Les sous-sols et la géodiversité
Transcription
Les sous-sols et la géodiversité
Les sous-sols et la géodiversité L’anse du Cul Rond en Normandie : les plus vieilles roches de France Frédéric Gresselin/DREAL BN ❝ La Basse-Normandie est le manuscrit géologique le plus complet de France... ❞ Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Conception de la thématique Ce document a été conçu grâce à la contribution de nombreux rédacteurs issus de services spécialisés dans le domaine de l’environnement. Il présente un état des lieux des sous-sols et de la géodiversité en Basse-Normandie. Compte tenu de l’état de la connaissance et de l’importance du domaine considéré, ce recueil ne peut être exhaustif. Il prend en compte les données qui ont été transmises par les acteurs mobilisés. Les services de l’État ont coordonné l’ensemble des travaux. Directeur de publication : Jean Charbonniaud, Préfet de la région Basse-Normandie, Préfet du Calvados Directrice de la rédaction : Caroline Guillaume, Directrice régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Basse-Normandie (DREAL) Cadrage : Philippe Surville (DREAL) Animation du projet : Sandrine Héricher (DREAL) Expertise et direction techniques : Frédéric Gresselin (DREAL) Rédaction Un patrimoine géologique d’intérêt international : Frédéric Gresselin (DREAL) Les usages des sous-sols et les risques : Melissa Delavie, Nathalie Desruelles, Frédéric Gresselin, Guillaume Goodwin, Mathieu Morel, Matthieu Pelletier (DREAL) Avec les contributions de : Françoise Gigot (Lithotèque), Catherine Varlet-Coeffier (Lycée Malherbe) Relecture et validation Conseil régional de Basse-Normandie : Isabelle Bureau, Thierry Berthaux DREAL : Michel Guéry, Ludovic Genet, Olivier Lagneaux, Philippe Surville, Patrice François Secrétariat général aux Affaires régionales : Vincent Rivasseau Ecovia : Roland Thaler Développement graphique et mise en page : Séverine Bernard (DREAL) Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l’Énergie 3 2 Dans les versants escarpés du bocage, dans de nombreuses carrières et le long du littoral, sur les estrans ou dans les falaises, la nature révèle en BasseNormandie quelques affleurements géologiques du plus grand intérêt, national ou international. C’est à travers l’étude de notre région que, dès la fin du XVIIIe siècle, des pionniers ont contribué à poser les fondements d’une nouvelle discipline : la géologie. Leurs noms sont peu connus du grand public. Ces érudits étaient des membres de la « Société Linnéenne de Normandie », créée par Arcisse de Caumont en 1823 et qui diffusa à l’époque une revue scientifique de portée internationale. Grâce à ces savants, l’Université de Caen a rayonné dans le passé et notre patrimoine est connu des géologues du monde entier. Mais s’il suscite toujours autant d’intérêt, deux siècles après la naissance des Sciences de la Terre, c’est qu’il est d’une grande valeur scientifique et pédagogique. La Basse-Normandie est en effet le manuscrit géologique le plus complet de France. Ces prestigieuses ressources ont offert à nos villes et villages de magnifiques constructions et monuments. L’exemple le plus réputé est celui de la pierre de Caen qui traversa la Manche et même l’Atlantique pour édifier de célèbres monuments tels que la cathédrale de Durban en Angleterre ou Christ Church à Montréal. Dès le Néolithique, nos ancêtres ont exploité les moindres richesses du sous-sol : silex, houille, fer et autres métaux, pierres à chaux et de taille, craie, argiles… Les matériaux les plus rares sont désormais épuisés ou, trop difficiles d’accès et ne peuvent actuellement bénéficier d’une valorisation économique. Le gisement de roches massives de types grès, granites, calcaires… est volumineux et pour l’essentiel dédié à la fabrication de granulats. Il fait l’objet d’une exploitation raisonnée. L’exploitation des gisements souterrains a laissé de nombreuses cavités dont quelques unes seulement sont parfaitement connues. A l’exception de certains secteurs localisés, la connaissance de l’aléa et la maîtrise du risque sont peu avancés, même si l’Etat et l’Union européenne ont tenté de mobiliser les collectivités moins avancées sur ces aspects. 3 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité 5 4 1 Un patrimoine géologique d’intérêt international 7 • Les roches les plus anciennes de France : l’Orosirien de l’anse du Cul Rond (âgées de 2 milliards d’années) • Le Néoprotérozoïque et la création de la chaîne de montagne cadomienne (de -640 à -540 millions d’années) • Du Cambrien à la création de la chaîne de montagne varisque : une microplaque située au large de l’Afrique (de -540 à -320 millions d’années) • Le cycle alpin (de -200 à aujourd’hui) 2 Les fonctionnalités des sous-sols 31 • Les fonctionnalités écologiques • Les fonctionnalités économiques : l’extraction de matériaux 3 Les risques liés au sous-sol 42 • Les cavités souterraines • Les glissements de terrain et chutes de blocs • Le risque sismique 4 Synthèse et enjeux 55 • Chiffres clés • Grilles « AFOM » • Enjeux et orientations 5 Acteurs régionaux et bibliographie 57 • Acteurs régionaux • Bibliographie 5 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité 7 6 1. Un patrimoine géologique d’intérêt international La géologie de la Basse-Normandie est d’une grande richesse. La région appartient dans son intégralité à la plaque armoricaine même si, à l’Est, cette dernière disparaît sous les recouvrements secondaires et tertiaires du Bassin parisien. A l’Ouest, le Massif armoricain, fortement plissé, forme des paysages de collines bocagères, incisées de vallées plus ou moins échancrées, parcourues de zones humides. A l’Est, le Bassin parisien propose un relief plus doux de plaines et de plateaux, aux vallées ouvertes ou en auge, et quelques collines qui courent du Pays d’Auge au Perche. La Basse-Normandie tient depuis plusieurs centaines de millions d’années un registre des plus complets sur l’histoire de notre planète. La tectonique des plaques n’a plus de secret pour elle. Elle a vécu l’élévation de trois chaînes de montagnes. Elle peut témoigner de l’explosion de la vie et de la disparition des dinosaures. Elle était « invitée » à l’ouverture de l’Atlantique. Elle est incollable sur les grandes glaciations. Qui peut se « vanter » d’avoir autant voyagé dans le monde et amoncelé autant de souvenirs qu’elle nous offre sous la forme de roches et de fossiles ? Probablement beaucoup d’autres régions à travers le monde mais celle-ci est une des plus riches à l’échelle de la planète. Du littoral escarpé du Cotentin ... ... aux bocages de l’Orne Olivia Durande/DREAL BN Romé India A découvrir d ans ce chapit re XX Des roches parmi les plus anciennes de France XX Le Néoprotérozoïque et la création de la chaîne de montagne cadomienne XX Du Cambrien à la création de la chaîne de montagne varisque XX Le cycle alpin Les richesses géologiques, minéralogiques et paléontologiques font partie du patrimoine naturel au même titre que la biodiversité (article L 411-5 du code de l’Environnement). Un inventaire du patrimoine est mené dans chaque région sous la responsabilité des DREAL, sur la base d’une méthode élaborée au niveau national par le Muséum National d’Histoire Naturelle, avec l’appui technique du Bureau Régional Géologique et Minier (BRGM). La géodiversité représente « l’ensemble des éléments des sous-sols, sols et paysages qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés, issus de processus géologiques ». Cela concerne autant les phénomènes passés de la Terre, observables dans les sous-sols, sols et paysages (traces de vie...), que les phénomènes courants actuels (biologiques, climatiques, ...) qui agissent sur ces composantes. Le monde minéral est le substrat de la vie, les écosystèmes actuels ne sont que la dernière image d’un livre que le géologue cherche à reconstituer. L’environnement géologique et l’histoire de la Terre fournissent des indices qui permettent de comprendre l’évolution de la vie et de la biodiversité actuelle. Ainsi, la géodiversité est le complément incontournable de la biodiversité. 7 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité L’échelle stratigraphique est la division des temps géologiques fondée sur l’étude des strates sédimentaires qui se sont déposées successivement au cours du temps. Elle est divisée en grandes unités, les ères, elles-mêmes divisées en unités de plus en plus courtes, les systèmes ou les périodes, les époques ou les séries et les étages. L’étage est l’unité de base de l’échelle stratigraphique ; il est représenté par un stratotype, c’est-à-dire une couche géologique caractérisée par un contenu lithologique et paléontologique spécifique. 9 8 La spirale écologique Références La Terre s’est formée il y a environ 4,5 milliards d’années et la vie y est apparue il y a 3,5 milliards d’années. Les seules traces de l’évolution de la planète encore identifiables aujourd’hui sont enregistrées dans les roches présentes. Pour dater les événements de l’histoire de la Terre et des êtres vivants, on dispose de deux types d’outils : la stratigraphie et la radiochronologie. La stratigraphie permet d’établir la succession d’événements au cours du temps en déterminant l’ancienneté relative des roches et des fossiles qu’elles contiennent (datation relative). La radiochronologie, par mesure de la décroissance radioactive d’isotopes permet, dans certaines conditions, d’assigner à une roche ou à un fossile son âge exact (datation absolue). BINGO La baie d’Ecalgrain et l’anse du Cul Rond Olivia Durande/DREAL BN La DREAL coordonne l’élaboration de l’inventaire en s’appuyant sur l’Association Patrimoine Géologique de Normandie et le Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel (CSRPN) de Basse-Normandie. Les inventaires du Calvados et de l’Orne sont disponibles sur le site internet de la DREAL, celui de la Manche est en cours de réalisation. 