Avant propos : l`origine de la création du devoir - Net-iris

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Avant propos : l`origine de la création du devoir - Net-iris
INTRODUCTION
§ Avant propos : l’origine de la création du devoir de conseil
Comme le souligne Madame Marie Hélène MALEVILLE, Maître de conférence à
l’Université de Rouen : « Bien que le terme de responsabilité ne soit apparu que très
tardivement dans la langue française en 1783, son contenu s’est largement développé en
raison de l’émergence d’un véritable droit à réparation des victimes, et dont l’illustration la
plus flagrante est fournie par l’essor considérable du devoir de conseil imposé à la plupart des
professionnels à l’égard de leur cocontractant 1 . »
Le devoir de conseil, dont il est question en l’espèce, donna naissance à un contentieux
important opposant le profane au professionnel prestataire de services, et dont l’une des
branches la plus touchée, fut celle de l’assurance.
En effet, constatant l’inadéquation des garanties aux besoins exprimés lors de la souscription,
l’assuré reproche le plus souvent à son cocontractant de ne pas l’avoir suffisamment informé
sur le contenu du contrat. Grief légitime compte tenu de l’inégalité patente entre les parties,
liée à un « manque de compétence » du candidat à l’assurance.
Cette inégalité de fait est accrue par une inégalité de droit instituée par la loi en ses articles
L 113-8 et L 113-9 du Code des assurances et qui impose à la charge de l’assuré une
obligation d’information de bonne foi lors de la conclusion du contrat sous peine d’être
sanctionné par la nullité du contrat.
L’obligation légale d’information à la charge de l’assureur est imposée par l’article L 112-2
du Code des assurances sans être assortie d’aucune sanction, ce qui apparaît dès lors comme
une exigence bien vaine que l’on pourrait presque analyser comme une simple obligation
morale.
Du reste, le professeur BEIGNIER souligne à propos de celle-ci : (…)« ces textes qui
ordonnent une pédagogie du contrat n’aboutissent souvent qu’à des formalités
supplémentaires qui, loin d’éclairer ne font que noyer le malheureux innocent2 . »
Cette législation qui tend au rééquilibrage du contrat n’est qu’illusoire et insuffisante.
Les tribunaux ont relevé cette inégalité des responsabilités et ont ainsi créé à la charge des
assureurs un devoir de conseil, concrétisation de cette aspiration à un nécessaire rééquilibrage
contractuel.
C’est ici que l’on voit déjà poindre, la confusion inéluctable entre le devoir de conseil et
l’obligation légale d’information ou de renseignement ou bien encore de mise en garde.
1
« la responsabilité civile des intermédiaires professionnels au titre du devoir de conseil » JCP n°17, 26 avril
2000, p.731
2
B.BEIGNIER, Droit du contrat d’assurance, PUF, coll. Droit fondamental, 1°éd., 1999
1
§ Le découpage doctrinal des notions
Selon les auteurs, ces expressions font l’objet d’un découpage variable. Pour certains d’entre
eux, comme M. FABRE MAGNAN, renseignement, mise en garde et conseil ne sont qu’une
application de l’obligation d’information. Pour d’autres, tels que MM LE TOURNEAU et
CADIET, l’obligation d’information et le devoir de conseil sont deux subdivisions de
l’obligation de renseignement.
Essayons de définir ces différentes notions pour mieux cerner les enjeux d’un tel débat.
§ Des notions distinctes, tant sur le plan de leur définition, que sur celui de leur
fondement
Par mise en garde, il faut entendre l’obligation pour le débiteur de fournir non seulement des
informations objectives mais encore, d’indiquer quels risques seraient encourus au cas où les
indications fournies ne seraient pas suivies. Mais cette notion, très rarement utilisée par la
jurisprudence, n’entrera pas dans le cadre de notre étude en raison de son intérêt purement
doctrinal.
En revanche, la distinction entre l’obligation d’information et le devoir de conseil mérite
d’être soulevée, même s’il apparaît, pour beaucoup, que le devoir de conseil n’est autre que le
prolongement de l’obligation de renseignement, renseignement et information étant, du reste,
employés indistinctement par la jurisprudence et la doctrine pour qualifier la même
obligation.
En ce qui concerne le conseil et l’information, ceux-ci sont différents à plusieurs égards, tant
sur le plan de la définition que sur celui de leur fondement.
ú Définitions
Contrairement à l’obligation de renseignement qui consiste en une information du client sur
les caractéristiques du produit ou de la prestation de services et des conditions et précautions
requises pour son utilisation ou sa résiliation, l’obligation de conseil implique une
appréciation critique, dite d’opportunité, destinée à orienter le choix du cocontractant au
mieux de ses intérêts. Autrement dit : « le conseil correspond à la mise en relation du
renseignement brut avec l’objectif poursuivi par le créancier de l’obligation d’information. »
Un auteur, Monsieur de SAINT-AFFRIQUE, conseiller honoraire à la Cour de cassation, a
rendu compte en quelques phrases consacrées au devoir de conseil, de son contenu :
« Chercher à savoir » (il s’agit pour le débiteur de conseil de s’informer et d’effectuer toutes
les investigations nécessaires pour connaître la situation de celui auquel le conseil est destiné),
« Faire savoir » (cette opération consiste à informer et éclairer les bénéficiaires du devoir de
conseil sur la nature, les risques et la portée de dispositions à prendre ou d’actes à accomplir),
« Savoir guider » (cela consiste à avertir et mettre en garde ceux au profit desquels s’exerce le
devoir de conseil)3 .
3
Réf : éd. Juris -classeur, ingénierie patrimoniale, janvier – février 1999, note GROUTEL, professeur et directeur
de l’institut des assurances de Bordeaux, p.4 à 6.
2
C’est ainsi que l’on peut dire que l’obligation de conseil s’appuie davantage sur l’idée d’une
exécution spontanée, alors que l’obligation d’information est imposée, ce que traduit
l’expression « devoir de conseil » que les juges préfèrent à celle d’« obligation de conseil. »
ú Fondements
Par ailleurs, on peut remarquer que l’obligation d’information trouve sa source dans la loi à
l’article L 112-2 du Code des assurances, tandis que le devoir de conseil est d’origine
jurisprudentielle et fut consacré par l’arrêt du 10 novembre 1964 concernant un courtier en
assurances, qui posa le principe selon lequel : « le courtier doit être un guide sûr et un
conseiller expérimenté4 ».
Puis à son tour, l’agent général fut touché au cours des décennies 1970-80, et vint celui de la
compagnie d’assurance.
Le fondement de cette jurisprudence abondante sur ce thème repose sur l’article 1135 du
Code civil qui oblige les parties au contrat à toutes les suites que l’équité commande et dont le
principe de bonne foi et de loyauté contractuelle renforcent l’existence.
ú Mais une opposition purement théorique contrariée par la pratique
Mais, en réalité, ces deux obligations sont bien souvent mêlées puisque la jurisprudence parle
de « l’obligation d’information et de conseil ». Nous traiterons donc indistinctement de la
notion d’obligation d’information et de conseil puisqu’il apparaît que l’opposition entre les
deux concepts n’est pas aussi tranchée, étant donné que le conseil nécessite d’être éclairé et
comporte presque nécessairement une ou des informations accessoires.
§ L’objectif poursuivi :la protection du consommateur d’assurance
En ce sens le droit des assurances a anticipé le droit de la consommation qui dans sa
Loi du 18 janvier 1992 devenue l’article L 111-1 du Code de la consommation fait peser une
obligation générale d’information sur tous les professionnels. Cette tendance a d’ailleurs été
reprise dans de nombreux domaines dans lesquels sont confrontés des professionnels et des
profanes : médecins, agents immobiliers, experts comptables, notaires, établissements
bancaires, avocats (…) sont ainsi astreints à fournir des conseils éclairés à leurs vis-à-vis.
Ainsi les obligations d’information et de conseil qui pèsent sur l’assureur (nous le verrons
ultérieurement, il n’est pas le seul à y être tenu), s’inscrivent dans le cadre général de la
protection du consommateur en vue de pallier le déséquilibre de fait et de droit de cette
relation contractuelle particulière qu’est le contrat d’assurance.
Du reste il convient de faire l’analogie du droit des assurances avec celui de la
consommation : le contrat d’assurance est en effet conclu entre un candidat à l’assurance,
traditionnellement désigné comme le « consommateur » d’assurances, et une compagnie
d’assurance qui est en général présentée comme le « distributeur » d’assurances ; quant à
l’assurance, elle-même, elle se révèle être un véritable « produit » offrant à son destinataire
4
Cass. 1ère civ., B.1, n°493, JCP 1995-2-13891, note P.P., RGAT 1965.175, note A.Besson
3
une sécurité. Il n’est donc pas étonnant que soit prise en compte la protection du
consommateur d’assurance, qui est en fait, et en droit, un consommateur comme les autres.
§ Les problématiques découlant de ce sujet
Dans ce souci de protection du consommateur d’assurance, il apparaît, par conséquent,
nécessaire de faire peser sur le professionnel un devoir de conseil. Mais quel en est
exactement la teneur ? Ce devoir doit être suffisamment large pour rendre cette protection
efficace ; mais il doit également être limité pour ne pas faire peser sur le professionnel de
l’assurance une rigueur injustifiée. C’est pour cette raison que doivent être clairement
identifiés les créanciers et les débiteurs de ce devoir, ainsi que les limites et sanctions qui s’y
attachent.
Nous reviendrons sur tous ces points, notamment à travers une étude synthétique de la
jurisprudence.
Pour ce faire, nous étudierons dans une première partie l’exécution du devoir de conseil - par
qui ? comment ?- et dans une seconde partie l’inexécution du devoir de conseil -soit le conseil
n’était en réalité pas dû, soit le conseil dû n’est en fait pas accompli.
4
PREMIERE PARTIE : L’EXECUTION DU DEVOIR DE CONSEIL
I - LES PARTIES AU DEVOIR DE CONSEIL
Il s’agira ici d’analyser quels sont les différents acteurs de ce devoir en distinguant dans une
summa divisio qui sont les débiteurs et les créanciers de cette obligation.
A - LES DEBITEURS DU DEVOIR DE CONSEIL
Défini de manière sommaire, le devoir de conseil oblige certaines personnes dotées de
compétences techniques particulières et concluant un contrat à fournir des informations
pertinentes, adaptées aux besoins du cocontractant, lors de la conclusion du contrat et durant
son exécution.
Mais cette définition du devoir de conseil, qui nous laisse entrevoir quels en sont les
débiteurs, est insuffisante, car comme nous le constaterons ultérieurement la responsabilité
qui découle de ce devoir varie en fonction de la qualité de ces derniers.
L’assureur doit être ici entendu dans un sens large, et englobe, dans l’esprit des juges tant le
professionnel, que le non professionnel de l’assurance qui fait souscrire une police à son
cocontractant.
C’est pourquoi, il faudra, en premier lieu, les distinguer .
1 - Les professionnels de l’assurance astreints au devoir de conseil
Nous verrons tour à tour quelles sont les personnes visées par cette obligation ainsi que le
fondement de leur devoir.
a - Les personnes visées
Il s’agira, dans un premier temps, de définir la notion de professionnel de l’assurance, puis de
déterminer leur rôle, d’un point de vue général, pour commencer, pour en arriver au plus
spécifique.
§ Définition du professionnel de l’assurance
Par professionnel de l’assurance, il faut tout d’abord entendre les entreprises d’assurances
régies par le code des assurances (sociétés anonymes et sociétés d’assurances mutuelles),
auxquelles s’ajoutent les mutuelles du Code de la mutualité et les institutions de prévoyance
5
du Code de la sécurité sociale et du Code rural qui opèrent essentiellement dans le secteur des
assurances de personnes, y compris dans le domaine des produits d’épargne.
Viennent ensuite, toutes les personnes qui interviennent dans la distribution des produits
d’assurances auxquelles il convient d’ajouter le personnel des guichets financiers qui en
distribue également.
La situation actuelle de la distribution de l’assurance en France est marquée par la dispersion
et la diversité des situations juridiques des différentes catégories d’intermédiaires
d’assurances habilitées à présenter les opérations d’assurances :
ú les courtiers d’assurances, personnes physiques ou morales, immatriculées au registre
du commerce et des sociétés (RCS) pour le courtage d’assurances, représentant, en
théorie, le client à l’assurance.
Il est à noter que la plupart des établissements de crédit ainsi que la Poste ont adopté le
statut de courtier
ú les agents généraux d’assurances, personnes physiques ou sociétés titulaires d’un
mandat d’agent général d’assurances, représentant la compagnie d’assurances5
ú les salariés (personnes physiques), soit d’une entreprise d’assurances, soit d’un
courtier ou d’une société de courtage, soit d’un agent général d’assurances
ú les mandataires autres que les agents généraux et non salariés.
Pour synthétiser, trois professionnels de l’assurance sont généralement soumis au devoir de
conseil et sanctionnés à ce titre. Ce sont : le courtier (et ses salariés), l’agent général (et les
salariés) de la compagnie d’assurance, ainsi que la compagnie d’assurance elle-même.
§ Rôle des professionnels de l’assurance
Généralités :
Les intermédiaires proposent à leurs clients des contrats d’assurances de dommages ou de
personnes. La plupart d’entre eux sont habilités ou mandatés pour souscrire directement.
Par la suite, il appartient aux intermédiaires de gérer les contrats et les sinistres. Cette gestion
est cependant limitée en ce qui concerne les mandataires non agents généraux. Pour le
courtier, cette gestion dépend du contenu du mandat passé avec le client.
D’une manière générale, les salariés se contentent de démarcher le client et de lui soumettre,
éventuellement, une proposition d’assurance et un tarif, la souscription étant, le plus souvent,
centralisée au siège des entreprises.
5
Arrêt de principe : Ancelet 21 novembre 1979 1ère ch. Civile, RGAT 1980.1982
6
Leur rôle spécifique en matière de devoir de conseil :
Le devoir de conseil consiste essentiellement à mettre en garde le client, à veiller à
l’adéquation de la police aux besoins de celui-ci, tout en vérifiant l’exactitude des
renseignements recueillis auprès des tiers6 . Par exemple, ils doivent attirer l’attention des
futurs souscripteurs sur l’importance de la couverture, en l’absence de garanties, ou sur la
distinction opérée par la police entre les « exploitants » et les « entrepreneurs » agricoles7 .
Ils sont également tenus d’adapter la garantie aux besoins de l’assuré lors de la souscription
de la police et pendant son exécution, éventuellement en faisant souscrire une assurance
complémentaire à la demande de l’assuré8 . Ils assument, par ailleurs, les conséquences des
retards et négligences, même minimes. Ainsi, en ne transmettant pas, en temps utile, une
proposition d’assurance à la compagnie, ils privent le client de sa garantie…
b - Le fondement de leur devoir
L’engagement de l’intermédiaire diffère selon qu’il est lié ou non à la personne prise en
considération.
§ Le courtier
« Le rôle du courtier d’assurances terrestres ne se limite pas à mettre en présence le futur
assuré et son futur assureur (…) ». En effet, le futur assuré «le considère comme ayant les
connaissances qui lui font défaut pour gérer au mieux ses intérêts et assurer dans les
meilleures conditions la couverture des risques considérés9 ».
Il est, par conséquent, censé être un « guide sûr et expérimenté ».
Ce principe, qui a déjà été visé précédemment, fût édicté par la 1ère chambre civile de la Cour
de cassation dans un arrêt fondamental du 10 novembre 196410 et confirme, ainsi, la
jurisprudence avancée par la Cour d’appel de Paris en 1962.
Celle-ci se fonde sur le contrat de mandat, qui lie le client à l’assurance au courtier, et par
conséquent, sur les articles 1135 et 1147 du Code civil prônant la loyauté contractuelle.
