schéma directeur de la région d`île-de-france

Transcription

schéma directeur de la région d`île-de-france
SCHÉMA DIRECTEUR
DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE
L’EXERCICE DE PLANIFICATION STRATÉGIQUE
À L’ÉPREUVE DU PRINCIPE DE « SUBSIDIARITÉ »
Léo FAUCONNET
Promotion 2006/2007
Institut d’études politiques de Paris
Cycle supérieur de spécialisation en aménagement et urbanisme
Schéma directeur de la région d’Ile-de-France
L’exercice de planification stratégique
à l’épreuve du principe de « subsidiarité »
Léo FAUCONNET
Promotion 2006/2007
Mémoire relatif à une expérience professionnelle à la Mission SDRIF
Unité aménagement durable
Conseil régional d’Ile-de-France
Responsable : Valérie MANCRET-TAYLOR
Sommaire
Introduction...................................................................................................... 3
1. La révision du SDRIF dans l’évolution de la planification spatiale ........... 5
1.1. Pourquoi réviser le SDRIF de 1994 ? ..........................................................................6
1.2. Pas de stratégie sans concertation ...............................................................................7
1.3. La question de « l’opposabilité » du document régional...............................................8
2. Le système juridique de la « subsidiarité »................................................ 10
2.1. Un principe à valeur constitutionnelle : l’égalité des collectivités territoriales ..........10
2.2. Le SDRIF : une norme opposable aux communes et à leurs groupements ..................11
2.3. Concilier égalité et opposabilité : le principe de compatibilité...................................13
3. Le système normatif du projet de SDRIF.................................................. 15
4. Vers un SDRIF plus « subsidiaire »........................................................... 20
4.1. Accroître le niveau de précision ?..............................................................................20
4.2. Changer la nature des prescriptions ? .......................................................................21
Conclusion ...................................................................................................... 25
Liste des principaux sigles utilisés ................................................................. 27
Bibliographie .................................................................................................. 28
2
Introduction
L’élaboration d’un projet de révision du Schéma directeur de la région d’Ile-de-France
(SDRIF) est en cours depuis 2004. La maîtrise d’ouvrage est assurée par l’exécutif du Conseil
régional d’Ile-de-France, sous la direction de Mireille Ferri, Vice-présidente chargée de
l’aménagement du territoire. La maîtrise d’ouvrage déléguée est logiquement revenue à
« l’Unité aménagement durable » – qui regroupe les directions de l’aménagement et du
développement territorial, de l’environnement, des transports en commun, et enfin des routes
et circulations douces – dont le Directeur général adjoint est Jean-Claude Gaillot. Valérie
Mancret-Taylor est responsable de la structure dédiée au pilotage du projet : la « Mission
SDRIF ». Enfin, la maîtrise d’œuvre est revenue à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de
la région d’Ile-de-France (IAURIF) au sein duquel Vincent Fouchier est Directeur délégué en
charge du SDRIF.
Je travaille au sein de la Mission SDRIF depuis la mi-août 2007. En plus de sa responsable,
l’équipe est composée de cinq chargés de mission SDRIF, d’un chargé de mission
interrégional, et de deux assistantes. En outre, elle remplit une véritable fonction de formation
puisqu’elle accueille, quasiment en permanence, deux ou trois non titulaires (stagiaires ou
vacataires récemment diplômés). Cette organisation numériquement modeste, adaptée aux
besoins de transversalité d’un projet tel que le SDRIF, rencontre désormais ses limites. En
effet, parallèlement à la dernière phase d’ajustement du document, elle est confrontée à la
montée en puissance des enjeux de mise en œuvre. Surtout, elle s’est vue confier de nouvelles
missions, au nombre desquelles on compte l’alimentation technique des travaux de la
commission ad hoc « Scenarii pour la métropole : Paris – Ile-de-France demain », chargée
de réfléchir aux potentialités d’une intégration institutionnelle du cœur de l’agglomération
parisienne.
La période pendant laquelle j’ai été présent à la Mission SDRIF a été marquée par un temps
fort de la procédure de révision : l’enquête publique qui s’est tenue du 15 octobre au 8
décembre 2007. Parallèlement, le travail de fond s’est poursuivi avec la préparation des
ajustements du projet de SDRIF, qui interviendront une fois remis au Président du Conseil
régional le rapport du Président de la commission d’enquête. Tant que ne sont pas connues les
observations formulées par les citoyens, cette réflexion, qui concerne tant la forme que le
contenu du document arrêté, s’appuie principalement sur les avis émis l’été dernier par les
partenaires de la Région, le Conseil économique et social régional, les conseils généraux et les
chambres consulaires. Une négociation spécifique est menée avec l’Etat, qui bénéficie
légalement du statut « d’associé ». La définition d’une position commune est d’ailleurs un
exercice complexe, en particulier depuis le discours très critique du Président de la
République, prononcé le 26 juin 2007 à Roissy. Un espace d’échange existe néanmoins : le
Préfet de Région a reçu un nouveau mandat pour avancer sur la base d’un avis formalisé par
l’Etat le 17 septembre 2007. En fonction de ces données, la Mission SDRIF doit présenter un
projet définitif pour adoption par le Conseil régional en milieu d’année 2008.
Même si les chargés de mission affectés au SDRIF sont amenés à participer à l’ensemble des
tâches afférentes à la révision, chacun peut se trouver en responsabilité sur un aspect de la
procédure, sur un thème ou sur un territoire. J’assure, personnellement, un soutien transversal
sur les questions juridiques. Je suis heureux de faire fructifier les connaissances et les
raisonnements que j’ai acquis en Droit, matière qui constituait la dominante de ma formation
3
à l’IEP de Lyon, avant ma spécialisation au Cycle d’urbanisme de Sciences-Po. Je réalise
régulièrement des notes relatives aux incertitudes de la procédure ou à des « objets » concrets
(l’OIN de La Défense par exemple). Je suis également chargé des relations avec les différents
interlocuteurs (prestataires, maîtrise d’œuvre) de la Mission SDRIF sur les aspects juridiques.
En outre, je suis présent aux comités techniques (qui se tiennent en principe toutes les deux
semaines) dont je suis chargé de rédiger et de suivre l’approbation des comptes-rendus. Cette
position me permet d’observer le jeu d’acteurs compliqué qui entoure la procédure de révision
du SDRIF, et d’embrasser le processus dans sa globalité. En ce qui concerne le pilotage des
ajustements du projet de SDRIF je suis particulièrement la réflexion sur l’amélioration
formelle du document. Je participe au groupe de travail relatif à la clarification des
« orientations spatialisées », c'est-à-dire des règles qui doivent permettre une retranscription
du projet spatial régional dans les documents d’urbanisme locaux. C’est cette question qui
fournit le thème du présent mémoire : il s’agit de présenter les interrogations que rencontre
l’urbaniste, confronté, en même temps, à la volonté de mettre en place une planification
stratégique de niveau régional et au devoir de respecter la « sacro-sainte » autonomie
communale.
Ces six mois passés à la Mission SDRIF du Conseil régional d’Ile-de-France ont été le cadre
d’une expérience professionnelle exceptionnelle et véritablement réjouissante. J’exerce, à ce
jour, le travail vers lequel devait me mener mon intérêt pour les processus de construction des
politiques publiques, particulièrement en matière urbaine. Je mesure l’atout incroyable qu’a
constitué le Cycle d’urbanisme pour la réalisation de ce dessein. Je souhaite manifester toute
ma gratitude à Valérie qui m’a invité à participer au premier « SDRIF décentralisé », dont elle
peut être très fière. La réussite de cette expérience professionnelle est due à l’ensemble des
personnes qui travaillent à l’accomplissement de ce projet et, en premier lieu, à Jean-Claude
Gaillot. J’adresse, en particulier, mes remerciements chaleureux à Pascal, à Solen, à
Dominique, à Matthieu, à Alexandra, à Juliana, à Isabelle, à Patrick, à Danielle, à Aurélie, à
Céline, à Jean-Michel et à Marileine.