9 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les roches les plus anciennes de France : l’Orosirien de l’anse du Cul Rond (âgées de 2 milliards d’années) La géologie de la Basse-Normandie est un manuscrit dont les premières pages ont été définitivement perdues. Il ne reste aucune trace de l’histoire régionale avant 2 milliards d’années. Seuls, de cette lointaine époque, persistent quelques lambeaux d’un socle orosirien (icartien) dont les témoins les plus célèbres affleurent dans la Hague et à Guernesey, dans l’Icart Bay. C’est à marée basse que l’Anse du Cul Rond (Jobourg, 50) dévoile les plus beaux faciès des roches les plus vieilles de France. Elles sont datées de 2 milliards d’années et prennent la forme de gneiss et de migmatites. Formées dans l’écorce terrestre profonde, elles reposent désormais à la surface du globe. Le Nez de Jobourg Roche métamorphique : roche qui a subi une transformation minéralogique et structurale à la suite d’élévations de la température et de la pression Gneiss : roche métamorphique. Les gneiss de l’anse du Cul Rond sont d’anciennes roches sédimentaires (paragneiss) et magmatiques (orthogneiss) qui, portées dans des conditions de température et de pression très élevées (550°c et 5 à 6 kilobars minimum) se sont progressivement transformées en gneiss. Certains minéraux inclus dans ces gneiss sont datés de 2 milliards d’années. Ce sont les seuls témoins connus de cette époque en BasseNormandie. Migmatites : roche d’origine gneissique qui s’est engagée dans un processus de fusion partielle. Laurent Mignaux/MEDDE-MLET Les migmatites de l’Orosirien (Icartien) de l’Anse du Cul Rond (La Hague, 50) Orthogneiss oeillés Lithothèque de Normandie Frédéric Gresselin/DREAL BN 11 10 Le Néoprotérozoïque et la création de la chaîne de montagne cadomienne (de -640 à -540 millions d’années) De nouveaux quelques feuillets arrachés et l’histoire reprend au Néoprotérozoïque, il y a 640 millions d’années. L’épopée de la plaque armoricaine débute. Pendant 100 millions d’années (Ma), la Basse-Normandie est « sous le feu des projecteurs ». C’est l’époque « glorieuse » de la création de la chaîne de montagne cadomienne, dont le nom fait référence au nom latin de Caen (Cadomus). La chaîne cadomienne, ou « The Cadomian belt », comme l’appellent les Anglo-saxons, est, à l’époque, une chaîne de montagne puissante qui s’étend du Canada à l’Espagne et du Royaume-Uni à la Pologne. La Basse-Normandie est, à cette époque, un système d’arcs insulaires situé au large de l’Afrique. Les processus cinématiques qui régissent son fonctionnement s’apparentent à ceux actuellement observés dans les archipels du Pacifique, au large de l’Australie (L’arc des îles Marianne par exemple). Edifiés par un volcanisme particulièrement abondant autour de –585 Ma, les arcs insulaires du Vast et de Coutances forment des cordillères montagneuses bordées de toute part par des mers profondes. Les produits d’érosion générés par les arcs viennent s’y déposer. Le plus vaste des bassins sous-marins est celui de la Mancellia. Situé au SudEst de l’arc de Coutances, il est le siège, entre -585 Ma et -540 Ma, d’une importante sédimentation qui donne naissance au « flysch briovérien ». Ce flysch est une formation détritique essentiellement constituée de grès et de schistes. Elle atteint plusieurs milliers de mètres d’épaisseur dans le bassin mancellien. Orogenèse : ensemble des événements aboutissant à la formation d’une chaîne de montagnes par compression. Arcs insulaires : ensembles d’îles, la plupart volcaniques, réparties en un ou plusieurs alignements courbes dessinant des arcs à convexité généralement tournée vers le large. Leur présence résulte de la subduction d’une plaque océanique sous une autre plaque tectonique. Pluton : roche grenue formée par cristallisation lente d’un magma profond. La diorite de Coutances La principale phase de déformation liée à la constitution de la chaîne de montagne cadomienne se situe vers -540 Ma. Les bassins sédimentaires se trouvent progressivement émergés et leurs sédiments font l’objet d’un intense serrage. Les plis et les failles qui en résultent, orientés Nord-Est/Sud-Ouest structurent encore la région de nos jours. Soumis à de très fortes pressions, les parties les plus profondes du bassin mancellien entrent en fusion vers - 540 Maet émettent un abondant magmatisme. En remontant vers la surface, les magmas donnent naissance à de nombreux plutons : granodiorites de Vire, d’Avranches, de la Ferté-Macé, d’Athis, de Fougères, d’Izé…En s’injectant dans le flysch briovérien, les magmas le transforment par cuisson en cornéennes et schistes tachetés. Frédéric Gresselin/DREAL BN C’est le principal pluton armant l’Arc de Coutances. D’autres diorites se mettent en place plus au Nord, dans l’arc du Vast. Les diorites ressemblent à des granites mais sont moins acides que ces derniers. 11 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Le flysch briovérien de la vallée de la Laize Granodiorite : roche cristalline un peu moins riche en silice qu’un granite. Cornéenne : roche « dure comme de la corne » issue de la cuisson d’une roche parent (grès, schistes, calcaires…) par une intrusion magmatique. Frédéric Gresselin/DREAL BN Le flysch briovérien est une formation détritique essentiellement constituée de « grès et de schistes ». Sur des milliers de mètres d’épaisseur affleurent des alternances de grauwackes, de grès et de siltites, anciens matériaux de remplissage du bassin océanique de la Mancellia. Schistes tachetés : roche très dure issue également de la cuisson d’une roche parent par une intrusion magmatique. Situé plus loin de l’intrusion que la cornéenne et donc porté à une température moindre que cette dernière, le schiste tacheté est moins bien recristallisé, moins dur et davantage altérable. Ainsi, dans le Sud de la Normandie, les schistes tachetés forment-ils des reliefs assez mous là où les cornéeennees déterminent la présence de reliefs accentués ceinturant les granodioritiques. 13 12 Totalement émergée à l’issue de l’orogénèse cadomienne, la plaque armoricaine subit alors une phase d’érosion continentale de grande ampleur. Les premiers dépôts recouvrent la chaîne cadomienne en discordance. Galets cambriens issus de l’érosion de la chaîne cadomienne (Equeurdreville-Hainneville) Cette discordance angulaire s’observe de façon spectaculaire dans la vallée de la Vire ou de la Laize, à Jacob Mesnil, où elle attire chaque année des milliers de géologues en herbe. Ils viennent de la région parisienne et du Sud de la France ainsi que de pays voisins. La discordance angulaire entre les terrains du Néoprotérozoïque (anciennement appelé Briovérien) et ceux du Cambrien Frédéric Gresselin/DREAL BN Discordance : surface d’érosion séparant un ensemble plissé lors d’une phase tectonique d’un autre ensemble non plissé par cette dernière, car déposé postérieurement à la déformation. La discordance cadomienne correspond à la présence des terrains cambriens reposant sur les terrains néoprotérozoïques plissés. Lithothèque de Normandie Le conglomérat Cambrien, formation fluviatile à galets, repose sur le Néoprotérozoïque (entre -1 milliard et - 540 millions d’années) plissé et érodé La période de décompression qui suit l’orogenèse cadomienne au Cambrien s’accompagne d’une montée des derniers magmas que cette dernière a généré. Les régions de Saint-Germain-le-Gaillard (Nord-Cotentin) et d’Alençon (Orne) sont alors le siège d’un véritable « feu d’artifice ». Les volcans explosifs libèrent localement, par le biais de nuées ardentes, des centaines de mètres d’épaisseur de roches éruptives. De tels trésors constituent aujourd’hui le soubassement d’une partie de la forêt d’Ecouves… La vie paraît absente à cette époque et semble attendre l’explosion de la dernière caldeira pour s’épanouir dans la région. Aucun fossiles n’a été jusqu’ici trouvé dans les terrains birovériens. Caldeira : cratère volcanique géant pouvant mesurer plusieurs kilomètres de diamètre lié à l’affaissement d’un volcan par effondrement de la chambre magmatique qui l’alimente. Ignimbrite : roche formée de débris de lave acide issus d’une nuée ardente et soudés avant leur refroidissement. Elle est principalement de couleur gris foncé à gris-bleu. Le mot ignimbrite vient du latin, de ignis, le feu, et imber, la pluie. Pyroclastites : roches issues d’éruptions extrêmement violentes au cours desquelles les volcans expulsent des volumes considérables de cendres et de ponces et émettent des coulées acides riches en gaz 13 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Le fossé volcanique du Maine (Source : J. Le Gall, 1993) Des volcans en Basse-Normandie : la caldeira cambrienne d’Ecouves (Source : J. Le Gall, 1993) Au cours du Cambrien, la bordure Sud-Est de la Mancellia est le siège d’une intense activité volcanique s’étendant d’Ecouves à la Charnie. L’extension de la province volcanique est estimée à plus de 75 km de long (limite Nord inconnue) et 50 km de large. Les centres éruptifs se situent au sein de grandes caldeiras dont celle d’Ecouves. Les produits émis, ignimbrites et pyroclastites, reflètent le dynamisme hautement explosif du volcanisme. Les premiers dépôts cambriens torrentiels à fluvio-deltaïques, témoignent du démantèlement de la chaîne cadomienne à travers un processus dénommé pénéplanation. Galets de très grande taille (cliché 1) Galets de petite taille (cliché 2) Les volcanites de la forêt d’Ecouves se sont mises en place très rapidement, dans un environnement deltaïque au Nord et marin au Sud. L’émission des ignimbrites s’est exercée en lien avec l’effondrement du toit de la chambre magmatique, lors de la formation de la caldeira d’Ecouves. La texture des ignimbrites indique une température de mise en place supérieure à 500°C. Sables grossiers avec graviers (cliché 3) galets graviers galets Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN Les dépôts sont de plus en plus fins au fur et à mesure que diminuent l’altitude des reliefs et le pouvoir de transport des torrents et des fleuves. A l’extrême base de la série cambrienne, le conglomérat se compose ainsi de galets de très grande taille (cliché 1). Ils deviennent de plus en plus rares vers le haut de la série, remplacés par des galets de petite taille (cliché 2) puis par des graviers et des sables grossiers (cliché 3). 15 14 Du Cambrien à la création de la chaîne de montagne varisque : une microplaque située au large de l’Afrique (de -540 à -320 millions d’années) L’écriture du manuscrit est plus distincte, quelques paragraphes restent cependant illisibles et des pages sont arrachées de temps à autre. Une plate-forme sédimentaire au large de l’Afrique, dans l’hémisphère Sud La première transgression marine du Cambrien commence dans le Cotentin dès -540 Ma. Les premiers dépôts, les schistes et grès de Carteret, contiennent la faune la plus ancienne du Massif armoricain, éponges et hyolithes. Bientôt, les fonds normands sont tapissés de dépôts bactériens et de stromatolithes. Mais l’instabilité de la plaque armoricaine ne permet pas l’installation durable de cette plate-forme carbonatée (fonds marins où se déposent les calcaires). La mer se retire assez rapidement pour revenir petit à petit, du Cambrien à l’Ordovicien. Les stromatolithes se localisent au Cambrien inférieur dans les trois provinces marines du Cotentin, de la vallée de l’Orne et du Maine. D’après Doré 87 0 30 km Paléographie au Cambrien inférieur Stromatolithes Calcaire et argiles silteuses Argiles, schistes et grès Dolomies et calcaire dolomitiques Arkoses, Grès feldspathiques Socles émergés Haut-fond à sédimentation réduite Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie Le premier fossile à carapace à apparaître dans la région est un trilobite dénommé Bigotina. Cet organisme, découvert dans la falaise du Cap de Carteret (50) et daté du Cambrien inférieur, est peut-être le plus vieux fossile à squelette externe du monde. Un des trilobites les plus célèbres de Basse-Normandie : Asaphus, découvert lors du creusement de la tranchée de chemin de fer de Mortain Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie Transgression marine : envahissement des continents par la mer, dû à un affaissement des terres émergées ou à une élévation générale du niveau des mers. Stromatolithe : formation rocheuse calcaire formant des massifs en forme de chou-fleur. Les stromatolites ou stromatolithes signifient « tapis de pierre » en grec. L’origine biologique des stromatolithes est avérée pour les roches récentes, ayant moins de 350 millions d’années. Elle est le fait de micro-organismes, telles les cyanobactéries, qui précipitent le bicarbonate en carbonate de calcium. Les plus anciens stromatolithes datent de -3,5 milliards d’années. Hyolithes : fossiles semblables à de petits mollusques coniques. 