque année, on célèbre en
Italie, Pologne, Autriche et Hollande la « Journée
du Judaïsme » qu’organisent les conférences épiscopales (en Suisse, cette Journée a lieu le deuxième
dimanche de Carême). Cette initiative, qui rappelle
aux catholiques les racines juives de leur foi, entend
encourager le dialogue juif-catholique. Chaque année, le secrétaire de la Commission pour les relations
religieuses avec le judaïsme, le P. Norbert Hofmann
SDB, publie un article sur l’Osservatore Romano. En
2012, ce dernier avait pour titre « Confiance croissante et engagement commun pour la paix. La responsabilité particulière des juifs et des catholiques ».
Cet article fait référence à l’initiative de la Commission d’encourager d’autres conférences épiscopales à
introduire cette Journée dans leur calendrier.
Le 24 janvier 2011, le secrétaire de la Commission a participé à une conférence de presse au Palazzo Chigi pour présenter deux documents apportant la preuve que le Séminaire lombard et le Couvent des Sœurs de Notre-Dame de Sion à Rome cachèrent et sauvèrent des juifs durant la Shoah. Cette
conférence de presse a eu lieu dans le cadre des initiatives prises par le gouvernement italien pour encourager la collection de matériel historique sur la
Shoah pour un musée sur l’holocauste.
Les 23 et 24 mars 2011, le secrétaire de la Commission a fait partie d’une délégation du Saint-Siège
à la Conférence de l’OCDE à Prague, organisée sous
la présidence de la Lituanie sur le thème « Affronter
l’antisémitisme dans le débat public ».
Du 29 au 31 mars 2011, un groupe de représentants de la Commission et du Grand Rabbinat
d’Israël s’est retrouvé à Jérusalem pour discuter sur
la question suivante: « Défis de la foi et leadership
religieux dans la société sécularisée ». Une déclaration commune a été publiée au terme de la réunion.
La délégation catholique était guidée par le Cardinal
Jorge Mejía, tandis que la délégation juive avait à sa
tête le Grand Rabbin de Haifa, Shear Yashuv Cohen.
Le secrétaire de la Commission a participé à
la rencontre annuelle de l’International Council of
Christians and Jews (ICCJ) qui s’est tenue à Cracovie (Pologne) du 1er au 7 juillet 2011 sur le thème
« Religions et idéologies – Perspectives polonaises et
au-delà ».
Du 23 au 25 octobre 2011, le secrétaire a pris
part à une conférence organisée par l’« Institut für
jüdisch-christliche Forschung » de la Faculté de
théologie de l’Université de Lucerne (Suisse) sur
le thème suivant: « Das Studium des Judentums
und die jüdisch-christliche Begegnung ». Le secrétaire a lu la conférence du Cardinal Kurt Koch intitulée « Gemeinsam Volk Gottes sein. Perspektiven
des jüdisch-katholischen Dialogs von Nostra aetate
bis Papst Benedikt XVI » (Être ensemble Peuple de
Dieu. Tour d’horizon du dialogue juif-catholique, de
Nostra aetate au Pape Benoît XVI).
Une délégation composée de nouveaux dirigeants juifs des États-Unis, d’Israël et de quelques
pays européens, a pris par à la Journée de réflexion,
de dialogue et de prière pour la paix qui s’est tenue à
Assise, les 27 et 28 octobre 2011.
Du 29 octobre au 5 novembre 2011, le Cardinal Koch et le secrétaire de la Commission se sont
rendus aux États-Unis pour y rencontrer la communauté juive et être informés de la réalité du dialogue juif-catholique local. Le Cardinal a tenu une
conférence à la Seton Hall University (New Jersey)
sur « Questions théologiques et perspectives futures dans le dialogue juif-catholique » (John M.
Österreicher Memorial Lecture). La conférence
était organisée par l’Institute of Judeo-Christian
Studies de cette université et le Council of Centers for Jewish-Christian relations. Le Cardinal
Koch s’est également rendu au Jewish Theological Seminary de New York et a rencontré des représentants de l’International Jewish Committee
on Interreligious Consultations (IJCIC). À la Catholic University of America de Washington, il a
donné une conférence sur les « Aspects fondamentaux de l’œcuménisme et perspectives futures ».
Du 9 au 10 novembre 2011, l’Israeli Religious
Council, composé de vingt-cinq dirigeants religieux
de l’État d’Israël juifs, musulmans, druses et chrétiens
de diverses traditions, s’est rendu en visite au Vatican
et a été reçu en audience privée par le Saint-Père. La
délégation a par ailleurs rencontré le Cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Églises
orientales, ainsi que des représentants du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme.
Le 12 décembre 2011, le Saint-Père a reçu en audience privée Lord Jonathan Sacks, Grand Rabbin de
Grande-Bretagne. Lord Sacks a ensuite tenu à l’Université pontificale Grégorienne une conférence intitulée « L’Europe a-t-elle perdu son âme ? » Cette conférence, à laquelle ont pris part le Cardinal Koch et le
secrétaire de la Commission, était une manifestation
de caractère public organisée par le Centro Cardinale
Bea per gli studi ebraici de l’Université Grégorienne.
Du 27 au 29 mars 2012 s’est tenue à Rome la
onzième rencontre pour le dialogue entre les délégations de notre Commission et du Grand Rabbinat
d’Israël qui avait pour thème « Religious Perspectives on the Current Financial Crisis: Vision for a
Just Economic Order » (La crise financière actuelle
d’un point de vue religieux: imaginer un ordre économique juste). En ce qui concerne nos traditions
respectives, la rencontre a eu lieu dans une atmosphère de profonde amitié et de compréhension
mutuelle. Une déclaration commune a été rendue
publique au terme des travaux. La délégation catholique avait à sa tête le Cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, la délégation juive était quant à elle
guidée par le Grand Rabbin de Haifa, Shear Yashuv
Cohen.
Le 18 avril 2012, le secrétaire de la Commission
a tenu une conférence à Fribourg (Suisse) intitulée
« Die Einzigartigkeit des jüdisch-christlichen Dialogs
und dessen Grundkonstanten » (La spécificité du
dialogue entre juifs et chrétiens et ses constantes).
Les étudiants de langue allemande de la faculté de
théologie l’ont invité pour la « Semaine interdisciplinaire ».
Le 10 mai 2012, pour la première fois dans l’histoire du dialogue juif-catholique, le Saint-Père a reçu
une délégation du Latin American Jewish Congress,
constituée de juifs provenant d’Amérique Latine,
principalement du Brésil et d’Argentine. Au cours de
la soirée précédant la rencontre avait été organisé un
dîner auquel ont pris part divers représentants de la
Curie romaine et de la Communauté juive de Rome.
Le 16 mai 2012, le Cardinal Kurt Koch, président
de la Commission, a tenu une « lectio coram publico » auprès de l’Université pontificale San Tommaso
(Angelicum) à Rome sur le thème suivant: « Building
on Nostra aetate: 50 Years of Christian-Jewish Dialogue » (Constuire sur Nostra Aetate: 50 ans de dialogue entre juifs et chrétiens).
Du 22 au 27 mai 2012, le Cardinal président,
accompagné du secrétaire de la Commission, s’est
rendu en Israël pour diverses rencontres et visites.
Au cours d’un colloque public auprès du Jerusalem
Studies Institute de Jérusalem, organisé par l’Israel
Jewish Council for Interreligious Relations (IJCIR)
et portant sur la situation du dialogue juif-catholique, le Cardinal a tenu une conférence sur le thème
suivant : « Christians Called to be Faithful to Abraham’s Heritage » (Appelés en tant que chrétiens à être
fidèles à l’héritage d’Abraham). Avant ce colloque a
eu lieu une rencontre privée avec des personnalités
actives dans le dialogue interreligieux en Israël. Le
Cardinal, accompagné du Rabbin David Rosen, s’est
rendu en visite au Grand Rabbinat pour s’entretenir
avec le Grand Rabbin Jonah Metzger et le Secrétaire
général du Grand Rabbinat, Oded Wiener. Au cours
de son séjour à Jérusalem, le Cardinal a également
pris contact avec les évêques catholiques, entre autres
ceux de Terre-Sainte, et les chefs d’autres Églises et
Communautés ecclésiales. Une rencontre officielle a
eu lieu au Centre Notre-Dame, suivie d’une réception. Il a rendu visite au Custode de Terre-Sainte, le
P. Pierbattista Pizzaballa OFM, au Patriarche latin,
Fouad Twan, et au Patriarche grec-orthodoxe, Theophilos III. Enfin, le Cardinal s’est rendu en Galilée
pour y rencontrer Mgr Giacinto Marcuzzo à Nazareth et Mgr Elia Chacour à Haïfa.
39
Du 17 au 21 juin 2012, dans les alentours de New
York, au Isabella Freedman Jewish Retreat Center,
a eu lieu la seconde Catholic-Jewish Emerging Leadership Conference sur le thème « Catholics and
Jews: Our Common Values, Our Common Roots »
(Catholiques et juifs: nos valeurs communes, nos racines communes). Environ 50 jeunes gens, hommes
et femmes d’âge compris entre 20 et 30 ans, juifs et
catholiques, se sont rencontrés pour faire connaissance et redécouvrir de manière plus approfondie
leur propre identité religieuse en se confrontant avec
les traditions de l’autre. Cette initiative était organisée par l’International Jewish Committee on Interreligious Consultations (IJCIC) et la Commission
pour les relations religieuses avec le Judaïsme. Cette
rencontre avait pour but d’instruire et de former des
jeunes qui devront participer activement dans le futur au dialogue entre juifs et catholiques.
Du 5 au 18 août 2012, le secrétaire de la Commission a participé à une Université d’été de la Stu-
40
dienstiftung des Deutschen Volkes à Ftan (Suisse) et
a organisé pour les étudiants un atelier ayant pour
thème « Dialog der Religionen. Grundlagen, Möglichkeiten und Ansätze aus theologischer und bildungswissenschaftlicher Sicht » (Dialogue des religions. Fondements, possibilités et objectifs du point
de vue de la théologie et des sciences de l’éducation).
Du 28 au 30 octobre 2012 s’est tenue la troisième
session plénière de la Commission pour les relations
religieuses avec le judaïsme à laquelle ont pris part
huit consulteurs et dix-huit délégués de Conférences
épiscopales. La rencontre a donné lieu a un échange
utile d’informations et d’expériences. En particulier,
la discussion a porté sur la célébration du 50e anniversaire de Nostra aetate, qui se tiendra en 2015, et
de la possibilité de lancer au niveau de différentes
Conférences épiscopales une Journée du judaïsme
(cette Journée a déjà été introduite par les Conférences épiscopales d’Italie, Pologne, Autriche, PaysBas et Suisse).
VISITE AU PATRIARCAT ŒCUMÉNIQUE D’UNE DÉLÉGATION
DU SAINT-SIÈGE POUR LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ
29 novembre-1er décembre 2012
Dans le cadre du traditionnel échange de visites pour les fêtes de leurs saints patrons respectifs, le 29 juin à
Rome pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul et le 30 novembre à Istanbul pour la fête de l’apôtre saint André,
la délégation du Saint-Siège qui s’est rendue au Phanar, le 29 novembre 2012, était guidée par le Cardinal Kurt
Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Le Cardinal Koch était accompagné de l’Évêque Brian Farrell et de Mgr Andrea Palmieri, respectivement secrétaire et sous-secrétaire de ce même
dicastère. À Istanbul, ils ont été rejoints par le Nonce Apostolique en Turquie, Mgr Antonio Lucibello.
La délégation du Saint-Siège a pris part à la divine liturgie présidée par Sa Sainteté Bartholomaios en l’église
patriarcale du Phanar, et a rencontré personnellement le Patriarche et la Commission synodale chargée des relations
avec l’Église catholique. Le Cardinal Koch a remis au Patriarche un message signé du Saint-Père qui a été lu en
conclusion de la divine liturgie – ainsi qu’un présent. Par ailleurs, le Cardinal Koch a rencontré des représentants de
la communauté catholique locale et s’est entretenu avec le Comité œcuménique du Vicariat apostolique de l’Église
catholique à Istanbul.
Nous publions, ci-dessous, le message du Pape Benoît XVI et le discours du Patriarche œcuménique.
Message
du
Pape Benoît XVI
à
Sa Sainteté Bartho-
lomaios
À Sa Sainteté Bartholomaios, Archevêque de
Constantinople, Patriarche œcuménique.
« Que le Christ habite en vos cœurs par la foi »
(Ep 3, 17)
Animé de sentiments de joie profonde et de
proximité fraternelle, je voudrais aujourd’hui faire
mien ce souhait, que saint Paul adresse à la communauté chrétienne d’Éphèse, pour le présenter à
Votre Sainteté, aux Membres du Saint Synode, au
clergé et à tous les fidèles, réunis en ce jour de fête
pour célébrer la grande solennité de saint André.
Suivant l’exemple de l’Apôtre, moi aussi, en tant que
votre frère dans la foi, « je fléchis les genoux en présence du Père » (Ep 3, 14), pour demander qu’il vous
concède « de vous armer de puissance par son Esprit » (Ep 3, 16) et de « connaître l’amour du Christ
qui surpasse toute connaissance » (Ep 3, 19).