4
1. La révision du SDRIF dans l’évolution de la planification
spatiale
La planification est la pratique de la naissance de l’urbanisme tel qu’il est inventé par les
sociétés modernes. Ils apparaissent ensemble au moment où l’on croit qu’« une rationalité
nouvelle pourra triompher des désordres de la production industrielle et apaiser les
antagonismes entre groupes sociaux. Précédant ainsi l’application du planisme économique,
l’urbanisme de plan participe d’une idée de l’auto-régulation possible de la société urbaine,
tout comme un “ organisme ”, qui croît et se démultiplie mais aussi se contrôle par luimême »1. A l’origine, l’urbanisme, inscrit dans la pratique de la planification, est bien pensé
comme une science, au sens de Michel Foucault, c'est-à-dire comme une technique
d’organisation de la « biologie communale » malade, un savoir constitutif de l’administration
moderne, destiné « à soulager, à secourir, à guérir », en somme « à exercer un pouvoir de
normalisation »2.
Mais, depuis le temps où la Charte d’Athènes prédisait que « l’âme de la cité sera[it] vivifiée
par la clarté du plan »3 l’urbanisme a largement changé de paradigme. L’échec du
fonctionnalisme triomphant, institutionnalisé par le système de planification issu de la LOF de
19674, a permis, progressivement, de laisser la place, dans les pratiques et dans le droit, à
l’urbanisme de « projet urbain ». Cet urbanisme de la ville en crise, de la société industrielle
en décomposition, de la fin de la maîtrise technique et des grands discours mobilisateurs fait
la part belle à la construction du consensus, c'est-à-dire à l’émergence de normes d’action
fondées sur l’accord intersubjectif. L’évolution est sensible pour les documents de
planification spatiale, « qui n’auront plus uniquement pour vocation de délimiter des zones
fonctionnelles mais fourniront des représentations accessibles et négociables de la ville future
servant de base à des échanges »5.
La planification francilienne n’a, heureusement, pas échappé à la règle. Elle a intégré les
grandes avancées qu’ont permises les lois Voynet6 et SRU7 autour des objectifs de
développement durable et de renouvellement urbain. Mais elle a surtout bénéficié des
changements institutionnels impliqués par la LOADT8 de 1995, qui a transféré la compétence
d’élaboration du SDRIF de l’Etat au Conseil régional d’Ile-de-France.
Depuis la loi du 14 mai 1932, qui prescrit l’établissement d’un « Projet d’aménagement de la
Région parisienne », le niveau central a piloté la mise au point de six documents différents :
- le plan Prost-Dautry, publié en 1934 ;
- le projet d’aménagement de la Région parisienne (PARP), approuvé en 1939 ;
- le plan d’aménagement et d’organisation (PADOG), approuvé en 1960 ;
1
J.-P. GAUDIN, « “ La cité reconstituée ”. Techniques de planification urbaine et légitimités politiques au
début du 20ème siècle », in RFSP, volume XXXV, n° 1, 1985, p. 109.
2
M. FOUCAULT, Surveiller et punir, Gallimard, Tel, Paris, 2004 (1975), p. 359.
3
LE CORBUSIER, La Charte d’Athènes, Seuil, Points Essais, Paris, 1971, p 108.
4
Loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967.
5
G. PINSON, « Le projet urbain comme instrument d’action publique », in P. LASCOUMES et P. LE GALÈS,
Gouverner par les instruments, Presses de Sciences Po, Paris, 2004, p. 205.
6
Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire.
7
Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au Renouvellement urbains.
8
Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement du territoire.
5
-
le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région parisienne
(SDAURP), publié en 1965 ;
le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région d’Ile-de-France
(SDAURIF), approuvé en 1976 ;
et enfin, le schéma directeur de la Région d’Ile-de-France (SDRIF), approuvé en
1994 et toujours en vigueur dans l’attente de l’approbation du projet en cours
d’élaboration.
1.1. Pourquoi réviser le SDRIF de 1994 ?
Au-delà du souhait d’exercer une compétence récemment décentralisée, la Région s’est
accordée avec l’Etat sur le constat que « les objectifs quantitatifs du SDRIF se sont avérés
trop rigides et mal adaptés »9. Il n’a jamais permis d’atteindre l’objectif de construction de
53 000 logements par an sur le territoire de l’Ile-de-France, la production étant même
descendue à 30 000 logements en 2003. En outre, il se devait d’être actualisé en fonction de
nouvelles données : aggravation des déséquilibres sociaux, approfondissement de la prise de
conscience environnementale, défis de la compétitivité induits par l’accélération de la
mondialisation économique et financière.
Mais il s’agit surtout de répondre aux nouveaux enjeux dans lesquels s’insère l’exercice de
planification spatiale. La Région et l’IAURIF ont mené un bilan détaillé du SDRIF de 1994 et
ont pointé l’anachronisme, dans une France décentralisée, de ce « dernier représentant d’une
lignée de schémas directeurs élaborés par l’Etat » :
« Elaboré selon des principes de gouvernement centralisé, il n’a été soumis que pour avis aux
autres acteurs de l’aménagement régional, les collectivités locales et les représentants de la
société civile. Au sommet de la pyramide des documents d’urbanisme, il se veut porteur de
l’intérêt public national et régional face aux intérêts locaux et particuliers. Ainsi conçu, il ne
s’impose que par son effet prescriptif sur les décisions publiques d’urbanisme ou
d’aménagement, mais n’engage en rien les acteurs autres que l’Etat à mettre en œuvre les
stratégies qu’il dessine. »10
Face au constat de la perte de légitimité de « l’Etat modernisateur » pris dans le mouvement
de la décentralisation, et ainsi des effets néfastes de cette réalité pour l’effectivité de la mise
en œuvre du SDRIF, le transfert de la compétence d’élaboration du niveau central à la
collectivité régionale a constitué une réponse. Mais il ne s’agissait pas de reproduire, au
niveau décentralisé, les façons de faire dénoncées. Du bilan surgissait donc, inséparablement,
l’objectif et la méthode de la révision :
« La question pour les années à venir est de savoir comment redonner au schéma directeur
régional son rôle fédérateur et sa capacité de mobiliser les énergies franciliennes au service
d’un développement durable de la région. Contrairement au SDRIF de 1994, conçu comme un
document d’urbanisme régional centralisé, il faut proposer à l’ensemble des partenaires de
l’aménagement régional l’élaboration d’un projet dans lequel chacun pourra et voudra jouer
son rôle, dessiner une vision partagée de l’avenir de l’Ile-de-France, et faire accepter par tous
les acteurs de l’aménagement régional une stratégie et des règles du jeu communes. Une
construction collective et partenariale de la révision du schéma directeur régional dans le cadre
9
« Le SDRIF de 1994, quel bilan ? Synthèse des points de vue du Conseil régional, de l’Etat et du Conseil
économique et social régional », octobre 2004, p. 8.
10
« Eléments pour un bilan du Schéma directeur régional d’Ile-de-France de 1994 », Région Ile-de-France, 21
octobre 2004, p. 9.
6
d’une démarche concertée et participative d’élaboration est la condition indispensable à la
conception d’un document efficace, dont les orientations seront concrétisées sur le terrain. »11
1.2. Pas de stratégie sans concertation
Tel a été le credo de la procédure de révision du SDRIF actuellement en cours. C’est ce qui
explique sa complexité en regard des obligations légales qui s’imposent à elle.
En effet, l’article L.141-1 du code de l’urbanisme qui la régit mentionne seulement que
« l'initiative de l'élaboration du schéma directeur appartient soit à la région, soit à l'Etat »
mais que « la procédure de révision du schéma directeur est ouverte par un décret en Conseil
d'Etat, qui détermine l'objet de la révision ». Il ajoute que « pour l'élaboration de ce schéma,
le conseil régional recueille les propositions des conseils généraux des départements
intéressés, du conseil économique et social régional et des chambres consulaires » et que « à
l'issue de cette élaboration, le projet leur est soumis pour avis ». Ensuite, « avant son
adoption par le conseil régional, le projet de schéma directeur, assorti de l'avis des conseils
généraux intéressés, du conseil économique et social régional et des chambres consulaires,
est soumis à enquête publique ». Enfin, « le schéma directeur est approuvé par décret en
Conseil d'Etat ».
Mais, en réalité, entre la délibération du Conseil régional du 24 juin 2004 demandant à l’Etat
d’ouvrir la procédure de révision et celle du 15 février 2007 arrêtant le projet de SDRIF, la
Région a conduit une démarche de concertation sans précédent12, tant à l’adresse des
collectivités, du monde socioprofessionnel, et des acteurs de l’aménagement (ateliers
thématiques et territoriaux, conférences des intercommunalités et interrégionales) que des
citoyens (conférences de citoyens et consultation citoyenne). En plus de « l’association » de
l’Etat et du recueil des propositions et des avis des conseils généraux et des chambres
consulaires, le comité de pilotage a été élargi à l’Association des maires d’Ile-de-France
(AMIF). Surtout, les différentes versions préparatoires du projet de SDRIF ont été largement
diffusées et les innombrables réactions qu’elles ont suscitées prises en compte. Enfin, la plus
importante enquête publique jamais organisée en France a été mise sur pied, afin de
permettre, potentiellement, aux 11,5 millions de Franciliens de formuler leurs observations.