C’est pourquoi, son devoir de conseil est apprécié de façon plus sévère que l’agent général ou
la compagnie d’assurance elle-même.
En effet, il doit, en outre, indiquer à ses clients les garanties proposées par les différents
assureurs et assume, à ce titre, des obligations plus étendues que d’autres intermédiaires11 .
6
Cass.3ème civ.,14 janvier 1998, Bull. civ. III, n°6
Cass.1ère civ.,21 janvier 1997, Gaz. Pal. 10-12 août 97, p°15
8
Cass. 1ère civ., 12 novembre 1998, RGDA 1999, p°426, obs. J. Kullmann
9
CA de Paris, 14 avril 1962, RGAT 1965, p°175, note A.B
10
Cass. 1ère civ., 10 novembre 1964, n°62-13. n°722, JCP éd. G 1965, II, n°13981, note P.P
11
Cass. 3ème civ., 14 janvier 1998, cf. réf. déjà citées ci- dessus
7
7
La jurisprudence a, une nouvelle fois, entériné ce principe en 1984 par un arrêt disposant que
le courtier, commerçant indépendant et professionnel de l’assurance, « a, à l’égard de son
client, une obligation de conseil et d’exacte information12 »
Mais il faut cependant souligner que, lorsqu’exceptionnellement, le courtier est le mandataire
de la compagnie, ses actes engageront l’assureur.
§ L’agent général
En sa qualité de mandataire de la compagnie, l’agent général, distributeur de produits
d’assurance, doit une information et un conseil le plus étendu à son mandant (la compagnie),
et seulement une juste information aux tiers sur l’étendue des garanties et des conditions du
contrat d’assurance.
Ainsi, à titre d’exemple, l’agent général ne commet pas de faute en ne vérifiant pas
l’exactitude des déclarations de l’assuré13 , ou, en n’enquêtant pas sur l’activité exacte de
l’assuré, aucun précédant du sinistre n’ayant pu révéler à l’agent l’existence de cette activité14 .
Sa qualité de mandataire de la compagnie diminue, donc, l’intensité de son devoir, puisqu’il
n’a de compte à rendre, en principe, qu’à celle-ci.
C’est pourquoi, en vertu de l’article L 511-1 du Code des assurances, les erreurs de l’agent, à
l’égard des clients, engagent la responsabilité de la compagnie d’assurances.
Par ailleurs, si la jurisprudence se montre moins exigeante à son égard, elle ne le dédouane
pas pour autant de l’obligation d’information et de conseil15 .
§ La compagnie d’assurance
Elle est, quant à elle, tenue de faire rédiger de bons contrats, de rédiger de bonnes notices,
d’expliquer les taux de rendement, les frais…
La compagnie d’assurance, comme tout professionnel, assume des devoirs de renseignement
et de conseil même si celle-ci n’est qu’une personne morale qui ne peut agir seule pour ses
actes de gestion, d’administration, de conservation… ce qui nécessite, par conséquent,
l’intervention d’une personne physique pour la représenter : dirigeants de société, mais aussi
employés ou encore agents généraux traitent le contrat, le plus souvent, directement avec le
candidat à l’assurance.
Elle peut être responsable, en premier lieu, vis à vis de ses assurés directement, et ce, de la
même manière que le fabricant est responsable de ses produits, même si ce n’est pas lui qui
les a vendus.
Ainsi, sera-t-elle tenue pour responsable en tant que mandante de tous les faits de ses
mandataires (agents généraux) ou préposés (salariés), lorsque ces actes sont commis dans
12
Cass. 1ère civ., 6 novembre 1984, Bull. civ. I, n°291
Cass. crim., 08 août 1989, RGAT 1989, p°908. Réitération par la 1ère ch. civ. le 30-09-1997, RGAT 1997,
p°1072)
14
Cass. 1ère civ., 28 mars 2000, n°97-19.225, n°645, lamyline
15
Cass. 1ère civ., 28 octobre 1986, RGAT 1986, p°610
13
8
l’exercice de leur fonction, comme en matière de responsabilité de plein droit des
commettants à l’égard de leurs préposés sur le fondement de l’article 1384, alinéa 5 du Code
civil.
En effet, l’assureur est le mandant « tenu d’exécuter les engagements contractés par le
mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné » conformément à l’article 1998 du
Code civil.
Enfin, l’assureur est civilement responsable, au terme de l’article L 511-1 du Code des
assurances, «dans les termes de l’article 1384 du Code civil des dommages causés par la
faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette
qualité, lesquels sont réputés pour l’application du présent article comme des préposés,
nonobstant toute convention contraire ».
Deux raisons expliquent cette solution :
ú
les actes, des salariés ou des agents généraux de la compagnie, sont accomplis au
nom, pour le compte et au bénéfice direct de celle-ci.
ú enfin, il s’agit ici de protéger l’assuré en lui désignant un débiteur solvable.
Par ailleurs, les compagnies doivent également des renseignements aux intermédiaires, cette
information faisant partie du contrat de distribution qu’elles ont passé avec eux : il s’agit
notamment de la fourniture par l’assureur d’une assistance technique. L’intermédiaire n’est,
en effet, qu’un généraliste et ne peut, de ce fait, connaître tous les domaines.
C’est ce que la Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 9 février 198216 , a jugé, en
sanctionnant un assureur pour faute de conseil à l’égard de son agent.
Faits : Celui-ci avait, en effet, demandé à la compagnie, s’il y avait lieu de souscrire une
garantie décennal lorsque l’assuré, propriétaire d’une entreprise de vente, ne faisait pas
construire lui-même, mais par l’intermédiaire d’un sous-traitant. Or, cette demande resta sans
réponse. Un sinistre, lié à l’écroulement d’un mur du bâtiment, engagea la responsabilité de
l’assuré, qui se retourna pour manquement à son devoir de conseil contre l’agent, lequel
appela en garantie la compagnie d’assurance.
Après avoir étudié quels étaient les professionnels de l’assurance soumis au devoir de conseil
et les conditions dans lesquelles ils sont tenus, nous allons voir que la jurisprudence a élargi le
champ des débiteurs, en intégrant, en son sein, des non professionnels.
16
Trib.ass., 1er mars 1982, p.27
9
2 - Les non professionnels de l’assurance astreints au devoir de conseil : les
souscripteurs
Il s’agira, là encore, de les définir et d’analyser leur obligation. Puis nous tenterons de
déterminer quelle est la source de leur devoir. Or nous verrons combien il est difficile de
l’appréhender, compte tenu de la diversité des statuts mis en cause par la jurisprudence.
a - Qui entend-on par intermédiaires non professionnels ? Et, en quoi consiste leur
devoir de conseil ?
§ Définition de l’intermédiaire non professionnel
Il n’existe pas de définition, à proprement parlé, de la qualité d’intermédiaire non
professionnel. Mais, de façon générale, on peut considérer que n’est pas un professionnel de
l’assurance, celui qui n’exerce pas cette profession à titre habituelle.
Cette définition très large englobe, ainsi, un grand nombre d’acteurs, qui, de manière
occasionnelle, sont amenés à rédiger ou à souscrire pour le compte d’autrui des contrats
d’assurance.
En conséquence, sont visés : les établissements de crédit ou les employeurs souscripteurs
d’une assurance de groupe, les notaires participant à une vente d’immeuble financée par un
prêt garanti par une police d’assurance, les agences de voyages ou les associations sportives,
qui sont, parfois, tenus de proposer à leurs clients ou adhérents une assurance…etc.
On remarque, de prime abord, que les personnes, exerçant à titre occasionnel cette activité,
sont le plus souvent souscripteurs du contrat d’assurance, auquel adhéreront, facultativement
ou obligatoirement, les membres du groupe qu’ils représentent. (exception faite du notaire,
rédacteur des actes et non souscripteur)
Or, au terme de l’article L 140-6 du Code des assurances, le souscripteur est réputé être, à
l’égard de l’adhérent, de l’assuré et du bénéficiaire, tant pour l’adhésion au contrat, que pour
son exécution, le mandataire de la compagnie d’assurance, ce qui conformément au 5e alinéa
de l’article L 310-12 du Code des assurances, le soumet au contrôle de la commission de
contrôle des assurances.
Mais cette présomption ne joue pas pour les contrats collectifs de prévoyance
complémentaire, les contrats d’assurance retraite, les contrats groupe emprunteurs, de même
lorsque l’assureur par convention contraire en a informé l’adhérent (article A 140-1).
Dans tous les cas, mis à la charge du souscripteur par la jurisprudence, le devoir
d’information et de conseil des adhérents, s’inscrit dans la lignée des nombreux arrêts qui
visent à protéger les consommateurs contre certains abus de puissance économique des
professionnels.
10
§ Définition du devoir de conseil du souscripteur
Le devoir de conseil peut se définir comme l’obligation mise à la charge du souscripteur,
d’assister l’adhérent aux différents stades de l’opération d’assurance. Ce devoir ne saurait,
cependant, être poussé au point de transformer le souscripteur en conseil juridique.
Contrairement au devoir d’information, il n’est d’ailleurs dû qu’aux adhérents dont les
qualités personnelles et professionnelles permettent de considérer que l’intéressé ne connaît
pas, ou n’est pas tenu de connaître, les données techniques de l’opération contractuelle 17 .
b - Le fondement de leur devoir
Ces personnes relevant de statuts juridiques différents, le fondement juridique de leur
obligation de conseil ne paraît, donc, pas évident.
Le souscripteur d’une assurance de groupe, qu’il soit banquier ou association, est tenu, en
vertu de la réglementation (article L 140-4 du Code des assurances), de remettre une notice
préalablement rédigée par l’assureur à chacun des adhérents, et aussi, de satisfaire à l’égard de
ces derniers à un devoir général de conseil et d’information mis à sa charge par la
jurisprudence.
Le devoir de conseil pourrait découler de l’obligation d’information, pour autant que ces deux
obligations soient indissociables.
Cependant, les établissements de crédit engagent leur responsabilité, toutes les fois qu’ils
manquent à leur devoir de conseil à l’occasion d’opérations qu’ils sont autorisés à effectuer :
Loi n° 84-546, 24 janvier 1984, article1er, sur l’activité et le contrôle des établissements de
crédit.
Ils étaient, par conséquent, déjà tenus à titre d’établissements bancaires, à un devoir légal de
conseil, que la jurisprudence a étendu aux contrats d’assurances qu’ils pouvaient être amenés
à souscrire pour le compte de leur client.
Quant aux associations, on prendra l’exemple des groupements sportifs, pour lesquels la Cour
de cassation n’hésite pas à affirmer qu’ils ont l’obligation, en vertu de l’article 38 de la
Loi du 16 juillet 1884, non seulement d’attirer l’attention de leurs adhérents sur leur intérêt à
souscrire une assurance de personnes couvrant leurs dommages corporels, mais encore de leur
proposer plusieurs formules de garantie leur permettant, s’ils estiment utile de contracter une
telle assurance, de choisir la garantie la mieux adaptée à leurs besoins18 . Réitération de cette
solution dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 7 avril 1998 sur le manquement à
l’obligation d’informer l’adhérent de son intérêt à souscrire une assurance
complémentaire19 . Par ailleurs, l’exécution de l’obligation d’information ne les dispense pas
de l’obligation de conseil quand celui-ci s’avère nécessaire20 .
17
Cass.civ.1ère, 2 mars 1994, RGAT 1994, p.594
Cass. civ.1ère , 13 février 96, dossier juridique et technique de l’Argus du 31-05-96, p.3
19
Cass. civ.1ère, 7 avril 1998, Bull.civ. I, n°147
18
20
Cass. civ. 1ère, 27 juin 1995, Bull.ci4v4. I, n°287
11
Pour les autres, leur obligation de conseil pourrait découler du Code de déontologie ou du
statut qui les régit, et qui intègre le conseil dans leurs prestations professionnelles (ainsi en
serait-il pour le notaire).
Enfin, pour tous ceux qui ne relèveraient pas de ces deux premières catégories, leur obligation
de conseil pourrait être considérée comme une suite logique de leur obligation contractuelle,
au sens de l’article 1134 du code civil21 .
Même si les sources semblent variées et indéterminées, la jurisprudence les considère, de
façon générale, comme tout professionnel qui se trouve face à un consommateur, et lui
applique, en fait, les dispositions de l’article L 111-1 du Code de la consommation qui
dispose que « tout professionnel, vendeur de biens ou de prestations de services doit, avant la
conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques
essentielles du bien ou du service ».
NB : l’intervention d’un tiers professionnel de l’assurance, ne dispense pas le souscripteur de
son obligation d’information22 , ni de son devoir de conseil vis à vis des adhérents23 .
B - Les créanciers du devoir de conseil
Il s’agit, en principe, du souscripteur du contrat et/ou de l’assuré, bénéficiaire de celui-ci.
Il faut, cependant, émettre un b mole à ce sujet, puisque le simple fait d’être le bénéficiaire du
contrat ne suffit pas à justifier le devoir de conseil.
En revanche, il faut rappeler que l’obligation légale d’information est due nonobstant la
qualité du créancier de l’information. De même, l’intervention d’un tiers compétent, ne
saurait-elle justifier un manquement au devoir de conseil.
Quels sont les principales qualités que doit revêtir le créancier du devoir de conseil ?
Comment les apprécier ?
Ces deux questions seront traitées successivement dans deux paragraphes distincts.
1 - Les principales qualités que doit revêtir le créancier du devoir de conseil
a - Le créancier doit être un profane
Le devoir de conseil ne peut peser que sur un professionnel se trouvant en face d’un profane,
qui a mis en lui toute sa confiance24 . Il est ainsi préférable de distinguer entre « ignorant et
sachant » ou encore entre « profane et connaisseur ».
21
Cass.soc., 30 mai 1996, Bull.civ. V, n°217 pour une mutuelle
Cass.civ.1ère, 9 décembre 1997, RGDA 98, 112, obs. Mayaux
23
Cass.civ.1ère, 10 juillet 1995, Bull.civ. I, n°418
22
12
Les juges tiennent compte des qualités personnelles et professionnelles de l’intéressé, qui peut
être un professionnel, un non professionnel ou un consommateur au sens de l’article L.132-1
du Code de la consommation.
NB : Mais, si la profession du cocontractant est un indice révélant son aptitude à comprendre
le sens et la portée de l’accord conclu, ce critère n’est pas infaillible et unique.
§ Le non professionnel
Selon la définition jurisprudentielle, le non professionnel est celui qui agit dans un domaine
n’ayant « pas de rapport direct » avec son activité.
Il s’agira, notamment, du particulier contractant pour ses besoins personnels 25 .
Mais cette qualité de « profane » est relative parce qu’évolutive selon la répétition des actes
accomplis par l’intéressé (relations d’affaire antérieure, conclusion de contrats similaires
antérieurement…)
§ Le professionnel
Lorsqu’un individu contracte dans un domaine ayant un « rapport direct » avec son activité, il
est considéré comme ayant une force économique comparable à celle du prestataire de
services.
b - Son ignorance doit être légitime
L’obligation d’information n’existe qu’à l’égard de celui dont l’ignorance est légitime, c’est à
dire qu’il ne sera créancier de l’obligation d’information qu’à la condition qu’il n’ait pas luimême le devoir de se renseigner.
Par ailleurs, si le droit des contrats prend en considération « l’incapacité présumée » du
consommateur face au professionnel et recherche un équilibre, « il n’a pas pour vocation de
protéger les imbéciles » (de non vigilantibus non curat praeter).
