L`inquisition sous Charles III - Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes
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L`inquisition sous Charles III - Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes
Uinquisition sous Charles III le paradoxe espagnol* S i l’on excepte le travail récemment publié par Augustino Borromeo dans le catalogue de l’exposition Carlos III y la ilustración, l’Inquisition sous Charles III n’a guère suscité d’études1. Les historiens du Saint-Office négligent cette période, esti mant qu’en comparaison avec les autodafés des XVe et XVIe siècles, voire du XVIIe siècle, ses quatre individus brûlés vifs et sa trentaine de pénitenciés en public sont quantité négligeable2. Quant aux spé cialistes des Lumières en Espagne, ils éludent plus qu’ils ne traitent cette question en se contentant le plus souvent de noter les contradic tions en ce domaine d’un règne qui vit aussi bien l’exil de l’Inquisi teur Général, Quintano Bonifaz (en 1761), que le procès d’un des * Gérard Dufour, Université de Provence. (1) A. Borromeo, “Inquisición y censura inquisitorial”, in Carlos III y la Ilustración, Madrid, 1988, I, p. 247-253. Quelques aperçus également dans A. Alvarez de Morales, Inquisición e Ilustración (1700-1834), Madrid, F.U.E., 1982, spécialement p. 87-147 et G. Dufour, “L’Inquisition espagnole et les Lumières”, Cahiers d ’E tudes Romanes n° 13,1988, p. 19-25. (2) Cf. J.-P. Dedieu,“Responsabilité de l’Inquisition dans le retard écono mique de l’Espagne ? Eléments de réponse”, in Aux origines du retard écono mique de l’E spagne XVIe-XIXe siècles, C.N.R.S., 1983, p. 143-153. 202 meilleurs artisans de la politique éclairée, Olavide (en 1778), et en soulignant que, de fait sinon de droit, l’Inquisition fut réformée, grâce à l’attitude ferme adoptée face à Quintano Bonifaz, puis au choix judicieux de ses successeurs, Felipe Bertrán et Rubin de Cevallos3. Il est certain que sous Charles III, le Saint-Office s’humanise : on menace encore l’accusé de le soumettre à la question, mais on ne la donne plus ; Yautillo, qui ménage l’humiliation du condamné et de sa famille, remplace dans bien des cas l’infâmante comparution dans un autodafé, et surtout les condamnations à mort sont rarissimes : la sorcière, ou prétendue telle, exécutée à Séville en 1781 sera même la dernière victime physique de l’Inquisition proprement dite. Le caractère “humain, compatissant, et porté à la bienfaisance” (pour reprendre les termes de Juan Antonio Llorente) des trois Inqui siteurs Généraux qui se succédèrent à la tête du Saint-Office sous le règne de Charles III a certainement grandement contribué à cette évolution4. Mais les qualités personnelles des Inquisiteurs Généraux ne pouvaient remplacer une réforme des structures et des procédures de l’Inquisition que le pouvoir politique se garda bien (ou fut inca pable) de mettre en place : mon maître, Marcelin Défourneaux, a par faitement montré comment le procès d’Olavide s’est fait en dépit du sentiment personnel de Felipe Bertrán5. On peut également fort dou ter que ce prélat, dont les écrits et les témoignages contemporains nous assurent de ses Lumières6, ait cru un seul instant en la réalité du crime de sorcellerie de la condamnée de Séville en 1781. Ces deux procès, celui d’Olavide et celui de la prétendue sorciè re de Séville en 1781, apparaissent l’un et l’autre comme deux défis (3) On notera par exemple qu’au tome XXXI de la monumentale Historia de España, créée par R. Menéndez Pidal et consacré à “La época de la Ilustra ción. El Estado y la cultura (1759-1808)”, Madrid, 1988, pas un seul chapitre n’est consacré à l’Inquisition à cette période. (4) J.