Calendrier de la procédure d’élaboration du projet de révision du SDRIF
24 juin 2004
21 octobre 2004
Juin – Juillet 2005
30 août 2005
13 septembre 2005
14 septembre 2005
Septembre 2005 – Janvier 2006
10 mars 2006
12 mai 2006
22 mai 2006
23 juin 2006
Mai – Juillet 2006
Délibération du Conseil régional demandant à l’Etat d’ouvrir par décret la
procédure de révision du SDRIF
Forum d’ouverture du débat partenarial
Ateliers thématiques phase 1
Décret de mise en révision du SDRIF
Mandat du gouvernement au Préfet de Région pour la révision du SDRIF
Forum de synthèse sur « Bilan et enjeux »
Ateliers thématiques et territoriaux phase 2
Forum de synthèse sur « enjeux et orientations »
Conférence des intercommunalités
Conférence interrégionale
Approbation par délibération du Conseil régional de la « Vision régionale
pour l’Ile-de-France »
Ateliers thématiques et territoriaux phase 3
11
Idem, p. 10.
Ce processus a été magistralement décrit, dans son mémoire pour le cycle d’urbanisme de Sciences-Po, par
Jean-Michel GRANDCHAMP (promotion 2005-2006).
12
7
Septembre 2006
7-8 octobre 2006
15 novembre 2006
29 novembre 2006
15 février 2007
23 juillet 2007
17 septembre 2007
19 octobre 2007
15 octobre – 8 décembre 2007
Avril 2008
Mi-2008
?
Recueil des propositions des personnes publiques mentionnées à l’article
L.141-1 CU
Conférences de citoyens
Diffusion d’une version intermédiaire du SDRIF
Etats généraux de la concertation
Arrêt du projet de SDRIF par délibération du Conseil régional
Fin du délai de communication des avis des personnes publiques
mentionnées à l’article L.141-1 CU
Communication de l’avis de l’Etat sur le projet de SDRIF arrêté
Nouveau mandat du gouvernement au Préfet de Région pour la révision du
SDRIF
Enquête publique
Remise de son rapport par le Président de la commission d’enquête
Adoption du SDRIF par délibération du Conseil régional
Approbation du SDRIF par décret en Conseil d’Etat
1.3. La question de « l’opposabilité » du document régional
Le déficit de dimension véritablement stratégique du SDRIF de 1994 ne réside pas
uniquement dans l’absence de projet partagé. Le contenu, et peut être même la nature, du
SDRIF sont en jeu. L’exercice d’évaluation révèle que « la conception du SDRIF de 1994 a
privilégié le rôle d’encadrement spatial de l’urbanisation au point d’apparaître comme un “
super POS ”, ne laissant que peu de marge de manœuvre pour l’exercice des compétences
locales »13. En outre, la comparaison dans le temps révèle que « le SDRIF de 1994 s’est
centré sur sa fonction d’outil de maîtrise spatiale de la région, contrairement au SDAURP de
1965 qui était porteur d’une stratégie de l’Etat puissante, capable d’orienter l’aménagement
et le développement de l’Ile-de-France »14.
Au moment du bilan du SDAURIF, la question semble s’être posée dans les mêmes termes.
En 1990, Yves Jégouzo constatait que le SDAURP avait connu un « taux d’exécution
remarquable »15 sans pourtant posséder de portée juridique réelle. Il suggère l’explication
selon laquelle « jusqu’en 1983, la totalité des décisions d’urbanisme restaient entre les mains
des services de l’Etat et que ceux-ci ont su assurer, par le seul moyen de la cohérence de
l’action administrative, ce qui n’était nullement garanti sur le terrain du droit »16.
Paradoxalement, le SDAURIF et le SDRIF, dotés d’une dimension prescriptive bien plus
affirmée que celle dont bénéficiaient leurs prédécesseurs, ne sont pas parvenus à imposer
leurs options et à susciter une dynamique de développement, se contentant de contraindre,
jusqu’à la pénurie, l’expansion urbaine.
La capacité de blocage des nouveaux pouvoirs, démocratiquement désignés, issus de la
décentralisation a été évoquée. Symétriquement, les services de l’Etat ont éprouvé des
difficultés à remplir leur mission de contrôle du respect du schéma régional par les documents
d’urbanisme locaux. Avec le transfert de la compétence d’élaboration du SDRIF au Conseil
régional a surgi une autre interrogation. Au-delà de la définition commune de la norme,
comment la Région d’Ile-de-France peut-elle s’assurer de l’effectivité des mesures
réglementaires qu’elle édicte à l’égard de collectivités locales qui, en vertu de l’article 72 de
13
« Eléments pour un bilan du Schéma directeur régional d’Ile-de-France de 1994 », op. cit., pp. 10-11.
Idem, p. 9.
15
Y. JEGOUZO, « La révision du SDRIF Problèmes juridiques et perspectives », in RFDA, mars-avril 1990, p.
182.
16
Idem.
14
8
la Constitution, sont réputées s’administrer librement ? Cette question est celle –
improprement dénommée – de la « subsidiarité » du SDRIF. Il est intéressant de voir quelles
sont les réponses apportées par la procédure en cours, et les perspectives ouvertes pour
l’exercice de planification stratégique régionale.
9
2. Le système juridique de la « subsidiarité »
Le SDRIF est, au-delà d’un document d’urbanisme, un projet régional. Son existence, au
regard du droit commun que connaît la province avec deux niveaux de planification (SCOT et
PLU), est justifiée par l’enjeu stratégique d’une collectivité à l’échelle d’une agglomération
fonctionnelle, d’une communauté de destin en recherche de cohérence. Mais le SDRIF est,
également, une norme de nature réglementaire qui s’insère dans un système hiérarchique. Il
s’agit d’en comprendre le fonctionnement et les contraintes.
2.1. Un principe à valeur constitutionnelle : l’égalité des collectivités
territoriales
Le vocabulaire courant de la planification régionale mentionne l’obligation de « subsidiarité »
à laquelle serait soumis le SDRIF vis-à-vis des documents d’urbanisme locaux. La précision
veut que l’on souligne que ce concept est relativement étranger au droit français. Issu de la
théologie politique de l’église catholique, il a, par contre, rencontré un succès certain au
niveau communautaire. Ainsi, l’article 3B du Traité sur l’Union européenne (Maastricht)
précise que :
« Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté
n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs
de l’action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et
peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés
au niveau communautaire. »
Ce principe d’organisation de l’action publique recouvre donc deux idées : « la recherche du
niveau opérationnel le plus adéquat selon le domaine considéré, la priorité donnée, chaque
fois que c’est possible, à l’autorité de base »17. On comprend l’intérêt pratique qu’il y a à
rechercher la répartition des matières la plus efficiente possible entre les communes, leurs
groupements et la Région, mais la question ne se pose pas, juridiquement, de cette manière.
L’organisation administrative française éprouve les plus grandes difficultés à reconnaître aux
collectivités territoriales un pouvoir réglementaire, c'est-à-dire d’édiction de normes de portée
générale. Cette conception se retrouve dans la conjugaison des articles 1 et 3 de la
Constitution, qui disposent que la République est « une et indivisible », que « la souveraineté
nationale appartient au peuple », et que « aucune section du peuple ne peut s’en attribuer
l’exercice ». Elle est, néanmoins, contradictoire avec le partage de souveraineté qu’implique
la décentralisation et avec les conséquences concrètes de celle-ci. Il est aisé de constater que
« les compétences confiées par la loi aux autorités décentralisées ne se réduisent pas en effet
à la capacité d’effectuer des opérations matérielles, de passer des contrats ou de prendre des
décisions individuelles. L’exercice de la compétence transférée réside souvent dans le pouvoir
de fixer des règles générales »18.
C’est donc pour mettre en accord le droit avec le fait que le constituant a introduit, en 2003
seulement, la précision selon laquelle les collectivités territoriales « disposent d’un pouvoir
17
R. HUREAUX, « Les nouveaux féodaux Le contresens de la décentralisation », Gallimard, Nrf, 2004, p. 142.
Cahiers du Conseil constitutionnel, n°12, Analyse sommaire de la décision n°2001-454 DC du 17 janvier
2002.