L’échange de délégations entre l’Église de
Rome et l’Église de Constantinople, qui se renouvelle chaque année à l’occasion des fêtes patronales
respectives de saint André, au Phanar, et des saints
Pierre et Paul, à Rome, témoigne de façon concrète
du lien de proximité fraternelle qui nous unit. C’est
une communion profonde et réelle, bien qu’encore
imparfaite, qui se fonde non sur des raisons humaines de courtoisie ou de convenance, mais sur la
foi commune au Seigneur Jésus Christ, dont l’Évangile de salut nous est parvenu grâce à la prédication
et au témoignage des apôtres, scellé par le sang du
martyre. Comptant sur ce solide fondement, nous
pouvons ensemble avancer avec confiance sur le chemin qui conduit vers le rétablissement de la pleine
communion. Sur ce chemin, grâce aussi au soutien
assidu et actif de Votre Sainteté, nous avons accompli tant de progrès, dont je Vous suis très reconnaissant. Même si la route à parcourir peut sembler encore longue et difficile, notre intention de poursuivre
dans cette direction reste inchangée, confortés par la
prière que notre Seigneur Jésus Christ a adressée au
Père : « Qu’ils soient un en nous, afin que le monde
croie » (Jn 17, 21).
Sainteté, je désire en ce moment vous renouveler l’expression de ma vive reconnaissance pour les
paroles prononcées à la fin de la célébration pour le
cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile
Vatican II et l’ouverture de l’Année de la foi, qui s’est
déroulée à Rome en octobre, paroles par lesquelles
vous avez su vous faire l’interprète des sentiments de
tous ceux qui étaient présents. Je conserve des souvenirs forts de votre visite à Rome en cette circonstance, durant laquelle nous avons eu l’occasion de
renouveler les liens de notre sincère et authentique
amitié. Cette amitié sincère qui est née entre nous,
avec une grande vision commune des responsabilités auxquelles nous sommes appelés comme chrétiens et comme pasteurs du troupeau que Dieu nous
a confié, est le motif d’une grande espérance pour
que se développe une collaboration toujours plus
grande, dans la tâche urgente de donner avec une vigueur renouvelée le témoignage du message évangélique au monde contemporain. En outre, je remercie
de grand cœur Votre Sainteté et le Saint-Synode du
Patriarcat œcuménique d’avoir voulu envoyer un délégué fraternel pour prendre part à l’Assemblée ordinaire générale du Synode des évêques, sur le thème :
«La nouvelle évangélisation pour la transmission de
la foi chrétienne». Le défi le plus urgent, sur lequel
nous nous sommes toujours trouvés en plein accord
avec Votre Sainteté, est aujourd’hui celui de com41
ment faire parvenir l’annonce de l’amour miséricordieux de Dieu à l’homme de notre temps, si souvent
distrait, plus ou moins incapable d’une réflexion profonde sur le sens-même de son existence, pris comme
tel à partir de projets et d’utopies qui ne peuvent
que le laisser déçu. L’Église n’a d’autre message que
« l’Évangile de Dieu » (Rm 1, 1) et n’a d’autre méthode
que l’annonce apostolique, soutenue et garantie par
le témoignage de sainteté de la vie des pasteurs et du
peuple de Dieu. Le Seigneur Jésus nous a dit que « la
moisson est abondante » (Lc 10, 2) et nous ne pouvons
accepter qu’elle soit perdue à cause de nos faiblesses
et de nos divisions.
Sainteté, dans la Divine liturgie qu’aujourd’hui
vous avez célébrée en l’honneur de saint André,
patron du Patriarcat œcuménique, vous avez prié
« pour la paix dans le monde entier, pour la prospérité des saintes Églises de Dieu et pour l’union de
tous ». Avec tous les frères et sœurs catholiques, je
m’unis à votre prière. La pleine communion, à laquelle nous aspirons, est un don qui vient de Dieu. À
Lui, « dont la puissance agissant en nous est capable
de faire bien au-delà, infiniment au-delà, de tout ce
que nous pouvons demander ou concevoir » (Ep 3,
20), nous Lui adressons avec confiance notre demande, par l’intercession de saint André et de saint
Pierre, son frère.
Dans ces sentiments de sincère affection dans le
Christ Seigneur, je renouvelle mes souhaits chaleureux, et échange avec Votre Sainteté une accolade
fraternelle.
Du Vatican, le 23 novembre 2012.
BENEDICTUS PP XVI
ORF, 06.12.2012
Allocution du Patriarche œcuménique Bartholomaios
Phanar, 30 novembre 2012
Éminence, frère en Christ, Monsieur le Cardinal
Kurth Koch, Président du Conseil pontifical pour la
promotion de l’unité des chrétiens, et vous les autres
membres de la délégation de notre bien-aimé frère,
Sa Sainteté le Pape de Rome Benoît XVI,
Nous vous remercions du fond du cœur, vous et
Sa Sainteté le Pape de Rome qui vous a envoyés, de
l’amour de l’Église vénérable de l’Ancienne Rome envers notre très sainte Église de la Nouvelle Rome. Cet
amour se manifeste par votre participation à notre
joie à l’occasion de la fête patronale du Patriarcat
œcuménique, comme nous le faisons lors de la fête
patronale de l’Église de Rome.
Frères, nous sommes encore émus de notre récente rencontre avec notre frère le Pape de Rome
en Son siège lors de la célébration du cinquantième anniversaire de la convocation du Concile
Vatican II qui a vraiment tracé un nouveau chemin vers l’unité des Églises. En communiant par
42
la pensée aujourd’hui avec le très-saint Frère, nous
Le remercions encore de l’honneur dont il nous a
gratifié, et particulièrement de l’échange fraternel
de points de vue et de réflexions sur la progression
vers l’unité.
L’unicité des fondateurs de nos Églises, de l’ancienne et de la nouvelle Rome, les saints apôtres
Pierre et André, en tant que frères du même sang,
constitue un encouragement pour nos deux Églises
à vivre vraiment la fraternité spirituelle et à rétablir
la communion dans le même esprit, dans la vérité et
l’amour.
Malheureusement, au cours des siècles, cette
fraternité a été fortement affectée, ce qui a eu pour
résultat de rompre l’unité spirituelle de nos Églises.
Des siècles durant, des théologiens, mais aussi des
ecclésiastiques des deux Églises ont gaspillé leurs
forces non pas dans le cadre du dialogue, mais pour
exposer et défendre isolément leurs propres thèses,
sans tenir compte des paroles de saint Chrysostome :
« J’ai parlé, me répondez-vous, et je n’ai pas été écouté. Eh bien ! Parlez de nouveau, et parlez encore,
jusqu’à ce que vous ayez gagné votre frère. Chaque
jour Dieu nous parle, et quoique nous ne l’écoutions
pas toujours, il ne cesse point de nous faire entendre
sa voix. Imitez donc à l’égard de vos frères cette paternelle Providence ».1
D’expérience, on voit déjà que l’idée a mûri dans
les cœurs des deux parties, à savoir qu’il faut dorénavant diriger différemment nos efforts. Autrement
dit, il faut déployer nos forces spirituelles non pas
en cherchant des excuses à l’appui des thèses que
nous avons défendues dans le passé pour justifier le
schisme, mais en fournissant un effort sincère pour
trouver des arguments confirmant l’erreur de la tendance à la division et en cherchant des moyens de
rapprochement et, plus encore, de plein rétablissement de l’unité des Églises.
Le meilleur moyen pour examiner cette question
est de continuer à cultiver les relations et les dialogues interecclésiaux, surtout celui qui, commencé
en tant que dialogue de charité, a évolué en dialogue
théologique substantiel entre nos deux Églises, orthodoxe et catholique romaine. Le contact personnel
des membres et spécialement des responsables des
Églises conduit souvent à la constatation que les personnes sont de bonne volonté, et que la connaissance
profonde et objective des questions ayant provoqué
la rupture suffit pour dissiper des craintes, des suspicions, des méfiances et des conflits du passé.
Aujourd’hui, les membres de nos Églises, les responsables surtout, sont pour la plupart inspirés par
une bonne volonté pour lever les obstacles hérités et
obtenir l’unité tant désirée dans la foi qui a pour corollaire la communion eucharistique à laquelle nous
aspirons tous. Malencontreusement, les progrès et la
conversion des âmes en ce sens sont lents, à cause de
notre faiblesse humaine à obéir à la Volonté de Dieu,
et à surmonter des thèses, des prises de positions et
des « théologies », défendues encore récemment, et
que plusieurs personnes au sein de nos deux Églises
mettent encore en avant, comme le démontre aussi
1
Jean Chrysostome, Homélies sur les Statues, XVI, 6, PG
49, 171-172.
la progression de notre dialogue théologique engagé
depuis trente-deux ans.
Par conséquent, nous devons accélérer ces progrès, en renforçant autant que possible ce dialogue
de la vérité pour que, à travers de fréquents échanges
à différents niveaux, nous puissions promouvoir la
connaissance, faciliter la compréhension mutuelle et
« accéder à la vérité tout entière »2 qui l’emporte sur
tout. Et « nous ne placerons rien dans notre estime
au-dessus de la vérité et de notre sécurité »,3 selon Basile le Grand de Cappadoce.
Cette connaissance a conduit à un accord progressif sur des points particuliers, un accord qui dans
le décompte des désaccords et des accords, ne cessera
d’accoître la somme des accords jusqu’à ce que tous
les désaccords soient dissipés. C’est alors que tous
ensemble, unis dans la foi et l’amour, nous rendrons
gloire au Christ Sauveur qui nous aura donné le repos
en nous faisant passer par le feu et par l’eau.
Votre visite ici aujourd’hui, frères aimés dans le
Seigneur, pour participer à notre joie pour la fête de
la très sainte Église de Constantinople, à l’occasion
de la mémoire du saint apôtre André, disciple de
Jean le Précurseur et Baptiste et, ensuite, de notre
Seigneur Jésus Christ, contribue substantiellement à
ranimer l’intérêt pour le progrès du dialogue entre
nos Églises. Même quand nos délégués au dialogue
ne parviennent pas à consentir à certaines conclusions communes, l’utilité de cet échec, qui n’est
qu’apparent en l’occurrence, continue d’être grande,
car le constat du désaccord nous pousse à chercher
l’accord. La quête d’un but est le fondement pour
atteindre le but recherché. Le désaccord sur une
question nous mène à reprendre la discussion dans
l’intention commune de ne pas échouer de nouveau.
Tant que la bonne volonté existe, la Grâce de Dieu,
qui surveille tout, récompensera les interlocuteurs
de bonne foi par l’inspiration du Saint-Esprit pour
agréer ensemble la conclusion appropriée, puisque,
selon notre prédécesseur saint Grégoire le Théologien « ce n’est mauvais d’être vaincu dans le dialogue,
car le dialogue n’est pas l’apanage de tout le monde ».4
Selon la vérité narrée dans l’Évangile de saint
Jean – étant donné que la parole de Dieu est vérité5
– l’apôtre André annonce joyeusement à son frère, le
saint apôtre Pierre : « Nous avons trouvé le Messie ! »
et l’amène à Jésus. Or, c’est un frère qui amène un
frère au Seigneur. En l’occurrence, cela n’a pas d’importance pour notre temps de savoir qui des deux
frères a amené l’autre à Jésus. Nous devons tous deux,
le successeur de l’apôtre Pierre et celui de l’apôtre André, témoigner chacun à son frère que « nous avons
trouvé le Messie » et guider chacun les pas de l’autre
vers Lui. Car c’est Lui le Chemin et la Vérité et la Vie.6
C’est Lui qui, ne cessant de faire invisiblement route
avec nous vers Emmaüs ou la « Galilée » de chacun
Jn 16,13.
Basile de Césarée, Lettre CCXLV, À Théophile évêque, PG
32, 925 -C.
4
Grégoire de Nazianze, In laudem Heronis philosophi, 18,
PG 35,1224B.
5
Cf. Jn 17, 17.
2
de nous, est la Résurrection et le Salut du monde.
C’est Lui aussi l’Espoir de l’humanité pour qu’elle
sorte de toutes les crises morale et économique qui
tourmentent notre époque.
Or, par notre exemple, nous devons tous deux,
notre frère le Pape de Rome et notre humble personne, ainsi que nos Églises et tous les chefs religieux, indiquer au monde qui détient la richesse de
se rappeler la miséricorde et la charité envers les
nécessiteux, sinon c'est la cohésion sociale qui, une
fois ébranlée, apportera de terribles calamités aux
justes et aux injustes.
Cette année touche à sa fin. Avec des prévisions
terribles et nullement positives pour l’humanité au
niveau mondial. Cette année, nous avons fêté le cinquantième anniversaire du Concile Vatican II qui a
ouvert de nouveaux chemins. En l’an de grâce 2013,
nous fêterons le 1700e anniversaire de l’édit de Milan
promulgué par l’empereur Romain, saint Constantin
le Grand, proclamant la liberté de foi des chrétiens,
la liberté religieuse en général. Cette liberté, que le
Christ a annoncée et dans laquelle il nous a libérés,7
nous devons la préserver et la renforcer. Et c’est ce
que nos deux Églises ensemble font en actes et en
paroles. Votre Église catholique romaine a fêté le 50e
anniversaire de l’inauguration du concile Vatican II.