15 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Position de la plaque armoricaine vers -530 Ma Position de la plaque armoricaine vers -480 Ma (tache noire de l’Arc cadomien) Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) (tache noire au Sud de l’Océan rhéic) Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Pendant 200 millions d’années, les conditions de la sédimentation vont essentiellement rester littorales dans la région. La mer ne recouvre définitivement l’Armorique qu’au cours de l’Ordovicien (-480 Ma). Du Cambrien au Dévonien (-540 à -410 Ma), la plaque armoricaine, demeure une province marine située au large de l’Afrique (Gondwana) et, liée à cette dernière, « voyage » à travers le monde. La plaque armoricaine passe une grande partie de son histoire sous les tropiques ou l’équateur. Jusqu’au Carbonifère, elle se positionne dans l’hémisphère Sud faisant même une petite incursion près du pôle Sud, autour de -440 millions d’années. Mais vers -410 millions d’années, l’Armorique retrouve sa position tropicale. La présence de récifs coralliens carbonatés dans la région de Baubigny (Manche) en est une preuve indéniable. Poussée progressivement par l’Afrique en direction du Nord, la plaque cadomienne va de nouveau rentrer en compression, provoquant la création d’une nouvelle chaîne de montagnes : la chaîne varisque (appelée anciennement « hercynienne »). Le serrage varisque prend effet entre -360 et -320 Ma en Basse-Normandie. Position de la plaque armoricaine (tache noire) vers -380 Ma (Dévonien). Position de la plaque armoricaine (tache noire) vers -300 Ma (Carbonifère). Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Sandrine Héricher/DREAL BN 17 16 La création d’une nouvelle chaîne de montagnes : l’orogenèse varisque Les plis varisques (hercyniens) au large de Vauville (photo des fonds marins pris par sonar latar) A la fin de l’orogenèse varisque, la Basse-Normandie présente le maillage structural qui l’organise encore de nos jours. Il se compose de deux lignes directrices : • la ligne varisque (ou hercynienne) Ouest-Nord-Ouest / Est-Sud-Est • la ligne cadomienne Ouest-Sud-Ouest /Est-Nord-Est. Les plis varisques s’observent à toutes les échelles : ils déforment les terrains précambriens, déjà abondamment plissés lors de l’orogenèse cadomienne, et structurent les matériaux paléozoïques en de grands plis de longueur d’onde déca-kilométrique. Ces plis disposent en leur sein de nombreux replis secondaires. La matière est ainsi déformée parfois jusqu’au niveau du grain sédimentaire qui la constituait à l’origine. Frédéric Gresselin/DREAL BN Galet cambrien déformé au cours de l’orogenèse varisque Le galet cambrien a été cisaillé (coupé en deux) par la pression s’exerçant sur la roche et, entre les deux parties nouvellement formées, des cristaux de quartz gris surlignés de rose et de la chlorite (verdâtre) ont recristallisé en cours de déformation. Frédéric Gresselin/DREAL BN L’o ssa t ure her cyn ien les ne plis her cyn ien Discordance s s ien om ad lis c nne mie p les ture ssa o cad L’o 17 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Le relief actuel de la région s’articule autour des lignes de force héritées des orogènes cadomien et varisque Synclinal de May May-sur-Orne N Jurassique Synclinal d’Urville Laize-la-Ville Jacob-Mesnil S La Roche Blain Paléozoïque Briovérien Briovérien 0 1 km lithothèque de Basse-Normandie L’architecture géologique de la Basse-Normandie est héritée de son histoire. Le bâti briovérien, représenté en vert foncé, plissé lors de l’érogénèse cadomienne, a été recouvert en discordance par les terrains paléozoïques (en vert clair). Pendant l’orogenèse varisque, les assises paléozoïques sont déformées à leur tour par des plis plus ouverts. Ces plis redéforment le bâti cadomien. Après pénéplanation, la mer jurassique a déposé petit à petit ses sédiments (en jaune), en discordance également. Certains reliefs paléozoïques comme à Maysur-Orne, n’ont été recouverts que tardivement par la mer jurassique. Les dépôts jurassiques y sont déjà érodés. Le magmatisme varisque Les magmas émis lors de la formation de la chaîne varisque sont beaucoup moins abondants que ceux produits pendant la période cadomienne. Le serrage varisque est par ailleurs moins « violent » en Basse-Normandie que le cadomien. Les plis qui en résultent sont ainsi beaucoup plus amples et ouverts. Dans la région, les premières déformations varisques sont enregistrées vers -360 millions d’années. Elles s’accompagnent du soulèvement de la plaque, de son érosion et de la création de deux bassins sédimentaires (bassins de Laval et de Montmartin-sur-Mer). Ils reçoivent les matériaux détritiques émis par l’érosion. Le manteau, bombé par cette déformation, se met à fondre très partiellement et émet un magmatisme intraplaque. Tandis que des laves s’épanchent au Sud de la Mancellia, un important champ filonien doléritique s’injecte entre Mayenne et Saint-Lô. Magmatisme intraplaque : magmatisme émis au cœur d’une plaque tectonique par fusion partielle du manteau terrestre. Les laves produites possèdent une signature géochimique particulière qui les distinguent des laves émises par fusion de la croûte terrestre. Dolérite : roche filonienne formée à partir d’un magma basaltique. A la fin de l’orogenèse, la fusion de la croûte armoricaine donne naissance à des granites hyper-alumineux. Le granite d’Alençon, à deux micas, en est un archétype. Il n’est connu à l’affleurement que sur quelques hectares. Aussi est-on tenté de ne lui accorder que peu d’importance dans l’histoire régionale. Mais sa signature géophysique s’étend sur une incroyable surface qui, en forme de baïonnette, court d’Alençon à La Loupe, en Eure-et-Loir. 19 18 Le granite de Flamanville se met en place au Carbonifère vers -300 Ma. Il a été formé plus profondément que celui d’Alençon et résulte d’un mélange de deux magmas, l’un en provenance du manteau, l’autre formé dans la croûte terrestre. Il prend naissance le long d’une ancienne faille du bâti cadomien qui longe les côtes françaises de Barfleur à l’Aber Ildut, en Bretagne, en passant par Ploumanac’h. Le granite de Flamanville est un des joyaux de notre patrimoine. Les conditions de son observation, le long du littoral, sont quasi-idéales. Des générations de chercheurs et d’étudiants viennent l’analyser. Alimenté par des filons s’injectant dans la croûte terrestre depuis une chambre magmatique située en profondeur, le granite a gonflé en refoulant et cuisant son encaissant. Le Cap de Flamanville offre le spectacle de la « lutte » physique et chimique que se sont livrés deux corps en « pleine bataille » : un magma chaud et son encaissant froid. Celui-ci, composé de roches sédimentaires s’est, à travers sa température et sa rigidité, opposé à l’intrusion. Le granite lui même est le théâtre de la lutte de deux matériaux : un magma basique et un magma acide qui, incompatibles sur un plan chimique, ont désorienté les processus de cristallisation des minéraux et forcé ces derniers à se protéger, les uns contre les jus acides, les autres contre les jus basiques. Dolérite dans la région de La Hague Lithothèque de Normandie S’échappant de la chambre magmatique et traversant des roches plus froides, le magma basaltique à l’origine d’une dolérite cristallise assez rapidement, surtout sur les bordures du filon. Il arrive qu’au cœur du filon, si ce dernier est suffisamment épais et que son magma refroidit plus lentement, que des cristaux apparaissent comme ici des cristaux de plagioclase (en gris pâle). A partir d’un même magma, selon la vitesse de refroidissement, des roches grenues, micro-grenues (filon) ou sans cristaux ou presque (laves) sont formées. Restite au sein d’un bloc de granite Le granite de Flamanville Le granite de Flamanville au microscope Une restite bordure blanche cœur rosâtre Frédéric Gresselin/DREAL BN Lithothèque de Normandie Afin de comprendre l’histoire de la terre, le géologue se penche sur le moindre indice. Ce cristal rosâtre bordé de blanc, observé au sein du granite de Flamanville, a commencé à cristalliser sous la forme d’un minéral acide dénommé orthose, riche en sodium et en potassium (cœur rosâtre). Il a fini sa cristallisation sous la forme d’un minéral plus basique, dénommé plagioclase, riche en calcium (bordure blanche). Or, lorsque un magma cristallise, le plagioclase apparaît normalement avant l’orthose. Si l’orthose a stoppé sa cristallisation au profit du plagioclase, c’est que le chimisme du magma a soudainement changé, devenant trop basique et trop riche en calcium pour que l’orthose poursuive sa cristallisation. Ce changement provient du fait qu’un magma basique, formé dans le manteau terrestre, s’est injecté dans la chambre magmatique du granite de Flamanville alors que les processus de cristallisation étaient déjà engagés. D’une anomalie de croissance d’un minéral, on en déduit que le granite de Flamanville est issu du mélange de deux magmas : un acide, un basique. Frédéric Gresselin/DREAL BN Au sein de la chambre magmatique du granite de Flamanville, le mélange entre le magma acide et le magma basique n’est par toujours parfait. Il subsiste des « restites » du magma basique qui se présentent sous la forme d’enclaves noirâtres, d’aspect plus ou moins fantomatiques selon qu’elles ont été peu ou fortement ingérées par le magma acide. 