18
10
réglementaire pour l’exercice de leurs compétences »19. Cependant, l’article 72 contient les
réserves nécessaires à ce que le pouvoir réglementaire local reste « résiduel et subsidiaire »20.
Les dérogations à la loi ou au règlement nécessaires à la mise en œuvre des politiques des
collectivités ne peuvent intervenir que « lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a
prévu », « à titre expérimental », « pour un objet et une durée limités », et à condition que ne
soient pas en cause « les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit
constitutionnellement garanti ». Surtout, le même article consacre le principe aux deux
facettes selon lequel, d’une part, les collectivités « s'administrent librement par des conseils
élus » et, d’autre part, « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une
autre ». Le Conseil constitutionnel a précisé le champ d’application de cette contrainte
comme affectant le pouvoir réglementaire des collectivités. En effet, une loi de 2002 relative
au statut de la Corse avait adopté une rédaction peu précise, de laquelle il résultait que
« l’Assemblée [de Corse] règle par ses délibérations les affaires de la Corse »21. Saisi de la
question de la constitutionnalité d’une telle mesure, le juge suprême avait considéré que :
« la disposition critiquée, si elle ne précise pas que l’Assemblée de Corse règle, par ses
délibérations, les seules affaires de la collectivité territoriale de Corse, ne peut être entendue
comme ayant une autre portée ; qu’elle ne place donc pas les communes et les départements de
Corse sous la tutelle d’une autre collectivité territoriale ».22
On comprend, a contrario, que si la disposition avait du être comprise comme autorisant la
collectivité régionale à réglementer les affaires des communes et des départements de Corse,
l’atteinte au principe de libre administration eut été avéré.
En fin de compte, le droit français se préoccupe peu de subsidiarité mais se montre très
attaché au principe (implicitement) constitutionnel d’égalité entre les collectivités territoriales.
Ce dernier se traduit matériellement par l’impossibilité pour une collectivité de définir des
règles d’action pour ses « semblables ». On perçoit les difficultés que cela suppose pour
l’exercice de planification régionale, le SDRIF étant, avant tout, une norme opposable aux
communes et à leurs groupements.
2.2. Le SDRIF : une norme opposable aux communes et à leurs
groupements
L’opposabilité du SDRIF découle de son statut juridique : il appartient à la catégorie juridique
générale des actes prospectifs. C'est-à-dire que, contrairement aux actes réglementaires
classiques, il n’est pas opposable à tous les actes concernant le droit de l’urbanisme. En outre,
il n’est pas opposable pour l’ensemble de ses dispositions : certaines n’ont pas vocation à
créer des obligations pouvant être sanctionnées.
L’opposabilité du SDRIF n’est pas définie de manière spécifique. Elle ne résulte que de la
comparaison faite par le code de l’urbanisme avec d’autres documents de planification. En
particulier l’article L.141-1 dispose que :
19
Nouvel article 72 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à
l’organisation décentralisée de la République.
20
P.-L. FRIER, « Le pouvoir réglementaire local : force de frappe ou puissance symbolique ? », in AJDA, 2003,
p. 563.
21
Loi n°2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.
22
Conseil constitutionnel, décision n°2001-454 DC du 17 janvier 2002.
11
« Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France a les mêmes effets que les directives
territoriales d'aménagement définies en application de l'article L.111-1-1. Il doit être
compatible avec ces directives lorsqu'elles s'appliquent sur tout ou partie du territoire régional.
En outre, il tient lieu de schéma régional au sens de l'article 34 de la loi n°83-8 du 7 janvier
1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions
et l'Etat. »
Par ailleurs, l’article L.122-2 du même code indique que :
« Pour l'application du présent article, (…) le schéma directeur de la région d'Ile-de-France
prévu par l'article L.141-1 (…) a valeur de schéma de cohérence territoriale. »
En résumé, le SDRIF « a les mêmes effets » que les DTA, « tient lieu » de SRADT, et « a
valeur » de SCOT.
Néanmoins, la référence au schéma de cohérence territoriale ne vaut que pour neutraliser
l’application du principe « d’urbanisation limitée » en Ile-de-France. En effet, en province,
dans les communes qui sont situées à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une
agglomération de plus de 50 000 habitants (ou à moins de quinze kilomètres du rivage de la
mer) et qui ne sont pas couvertes par un SCOT, le PLU ne peut être modifié ou révisé en vue
d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser ou une zone naturelle. Du fait de la présence du
SDRIF, les communes franciliennes ne sont pas exposées à ces restrictions même si elles
refusent de se soumettre à l’exercice de planification intercommunale.
En ce qui concerne le rapport avec le statut du schéma régional d’aménagement et de
développement du territoire, il n’autorise pas à assimiler le SDRIF au SRADT, le premier se
substituant au second en gardant son régime propre. Le dispositif « a pour objet de rendre
superfétatoire l’élaboration d’un SRADT »23. Parallèlement, la Région d’Ile-de-France peut,
de cette manière, aborder dans le SDRIF l’ensemble des matières relevant de son « plan
régional », sans se cantonner au champ restreint d’un document d’urbanisme. Naturellement,
ces dispositions ne bénéficient pas d’une véritable force contraignante, le SRADT n’étant pas
juridiquement opposable.
En définitive, c’est la mention faite aux directives territoriales d’aménagement qui confère au
SDRIF sa pleine dimension prescriptive. C’est elle qui crée le rapport que doivent entretenir
les SCOT avec le SDRIF. Les premiers sont subordonnés au second de la même manière
qu’ils le sont, en vertu de l’article L.111-1-1 du code de l’urbanisme, aux DTA. Notons que
ce même article précise que :
« les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent
être compatibles avec les orientations des schémas de cohérence territoriale. En l'absence de
ces schémas, ils doivent être compatibles avec les directives territoriales d'aménagement. »
Il en résulte que, dans le cas des territoires non couverts par un SCOT, l’objet de
l’opposabilité du SDRIF descend au niveau des plans locaux d’urbanisme.
Le SDRIF est bien une norme de type réglementaire. Son approbation par décret en est la
preuve ultime. Mais son opposabilité est limitée. Il ne s’impose pas à tous les actes
23
G. MARCOU (dir.), « Les nouvelles formes de planification de l’Ile-de-France », DREIF, décembre 2003, p.
32.
12
d’urbanisme et d’aménagement, notamment aux permis de construire, aux ZAC ou aux PLH.
Toutes ses dispositions ne s’imposent pas : c’est le cas de celles relevant habituellement d’un
SRADT. Surtout, ses « orientations » ne s’imposent que dans un certain rapport : c’est la
« compatibilité ».
2.3. Concilier égalité et opposabilité : le principe de compatibilité
Un permis de construire doit être « conforme » au PLU. Un SCOT (ou en son absence un
PLU) doit être « compatible » avec le SDRIF. Cette notion de compatibilité, présente dans le
droit de l’urbanisme depuis la loi du 15 juin 1943, a été promue par la voie jurisprudentielle.
C’est une affaire d’autoroute construite sur les hauteurs d’une vallée, alors que le schéma
directeur la prévoyait dans le fond de celle-ci, qui a donné l’occasion de l’arrêt de principe. Il
permet d’établir qu’une différence entre deux actes ne les écarte pas du champ de la
compatibilité tant qu’elle ne remet pas en cause :
« ni les options fondamentales du schéma, ni la destination générale des sols et qu’elle ne
compromet ni le maintien des espaces boisés, ni la protection des sites tels qu’ils sont localisés
par le schéma. »24
Le juge administratif s’est ensuite prononcé à de si nombreuses reprises que la notion en a
pris une certaine « élasticité ». De manière générale, l’obligation de compatibilité implique
seulement qu’il n’y ait pas de contrariété entre normes supérieure et inférieure, et que celle-ci
n’empêche pas la mise en œuvre de celle-là. « De la sorte, on peut s’éloigner du schéma mais
certainement pas le contrarier »25. Bienheureusement, le Conseil d’Etat a apporté quelques
précisions relatives au cas particulier du SDRIF.
Avis de la Section des travaux publics du Conseil d’Etat, du 5 mars 1991,
n°349-324 (extrait).