En effet, le devoir de conseil s’apprécie au regard des compétences respectives des partenaires
et du caractère épisodique de leurs relations. Ainsi dans un arrêt rendu par la 1ère ch. civile de
la Cour de cassation le 21 janvier 199726 , la Cour a-t-elle décidé que « seul un naïf pouvait
croire à la conjugaison bienfaisante d’une diminution de prime – près de moitié – et d’une
amélioration des garanties, mais certainement pas un professionnel du commerce ».
En conséquence de quoi, en vertu de l’obligation de bonne foi imposée par l’article
1134 alinéa 3 du Code civil, les parties doivent collaborer.
24
Cass. 3ème civ., 30 mai 1980, Bull. III, n°108 - réitération très nette dans un 2nd arrêt de la C. cass. 1ère civ.,
18 mai 1989, RCA 1989, n°267
25
Cass.civ. 1ère, 25 mars 1992, JCP G 93, I, 3655.
26
Cass.civ. 1ère, 21 janvier 1997, RGAT 1997, n°3, p.758
13
2 - L’appréciation jurisprudentielle de la qualité de créancier du devoir de conseil
La qualité de profane, traduisant l’ignorance, suppose une appréciation in concreto des
capacités du cocontractant. Les juges utilisent celle-ci, en application de principe,
systématiquement dans le cadre de leur jurisprudence27 . L’information est due à tout
contactant quelles que soient ses compétences personnelles, alors que le devoir de conseil,
phase complémentaire, est dû seulement à celui qui ne connaît pas, ou plus exactement, n’est
pas tenu de connaître, les données techniques de l’opération contractuelle.
Cette jurisprudence fut réitérée par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 3 juin
1998, au sujet d’un contrat de vente : « L’obligation d’information et de conseil du vendeur à
l’égard de l’acheteur professionnel n’existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci
ne lui donne pas les moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des
biens qui lui sont livrés. »
Elle doit ainsi être écartée à l’égard d’un « homme d’affaire rompu aux différentes techniques
boursières28 », ainsi qu’en présence d’une employée de banque maîtrisant parfaitement de
longue date « les opérations boursières puisqu’elle jouait sur des bons de souscription qui
sont des produits déjà réservés à des amateurs éclairés29 ».
Le devoir de conseil se révèle être, à travers ses différents protagonistes, une donnée aux
contours difficiles à cerner, ainsi qu’une notion évolutive dont le but avéré est de protéger le
consommateur et de l’indemniser au mieux de ses intérêts. Or nous allons voir que son
contenu ne déroge pas à ce constat d’insécurité juridique reposant sur un vice intrinsèque, non
encore résolu par la jurisprudence et par le législateur, et qui se traduit, en fait, par deux
questions : En quoi consiste, matériellement, le devoir de conseil, et quand peut-on dire qu’il
a été valablement délivré ?
27
Cass.civ. 1ère, 2 mars 1994
Cass.com., 12 juillet 1993, RGDA 96, p.11
29
Cass.com., 18 février 1997
28
14
II - LE CONTENU DE L’OBLIGATION D’INFORMATION ET DE CONSEIL
Comme dans tout rapport contractuel, l’assureur mais encore l’intermédiaire (courtier ou
agent général) et dans une certaine mesure le non-professionnel, se voient imposer une
obligation d’information et de conseil envers le profane en matière d’assurances.
Ils sont tenus d’informer ce dernier au maximum afin qu’il puisse donner un consentement
éclairé au contrat et que celui-ci soit exécuté dans des conditions normales eu égard aux
intérêts du contractant.
Si la distinction entre obligation d’information et devoir de conseil se comprend aisément sur
le plan théorique…
Information ð consiste à faire connaître à son créancier ses droits et obligations de
façon purement objective
Conseil ð va plus loin puisqu’il implique la suggestion de décision à prendre.
… dans la pratique des relations entre professionnels et clients en revanche, la distinction tend
à s’estomper, et il est rarement aisé de dire nettement où finit l’information et où commence
le conseil.
D’autant plus que l’information contient souvent un conseil implicite.
En informant un assuré que la garantie prévue par la police n’est pas suffisante, l’assureur ne
lui conseille t-il pas implicitement de faire établir un avenant pour augmenter sa garantie ?
On parlera donc d’obligation d’information et de conseil …
En dépit de règles communes à l’ensemble des contrats d’assurance en matière d’information
et de conseil, force est de constater que la particularité de certains d’entre eux s’est traduite
par l’émergence d’une obligation d’information et de conseil plus «spécifique».
Seront donc envisagées dans un premier temps les principales obligations d’information et de
conseil (communes à l’ensemble des contrats d’assurance), puis l’obligation d’information et
de conseil spécifique à certains contrats au travers de l’étude synthétique du contrat
d’assurance sur la vie et du contrat d’assurance de groupe qui en constituent une parfaite
illustration.
15
A – REGLES COMMUNES A TOUS LES CONTRATS D’ASSURANCE
L’assureur est tenu à ce devoir d’information et de conseil tant dans la phase précontractuelle
c’est-à-dire lors du choix du contrat et de sa mise au point, que dans la phase d’exécution.
1 - Obligation d’information et de conseil dans la phase précontractuelle
a - L’obligation d’information
Il appartient à l’assureur, conformément au Code des assurances, d’informer l’assuré, c’est à
dire de le renseigner précisément sur ses droits et obligations à toutes les étapes du contrat, et
en premier lieu dans la phase précontractuelle, avant même la souscription du contrat
d’assurance.
On notera toutefois que cette obligation peut dans certains cas, en fonction de la nature du
contrat d’assurance en cause être écartée (nous verrons ultérieurement les raisons qui
motivent l’existence d’une telle dérogation).
L’article L 112-2 du Code des assurances exige d’abord de l’assureur la communication écrite
d’une information précontractuelle destinée à éclairer le consentement de l’assuré.
Celle-ci se matérialise par la remise au preneur d’assurance de certains documents par
l’assureur (dans la pratique, cette charge revient surtout aux intermédiaires, que ce soit le
courtier ou l’agent général, en raison de leur contact direct avec le client).
En premier lieu, l’assureur doit obligatoirement fournir une fiche d’information sur le prix
et sur les garanties (nature de la garantie, exclusion, prime, plafonds et franchises) avant la
conclusion du contrat conformément à l’article L 112-2, alinéa 1 du Code des assurances.
Cette fiche ne constitue qu’une simple information, mais sa délivrance est pour l’assureur une
obligation inconditionnelle, même si l’assuré ne lui en fait pas la demande.
Cette fiche a pour objectif de permettre au consommateur de faire jouer la concurrence en
procédant à une comparaison des tarifs.
La loi ne prévoit aucune sanction spéciale à l’encontre de l’assureur qui ne remet pas la fiche
d’information. Relevant du devoir d’information, la sanction peut être soit la nullité du contrat
conclu par la suite si le défaut d’information correspond à un vice du consentement de
l’assuré30 , soit la responsabilité civile précontractuelle de l’assureur, si le demandeur parvient
à démontrer qu’il a subi un préjudice.
30
Cass., 1ère civ., 19 juin 1985, JCP 1985, éd. G, I, 14384
16
Ensuite, l’assureur doit remettre à l’assuré, toujours avant la conclusion du contrat, un
exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes (conditions générales,
conventions spéciales et conditions particulières) ou une notice d’information sur le
contrat, qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les
obligations de l’assuré (article L 112-2, alinéa 2 du Code des assurances).
L’objet de cette obligation est alternatif. L’assureur doit donner soit le projet de contrat et ses
pièces annexes, soit une notice d’information sur le contrat. La loi posant une équivalence de
valeur informative entre l’un et l’autre, l’assureur, débiteur de l’obligation légale, peut
imposer le document de son choix. Telle est la règle du droit commun des obligations
alternatives (article 1190 du Code civil : « le choix appartient au débiteur, s’il n’a pas été
expressément accordé au créancier »).
Enfin, l’assuré doit être informé de la loi applicable au contrat, lorsque ce n’est pas la loi
française, ainsi que des modalités d’examen des réclamations qu’il peut présenter, et de
l’adresse de l’assureur.
§ Preuve de la remise des documents :
Selon le droit commun, c’est à l’assureur de prouver qu’il a effectivement communiqué ces
informations à l’assuré.
Un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 199731 (rendu au visa de l’article 1315 du Code
civil, en matière de RC médicale) rappelle que « celui qui est légalement ou contractuellement
tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de
cette obligation ».
L’article R 112-3 du Code des assurances dispose que cette preuve est acquise par la mention
signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle il reconnaît avoir
reçu au préalable les documents et où il précise leur nature et la date de leur remise.
§ L’absence de sanction : remise des documents non assortie de sanction
L’assureur peut ne pas se sentir obligé de remettre les documents, voire invoquer pour sa
défense, la négligence de l’assuré qui aurait dû exiger la communication des conditions
générales du contrat.
Si la remise des documents a bien été effectuée, encore faut-il que leur rédaction permette au
profane de pouvoir s’engager en toute connaissance de cause ?
31
Cass.1ère civ., 25 février 1997, RGDA 1997, p.852
17
Dans la pratique, on constate que ces documents sont souvent rédigés dans un langage très
technique, ce qui les rend difficilement accessible au profane.
Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’intérêt et l’efficacité de cette remise ?
Il appartient donc à l’assureur d’être vigilant sur ce point et de veiller à améliorer le langage
utilisé dans les documents à remettre au souscripteur d’assurance.
Mais attention : il n’y a pas que l’assureur qui ait des obligations. L’assuré doit également
informer l’assureur. L’article L 113-2 du Code des assurances lui impose de répondre
exactement aux questions de l’assureur sur les circonstances de nature à faire apprécier le
risque pris en charge.
De la même façon, l’obligation d’information de l’assureur ne doit pas être comprise comme
autorisant une passivité totale du souscripteur.
Le TGI de la Roche sur Yon a ainsi jugé en 1986 que « le souscripteur est une personne
adulte qui doit au moins faire l’effort de lire et comprendre les termes clairs et explicites de
la police ou des autres documents qu’on lui remet ».
Les informations données par les assureurs au travers de l’ensemble de ces documents
participent du devoir d’information exigé par la loi, mais n’exonèrent pas les assureurs d’un
devoir de conseil.
b - Le devoir de conseil
L’information a pour caractéristique d’être générale, commune à un grand nombre. Le conseil
au contraire, est par nature individuel, propre à chaque individu ou à une catégorie
d’individus.
Il est imposé à l’assureur, non plus une obligation légale précise, mais un devoir, plus général
de conseil, manifestation particulière du devoir de loyauté de l’assureur envers l’assuré
d’avertir son client avant la conclusion du contrat de tel ou tel danger qui le menace. Le
devoir de conseil suppose que le débiteur oriente la décision de l’assuré, en mettant en
lumière son opportunité même.
L’assureur est ainsi tenu d’accomplir un certain nombre de recherches, d’études préalables,
d’effectuer certaines démarches (cas du courtier qui tente d’obtenir des conditions
avantageuses pour son client), mais également de conseiller son client quant à l’opportunité
même des décisions à prendre, en lui indiquant la voie qui lui paraît la meilleure.
18
Ex : conclure ou ne pas conclure le contrat si celui-ci paraît contraire à ses intérêts ou à ses
besoins (car le devoir de conseil comprend aussi celui de déconseiller).
2 - Obligation d’information et de conseil durant l’exécution du contrat
a - L’obligation d’information
L’obligation d’information à la charge de l’assureur subsiste lors de l’exécution du contrat.
Par exemple, les clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions doivent
figurer en caractères très apparents (cf : article L 112-4 du Code des Assurances).
La jurisprudence complète les exigences légales en sanctionnant l’assureur, l’agent général ou
le courtier qui manque à son obligation au delà de la conclusion de la police.
C’est le cas par exemple de l’assureur qui encaisse sans faire de réserve le paiement tardif
d’une prime laissant ainsi croire à l’assuré qu’il a renoncé à résilier la police, alors que telle
n’était pas son intention32 .
D’une manière générale, l’assureur ou l’intermédiaire qui laisse l’assuré dans l’illusion d’être
couvert alors qu’il ne l’est pas, ou qui ne l’informe pas de la date à partir de laquelle la police
lui fournira à nouveau une garantie après une suspension, manque à son devoir
d’information33 .
b - Le devoir de conseil
Pour être certain de s’acquitter correctement du devoir de conseil reposant sur lui, son
débiteur doit, selon la formule, déjà mentionnée, de Saint-Affrique :
ú
chercher à savoir : en s’informant et en effectuant toutes investigations
nécessaires pour connaître parfaitement la situation de celui auquel le conseil est
destiné (et notamment les évolutions concernant la situation personnelle ou
patrimoniale)
ú
faire savoir : en informant et en éclairant les créanciers du devoir de conseil sur
la nature, les risques et la portée de dispositions à prendre ou d’actes à accomplir
ú
savoir guider : en avertissant et en mettant en garde ceux au profit desquels
s’exerce ce devoir
32
33
Cass., 1ère civ., 2 octobre 1984, Bull.civ. I, n° 241
CA Colmar, 1ère ch. civ., 13 septembre 1989, Juris -Data n°046718
19
On notera également que le conseil subsiste après la réalisation du sinistre. Ainsi, l’assureur
qui n’a pas réclamé à l’assuré les pièces nécessaires pour mettre en œuvre la garantie
(notamment un état chiffré des dommages causés par le vol) manque à son obligation de
conseil34 .
B – L’OBLIGATION D’INFORMATION ET DE CONSEIL SPECIFIQUE A CERTAINS CONTRATS
Le contrat d’assurance de groupe présente la particularité d’être souscrit par une entreprise,
une banque, une association, ou un groupement ne bénéficiant pas directement des garanties.
Les adhérents ou assurés, bénéficiaires de l’assurance, paient les primes mais ne participent
pas à la négociation du contrat, et ne sont pas signataires des conditions générales ou
particulières.
Comment s’opère, dans ces conditions, la répartition des rôles en matière d’information et de
conseil entre assureur et souscripteur ?
Le contrat d’assurance sur la vie quant à lui est soumis à une obligation d’information et de
conseil dite « renforcée ».
Quelles sont les modalités d’exercice de cette obligation compte tenu tant des dispositions
spécifiques du Code des assurances relatives à ce type de contrat, que de la multitude
d’intervenants lors de la souscription et de la gestion du contrat d’assurance vie.
1 - Obligation d’information et de conseil et assurance de groupe
Le contrat d’assurance de groupe est défini à l’article L 140-1 du Code des assurances :
« Est un contrat d’assurance de groupe le contrat souscrit par une personne morale ou un
chef d’entreprise en vue de l’adhésion d’un ensemble de personnes répondant à des
conditions définies au contrat, pour la couverture des risques dépendant de le durée de la vie
humaine, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la
maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque de chômage.
Les adhérents doivent avoir un lien de même nature avec le souscripteur ».
Cette définition traduit l’existence d’une relation triangulaire : un contrat conclu entre un
assureur et un souscripteur, parties au contrat, au profit de personnes qui viendront
ultérieurement adhérer à la convention.
L’obligation d’information pèse non seulement sur l’assureur mais également sur le
souscripteur, bien qu’il ne soit pas professionnel de l’assurance.
34
CA Pau, 1ère ch., 22 décembre 1987, Juris -Data n° 047609
20
a - L’obligation d’information
La remise de l’intégralité du contrat d’assurance de groupe à tous les adhérents est
matériellement impossible.
La loi, notamment le Code des assurances, et la jurisprudence ont organisé leur information
sur le contenu des garanties, leurs droits et également leurs obligations.
Une notice d’information doit leur être remise par le souscripteur pour les renseigner.
Il s’agit d’un résumé des dispositions contractuelles, destiné à renseigner les adhérents de
façon claire et complète sur les conditions et les limites du contrat d’assurance.