19 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 Les cornéennes | Les sous-sols et la géodiversité Magma et cornéennes Littoral de la région de Flamanville magma s’injectant dans les cornéennes les roches cuites à son contact le granite cornéennes enclavées dans le granite le contact entre le granite et son « encaissant » Frédéric Gresselin/DREAL BN « Dures comme de la corne », les roches cuites au contact immédiat du granite sont appelées cornéennes. Certains minéraux présents dans les cornéennes, comme la sillimanite, indiquent que la température de cuisson a dépassé 550 °C en bordure de l’encaissant. Frédéric Gresselin/DREAL BN Le magma repousse les cornéennes à sa périphérie tout en s’y injectant. Il « tente » d’en ingérer des enclaves. Trop froides, celles-ci sont très « indigestes » pour le magma. Contrairement aux enclaves du magma basique, elles présentent un bord franc démontrant qu’elles n’ont pu être « ingérées ». Frédéric Gresselin/DREAL BN Altération en boule du granite de Flamanville liée au processus d’arénisation Injections de magma dans les cornéennes magma injecté dans les cornéennes puis plissé par le gonflement du granité Frédéric Gresselin/DREAL BN Injections de magma dans les cornéennes magma injecté dans les cornéennes puis plissé par le gonflement du granité Frédéric Gresselin/DREAL BN Les injections de magma qui surviennent dans les cornéennes constituent des filons initialement rectilignes. En s’injectant dans un encaissant plus froid, le magma filonien cristallise, forme une roche qui finit par se déformer. Les injections les plus tardives sont les moins déformées, telle celle de gauche. Les plis dans les cornéennes sont, au contact du granite, tellement serrés qu’il est difficile de les diagnostiquer. Frédéric Gresselin/DREAL BN 21 20 Le cycle alpin (de -200 à aujourd’hui) L’orogenèse varisque prend fin en Basse-Normandie il y a 320 millions d’années environ, laissant place aux processus d’érosion, de sédimentation et de distension. La distension et la pénéplanation post-varisques Ces processus façonnent la plaque pendant près de 100 millions d’années et la préparent aux transgressions marines du Jurassique. L’Armorique est désormais située au niveau de l’équateur. L’érosion des reliefs hercyniens génère de volumineux produits détritiques qui s’épandent dans des dépressions et des bassins continentaux. Au Carbonifère, ces cuvettes sont le réceptacle d’une abondante matière organique émise par la flore locale (fougères arborescentes, conifères…). Elle donne naissance aux futurs charbons du bassin de Littry (14) et de Plessis-Lastelle (50). La Basse-Normandie constitue alors la partie occidentale du bassin houiller anglo-franco-belge. L’émission d’un volcanisme intraplaque accompagne les premières étapes de la distension. Ce volcanisme est essentiellement émis dans le Cotentin où des laves basiques viennent s’injecter dans les sédiments houillers de la région de Carentan. C’est le dernier épisode volcanique survenu dans la région. La pénéplanation de la chaîne varisque se poursuit tout au long du Permien et du Trias (entre -300 et -200 millions d’années) sous un climat chaud et assez sec. Pour décrire la paléogéograhie de l’époque, certains auteurs se réfèrent aux paysages du Sud-Est américain. La Basse-Normandie est alors rattachée à l’actuelle Amérique du Nord et se situe non loin de l’Afrique. Pénéplanation : formation d’une surface topographique caractérisée par de faibles pentes et des dépôts superficiels. Erosion : phénomène résultant de l’action de l’eau, des vents et de la gravité qui provoque l’enlèvement des couches supérieures des sols Sédimentation : ensemble des processus par lesquels les particules, transportées par un agent d’érosion (eau, vent, gravité) cessent de se déplacer et se déposent, devenant ainsi des sédiments. Distension : étirement de la croûte terrestre qui provoque son amincissement et sa rupture. La distension se matérialise généralement au niveau structural supérieur par l’apparition de failles perpendiculaires à la direction des forces de distension. Les failles de distension sont des failles typiques des zones de rift. Fougère du Carbonifère Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie Le bassin houiller de Basse-Normandie La Compagnie minière de Littry fut la première compagnie minière crée en France, en 1747. Le gisement fut découvert en 1740 dans le cadre de la prospection du fer pour une forge de Balleroy. Mais le bassin houiller bas-normand n’a pas connu le même essor économique que ceux de Belgique et du Nord de la France. Les veines de charbon, peu nombreuses et peu épaisses, ont généré des volumes restreints de combustible. Ses débouchés furent donc régionaux (fours à chaux, maréchaux-ferrants). Le charbon bas-normand a cependant fourni le gaz d’éclairage de la ville de Paris en 1860 (source : guide géologique Normandie-Maine). Le charbon de Normandie Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie 21 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Paléogéographie de la Basse-Normandie vers -255 Ma - Source Scotese CR, 1998 Basse-Normandie Magmatisme de la distension post-varisque un filon de lamprophyre Mer des Sargasses La pénéplanation de la chaîne varisque s’effectue en Basse-Normandie sous un climat aride équatorial. Les continents sont en brun, les océans en bleu et les mers en gris bleu. D’après Scotese CR, 1998 Frédéric Gresselin/DREAL BN Le magmatisme de la distension postvarisque n’affleure qu’en de rares endroits comme ici ce filon de lamprophyre dans l’anse du Culeron (la Hague). La transgression jurassique Vers -200 Ma, la région est une surface presque aplanie. Elle dispose alors d’un relief peu différent de celui d’aujourd’hui et accueille ses premiers dinosaures. La surface de pénéplanation post-varisque banc de calcaire jurassique forme de la surface de pénéplanation La surface de pénéplanation post-varisque n’est pas régulière. Elle présente des creux et des bosses selon la dureté des matériaux érodés. Très durs, les grès dessinent souvent des reliefs que la mer jurassique a recouverts tardivement. A l’aplomb de ces reliefs, qui dessinaient au Jurassique des écueils, des îlots ou des archipels, les calcaires jurassiques sont souvent moins épais. C’est le cas ici à Villedieu-les-Bailleuls (14) où un petit écueil se dresse parmi les bancs calcaires du Jurassique. Poisson du Trias supérieur grès paléozoïque Lithothèque de Normandie Pénéplanation : processus d’érosion qui conduit à la formation de larges espaces ne possédant que de faibles dénivellations et de rares reliefs résiduels. Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie 23 22 Environnement paléogéographique de la Basse-Normandie vers -195 Ma (Jurassique inférieur) - Source Scotese CR, 1998 Marnes de Port en Bessin Basse-Normandie Mer des Sargasses Lithothèque de Normandie L’Armorique est une île située sous les tropiques au large de l’Afrique et de l’Amérique du Nord. Elle se positionne au cœur de l’ancien delta d’un immense fleuve, qui, au Trias, drainait le territoire compris entre l’Afrique et les deux Amériques. Ce fleuve la reliait à la future Mer des Sargasses (Sa), située en amont hydraulique. Selon les périodes, la mer armoricaine est sous l’influence des eaux chaudes de la Thétys (l’océan alpin) ou des eaux froides de l’Océan arctique, via la Mer du Nord. D’après Scotese CR, 1998 Au Jurassique, l’Armorique est une île de grande taille que la mer recouvre petit à petit. Elle est isolée du reste du Bassin anglo-parisien par un sillon sousmarin, dénommé le « sillon marneux ». Les argiles produites par l’érosion continentale viennent s’y déposer. Plus près des côtes, la sédimentation est plus carbonatée. Port-en-Bessin et sa falaise offrent un point d’analyse exceptionnel des conditions de sédimentation régnant au cours du Bathonien dans le sillon marneux. Au cours de la même période, plus près du rivage, se déposent les sédiments calcaires de la future pierre de Caen (-165 Ma). Le recouvrement marin s’effectue par impulsions, entrecoupées de cycles régressifs. Les épisodes transgressifs (de recouvrement par la mer) s’accompagnent d’une sédimentation plus argileuse. Lors des phases les plus transgressives, la sédimentation devient plus argileuse y compris dans la région de Caen. Les épisodes régressifs permettent à la plate forme carbonatée de se réimplanter : le milieu marin, davantage soumis à l’influence des houles car moins profond, devient trop agité pour que les argiles puissent s’y déposer. Les sédiments se chargent alors en débris coquilliers et en carbonates. Ces changements majeurs s’accompagnent même parfois de l’installation d’une barrière de corail. Le Mont-Canisy, près de Deauville, est un très bel exemple de récif corallien datant de cette époque. Les coraux fossiles, la faune et la flore associées (algues, oursins, mollusques), y sont dans un remarquable état de conservation. Les Marnes de Port-en-Bessin et le Calcaire de Caen ont le même âge et sont géographiquement très proches. Leur différence de faciès s’explique par leurs conditions de sédimentation : littorale pour le calcaire de Caen et domaine marin plus distal (et donc plus profond) pour les marnes de Port-en-Bessin (clichés lithothèque de Normandie). En effet, le milieu littoral, trop énergétique (houle, marée), ne permet pas la sédimentation des argiles. Pinces d’Eryma bedelta, genre éteint de crustacés décapodes de la région d’Écouché Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie Calcaire de Caen Lithothèque de Normandie Fossiles de coraux à Mont-Canisy Lithothèque de Normandie 23 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Le paradis des paléontologues De manière générale, les terrains jurassiques de Basse-Normandie sont très riches en fossiles. Cette richesse attire des amateurs du monde entier qui viennent gratter les éboulis des falaises des Vaches Noires pour y trouver des ammonites pyriteuses, observer les récifs à éponges du Cap Romain, remplir leur besace de brachiopodes à Lion-sur-mer, mais aussi, hélas, piller le stratotype historique du Bajocien. Utilisée comme référence internationale, la falaise des Hachettes à Sainte-Honorine-des-Pertes ne fait pour l’instant l’objet d’aucune protection. C’est pourtant, avec le granite de Flamanville, notre patrimoine géologique le plus remarquable. C’est ici effectivement qu’Alcide d’Orbigny a décrit et nommé l’étage bajocien pour la première fois au monde et lui a attribué le nom de « Bayeux ». Le stratotype (= strate type) du Bajocien : la référence internationale pour décrire cet étage géologique On ne peut décrire la paléogéographie régionale au cours du Jurassique sans évoquer quelques raccourcis. Ainsi, au cours du Bathonien (-165 Ma), avec ses îlots qui s’égrainent au large de l’Armorique, la région de Falaise devait ressembler à l’archipel des Bahamas. Elle était en effet à une latitude comparable à celle de ce dernier (30°Nord) et disposait des mêmes plages de sable blanc. Mais revenons à la réalité. Sur le littoral, les mangroves sont « infestées » de crocodiliens. Plus de 400 spécimens du fameux Teleosaurus ont été découverts dans la région. Gare aussi aux prédateurs marins car les pliosaures, ichtyosaures et plésiosaures chassent sur nos côtes et celles du Dorset voisin. De nombreuses découvertes dont les plus célèbres sont celles de l’Anglaise Marry Anning (17991847) le prouvent. Frédéric Gresselin/DREAL BN Belle plaque de fossiles d’ammonites en Basse-Normandie Côté terre, la Basse-Normandie abrite aussi des dinosaures. Un Mégalosaurus a ainsi été découvert à la Maladrerie, à Caen, en 1837. D’autres restes de dinosaures carnivores ont été trouvés ici et là dont récemment une mâchoire d’Allosaure dans les falaises des Vaches noires. Il s’agit d’un des plus grands prédateurs du Jurassique. La dernière découverte connue est le fruit d’un chantier de l’A13 qui a exhumé en 1998, à Mondeville (Calvados), les traces d’un dinosaure herbivore gigantesque : le Brachiosaure de Normandie. En 2008, seuls 45 brachiosaures avaient été identifiés dans le monde, c’est dire la rareté de la découverte et la richesse méconnue du patrimoine fossilifère local. Vous ne reviendrez pas bredouille d’une excursion paléontologique, tellement la région foisonne d’ammonites, bélemnites ou lamellibranches ! Lithothèque de Normandie Plésiosaurus dolichodéirus, un des dinosaures ayant vécu en Normandie Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie 25 24 Le rift et l’ouverture de l’Atlantique A la fin Jurassique (-145 Ma), les conditions géographiques changent radicalement dans la région. Le futur avenir pour la Basse-Normandie se dessine avec un événement qui aura des implications historiques remarquables : le rift précurseur de l’ouverture de l’Atlantique Nord prend forme. Environnement de la Basse-Normandie vers -152 Ma (Jurassique terminal) - Source Scotese CR, 1998 Basse-Normandie Mer des Sargasses Mots clés Rift : région où la croûte terrestre s’amincit. En surface, un rift forme un fossé d’effondrement allongé, dont les dimensions peuvent atteindre quelques dizaines de kilomètres de large pour plusieurs centaines de kilomètres de long. Un rift peut avorter ou conduire à la création d’un océan. Ride médio-océanique : frontière de divergence entre deux plaques tectoniques qui s’écartent l’une de l’autre. La plaque armoricaine commence à s’étirer et à se fractionner sous le jeu de failles normales. Le Gondwana composé de l’Afrique et des Amériques commence à se disloquer. L’ouverture de l’Atlantique central est déjà bien engagée tandis que le rift de l’Atlantique nord se met en place. Sa = future mer des Sargasses D’après Scotese CR, 1998 Environnement de la Basse-Normandie vers -94 Ma (Crétacé inférieur) - La Basse-Normandie bascule vers l’Est (de 1° environ), la mer se retire. Elle ne reviendra que quelques 40 millions d’années plus tard, vers -95 Ma (Cénomanien). L’Armorique se trouve alors dans une position comparable à celle du Kenya ou de la Tanzanie actuels vis-à-vis du rift des grands lacs africains. De nouveaux contours se dessinent, des blocs s’écartent. Source Scotese CR, 1998 Vers -125 Ma, l’ouverture du Golfe de Gascogne « arrache » au bloc armoricain l’Espagne et le Portugal. Basse-Normandie Mer des Sargasses Le Gondwana poursuit sa dislocation par ouverture de l’Atlantique Nord. Le Golfe de Gascogne débute également son océanisation, séparant l’Espagne (Es) de l’Armorique. Sa = future mer des Sargasses. D’après Scotese CR, 1998 Lorsque la mer revient vers - 95 Ma, l’Atlantique Nord n’est encore qu’un très jeune océan qui s’ouvre en ciseau. La Grande-Bretagne et le Groënland demeurent proches l’un de l’autre mais l’Espagne et les USA sont déjà très clairement séparés. Centimètre par centimètre, siècle après siècle, la Basse-Normandie s’éloigne de la ride médio-océanique et les tensions qui résultaient de sa proximité disparaissent. La plaque se stabilise et les conditions s’avèrent de nouveau favorables pour un retour de la mer. 25 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité La transgression crétacée : le dépôt de la craie (-95 à –65 Ma) Le Crétacé est la dernière grande période marine locale. La transgression marine utilise le futur axe de la Seine avant de déborder sur la BasseNormandie. Elle l’envahit de façon concomitante par le Nord et par le Sud. La mer crétacée atteint, au maximum de la transgression, un niveau très élevé, supérieur à celui qu’avait atteint la mer jurassique. La Basse-Normandie a-t-elle été alors entièrement submergée ? Probablement non mais le Crétacé affleure actuellement au sommet du Mont-Pinçon, point culminant du Calvados. Les dépôts de la mer crétacée sont épais mais presque partout érodés sauf à l’Est (Perche, Pays d’Auge et Pays d’Ouche). Ils prennent la forme de craies ou de sables. De premier abord, la craie apparaît comme un matériau bien banal mais au microscope, sa composition peut laisser rêveur : • 20 à 50 % de coccolithes (des piécettes calcaires produites par des nanoalgues vivant avec le plancton), • des foraminifères planctoniques et benthiques, • d’autres débris coquilliers, quelques argiles, du quartz et minéraux communs. Il faut imaginer les milliers de blooms, efflorescences d’algues ou organismes unicellulaires, qu’il aura fallu pour générer presque 300 m de craie (avant érosion), par addition de piécettes calcaires microscopiques… La craie au microscope : un enchevètrement microscopique de coccolithes et autres particules. coccolithes Gérard Rico Noyaux de craie (en blanc) entourés d’argiles à silex (en brun) Le Paléogène et le Néogène (de -65 à -2,6 Ma) Il y a 65 millions d’années, la mer régresse de nouveau. L’Atlantique nord poursuit son ouverture tandis que la Thétys se ferme, donnant naissance aux Alpes. L’Armorique bascule dans un nouveau champ de contraintes, d’influence alpine. Des petits bassins d’effondrement apparaissent le long de failles, comme au Sud-Ouest de Domfront (marais de Saint-Mars d’Egrenne) ou dans la région de Briouze. Lorsque la mer tertiaire pénètre en Basse-Normandie, seuls les sédiments déposés dans ces bassins seront protégés de l’érosion et persisteront jusqu’à aujourd’hui. L’ère tertiaire, par son climat tropical, est essentiellement une période de pénéplanation très active. Les conditions météoriques sont particulièrement redoutables pour les matériaux carbonatés, au premier rang desquels se trouve la craie. Frédéric Gresselin/DREAL BN La dissolution de la craie par les eaux acides s’apparente au processus de cariage d’une dent. La carie pénètre de plus en plus profondément dans la matrice crayeuse jusqu’à déchausser des blocs de craie. Les silex et les argiles contenus dans la craie, très peu solubles dans l’eau, restent sur place. Détail d’un silex Très soluble dans l’eau, la craie disparaît presque partout... Là où elle persiste aujourd’hui, dans l’Est de la région, elle repose désormais sous une épaisse couche d’altérites (altération de roches) produite à ses dépens : les argiles à silex. Dans le socle armoricain, l’altération s’attaque préférentiellement aux volcanites et aux granites, matériaux moins résistants que les grès et les schistes. Frédéric Gresselin/DREAL BN 27 26 Le Quaternaire : l’influence péri-glaciaire (à partir de -2,6 Ma) Poussée petit à petit vers le Nord par l’Afrique, lors de la création de la chaîne alpine, la Basse-Normandie se rapproche de sa nouvelle position, le 50e parallèle Nord, et les conditions climatiques tropicales disparaissent. Nous sommes vers -2,6 Ma, au début du Quaternaire. Le climat planétaire subit son premier refroidissement significatif depuis longtemps : les premiers blocs glaciels font leur apparition dans la partie sommitale des sables de Saint-Vigor (Bessin et Bassin de Carentan). S’engage alors la période la plus récente de notre histoire, celle que nous croyons connaître parfaitement mais qui va encore révéler quelques surprises. Habituée au climat tropical depuis des temps immémoriaux, la Basse-Normandie est maintenant confrontée au crachin ou au blizzard. Avec sa position septentrionale, elle ne peut en effet échapper aux influences des grandes glaciations. Celles-ci durent longtemps, près de 200 000 ans chacune, et permettent l’installation d’inlandsis puissants, de plusieurs milliers de mètres d’épaisseur. Ces derniers recouvrent l’Europe du Nord jusqu’au Sud du Pays de Galles et font de la Basse-Normandie un territoire circum-polaire. Sable de Saint-Vigor-le-Grand Frédéric Gresselin/DREAL BN Solifluxion d’un versant dans le Pays d’Auge Chacune des glaciations voit le niveau de la mer de la Manche baisser d’environ 120 m par rapport à l’actuel. Les cours d’eau normands charrient alors graviers, galets et blocs rocheux tandis que leurs versants se couvrent de dépôts de pente. Les versants les plus instables font l’objet de glissements de terrain dont certains ont conservé une certaine activité jusqu’à nos jours. En fin de période glaciaire, les conditions climatiques changent : les températures sont alors très basses et le climat plus sec. Les vents circum-polaires, très puissants, soufflent sur la région. Leur capacité érosive est élevée. Les particules qu’ils transportent sont abrasives et balayent les substrats rocheux affleurants, contribuant à leur érosion. A l’abri du vent ou retenues par les plantes de la steppe herbacée, les poussières peuvent se déposer. Elles s’accumulent notamment derrière les reliefs qui font obstacle au vent dominant. Ainsi se créent des dépôts éoliens dénommés loess qui recouvrent les plateaux ou les versants abrités de limons parfois épais. Lithothèque de Normandie Le sol descend progressivement vers le bas du versant, selon la ligne de plus grande pente, générant du moutonnement dans les champs. Head à La Hague Chaque période interglaciaire dure une dizaine de milliers d’années et s’accompagne d’une remontée du niveau marin, du retour sur nos côtes de la mer de la Manche et d’un comblement des basses vallées par des matériaux d’origine marine ou fluviale. La végétation profite de ces nouvelles conditions pour se développer à nouveau, facilitant la formation des sols. L’alternance glaciation/ interglaciaire est marquée ainsi par une sédimentation de type : • head (froid humide), • loess (froid sec), • sol (tempéré humide). Chaque période glaciaire provoque en général la quasi disparition des dépôts antérieurs. Aussi est-il exceptionnel de rencontrer des superpositions glaciaires / interglaciaires comme celles des quatre cycles loessiques de SaintPierre-des-Elbeuf (vallée de la Seine), ou comme dans le Cotentin celles des deux cycles head-loess-sols de la Baie d’Ecalgrain. Lithothèque de Normandie Le head est constitué de fragments rocheux anguleux pris dans une matrice argilo-sableuse. Les heads, mis en place lors des dernières glaciations, couvrent de nombreux versants et pieds de versant en Basse-Normandie. 