1) Le rapport de compatibilité entre le schéma directeur de la région d’Ile-de-France d’une part, les schémas
directeurs, les plans d’occupation des sols et les documents d’urbanisme en tenant lieu, d’autre part, et par suite
la portée normative du schéma directeur de la région d’Ile-de-France doivent être regardés comme s’appliquant
aux options fondamentales et aux objectifs essentiels de l’aménagement et du développement par lesquels
s’exprime la cohérence globale des orientations du schéma directeur de la région d’Ile-de-France telle
qu’elle est explicitée par le rapprochement de ses documents graphiques et du rapport qui l’accompagne.
Ces options et objectifs peuvent :
a) comporter l’énoncé de prévisions quantitatives relatives à la destination générale des différentes
parties du territoire de l’Ile-de-France, notamment lorsqu’il s’agit de définir les équilibres mentionnés à l’article
L.121-10 ;
b) être assortis de l’indication d’un échelonnement dans le temps de leur réalisation ;
c) comporter des dispositions propres à des espaces géographiques limités, à condition que ces
prévisions ponctuelles soient indispensables à la cohérence de l’ensemble.
Ces options et objectifs ne sauraient cependant ni entrer dans un degré de détail qui conduirait à méconnaître tout
à la fois la place respective du schéma directeur de la région d’Ile-de-France et des documents d’urbanisme,
24
25
Conseil d’Etat, 22 février 1974, Adam et autres.
Les grands arrêts du droit de l’urbanisme, 3° éd., 1989, p. 146.
13
l’autonomie communale et les principes énoncés à l’article L.110, ni s’étendre à des questions étrangères à
l’utilisation du sol.
2) Un plan d’occupation des sols doit être compatible avec le schéma directeur de la région d’Ile-de-France en
vigueur. Pour qu’il en soit ainsi, il doit tout à la fois :
a) permettre la réalisation de ceux des objectifs et options que le schéma directeur de la région d’Ile-deFrance a retenus pour la période d’application du plan d’occupation des sols ;
b) ne pas compromettre la réalisation des objectifs et options retenus pour une phase ultérieure.
Finalement, la notion de compatibilité a été privilégiée car elle permet une hiérarchie dans les
choix mais maintient l’égalité dans l’action. La norme supérieure se caractérise par des
options dont les responsables sont libres des modalités de la mise en œuvre pourvu que ne soit
pas porté atteinte à la cohérence d’ensemble, à l’économie générale du parti d’aménagement.
On peut tenter ici l’analogie avec les directives européennes, dont la transposition en droit
interne laisse les Etats membres libres des moyens pourvu qu’ils permettent d’atteindre les
objectifs souhaités.
Par conséquent, on comprend l’intérêt de la notion de compatibilité pour la pratique de la
planification. La différence entre conformité et compatibilité n’est pas qualitative mais
quantitative. Dans tous les cas :
« la norme supérieure s’impose à l’inférieur de telle sorte que la seconde doit être subsumée
sous la première, c'est-à-dire entrer dans le champ de ses prévisions. (…) Bien sûr, le rapport
entre les normes inférieure et supérieure paraît plus ou moins étroit. Mais cela ne tient pas à la
nature, invariable, du lien qui les unit – il s’agit toujours d’une subsumption –, mais du degré de
complétude et de précision de la norme supérieure, c'est-à-dire sa substance. »26
Dès lors, l’auteur de la norme supérieure bénéficie d’une véritable marge de manœuvre dans
la détermination de la force obligatoire de celle-là : plus les « options fondamentales », les
objectifs souhaités, seront clairs, plus les moyens pour y souscrire seront contraints.
26
J.-P. LEBRETON, « La compatibilité en droit de l’urbanisme », in AJDA, 1991, p. 493.
14
3. Le système normatif du projet de SDRIF
La territorialisation des politiques d’aménagement est l’enjeu majeur du futur SDRIF. C’est
donc ce qui explique l’organisation formelle du projet, qui cherche à retranscrire une
démarche destinée à fédérer un ensemble d’acteurs autour d’un projet.
La planification spatiale traditionnelle avait tendance à proposer comme référence première
un état futur du développement spatial. C’est dire que le parti d’aménagement prenait le pas
sur ses justifications. Au contraire, les nouvelles formes de planification, dont se réclame le
projet de SDRIF en cours d’élaboration, privilégient le projet sur sa traduction spatialisée.
Dans cette démarche le parti d’aménagement intervient, en second temps, comme vecteur de
mise en cohérence et non comme principal objectif à réaliser.
Le plan retenu pour le rapport est donc le suivant :
_ Première partie : Les « options » transversales
 Favoriser l’égalité sociale et territoriale et améliorer la cohésion sociale : vers
une région plus solidaire
 Anticiper et répondre aux mutations ou crises majeures, liées notamment au
changement climatique et au renchérissement des énergies fossiles
 Développer une Ile-de-France dynamique maintenant son rayonnement
mondial
_ Deuxième partie : Les « orientations » des politiques répondant à une stratégie au
service du projet
 Viser 60 000 logements par an pour offrir un logement à tous les Franciliens
 Doter la métropole d’équipements et de services de qualité
 Préserver, restaurer, valoriser les ressources naturelles et permettre l’accès à un
environnement de qualité
 Accueillir l’emploi et stimuler l’activité économique, garantir le rayonnement
international
 Promouvoir une nouvelle politique des transports au service du projet spatial
régional
_ Troisième partie : Le parti d’aménagement et les orientations spatialisées permettant
sa traduction dans les documents d’urbanisme locaux
_ Quatrième partie : La mise en œuvre
_ Cinquième partie : L’évaluation
Le projet spatial régional (le parti d’aménagement) constitue donc bien la synthèse des 8
grandes orientations (3 défis transversaux et 5 objectifs sectoriels). La « carte de destination
générale des différentes parties du territoire » (CDGT), prescriptive mais subordonnée au
rapport, rassemble les orientations spatialisées, les règles d’aménagement conformes aux
objectifs du projet spatial.
15
Le jeu de cartes du projet de SDRIF (source IAURIF)
La CDGT est une carte de « projet », qui donne à voir ce qui va ou doit changer, là où celle du
SDRIF de 1994 était davantage une carte « à terme ». Comme celle-ci, elle représente tous les
territoires mais propose un niveau de détail moins important puisqu’elle doit se lire au 1 :
200 000 (contre 1 : 150 000 pour sa devancière). « Toute interprétation qui serait faite à une
autre échelle est proscrite » (p. 21 du rapport). En outre, elle repose sur une summa divisio
qui doit permettre d’articuler de manière distincte l’impératif de « subsidiarité ». Ainsi, le
devenir des espaces ouverts est fortement encadré. A l’inverse, les marges de manœuvre de
l’échelon local sont importantes pour organiser le développement urbain.
Les différents espaces de la CDGT sont délimités à partir de la « généralisation » du MOS
2003. C'est-à-dire que les espaces isolés, d’une superficie inférieure à 5 hectares dans
l’agglomération centrale (ou agglomération parisienne au sens INSEE), et d’une superficie
inférieure à 15 hectares hors de l’agglomération centrale, ont été en général englobés dans les
espaces environnants. Cette photographie floue est un enjeu fondamental, le mode de
représentation commun constituant à la fois une liberté et une incertitude.
Les espaces agricoles (indiqués en jaune) et les espaces boisés ou naturels (vert foncé) sont
très protégés. Ils sont définis par les fonctions qu’ils remplissent, les orientations auxquelles
ils sont soumis interdisant les usages susceptibles de les remettre en cause. Ces protections
sont renforcées par la figuration de continuités agricoles ou écologiques, de liaisons vertes, de
coupures d’urbanisation et de fronts urbains intangibles.
16
Les espaces urbanisés sont figurés en bistre. Ils sont l’objet d’un effort de densification,
cohérent avec l’objectif de ville compacte. De manière générale, ils renferment des « espaces
urbanisés à optimiser », caractérisés par leur fonction de centralité et la qualité de leur
desserte par les transports collectifs, auxquels les prévisions et décisions d’urbanisme doivent
permettre de tendre vers de plus grandes densités. Par ailleurs, le travail de terrain a permis
d’identifier des « secteurs de densification préférentielle », repérés par des pastilles rouges,
qui par l’importance de leur potentiel de mutation doivent permettre une approche globale.