Cette obligation est prévue par l’article L 140-4 du Code des assurances pour tous les contrats
collectifs (à une exception près, les assurances de groupe ayant pour objet la garantie de
remboursement d’un emprunt régies par des lois spéciales). Ce texte oblige le souscripteur,
donc l’entreprise, l’association ou le groupement à remettre à l’adhérent une notice établie par
l’assureur qui définit les garanties et leurs modalités d’entrée en vigueur ainsi que les
formalités à accomplir en cas de sinistre.
§ La preuve de la remise de la notice à l’adhé rent et de l’information relative aux
modifications contractuelles incombe au groupement.
La loi du 31 décembre 1989 répartit les rôles entre l’assureur et lui.
La notice est rédigée par l’assureur sous sa propre responsabilité. Il est en effet le responsable
de la rédaction du contrat (il est la personne avertie et parfaitement compétente pour établir un
tel document).
Les indications contenues dans la notice sont essentielles puisqu’elles sont seules opposables
aux adhérents. C’est à la notice que se réfère la jurisprudence pour déterminer les droits et
obligations des assurés35 .
La notice d’information doit résumer de façon claire et précise les droits et obligations de
chaque partie et reprendre notamment :
35
ú
la nature du contrat et des garanties
ú
le montant des différentes garanties et les franchises applicables à chaque poste
Cass. 1ère civ. 10 juin 1981, RGAT 1982, p.337
21
ú
les nullités, les déchéances, les exclusions ou les limitations des garanties, en
caractères apparents
ú
les formalités à accomplir en cas de sinistre : délais de déclaration, organismes
gestionnaires, pièces à réunir, modalités de désignation des experts, arbitrage
ú
délai de prescription
ú
durée des garanties
ú
modalités de résiliation
ú
taux et montants des primes
Le souscripteur n’a pas cette compétence rédactionnelle, mais il est en relation avec l’assuré.
C’est pourquoi c’est à lui qu’incombe la responsabilité de remettre la notice à l’adhérent. Il lui
appartient de garder une preuve de cette remise (accusé de réception ou récépissé précisant de
la main de l’adhérent qu’il a reçu ce document)36 .
Le souscripteur est tenu d’une obligation d’information afin de ne pas induire l’adhérent en
erreur. S’il est démontré que le souscripteur a fourni à ce dernier une interprétation inexacte
des termes de la notice, qu’il lui a donné des indications erronées ou qu’il ne l’a pas informé
des décisions de l’assureur, sa responsabilité peut être engagée.
Il est débiteur de cette obligation d’information quelles que soient les compétences
personnelles et professionnelles de l’adhérent.
Doit être considéré comme n’ayant pas satisfait à son devoir d’information le souscripteur
qui :
ú
n’a pas fait savoir à l’adhérent qu’il lui est impossible, en raison de son âge de
bénéficier de la garantie37
ú
n’a pas informé l’adhérent du refus de l’assureur d’accepter sa demande
d’adhésion38
Par ailleurs, aux termes de l’article L 140-4 du Code des assurances, « le souscripteur est tenu
d’informer par écrit les adhérents des modifications qu’il est prévu, le cas échéant,
d’apporter à leurs droits et obligations.
36
Cass.1ère 9décembre 1992, RGAT 1993, p.332, note Kullmann
Cass 1ère civ. 20 juin 1979, RGAT 1980, p.222, note BESSON
38
Cass. 1ère civ. 22 février 1984, RGAT 1985, p.278, note J.L AUBERT
37
22
La preuve (…) de l’information relative aux modifications contractuelles incombe au
souscripteur.
L’adhérent peut dénoncer son adhésion en raison de ces modifications ».
Aucune sanction spécifique en cas de défaut d’information n’est prévue. Il convient donc de
se référer à la jurisprudence qui prévoit, soit :
ú
la mise en jeu de la responsabilité civile du souscripteur pour le préjudice causé
à l’adhérent du fait du défaut d’information
ú
l’inopposabilité à l’adhérent des modifications dont il n’a pas eu connaissance39
Mais une autre obligation est également mise à la charge du souscripteur, qui consiste cette
fois à assister l’adhérent aux différents stades de l’opération d’assurance.
b - Le devoir de conseil
Contrairement au devoir d’information, ce devoir de conseil n’est dû qu’aux adhérents dont
les qualités personnelles et professionnelles permettent de considérer que l’intéressé ne
connaît pas ou plus exactement n’est pas tenu de connaître les données techniques de
l’opération contractuelle40 .
Ont ainsi été considérés comme ayant manqué à leur devoir de conseil :
ú
le souscripteur qui n’a pas indiqué à l’adhérent qu’il devait adresser directement
à l’assureur et dans un certain délai sa déclaration de sinistre41
ú
l’établissement de crédit, souscripteur d’un contrat d’assurance de prêt, qui avait
mal conseillé 2 concubins emprunteurs sur l’adaptation nécessaire de l’assurance
suivant que l’immeuble financé par le prêt était acheté par l’un d’entre eux ou en
indivision42 .
En revanche, la responsabilité d’un établissement de crédit a été écartée pour manquement à
son devoir de conseil :
ú
dès lors que les adhérents ont été parfaitement informés par la remise de la
notice, de la nature de l’invalidité couverte, le souscripteur n’était pas tenu
39
Cass.1ère civ. 23 juin 1998, RGDA 1998, p.761, note L.FONLLADOSA
Cass. 1ère civ. 2 mars 1994, RGAT 1994, p.594, note Kullmann
41
Cass. 1ère civ. 18 décembre 1985, bull. civ. I, n° 357
42
Cass. 1ère civ. 11 juillet 1988, RGAT 1988, p.837, note J.L AUBERT
40
23
d’attirer leur attention sur le caractère restrictif de la définition du risque garanti,
ni de leur conseiller de contracter une assurance complémentaire43 .
2 - Règles spécifiques au contrat d’assurance sur la vie
a - L’obligation d’information
Pour tous les contrats d’une durée supérieure à deux mois, l’article L 132-5-1 du Code des
assurances impose à l’assureur, d’une part, de faire figurer sur la proposition certaines
mentions obligatoires et, d’autre part, de remettre contre récépissé au souscripteur une note
d’information.
Ces obligations sont sanctionnées par la prorogation du délai de renonciation.
§ Mentions obligatoires de la proposition d’assurance
La proposition d’assurance doit obligatoirement indiquer :
ú
le montant des valeurs de rachat (rachat : remboursement anticipé par l’assureur
de l’épargne constituée, au souscripteur qui en fait la demande. Lorsqu’il est total,
il met fin au contrat).
Pour tous les contrats qui en comportent, l’assureur doit indiquer sur la proposition
d’assurance le montant des valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années
au moins.
Sanction : prorogation du délai de renonciation
Particularité des contrats multisupports (…) : il est impossible pour un nombre d’unités de
compte connu d’indiquer des valeurs de rachat en raison des variations de cours des valeurs
choisies comme support.
L’article L 132-22 du Code des assurances exige également une information annuelle des
assurés sur le montant de la valeur de rachat ou de réduction (réduction : diminution des
garanties prévues au contrat à la suite du non-paiement des primes).
ú
la faculté de renonciation
Conformément à l’article L 132-5-1 du Code des assurances : toute personne physique qui a
signé une proposition d’assurance ou un contrat a la faculté d’y renoncer par LRAR pendant
le délai de 30 jours à compter du premier versement (droit introduit par la loi du 7 janvier
1981)
43
Cass. 1ère civ., 1er décembre 1998, RGDA 1999, p.426 note Kullmann
24
Il appartient à l’assureur de faire figurer sur la proposition un projet de lettre de renonciation
et de préciser dans une note d’information, les modalités et les conséquences de l’exercice de
la faculté de renonciation (restitution de la totalité des sommes versées à l’assuré dans un
délai de 30 jours à compter de la réception de la LR).
Par exemple :
« Monsieur le Directeur,
Je soussigné (nom, prénom, adresse du proposant) déclare renoncer au contrat à émettre sur
la base de la proposition n° …que j’ai signée le …et demande le remboursement du
versement que j’ai effectué (date du règlement)
Date et signature ».
§ Note d’information
L’article L 132-5-1 du Code des assurances impose à l’assureur de communiquer au
souscripteur « contre récépissé, une note d’information sur les dispositions essentielles du
contrat, sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la
garantie décès en cas d’exercice de cette faculté de renonciation ».
Un arrêté du 21 juin 1994, codifié sous l’actuel article A 132-4 du Code des assurances, a
précisé les mentions à faire figurer dans la notice d’information.
Doivent être communiquées au preneur d’assurance, préalablement à la conclusion du contrat
les informations suivantes :
ú
éléments d’identification de l’assureur (nom de l’entreprise d’assurance et forme
juridique, adresse de son siège social)
ú
nom commercial du contrat et ses caractéristiques (définition contractuelle des
garanties offertes ; durée du contrat ; modalités de versement des primes ; délai et
modalités de renonciation au contrat ; formalités à remplir en cas de sinistre,
indications générales sur le régime fiscal applicable au contrat …)
ú le rendement minimum garanti et la participation (taux d’intérêt garanti et durée
de cette garantie ; modalités de calcul et d’attribution de la participation aux
bénéfices…)
ú procédure d’examen des litiges (service spécifique auprès duquel doivent être
formulées les éventuelles réclamations ? ; possibilité de saisir un médiateur).
25
Outre la remise de ces documents, le débiteur de l’obligation d’information doit, lors de la
souscription, attirer l’attention du candidat à l’assurance sur certains points.
Ainsi, l’assureur, le gestionnaire de patrimoine ou encore l’intermédiaire, ne peut vanter les
mérites du contrat d’assurance sur la vie, et notamment la faculté de rachat lui permettant de
disposer à tout moment de tout ou partie du capital garanti, en s’abstenant de l’informer sur
les risques d’indisponibilité des fonds en cas d’acceptation par le bénéficiaire de la stipulation
faite à son profit.
Dans le cas contraire, la sanction est immédiate :
Le TGI de Belfort, dans une décision en date du 23 mars 199944 relève qu’aucun des
documents remis lors de la souscription ne fait état d’une indisponibilité des fonds, et qu’il
appartenait au minimum à l’assureur d’attirer l’attention du souscripteur sur ce risque.
Est donc caractérisé le manquement par l’assureur à son obligation d’information. Celui-ci
doit réparer le préjudice subi par le souscripteur (sanction financière).
Impact pour les assureurs : veiller à insérer dans les conditions générales des clauses
informant le souscripteur du risque résultant de l’acceptation du contrat par le bénéficiaire et
de l’indisponibilité du capital sans le consentement du bénéficiaire acceptant.
b - Le devoir de conseil
Le contrat d’assurance sur la vie met en scène une multitude d’intervenants (notaire, assureur,
banquier, conseiller en gestion de patrimoine…) tous débiteurs d’un droit de conseil.
Chacun doit veiller, à son propre niveau, à l’adaptation du contrat à la situation patrimoniale
et personnelle de l’assuré, tant lors de la souscription que lors de la gestion du contrat
d’assurance sur la vie.
L’enjeu est de taille, puisqu’une mauvaise appréciation de la situation personnelle de l’assuré
peut aboutir à priver purement et simplement le contrat de toute efficacité.
Ainsi, lors de la souscription, il est important de veiller au respect des règles de droit
patrimonial de la famille (droit des incapacités, droit des régimes matrimoniaux…) en
recueillant, le cas échéant, les consentements et autorisations qui peuvent s’imposer (en cas de
souscription par un mineur, un majeur placé sous tutelle ou sous curatelle...par exemple)
La vérification de la situation patrimoniale de l’assuré est également nécessaire :
Ainsi, une mauvaise appréhension de l’étendue du patrimoine pourrait avoir pour
conséquence fâcheuse, sur le fondement de la notion de primes manifestement exagérées, la
44
TGI Belfort, 23 mars 1999, dossier juridique et technique de l’Argus du 29 octobre 1999, p. IV
26
remise en cause de l’opération d’assurance et la réintégration d’une partie du capital décès
dans l’actif successoral de l’assuré (avec les conséquences fiscales pénalisantes qui en
découlent, notamment la perte de la fiscalité spécifique à l’assurance sur la vie).
Le principe est que les primes versées par le souscripteur pour un contrat d’assurance sur la
vie ne sont ni rapportables à la succession, ni réductibles.
Toutefois, afin d’éviter que l’assurance sur la vie ne constitue un moyen de léser gravement
les héritiers du souscripteur, l’article L 132-13 du Code des assurances pose une exception :
eu égard « aux facultés » du souscripteur, « le caractère manifestement exagéré » des primes
peut être invoqué. Si tel est le cas, les primes seront réduites ou réintégrées dans la
succession45 .
Lors de la gestion du contrat, cette vigilance doit être maintenue.
Il faudra ainsi prendre garde à adapter la clause bénéficiaire formulée au profit du conjoint, en
cas de divorce de l’assuré.
Le bénéficiaire est en effet la personne qui revête cette qualité lors de la survenance du risque.
Une modification peut se révéler alors souhaitable 46 .
De la même façon, il peut-être judicieux en cas de prédécès de l’un des bénéficiaires de
réactualiser la clause bénéficiaire du contrat.
Exemple : clause bénéficiaire : « mes enfants » (prévoir de compléter la clause par
l’indication suivante : « mes enfants nés ou représentés ».
Afin d’anticiper la survenance ultérieure d’enfants : « mes enfants nés ou à naître ».
Force est donc de constater, que tant l’obligation d’information, que le devoir de conseil
imposent à leurs débiteurs une vigilance de tous les instants s’ils veulent éviter la mise en
cause de leur responsabilité et se protéger des effets dévastateurs du contentieux.
En quelques années, l’obligation d’information et de conseil en matière d’assurance est
devenue la principale cause des actions en responsabilité contre l’intermédiaire
d’assurance !
Le meilleur moyen de se défendre consiste alors à démontrer que l’obligation d’information
et de conseil a été correctement remplie (écrits à l’appui prenant acte des informations et
conseils prodigués à l’assuré), ou que, compte tenu des circonstances, information et conseil
n’était pas dus…
45
Cass. Civ.1ère, 1er juillet 1997, RGDA 1997, n° 3, p.821, note BIGOT. Voir également CA Paris, 30 mai 2000,
Responsabilité civile et Assurances, janvier 2001, p.22, n° 31, note GRYNBAUM.
46
Cass.civ.1ère, 13 juin 1995, Juris -Data n° 001543
27
DEUXIEME PARTIE : L’INEXECUTION DU DEVOIR DE CONSEIL
I – LE CONSEIL N’EST PAS DU : LES LIMITES DU DEVOIR DE CONSEIL
Le contentieux de la responsabilité civile des prestataires de services intellectuels tenus à un
devoir de conseil ne cesse de s’accroître depuis plusieurs années, l’assureur étant aujourd’hui
lourdement chargé d’un devoir de conseil à raison de sa compétence technique. Il est un
connaisseur face à un non initié.
Mais, cette vision est quelque peu caricaturale car les données ont évolué. Le client étant
beaucoup plus averti, le devoir de conseil pesant sur l’assureur connaît différentes limites. En
effet, on ne saurait tout exiger des spécialistes dont la responsabilité doit dans certaines
circonstances, être allégée, en fonction, notamment de la personnalité du cocontractant et du
contexte de l’accord.
L’intensité du devoir de conseil varie en fonction de la compétence du cocontractant, plus ou
moins apte à apprécier le contenu du service fourni. Les juges tiennent compte des qualités
personnelles et professionnelles de celui-ci, qui peut être un professionnel, un non
professionnel ou un consommateur au sens de l’article L 132-1 du Code de la consommation :
Ce sont les limites subjectives.