-A. Llorente, Histoire critique de l’Inquisition d’E spagne, 2e édition, Paris, 1817-1818, t. IV, p. 96. (5) M. Défourneaux, Pablo de Olavide ou V,Afrancesado (1725-1803), p. 341-364. (6) Cf. Colección de las Cartas pastorales y edictos del Exmo Sr. D. Felipe Bertrán, obispo de Salamanca, del Consejo de S.M., Inquisidor General, caballe ro prelado Gran Cruz de la Real y Distinguida orden española de Carlos III. Publícala el Real seminario de San Carlos de la Ciudad de Salamanca, Madrid, imprenta de don Antonio de Sancha, año de 1783, con las licencias necesarias. Voir également le témoignage de Sempere y Guarinos, Escritores del reinado de Carlos III. 203 aux Lumières, au gouvernement qui veut les diffuser, et une manifes tation d’indépendance envers l’Inquisiteur Général mis en place par le pouvoir. Mais il serait sans doute inexact de croire, comme cer tains, que le procès d’Olavide marque une espèce de reprise en main de l’Espagne par le Saint-Office : avec ses deux condamnés à mort et ses seize pénitenciés en public en douze ans (de 1770 à 1781), l’Inqui sition connaît un rythme d’activité sensiblement égal à celui qu’elle avait sous la direction de Quintano Bonifaz : deux condamnés à mort et dix pénitenciés en public, dans le même laps de temps (1758-1770). En fait, à aucun moment le Saint-Office n’a cessé de faire peser sa menace sur les Espagnols, et il faut bien se demander pourquoi ni un Aranda (malgré les éloges immérités que lui a adressés Voltaire dans son Dictionnaire philosophique) ni un Floridabianca n’ont su ou voulu mettre un terme à son activité et ont toléré ces condamnations qui, même lorsqu’elles étaient discrètement prononcées au cours d’un autillo, étaient autant d’affaires Calas ou du chevalier de Labarre et passaient, à l’étranger, pour constituer les “délices de l’Espagne”7. On a voulu voir une volonté de juguler l’Inquisition dans l’exil en août 1761 de l’Inquisiteur Quintano Bonifaz pour avoir publié, en passant outre l’opposition du Roi, le bref de Clément XIII prohibant le catéchisme de Messeguy. Or il faut bien voir que, pour inhabituelle que fût semblable sanction, elle ne fut guère rigoureuse : alors que Quintano Bonifaz reçut l’ordre de quitter Madrid et de s’éloigner à douze lieues de la Cour le 8 août à 7 heures et demie du matin, ce n’est que le 12 au soir qu’il communiqua qu’il avait quitté la capitale à 5 h 1/2 et qu’il se trouvait au monastère de Santa Esperanza, où il attendait les ordres de Sa Majesté8. Le délai que s’octroya l’Inquisi teur Général avant d’accomplir l’ordre royal montre visiblement qu’il n’était guère inquiet. S’il serait exagéré de parler de défi au Roi en la circonstance, il n’en reste pas moins que Quintano Bonifaz, en obéis sant avec une certaine lenteur, tint manifestement à sauvegarder la dignité de sa fonction. Une fonction qui le protégeait de la colère (7) Cf. J.-A. Llorente, Memoria histórica sobre cuál ha sido la opinion de España acerca del tribunal de la Inquisición. Edition avec introduction et notes de G. Dufour, P.U.F., 1977, p. 52. (8) “Prohibición de un libro hecha y publicada en España por el limo Sr. D. Manuel Quintano Bonifaz, Inquisidor General, en 9 de Agosto de 1761 en vir tud de un breve de Su Santidad. Destierro del Inquisidor por esta causa. Y consulta del supremo Consejo de Castilla al Rey sobre execución de Breves Apostólicos por la Inquisición de España y práctica de prohibición de libros. Con la resolución de S.M.” (Biblioteca Nacional, Madrid, Mss 10834). 204 royale, comme il l’avait fait savoir au Souverain, dans la lettre de jus tification qu’il lui avait adressée le 8, en soulignant que si les fidèles apprenaient qu’il avait été suspendu par ordre exprès du roi, ce serait une offense à leur sentiment religieux, et ils pourraient bien dire que Sa Majesté faisait obstacle à l’exercice du Saint-Office qu’il était si important de conserver dans ses vastes domaines9. Face au courroux royal, Quintano Bonifaz en avait donc fait appel à l’utilité (pas seulement religieuse) du Saint-Office et à l’opi nion publique, c’est-à-dire au soutien populaire. De façon fort effica ce, puisqu’il lui suffit d’une simple lettre adressée à Charles III le 31 août pour que lui soit immédiatement signifié, le 2 septembre, qu’il pouvait reprendre l’exercice de sa charge et qu’il jouissait à nouveau de l’entière confiance du monarque10. Cet argument de l’attachement populaire au Saint-Office, si opportunément utilisé par Quintano Bonifaz, était du plus grand poids et il ne faut pas oublier que, s’il n’en avait tenu qu’aux fidèles (et non aux qualificateurs de l’Inquisition), les procès et condamna tions pour cause d’hérésie eussent été autrement nombreux : sous le règne de Charles III, ce sont 1147 “alegaciones fiscales” (soit un peu plus de 38 par an) qui furent instruites à partir des dénonciations reçues par les