Les espaces urbanisables sont de plusieurs natures, et correspondent soit à des extensions
urbaines cartographiées, soit à des extensions urbaines non cartographiées. Les règles
auxquelles ils sont soumis varient selon l’espace de la géomorphologie du SDRIF à l’intérieur
duquel ils se trouvent :
Les grandes entités géographiques (p. 18 du rapport)
- « l’agglomération centrale», qui
correspond à l’agglomération
parisienne définie par l’INSEE
(1999) ;
- «le coeur d’agglomération», qui
comprend les communes, en
continuité de bâti avec Paris, qui
sont urbanisées (au moins 80 %
d’espaces urbanisés au MOS
1999) et denses (au moins 80
habitants+emplois à l’hectare
d’urbain construit) ;
- «les autres agglomérations»
(hors «agglomération centrale»),
définies par l’INSEE ;
- «l’espace rural».
Conformément à l’article L.141-1 du code de l’urbanisme aux termes duquel le SDRIF
« détermine la localisation préférentielle des extensions urbaines », la CDGT comprend des
« secteurs d’urbanisation préférentielle », représentés par des pastilles orange. Elles sont
disposées sur une trame fixe qui crée des carrés de 500 mètres de côté, et représentent donc un
potentiel d’urbanisation de 25 hectares en moyenne (et de l’ordre de 12 à 35 hectares pour une
pastille isolée). La représentation symbolique traduit bien le principe de localisation et non un
« périmétrage ». Les documents locaux d’urbanisme restent donc libres de l’implantation
exacte, pourvue qu’elle ne soit pas « trop différente de celle indiquée sur la carte » (p. 182 du
rapport), des quantités minimum ouvertes à l’urbanisation, du phasage, et surtout de la
décision d’ouvrir ou non. Par ailleurs, les extensions urbaines s’inscrivent dans l’objectif
fortement affiché de la ville compacte puisque les prévisions et décisions d’urbanisme les
concernant doivent permettre des densités en matière de logement ne devant pas être
inférieures à 35 logements par hectare, en moyenne, à l’échelle du quartier. Précisons que
certains secteurs, appelés « d’urbanisation conditionnelle » (pastilles orange de plus petite
taille), sont soumis, contrairement au cas général, à des préalables plus précis, comme
l’adaptation de la desserte, du programme, de l’environnement ou de la qualité urbaine. Ils
représentent un potentiel de seulement 2 400 hectares, par rapport aux 13 700 hectares des
secteurs d’urbanisation préférentielle.
17
Les extensions urbaines non cartographiées, pour leur part, résultent de l’application d’un
principe et de trois règles.
Le principe s’applique dans toutes les communes d’Ile-de-France et consiste à ne pas remettre
en cause de manière uniforme les extensions urbaines programmées dans les documents
d’urbanisme locaux. Il est le fruit du compromis autorisé par la réalité d’une agglomération
déjà compacte. Les zones d’extension des SCOT et les zones NA/AU des POS/PLU, en
vigueur à la date d’approbation du SDRIF, obéissent, cependant, aux orientations applicables
aux secteurs d’urbanisation préférentielle, et aux normes de densité soutenue. De plus, des
conditions limitent les effets d’une « régularisation » mécanique : le principe trouve à
s’appliquer pour les zones qui sont en continuité avec le tissu urbain existant, qui ne portent
pas atteinte à une continuité écologique, une coupure d’urbanisation, une continuité agricole,
une liaison verte ou une lisière d’un espace boisé.
La première règle concerne la maîtrise de l’évolution des fronts urbains des espaces urbanisés.
Elle prévoit que les communes situées en limite de l’agglomération centrale ou d’une autre
agglomération, pourront programmer des zones d’extension, soumises à des conditions de
projet et de desserte, dans la limite de 12 hectares maximum.
La seconde règle s’applique aux « pôles de centralité » à conforter hors de l’agglomération
centrale. Ces 53 centres de bassins de vie, repérés par un carré bleu sur la CDGT, voient leur
fonction structurante reconnue par l’allocation d’un « bonus » d’extension lui aussi égal à 12
hectares.
La troisième règle vise le développement modéré des « bourgs, villages et hameaux » (BVH)
définis comme les espaces bâtis situés dans l’espace rural. Les prévisions et décisions
d’urbanisme les concernant doivent leur permettre une croissance de 10 %, à l’échéance de 15
ans, et de 15 %, à celle de 30 ans, par rapport à l’espace urbanisé communal à la date
d’approbation du SDRIF.
18
En fin de compte, l’estimation maximale des extensions urbaines non cartographiées permet
d’aboutir à un potentiel de 12 500 hectares. Le parallèle avec les 16 100 hectares d’extensions
urbaines cartographiées permet d’envisager la réalité des marges de manœuvre laissées par le
projet de SDRIF aux collectivités chargées de traduire ces orientations dans leurs documents
d’urbanisme. Pour être exhaustif, citons également la solution retenue pour les infrastructures,
la CDGT indiquant des principes de liaisons et renvoyant le dessin du tracé précis à la
négociation entre acteurs locaux.
19
4. Vers un SDRIF plus « subsidiaire »
L’article L.141-1 du code de l’urbanisme dispose que « avant son adoption par le conseil
régional, le projet de schéma directeur, assorti de l'avis des conseils généraux intéressés, du
conseil économique et social régional et des chambres consulaires, est soumis à enquête
publique ». A cela s’ajoute que l’article L.122-7 du code de l’environnement exige que le
projet de SDRIF, accompagné de son évaluation environnementale, soit soumis pour avis « à
une autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement », c'est-à-dire,
actuellement, au MEDAD. Néanmoins, en plus de ce cas prévu par les textes, l’Etat a
souhaité, à travers un document transmis à la Région le 17 septembre 2007, formaliser un avis
sur le projet de SDRIF, en tant qu’entité « associée » à la procédure de révision. Intégré au
dossier d’enquête publique, cet avis constitue désormais le cadre légal de la négociation entre
le Conseil régional et l’Etat. En effet, nulle modification du projet arrêté ne saurait intervenir
sans que le principe en ait été formellement suggéré dans le cadre de la phase d’enquête.
L’avis de l’Etat est contradictoire. Il met en doute la capacité du projet de SDRIF à imposer la
réalisation de ses objectifs et dénonce, en même temps, sa trop grande précision et son
dirigisme à l’égard des collectivités territoriales.
4.1. Accroître le niveau de précision ?
« En raison de l’autonomie des collectivités territoriales, la carte de destination générale des
différentes parties du territoire (…) ne donne pas une assurance suffisante de pouvoir réaliser
60 000 logements par an. »27 Sans parler des questions d’opportunité d’augmenter ou non les
quantités d’espaces dévolus à l’urbanisation, et en se cantonnant donc sur le terrain juridique,
le raisonnement de l’Etat consiste à contester le choix de la Région de ne pas avoir mis en
place une règle d’obligation, pour les SCOT et les PLU, d’ouverture à l’urbanisation des
secteurs d’extensions prévus par le SDRIF. Or, une telle disposition existait dans le SDRIF de
1994, qui n’est jamais parvenu, loin de là, à atteindre ses objectifs de construction.
L’obligation d’ouvrir à l’urbanisation est une règle difficile à appliquer, et que les
collectivités peuvent aisément contrarier. Les moyens dont elles disposent résident dans un
certain nombre de procédures comme les ZPPAUP, les périmètres de protection et de mise en
valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (article L.143-1 CU), ou les espaces
naturels sensibles des départements, qui permettent de définir des règles rendant impossible la
densification comme l’urbanisation. A ce titre, il serait souhaitable qu’une prochaine réforme
du code de l’urbanisme introduise une obligation de prise en compte des orientations du
SDRIF lors de l’instauration de nouvelles servitudes de ce type.
De même, la « compatibilité limitée » reste un outil efficace à l’usage des collectivités
réticentes à mettre en œuvre le SDRIF. En effet, comme c’est le cas pour les DTA, le SDRIF
ne s’impose qu’aux documents se trouvant directement en dessous de lui dans la hiérarchie
des normes d’urbanisme. Un SCOT peut ainsi constituer une protection efficace pour un PLU
incompatible, en s’intercalant entre lui et le SDRIF. Des solutions, ici aussi, existent :
d’abord, la suppression du code de l’urbanisme de la « compatibilité limitée », ensuite,
l’instauration d’un délai obligatoire de mise en compatibilité des SCOT et PLU avec le
27
« Avis de l’Etat sur le projet de SDRIF », Préfecture de la Région d’Ile-de-France, septembre 2007.