27 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité La région possède d’autres témoins remarquables des périodes interglaciaires : les nombreuses plages fossiles quaternaires qui jalonnent son littoral. Ces plages sont en général perchées, c’est à dire à une altitude plus élevée que celle des plages actuelles. C’est le cas par exemple à Saint-Aubin-surMer, où une ancienne plage quaternaire recouvre les couches calcaires suprarécifales bathoniennes. Il s’agit d’une terrasse marine à petits galets de calcaires, de silex et de grès qui domine la plage actuelle de 2 à 3 m. Elle a fourni entre autres les restes d’une faune disparue dont le rhinocéros laineux. Un à deux mètres de loess de la dernière glaciation la surmonte. Toujours à Saint-Aubin, la plage actuelle abrite plusieurs blocs exotiques de roches cristallines ou sédimentaires abandonnés par des icebergs au Quaternaire. Les pêcheurs les utilisent pour se repérer et les appellent des « gas ». Certaines de ces roches sont constituées de roches inconnues en Basse-Normandie et donc nécessairement exogènes. Si les sites fossilifères quaternaires sont moins riches que ceux de nos voisins haut-normands, la région dispose néanmoins d’un patrimoine remarquable. Dans la vallée de la Mue, à Fontaine-Henry (village des Moulineaux, 14), ont été ainsi découverts des ossements d’aurochs, de mégaceros et de mammouths. Le creusement de la tranchée de chemin de fer à Venoix (Caen, 14) a exhumé, en 1857, un rhinoceros laineux. Les terrassements nécessaires à l’implantation du casino de Luc-sur-Mer ont permis la mise à jour d’un mammouth. Enfin, la hyène des cavernes, disparue il y a environ 11 000 ans vivait à Orval (50), en compagnie de chevaux, de cervidés, de bisons et de mammouths. Une plage perchée dans l’Anse du Brick (Fermanville, 50) Traces de la dernière glaciation dans une petite falaise de la Hague, en dessous du sol actuel sol (climat tempéré) head (climat froid et humide) loess (climat froid et sec) plage actuelle (climat tempéré) Frédéric Gresselin/DREAL BN Blocs « GAS » Crédit Lithothèque de Normandie 29 28 La dernière transgression marine est qualifiée d’holocène. La mer vient alors recouvrir d’immenses territoires terrestres. Très récente, cette transgression prend effet vers -15 000 ans à l’issue d’un optimum glaciaire où la mer de la Manche se situait à une altitude de -120 mètres par rapport à l’actuel. Le Cromlec’h de Chausey Le rythme de la transgression est rapide. La mer monte en moyenne de 7 mm par an, avec une accélération vers -13 000 ans (37 mm par an pendant un millier d’années). Elle couvre progressivement des territoires où l’implantation humaine s’était déjà exercée. Frédéric Gresselin/DREAL BN Quelques restes préhistoriques sont ainsi observables à marée basse, comme le Cromlec’h de Chausey, tandis que d’autres sont désormais noyés sous de grandes épaisseur d’eau. La surélévation du niveau marin au cours de la dernière transgression : simulation de la position du trait de côte à partir de la courbe de la transgression holocène et de la topographie (Carte DREAL). Témoignage d’un repli stratégique organisé par une société humaine il y a plusieurs milliers d’années, en lien avec la montée des eaux de la Manche. La mer de la Manche a rejoint sa frontière actuelle en pénétrant la paléo-vallée de la Seine et celle de ses affluents. Cette paléo-vallée passe au Nord de Cherbourg. Le liserai bleu ciel correspond à la position du trait de côte il y a 10 000 ans. La transgression holocène il y a environ 7 500 ans La transgression marine gagne Jersey il y a environ 7 500 ans. A cette époque, Guernesey est déjà une île. Le liserai bleu ciel correspond à la position du trait de côte il y a 7 500 ans. 29 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité La transgression holocène il y a environ 5 000 ans La Baie du Mont Saint-Michel Bernard Suard/MEDDE-MLET La transgression marine gagne Chausey il y a environ 5 000 ans. A cette époque, Guernesey, Aurigny et Jersey sont déjà des îles. Le liserai bleu ciel correspond à la position du trait de côte il y a 5 000 ans. La transgression holocène il y a environ 2 500 an La transgression marine gagne les côtes du Calvados tardivement. Au maximum de la transgression holocène, les marais de la Dives et de l’Isthme du Cotentin sont des territoires marins. La surélévation actuelle de la mer laisse à penser qu’ils le redeviendront rapidement à l’échelle géologique. Le liserai bleu ciel correspond à la position du trait de côte il y a 2 500 ans Les marais d’Asnelles Ce sont les marais d’Asnelles qui nous racontent, grâce aux pollens fossiles piégés dans des tourbes, la partie récente de cette histoire. Les plus anciens dépôts sédimentaires de ces marais abritent un spectre pollinique caractéristique d’une végétation boréale avec ses pins et ses bouleaux. Les cortèges floristiques les plus récents témoignent d’une influence de plus en plus forte de la mer. Le marais d’Asnelles est ainsi, avec la baie du Mont-Saint-Michel, le site basnormand le plus riche pour l’étude de la fin de l’ère glaciaire et de la période qui a suivi. Il offre même une transition intéressante entre l’histoire géologique et celle des hommes puisque les derniers spectres polliniques sont dominés par les céréales, témoignant ainsi de l’apparition de l’agriculture dans la région. Des vestiges gallo-romains y ont été découverts. Frédéric Gresselin/DREAL BN Les pollens révèlent l’histoire des changements écosystémiques survenus depuis la dernière glaciation en lien avec la transgression holocène. 31 30 2. Les fonctionnalités des sous-sols Fruit d’une histoire géologique très riche et très ancienne, les sous-sols de Basse-Normandie constituent aujourd’hui à la fois un réservoir écologique et un patrimoine économique. Les fonctionnalités écologiques Un réservoir d’eaux souterraines A découvrir d ans ce chapit re XX Les fonctionnalités écologiques XX Les fonctionnalités économiques : l’extraction de matériaux Bagnoles-de-l’Orne, station thermale Les sous-sols sont le réservoir au sein duquel circulent les eaux souterraines. Des volumes d’eau considérables transitent sous nos pieds. Ils sont partiellement protégés des pollutions par les roches qui les abritent. Au cours de leur parcours les eaux souterraines sont minéralisées en différents ions parmi lesquels les bicarbonates, le calcium, le sodium... Roches et eaux constituent un écosystème au sein duquel vivent certaines bactéries qui ont un rôle d’épuration des eaux. V. Luzinier Une source de géothermie Les roches et l’eau contenues dans les sous-sols véhiculent de la chaleur (fonction caloriportrice). Le gradient géothermique de la région n’est pas connu avec précision. Par référence à ceux des massifs anciens ou du Bassin parisien, il est estimé à 30 °C par km. La région se prête donc mal à l’exploitation de la géothermie haute température. Ce gradient est très éloigné par exemple de celui du fossé rhénan (Alsace) qui atteint localement 100°C par km. La BasseNormandie possède à Bagnoles-de-l’Orne la seule station thermale de l’Ouest de la France. La source d’eau chaude qui y fut découverte au XIXe siècle sort à une température de 25°C environ. Le sous-sol de la région se prête cependant assez bien à la géothermie très basse énergie. La température du sous-sol régional reste en effet relativement constante en surface, entre l’hiver et l’été, avoisinant 11 à 12°C. Mais le développement de ce type de géothermie génère des impacts sur l’écosystème de proximité, qui en est parfois profondément altéré. Les risques concernent autant le fait de provoquer des entrées de pollutions que celui de modifier la température de la nappe d’eau souterraine. Bagnoles-de-l’Orne V. Luzinier Fontaine de l’établissement thermal La genèse des sols Le sous-sol est par ailleurs le matériau parent du sol (cf. thématique sol). Avec lui, il échange certains ions nécessaires à la constitution du sol et au métabolisme de nombreuses espèces de la pédofaune (le calcium, les phosphates, les silicates…). Le stockage de carbone Le sous-sol est enfin un immense réservoir de carbone, sous forme de gaz, de fluides ou de carbonates. Il participe ainsi à la régulation de l’effet de serre, stockant ou émettant, selon les contextes, du carbone (cf. partie climat). D Morel 31 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les fonctionnalités économiques : l’extraction de matériaux Le Grès armoricain de la région de Falaise est un matériau noble utilisé en tant que ballast pour les lignes TGV La Basse-Normandie dispose d’un sous-sol riche. Son passé minier (fer et charbon), et ses pierres de taille y font référence. La ressource permet de répondre à la grande majorité de ses demandes courantes, notamment en granulat, en béton et ciment, par exploitation de proximité. Les carrières en activité en 2013 sont assez bien réparties dans l’espace. Elles exploitent pour l’essentiel des granulats de type roches dures ou meubles. La production était de 18 millions de tonnes en 2011 dont 83 % de granulats de roche massive (grès, schistes, calcaires…). En mer, la région possède des gisements très importants de sables le long de la paléo-vallée de la Seine qui longe ses côtes depuis Honfleur jusqu’à la Hague. Une concession de 30 ans a été octroyée sur un de ces gisements en mars 2012. Frédéric Gresselin/DREAL BN Source : schémas des carrières de Basse-Normandie 33 32 La pierre de taille et d’ornementation La diorite de Coutances et ses veines noires Les Normands des siècles passés étaient des bâtisseurs remarquables qui, puisant dans les réserves naturelles du sous-sol, ont œuvré pendant des siècles pour nous léguer un patrimoine exceptionnel, abondamment détruit en 1944. Depuis les granites de la Mancellia jusqu’aux calcaires de la Plaine de Caen, les matériaux de construction abondent en Basse-Normandie, sauf dans l’Est de la région. Seuls les silex et les argiles y ont en effet été exploités. Actuellement délaissée au profit de matériaux de construction modernes, la pierre de taille a-t-elle encore un avenir régional ? Son utilisation ne porte quasiment plus que sur la réhabilitation du patrimoine d’exception, comme ce fut le cas pour la réexploitation de la pierre de Caen, avec le parement des murs du Mémorial de Caen et la restauration de quelques églises régionales et britanniques. Si on en juge par l’abondance des bâtiments construits en pierre de Caen en Normandie et, au XIe et XIIe siècle, en Angleterre, le marché de la rénovation semble pourtant attractif. Ce marché est par ailleurs ouvert bien au delà de l’Europe. En raison de sa beauté et de ses qualités mécaniques remarquables, la pierre de Caen a séduit en effet des architectes du monde entier. Le hall de la Grand Central Station de la gare de New-York est probablement sa plus belle vitrine internationale. Frédéric Gresselin/DREAL BN Une construction typique de la région de Cherbourg-Octeville en schistes et granite écrasé Frédéric Gresselin/DREAL BN 33 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Le marché de la rénovation est également très ouvert sur Cherbourg et ses typiques schistes bleus ou sur Coutances dont la diorite quartzite donne un cachet irremplaçable au bâti local, sans équivalence actuelle dans les matériaux modernes. Un mur de cornéennes (en gris foncé) et de granodiorite (plus clairs) dans la région de Vire. Hall de la gare centrale de New-York Lithothèque de Normandie Clôture en blocs de granite Lithothèque de Normandie Frédéric Gresselin/DREAL BN 35 34 Les granulats de roche acide Les granulats de roches acides sont des roches saturées en silice (66 % ou plus de leur poids) : il s’agit des granites, cornéennes, grès… Ces granulats constituent l’essentiel des matériaux produits dans la région. Il s’agit d’une ressource relativement stratégique au regard de la proximité avec le Grand-Paris, qui en est largement déficitaire. Ces matériaux sont utilisés en construction et dans la réalisation des infrastructures routières, ferroviaires et des réseaux. Un sol squelettique sur grès armoricain Les roches fournissant les meilleurs granulats sont des volcanites de type rhyolite, des cornéennes acides et des grès. De telles roches affleurent sur de très grandes surfaces en Armorique. Tous ces matériaux ne disposent pas de la même valeur technique et marchande. Le grès armoricain est le plus intéressant d’entre eux puisqu’il s’agit d’un quartzite hyper-siliceux répondant aux exigences de la SNCF en termes de ballast TGV. Il présente une épaisseur pouvant atteindre localement 150 mètres mais ses gisements sont rares. DREAL BN Le grès armoricain