Notre sainte Église orthodoxe a la joie d’annoncer
que la préparation de son saint et grand concile est
presque achevée. Le concile sera prochainement réuni et se prononcera, entre autres, sur la question
des dialogues de l’orthodoxie avec les autres Églises
et prendra les décisions appropriées, en unité et en
vérité, pour promouvoir la marche vers « l’unité de
la foi » dans la communion du Saint-Esprit, dans la
certitude que « pour les amants de la vérité, rien n’est
préférable à Dieu et à l’espoir en Dieu ».8
Forts de cette conviction, et « oubliant le chemin
parcouru, élançons-nous vers le but ».9 Les yeux fixés
sur la Vérité, le Seigneur par qui tant a été créé, marchons vers la fin des temps, nous référant à Celui
qui peut faire infiniment plus que ce que nous pouvons demander ou imaginer : « L’Alpha et l’Oméga, le
Premier et le Dernier, le commencement et la fin ».10
Nous sommes convaincus que la Volonté divine
nous conduira « à la vérité tout entière », pour que
nous « soyons un », nous qui croyons en Lui, non seulement en forme et en paroles, mais aussi en substance et en actes.
Au cours de cette marche historique commune
dans laquelle il nous incombe de nous engager en
quête de l’unité entre nous, nous devons en même
temps démontrer, surtout aujourd’hui, cette vérité,
dans la façon dont nous faisans face à la misère de
nos semblables qui sont dans le dénuement, spirituel surtout, mais matériel aussi. C’est certainement ce qui est le plus facile à faire et susceptible
d’application immédiate. Or, nous sommes appelés,
nous chefs spirituels et ecclésiastiques, à nous ap-
3
Cf. Jn 14, 6.
6
Cf. Ga 5,1.
Basile de Césarée, Lettre CLI, À Eustathe, grand médecin, PG
32, 608B.
9
Cf. Ph 3,14.
10
Cf. Ap 22, 13.
7
8
43
procher d’eux comme le bon Samaritain, et à « panser leurs plaies, en y versant de l’huile et du vin ».11
Nous démontrerons ainsi que nous avons les yeux
fixés sur l’« être humain » et que notre semblable « a
pour homme » l’Église, étant donné que pour cet
homme et pour le monde notre Sauveur « s’est incarné et s’est revêtu de la chair (...)» et « toute chose
Lui est soumise, toute chose Lui obéit, Il peut faire
ce qu’il veut ». Lui seul dira quand viendra le temps :
« Prends ton grabat, je t’ordonne de marcher ! »12 Et
c’est alors que nous paraîtrons « jusqu’aux extrémités de la terre », en prêchant ensemble Sa puissance
et Sa grande miséricorde, Lui, le Seigneur des puissances et de la gloire.
Cf. Lc 10, 31 et 34.
Cf. Dimanche du Paralytique, Grandes vêpres, Litie,
Gloire au Père, ton 5, Pentecostaire, Diaconie Apostolique, Parme
1994, p. 149.
11
12
44
Animés par ces pensées et ces sentiments fraternels, nous vous souhaitons la bienvenue, Monsieur
le Cardinal et Éminent frère, ainsi qu’aux honorables
personnes qui vous accompagnent. Nous remercions encore une fois chaleureusement Sa Sainteté
notre frère l’Évêque de l’Ancienne Rome qui vous
a envoyés pour participer à la joie et à la solennité
de notre fête patronale, en souhaitant la Grâce et la
Bénédiction du Dieu miséricordieux sur nos deux
Églises et sur le monde éprouvé, par l’intercession
de la Très-sainte Mère de Dieu, du saint que nous
fêtons aujourd’hui, l’apôtre André le premier-appelé,
frère de l’apôtre Pierre, et de tous les saints. Amen.
Traduction
Patriarcat œcuménique
NOUVELLES ŒCUMÉNIQUES
In
memoriam
Sa Sainteté Abuna Paulos
Patriarche de l’Église orthodoxe Tewahedo éthiopienne
Sa Sainteté Abuna Paulos, Patriarche de l’Église
orthodoxe éthiopienne, est décédée le 16 août 2012, à
l’âge de 76 ans. Ayant appris cette nouvelle, le Saint-Père
a adressé par l’intermédiaire de l’Archevêque George
Panikulam, Nonce apostolique en Éthiopie, un télégramme de condoléances que nous publions ci-dessous.
J’ai appris avec tristesse le décès de Sa Sainteté Abuna Paulos, patriarche de l’Église orthodoxe
éthiopienne Tewahedo, et je désire présenter mes sincères condoléances aux membres du Saint-synode,
au clergé, aux religieux et aux fidèles du patriarcat.
Je me souviens encore avec plaisir de ses visites au
Vatican, en particulier de son discours au cours de la
deuxième assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques, le 6 octobre 2009, ainsi que les importantes observations qu’il fit à cette occasion. Je lui
suis également reconnaissant pour son ferme engagement en vue de promouvoir une plus grande unité
à travers le dialogue et la coopération entre l’Église
orthodoxe éthiopienne Tewahedo et l’Église catholique. Au moment où le patriarcat déplore la mort
de Sa Sainteté, je vous assure de mes prières pour le
repos de son âme et pour tous ceux qui le pleurent.
BENEDICTUS PP. XVI
ORF, 23.08.2012
Sa Béatitude Torkom Manougian,
Patriarche orthodoxe arménien de Jérusalem
Sa Béatitude Torkom II Manougian, Patriarche
orthodoxe arménien de Jérusalem, s’est éteinte le 12
octobre 2012 à l’âge de 93 ans, dans l’infirmerie du
monastère franciscain où elle était hospitalisée depuis
le mois de mars.
En cette circonstance, le Pape Benoît XVI a adressé à Mgr Nourhan Manougian, Vicaire patriarcal, un
message de condoléances signé par le Cardinal Tarcisio
Bertone, Secrétaire d’État. Nous reproduisons, ci-dessous, le texte de ce télégramme ainsi que la lettre du
Cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical
pour la promotion de l’unité des chrétiens, adressée au
Vicaire patriarcal le 24 octobre 2012.
le clergé et les fidèles du Patriarcat arménien, et de
vous assurer qu’il vous est proche dans la prière en
la triste circonstance du décès de Sa Béatitude le Patriarche Torkom Manougian. Je me remémore avec
une gratitude particulière son amitié avec l’Église
catholique et son engagement dans la cause de l’unité des chrétiens. Au Seigneur ressuscité qui nous a
été proclamé et que nous avons reçu dans la foi, auquel nous restons attachés et par lequel nous serons
sauvés (cf. 1 Co 15,1-2), le Pape Benoît XVI confie
dans la prière l’âme noble du Patriarche Manougian.
Lettre du Cardinal Kurt Koch
Votre Grâce,
C’est avec grande tristesse que j’ai appris le décès de Sa Béatitude le Patriarche Torkom Manougian. En mon nom personnel et en celui du Conseil
pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens,
j’assure de notre plus profonde compassion et de
notre proximité dans la prière l’ensemble du clergé
et des fidèles du Patriarcat arménien qui viennent de
perdre leur berger.
Nous rendons grâce au Seigneur pour les nombreux dons faits à Son Église à travers le ministère
pastoral de Sa Béatitude qui a servi l’Église en tant
que Patriarche pendant de si nombreuses années. Je
me souviens tout particulièrement avec gratitude de
son engagement dans la cause de l’unité chrétienne
et des relations fraternelles qu’il entretenait avec
l’Église catholique. Nous contemplons la gloire de
Jésus Christ dont la victoire sur la mort est notre rédemption. Que l’amour consolateur de Dieu vous réconforte. C’est le Seigneur ressuscité qui nous a été
proclamé, que nous avons reçu dans la foi, auquel
nous restons attachés et par lequel nous serons sauvés (cf. 1 Co 15,1-2).
Que Votre Grâce veuille bien agréer l’expression
de notre communion fraternelle et de notre solidarité dans la prière.
Cardinal Kurt Koch
Président CPPUC
Télégramme du Cardinal Bertone
Sa Sainteté le Pape Benoît XVI me demande de
transmettre ses sincères condoléances à Votre Grâce,
45
Sa Sainteté Maxime
Métropolite de Sofia et Patriarche orthodoxe bulgare
Maxime
Le Patriarche Maxime de Sofia, Patriarche de l’Église
orthodoxe de Bulgarie pendant plus de quarante ans,
est décédé à l’âge de 98 ans suite à une crise cardiaque.
À l’annonce de sa mort, le Pape Benoît XVI a
adressé le message de condoléances ci-dessous.
C’est avec profonde affliction que je viens d’apprendre la nouvelle de la disparition de notre frère
bien-aimé dans le Christ, Sa Sainteté Maxime, Métropolite de Sofia et Patriarche de Bulgarie qui,
pendant de longues annés, a servi avec dévouement le Seigneur et son peuple. Au nom de l’Église
catholique, je désire vous assurer, ainsi que l’ensemble des évêques, des prêtres et des fidèles de
l’Église orthodoxe de Bulgarie, que je m’associe à
votre douleur dans la prière. Que le Seigneur, qui
est bon et miséricordieux, accueille en sa demeure
céleste notre frère bien-aimé Maxime. Puisse-t-il
lui accorder la paix et la mémoire éternelle! En
prenant part à la douleur de l’Église orthodoxe
de Bulgarie, je rends grâce à Dieu pour tous les
bienfaits du défunt Patriarche pour son Église
et le peuple de son pays. Tout particulièrement,
je me souviens de l’accueil cordial qui fut réservé au Bienhereux Pape Jean-Paul II au cours de
son voyage en Bulgarie, au mois de mai de l’année 2002. Je remercie le Seigneur pour les bonnes
relations que le Patriarche avait développées avec
l’Église catholique en ces terres et je forme le vœu
que ces bons rapports puissent se poursuivre pour
la proclamation de l’Évangile.
En vous redisant toute ma sympathie et en vous
assurant de mon souvenir et de ma prière, je vous
prie d’agréer, Éminence, l’expression de mes sincères salutations en Christ.
BENEDICTUS PP. XVI
ORF, 08.11.2012
Sa Béatitude Ignace Hazim IV
Patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient
Sa Béatitude Ignace Hazime IV, Patriarche
grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, est décédée le 5 décembre 2012 à l’âge de 92 ans. Apprenant
cette triste nouvelle, Sa Sainteté Benoît XVI a adressé
la lettre de condoléances ci-dessous à Son Éminence
Spyridon, Métropolite de Heliopolis.
Éminence,
Je viens d’apprendre avec tristesse que le Seigneur a rappelé à lui Sa Béatitude Ignace IV Hazim, Patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout
l’Orient. Je vous adresse ainsi qu’au Saint-Synode et à
l’ensemble des membres de l’Église, mes plus sincères
condoléances et vous assure de mon union dans la
prière avec tous ceux qui pleurent leur père et pasteur.
46
Au cours de sa longue vie au service de l’Évangile, le défunt Patriarche a offert un témoignage lumineux de foi et de charité en œuvrant avec dévouement pour l’élévation spirituelle du troupeau qui lui
avait été confié et pour la grande cause de la réconciliation et de la paix entre les hommes.
Je rends grâce au Seigneur pour la contribution
positive et efficace que le Patriarche Ignace a apportée au processus de rapprochement entre nos deux
Églises. Que son souvenir nous invite également à
poursuivre le chemin du dialogue et de la recherche
de la pleine communion en Christ !
Je vous assure de ma prière pour les fidèles affligés de votre Église et pour la paix dans la Région,
et en vous redisant toute ma sympathie, je vous prie
d’agréer, Éminence, l’expression de mes sincères salutations en Christ.
Du Vatican, le 6 décembre 2012.
BENEDICTUS PP. XVI
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/
index_fr.htm
Site consulté le 26.03.2013
* * *
Élection de Sa Sainteté Tawadros II
Nouveau Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de
Saint-Marc
Lors de l’élection de Sa Sainteté Anba Tawadros II, le
4 novembre 2012, comme nouveau Patriarche de l’Église
copte orthodoxe, le Pape Benoît XVI lui a adressé le télégramme suivant :
J’ai été heureux d’apprendre votre élection
comme Pape d’Alexandrie et patriarche du siège
de saint Marc, et je suis heureux de vous transmettre, ainsi qu’au clergé et aux fidèles de l’Église
orthodoxe copte, mes meilleurs vœux et ma solidarité dans la prière, en demandant au Seigneur de
combler de bénédictions le vénéré ministère que
vous vous apprêtez à commencer. Je suis certain
que, comme votre prédécesseur de noble mémoire,
le Pape Shenouda III, vous serez un père spirituel
authentique pour votre peuple et un partenaire
efficace avec tous vos concitoyens pour édifier la
nouvelle Égypte dans la paix et l’harmonie, au service du bien commun et du bien de tout le MoyenOrient. En ces temps difficiles, il est important
que tous les chrétiens apportent le témoignage de
l’amour et de la fraternité qui les unit, se rappelant
la prière offerte par notre Seigneur lors de la Cène:
afin que tous soient un, pour que le monde croie
(cf. Jn 17, 21). Je rends grâce au Tout-Puissant pour
les progrès importants qui ont été accomplis, sous
la direction de votre éminent prédécesseur, dans les
relations entre l’Église orthodoxe copte et l’Église
catholique, et je forme des vœux et des prières
sincères afin que notre amitié et notre dialogue
constants, guidés par l’Esprit Saint, portent des
fruits à travers une solidarité toujours plus étroite
et une réconciliation durable. Puisse notre Père céleste vous combler de paix et de force pour la noble
tâche qui vous attend.