20
SDRIF, enfin tout simplement, l’exercice par l’Etat de ses prérogatives, qui lui permettent de
mettre en demeure la structure concernée de réviser son SCOT et, en cas de carence, de se
substituer à lui.
En tout état de cause, le débat sur l’obligation d’ouvrir à l’urbanisation n’est pas pertinent
face à la réalité de l’opposabilité du SDRIF, c'est-à-dire du rapport de compatibilité. Celui-ci a
montré son efficacité dans le domaine de la protection des espaces mais n’a, en revanche,
jamais permis d’inciter réellement au développement urbain. « Les choix opérés par le SDRIF
constituent une contrainte juridique dès qu’il s’agit d’interdire. Par contre, ils ne peuvent
servir de base à l’instauration de véritables obligations de faire. »28 A l’inverse,
l’accroissement, par la voie légale, du niveau de précision des dispositions du SDRIF, s’il
constituait une solution à ce problème, entraînerait une remise en cause de la philosophie du
système de planification. Dès lors, la question du maintien des deux niveaux stratégiques
(SDRIF et SCOT) se trouverait, en effet, posée, les différences d’échelles se faisant plus
ténue. Il y a là, cette fois, une véritable interrogation sur la subsidiarité, la justification des
écarts d’opposabilité rejoignant la pertinence de l’existence d’une planification régionale et
d’une planification intercommunale.
4.2. Changer la nature des prescriptions ?
En fin de compte, les réserves émises par l’Etat au sujet du système normatif du projet de
SDRIF s’avèrent pertinentes dans la mesure où elles questionnent la conformité du SDRIF à
sa nature, et les difficultés qu’il pose au regard du principe de libre administration des
collectivités territoriales. Le raisonnement développé par l’avis, rédigé pour l’enquête
publique, est le suivant :
« Par son niveau excessif d’orientations détaillées, le projet de SDRIF s’adresse, de fait, trop
directement aux plan locaux d’urbanisme, laissant peu de marges de manœuvre aux schémas de
cohérence territoriale. La Région méconnaît le principe fondamental de subsidiarité et prive les
collectivités infrarégionales de la possibilité de concevoir et de mettre en œuvre leurs propres
projets et stratégies, à l’échelle de territoires cohérents mais plus restreints, et de faire émerger
des territoires de projets infrarégionaux dans le cadre des orientations et des objectifs fixés par
le schéma. »29
Les limites de cette réflexion résident dans un constat simple : le planificateur régional n’a pas
prise sur la composition du dispositif de planification local. C’est dire que l’écriture des règles
se fait « à l’aveugle », de surcroît dans le contexte d’un territoire dont la structuration
intercommunale est singulièrement faible (cf. cartes ci-dessous). En outre, rappelons que
l’existence d’un SDRIF opposable permet aux communes franciliennes d’échapper aux
contraintes du principe « d’urbanisation limitée » de l’article L.122-2 du code de l’urbanisme.
Cette « dispense » ayant précisément pour raison que le SDRIF assure la fonction de mise en
cohérence dévolue, en province, aux SCOT, il paraît légitime que le document régional fasse
état d’une précision suffisante pour empêcher les dérives d’une urbanisation dispersée.
Ajoutons, enfin, que le SDRIF n’est pas en mesure d’exiger l’élaboration de SCOT. Si la LOF
de 1967 obligeait (sans sanction) les agglomérations de plus de 10 000 habitants à se doter
d’un SDAU, la loi SRU a, en ce qui concerne les SCOT, privilégié un mécanisme d’incitation.
En créant une obligation non prévue par la loi, le SDRIF s’installerait dans une position
assurément très délicate à l’égard des principes de l’article 72 de la Constitution. Force est de
28
29
Y. JEGOUZO, art. cité, p. 185.
« Avis de l’Etat sur le projet de SDRIF », p. 11.
21
constater que la suppression du code de l’urbanisme de l’exception francilienne relative à
« l’urbanisation limitée » pourrait présenter des avantages. Une autre piste de réforme doit
également être envisagée, avec la création d’un rapport de compatibilité des PLH – dont
l’élaboration a été rendue obligatoire par la loi ENL30 – avec le SDRIF.
SCOT et EPCI en Ile-de-France au 26 janvier 2004 (source IAURIF)
Si le SDRIF ne peut pas obliger, il peut recommander. Le SDRIF « tient lieu de SRADT » et
peut donc, en vertu de l’article 34 de la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 (telle que
modifiée par la LOADT), « recommander la mise en place d'instruments d'aménagement et
de planification, d'urbanisme ou de protection de l'environnement »31. Il peut même inciter en
distinguant les situations objectivement différentes. C'est-à-dire que l’évolution des
orientations spatialisées du projet de SDRIF, notamment pour répondre à la critique formulée
par l’Etat d’un trop grand « pointillisme », serait susceptible d’intégrer une modulation des
règles en fonction de la mise en œuvre, ou non, d’une démarche intercommunale. En
particulier, il semble envisageable d’octroyer une liberté plus grande de localisation, qui
comprendrait une possibilité de redistribution entre communes, des capacités d’extension non
cartographiées comme des pastilles d’urbanisation32. De même, pourrait être instaurée une
« prime à l’intercommunalité » sous la forme de capacités de développement supplémentaires.
Par voie de conséquence, il en résulterait une meilleure hiérarchisation des principes
d’urbanisation, le bonus allant véritablement aux pôles structurés.
Précisons qu’une telle évolution du projet de SDRIF ne devrait pas se faire au bénéfice des
seuls relais que sont les SCOT. Tout d’abord, parce que, comme cela a déjà été évoqué, les
SCOT applicables sont peu nombreux en Ile-de-France et, tout particulièrement, dans
l’agglomération centrale. Leurs périmètres ne sont, de plus, pas toujours pertinents et ont
tendance à évoluer. Surtout, leur élaboration s’avère longue et complexe. Ils ne sont en
définitive qu’une facette, partielle et friable, de la dynamique intercommunale en Ile-de30
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement.
Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements,
les régions et l’Etat.
32
L’expérience du SDRIF de 1994 a, néanmoins, montré les limites d’un tel dispositif, dans le contexte
d’intercommunalités aux périmètres mouvants au sein desquelles la redistribution des capacités d’urbanisation
s’est révélée périlleuse dans le temps.
31
22
France. De ce fait, les règles d’aménagement pourraient privilégier le fond plutôt que la forme
(institutionnelle) en faisant plutôt référence à l’ensemble des espaces de solidarité et de
projets visant à assurer un développement cohérent des territoires urbains, périurbains et
ruraux. Concrètement, seraient visés les SCOT, évidemment, mais aussi les pays, les parcs
naturels régionaux, et l’ensemble des territoires de projet qu’ils soient portés par une structure
intégrée, comme une communauté d’agglomération ou une communauté de communes, ou
non, comme une association (l’ACTEP par exemple) ou même un EPA. On comprend que
l’intérêt d’un tel dispositif est qu’il pose véritablement la question de la mise en œuvre, en
sortant de l’approche restrictive du contrôle de légalité. L’effectivité de l’application du
SDRIF ne repose plus tant sur le droit que sur la discussion de diagnostics partagés.
D’autres territoires de projet en Ile-de-France (source IAURIF)
L’ajustement des règles, issues du projet spatial du projet de SDRIF, vers une plus grande
souplesse de localisation et de quantification des espaces d’extension implique, en
contrepartie, une certaine exigence au niveau des conditions de l’urbanisation. Des
orientations claires doivent être définies en matière de densité (pour l’habitat comme pour
l’activité), de mixité (sociale et fonctionnelle), de cohérence d’ensemble, de desserte, de
23
qualité environnementale. Cela traduit une certaine évolution de la planification stratégique,
qui s’attacherait moins à des prescriptions relatives à la localisation qu’à l’édiction
d’obligations générales de comportement à destination des autres collectivités locales.
Symétriquement, le SDRIF devrait pouvoir énoncer des règles plus précises, et bénéficier
d’une force contraignante plus importante, là où aucune démarche intercommunale n’existe,
c'est-à-dire là où il s’adresse directement à l’urbanisme réglementaire. Les deux types de
normes incluent une certaine tension avec la conception traditionnelle de la liberté
d’administration des collectivités territoriales. Une voie de passage existe néanmoins dans la
Constitution avec la notion de « collectivité chef de file » de l’article 72. En effet, comme
l’indique le récent rapport d’Alain Lambert, la logique de l’Acte II de la décentralisation
voudrait que les collectivités se voient reconnaître des compétences spéciales, contre
l’habituelle « clause générale de compétence », qui s’accompagneraient d’un véritable
pouvoir réglementaire « opposable aux autres niveaux, y compris aux interventions
éventuelles de l’Etat »33. Les difficultés juridiques que révèle l’exercice d’élaboration d’un
document de planification comme le SDRIF suggèrent que l’aménagement gagnerait à
devenir une compétence spéciale régionale.