Ensuite, il existe des limites objectives au devoir de conseil pesant sur l’assureur, tenant à
l’étendue du mandat que lui confie le client, d’une part, et aux termes du contrat d’assurance,
d’autre part, l’assureur n’ayant pas à communiquer au souscripteur certains renseignements
excédant le cadre de l’opération d’assurance. Nous verrons donc successivement les limites
subjectives (1) et les limites objectives (2).
A - LES LIMITES SUBJECTIVES
Les limites subjectives sont relatives aux débiteurs (1) et aux créanciers du devoir de conseil
(2).
1 - Concernant les débiteurs du devoir de conseil
Il convient de distinguer le cas des professionnels de l’assurance (a) de celui des non
professionnels de l’assurance (b).
a - Les professionnels de l’assurance
Nous verrons les limites au devoir de conseil pesant sur les professionnels de l’assurance par
l’énoncé de principes généraux, puis par des illustrations jurisprudentielles.
28
§ Principes généraux
Tout d’abord, le devoir de conseil trouve une limite dans les connaissances qu’un assuré peut
normalement attendre d’un professionnel de l’assurance, ce dernier ne pouvant à l’évidence
être supposé tout connaître. Donc, l’assureur, l’agent et le courtier ne sont que des
professionnels de l’assurance, ils ne sont ni spécialistes de sécurité, ni ingénieurs.
Ensuite, il convient de signaler que le professionnel de l’assurance n’a pas à vérifier les
déclarations de l’assuré, notamment dans l’établissement de la proposition d’assurance ou
dans le questionnaire qui y est joint. Par exemple, il n’est pas tenu de vérifier la surface
développée d’un immeuble devant être couvert par la police, l’activité professionnelle
déclarée par l’assuré, l’absence de sinistre antérieur. Ceci rejoint l’obligation de bonne foi
imposée par l’art 1134 al 3 du code civil et pesant sur l’assuré, ce dernier devant renseigner
l’assureur pour la bonne appréciation du risque. Dès lors, il est logique de ne pouvoir
invoquer à l’encontre du professionnel de l’assurance un manquement à son devoir de conseil
si l’assuré commet des erreurs ou omissions dans la déclaration du risque.
Pour mesurer correctement la portée de ces principes, il convient de les illustrer par des
exemples jurisprudentiels.
§ Illustrations jurisprudentielles
Nous examinerons successivement la jurisprudence relative à l’assureur, à l’agent général et
au courtier.
ú
l’assureur
Comme cela a été dit précédemment, l’assuré doit fournir à l’assureur les éléments
indispensables à l’objet du contrat.
Ainsi, dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 15
Janvier 1991, la responsabilité de l’assureur a été écartée car l’assuré n’a pas porté à la
connaissance de l’assureur une information qui lui aurait permis d’offrir les garanties les plus
adaptées.
De même, l’assureur n’est pas tenu de vérifier que l’assuré remplit bien les conditions
auxquelles la police subordonne les conditions de la garantie.
Tel est le cas par exemple dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de
cassation en date du 13 Janvier 198747 : le souscripteur d’une assurance automobile fait
assurer en son nom un véhicule qui appartient à son fils, parce que celui-ci aurait dû supporter
47
Cass. 1ère civ., 13 janvier 1987, D 1987, somm. 329
29
la majoration de prime qui frappe les jeunes conducteurs. On ne peut dans de tels cas
invoquer à l’encontre de l’assureur un manquement à son devoir de conseil.
ú
l’agent général
Les mêmes principes sont applicables à l’agent général. Selon un arrêt de la première chambre
civile de la Cour de cassation en date du 14 Mars 2000, a été écartée la responsabilité d’un
agent général à qui l’assuré n’avait pas transmis l’intégralité d’un rapport en vue de
l’établissement d’un avenant portant réévaluation des biens assurés.
De même, est écartée la responsabilité de l’agent général à propos d’un défaut d’assurance
concernant une activité dont il n’a jamais eu connaissance48 .
Dans le même esprit, la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er Février 2000, a jugé qu’il
n’appartenait pas à l’agent général de vérifier l’exactitude des déclarations de l’assuré quant à
la valeur déclarée49 .
ú
le courtier
Le courtier ne peut pas non plus donner une information qu’il ignore. Il a été jugé à propos
d’une demande de modification de désignation du bénéficiaire d’une assurance de groupe,
demande qui a été reçue par l’employeur souscripteur mais non transmise au courtier
d’assurance, qu’on ne pouvait reprocher à ce dernier un manquement à son devoir de
conseil50 .
De même, selon un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 19
Janvier 199451 , doit être écartée la responsabilité du courtier pour manquement au devoir de
conseil dans le cas où « il n’est pas établi que le courtier ait connu la valeur locative réelle et
ait volontairement minoré le montant du capital assuré et qu’il n’appartenait pas à celui-ci de
procéder lui-même à une évaluation des biens pour laquelle il n’avait aucune compétence
étant observé que l’assuré avait une parfaite connaissance de l’insuffisance de garantie
puisqu’il avait fait procéder à une évaluation par un cabinet d’experts sans aviser le courtier
de ses résultats ».
Par ailleurs, contrairement à la doctrine qui estime que les courtiers sont responsables de tout
préjudice subi par un assuré en cas d’insolvabilité d’une société d’assurances, la jurisprudence
considère qu’aucune faute ne peut être reprochée à un courtier (ex : CA Grenoble, 7 Mars
1997).
48
Cass. 1ère civ., 12 Janvier 1999,RGDA 99, p 436, note L.Fonlladosa
Cass.1ère civ., 1er février 2000, RCA 2000, n°130
50
Cass. 1ère civ., 17 Novembre 1998
51
Cass. 1ère civ., 19 janvier 1994, RGAT 94, p.906
49
30
A l’examen de la jurisprudence, on constate que le devoir de conseil fait l’objet d’une
extension mesurée. Les juges sont encore plus souples avec les non professionnels.
b - Les non professionnels de l’assurance
Nous examinerons les limites du devoir de conseil pesant sur la banque et sur le souscripteur
en matière d’assurance de groupe.
§ La bancassurance et le principe de non ingérence
En vertu du principe de non ingérence, on ne peut dans certains cas reprocher au banquier un
manquement à son devoir de conseil. Ce principe pourra ainsi être opposé par le banquier au
client qui lui reproche d’avoir fourni une prestation sans précaution suffisante, mais sur ses
propres instructions.
§ Le souscripteur en matière d’assurance de groupe
Comme il a été dit précédemment, le souscripteur est lourdement chargé d’un devoir de
conseil au profit de l’adhérent, mais il ne faut pas pousser ce devoir trop loin au point de
traiter l’adhérent comme un incapable. Ainsi, il n’y a pas lieu de conseiller l’assuré sur des
choses simples. Par exemple, on ne peut reprocher au souscripteur de n’avoir pas effectué une
diligence aux fins d’attirer l’attention de son client sur le fait qu’il est malhonnête d’essayer
de frauder une compagnie52 .
Ensuite, la remise d’une notice claire et complète, d’ailleurs rédigée par l’assureur, amène le
souscripteur à prouver qu’il a rempli son devoir d’information, qu’il n’a pas commis de faute,
et l’exonère de toute responsabilité. Par exemple, selon un arrêt de la première chambre civile
de la Cour de cassation en date du 1er Décembre 199853 , lorsque les adhérents sont
parfaitement informés par la notice, le souscripteur n’est pas obligé de leur conseiller de
contacter une assurance complémentaire.
Enfin, en vertu du principe de bonne foi et de coopération de l’adhérent, on ne peut dans
certains cas retenir la responsabilité du souscripteur pour manquement à son devoir de
conseil. Par exemple, selon un arrêt de la première chambre civile du 14 Mars 2000, lorsqu’en
connaissance de cause, un adhérent n’a pas sollicité son adhésion à l’assurance de groupe, il
ne peut être reproché à une banque et à tout souscripteur de contrat de groupe, d’avoir manqué
à son devoir d’information et de conseil.
De même, selon un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 28 Mars
2000, le souscripteur ne saurait voir sa responsabilité engagée pour n’avoir pas rappelé le
52
53
Cass. 1ère civ., 13 Novembre 1997, l’Argus 28 Novembre 1997, p. 43
L’Argus « Spécial jurisprudence » du 26 Mars 1999, p.24
31
principe de bonne foi qui s’impose en matière contractuelle ou les conséquences de sa
transgression, à l’adhérent.
§ Cas particulier des associations sportives
Si l’on examine la jurisprudence, le souscripteur d’une assurance groupe n’est pas tenu de
conseiller à l’assuré de souscrire une assurance complémentaire, tandis que le club sportif
l’est. Mais cette contradiction s’explique aisément. C’est en effet en vertu de la loi que
l’association sportive est tenue de préciser ce que couvre l’assurance souscrite et donc de
conseiller la souscription d’une assurance complémentaire. Cela paraît justifié dans la mesure
où l’association est la mieux à même de connaître les risques encourus par les sportifs. En
revanche, aucune obligation légale ne pèse sur le souscripteur d’une assurance groupe et il
serait fort sévère de lui imposer une obligation de conseil portant sur l’étendue d’une garantie,
car la plupart du temps ce n’est pas un professionnel de l’assurance.
2 - Concernant les créanciers du devoir de conseil
Tout d’abord, les limites subjectives de l’obligation de conseil tiennent compte de la qualité
de l’assuré. Si on en revient à notre postulat de départ : le devoir de conseil est imposé à
raison : 1° de la connaissance de l’assureur, 2° de l’ignorance de l’assuré, pour éviter que le
premier profite abusivement de l’incompétence du second. Si tel est le cas, il n’y a rien à
redire. Mais lorsque la situation est inversée, la règle doit changer puisqu’elle perd sa raison
d’être.
Donc, des limites au devoir de conseil s’imposent tant à raison de la connaissance de l’assuré
que de l’ignorance légitime de l’assureur. Autrement dit, à chaque fois qu’un des deux motifs
cumulatifs de l’existence du devoir de conseil n’existe pas, ce devoir ne peut pas naître. Le
devoir pesant sur l’assureur est donc d’intensité variable selon les connaissances de son
interlocuteur : plus ce dernier est avisé, moins son besoin de conseil sera fort.
Ensuite, en vertu de l’obligation de bonne foi imposée par l’article 1134 al 3 du Code civil,
l’assuré doit collaborer, il doit fournir à l’assureur les renseignements indispensables à l’objet
du contrat.
En outre, le devoir de conseil connaît une autre limite qui trouve son fondement dans le
principe de bonne foi : c’est le devoir pour l’assuré de se renseigner.
Enfin, nous verrons que l’efficacité du conseil échappe au pouvoir du donneur de conseil, le
créancier étant libre de suivre ou non de suivre le conseil donné.
32
Nous verrons donc successivement les limites tenant à la qualité de l’assuré (a), les limites
tenant à son obligation de bonne foi et à son obligation de se renseigner (b), puis les limites
tenant à la liberté pour l’assuré de suivre le conseil donné (c).
a - Les limites tenant à la qualité de l’assuré
La jurisprudence tient compte de l’aptitude personnelle de l’assuré ou du proposant à
appréhender l’opération d’assurance. Les juges statuent sur ce point au cas par cas.
Naturellement, ils sont plus sévères à l’égard de professionnels avisés, parfaitement
conscients des risques, qu’à l’égard des personnes totalement ignorantes en matière
d’assurance. La compétence professionnelle justifie d’ailleurs les différentes intensités du
devoirs de conseil. En effet, le devoir de conseil est relatif. Si la profession du contractant de
l’assureur est un indice révélant son aptitude à comprendre le sens et la portée de l’accord
conclu, elle n’est pas un critère infaillible et unique, c’est pourquoi il est préférable de
distinguer entre profane et connaisseur.
En effet, la qualité de profane traduisant l’ignorance suppose une appréciation in concreto des
capacités du cocontractant dépendant d’un faisceau d’indices et révélant les rapports de force
entre les cocontractants.
Si la personnalité des parties intervient nécessairement pour déterminer l’existence de
l’obligation de conseil quand l’examen révèle entre elles un déséquilibre tenant à leur
compétence et à leur expérience, ce qui conditionne en revanche l’étendue de cette obligation
de conseil, c’est le pourcentage de ce déséquilibre . C’est une solution parfaitement logique au
regard du but du devoir de conseil qui est de remettre les parties en position d’égalité et qui
implique de dispenser le client sur ce qu’il sait ou doit savoir . A partir du moment où il est
constaté dans la personne du non initié une plus ou moins grande aptitude à se forger par luimême une opinion et à se à se protéger des risques de l’opération, la jurisprudence fait varier
le devoir de conseil jusqu’à rétablir l’équilibre. La mesure et la portée de ce devoir de conseil
s’apprécient toujours en fonction des circonstances de la cause et en particulier de la volonté,
de la situation et des connaissances des parties et l’étendue du devoir de conseil varie selon
que le client est expérimenté ou ne l’est pas.
Ainsi, les devoirs d’un assureur à l’égard d’une entreprise qui dispose d’un département
assurance, ne sont pas aussi développés que ceux qu’il peut avoir à l’égard d’une personne
souscrivant une police importante et qui n’a aucune connaissance du monde des assurances.
Le devoir de conseil cède donc devant la compétence juridique et technique d’un souscripteur
qui s’engage à titre professionnel.
En pratique la jurisprudence porte le débat, sur le terrain de la responsabilité encourue par
l’initié et apprécie cette responsabilité en fonction de la personnalité du client et de la
nécessité où il se trouve d’être plus ou moins renseigné et protégé.
33
Cette orientation jurisprudentielle permet d’apprécier moins sévèrement la responsabilité de
l’assureur avec une personne expérimentée et même d’écarter cette responsabilité lorsqu’en
raison des aptitudes intellectuelles ou de la profession du client, il n’a pas jugé utile soit de
l’avertir de ce qu’il était censé connaître soit de recourir à des précautions particulières
puisqu’il était à même de préserver ses intérêts.
Néanmoins cette orientation implique une grande prudence dans l’appréciation des
connaissances du client. Il faut en effet s’assurer que l’inexécution de ce qui aurait dû relevé
du devoir de conseil de l’assureur se justifie par la possibilité qu’avait son client de se
prémunir par lui-même grâce à ses connaissances et à son expérience.
Or comme seul est disponible pour tenter de sonder le degré de compétence du client un
mécanisme de présomption, d’une fiabilité douteuse, la jurisprudence limite généralement
l’allégement de l’obligation de conseil à des diligences relativement simples et sauf exception
ne l’étend pas à des éléments ressortant strictement de la technique propre au professionnel.
§ Illustrations jurisprudentielles
Selon un arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation en date du 8 novembre
1994, l’assuré parfaitement au courant des dangers résultants de son industrie ne peut faire
grief à une Compagnie d’assurances de n’avoir pas attiré son attention sur l’utilité d’une
police tenant compte de la jurisprudence sur la garde de la structure, étant donné la clarté de la
police souscrite qui fait cesser la garantie à la livraison des produits.
De même, selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 février 1997, il n’y a pas lieu
de conseiller une personne parfaitement informée des incidences juridiques, fiscales,
patrimoniales liées à la souscription d’une assurance vie.
Dans le même esprit, il a été jugé que l’assureur ne commet aucune faute en contractant avec
une société qui a, en toute connaissance de cause, et en dépit de son activité industrielle
génératrice de risques, maintenu un plafond de garanties très bas moyennant une prime
modique.
Enfin, on citera un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 21
janvier 1997, selon lequel un professionnel du commerce ne peut croire à la conjugaison
bienfaisante d’une diminution de prime, près de moitié, et d’une amélioration de garanties.
Ainsi, le professionnel est tenu d’adapter ses conseils au niveau technique de son client.