BENEDICTUS PP. XVI
ORF, 08.11.2012
Intronisation de Sa Sainteté Tawadros II
18 novembre 2012
La cérémonie d’intronisation du Patriarche Tawadros II a eu lieu en la cathédrale Saint-Marc, au Caire,
dans la matinée du 18 novembre 2012. Sa Sainteté
Tawadros II est le 118e patriarche de l’Église copte orthodoxe et a été élue le 4 novembre, un peu moins de
neuf mois après le décès de son prédécesseur, le Pape
Shenouda III, le 17 mars 2012.
Le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, était
présent lors de la cérémonie et a remis au Patriarche
une lettre du Pape Benoît XVI. Nous en publions
ci-dessous la traduction française.
dément souhaités par le Seigneur (cf. Jn 17, 21).
Sainteté, je prie pour que le Saint-Esprit soutienne votre ministère, afin que le troupeau confié
à vos soins puisse connaître l’enseignement du Bon
Pasteur. Puissent-ils être bénis par la sérénité pour
offrir leur précieuse contribution au bien de la société et au bien-être de tous leurs concitoyens.
Je prie aussi pour que les relations entre l’Église
catholique et l’Église orthodoxe copte continuent de
croître dans la proximité, non seulement dans un esprit fraternel de collaboration, mais aussi à travers
un approfondissement du dialogue théologique qui
nous permettra de grandir dans la communion et de
rendre témoignage devant le monde de la vérité salvifique de l’Évangile.
Conscient des grands défis qui accompagnent le
ministère spirituel et pastoral que Votre Sainteté va
bientôt entreprendre, je vous assure de mes prières
et de mes meilleurs vœux personnels. Avec estime et
affection fraternelles, j’implore les bénédictions de
Dieu sur votre personne et sur les fidèles qui sont
confiés à vos soins.
Du Vatican, le 14 novembre 2012
BENEDICTUS PP. XVI
ORF, 08.11.2012
À Sa Sainteté Tawadros II, Pape d’Alexandrie
Patriarche du Siège de Saint-Marc
« À vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le
Seigneur Jésus Christ » (Ga 1, 3)
C’est avec une joie fraternelle que j’envoie
mes salutations à Votre Sainteté en l’heureuse
occasion de votre intronisation en tant que Pape
d’Alexandrie et Patriarche du Siège de Saint-Marc.
J’ai confié à mon vénérable frère le Cardinal Kurt
Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, la tâche de vous
transmettre ces salutations, ainsi que l’assurance
de ma proximité dans la prière au moment où
vous assumez la noble charge de premier pasteur
de l’Église copte orthodoxe. Puisse le Tout-Puissant accorder à Votre Sainteté d’abondants dons
spirituels pour vous renforcer dans ce nouveau
ministère, tandis que vous guidez le clergé et les
laïcs sur les voies de la sainteté, pour le bien de
votre peuple ainsi que pour la paix et l’harmonie
de l’ensemble de la société.
Mes pensées se tournent à présent vers votre
vénérable prédécesseur, Sa Sainteté le Pape Shenouda III, dont le service long et dévoué au Seigneur continuera assurément de vous inspirer
ainsi que tous les fidèles. Son désir d’approfondir les relations avec les autres Églises chrétiennes renforce notre espérance qu’un jour tous
les disciples du Christ se retrouveront unis dans
l’amour et la réconciliation qui sont si profon-
Élection de Sa Béatitude Youhanna X
Nouveau Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de
tout l’Orient
17 décembre 2012
Le 17 décembre 2012, le Saint-Synode de l’Église
d’Antioche s’est réuni en assemblée extraordinaire
pour nommer le successeur de feu le Patriarche
Ignace IV et a élu Sa Béatitude Youhanna X(Yazigi)
nouveau Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de
tout l’Orient.
La cérémonie d’intronisation s’est tenue le 10 février 2013 à Damas, en Syrie. Le 17 février 2013, Sa
Béatitude Youhanna X a présidé une divine liturgie à
Beyrouth, dans la cathédrale Saint-Nicolas, à laquelle
a pris part une délégation du Saint-Siège qui a remis
au nouveau Patriarche un message personnel et un
présent de la part du Pape Benoît XVI pour marquer
cet important événement. La délégation comprenait
le Cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Mgr
Andrea Palmieri, sous-secrétaire de ce même dicastère, et l’Archevêque Gabriele Caccia, Nonce apostolique au Liban.
Nous publions, ci-après, le texte du message du
Saint-Père.
47
À Sa Béatitude Youhanna X
Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche
et de tout l’Orient
À l’occasion de votre élection comme Patriarche gréco-orthodoxe d’Antioche et de tout
l’Orient, j’adresse avec une joie toute particulière
à Votre Béatitude mes salutations fraternelles
dans l’amour du Christ. Je tiens à vous assurer de
ma sympathie spirituelle et de ma prière afin que
le Père céleste vous accorde les dons abondants
de l’Esprit Saint et vous permette de guider dans
l’amour et la paix le troupeau qui vous est aujourd’hui confié.
Vous êtes à présent le successeur de notre frère
bien-aimé et de vénérée mémoire, Sa Béatitude Ignace
IV, qui a laissé aux fidèles du Patriarcat gréco-orthodoxe d’Antioche un riche et durable héritage de renouvellement spirituel et ecclésial dans la continuité de la
tradition vivante reçue des Apôtres. Pendant toutes les
années de son long ministère qui ont été marquées par
de profondes mutations dans la situation au MoyenOrient, le Patriarche Ignace IV s’est distingué par son
engagement en faveur du maintien de la paix et par sa
contribution à l’amélioration des relations entre tous
les chrétiens de la région et entre nos Églises.
Je suis convaincu que Votre Béatitude, sur les
pas de son prédécesseur de vénérée mémoire, poursuivra cet effort en faveur de l’unité des disciples
du Christ. En ces temps d’instabilité et enclins à
la violence que connaît le Moyen-Orient, il est toujours plus urgent que les disciples du Christ offrent
un témoignage authentique de leur unité, afin que
le monde croie au message d’amour, de paix et de
réconciliation de l’Évangile. Aussi avons-nous la responsabilité de poursuivre ensemble notre chemin
pour manifester de manière encore plus visible la
réalité spirituelle de la communion, bien qu’encore
incomplète, qui déjà nous unit. Je souhaite donc de
tout cœur que sous votre conduite paternelle, les relations entre le Patriarcat gréco-orthodoxe et l’Église
catholique se développent ultérieurement à travers
différentes formes de collaboration fructueuse et
la poursuite de notre engagement à résoudre les
questions qui encore nous divisent, grâce à la participation active et constructive aux travaux de la
Commission mixte internationale pour le dialogue
théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe dans son ensemble.
Béatitude, soyez assurée de nouveau de mes
prières et de mes vœux les plus fervents pour votre
personne et votre ministère. Que Dieu Tout-puissant
vous bénisse dans son amour et vous soutienne dans
votre tâche en vous accordant toutes les grâces et bénédictions du Ciel. Enfin, gardant à l’esprit les souffrances qu’endurent les peuples du Moyen-Orient,
en tant que votre frère dans la foi je m’unis à votre
prière en invoquant notre Seigneur Jésus Christ, « le
Prince de la Paix » (Es 9,5), qui lors de sa première
venue parmi les hommes, a choisi de naître précisément dans cette région, afin d’apporter la consolation à tous ceux qui sont victimes de la violence et
d’inspirer à chacun des gestes de paix.
48
Dans ces sentiments de profonde espérance,
j’échange avec Votre Béatitude une fraternelle accolade dans le Seigneur.
Du Vatican, le 25 décembre 2012
BENEDICTUS PP. XVI
Élection de Sa Béatitude Nourhan Manougian
Nouveau patriarche arménien de Jérusalem
24 janvier 2013
Le 24 janvier 2013, Sa Béatitude Nourhan Manougian a été élue nouveau Patriarche arménien de Jérusalem, succédant ainsi à Sa Béatitude Torkom II Manougian, décédée le 12 octobre 2012.
Immédiatement après cette élection, le Pape Benoît
XVI a adressé au nouveau Patriarche un télégramme
de félicitations que nous publions, ci-dessous, avec la
lettre que le Cardinal Kurt Koch lui a également fait
parvenir en cette circonstance.
Télégramme du Pape Benoît XVI
Béatitude,
C’est avec plaisir que j’ai appris que vous avez
été élue Patriarche arménien de Jérusalem. En
cette circonstance, je vous présente ainsi qu’à l’ensemble du clergé et des fidèles du Patriarcat arménien mes vœux les plus sincères et demande à
l’Esprit Saint qu’il comble votre ministère d’abondantes bénédictions.
Puissiez-vous, Béatitude, être un pasteur véritable
pour votre peuple et un bâtisseur infatigable de paix et
d’harmonie, au service du bien commun et de celui de
la Terre Sainte et de tout le Moyen-Orient. Je souhaite
et prie afin que les relations cordiales existant déjà entre
l’Église catholique et l’Église apostolique arménienne à
Jérusalem puissent s’intensifier et s’approfondir.
En demandant à Dieu de bénir votre personne et
tous ceux qui sont confiés à vos soins, je vous offre une
fraternelle accolade en Jésus Christ, notre Seigneur.
BENEDICTUS PP. XVI
Traduction de l’anglais SI
Lettre du Cardinal Kurt Koch
31 janvier 2013
Béatitude,
J’ai appris avec joie la nouvelle de votre élection
comme Patriarche arménien de Jérusalem et ai le
plaisir d’offrir mes vœux les meilleurs à Votre Béatitude ainsi qu’au clergé et aux fidèles du Patriarcat
arménien en vous assurant de ma proximité dans la
prière au Seigneur pour qu’il vous bénisse abondamment et vous soutienne en vous comblant de tous
les dons spirituels nécessaires à l’exercice de votre
ministère.
Votre Béatitude a été appelée à être un guide pour
les chrétiens de Terre Sainte et du Moyen-Orient en un
temps de grandes difficultés. Je prie afin que l’Esprit
Saint vous guide dans vos intuitions et votre discernement dans la conscience qu’il est important pour tous
les chrétiens de témoigner de l’amour et de la fraternité qui les unit, gardant à l’esprit la prière que nous
a laissée le Seigneur durant la Sainte Cène : Que tous
soient un, afin que le monde croie (cf. Jn 17,21). En
me remémorant la visite de Votre Béatitude à Rome en
2008 avec Sa Sainteté Karékine II, Patriarche suprême
et Catholicos de tous les Arméniens, je désire exprimer ma solidarité avec les communautés chrétiennes
du Moyen-Orient et en particulier de Terre Sainte. Je
prie afin que puissent être développées des formes efficaces de témoignage commun ainsi que des relations
toujours plus fraternelles entre l’Église catholique et
l’Église apostolique arménienne de Jérusalem.
Que notre Père qui est aux cieux vous comble de
sa paix et vous affermisse dans la noble tâche qui
vous attend.
Cardinal Kurt Koch
Président
Conseil pontifical pour la promotion
de l’unité des chrétiens
Sa Sainteté Néophyte
Nouveau Patriarche de Bulgarie
24 février 2013
L’élection de Sa Sainteté Néophyte ayant eu lieu
après la renonciation du Pape Benoît XVI, le 11 février
2013, aucune lettre de félicitations n’a été adressée par
le Saint-Siège au nouveau patriarche.
Nous reportons ci-dessous un bref compte-rendu
de cet événement.
Dimanche 24 février 2013, le Métropolite Néophyte de Roussé a été élu nouveau chef spirituel de
l’Église orthodoxe de Bulgarie par le Saint-Synode,
l’emportant ainsi sur les deux autres candidats, les
Métropolites Galaktion et Gavriil.
La cérémonie d’intronisation de Sa Sainteté
Néophyte, âgé de 67 ans, s’est tenue à Sofia dans la
cathédrale Saint-Alexandre Nevski en présence des
anciens de l’Église, de fonctionnaires de l’État, de représentants d’autres groupes religieux et d’une foule
de fidèles.
Le nouveau patriarche a invité à prier avec lui
pour l’unité de la nation : « Lourde est la croix que
Dieu et notre sainte Église me confient aujourd’hui
mais j’ai foi en la parole de Dieu et je prie afin qu’il
m’affermisse dans les moments de faiblesse ‘car,
lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort’ ».
Le nouveau Patriarche Néophyte était très
proche de feu le Patriarche Maxime, décédé le 6 novembre 2012, dont il a rappelé la mémoire en ces
termes : « Source d’inspiration sont ces grandes personnalités et patriotes passionnés qui ont fait notre
histoire, les patriarches, les saint et les confesseurs
qui ont toujours vécu en fils de la lumière. Le Patriarche Maxime, dont vous avez voulu aujourd’hui
que je sois le successeur, nous a laissé un sentier lumineux à parcourir et je m’incline en hommage à sa
vie et à son œuvre ».
* * *
Dialogue méthodiste-catholique
San Miguel (Buenos Aires, Argentine), 12-19 octobre
2012
La première rencontre de la dixième phase du
dialogue méthodiste-catholique s’est tenue du 12
au 19 octobre 2012 à la Casa Espiritualidad Maria
Auxiliadora, à San Miguel, Buenos Aires (Argentine).
Cette nouvelle phase ayant pour thème « L’appel
commun à la sainteté » se propose d’étudier notre
appel commun à la sainteté et notre engagement
commun en ce sens en vérifiant dans quelle mesure
la pratique et la doctrine méthodistes et catholiques
convergent sur ce sujet.