différents tribunaux de la Péninsule et de Majorque11. Sans aller jusqu’aux jugements excessifs d’un Menéndez Pelayo ou d’un Miguel de La Pinta Llorente, qui n’hésitèrent pas à parler de l’Inquisition comme d’un “tribunal populaire”12, il n’en reste pas moins que le système inquisitorial (entièrement fondé sur les déla tions) ne pouvait fonctionner que s’il jouissait d’une adhésion (9) “Y si los fieles llegasen a entender que la suspensión nacía de orden precisa de SM, daría ocasión a ofender acaso su religioso y notorio celo, ya que ese diga, muy contra su piadosa intensión, que SM embarazaba al Sto Oficio el ejercicio en su jurisdicción, que tanto importa conservarla en sus dilatados domi nios”. (10) “SM (...) permite vuelva al ejercicio de su cargo y lo que es más a su gracia“ (Ibid., fol. 30). (11) Calcul réalisé à partir du Catálogo de Alegaciones fiscales publié par Moreno Garbayo (Natividad), Madrid, Dirección General del Patrimonio artístico y cultural, 1977. Il est intéressant de remarquer que l’on note tout au long du règne, une nette diminution des alegaciones, qui sont au nombre 566 sous la direction de Quintano Bonifaz, nommé un an avant le début du règne de Charles III et qui restera Inquisiteur Général jusqu’en 1770, (soit 47,16 par an en moyenne) ; de 482 (soit 34,42 par an) sous Felipe Bertrán et de 139 (soit 27,8 par an) sous Rubin de Cevallos de 1784 à 1788. (12) Voir Menéndez Pelayo, Heterodoxos españoles... et La Pinta Llorente. 205 populaire massive. Et ce que le Président de Montesquieu, dans ses Lettres persanes, avait donné comme une boutade, à savoir que les Espagnols étaient “si attachés à l’Inquisition, qu’il y aurait quelque humeur à la leur ôter”, n’en était pas une : c’était une constatation politique parfaitement lucide. Et c’est sans doute pour cela que, mal gré les louanges et les encouragements que lui prodigua Voltaire dans l’édition de 1769 du Dictionnaire philosophique, Aranda luimême se garda bien de “rogner les griffes du monstre” et le laissa res pirer, et même un peu plus : si une banale histoire de cape et de cha peau avait conduit au renvoi d’Esquilache en 1766, on comprend qu’il se soit montré prudent, voire timoré, en matière de réforme du SaintOffice. L’argument utilisé par Quintano Bonifaz de l’attachement populaire au Saint-Office était donc de poids. Mais dans l’affaire du Catéchisme de Messeguy, il ne s’agissait nullement de réduire en quoi que ce soit les pouvoirs de l’Inquisition, mais seulement de la soustraire à toute influence papale pour en faire un instrument régaliste au même titre, d’ailleurs, que l’ensemble de l’Eglise espagnole, de qui apparut très clairement dans la consultation qui fut demandée aux membres du conseil de Castille et dont l’un d’eux s’empressa d’affirmer - excusatio non petita, accusatio manifesta - qu’il ne s’agis sait pas d’établir la responsabilité du nonce Apostolique en la matière13. C’est d’ailleurs en vertu du principe que le Monarque doit défendre ses droits et ceux du Royaume pour protéger ses sujets14 que fut prise la Résolution Royale du 18 janvier 1762 qui précisait que désormais il conviendrait de présenter à Sa Majesté avant publi cation toute bulle ou bref envoyés par Rome. Le Saint-Office ne sortait en rien affaibli de l’affaire, même si on en avait profité (ce qui au fond n’était peut-être pas un progrès) pour lui enjoindre de faire comparaître l’auteur avant de condamner un ouvrage, selon la règle imposée à l’Inquisition romaine par Benoît (13) “Consulta del Supremo Consejo de Castilla” (Biblioteca Nacional, Madrid, Mss 10834) et également “Papeles sobre cosas de la Inquisición” (Mss 6202, fot. 223). (14) “Papeles sobre cosas de la Inquisición”, fol. 208 : “El rey en virtud de la suprema potestad defiende sus derechos y los del reino, de los cuales es imprescindible la protección de los vasallos”. 