34
b - Les limites tenant à son obligation de bonne foi et à son obligation de se
renseigner
§ L’obligation de bonne foi de l’assuré
En vertu de l’obligation de bonne foi imposée par l’article 1134 al 3 du code civil, l’assuré
doit fournir à l’assureur les renseignements indispensables à l’objet du contrat.
L’exigence de loyauté qui pèse sur l’assuré lors de la souscription de la police impose une
bonne foi absolue et n’impose pas de démarche particulière de l’assureur pour en vérifier la
sincérité. Mais, s’il est démontré que l’assureur connaissait la fausse déclaration, sa
responsabilité peut être engagée. Donc, si le droit des contrats prend en considération
« l’incapacité présumée » du consommateur par rapport au professionnel et recherche un
équilibre, « il n’a pas pour vocation de protéger les imbéciles ».
Dès lors, l’aggravation de la responsabilité des professionnels ne saurait conduire à
déresponsabiliser l’autre partie à peine d’en faire un véritable assisté. Le cocontractant doit
donc renseigner son interlocuteur « sur les données essentielles du contrat et plus
généralement sur tout ce que ce dernier a intérêt à connaître »54 .
Il ne faut en effet pas oublier que l’assuré ou proposant est lui-même détenteur de certaines
informations principalement relatives au caractères de son risque. A ce titre, il est également
débiteur d’un devoir de conseil à l’égard du professionnel de l’assurance. Par exemple, aux
termes de l’article L 113-2 du code des assurances, il est tenu de déclarer exactement le risque
considéré. En effet, l’assureur ne connaît pas les besoins du client, c’est pourquoi
l’information doit être réciproque. Le devoir d’information pesant sur le preneur d’assurance
constitue donc une limite naturelle au devoir de conseil dû par le professionnel de l’assurance.
Ainsi, selon un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 19
janvier 199455 , on ne peut retenir la responsabilité d’un courtier en présence d’une garantie
insuffisante dès lors que l’assuré connaissait parfaitement cette insuffisance à la suite d’une
expertise à laquelle il avait fait procéder. Dans le même esprit, on considère qu’un agent
général n’a pas non plus à vérifier l’exactitude des déclarations de l’assuré56 .
De même, un intermédiaire d’assurance n’a pas à expliquer à son assuré que pour conduire un
véhicule automobile et bénéficier du contrat d’assurance, il faut un permis de conduire. Cela
est connu de tout individu.
54
CA, Aix en Provence, 21 Octobre 1998, Bull Aix, 1998, n°106
Cass. 1ère civ., 19 janvier 1994, RGAT 94, p.907, note D.Langé
56
Cass. 1ère civ., 13 Janvier 1987, RGAT 87, p. 160, note F.Chapuisat
55
35
De même, une affaire récemment jugée par la première chambre civile de la Cour de cassation
en date du 28 Mars 2000 (Bull.I, n°101) illustre bien l’idée selon laquelle, l’obligation de
bonne foi pesant sur l’assuré constitue une limite au devoir de conseil pesant sur l’assureur.
Dans cette affaire, souscrivant à une assurance de groupe contre les risques d’incapacité et
d’invalidité, un emprunteur, se prétendant en bonne santé, avait caché qu’il suivait depuis dix
ans un traitement contre l’hypertension et qu’il était, au moment de conclure le contrat, en
arrêt de travail, le huitième en un an. L’assureur n’eut guère de mal à faire annuler le contrat.
Le souscripteur eut alors l’idée de reprocher à l’établissement financier de ne pas avoir attiré
son attention sur les conséquences désastreuses d’une fausse déclaration.
La Cour de cassation rejette ce moyen au motif que « l’obligation de répondre avec loyauté et
sincérité aux questions posées par l’assureur à l’occasion de l’adhésion à une assurance
relève de l’obligation de bonne foi qui s’impose en matière contractuelle et que nul ne saurait
voir sa responsabilité engagée pour n’avoir pas rappelé ce principe, ou les conséquences de
sa transgression à une autre partie ».
Enfin, sous peine d’être taxé d’une mauvaise foi caractérisée, le créancier du devoir de conseil
ne peut prétendre ignorer certains éléments.
Dans cette optique, il a été décidé qu’un établissement de crédit n’a pas à attirer l’attention
d’un adhérent sur les risques engendrés par une fausse déclaration intentionnelle57 .
Ne manque pas non plus à son obligation de conseil l’établissement de crédit qui n’a pas avisé
les adhérents du fait que l’assurance ne pouvait pas couvrir un accident déjà survenu58 .
§ L’obligation de se renseigner à la charge de l’assuré
Si l’obligation de se renseigner pour l’assuré constitue une limite au devoir de conseil pesant
sur l’assureur, le créancier doit en effet acquérir le droit d’être informé, c’est à dire le droit
d’ignorer.
Le devoir de coopération et l’esprit de solidarité qui président aux relations qu’entretiennent
les parties, aussi bien dans la formation qu’au cours de l’exécution du contrat, imposent en
effet que chacun se renseigne et informe loyalement autrui sur le contenu de la convention.
Dans cette optique, il faut donc envisager un partage de responsabilité entre le débiteur et le
créancier du devoir de conseil, dans la mesure où ce dernier paraît également tenu à une
obligation de se renseigner, notamment s’il est un professionnel avisé.
57
58
Cass. 1ère civ., 13 Novembre 1997, RGDA1998, p.108, note Kullmann
Cass. 1ère civ., 30 Octobre 1995, RGAT 1996, p.152, note Maury
36
Ainsi, par exemple, selon un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en
date du 4 février 199759 , le destinataire du conseil doit procéder à la lecture des documents
informatifs qui lui sont remis comme par exemple les conditions générales et particulières de
la police.
Dans le même esprit, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date
du 12 octobre 199460 a rejeté la demande de l’assuré fondée sur le manquement par l’assureur
à son devoir de conseil, en énonçant qu’il appartenait à l’assuré de comprendre les contrats
d’assurance puisqu’il ne pouvait pas avoir demandé un avis ou un conseil aux assureurs qui
ne sont pas tenus d’en donner.
c - La liberté de suivre le conseil donné
L’efficacité du conseil échappe au pouvoir du donneur de conseil, le créancier étant libre de
suivre ou non le conseil. Celui qui fournit le conseil ne saurait être rendu responsable du fait
que son client ne l’a pas suivi, à le supposer bénéfique. Dans ce cas, il y a faute de la victime
qui doit supporter le dommage causé par son propre fait.
B - LES LIMITES OBJECTIVES
Les limites objectives sont relatives à l’étendue du mandat du débiteur du devoir de conseil et
au contenu du contrat.
Nous verrons donc successivement les limites objectives liées au mandat (1), puis les limites
objectives liées au contrat d’assurance (2).
1 - Liées au mandat
a - Les principes généraux
Selon l’article 1984 al 1 du Code civil, « le mandat ou la procuration est un acte par lequel
une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son
nom ».
La violation de l’obligation de conseil ne peut donc pas être toujours utilement invoquée,
l’étendue de cette obligation n’étant pas illimitée. La responsabilité du débiteur du devoir de
conseil sera donc appréciée en fonction de l’étendue du mandat que lui confie le client. En
effet, le débiteur n’a aucune obligation d’informer ou de conseiller l’assuré sur l’ensemble de
ses problèmes d’assurance lorsqu’il n’a pas reçu un mandat exprès de l’assuré à cet effet.
59
60
Cass. 1ère civ., 4 février 1997, RGDA 1997, p.563, note Kullmann
Cass. 1ère civ., 12 octobre 1994 RGAT 1994, p.1174
37
b - Illustrations jurisprudentielles
Ainsi, par exemple, il a été jugé par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de
cassation en date du 10 juillet 1973, que le courtier d’assurance, peut se voir conférer à cet
effet par celui-ci un mandat dont l’étendue est déterminée par leur seul accord.
En définitive, le débiteur du devoir de conseil n’a pas à aller au delà du mandat que lui confie
le client.
2 - Liées au contrat d’assurance
Ces limites sont relatives à la nature du contrat d’assurance, à son domaine ainsi qu’à son
contenu.
a - Quant à la nature du contrat d’assurance et à son caractère accessoire
Il se peut que le contrat d’assurance ait un caractère accessoire. Dans ce cas, cela justifie un
allégement du devoir de conseil.
b - Quant au domaine de l’opération d’assurance
Certaines informations n’ont pas à être délivrées car elles dépassent le strict cadre de
l’opération d’assurance envisagée. En effet, le débiteur est tenu d’exécuter les seules
obligations énumérées au contrat (article 1134 du Code civil ). Le débiteur au devoir de
conseil n’a donc pas à communiquer au souscripteur certains renseignements excédant le
cadre de l’opération d’assurance. Ainsi, le professionnel de l’assurance est expert en matière
d’assurance et uniquement dans cette matière. On ne peut par conséquent exiger de lui qu’il
soit compétent en matière d’évaluation des biens par exemple.
Ainsi, par exemple, un intermédiaire d’assurances n’a pas à informer le proposant sur les
produits d’assurances concurrents (Cass.com., 12 Novembre 1992) ou même sur la solvabilité
de l’assureur avec lequel le proposant envisage de contracter (CA Grenoble, 17 Mars 1997).
De même, doit être écartée la responsabilité du courtier pour manquement au devoir de
conseil dans les cas où « il n’est pas établi que le courtier ait connu la valeur locative réelle
et ait involontairement minoré le montant du capital assuré et qu’il n’appartenait pas à celuici de procéder lui-même à une évaluation de biens pour laquelle il n’avait aucune
compétence étant observé que l’assuré avait parfaite connaissance de l’insuffisance de
garantie puisqu’il avait fait procéder à une évaluation par un cabinet d’experts sans aviser le
courtier de ses résultats61 ».
61
Cass. 1ère civ., 19 Janvier 1994, RGAT 94, p.906
38
c - Quant à son contenu
§ La clarté des clauses du contrat
L’assureur n’est pas tenu d’expliquer spontanément à l’assuré le sens de certaines clauses de
la police. La clarté d’une police permet d’écarter l’hypothèse d’un manquement de l’assureur
à son devoir de conseil. En effet, le devoir de conseil dépend de la complexité de l’opération
concernée, les tribunaux tenant compte de la lisibilité c’est à dire de la clarté et de la précision
du contrat.
Par exemple il a été jugé qu’en l’absence d’une demande de renseignements émanant de
l’assuré, l’assureur n’est pas tenu d’attirer l’attention de celui-ci sur des clauses claires
comme une franchise (CA Paris, 21 Décembre 1982), une exclusion du risque, ou
l’application de la règle proportionnelle de prime en cas de sous assurance (CA Paris, 23
janvier 1987). Donc, l’assureur peut en demander l’application sans qu’on lui reproche un
manquement à son devoir de conseil envers l’assuré.
De même, la responsabilité d’un agent général a été écartée en présence de conditions de
garantie explicites62 .
Dans le même esprit, il a été jugé que les mentions claires et précises d’un acte de prêt sont
suffisantes pour écarter le manquement d’un établissement de crédit et d’un notaire à leur
obligation de conseil (Civ 1ère, 24 Juin 1997).
Les nombreuses décisions confirment l’importance pour l’assuré ou le candidat à l’assurance
de lire les documents informatifs.
De même, selon un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 7
décembre 1999, il a été jugé qu’il n’était pas établi qu’à l’occasion du remplacement d’un
contrat antérieur, un agent général et son sous agent aient manqué à leur devoir d’information
et de conseil lorsque les clauses du contrat sont particulièrement claires sur l’étendue des
garanties offertes qui étaient plus limitées, mais avec une prime fortement minorée, que celle
offerte par le premier contrat63 .
De la même façon, un arrêt en date du 21 Janvier 199764 , prévoit qu’un agent n’est pas tenu
d’expliquer à l’assuré les clauses de la police sauf distinction subtile, par exemple, entre
exploitant et entrepreneur agricole.
62
TGI, La Roche sur Yon, 17 Avril 1986, RGAT 1987, p.159, note F.Chapuisat
Cass. 1ère civ., 7 décembre 1999, RGDA Tours, p.157
64
Cass. 1ère civ., 21 janvier 1997, Gaz. Pal. 10.12 Août 97
63
39
§ Incidences des modifications contractuelles sur le devoir de conseil
Un assureur qui modifie les stipulations de ses conditions générales, incluant des extensions
de garantie, tout en maintenant le niveau des primes, n’est pas tenu d’alerter ses assurés sur
l’intérêt d’appliquer des modifications identiques aux polices déjà souscrites.
Ce principe peut être illustré par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de
cassation en date du 1er décembre 1998. Un contrat « responsabilité du chef de famille »
souscrit en 1972 ne s’applique qu’à la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle que
l’assuré peut encourir.
En vertu du principe de la liberté contractuelle, il ne peut être reproché à un assureur de ne pas
avoir alerté l’ensemble de ses assurés sur les garanties nouvelles qu’il offre depuis 1985, dans
les contrats multirisques habitation incendie incluant alors une garantie couvrant la
responsabilité contractuelle, cette exigence excédant son devoir de renseignement. Dans
l’arrêt du 1er décembre 1998, la Cour de cassation rejette donc le pourvoi de l’assuré qui
prétend que l’assureur qui modifie les stipulations de ses conditions générales, tout en
maintenant le montant des primes, doit alerter ses assurés sur les modifications intervenues
dans les polices souscrites.
Après avoir examiné les limites du devoir de conseil, nous pouvons maintenant étudier le
régime de l’inexécution du devoir de conseil quand, cette fois-ci, il est dû.
40
II - LE CONSEIL DU N’EST PAS ACCOMPLI : LE REGIME DE L’INEXECUTION
DU DEVOIR DE CONSEIL
Préliminaires. Le postulat de départ est celui selon lequel le devoir de conseil à la charge du
professionnel de l'assurance existait bel et bien, mais ce dernier ne l'a pas accompli. Quelle(s)
sanction(s) encourt-il alors? Au vrai, pour étudier le régime de l'inexécution fautive du devoir
de conseil, il convient de revenir sur la nature de ce devoir (A); une fois rapportée la preuve
que le devoir de conseil n'a pas été exécuté (B), nous pourrons tenter d'identifier les sanctions
qui y seront attachées (C), du moins si aucune cause d'exonération n'est susceptible de jouer
un rôle perturbateur (D), (rappel de ce qui a été évoqué précédemment).
A - L’IMPORTANCE DE LA NATURE DU DEVOIR DE CONSEIL EU EGARD AU REGIME DE SON
INEXECUTION
Nous avons vu qu'information et conseil pouvaient s'exécuter tantôt dans une phase
précontractuelle, tantôt dans une phase contractuelle. A cet égard, la nature de l'obligation est
ambivalente. C'est au moment où il s'agit de se prononcer sur le régime de l'inexécution du
devoir de conseil que le juge devra trancher en faveur de l'une ou de l'autre théorie. Et les
solutions données par la jurisprudence révèlent l'existence d'une casuistique en la matière.
Nous allons donc étudier plus en détail la nature du devoir de conseil au stade contentieux, ce
qui permettra d’essayer de cerner le régime de son inexécution. Deux questions vont donc se
poser ici:
1) s'agit-il d’une obligation contractuelle ou précontractuelle?
2) s'agit-il d’une obligation de moyens ou de résultat?
1 - Le devoir de conseil, obligation contractuelle ou précontractuelle
Intéressons-nous brièvement au droit commun (a) avant d’étudier plus spécifiquement ce
qu'il en est en matière d’assurance (b):
a - En droit commun
L'obligation d'information ou de conseil est qualifiée d'obligation précontractuelle lorsqu'elle
existe avant la conclusion du contrat et tend à faciliter l'émission d'un consentement éclairé.