Après un examen attentif de documents de travail portant sur les moyens permettant de reconnaître la sainteté, sur les traditions de sainteté, la vie
sainte et la communion des saints, la Commission a
constaté que de vastes domaines d’intérêt étaient apparus et que certaines questions nécessitaient un débat plus approfondi. En préparation de la prochaine
rencontre, la Commission a requis une recherche ultérieure sur des thèmes tels que le mérite, Marie et
les saints, les mouvements de sainteté, la nature et la
grâce. Les participants proposeront également leurs
réflexions sur des questions clé comme l’anthropologie chrétienne, l’Église en tant qu’instrument de sainteté, l’eschatologie, la sainteté et la justice sociale,
tant du point de vue méthodiste que catholique.
Les membres de la Commission se sont rendus
à Buenos Aires pour y rencontrer des responsables
œcuméniques locaux. Ils ont aussi pris part à une
célébration œcuménique organisée à l’église méthodiste La Boca et visité la cathédrale catholique et la
First Methodist Church. Le niveau du travail réalisé au sein de la Commission et les bonnes relations
œcuméniques constatées localement à Buenos Aires
ont été extrêmement satisfaisants.
Les membres de la Commission sont originaires
de différents pays et sont l’expression d’un vaste
éventail d’expériences et de contextes culturels. La
prière a soutenu notre travail. Chaque matin en effet, les sessions ont commencé par une célébration
de prière commune. Cette dixième phase de dialogue
a donc bien débuté, les débats ont été francs et fructueux et se sont déroulés dans une atmosphère respectueuse et amicale. Nous espérons que les discussions de la Commission sur notre appel commun à
la Sainteté intéresseront un vaste public méthodiste
et catholique, tant dans le domaine pastoral qu’universitaire. La prochaine réunion de la Commission
se tiendra en 2013 à Atlanta (Géorgie, USA).
49
Membres de la Commission :
Catholiques
Évêque Michael Putney (coprésident)
Sr Dr Lorelei Fuchs, SA
Mgr Dr Gerard McCarren
Évêque Joseph Osei-Bonsu
Évêque John Sherrington
Dr Clare Watkins
Rév. Dr Jorge Scampini, OP
Mgr Mark Langham (cosecrétaire)
Méthodistes
Rév. Dr David Chapman (coprésident)
Rév. Dr Young-Ho Chun
Rév. Dr Edgardo Colon-Emeric
Rév. Pr James Haire
Rév. Dr Trevor Hoggard
Évêque Dr Chikwendu Igwe
Rév. Dr R. F. Leao Neto
Rév. Dr Karen Westerfield Tucker (cosecrétaire)
Dialogue
international entre l’Église catholique ro-
maine et l’Église vieille-catholique
fondamental du ministère de l’évêque de Rome
dans la communion des Églises locales et, par
conséquent, de la relation entre Église universelle
et locale. De même, le consensus de l’Église des
premiers siècles selon lequel « i l ne peut y avoir
de communion eucharistique sans communion
ecclésiale » mérite qu’on lui accorde une plus
grande attention – ceci par rapport à l’accord
conclu en 1985 entre l’Église vieille-catholique en
Allemagne et l’Église évangélique en Allemagne.
Enfin, les questions de l’ordination des femmes
et des dogmes mariaux devront être traitées de
manière plus approfondie.
Les participants de l’Église vieille-catholique
étaient les suivants : Évêque Dr Matthias Ring (Allemagne), coprésident, Pasteur Dr Wietse van der
Velde (Pays-Bas), Pr Dr Günter Esser (Allemagne),
Pr Dr Urs von Arx (Suisse), Pr Dr Angela Berlis
(Suisse) et Pasteur Martin Eisenbraun (Autriche),
cosecrétaire.
Les membres de la délégation catholique
étaient les suivants : Archevêque Hans-Josef Becker
(Allemagne), coprésident, Évêque Dr Hans van der
Hende (Pays-Bas), Rév. Hubert Bour (Allemagne),
Pr Dr Heinrich Reinhardt (Allemagne), Pr Dr Hans
Jörg Urban (Allemagne) et Mgr Dr Matthias Türk
(Cité du Vatican), cosecrétaire.
Les consultations reprendront durant l’été 2013.
Paderborn (Allemagne), 3-6 décembre 2012
La Commission de dialogue internationale
entre l’Église catholique et l’Église vieille-catholique
(IRAD) s’est réunie du 3 au 6 décembre 2012 à Paderborn pour la première rencontre d’une seconde
phase d’entretiens.
Les résultats de la première phase de dialogue (2004-2009) entre la Conférence épiscopale
vieille-catholique de l’Union d’Utrecht (IBK) et le
Conseil pontifical pour la promotion de l’unité
des chrétiens ont été publiés en 2009 dans un rapport intitulé « Église et Communion ecclésiale » .
La Commission de dialogue y a défini sa compréhension globale de l’Église en tant que communauté d’Églises locales au sein desquelles subsiste
l’Église une et dans laquelle se situe le ministère
du Pape pour l’unité de l’Église. Elle a confirmé les conclusions des conversations bilatérales
précédentes, à savoir que les Églises vieilles-catholiques et l’Église catholique sont unies dans
la profession commune des Saintes Écritures et
du Credo de Nicée-Constantinople ainsi que par
les décisions dogmatiques des Conciles œcuméniques reconnus en Orient et en Occident. Elles
ont également en commun le ministère épiscopal sacramentel dans la succession apostolique
dans laquelle l’Église se situe ainsi que les sept
sacrements. Partant de cette base, la Commission
a pris en considération la possibilité que s’instaure une communion ecclésiale entre nos deux
Églises.
Suite à une plus ample concertation, les partenaires de dialogue se sont accordés sur la nécessité d’une réflexion ultérieure sur le thème
50
Dialogue trilatéral
rien-mennonite
international catholique-luthé-
Rome, 9-13 décembre 2012
La première rencontre de la nouvelle Commission de dialogue international trilatéral catholique-luthérien-mennonite sur la question du baptême s’est tenue à Rome du 9 au 13 décembre 2012.
Cette rencontre a eu lieu au siège du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (CPPUC) où les participants ont été chaleureusement
accueillis par le Cardinal Kurt Koch et l’Évêque
Brian Farrell respectivement président et secrétaire
de ce même dicastère.
Entre le CPPUC et la Conférence mennonite
mondiale (CMM) a déjà eu lieu un cycle de conversations internationales de 1998 à 2003. Les résultats
de ce dialogue ont été publiés dans un rapport intitulé « Appelés ensemble à faire œuvre de paix ». La
Fédération luthérienne mondiale (FLM) et la CMM
s’étaient engagées quant à elles précédemment
dans un dialogue d’une durée de quatre ans (20052008) dont les fruits ont été présentés dans un document commun intitulé « Guérir les mémoires : se
réconcilier en Christ ». Enfin, le CPPUC et la FLM
se rencontrent annuellement dans le cadre du dialogue international qu’ils ont entrepris, il y a onze
ans ; la phase actuelle a pour thème « Baptême et
croissance dans la communion ».
Le thème principal choisi lors de cette rencontre
de dialogue trilatéral international est le suivant:
« Baptême et incorporation dans le Corps du
Christ, l’Église ». Ce nouveau forum trilatéral permettra au dialogue de se pencher sur la théologie
et la pratique du baptême dans nos communions
respectives.
La délégation de la FLM est coprésidée par le
Dr Friederike Nüssel (Allemagne). Celle-ci n’a pu
être présente à la rencontre de cette année ; elle
était représentée par le Dr Turid Karlsen Seim (Italie/Norvège). Les autres membres sont les suivants:
Évêque Musawenkosi Biyela (Afrique du Sud),
Dr Theodor Dieter (France/Allemagne), Rév. KwongSang Peter Li (Hong-Kong), Rév. Kaisamari Hintikka
(Suisse/Finlande), cosecrétaire. La délégation de la
CMM est coprésidée par le Dr Alfred Neufeld (Paraguay). Autres membres de la délégation mennonite:
Dr Fernando Enns (Allemagne/Pays-Bas), Dr John
Rempel (Canada), Rév. Rebecca Osiro (Kenya), Rév.
Larry Miller (France), cosecrétaire. Observateur de
la CMM : Rév. César García, Secrétaire général de
la CMM. La délégation catholique est présidée par
l’Archevêque Luis Augusto Castro Quiroga, IMC
(Colombie). Autres membres de la délégation catholique : Rév. William Henn, OFM Cap. (Italie/
USA), Rév. Luis Melo, SM (Vatican/Canada), Sr Marie-Hélène Robert, NDA (France) et Rév. Gregory
Fairbanks (Vatican/USA), cosecrétaire.
De brèves présentations des dialogues précédents sur le sujet du baptême ont été faites par le
Dr Fernando Enns pour la CMM, le Rév. William
Henn pour le CPPUC et par le Rév. Kaisamari Hintikka pour la FLM. Les principaux documents d’introduction à la Compréhension et à la pratique du
baptême avaient été préparés par les Drs Alfred
Neufeld et John Rempel pour la CMM, le Rév. Luis
Melo pour le CPPUC et le Dr Theodor Dieter pour
la FLM.
La seconde rencontre de dialogue aura lieu en
janvier 2014 et portera sur « Le baptême : grâce
de Dieu en Christ et péché humain ». Dans les prochaines années, les thèmes affrontés seront : « Le
baptême : communiquer la grâce et la foi » et « Vivre
le baptême ».
51
COMMISSION POUR LES RELATIONS RELIGIEUSES
AVEC LE JUDAÏSME
Vœux
Rome
du
Pape Benoît XVI
à la
Communauté
juive de
Pour les fêtes juives de Rosh Ha-Shanah 5773,
Yom Kippour et Souccot, Benoît XVI a adressé un télégramme au Grand Rabbin de Rome, M. Riccardo Di
Segni. Ci-dessous la traduction française du message
du Saint-Père écrit en italien.
À l’occasion des grandes célébrations de Rosh
Ha-Shanah 5773, de Yom Kippour et de Souccot, je
vous adresse ainsi qu’à toute la communauté juive de
Rome mes vœux les plus sincères de paix et de bien,
en invoquant du Tout-puissant d’abondantes bénédictions pour le Nouvel An et en souhaitant que juifs et
chrétiens, forts de leur estime et amitié réciproques
croissantes, puissent témoigner dans le monde des
valeurs qui jaillissent de l’adoration du Dieu unique.
ORE, 26.09.2012, traduction SI
Assemblee pleniere de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme
Rome, 28-30 octobre 2012
Prolusio du Cardinal Kurt Koch
Au Service de l’entente judéo-catholique
Chers confrères dans le ministère épiscopal et
presbytéral,
Chers professeurs, consulteurs et délégués des
Conférences épiscopales,
Je vous souhaite très cordialement la bienvenue
à l’Assemblée plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, et vous remercie
de votre présence et de la collaboration que de nouveau vous avez tenu à nous assurer. Les assemblées
plénières de notre Commission sont plutôt rares et
ne sont pas organisées à un rythme précis, mais sont
au contraire toujours convoquées au gré d’occasions
et de motifs spéciaux. La première assemblée de ce
genre eut lieu en 1982, la seconde à l’occasion du quarantième anniversaire de la promulgation de Nostra
aetate 4 en 2005. C’est donc la troisième fois que notre
Commission organise une telle rencontre : en tant que
nouveau président de cet organisme depuis déjà plus
de deux ans, je souhaitais en effet connaître personnellement les consulteurs et délégués des différentes
Conférences épiscopales pour le dialogue avec le judaïsme et m’entretenir avec eux. Outre un échange
fraternel au sujet de la situation générale du dialogue
judéo- catholique au plan mondial, plusieurs thèmes
spécifiques sont à aborder car ils revêtent, selon moi,
une certaine importance pour un dialogue fructueux
52
avec les « pères de notre foi » comme le Pape Benoît XVI
a désigné les juifs. Mais je voudrais commencer mon
exposé par un bref regard en arrière sur la Déclaration
Nostra aetate 4 puisque celle-ci a, dès le début, fourni
l’orientation et la structure de base du dialogue avec
les juifs.