206 XIV1516. Et c’est à propos de cette “régalisation” du Saint-Office espa gnol (et seulement à ce propos) que s’affrontèrent partisans et adver saires des Lumières, ces derniers parvenant (en particulier, grâce à l’influence du confesseur du Roi, le P. Eleta) à faire publier le 5 juillet 1767 un décret annulant la décision du 18 janvier 176216, décret qui sera à son tour abrogé quand Aranda sera au pouvoir17. Ce même souci de faire de l’Inquisition un véritable “appareil idéologique d’Etat” se retrouve exprimé, à la fin du règne, dans YIns trucción reservada para dirección de la Junta de Estado qui fut rédi gée par Floridabianca et signée par Charles III le 8 juillet 1787 et qu’Andrés Muriel publia en 1839 sous le titre de Gobierno del Sr Rey don Carlos III18. On retrouve dans ce texte les mêmes principes que ceux qui se dégagent de l’affaire du Catéchisme de Messeguy et de l’exil de Quin tano Bonifaz en 1761, ce qui montre à l’évidence le caractère constant et conscient d’une telle politique. Bien loin d’envisager une quel conque suppression du Saint-Office, Floridabianca écrivait sans vaciller que, tout comme les évêques dans leurs pastorales (articles XXXI), l’Inquisition se devait de participer à l’extirpation des idées supersticieuses et donc propager les Lumières (article XXXII). Aussi fort logiquement (article XXXIII), convenáit-il de protéger le SaintOffice, tout en prenant garde à ce qu’il respecte les droits régaliens et que, sous prétexte de religion, il ne perturbe pas l’ordre public. On (15) “Real Resolución de S.M.” du 18-01-1762 (in “Prohibición...”, fol. 260261) : “Finalmente, que antes de condenar la Inquisición los libros oiga las defen sas que quieran hacer los interesados citándoles para ello conforme a la regla prescrita a la Inquisición de Roma por el insigne Papa Benedicto XIV en la Constitución Appaca, que empieza Solicita ac próvida. Obedecerá el Consejo esta resolución disponiendo las cédulas y despachos que resultan con la conveniente separación y añadiendo penas proporcionales a los contraventores”. (16) Ibid., fol. 261-262 : “Cuando ya se creyó este negocio concluido, sin saber por qué causa ni por qué influjo, se halló el real Consejo de Castilla con el decreto siguiente, que es una especie de retractación de S.M. tal vez estimulada su real conciencia de unos temores propios de su católica Piedad. Hubo entre los ministros (según se dice) algunos que lo llevaron muy mal, y querían se repre sentase al Rey lo importante que era el sostener sus resoluciones, pero parece no haber tenido efecto y que en virtud del nuevo decreto las cosas quedaron como estaban antes de la Pragmática, con corta diferencia”. (17) M. Défourneaux, op. cit., p. 243. (18) Gobierno del Sr. Rey don Carlos III o instrucción reservada para dirección de la Junta de Estado que creó este monarca ; dada a luz por don Andrés Muriel, Madrid, imprenta que fue de Fuentenebro, 1839. 207 retrouve là très précisément les principes qui avaient présidé à l’éla boration de la Real Resolución de 1761 et si Floridabianca souhaitait que le tribunal de l’Inquisition œuvrât avec modération et de façon plus conforme au droit canon, c’est qu’il était persuadé que c’était la seule façon de pouvoir s’assurer d’une action durable, alors que tout excès entraînerait indubitablement la ruine du Saint-Office comme de tout organisme, quel qu’il soit19. Autrement dit, si Floridabianca entendait modérer le SaintOffice, et s’il souhaitait que les qualificateurs fussent choisis parmi les personnes compétentes et dévouées à l’autorité royale, ce n’était nullement par souci philosophique ou philanthropique, mais dans un but d’efficacité20. Bien loin de songer un seul instant à débarrasser l’Espagne d’un tribunal que l’Europe entière critique et vilipende, il entendait en faire l’instrument privilégié de sa politique : de ce point de vue, il n’y aura aucun changement de sa part quand, au début du règne suivant, il confiera à l’Inquisition le soin d’œuvrer avec les pou voirs publics à lutter contre la propagation des idées révolutionnaires françaises. Alors que l’Europe entière s’était émue du procès d’Olavide (qui avait eu lieu dix ans plus tôt) et que ce procès avait fait la (19) XXXIII : “por tanto conviene favorecer y proteger a este tribunal ; pero se ha de cuidar de que no usurpe las regalías de la corona, y que con pretex to de religión no se perturbe la tranquilidad publica”. “En esta parte debe la Junta concurir a que se favorezca y proteja este Sto Tribunal, mientras no se desviare de su instituto, que es perseguir la herejía, apostasia y superstición e iluminar caritativamente a los fieles sobre ello ; pero como el abuso suele