Elle devient contractuelle lorsqu'elle se présente comme un effet du contrat, soit que celui-ci
ait pour objet principal la fourniture de renseignements, soit encore qu'une bonne exécution de
l'obligation principale suppose à titre accessoire la délivrance d'un certain nombre
d’informations, de conseils, ou de mises en garde.
41
Claire en théorie, la frontière entre ces notions a néanmoins tendance à s'estomper en pratique.
De fait, tout en ayant le même objet, certaines obligations peuvent naître avant la conclusion
du contrat et se prolonger après celle-ci. En outre, certains contrats se formant
progressivement, il devient délicat de déterminer si l'obligation est encore précontractuelle ou
déjà contractuelle.
Afin de surmonter cette difficulté, un auteur (FABRE-MAGNAN: "De l’obligation
d’information dans les contrats", thèse Paris I, éd. 1992) a récemment proposé une distinction
fonctionnelle, fondée sur l'intérêt que présente l'information pour son destinataire.
S'opposeraient les obligations d'information ou de conseil qui ont pour objet de permettre à
une personne d’exprimer un consentement éclairé et celles qui cherchent à assurer une
exécution satisfaisante du contrat.
Rappelant la distinction traditionnelle, cette approche fonctionnelle la dépasse néanmoins en
ce que la première obligation se propose d’assurer l'intégrité du consentement "à tout moment
de la vie du contrat", lors de sa conclusion, mais aussi à l'occasion de sa prorogation, de sa
modification ou de sa résiliation. De ces fonctions différentes découleraient un régime
juridique propre. La violation des obligations qui tendent à assurer la qualité du consentement
serait sanctionnée par la nullité de l’acte juridique et par la responsabilité délictuelle, celle des
obligations qui poursuivent une bonne exécution du contrat le serait par la responsabilité
contractuelle.
Séduisante en théorie, est-ce que cette distinction peut s’appliquer en matière d’assurance?
b - En droit des assurances
Au vrai, aucune solution parfaite ne semble pouvoir être donnée sur le point de savoir si le
devoir de conseil est contractuel ou précontractuel, l'opinion des auteurs et la position de la
jurisprudence étant, l'une comme l’autre, extrêmement divisées.
En faveur de l'analyse du devoir de conseil en tant qu'obligation précontractuelle, certains
avancent le fait que le devoir de conseil n’entre pas directement dans le champ des obligations
du contrat d'assurance stricto sensu, ce devoir pouvant d'ailleurs s'exécuter avant même la
conclusion du contrat. Du reste, certains arrêts semblent s'orienter dans cette voie. Il a ainsi
été jugé que la prescription biennale applicable aux actions dérivant du contrat d’assurance
n'avait pas vocation à s’appliquer à l’action en responsabilité de l'assureur pour manquement à
son devoir de conseil. La solution n'est pas véritablement nouvelle (voir par exemple : Civ.,
1ère, 3 mars 198765 ), mais elle vient récemment d’être réaffirmée66 , l’assureur avait affirmé à
65
66
Cass. 1ère civ., 3 mars 1987, D.1987, somm. p. 337, obs. Groutel
Cass. 1ère civ., 30 janvier 2001, arrêt n° 82 FS-P-B, inédit
42
tort, lors d'une adhésion à des contrats d'assurance groupe que les primes payées seraient
fiscalement déductibles ... Plus tard, l'administration fiscale avait jugé bon de réintégrer le
montant des primes versées dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés et dans celle de l'impôt
sur les revenus de l'assuré.
En faveur du devoir de conseil en tant qu’obligation contractuelle, d’autres émettent l’opinion
selon laquelle le devoir de conseil doit nécessairement s'analyser en une obligation
contractuelle puisque c’est la conclusion, même éventuelle, du contrat d'assurance qui
commande l'exécution du devoir de conseil.
En bref, le postulat est le suivant: "pas de contrat d'assurance, pas de devoir de conseil". Cette
analyse peut se justifier, car il convient de rappeler que le contrat d'assurance, plus que tout
autre contrat, est un contrat de bonne foi, les deux parties devant faire preuve d'une
particulière loyauté : l'assuré doit ainsi déclarer exactement les risques afin que l'assureur
puisse satisfaire aux exigences de la mutualité; l’assureur doit également faire preuve de
loyauté, ce que traduit l’existence de ce devoir de conseil. Nous pouvons résumer l'idée de la
manière suivante: la loyauté est de l'essence du contrat d'assurance; or le devoir de conseil
relève du devoir de loyauté; donc le devoir de conseil est de l'essence du contrat d’assurance.
Du reste, les juges s'appuient souvent sur le texte de base de la responsabilité contractuelle
pour sanctionner l'inexécution du devoir de conseil; pour exemple, cet arrêt de la première
chambre civile de la Cour de cassation du 13 mai 1985 qui sanctionne, sur le visa de l’article
1147 du Code civil "l'obligation de renseignement incombant au courtier habituel de l'assuré
auquel conseil a été donné de regrouper diverses polices". Or l’article 1147 constitue le
fondement de la responsabilité contractuelle ("Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au
paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison
du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une
cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n'y ait aucune mauvaise foi de sa
part"). Nous reviendrons plus loin sur la sanction qui s'attache à la mise en oeuvre de la
responsabilité contractuelle de l'assureur, même si, nous l'avons dit, celle-ci est susceptible de
subir la concurrence d'autres sanctions, sur d'autres fondements.
Nous voyons donc que le devoir de conseil peut autant être qualifié d'obligation contractuelle
que d'obligation précontractuelle. La jurisprudence se prononce au cas par cas.
Quelle est la force obligatoire de cette obligation? S'agit-il d’une obligation de moyens ou
d’une obligation de résultat?
43
2 - Le devoir de conseil, obligation de moyens ou de résultat ?
Rappelons que la distinction entre ces deux types d'obligation a été mise en œuvre par
DEMOGUE vers 1930, puis adoptée par la jurisprudence. Elle s'appuie sur deux textes du
Code civil, l’article 1137 ("l'obligation de veiller à la conservation de la chose (…) soumet
celui qui en est chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille", donc obligation
de moyens) et l'article 1147 ("le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement des
dommages et intérêts, soit en raison de l’inexécution de l'obligation, soit en raison du retard
dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas d'une cause étrangère qui peut lui être
imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part", donc obligation de résultat).
Là encore, la distinction n'est pas neutre car, en principe, s'il s'agit d'une obligation de
moyens, le débiteur du devoir de conseil n'engage sa responsabilité que s'il a commis une
faute, qui doit être rapportée par le créancier et être appréciée in abstracto, c'est-à-dire par
rapport à l'assureur normalement compétent. S'il s'agit d'une obligation de résultat, ce débiteur
sera responsable de plein droit en cas d'inexécution, le créancier devant seulement prouver
cette inexécution; pour s'en dégager, l'assureur devra prouver l'existence d'une cause étrangère
à l'origine de l'inexécution.
Certains auteurs ont tenté de dissocier l'obligation d'information de l'assureur de celle de
conseil, en considérant que si l'obligation de transmettre une information est une obligation de
résultat, celle qui concerne la compréhension (donc, le conseil) n'est qu'une obligation de
moyens (v. M. FABRE-MAGNAN, "De l'obligation d’information dans les contrats, LGDJ
1992").
Pour certains, cette distinction est compréhensible sur le plan théorique, mais difficile à
mettre en œuvre dans les relations entre professionnels et profanes et pour les tribunaux à en
juger; c’est que, dans le vécu des relations précédant la conclusion du contrat, il est en effet
très difficile de dire où finit l'information et où commence le conseil, comme nous l'avons vu
précédemment. De plus, il est difficile de trouver les traces de cette distinction dans la
jurisprudence, parce que les juges parlent de "l'obligation ou du devoir d'information ou de
conseil".
A s’en tenir à la jurisprudence dominante, l'obligation mise à la charge des assureurs serait
une obligation de moyens, puisque les juges n'exigent qu'un minimum d'effort de la part de
l’assureur ou de ses intermédiaires (ce que confirme la Cour de cassation en décidant que "s'il
appartient à l'assureur, dans l'exercice de son devoir d'information et de conseil, d'examiner
l'ensemble des données de fait et de droit particulières à la situation de l'assuré, l'obligation
lui incombant à ce titre ne saurait être qu'une obligation de moyens"67 .
67
Cass. 1ère civ., 7 mars 1989, RGAT 1989, P. 649, obs. Bout
44
De fait, il serait tentant de voir ici une obligation de moyens, car l'efficacité du conseil
échappe au pouvoir du donneur de conseil: le créancier est libre de n'en faire qu'à sa tête.
Mais il faut aussi rappeler qu'il n'y a qu'une différence de degré entre l'information et le
conseil; partant, fournir un conseil, comme fournir une information, est une prestation
parfaitement déterminée, même si le conseil est moins exigeant que l'information, puisqu'il
suppose une articulation de l'information au but poursuivi par le créancier et qu'il y a matière
à aléa. Il serait donc possible de poser que l'obligation de conseil est en principe une
obligation de moyens, sans exclure d'y voir, selon l'infinie diversité des cas, une obligation de
moyens renforcée, une obligation de résultat atténuée, voire une obligation de résultat pure et
simple.
En réalité, il s'agit d'analyser dans chaque espèce les espérances contractuelles, peser le rôle
de chaque partie, y compris du créancier dans la définition du conseil attendu, distinguer entre
l'absence du conseil et sa mauvaise qualité.
En fait, il est plus simple de découper la situation pour tenter de dégager le degré de
l’obligation: il est d'abord certain que l'obligation de délivrance matérielle des conseils est de
résultat, d'autant plus que la jurisprudence a adopté cette solution pour la simple obligation
d’information. Mais en ce qui concerne le contenu du conseil, dans sa pertinence et dans son
étendue, l'obligation est de moyens, avec les différentes nuances évoquées plus haut (de
moyens renforcée ou de résultat atténuée).
Nous allons voir, en étudiant le régime de la preuve du devoir de conseil, que celle-ci n'est pas
neutre quant à la qualification d'obligation de moyens ou de résultat du devoir de conseil:
B - L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE DU DEVOIR DE CONSEIL
Deux questions gouvernent traditionnellement la matière:
1) sur qui pèse la charge de la preuve?
2) quels sont les modes de preuve?
1 - La charge de la preuve
La Cour de cassation a décidé sur un plan général, en commençant par l'appliquer au
médecin68 , (qui relève justement que la démonstration de l'absence de délivrance de
l’information est plus que difficile) puis à l’avocat69 , que celui qui est tenu d'une obligation
particulière d'information doit rapporter la preuve de son exécution. Il ne nous semble pas
68
69
Cass. 1ère civ., 25 février 1997, RGDA 1997, p. 852 note Ph. Rémy
Cass. 1ère civ., 29 avril 1997, RTDC 1997, p. 924, obs. J. Mestre
45
faire de doute qu'information et conseil en assurance font l'objet d'une obligation particulière,
même lorsqu'elle n'est pas à la charge d'un professionnel de l'assurance. Dés lors, il suffit au
juge de déterminer ce qui aurait dû être indiqué au créancier du conseil, puis de comparer
avec les preuves fournies par le débiteur. Si elles sont insuffisantes, de facto la faute est
établie. Il est alors pratiquement inutile de se demander si l'obligation inexécutée était de
résultat ou de moyens.
Aussi bien, le problème ne se pose qu'à l'égard de celui qui accomplit l'opération sur laquelle
le conseil devait porter. Or, en assurance, l'opérateur est l'assureur. Ce n'est pas celui qui est
tenu de conseiller sur l'opération, et, par conséquent, le débiteur de conseil n'est tenu que de
fournir les indications appropriées à ladite opération. Pour résumer: il y a un conseil à donner
dont le contenu est déterminé. A partir de là, il est donné ou il ne l'est pas.
C'est que la charge de la preuve dépend de la nature de l'obligation inexécutée. S'il s’agit
d’une obligation de moyens, la jurisprudence, sur le fondement de l’article 1137 (précité)
considère que le créancier de l'obligation inexécutée doit rapporter la preuve de la faute du
débiteur. S'il s'agit d'une obligation de résultat, la jurisprudence s'appuie sur l’article 1147
(précité) pour décider que le débiteur de l'obligation est présumé en faute du seul fait de
l’inexécution du contrat; il ne peut s'exonérer en prouvant l'absence de faute, mais seulement
la preuve d'une cause étrangère. Or la jurisprudence récente étend le domaine des obligations
de résultat et décide sur le fondement de l’article 1315 du Code civil que "celui qui est
légalement ou contractuellement tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve
de l'exécution de cette obligation"; il en est ainsi du souscripteur d'une assurance de groupe70 .
On peut s'interroger sur la pertinence de cette jurisprudence lorsque le devoir de conseil ne
dépend pas d'une convention mais est inhérent à la fonction et contrepartie du fait qu'il y a un
professionnel en face d'un non-professionnel. Dans ce cas, comme nous l'avons vu brièvement
plus haut, il semble que la responsabilité relève de l’article 1382 du Code civil et, en la
matière, la preuve de la faute incombe à la victime.
On peut donc valablement se demander si, lorsque l'assuré n'a pas donné de mandat à
l’intermédiaire, on peut caractériser une obligation légale de conseil qui aurait pour effet de
renverser la charge de la preuve.
Au delà de ce problème, se pose celui de la façon de procéder pour rapporter la preuve que
l’on a bien donné un conseil lorsque la plupart des pourparlers sont verbaux et lorsque la
matière concernée est telle que se réserver la preuve que l'on a bien rempli son devoir de
conseil reviendrait à adresser systématiquement à chaque assuré, par lettre recommandé avec
accusé de réception (encore une fois en matière d'assurance…), un texte paraphrasant le
70
Cass. 1ère civ., 9 décembre 1997, RGDA 1998, p. 112, note Mayaux
46
contrat qu'on va lui faire signer et pouvant, le cas échéant, être aussi incompréhensible, voire
plus, que le contrat lui-même. Aborder ce point, c'est aborder le thème des modes de preuve:
2 - Les modes de preuve
Par quels moyens le professionnel en général, et celui de l'assurance en particulier, peut-il
prouver qu'il a bien exécuté son obligation? Nous nous pencherons plus particulièrement dans
ces développements à la preuve du devoir de conseil stricto sensu, celle de l'obligation
d'information ayant été abordée plus haut.
C'est une nouvelle fois à propos du médecin que la jurisprudence a posé le principe par
ailleurs classique s'agissant d’un fait juridique: la preuve de l'information ou du conseil peut
être faite par tous moyens, notamment par des présomptions résultant de l'existence
d’entretien avec le professionnel et d'un délai de réflexion relativement long. En effet, sauf en
matière biomédicale (nécessité d’un écrit), la preuve par présomption doit être admise.
La solution est la même en matière d'assurance, domaine où l’on admet la preuve par des
présomptions de fait71 , sauf quand la loi prévoit une modalité particulière: ainsi, dans le cadre
d'une assurance de groupe, seule la remise de la notice prévue par l'article R140-5 du Code
des assurances (ancien, applicable à l'espèce) est de nature à faire la preuve de l'exécution par
le souscripteur de son obligation d'information72 .
En réalité, sauf mauvaise foi flagrante du candidat à l’assurance, la preuve de l'exécution du
devoir de conseil semble pratiquement impossible à rapporter par l'assureur.