1. Nostra aetate (n. 4), une boussole permanente
pour le dialogue judéo-catholique
Au cours du vaste débat qui a eu lieu au sujet d’un
éventuel retour de la fraternité sacerdotale Saint Pie
X dans l’Église catholique, on s’interrogea, et pas seulement du côté juif, sur la signification et la valeur
de la Déclaration Nostra aetate (n. 4). Les juifs redoutaient que, par cette éventuelle réintégration d’un certain nombre de prêtres et de fidèles potentiellement
antijuifs et rejetant Nostra aetate, l’Église catholique
eût pu donner une nouvelle orientation au dialogue
avec le judaïsme ou du moins que cette Déclaration
conciliaire eût pu être relativisée pour l’Église dans
son ensemble. Du côté catholique, on a pu parfois entendre dire que le Concile Vatican II aurait opéré, au
sujet de ses textes, une distinction entre « Constitutiones, Decreta et Declerationes » et que Nostra aetate
appartiendrait précisément aux « Declarationes » qui
seraient d’importance moindre et dont le caractère
obligatoire pourrait être classé à un niveau inférieur
par rapport aux autres types de textes. À l’égard des
juifs, le Pape m’a chargé de rétablir la réalité : Nostra
aetate n’est absolument pas remise en question pour
le Magistère de l’Église, comme lui-même l’a sans
cesse exprimé à l’égard du judaïsme dans ses discours, ses écrits ou ses attitudes personnelles ; et un
rapprochement de la fraternité sacerdotale Saint Pie
X ne signifie en aucune manière que leurs positions
soient acceptées ou soutenues. En ce qui concerne
les différents genres des textes conciliaires, on peut
certes, sur le plan formel, établir une différence ; mais
du point de vue du contenu, on ne saurait les séparer les uns des autres ou les opposer ; au contraire,
tous les textes - Constitutions, Décrets et Déclarations
- doivent être considérés très sérieusement dans leur
interdépendance mutuelle.1 Dans la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium 9 et 16 et dans la
Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei
verbum 14-16, se trouvent par exemple des affirmations théologiques fondamentales qui correspondent
à des affirmations reprises dans Nostra aetate 4. Dans
cette mesure, Nostra aetate n’apparaît pas parmi les
textes conciliaires comme une météorite isolée, qui
serait pour ainsi dire tombée du ciel et n’aurait aucun lien avec les autres textes conciliaires. Pour cette
1
Cf. J.-H. Tück, « Die Verbindlichkeit des Konzils. Die Hermeneutik der Reform als Interpretationsschlüssel » dans: idem,
Erinnerung an die Zukunft. Das Zweite Vatikanische Konzil (Freiburg i. Br. 2012) 85-104.
raison, depuis le début de son pontificat, le Pape Benoît XVI n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il se base
sur les fondements du Concile Vatican II et ses textes
qu’il faut nécessairement considérer comme un tout.
Dans son célèbre discours de Noël à la Curie Romaine
en 2005, il a été très clair à ce sujet tout en offrant
une réflexion herméneutique adéquate sur les textes
conciliaires.2
Aujourd’hui encore, Nostra aetate est considéré
comme étant le « document fondamental », la « Magna Charta » du dialogue de l’Église catholique avec le
judaïsme. Cette Déclaration s’ouvre par une réflexion
sur le mystère et la mission de l’Église dans l’histoire du salut, et rappelle ce lien profond par lequel
le Peuple de la Nouvelle Alliance est uni de manière
spirituelle à la lignée d’Abraham. Elle affirme avec
force que le mépris, la dévalorisation ou le dédain du
judaïsme doivent dans tous les cas être évités, et pour
cela met explicitement en avant les racines juives du
christianisme. Ainsi est rejetée l’accusation à l’emporte-pièce qui a hélas survécu en différents lieux au
cours des siècles, selon laquelle les juifs auraient été
des « déicides ». Du côté juif, on estime avant tout de
manière extrêmement positive le fait que la Déclaration conciliaire prenne clairement position contre
toute forme d’antisémitisme. Les juifs peuvent donc
être totalement rassurés : l’Église catholique restera
pour eux un allié fiable dans la lutte contre l’antisémitisme, lequel, même dans le monde actuel, n’a nullement été vaincu. Ce qui a mené concrètement à la
rédaction de Nostra aetate, peut peut-être se résumer
en trois points : une réflexion de la conscience chrétienne suite à la tragédie humaine de la Shoah, des
études bibliques plus approfondies avant le Concile
Vatican II et aussi la fondation de l’État d’Israël en
1948. Dans le contexte chrétien, affronter le drame
de la Shoah fut évidemment l’un des motifs principaux qui ont conduit à la rédaction de cette Déclaration conciliaire. Mais les raisons politiques et pragmatiques jouèrent aussi un rôle qui ne fut pas sans
conséquence. Depuis la fondation de l’État d’Israël,
l’Église catholique en Terre-Sainte se trouve confrontée au fait qu’elle doit déployer une action pastorale
à l’intérieur d’un État qui se conçoit comme juif en
tout et pour tout. En ce qui concerne les réflexions
théologiques qui forment une constante dans la
structure fondamentale de Nostra aetate, les études
bibliques ayant précédé le Concile ont tenté de resituer plus clairement la figure de Jésus de Nazareth
dans le judaïsme de son temps. De cette manière, le
Nouveau Testament fut entièrement considéré dans
le cadre des traditions juives, et Jésus fut considéré
comme un juif de son temps qui se savait soumis à
ces traditions. Cette perspective a trouvé une entrée
dans la Déclaration conciliaire, lorsque on y affirme,
en référence à la lettre aux Romains (9, 5) que, selon
2
Benoît XVI, « Una giusta ermeneutica per leggere e recepire il Concilio come grande forza di rinnovamento della chiesa.
Ai Cardinali, agli Arcivescovi, ai Vescovi e ai Prelati della Curia
Romana per la presentazione degli auguri natalizi il 22 dicembre
2005 », dans : Insegnamenti di Benedetto XVI I 2005 (Città del Vaticano 2006) 1018-1032. Cf. Papst Benedikt XVI. und sein Schülerkreis - Kurt Kardinal Koch, Das Zweite Vatikanische Konzil Die
Hermeneutik der Reform (Augsburg 2012).
la chair, Jésus a tiré son origine du peuple d’Israël et
que l’Église se souvient que « les Apôtres, fondements
et colonnes de l’Église, sont nés du peuple juif, ainsi qu’un grand nombre des premiers disciples qui
annoncèrent au monde l’Évangile du Christ ».3 C’est
pourquoi depuis Nostra aetate, rappeler et mettre en
évidence les racines juives de la foi chrétienne appartient au cantus firmus des échanges judéo-chrétiens,
ce que le bienheureux Pape Jean-Paul II, lors de sa visite à la synagogue de Rome le 13 avril 1986, a exprimé en termes clairs et marquant : « La religion juive
n’est pas pour nous quelque chose d’extrinsèque », au
contraire elle appartient, en un certain sens, de manière « intrinsèque » à notre religion. Avec elle, nous
avons ainsi des relations comme avec aucune autre
religion. Vous êtes nos frères préférés et, en quelque
sorte, nos frères ainés ».4
Quels que soient les motifs ou les facteurs qui ont
conduit à la rédaction de Nostra aetate, cette Déclaration est et demeure la boussole indispensable servant
à donner une orientation aux efforts du dialogue judéo-chrétien. On peut donc affirmer avec reconnaissance que cette redéfinition théologique de la relation entre l’Église catholique et le judaïsme a donné
de nombreux fruits à travers l’histoire. Il semblerait
que les Pères du Concile aient pris en considération,
du point de vue du contenu, presque tout ce qui dans
la poursuite du dialogue s’est révélé significatif. Si
l’on considère la réception des textes conciliaires au
cours des ans, on peut affirmer sans crainte que Nostra aetate est à compter parmi ces textes du Concile
qui, de manière particulièrement convaincante, ont
opéré un changement d’orientation fondamental
de l’Église catholique après le Concile. Le principe
fondamental du respect envers le judaïsme exprimé
dans Nostra aetate, a permis au cours des récentes
décennies que les parties en cause qui se considéraient auparavant avec scepticisme deviennent avec
le temps des partenaires fiables et même de bons
amis capables de surmonter ensemble les crises et de
régler positivement des conflits.
2. Benoît XVI et son engagement au dialogue
avec les juifs
En ce qui concerne le dialogue avec le judaïsme,
dès le début de son pontificat le Pape Benoît XVI a
mis l’accent sur le fait qu’en suivant la route tracée
par ses prédécesseurs, il voulait non seulement promouvoir mais aussi intensifier la relation avec les
juifs. Il ne peut y avoir de doute à ce sujet car tous
les efforts déployés par le Pape Jean-Paul II en faveur dialogue judéo-catholique étaient déjà justifiés
à l’époque, du point de vue théologique, et encouragés par celui qui était alors Préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, le Cardinal Joseph Ratzinger. Encore étudiant en théologie, Joseph RatzinNostra aetate, 4.
Jean-Paul II, « Ringraziamo il Signore per la ritrovata fratellanza e per la profonda intesa tra la Chiesa e l’Ebraismo. Allocuzione nella Sinagoga durante l’incontro con la Comunità Ebraica
della Città di Roma il 13 aprile 1986 », dans : Insegnamenti di Giovanni Paolo II IX, 1, 1986 (Città del Vaticano 1986) 1024-1031,
cit. 1027.
3
4
53
ger avait déjà eu l’occasion de se confronter avec la
question du judaïsme à travers l’étude de l’Ancien et
du Nouveau Testament ; cette approche s’intensifia
par la suite grâce aux contacts personnels qu’il entretint avec des juifs, une fois établi à Rome. C’est
ainsi qu’il publia des articles « révolutionnaires », si
l’on peut dire, sur la relation spécifique entre christianisme et judaïsme dans le concert des religions
mondiales.5 Le théologien Ratzinger fonde son opinion sur la conviction que l’Écriture Sainte ne peut
vraiment être comprise que comme un seul livre,
qu’une « concordia testamentorum » est donc absolument nécessaire pour une juste compréhension
de l’annonce du salut. Une de ses principales préoccupations est donc de montrer les liens profonds
existant entre des questions contenues dans le Nouveau Testament et le message vétérotestamentaire,
afin de mettre en lumière la continuité entre Ancien
et Nouveau Testament et la nouveauté que constitue
l’annonce néotestamentaire.
Comte tenu de ces convictions théologiques, il
n’est pas étonnant que le Pape Benoît XVI poursuive
et fasse avancer le travail de réconciliation entrepris
par son prédécesseur dans le cadre du dialogue judéo-catholique. Non seulement la première lettre qu’il
écrivit au début de son Pontificat était adressée au
Grand Rabbin de Rome, mais il a assuré également,
dès sa première rencontre avec une délégation juive le
9 juin 2005, que l’Église avançait fermement en s’appuyant sur les déclarations fondamentales de Nostra
aetate et qu’il voulait continuer le dialogue entrepris
par son prédécesseur. Si l’on considère les sept années
qui se sont déjà écoulées depuis le début de son Pontificat, force est de constater qu’en si peu de temps il
a franchi toutes les étapes qui ont marqué les vingtsept années de celui de Jean-Paul II : le Pape Benoît
XVI a visité le 28 mai 2006 l’ancien camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau ; lors de son voyage en
Israël en mai 2009, il s’est rendu lui aussi au Mur des
Lamentations de Jérusalem ; il a rencontré le Grand
Rabbin de Jérusalem et prié pour les victimes de la
Shoah à Yad-Vashem ; enfin, le 17 janvier 2010, il a
été cordialement accueilli par la communauté juive
de Rome à la synagogue. Sa première visite à une
synagogue eut lieu dès le 19 août 2005 à Cologne, à
l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, et
le 18 avril 2008, il se rendit à la Park East Synagogue
à New-York. On peut donc constater avec satisfaction
que jusqu’à présent dans l’histoire, aucun Pape n’a visité autant de Synagogues que Benoît XVI.
Toutes ces activités sont imprégnées de son
propre style. Alors que le Pape Jean-Paul II avait
un excellent sensorium pour les gestes marquants
et les images fortes, Benoît XVI s’appuie avant tout
sur la force de la parole et des rencontres humbles.
En ce sens, le Pape Benoît XVI cherche encore et
toujours, avec la force de sa parole et sa profondeur
spirituelle, à faire ressortir les multiples facettes de
l’héritage spirituel commun au judaïsme et au christianisme, et à conférer une profondeur théologique
toujours plus grande aux lignes directrices que nous
offre la Déclaration Nostra aetate.6
5
J. Kardinal Ratzinger, Die Vielfalt der Religionen und der
Eine Bund (Urfeld 1998).
6
Cf.. A. Buckenmaier / R. Pesch / L. Weimer, Der Jude Jesus
von Nazareth. Zum Gespräch zwischen Jacob Neusner und Papst
Benedikt XVI. (Paderborn 2008).
54
3. Le dialogue avec 1’« International Jewish Commitee on Interreligious Consultations » (IJCIC)
Avant que je n’en arrive aux initiatives de notre
Commission vaticane pour les relations avec le judaïsme, j’aimerais, chers consulteurs et délégués des
Conférences épiscopales, vous remercier pour tout ce
qui, au niveau des Conférences épiscopales, Églises
locales et instituts universitaires a été entrepris ou
est entrepris pour la promotion du dialogue avec les
juifs. Je suis impatient d’entendre vos exposés et les
informations que vous avez à nous offrir. Vous savez
que notre Commission est toujours prête à encourager toutes les initiatives valables ayant pour but de
promouvoir ce dialogue à tous les niveaux, mais aussi et avant tout de les soutenir dans la prière. Nous
désirons vous exprimer notre solidarité pour les efforts entrepris, et en même temps, dans le sens du
principe de subsidiarité, souligner que des mesures
concrètes ne peuvent être prises en définitive qu’au
niveau local. Dans le domaine du dialogue judéo-catholique, une interaction entre Église locale et universelle est donc également utile et nécessaire.
Étant donné que le judaïsme se présente sous divers aspects et ne possède pas d’unité structurelle, du
côté catholique on se trouva confronté à la difficulté de savoir avec qui, après le Concile Vatican II, il
convenait d’entreprendre concrètement le dialogue
car il était impossible d’avoir des discussions individuelles et bilatérales autonomes avec tous les groupes
et organisations juifs qui en exprimaient le désir. Afin
de résoudre ce problème, les organisations juives acceptèrent la proposition formulée du côté catholique
de fonder un unique organisme consacré au dialogue religieux. Le Jewish Committee on Interreligious
Consultations (IJCIC) est donc le partenaire officiel
du côté juif de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme. En font partie
presque toutes les grandes organisations juives parmi lesquelles un nombre important ont leur siège aux
États-Unis.