répond aux exigences de ballast TGV Les principaux problèmes liés à l’exploitation des granulats de roches acides sont, outre les nuisances générées par toute exploitation (poussières, bruit, circulation des camions…), le rabattement de la nappe phréatique et le rejet d’eaux très acides. Des progrès importants ont été faits ces dernières années pour tamponner le pH des rejets et diminuer leur impact possible sur le milieu naturel. Quelques efforts portent également sur la minimisation des impacts sur les nappes phréatiques. Arnaud Bouissou/MEDDE-MLET (données BRGM, réalisation DREAL) 35 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les granulats de roche calcaire La Basse-Normandie dispose d’une grande expérience dans la fabrication de ciments. L’usine de Ranville est en effet un des pilotes en la matière. Elle exploite les calcaires de la Plaine de Caen qui, additionnés d’argiles, lui permettent de fabriquer le ciment nécessaire à l’approvisionnement des besoins régionaux pour la construction. Elle exporte par ailleurs 10 % de sa production vers la Bretagne. La spécificité de cette carrière est la proximité des deux gisements nécessaires à la production du ciment : calcaires et argiles. La ressource semble inépuisable puisqu’elle s’étend de Caen à Alençon. La position de la cimenterie de Ranville, en zone portuaire, lui confère un atout de grande importance pour l’exportation par voie maritime par rapport à des cimenteries qui s’implanteraient plus au Sud. Les calcaires bathoniens et la craie sont également exploités à des fins agricoles : sous forme de poudre, ils servent à l’amendement des sols acides ou comme additifs nutritifs pour les élevages industriels de poules pondeuses. Les besoins en carbonates de calcium de ces dernières sont en effet très importants. Les carrières d’Ecouché et de Billy se sont positionnées sur ce créneau. Le calcaire : substance minérale caractérisée par une composition chimique dans laquelle prédomine le carbonate de calcium (CaCO3), d’origine organique ou chimique. Les roches calcaires sont inégalement résistantes, plus ou moins perméables, et susceptibles d’être attaquées par dissolution si l’eau qui les baigne est riche en gaz carbonique. Les calcaires bathoniens servent d’additifs nutritif pour les élevages industriels de poules pondeuses La Basse-Normandie produit ici pour ses propres besoins mais exporte également vers la Bretagne. Le calcaire peut être également utilisé en voirie, en tout venant uniquement, puisque ses qualités mécaniques et sa solubilité dans l’eau ne lui permettent pas d’autres rôles. Valérie Guyot/DREAL BN Les argiles : entre tradition artisanale et industrie cimentière Normandy céramics à Moon-sur-Elle Depuis la haute technologie à l’art de la poterie, les argiles offrent un panel assez étendu d’utilisations potentielles qui pourraient encore connaître des développements. Les argiles régionales présentent un intérêt majeur pour l’industrie cimentière. Leurs gisements sont suffisamment nombreux et volumineux pour permettre, si on le souhaitait, de relancer l’économie de la terre cuite autrefois fleurissante. De nombreuses tuileries et briqueteries ont existé dans le passé dans les trois départements bas-normands mais l’activité y est presque tombée en désuétude. Les conditions d’une renaissance sont davantage économiques que techniques puisque les gisements sont loin d’être épuisés. Malgré l’effondrement de cette activité, le savoir faire normand n’a pas totalement disparu, notamment à Bavent, où les artistes locaux continuent de fabriquer et d’exporter dans le monde entier les épis de faîtage qui coiffent les plus belles demeures du Pays d’Auge. La fabrication de la tuile vieillie normande s’y exerce également. A Glos, l’industrie de la briqueterie traditionnelle a su persister. Valérie Guyot/DREAL BN Normandy céramics à Moon-sur-Elle Valérie Guyot/DREAL BN 37 36 Pour ce qui concerne le carrelage, un spécialiste demeure à Moon-sur-Elle dont le travail s’inscrit dans la lignée des céramistes normands. Dès le 14e siècle, ces derniers ont contribué à la réputation du Pays d’Auge à travers les centres artistiques de Manerbe et du Pré-d’Auge. Noron-la-Poterie a su également conserver un certain savoir-faire malgré le choix d’importer l’essentiel des terres cuites ces dernières décennies. Les argiles calloviennes offrent d’autres débouchés, moins nobles mais tout aussi importants. La carrière de Cesny-aux-Vignes exporte en effet 30 000 tonnes par an d’une argile dont la remarquable imperméabilité lui autorise d’être utilisée en couche de fond des centres d’enfouissement techniques de déchets. Tuilerie de Bavent Tuilerie de Bavent - Groupe Terreal Poteries artisanales réalisées à Noron la Poterie Valérie Guyot/DREAL BN 37 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les sables et graviers Il existe une grande diversité de gisements sableux dans la région. Le plus noble d’entre eux est celui de Saint-Vigor, près de Bayeux, dont le sable hypersiliceux dispose d’une qualité industrielle. Une partie de la production est destinée à la fabrication de moules et de noyaux utilisés pour la fonderie (moules de pièces automobiles, de voiries, d’assainissement…). Le gisement sableux de Saint-Vigor Une autre sert à la réalisation de sols sportifs ou à la décoration. L’essentiel est cependant vendu en l’état pour la réalisation de mortiers ou les terrassements des réseaux, ou criblé pour la fabrication de bétons traditionnels, armés ou précontraints. Cette ressource rare mériterait peut-être une autre destinée que l’enrobage de câbles et de tuyaux ou le sablage des routes. Les autres gisements bas-normands, bien que très nombreux, ont le défaut d’être moins purs : sables du Perche, sables de Glos, sables du Trias, sables apto-albiens, sables du plio-quaternaire de l’Isthme du Cotentin, sables d’arènes granitiques… Ces « sablons », utilisés entre autres pour la viabilisation, le remblai, la souscouche routière, servent aussi de correcteurs de courbes dans l’utilisation de concassés de roche massive pour la fabrication de bétons. Frédéric Gresselin/DREAL BN Source : BRGM 39 38 La ressource des sables et sablons se positionne cependant dans des secteurs ou contextes à fort enjeu environnemental : • présence d’eau souterraine plutôt dédiée à l’alimentation en eau potable pour les sables du Trias et les réserves de l’Isthme du Cotentin, • paysages remarquables dans le Perche et le Pays d’Auge, • patrimoine piscicole élevé pour les alluvions du Sud Manche ou de la Touques… Sable marin Aussi l’attention se porte-t-elle régulièrement, pour les granulats meubles, sur les gisements marins dont il est très difficile de cerner l’impact d’une exploitation intensive. Les potentialités régionales sont là aussi élevées, notamment dans la paléo-vallée de la Seine. L’exploitation de ces ressources doit intégrer de manière très précise les contraintes liées à la protection des milieux benthiques et pélagiques et veiller à ce qu’elles n’induisent pas de nouveaux impacts inacceptables pour un milieu marin déjà fortement perturbé par les autres activités humaines. Frédéric Gresselin/DREAL BN Localisation des gisements potentiels de granulats marins en mer de la Manche Source : IFREMER 39 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les conditions d’exploitation des carrières L’impact écologique de l’exploitation des carrières Les schémas départementaux des carrières ont pour vocation de définir les conditions générales d’implantation des carrières dans un département et de préciser les conditions dans lesquelles elles peuvent être exploitées. Leur réalisation et leur révision décennale sont prévues par la loi du 4 janvier 1993. Ils doivent prendre en considération : • l’intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux du département et des départements voisins, • la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, • la nécessité d’une gestion équilibrée de l’espace, tout en favorisant une utilisation économe des matières premières. Carrière de la Roche Blain à Fresney-le-Puceux avec la couverture calcaire jurassique reposant en discordance sur les schistes et grès briovériens Francis Cormon Ils fixent également les objectifs à atteindre en matière de remise en état et de réaménagement des sites à l’issue de la phase d’exploitation. Les orientations principales des schémas bas-normands sont les suivantes : • répondre aux besoins et optimiser la gestion des ressources de façon économe et rationnelle ; • inscrire les activités extractives dans le développement durable ; • développer le recyclage et l’emploi de matériaux recyclés ; • encadrer le développement de l’utilisation des granulats marins dans la définition et la mise en oeuvre d’une politique maritime intégrée. Certaines orientations visent le réaménagement des sites après fermeture de l’exploitation. Une carrière se révèle en effet un espace souvent difficile à réaménager, trop fréquemment transformé en simple plan d’eau sans qualité particulière, voire à l’origine de dysfonctionnements écologiques. Il s’agit pourtant d’un lieu offrant en général des opportunités certaines en termes de biodiversité ou de géodiversité. Il n’est pas rare en effet que des particularités géologiques de haute valeur patrimoniale aient été mises en évidence lors des phases d’extraction. La biodiversité qui colonise une carrière abandonnée s’avère par ailleurs d’une très grande richesse si le réaménagement prévoit la création d’écosystèmes diversifiés. Matériaux produits par les carriers en Basse-Normandie en 2011 Données exprimées en tonnes - Source : DREAL Calvados (14) Alluvions en eau Manche (50) Orne (61) Région 13 000 363 931 0 376 931 Alluvions hors eau 1 520 046 434 027 544 734 2 498 807 Calcaire 1 140 005 0 233 680 1 373 685 Roche dure 5 767 269 4 761 054 3 213 725 13 742 048 0 67 499 0 67 499 8 440 320 5 626 511 3 992 139 18 058 970 Autres Total Activité d’exploitation dans une carrière Emmanuel Riche Un inventaire des richesses géologiques présentes dans les carrières exploitées ou abandonnées vient d’être réalisé en BasseNormandie. Il devrait déboucher à terme sur une valorisation pédagogique, scientifique voire touristique des anciens fronts de taille délaissés. Des études sont par ailleurs faites par l’Union Nationale des Industries de Carrières Et Matériaux (UNICEM : www.unicem.fr/) de construction pour démontrer la haute valeur écologique des anciens sites d’extraction. 41 40 Le transport des matériaux extraits Port de Granville La région est exportatrice de matériaux, notamment en direction de la HauteNormandie et de l’Ile-de-France. Malgré une façade maritime importante, le transport des matériaux régionaux s’exerce essentiellement par voie routière. Les échanges maritimes sont très faibles : • le port de Honfleur importe en moyenne 76 000 tonnes de matériaux par an ; • les ports de Cherbourg et de Granville en exportent respectivement 15 000 et 80 000 tonnes. Deux carrières (Vignats, Chailloué) sont connectées au réseau ferroviaire. La carrière de Vaubadon dispose d’un accès ferroviaire indirect depuis 2012, via une plate-forme de stockage située sur Bayeux. En 2009, les carrières de Chailloué et de Vignats ont exporté 820 500 tonnes par voie ferrée. La majorité du transport de matériaux (10 millions de tonnes) se fait par voie routière en intra-départemental, sur des distances inférieures à 100 kilomètres. 