La seule solution serait pour lui de faire signer par l'assuré une attestation selon laquelle il
reconnaît avoir reçu des conseils de la part de son vis-à-vis. Soit. Mais d'abord, ce serait
ajouter un document à de nombreux autres documents, qui perdrait de ce fait de sa valeur
(rappelons qu'en règle général, l'assuré est un profane qui préfère s'en remettre à la loyauté de
son vis-à-vis); et de toute façon, ce serait alors simplement rapporter la preuve de la
délivrance du conseil; mais qu'en est-il de la pertinence de ce dernier. On l'a vu, l'assureur doit
être "un guide sûr et un conseiller expérimenté", une simple attestation de délivrance du
conseil ne suffit pas à satisfaire à cette exigence.
Dés lors, l'assureur qui ne parvient pas à rapporter la preuve de l'exécution du devoir de
conseil éclairé va être sanctionné:
71
72
Cass. 1ère civ., 14 octobre 1997, JCP éd. G 1997, II, n° 22942, note P. Sargos
Cass. 1ère civ., 9 décembre 1997, RGDA 1998, p. 112, note Mayaux
47
C - LA SANCTION DU DEVOIR DE CONSEIL
Comme nous l'avons vu plus haut, la principale sanction du professionnel de l'assurance
dépend de la qualification donnée à la nature du devoir de conseil, obligation contractuelle (1)
ou précontractuelle (2).
1 - Sanction de l’obligation précontractuelle : la responsabilité précontractuelle
Les sanctions au manquement à l'obligation précontractuelle d'information sont diverses. Elles
sont de trois types.
D'abord, le fait de ne pas divulguer une information afin d'inciter son cocontractant à conclure
le contrat est sanctionné par la jurisprudence sur le fondement de l’article 1116 du Code civil.
Ainsi, la réticence dolosive est constituée par le silence d'une partie dissimulant à son
cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter73 .
La nullité du contrat peut donc être prononcée dans ce cas74 .
Ensuite, la violation d'une obligation précontractuelle d'information peut constituer une faute
délictuelle (article 1382 du Code civil). La Cour de cassation a pu décider que "le fait de
donner une information inexacte est constitutif d'une faute75 ".
Elle oblige donc son auteur à réparation si la victime parvient à démontrer l’existence d’un
préjudice.
Celui qui a accepté de donner des renseignements a ainsi lui-même l'obligation de s'informer
pour informer en connaissance de cause (même arrêt).
Enfin, l'inexécution du devoir de conseil peut être sanctionnée sur le terrain du manquement à
la bonne foi dans la formation du contrat. Cela a été jugé à propos d'une banque qui avait
inciter une caution à s'engager en sachant que la situation de son débiteur était compromise76 .
Le contrat d’assurance étant un contrat de bonne foi par excellence, la solution est
transposable en la matière.
Les sanctions concernant la responsabilité contractuelle appellent davantage de
développements.
73
Cass. 3ème civ., 15 janvier 1971, Bull. civ. III, n° 38
Cass. 1ère civ., 19 juin 1985 précité, JCP 1985, éd. G.I., 14384
75
Cass. 2ème civ., 19 juin 1996, Bull. civ. II, n° 161, RTDC 1997, p. 144
76
Cass. 1ère civ., 10 mai 1989, Bull. civ. I, n° 187, RTDC 1989, p. 738, obs. Mestre
74
48
2 Sanction de l’obligation contractuelle : la responsabilité contractuelle du
professionnel de l’assurance
Nous étudierons dans un premier temps la manifestation pratique de la responsabilité
contractuelle du professionnel de l’assurance en général
(a); puis, la responsabilité
contractuelle des intermédiaires d’assurance en particulier (b), avant d’envisager le cas
particulier de la réparation de la perte d’une chance (c).
a - De la responsabilité contractuelle du professionnel de l’assurance en général…
Le non respect de son devoir d'information et de conseil peut entraîner pour le professionnel
le paiement de dommages-intérêts, correspondant au préjudice subi par l'assuré (ou le
souscripteur). Cela peut impliquer pour le professionnel l'obligation de couvrir un événement
malgré une cause d’exclusion, de nullité ou de résiliation de la police invoquée par l'assureur.
Ce, si l'assuré (ou ses ayants droit) parvient à prouver que cette cause n'est intervenue qu'en
raison d'un manquement au devoir d'information et de conseil.
Lorsque le préjudice résulte du refus de garantie par l'assureur, le montant des dommages et
intérêts est fréquemment égal au montant de la garantie d'assurance, si elle avait joué. Lorsque
le montant de la réparation coïncide avec le montant de la garantie prévue, certains auteurs se
sont demandés si la réparation avait encore la nature de dommages et intérêts, ou si elle n’était
pas tout simplement l'indemnité d’assurance elle-même. Même si la Cour de cassation a eu
l'occasion de rappeler dans un arrêt de 198777 que cette réparation gardait bien la nature de
dommages et intérêts, il semble tout à fait concevable de voir là une conséquence
traditionnelle de l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'intéressé, à savoir
l’exécution forcée; avec une nuance toutefois, l'exécution ainsi obtenue n'est pas celle de
l’obligation inexécutée, c'est-à-dire le devoir de conseil, mais celle de l'obligation principale,
à savoir l'obligation de couverture.
Autre illustration: si la faute du débiteur de l'obligation de conseil, en matière de déclaration
du risque, a contribué à permettre à l'assureur de soulever efficacement la nullité du contrat
d’assurance, la sanction peut consister en une condamnation à prendre partiellement en charge
le dommage subi par l’assuré. Ainsi en est-il du banquier souscripteur du contrat d'assurance
de groupe auquel l'adhérent remet un bulletin afférent à sa pension militaire d'invalidité pour
lui permettre d'apprécier ses possibilités de remboursement de l'emprunt et signe une
déclaration de bonne santé précisant qu'il n’était atteint d’aucune infirmité78 .
77
78
Cass. 1ère civ., 10 février 1987, RGAT 1988, p. 98
Cass. 1ère civ., 14 octobre 1997, RGDA 1997, p. 1069, note Kullmann
49
b …à la responsabilité contractuelle des intermédiaires d’assurance en
particulier
En pratique, la charge du devoir de conseil revient surtout aux intermédiaires d'assurance, que
ce soit le courtier ou l'agent général, du fait de leur contact direct avec le client:
§ Le courtier
Le courtier ou l'assureur conseil est, en qualité de commerçant indépendant, généralement
mandataire de l’assuré. La jurisprudence fait peser sur lui, en tant que professionnel de
l’assurance, une large obligation d'information et de conseil à l’égard de son client, dont le
manquement engage sa responsabilité contractuelle. Le dommage subi par le client résulte
d’un refus de garantie ou d'une indemnisation partielle. Le courtier dont la responsabilité est
retenue doit combler le vide résultant de la faute du courtier dans l'exercice de son rôle de
conseil.
Le législateur a apporté en 1989 des réponses à cette situation en instituant la double
obligation pour les courtiers d'assurance de souscrire une garantie financière sous forme de
caution d'une part (article L 530-1 du Code des assurances) et une assurance de responsabilité
professionnelle obligatoire d'autre part (article L 530-2 du Code des assurances).
Naturellement, cette assurance ne s'applique pas en cas de dol ou de faute intentionnelle. Elle
ne garantit pas les risques de détournement des primes ou des indemnités de sinistres ni de ce
fait la paiement de sinistres qu'aurait pris en charge l'assurance qui fait défaut par suite de
l’omission ou du manquement du courtier.
Lorsque l'assurance de responsabilité civile du courtier ne peut être actionnée, le législateur a
également prévu que les personnes non assurées mais qui ont effectué auprès d'un courtier
figurant sur la liste des courtiers, des versements afférent à des contrats d’assurance et faisant
l'objet d'un engagement apparent de la part d'une entreprise d'assurances seront garanties par
ladite entreprise. Il s'agit là de l'application légale (article L 530-2-1 du Code des assurances)
de la théorie du mandat apparent. Encore faut-il un engagement apparent (note de couverture,
attestation ou document d'assurance à en-tête de la compagnie).
§ L’agent général
La situation des agents généraux est plus complexe. S'agissant de mandataires, les agents, en
principe, jouissent d'une autonomie suffisante pour empêcher qu'ils puissent être qualifiés de
préposés au sens de l’article 1384 du Code civil.
50
L'obligation prend sa source dans un contrat (le mandat entre la société d'assurances et
l’agent) mais dont l'inexécution ou la mauvaise exécution va causer un préjudice au client
(l’assuré ou celui qui aurait dû l'être) qui est un tiers par rapport au contrat. Il s'agit d'une
responsabilité quasi-délictuelle trouvant sa source dans la mauvaise exécution des obligations
découlant d'un mandat (article 1382 du Code civil).
L'agent peut engager l'assureur à deux titres:
ú
l'assureur est le mandant "tenu d'exécuter les engagements contractés par le
mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné" (article 1998 du Code
civil). Dans cette hypothèse, l'assureur est directement engagé vis-à-vis de l’assuré
par l'acte de l'agent d’assurance qui l'a représenté à l'égard de l’assuré
ú l’assureur est civilement responsable, aux termes de l’article L 511-1 du Code des
assurances "dans les termes de l’article 1384 du Code civil des dommages causés par la
faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette
qualité, lesquels sont réputés pour l’application du présent article comme des préposés,
nonobstant toute convention contraire"
Lorsque le client est privé de la garantie de l'assureur au titre du contrat d'assurance du fait
d’une faute commise par l'agent eu égard à son devoir d'information et de conseil, la société
d’assurances répond vis-à-vis de l'assuré (ou de celui qui aurait dû l'être) du préjudice causé,
sauf recours contre l'agent.
Tenu contractuellement par l'engagement pris pour son compte par l'agent, l'assureur subit un
préjudice direct égal à la différence entre ce qu'il doit payer et ce qu'il aurait dû payer si
l’agent n'avait pas commis de faute.
Tenu comme civilement responsable de l'agent, l'assureur ne subit de préjudice que parce
qu’il doit réparer celui qu'a subi l'assuré (ou celui qui aurait dû l'être); c’est pourquoi la
jurisprudence a admis que son recours contre l'agent fautif devait être égal au montant du
préjudice causé au client.
Il convient toutefois de remarquer que cette qualité n'est pas exclusive puisqu'un agent général
d'assurance n'opère plus en qualité de mandataire de principe dés lors qu'il réalise des
opérations de courtage d'assurances, comme l'autorisent dans certaines conditions les
dispositions statutaires et contractuelles qui lui sont applicables.
Au-delà de cette responsabilité contractuelle générale des professionnels de l'assurance, une
autre théorie de réparation du préjudice peut être invoquée, celle de la perte d'une chance:
51
c - La réparation de la perte d’une chance
Si le souscripteur avait eu connaissance du conseil, aurait-il tout de même contracté? Ou
aurait-il recherché une autre assurance? Et une telle assurance existait-elle sur le marché? Il
convient de distinguer le caractère certain ou seulement probable, ou encore inexistant, du
dommage dont se prévaut l'assuré.
Dans la mesure où il existe un doute sur la possibilité de recherche et d'obtention d'une
nouvelle assurance, la réparation doit être celle de la perte de chance. En effet, le fait
générateur de la responsabilité est en ce cas la disparition certaine d'un événement favorable
lui-même incertain: le doute subsiste donc sur le dommage dont se prévaut l'adhérent, et ce
dommage n'est que probable (voir, pour une application à une association organisant des
manifestations sportives qui n'a pas informé les participants de l'intérêt de souscrire un contrat
d'assurance79 .
Pourtant, cette probabilité est réelle. En conséquence, le principe même du préjudice
proprement dit est certain. Quant à l'étendue de la réparation de ce préjudice, on observera
que le juge du fond apprécie souverainement la perte de chance80 .
Il est tenu de rechercher les chances de succès de la quête d’une autre assurance par l’assuré.
A l’inverse, le manquement à l'obligation d'information ou de conseil peut n'avoir conduit à
aucun dommage en ce sens que la probabilité d'obtention d'une autre garantie d’assurance –
qui eût été efficace – est radicalement nulle. Tel est le cas lorsque l'assureur commet une faute
en laissant croire à l'assuré que la garantie du risque d'invalidité serait maintenue après son
65ème anniversaire, en continuant d'encaisser la prime, alors que cette garantie, selon le
contrat, prenait fin à cet âge. L'assuré étant en état d'invalidité avant cet instant, l'aléa
n’existait plus: il n'aurait donc pu souscrire alors une autre assurance couvrant efficacement
un risque déjà réalisé. Aucun préjudice ne peut être invoqué, puisqu'aucune chance de trouver
une autre garantie n'existait 81 .
En revanche, s'il est acquis que l'assurance aurait été prise avec succès en l'absence de faute
de l'assureur ou de l'intermédiaire, le préjudice est alors pur et simple. Il ne s'agit plus d'une
simple perte de chance.
Le professionnel de l'assurance a donc de grandes chances de devoir indemniser l'assuré, à
moins d'établir l'existence à son profit d'une cause d'exonération:
79
Cass. 2ème civ., 19 mars 1997, RCA 1997, comm. n° 243
Cass. 1ère civ., 13 novembre 1996, RGDA 1997, p. 215, note Maury
81
Cass. 1ère civ., 4 mars 1997, RGDA 1997, p. 532, note Kullmann
80
52
C - LES CAUSES D’EXONERATION (RAPPEL)
Nous ne reviendrons pas ici en détail sur les limites du devoir de conseil, évoquées plus haut,
qui permettent au créancier du devoir de conseil d'échapper à cette obligation.
Nous rappellerons cependant que le débiteur peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant
la preuve qu'il n'a pas commis de faute dans l'exécution de son devoir, celui-ci consistant en
une obligation de moyens (voir plus haut). L'effet exonératoire de l'absence de faute est
d’autant plus important que la faute de l'assureur est en quelque sorte présumée, puisque c'est
celui qui est tenu d'une obligation particulière d'information qui doit rapporter la preuve de
son exécution. Ainsi, la clarté d'une police de responsabilité civile permet d'écarter
l’hypothèse d'un manquement de l'assuré à son devoir de conseil82 .
De même, le fait du créancier est susceptible d'exonérer le professionnel de l'assurance de sa
responsabilité. Ainsi en est-il, quand l'assuré qui a intentionnellement et faussement déclaré le
risque, n'a pas été informé, au moyen d'une diligence particulière, du fait qu'il est malhonnête
d'essayer de frauder une compagnie d'assurance83 .
Enfin, la force majeure pourrait être invoquée en théorie, en vertu des règles générales qui
gouvernent le droit de la responsabilité civile. Au vrai, cette cause d'exonération, difficile à
rapporter de manière générale, est assez improbable en matière d'assurance.
Au contraire, il a été jugé que le courtier ne peut trouver de moyen d'exonération en invoquant
une clause de sa convention excluant sa responsabilité en cas de violation du devoir de
conseil. Ce type de stipulation est systématiquement annulée par la jurisprudence. Il ne peut
non plus invoquer les connaissances que pourrait avoir son client dans le domaine de
l’assurance pour tenter de s'exonérer84 .
Mais il peut en revanche soulever la faute de l'assureur, tenu lui-même à une obligation
d’information, en vue de conclure un contrat, surtout s'il a pris la précaution de le consulter et
de l'associer à la réalisation de l'opération. Un partage de responsabilité peut être envisagé
avec la compagnie, voire une totale responsabilité de la part de cette dernière si elle a fourni
un mauvais renseignement, dans la mesure où on n'estime pas qu'il doit vérifier les
renseignements donnés par les assureurs. Le courtier doit toutefois démontrer l'intervention de
la compagnie et se ménager une preuve (par exemple en produisant une lettre de la société
d’assurances).
82
Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, RGAT 1987, p. 454, note Bout
Cass. 1ère civ. 13 novembre 1997, RGDA 1998, p. 108, note Kullmann
84
Cass. 1ère civ., 8 novembre 1994, Dossier juridique et technique de L’Argus du 30 décembre 1994, p. VI
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