L’IJCIC entra en activité en 1970 et organisa dès
l’année suivante sa première conférence à Paris. Les
rencontres qui depuis lors ont régulièrement été organisées sont l’expression de l’International Catholic-Jewish Liaison Committee (ILC) et le résultat de
la collaboration entre l’IJCIC et la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme.
Fin février 2011, lors du 21e rassemblement de l’ILC,
nous avons pu reparcourir avec gratitude quarante
ans de dialogue officiel et fêter à nouveau ce jubilé
à Paris. Au cours de ces quarante ans, beaucoup a
été fait : de la confrontation, nous sommes passés à
une collaboration réussie; ce qui auparavant pouvait
porter à un conflit s’est transformé en une gestion
positive des désaccords, et de l’ancienne coexistence
est née une solide amitié. Les liens d’amitié qui entre-
temps se sont noués ont donné preuve de stabilité, si
bien que des thèmes controversés ont finalement pu
être abordés, sans courir le danger que le dialogue
en subisse des conséquences dommageables. Cela
était d’autant plus nécessaire que le dialogue par le
passé n’avait pas toujours été exempt de tensions.
Que l’on se souvienne simplement des crises qui ont
provoqué, dans les années quatre- vingt, ce que l’on
appelle « l’affaire Waldheim » ou le projet du Carmel d’Auschwitz. Rappelons dans une période plus
récente le débat suscité par la nouvelle intention
de prière du Vendredi-Saint dans la forme extraordinaire du rite romain, 1’« affaire Williamson » en
2009 ou encore les opinions très contrastées quant
à la possible béatification de Pie XII desquelles un
observateur attentif peut difficilement éviter de penser que du côté juif les avis concernant ce Pape ont
changé, passant d’une profonde gratitude à l’origine
à une grande préoccupation, suite à la représentation de la pièce de théâtre de Hochhuth. Dans l’ensemble, on constate cependant avec reconnaissance
que dans le dialogue judéo-catholique, en particulier
depuis le nouveau millénaire, de grands efforts sont
accomplis ouvertement et dans un état d’esprit positif afín de surmonter les divergences d’opinions et
les conflits pouvant survenir, ce qui ne fait que renforcer les relations mutuelles.
Depuis la dernière Assemblée plénière de la Commission vaticane avec ses consulteurs et délégués en
octobre 2005, l’ILC a tenu sa dix-neuvième conférence au Cap en novembre 2006 et la vingtième à Budapest en nombre 2008. Alors qu’en Afrique du Sud,
le thème « Healthcare - Dignifying the Divine Image »
(À travers la santé, honorer l’image de Dieu) entendait
rassembler juifs et catholiques dans la lutte contre le
VIH/Sida, en Hongrie, pays autrefois sous la domination communiste, en choisissant le thème « Religion
and Civil Societies Today - Jewish and Catholic Perspectives » (La religion et les sociétés civiles des nos
jours : points de vue juif et catholique), on a voulu
placer au centre du débat la relation entre religion et
société civile. Ces deux rassemblements ont à nouveau permis d’approfondir les liens d’amitié avec nos
partenaires juifs.
Une autre initiative importante dans le cadre des
rassemblements de l’ILC mérite d’être signalée. À
Budapest déjà, il avait été décidé qu’avant chaque
conférence, un petit groupe de douze jeunes gens,
juifs et catholiques, âgés de 20 à 35 ans, devrait se
réunir pendant deux jours. Il s’agissait en fait de
promouvoir la relève pour le dialogue judéo-chrétien, chose à laquelle depuis longtemps pensaient
non seulement l’IJCIC mais également notre Commission. Finalement, ces jeunes gens ont pu participer comme membres à part entière à la Conférence
de l’ILC proprement dit. Ils formaient pour ainsi
dire une équipe de base pour l’organisation d’une
« Emerging Leadership Conference » (Conférence
pour les responsables de demain), qui a eu lieu à
Castel-Gandolfo, dans la région de Rome, fin juin
2009. Pendant quatre jours, environ une cinquantaine de jeunes juifs et catholiques du monde entier
se sont retrouvés et ont échangé sur le thème « Discovering Common Values » (Découvrir nos valeurs
communes). Suite au succès de ce rassemblement,
il fut décidé d’organiser une « Emerging Leadership
Conférence » tous les deux ans, en alternance avec
les Conférences de l’ILC. Ainsi le deuxième rassemblement pour la promotion de la relève a eu lieu du
18 au 21 juin 2012 dans la région de New-York sur
le thème «Catholics and Jews : Our Common Values,
Our Common Roots » (Catholiques et juifs : nos
valeurs communes, nos racines communes). Pour
2013, un rassemblement ILC est prévu, mais les détails de son organisation ne sont pas encore connus.
4. Le dialogue avec le Grand Rabbinat d’Israël
Outre le dialogue avec l’IJCIC, il convient de mentionner les conversations officielles avec le Grand
Rabbinat d’Israël que l’on peut considérer comme
le fruit de la rencontre du Pape Jean-Paul II avec le
Grand Rabbin de Jérusalem lors de son voyage en Israël en mars 2000. La première rencontre fut organisée en juin 2002 à Jérusalem, et depuis ont eu lieu
au total onze rencontres de ce type qui se sont déroulées en alternance à Rome et à Jérusalem. Les deux
délégations sont relativement petites et forment un
groupe d’environ quinze participants, de sorte qu’un
échange personnel et intense sur différents thèmes est
possible. Au cours des années, des thèmes divers ont
été traités : la sainteté de la vie, les valeurs familiales,
l’importance des enseignements des Saintes Écritures
que nous partageons pour la vie en société, l’éducation des générations futures, une vision commune
de la justice sociale et du comportement éthique, la
relation entre autorités civiles et religieuses dans les
traditions juive et catholique, la relation entre vie
humaine et technologie, la liberté de religion et de
conscience et ses limites, la création et l’environnement comme défi à l’intervention de l’homme dans
l’ordre naturel, le rôle des responsables religieux dans
la société sécularisée, les différentes points de vue du
monde religieux par rapport à l’actuelle crise financière : comment envisager un ordre social juste.
Puisque du côté catholique, les participants sont
presque exclusivement des évêques et des prêtres et
du côté juif des rabbins, il n’est pas étonnant que
chaque thème soit examiné aussi dans une optique
religieuse. Ceci est surprenant car habituellement,
au sein du judaïsme orthodoxe, on aurait plutôt tendance à éviter les questions religieuses ou théologiques. Le dialogue avec le Grand Rabbinat d’Israël a
donc permis une plus grande ouverture du judaïsme
orthodoxe vis-à-vis de l’Église catholique. Après
chaque rencontre est publiée sur le site web de la
Commission vaticane une déclaration commune qui
témoigne à chaque fois de la richesse de l’héritage
spirituel commun du judaïsme et du christianisme
et des précieux trésors qui peuvent encore être redécouverts. En passant en revue ces dix années de dialogue, nous pouvons affirmer avec gratitude qu’une
amitié solide est née et qu’elle offre une bonne base
pour notre cheminement futur.
5. Le travail de dialogue de la Commission vaticane
Le travail de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec le judaïsme ne peut naturel55
lement pas se limiter à ces deux dialogues officiels.
Son intention est de rester ouvert à tous les courants
existant au sein du judaïsme et de maintenir les
contacts avec tous les groupes et organisations juifs
désireux d’entrer en relation avec le Saint-Siège. Nos
partenaires juifs sont toujours très heureux de rencontrer le Saint-Père au cours d’audiences privées
qui en chaque circonstance sont organisées par la
Commission. Parmi les nombreuses audiences qui
ont été accordées à des groupes juifs dans les années passées, il convient d’en mentionner trois en
particulier. Le 10 novembre 2011 se sont rendus en
visite à Rome les plus hauts représentants religieux
d’Israël, le « Israeli Religious Concil ». Pour la première fois dans l’histoire se présentaient ensemble
pour une audience privée avec le Saint-Père des
juifs, des chrétiens, des musulmans et des druses qui
vivent ensemble dans l’État d’Israël. Le 12 décembre
2011, le Pape Benoît XVI accueillait le Grand Rabbin de Grande-Bretagne, Sir Jonathan Sacks, avec
lequel il s’est entretenu en privé au sujet de l’avenir
de l’Europe, tout particulièrement dans une optique
religieuse. Suite à cette audience, le Grand Rabbin
Sacks a donné une conférence à l’Université pontificale Grégorienne sur le thème « Has Europe lost its
Soul ? » (L’Europe a-t- elle perdu son âme ?) Enfin,
le 10 mai 2012, le Latin American Jewish Congress
a été reçu par le Pape. C’était la première fois qu’un
groupe de juifs d’Amérique Latine aussi nombreux
était accueilli au Vatican.
Pour que l’activité de dialogue de la Commission
vaticane acquière tout son sens, il n’est pas seulement nécessaire qu’elle accueille des juifs au Vatican
mais qu’elle soit présente également là où les juifs
vivent et s’organisent entre eux. Pour la Commission, Israël et les USA sont à cet égard les deux pays
les plus importants car y résident environ onze des
quatorze millions de juifs répandus dans le monde.
Le premier voyage que j’ai effectué, accompagné du
secrétaire de cette Commission, m’a conduit du 29
octobre au 5 novembre, aux USA. J’étais invité à prononcer une conférence à l’Institute of Judeo-Christian Studies à la Seton Hall University du New-Jersey sur le thème « Theological Questions and Perspectives in Jewish-Catholic Dialogue » (Questions et
perspectives théologiques dans le Dialogue judéo-catholique). À New-York, nous avons été chaleureusement accueillis au Jewish Theological Seminary,
nous avons rencontré des représentants de l’IJCIC
et avons visité l’American Bible Society. À Washington enfin, nous avons rencontré des membres de la
Conférence épiscopale américaine et j’ai été invité à
prononcer une conférence à la Catholic University
of America sur la situation œcuménique actuelle.
Un autre grand voyage nous a conduits du 22 au
27 mai 2012 en Israël où nous avons rendu visite à
nos interlocuteurs juifs. Au programme officiel se
trouve toujours une visite au Grand Rabbinat d’Israël à Jérusalem que nous apprécions beaucoup:
là, nous avons rencontré le Grand Rabbin Yonah
Metzger et le secrétaire général du Grand Rabbinat
Oded Wiener ainsi que le Rabbin David Rosen qui
travaille pour l’American Jewish Committee à Jérusalem et s’occupe du dialogue interreligieux. En
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cette occasion, nous avons été présentés au nouvel
Ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, M. Zion
Evrony, lequel a pris ses nouvelles fonctions début
août 2012 à Rome. Au Jerusalem Studies Institute,
nous avons rencontré un groupe d’environ vingtcinq personnes qui travaillent à la promotion du
dialogue interreligieux dans différents instituts en
Israël. Cette conversation informelle nous a permis
de découvrir la situation actuelle du dialogue dans
l’État d’Israël. Après cela, j’ai été invité à donner une
conférence publique sur le thème « Christians called
to be Faithful to Abraham’s Heritage » (Les chrétiens
appelés à être fidèles à l’héritage d’Abraham) qui a
été suivie d’un débat très animé. Il va de soi qu’en de
telles occasions, nous avons également l’opportunité de rencontrer nos frères catholiques comme par
exemple le Patriarche de Jérusalem Fouad Twal, le
Custode de Terre-Sainte, le P. Pierbattista Pizzabella, l’évêque coadjuteur Giacinto Marcuzzo, l’Archevêque Elia Chacour et le Nonce apostolique Antonio
Franco, qui s’est depuis lors retiré.
Parallèlement aux relations qu’elle entretient directement avec le monde juif, la Commission vaticane cherche aussi à encourager le dialogue avec le
judaïsme au sein de l’Église catholique et à collaborer avec les différentes Conférences épiscopales dans
leurs efforts de promotion du dialogue judéo-catholique au niveau local. C’est à ce niveau que nous aimerions placer la discussion qui suivra cette introduction : que pouvons-nous encore faire pour une plus
grande promotion et une intensification du dialogue
au sein de notre Église ? Dans les décennies passées,
aussi bien le « dialogue ad extra » que le « dialogue
ad intra » ont fait prendre davantage conscience que
chrétiens et juifs sont irrévocablement dépendants
les uns et des autres et que le dialogue entre eux, du
point de vue théologique, n’est pas seulement une
option mais un devoir. Car juifs et chrétiens sont précisément dans leurs différences l’unique Peuple de
Dieu qui peut s’enrichir dans une amitié mutuelle.
J’ai eu l’opportunité d’approfondir cette thématique
au cours d’une conférence ici à Rome, à l’Université pontificale Saint-Thomas (Angelicum), le 16 mai
2012. Devant un auditoire important, j’étais invité à
m’exprimer sur le thème «Building on Nostra aetate :
50 years of Christian-Jewish Dialogue » (Construire
sur Nostra aetate : 50 ans de dialogue judéo-chrétien).
De nombreux représentants du judaïsme étaient présents, lesquels ont posé des questions particulièrement intéressantes au cours du débat qui a suivi la
conférence.
