Les plus belles fresques de New York

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Les plus belles fresques de New York
Les plus belles fresques de New York
GENCOD : 9782070146857
PASSAGE CHOISI
INTRODUCTION
GRAYDON CARTER
Les peintures murales sont essentiellement faites pour raconter une histoire, et en particulier
l'épopée de l'homme dans toute sa splendeur et sa futilité. Mais le terme de «peinture
murale», dans son acception la plus large, s'applique dès les peintures rupestres du nord de
l'Espagne et continue dans les temples étrusques, les monastères bouddhistes, les palais de
Cnossos et de Samarra pour culminer à Padoue, dans la chapelle des Scrovegni, de Giotto,
et à Rome dans la chapelle Sixtine, de Michel-Ange. Certaines peintures murales sont de
véritables manifestes, qui chantent l'essor des nations et de leurs industries, ou stigmatisent
l'oppression et la guerre. La surface vierge stimule la créativité du muraliste comme celle des
meilleurs peintres du siècle dernier, tels Picasso, Léger, Rivera, Sargent et même Keith
Haring. La toile de Picasso réalisée en réaction au bombardement de Guernica, au Pays
basque, a d'abord été exposée sur un mur du pavillon de l'Espagne à l'Exposition de Paris
de 1937. Aux États-Unis, les muralistes ont connu leur âge d'or pendant l'entre-deux-guerres
avec de nombreux bâtiments officiels, bibliothèques, écoles et halls de gratte-ciel. Leurs
oeuvres ont eu cette vitrine grâce au Fédéral Arts Program (ou FDA : Programme artistique
fédéral) et à la Works Progress Administration (ou WPA : Administration pour le progrès des
travaux), deux organismes créés par Roosevelt dans le cadre de son New Deal.
Les peintures murales font aujourd'hui encore la joie des amateurs qui ont la chance de vivre
à New York. Dans les pages de ce superbe ouvrage écrit par Glenn Palmer-Smith et Joshua
McHugh, elles se présentent en miniatures au lecteur souhaitant remonter à leurs sources.
Chaque peinture raconte une histoire, mais chacune a aussi son histoire. J'ignorais par
exemple que le firmament décorant le plafond de la salle des pas perdus de la gare de Grand
Central était à l'envers. Paul Helleu, artiste français proche de Marcel Proust, a confié
l'exécution du projet à un peintre australien, qui a placé les constellations telles qu'elles sont
vues depuis l'hémisphère Sud. Comme Glenn l'a observé, cela est passé inaperçu jusqu'au
moment où un mordu d'astronomie de New Rochelle l'a signalé.
La superbe peinture murale de 9 mètres de Maxfield Parrish, qui occupe toute la longueur du
King Cole Bar, dans l'hôtel St. Régis, fut initialement commanditée par John Jacob Astor
pour le bar de l'hôtel Knickerbocker, sur Times Square. Quand l'immeuble du Knickerbocker
fut transformé en bureaux, la peinture murale fut d'abord installée au Chicago Art Institute
(Institut d'art de Chicago), puis au New York Racquet Club (club de tennis de New York) sur
Park Avenue et enfin dans le bar du St. Régis, où elle est encore. Parrish étant quaker, il
hésitait à peindre une oeuvre destinée à être accrochée dans un débit de boisson, mais Astor
calma ses scrupules en lui offrant une rémunération de 5000 dollars, une somme énorme
pour l'époque, à la condition toutefois que le portrait d'Astor soit au centre de la composition
:
Les anecdotes de ce genre ne manquent pas mais elles sont du ressort de Glenn, et c'est un
domaine qu'il connaît bien. J'ai moi-même contribué à la peinture de deux oeuvres qu'il a
retenues : celle du Waverly Inn à Greenwich Village, et celle du Monkey Bar dans la partie est
de Manhattan, entre les avenues Madison et Park. J'en dirai juste quelques mots. Quand j'ai
repris le Waverly Inn en 2007 avec mes associés Sean Macpherson et Eric Goode, j'ai appelé
le doyen des illustrateurs américains, Ed Sorel, pour une éventuelle peinture murale dans
notre salle de restaurant. Je travaillais déjà avec lui depuis des années, et j'imaginais très
bien ses couleurs chatoyantes et ses caricatures diaboliques dans mon restaurant. Je
souhaitais qu'il représente l'histoire de la vie de bohème qui est un peu la légende de
Greenwich Village. Et le Waverly en était partie intégrante. Il avait été ouvert pendant la
Prohibition, et avait appartenu à la secrétaire de la rédactrice adjointe de Vanity Fair, Clare
Boothe (nom de jeune fille de celle qui devait devenir Clare Boothe Luce). Cela dit, Ed et moi
avons dressé une liste d'une trentaine de personnages remontant à l'âge héroïque du Village
et jusqu'à l'après-guerre : d'Edgar Allan Poe, John Reed et Willa Cather à Jack Kerouac,
Norman Miller et Joan Baez.
Quelques années plus tard, Jeff Klein, Jeremy King et moi-même avons repris le vénérable
Monkey Bar, restaurant au passé plutôt louche mais à l'avenir selon nous prometteur. Il avait
été fréquenté par Tallulah Bankhead et Tennessee Williams. Tous les deux vivaient à l'hôtel
Élysée, lui aussi de réputation passablement canaille : les gens bien informés du quartier le
recommandaient pour ses «plans culs». Williams y mourut en s'étouffant avec le bouchon
d'un flacon de collyre qu'il cherchait à ouvrir avec les dents. Le bar du restaurant a été
décoré par une série d'artistes facétieux, mettant en scène des personnages simiesques.
Pour la grande salle de restaurant, je suis revenu vers Ed et, après maintes palabres, nous
sommes tombés d'accord sur une galerie de portraits de New-Yorkais de l'âge du jazz :
Harold Ross, Moss Hart, Babe Ruth, Billy Rose, Scott Fitzgerald, Robert Benchley, etc. J'y
mange souvent et au moment de m'asseoir, j'observe ces témoins de l'histoire de notre
grande cité. Comme les autres peintures murales du présent ouvrage, celles du Monkey Bar
et du Waverly Inn s'offrent aux spectateurs d'aujourd'hui pour leur signifier qu'ils s'inscrivent
à leur tour dans cette admirable lignée qui a fait le succès de New York.
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