33
A. LAMBERT, « Les relations entre l’Etat et les collectivités locales », Rapport au Premier ministre du
groupe de travail sur la révision générale des politiques publiques, novembre 2007, p.7.
24
Conclusion
Le droit de l’urbanisme français résout la contradiction que suppose l’édiction de normes
subordonnées par des collectivités égales grâce au principe « d’harmonisation ». On le
rencontre au premier article du code de l’urbanisme (L.110) rédigé comme suit :
« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en
est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de
vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat,
d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses
ressources, de gérer le sol de façon économe, d'assurer la protection des milieux naturels et des
paysages ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les
populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de
déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur
autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. »
Le principe de compatibilité est la conséquence directe de ce raisonnement. Mais le principal
mécanisme d’harmonisation des politiques d’urbanisme réside dans le principe
« d’association ». S’il existe pour l’ensemble des documents d’urbanisme, il prend un relief
particulier dans le cadre du SDRIF dont la procédure est ouverte et close par un décret en
Conseil d’Etat. Or, force est de constater que le cadre de l’association entre la Région et l’Etat
sur la révision du SDRIF ne garantit pas l’harmonisation de l’aménagement de l’Ile-deFrance.
En effet, l’Etat n’a jamais transmis au Conseil régional les informations dont il dispose en
matière de grands équipements structurants pour le territoire, telles les universités, les
hôpitaux, les installations de l’armée ou les prisons. Les communications ont également été
très partielles en ce qui concerne les zones de danger, les sites SEVESO ou les dépôts
d’hydrocarbures. Au total le « porter à connaissance » de l’Etat constitue plus un recollement
de servitudes, dont l’échelle n’est souvent pas adaptée au SDRIF tant du point de vue
géographique que temporel (PIG caducs), qu’une véritable vision stratégique pour l’Ile-deFrance. A cela s’ajoute que les choix importants opérés par l’Etat pour la région se sont
souvent faits sans concertation et, a fortiori, sans information au sein des organes de pilotage
de la révision du SDRIF. On pense, notamment, à la création de trois nouvelles OIN (Seine
amont, Seine aval, Massy/Saclay/Versailles/Saint-Quentin-en-Yvelines), au « Plan de
renouveau » de La Défense, à la réflexion autour du « Grand Paris », à la réforme de
l’agrément et d’autres dispositions du code de l’urbanisme.
L’harmonisation des prévisions et décisions d’urbanisme en Ile-de-France exige une
amélioration de la concertation autour de la révision du SDRIF. La rédaction de l’article
L.141-1 du code de l’urbanisme, issue de modifications législatives successives, doit être
améliorée pour remédier au contexte d’insécurité juridique dans lequel a dû évoluer le Conseil
régional. Les difficultés pour impliquer les autres collectivités dans le pilotage de la procédure
ou les incertitudes qui ont présidé au déroulement de l’enquête publique révèlent pour une
grande part une décentralisation inachevée. Cette remarque appelle particulièrement une
clarification du contenu de « l’association », c'est-à-dire des droits et obligations des deux
parties. Dès lors, la logique voudrait que l’approbation du SDRIF soit conditionnée au respect
de ces critères objectifs et non à l’incertitude d’une appréciation de nature politique. Mais,
plus que pour la prochaine révision, les enseignements de la procédure en cours valent pour la
25
mise en œuvre du SDRIF : l’association ne se doit pas seulement d’être améliorée mais
devrait également être prolongée. L’aménagement révèle, décidément, une nécessité
d’évolutions institutionnelles importantes puisque la réciprocité implique que l’Etat associe la
Région au suivi de l’élaboration et au contrôle des documents d’urbanisme locaux, c'est-à-dire
aux deux pratiques régaliennes que sont le « porter à connaissance » et le « contrôle de
légalité ».
26
Liste des principaux sigles utilisés
ACTEP
AMIF
AU
BVH
CDGT
CESR
CU
DTA
ENL
EPA
EPCI
IAURIF
INSEE
LOADT
LOF
MEDAD
MOS
NA
OIN
PIG
PLH
PLU
POS
SCOT
SDAU
SDAURIF
SDAURP
SDRIF
SRADT
SRU
ZAC
ZPPAUP
Association des collectivités territoriales de l’est parisien
Association des maires d’Ile-de-France
zones à urbaniser des PLU
bourgs, villages et hameaux
carte de destination générale des différentes parties du territoire
Conseil économique et social régional
Code de l’urbanisme
Directive territoriale d’aménagement
Loi portant engagement national pour le logement
Etablissement public d’aménagement
Etablissement public de coopération intercommunale
Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Ile-de-France
Institut national de la statistique et des études économiques
Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire
Loi d’orientation foncière
Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables
Mode d’occupation des sols
zones d’urbanisation future des POS
Opération d’intérêt national
Projet d’intérêt général
Programme local de l’habitat
Plan local d’urbanisme
Plan d’occupation des sols
Schéma de cohérence territoriale
Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme
Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Ile-de-France
Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne
Schéma directeur de la région d’Ile-de-France
Schéma régional d’aménagement du territoire
Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains
Zone d’aménagement concerté
Zone de protection du patrimoine architectural, urbanistique et paysager
27
Bibliographie
Publications institutionnelles
- MARCOU, Gérard (dir.), « Les nouvelles formes de planification de l’Ile-de-France »,
DREIF, décembre 2003, 100 p.
- « Le SDRIF de 1994, quel bilan ? Synthèse des points de vue du Conseil régional, de l’Etat
et du Conseil économique et social régional », octobre 2004, 8 p.
- « Eléments pour un bilan du Schéma directeur régional d’Ile-de-France de 1994 », Région
Ile-de-France, 21 octobre 2004, 52 p.
- « Une vision régionale pour l’Ile-de-France », Région Ile-de-France, juin 2006, 132 p.
- « Avis de l’Etat sur le projet de SDRIF », Préfecture de la Région d’Ile-de-France,
septembre 2007, 18 p.
- LAMBERT, Alain, « Les relations entre l’Etat et les collectivités locales », Rapport au
Premier ministre du groupe de travail sur la révision générale des politiques publiques,
novembre 2007, 42 p.
Généralités sur la planification
- GAUDIN, Jean-Pierre, « “ La cité reconstituée ”. Techniques de planification urbaine et
légitimités politiques au début du 20ème siècle », in RFSP, volume XXXV, n° 1, 1985, pp.
91-110.
- LE CORBUSIER, La Charte d’Athènes, Seuil, Points Essais, Paris, 1971, 189 p.
- PINSON, Gilles, « Le projet urbain comme instrument d’action publique », in
LASCOUMES, Pierre, et LE GALÈS, Patrick, Gouverner par les instruments, Presses de
Sciences Po, Paris, 2004, 370 p.
Droit de l’urbanisme
- JACQUOT, Henri, et PRIET, François, Droit de l’urbanisme, Dalloz, Précis, Paris, 2004
(5ème édition), 2004, 913 p.
- « Les grands arrêts du droit de l’urbanisme », 3° éd., Dalloz, Paris, 1989, 995 p.
- Cahiers du Conseil constitutionnel, n°12, Analyse sommaire de la décision n°2001-454 DC
du 17 janvier 2002.
28
- FRIER, Pierre-Laurent, « Le pouvoir réglementaire local : force de frappe ou puissance
symbolique ? », in AJDA, 2003, pp.559-563.
- JEGOUZO, Yves, « La révision du SDRIF Problèmes juridiques et perspectives », in
RFDA, mars-avril 1990, pp. 180-187.
- LEBRETON, Jean-Pierre, « La compatibilité en droit de l’urbanisme », in AJDA, 1991, pp.
491-495.
- ROUSSEAU, Dominique, « Les principes de libre administration locale et d’égalité à
l’épreuve de l’aménagement du territoire », in RFDA, septembre-octobre 1995, pp. 876-883.
- VERPEAUX, Michel, « Une décision inattendue ? », in RFDA, mai-juin 2002, pp. 459-468.
29

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