Naturellement, il ne m’appartient pas de déterminer le profit que le judaïsme peut retirer de ce
dialogue. Je ne peux que m’associer au Cardinal
Kasper et souhaiter que la Communauté juive reconnaisse que « couper le judaïsme du christianisme »
signifierait « le priver de son universalité » qui fut
pourtant promise à Abraham.7 En ce qui concerne
l’Église chrétienne cependant, il est certain que sans
7
K. Walter Kasper, « Zwei Hinweise zu einer Theologie des
Volkes Gottes », dans : Pontificia Università Lateranense (Ed.),
Festliche Eröffnung des Lehrstuhls für die Theologie des Volkes
Gottes (Urfeld 2009) 17-20, cit. 20.
le judaïsme, elle courrait le risque de perdre sa place
dans l’histoire du salut et de dégénérer en une gnose
historiquement non attestée.
6. Aspects théologiques du dialogue avec le judaïsme
La Déclaration du Concile Vatican II sur le judaïsme, le quatrième alinéa de Nostra aetate, se situe dans un cadre théologique bien précis. Aussi
ne saurait-elle en aucune façon résoudre toutes les
questions théologiques qui se posent dans la relation
entre christianisme et judaïsme. Au contraire, ces
dernières y sont abordées de manière prometteuse
mais requièrent un approfondissement théologique
ultérieur. Ceci trouve confirmation dans le fait que
cette Déclaration conciliaire, comme tous les autres
textes du Concile Vatican II, ne peut se référer dans
ses notes à des textes de doctrine antérieurs et des
décisions de Conciles précédents. Bien entendu,
avant le Concile existaient déjà des textes du magistère de l’Église portant sur le judaïsme mais c’est
Nostra aetate qui la première a présenté une vision
théologique d’ensemble de la relation entre l’Église
catholique et le judaïsme.
Sans doute doit-on imputer à cette avancée décisive le fait que l’on a parfois tendance à trouver dans
ce texte conciliaire des choses qu’il ne dit pas. Je ne
citerai qu’un exemple mais qui est particulièrement
significatif : que l’Alliance que Dieu a conclue avec
le Peuple d’Israël demeure et ne passera jamais est
une affirmation juste mais qui ne figure pas dans
Nostra aetate. Cette déclaration fut en réalité faite
ouvertement par le Pape Jean-Paul II lorsqu’il déclara lors d’une rencontre avec des représentants juifs à
Mayence, le 17 novembre 1980, que Dieu n’a jamais
révoqué l’Ancienne Alliance : « La première dimension de ce dialogue, à savoir la rencontre entre le
Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance jamais reniée
par Dieu et de celui de la Nouvelle Alliance, est également un dialogue à l’intérieur de notre Église, pour
ainsi dire entre la première et la seconde partie de
sa Bible ».8
Cette affirmation a, elle aussi, donné lieu à des
incompréhensions, comme celle-ci par exemple : si
l’Alliance des juifs avec Dieu reste valable, il doit y
avoir deux chemins différents menant au salut, celui des juifs sans le Christ et celui de tous les autres
hommes qui passe par Jésus Christ. Aussi évidente
que cette réponse puisse paraître au premier abord,
elle ne permet pas de résoudre de manière satisfaisante la difficile question théologique consistant à
savoir comment la foi en la portée universelle du
salut en Jésus Christ peut être conjuguée avec la
conviction tout aussi nette que l’Alliance de Dieu
avec Israël n’a pas été retirée.9 Que l’Église et le
8
Giovanni Paolo II, « La ricchezza della comune eredità ci
apre al dialogo e alla collaborazione. Incontro con gli esponenti
della Comunità Ebraica a Magonza il 17 novembre 1980 », dans :
Insegnamenti di Giovanni Paolo II III, 2 1980 (Città del Vaticano
1980) 1272-1276, cit. 1274.
9
Cf. « Die differenzierte Studie von Th. Söding, Erwählung
- Verstockung - Errettung. Zur Dialektik der paulinischen Israeltheologie in Rom 9-11 », dans: Communio. Internationale katholische Zeitschrift 39 (2010) 382- 417.
judaïsme ne peuvent être présentés comme « deux
voies parallèles de salut » et qu’au contraire l’Église
doit « témoigner du Christ comme Sauveur de tous
les hommes », a déjà été établi dans le second document publié par la Commission pour les relations
avec le judaïsme en 1985 (Notes pour une correcte
présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l ‘Église catholique).10 Car la foi
chrétienne dépend uniquement de la conviction que
Dieu veut sauver tous les hommes, qu’il y parvient
en Jésus Christ - médiateur universel - et qu’il « n’y a
sous le ciel aucun autre nom offert aux hommes qui
soit nécessaire à notre salut » (Ac 4, 12).
Pour la foi chrétienne, il ne peut y avoir qu’un
chemin menant au salut. Cependant, cette affirmation fondamentale n’entraîne pas nécessairement
que les juifs, qui ne reconnaissent pas en Jésus
Christ le Messie d’Israël et le Fils de Dieu, soient exclus du salut. Une telle affirmation n’aurait absolument aucun fondement dans la vision sotériologique
de Paul qui, dans la lettre aux Romains, à la question
que lui-même a posée de savoir si Dieu a répudié son
propre peuple, répond négativement et fermement :
« Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables »
(Rm 11, 29). Que les juifs ont part au salut de Dieu
est théologiquement indubitable ; mais comment
cela est possible sans la foi explicite en Christ, est
et reste un mystère insondable. Ce n’est donc pas un
hasard si la méditation sotériologique de Paul en Rm
9-11, sur fond de mystère chrétien, culmine en une
doxologie emprunte de mystère : « Ô profondeur de
la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu !
Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables ! » (Rm 11, 33). Ce n’est pas davantage
un hasard si le Pape Benoît XVI, dans la deuxième
partie de son livre sur Jésus de Nazareth, fait dire
à Bernard de Clairvaux, au sujet de la question qui
nous intéresse, que pour les juifs « un temps précis a
été fixé, que l’on ne peut pas prévoir ».11
C’est dans le contexte de cette question théologique extrêmement complexe qu’a été reformulée
l’ intention de prière du Vendredi-Saint pour les juifs
dans la forme extraordinaire du rite romain, laquelle
a été publiée en février 2008. Bien qu’elle proclame,
dans la forme théologiquement correcte d’une prière
à Dieu, l’universalité du salut en Jésus Christ dans
une vision eschatologique (« la plénitude des nations
étant entrée dans ton Église »)12, elle a été violemment critiquée du côté juif mais certes aussi par des
10
Publié en français dans : La Documentation Catholique 76
(1985) 733-738.
11
J. Ratzinger - Benedikt XVI., Jesus von Nazareth. Zweiter
Teil: Vom Einzug in Jerusalem bis zur Auferstehung (Freiburg i.
Br. 2011) 60.
12
Le Pape Benoît XVI a expliqué qu’il a modifié la formulation de l’intention de prière du Vendredi-Saint pour « qu’elle exprime notre foi dans le fait que le Christ est le sauveur de tous.
Qu’il n’existe pas deux chemins vers le salut, que le Christ est donc
aussi le sauveur des juifs, et pas seulement celui des Gentils. Mais
aussi l’idée que l’on ne prie pas directement pour la conversion
des juifs au sens missionnaire du terme, mais pour que le Seigneur fasse venir le jour où nous serons tous unis les uns aux
autres ». Benoît XVI, Lumière du monde, Le pape, l’Église et les
signes des temps, un entretien avec Peter Seewald, Bayard 2010,
145. (T.d.t)
57
chrétiens, et dans la plupart des cas interprétée à
tort comme un appel explicite à la conversion des
juifs.13 On comprend parfaitement qu’en utilisant
l’expression « conversion des juifs », on touche à
une question extrêmement délicate à leurs yeux car,
toujours selon eux, elle concerne l’existence même
d’Israël. D’autre part, cette question s’avère gênante
aussi pour les chrétiens pour lesquels la portée
universelle du salut en Jésus Christ et, par conséquent, la mission universelle de l’Église sont de la
plus grande importance. Il ne fait aucun doute que
l’Église du Christ doit concevoir sa mission d’évangélisation à l’égard des juifs, qui croient dans le Dieu
unique, d’une manière différente de celle qui vise
à la conversion des nations. Cela signifie concrètement que, comme le Cardinal Karl Lehmann l’a illustré de manière détaillée,14 l’Église catholique - à
la différence de certains mouvements évangéliques
fondamentalistes - ne reconnaît et ne soutient aucun travail missionnaire institutionnel spécifique à
l’égard des juifs. Le fait que, par principe, les juifs ne
sont pas objet d’une mission institutionnelle n’exclut
cependant pas que les chrétiens puissent témoigner
face à eux de leur foi en Jésus Christ ; toutefois, ce
témoignage devrait être simple et discret, en gardant
en mémoire la grande tragédie de la Shoah.
7. Perspectives futures pour le dialogue
judéo-catholique
Éclaircir en profondeur les questions théologiques ici brièvement abordées et qui s’imposent
inévitablement dans le dialogue avec le judaïsme,
peut être considéré comme la première tâche urgente à réaliser, pour ainsi dire « les devoirs » que
les catholiques ont à faire « à la maison ». Dans le
cadre du «dialogue ad intra», il serait également important d’encourager des théologiens catholiques à
identifier les éléments constitutifs d’une «théologie
chrétienne du judaïsme », ce qui n’a toujours pas
été fait bien que de nombreux protagonistes du dialogue judéo-catholique aient présenté à ce sujet des
projets extrêmement prometteurs. Souvenons-nous
par exemple du livre «Théologie chrétienne du judaïsme» (1978),15 dont l’auteur Clemens Thoma fut
pendant longtemps consulteur de notre Commission
et qui est décédé le 7 décembre de l’année passée.
Les commentaires que je viens de vous soumettre devraient faire apparaître de nouvelles lignes
directrices pour le dialogue théologique avec le judaïsme. Nous devrions en premier lieu poursuivre
avec enthousiasme, patience et persévérance les
deux dialogues institutionnels de notre Commis13
W. Homolka / E. Zenger (Ed.), « „... damit sie Jesus Christus
erkennen” ». Die neue Karfreitagsfiirbitte für die Juden (Freiburg i.
Br. 2008).
14
Cardinal K. Lehmann, « Judenmission. Hermeneutische
und theologische Überlegungen zu einer Problemanzeige im jüdisch-christlichen Gespräch », dans: H. Frankemölle / J. Wohlmuth (Ed.), Das Heil der Anderen. Problemfeld « Judenmission »
(Freiburg i. Br. 2010) 142-167.
15
Cf. C. Thoma, Christliche Theologie des Judentums (Aschaffenburg 1978). Cf. idem., Das Messiasprojekt. Theologie jüdisch-christlicher Begegnung (Augsburg 1994).
58
sion avec l’IJCIC et le Grand Rabbinat d’Israël en
lui insufflant une vigueur nouvelle et en l’ouvrant à
de nouveaux horizons. À cet égard, il a été proposé
dans les années passées d’organiser une rencontre
de l’ILC avec des chrétiens orthodoxes, de sorte que
chrétiens catholiques et orthodoxes puissent entrer
ensemble en dialogue avec les juifs. Alors que cette
idée intéresse beaucoup les chrétiens orthodoxes,
l’IJCIC, après une réaction initiale positive, a récemment précisé qu’il préférait organiser des rencontres
séparés avec les deux Églises chrétiennes. Mais cela
ne signifie pas que cette idée soit totalement abandonnée, de nouvelles opportunités pouvant se dessiner avec d’autres personnes accédant à la direction
de cette organisation. Sans patience, il est absolument impossible d’avoir un dialogue avec les juifs, et
la patience est, comme l’a si bien dit Charles Péguy,
la « petite sœur de l’espérance ».
Ce qui ces dernières années a pu être mis en
route de manière très efficace est la promotion de la
relève pour le dialogue judéo-catholique, c’est-à-dire
le recrutement de jeunes personnes pour ce dialogue
qui, comme des multiplicateurs, pourront perpétuer
dans le futur la réception des effets de Nostra aetate 4.
Il serait souhaitable que les Emerging Leadership
Conferences deviennent traditionnelles car elles sont
une bonne manière de préparer l’avenir du dialogue.
Puisque selon une conception juive, on ne peut parler de tradition que lorsqu’une chose s’est répétée au
moins trois fois, une nouvelle rencontre de ce genre
est prévue pour l’année 2014.
Pour ces rencontres, il est toujours nécessaire de
trouver des sponsors généreux, les jeunes gens ne disposant pas normalement de ressources financières
adéquates. Jusqu’à maintenant - Dieu merci ! - de généreux donateurs ont été trouvés. Dans le cas où vous
auriez des idées pour récolter des fonds de manière
systématique dans ce but, nous vous serions reconnaissants de nous en faire part.
Nous aurons suffisamment de temps aujourd’hui
et demain pour nous concentrer sur d’autres aspects
du dialogue judéo-catholique. De notre côté, nous aimerions aborder en particulier la question de l’éventuelle introduction d’une « Journée du judaïsme » au
niveau des différentes Conférences épiscopales et
de la célébration du cinquantième anniversaire de
Nostra aetate, le 28 octobre 2015. Vous êtes très cordialement invités à nous faire part de vos idées dans
la discussion qui va suivre afin d’assurer la bonne
poursuite du dialogue avec nos « frères aînés dans la
foi » dans le futur. Je vous remercie très sincèrement
pour votre collaboration dans cette réflexion et cette
tâche et vous souhaite de passer des heures agréables
au cours de cette rencontre et de nos échanges.