acompañar a la autoridad, por la miseria humana en los objetos y acciones más grandes y más utiles, conviene estar muy a la vista de que, con el pretexto de la religión, no se usurpen la jurisdicción y regalías de mi corona, ni se turbe la tranquilidad pública. En esta parte conviene la vigilancia, así porque los pueblos propenden con facilidad y sin discernimiento a todo lo que se viste con el disfraz de celo religioso, como porque el modo de perpetuar entre nosotros la subsistencia de la Inq, y los buenos efectos que ha producido a la reli gión y al estado, es contenerla dentro de sus límites, y reducir sus facultades a todo lo que fuere más suave y más conforme a las reglas canónicas. Todo poder moderado y en regla es durable ; pero el excesivo y extraordinario es aborrecido y llega un momento de crisis violenta en que suele destruirse “ (Ibid., p. 139-140). (20) 141 : “Los calificadores del Sto Oficio no han tenido siempre la doctri na que se necesita para tan grave e importante cargo. Convendré que estos nom bramientos se han hecho en adelante en personas instruidas y afectas a la auto ridad real. Sera bueno que antes se me de noticia de los calificadres que se hayan de nombrar, así por mi patronato y derechos de protección del Sto Oficio como por evitar que se nombre alguno que sea desafecto a mi autoridad y regalías o que por otro justo motivo no me sea grato”. 208 démonstration que nul n’était à l’abri des geôles inquisitoriales, Flori dabianca n’avait cure de semblables risques. Comme si le procès d’Olavide n’avait pas été un avertissement in caput alienum, mais un simple accident : le prix à payer pour que la machine continuât à fonc tionner. En fait, tout au long du règne de Charles III l’élite éclairée qui assuma le pouvoir (et dont Floridabianca n’est que primus inter pares) rejeta purement et simplement le modèle philosophique qui lui était proposé outre-Pyrénées et qui voulait la suppression pure et simple de l’Inquisition. Nous n’aborderons évidemment pas ce point qui a été très clairement établi par Teéfanes Egido, mais les Ilustra dos ne sont pas des philosophes et ils n’apprécient ni l’irréligiosité, ni la tolérance. Ce sont des réformateurs (des réformistes ?) et en matiè re d’inquisition comme ën tout autre chose, réformer signifie pour eux contrôler. D’où ce double paradoxe : d’abord, qu’en matière d’inquisition, ces prétendus réformateurs ne réformèrent rien du tout. Et s’il est vrai que c’est sous le règne de Charles III que s’éteignit le dernier bûcher du Saint-Office, il fallut attendre 1808, 1813 (voire 1820) pour savoir qu’aucun autre ne se rallumerait plus jamais. Même en ce domaine (qui dépendait exclusivement du pouvoir royal, puisque les condamnés étaient “relaxés” au bras séculier), les Ilustrados furent incapables d’apporter la moindre nouveauté. Ensuite, alors que ces Ilustrados s’accomodèrent fort bien de l’Inquisition telle qu’elle était, c’est du sein même de l’Eglise espagnole (avec les jansénistes) et du Saint-Office lui-même, avec Abad y La Sierra, au début du règne sui vant, en 1793 que naquit le désir de réformer la procédure inquisito riale pour la rendre plus conforme non seulement au droit canon mais aussi au droit naturel21. L’élite éclairée qui gouverna le pays sous Charles III, bien loin de se soucier du droit des gens, ne songea, elle, qu’à faire du SaintOffice le docile instrument du pouvoir. En fait, elle crut pouvoir appli quer à l’Inquisition la même politique qu’à l’ensemble de l’Eglise espa gnole, pensant en faire un “appareil idéologique d’Etat” à partir du moment où, par le jeu des promotions, elle pouvait contrôler le som met de la hiérarchie. Or, de même qu’il s’avéra en fin de compte inuti le que les prélats et les chapitres des cathédrales fussent éclairés si le (21) Cf. J.-A.Llorente, Noticia biográfica. Edición de Antonio Márquez, Madrid, Taurus, 1982, p. 87 sq. 209 bas clergé et le clergé régulier diffusaient la superstition, il était vain de compter faire du Saint-Office un agent des Lumières par la dési gnation d’inquisiteurs Généraux éclairés ou plus exactement sans préjugés (“despreocupados”) tant que subsisterait le principe même du système inquisistorial, à savoir la surveillance de tous par tous, c’est-à-dire par la masse inculte.