65 % du transport routier fait moins de 50 km. La moyenne des distances parcourues par les camions depuis les sites d’extraction est de 45 km, soit davantage que la moyenne nationale (30 km). Cet écart s’explique par l’importance des exportations s’exerçant depuis la Basse-Normandie. Valérie Guyot/DREAL BN Port de Cherbourg Olivia Durande/DREAL BN 41 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité 3. Les risques liés au sous-sol Les risques liés au sous-sol sont loin d’être anodins en Basse-Normandie. Pour la plupart d’entre eux, ils sont liés à la présence de cavités souterraines ou de couches géologiques peu stables, susceptibles de générer des mouvements de terrain dangereux. Même si les tassements différentiels paraissent anecdotiques au premier abord, le nombre de demandes de catastrophe naturelle relatives à ce risque croît constamment, du fait notamment d’erreurs d’aménagement et de la faible qualité des constructions actuelles. A découvrir d ans ce chapit XX Les cavités souterraines XX Les glissements de terrain et chutes de blocs XX Le risque sismique re Une cavité souterraine dans l’Orne La région n’est pas indemne également de risques sismiques même si ces derniers s’avèrent peu comparables à ce que vivent les territoires alpins et pyrénéens et, bien sûr, les Antilles. Valérie Guyot/DREAL BN Les cavités souterraines Le sous-sol de Basse-Normandie a fait l’objet dans les siècles passés d’une intense exploitation dont on ne sait aujourd’hui plus toujours localiser les centres d’extraction. Les extractions souterraines s’accompagnent généralement a posteriori de l’apparition de désordres en surface par vieillissement des cavités. Certains d’entre eux surviennent brutalement et s’avèrent dangereux. Aussi convient-il de connaître précisément leur localisation. Jusqu’à présent, peu de collectivités ont recensé, diagnostiqué leurs vides souterrains, et intégré les risques qui en résultent dans les politiques d’aménagement, comme l’exige la réglementation. Pour amorcer une prise de conscience collective, le Ministère de l’écologie a lancé ces dernières années des inventaires dans les départements bas-normands. Les études, confiées au BRGM, ont consisté en une exploitation des archives publiques relayée par des enquêtes menées auprès des collectivités. Nombre d’archives ayant été détruites en Basse-Normandie pendant la seconde guerre mondiale, la méthode n’a pas pu porter tous ses fruits. L’analyse des données recueillies et mises à disposition du public dans la base de données nationale « bdcavites » met en évidence des lacunes et l’imprécision relative du positionnement des informations. Des efforts importants visent actuellement l’amélioration des connaissances, notamment à l’Est de la région où les services de l’État ont lancé un plan ambitieux de cartographie des cavités, dénommé plan marnières. Parallèlement, l’État met en œuvre les études nécessaires à l’évaluation des risques d’affaissement et d’effondrement des anciennes exploitations minières. Des plans de prévention miniers sont en cours de réalisation. Une cavité souterraine dans l’Orne Valérie Guyot/DREAL BN Grand Rhinolophe Valérie Guyot/DREAL BN Le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières) est l’établissement public de référence dans le domaine des sciences de la Terre pour gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol. 43 42 Les marnières Des cavités issues du passé agricole dans l’Est de la région Le sous-sol du Pays d’Auge, du Pays d’Ouche et du Perche a fait l’objet au cours des siècles passés d’une importante exploitation de la craie. Ce matériau servait, avant l’apparition des engrais industriels, à l’amendement des terres acides afin d’en améliorer les rendements agricoles. L’exploitation de la craie, dénommée à tort « marne » en Normandie, se faisait par le biais de petites cavités souterraines, les marnières, reliées au plateau par un puits d’accès, en général maçonné. L’extraction était réalisée par l’agriculteur lui-même qui, bien souvent, était le seul à connaître les modalités d’exploitation (localisation, profondeur, volume…). Les marnières sont des cavités de petite taille, en moyenne 300 m3, en général à un étage. Remplissage d’un puits de marnière Les marnières : une fonction agricole Vidange du remplissage d’un puits de marnière 3m Remblais Terre végétale Terre Limons Mélange fagots, terre et argile Argile à silex Madriers Source du croquis : CETE Normandie-Centre amendement sol acide Puits Terre végétale Limons Argile à silex Quelques mètres à dizaines de mètres d’argile à silex Craie DREAL Galerie 2,50 m Oeillards Oeillard = zone de stockage et d’abri en cas d’effondrement L’hiver 1995 a rappelé l’existence des marnières à la mémoire de tous lorsque de nombreux effondrements se sont produits en Haute-Normandie, endommageant bâtiments, voiries et réseaux. La Basse-Normandie a été moins affectée du fait de sa plus faible densité de population et d’une moindre représentation de la craie dans la géologie régionale (Est de la région seulement). Quelques sinistres ont néanmoins été enregistrés. Les mouvements de terrain générés par le vieillissement d’une marnière sont de deux types : • vidange du matériau dont le puits avait été comblé dans le passé, • effondrement du plafond de la cavité et remontée d’une cloche de fontis. L’effondrement total d’une marnière peut survenir si les piliers atteignent la rupture. Ceci se produit en général lors des hivers les plus pluvieux, la résistance de la craie étant amoindrie lorsqu’elle est humide ou baignée par une nappe d’eau souterraine. La vidange du remplissage d’un puits de marnière peut survenir de manière très brutale et générer un risque en surface. Effondrement en masse d’une marnière en Haute-Normandie CETE Normandie-Centre 43 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les mesures à prendre pour la collectivité Descente dans un puits de marnière L’effondrement d’une cavité souterraine ou d’une marnière est considéré comme un risque naturel majeur. En cas de danger imminent, le maire doit prendre un arrêté de péril. Il peut solliciter pour sa commune la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle afin de permettre aux victimes de bénéficier de garantie (loi n° 82600 du 13 juillet 1982). La connaissance du risque doit être traduite dans les documents d’urbanisme. Le règlement graphique du Plan local d’urbanisme doit préciser les secteurs où l’existence de risques naturels justifie que soient interdites, ou soumises à prescriptions particulières, les constructions et installations de toute nature. Un permis peut être refusé si le projet peut porter atteinte à la salubrité ou la sécurité publique. CETE Normandie-Centre Comblement d’une marnière Visite suite à l’effondrement d’une cavité souterraine chez un particulier CETE Normandie-Centre Des témoins visibles directement sur le terrain ou indirectement par décapage du sol lors de chantiers, tôle, arbre... pour repérer les marnières. Valérie Guyot/DREAL BN La reconnaissance d’une marnière sur le terrain Les inventaires de cavités souterraines reposent sur la compilation de toutes les informations disponibles (terrain, connaissances locales, archives communales ou départementales, photographies aériennes). Tout indice repéré doit être vérifié sur le terrain pour une analyse précise. Lorsqu’une marnière est diagnostiquée et qu’elle s’avère générer un risque important, des investigations souterraines sont nécessaires (spéléologie, caméra, forages). Les coûts deviennent très rapidement élevés. C’est pourquoi une zone sensible ne doit pas être aménagée sans en avoir au préalable décapé le terrain pour un diagnostic. Lorsqu’une marnière est identifiée sous une zone construite, sa surveillance doit être effectué dans les plus brefs délais, son comblement est souvent nécessaire. Malgré les efforts de l’État, avec le soutien de l’Union européenne, le taux de connaissance des marnières reste encore très faible aujourd’hui. CETE Normandie-Centre 45 44 Les autres cavités anthropiques Les cavités souterraines creusées pour l’exploitation de la pierre de taille sont beaucoup plus grandes que les marnières La pierre de taille Centre important d’exploitation de la pierre de taille, en lien avec l’histoire anglonormande, la région présente également de très nombreuses cavités souterraines dans les terrains calcaires. Beaucoup d’entre elles se situent autour de Caen. Les cavités de pierre de taille ont presque toujours des ouvertures disposées en versant ou en front de taille de carrière, avec des puits rejoignant la surface pour en assurer l’aération. Les dangers qui résultent de leur présence sont équivalents à ceux générés par une marnière. Le vieillissement prend des formes identiques avec fragilisation progressive par dissolution du calcaire puis modification de son aptitude à résister au cisaillement et à la gravité. Les cavités accessibles par le côteau Le vieillissement des cavités de pierre de taille Chambre DREAL BN Un inventaire des cavités de la région de Caen a été confié par la DREAL il y a quelques années au Centre régional d’architecture médiéval, en lien avec les spéléologues régionaux. Le repérage des anciennes carrières souterraines était en effet imprécis dans la région, sauf sur Caen et Fleury-sur-Orne qui bénéficient du travail d’investigation et de surveillance du service des carrières de la ville de Caen. Cet inventaire n’est pas allé jusqu’à la description de l’aléa. puits En raison de son passé, la région possède également un important « patrimoine » de galeries et excavations militaires, notamment le long des côtes. Le BRGM, dans le cadre des études que le Ministère de l’Ecologie lui a confiées, a référencé la plupart de ces ouvrages, notamment ceux réalisés lors de la seconde guerre mondiale. Quelques souterrains médiévaux ont également été recensés. Le travail de repérage des souterrains civils (SNCF, galerie d’exploitation des eaux souterraines…) est également réalisé. pilier DREAL BN 45 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les mines Au delà de ses matériaux classiques, la région possède également du minerai de charbon, de fer et de petits amas de sulfures métalliques dont certains ont été exploités dès les Romains. La région compte ainsi 34 anciens titres miniers, si l’on ne comptabilise que les concessions et les permis d’exploitation. La dernière mine de fer bas-normande, située à Soumont-Saint-Quentin, a stoppé ses activités en 1989. La plupart de ces exploitations concernaient le fer, mais la région a aussi compté : • deux anciennes mines de charbon, à Littry (Calvados) et au Plessis Lastelle (Manche), • une mine de mercure, à la Chapelle-en-Juger (Manche), • une mine de plomb argentifère, à Surtainville (Manche). Synthèse des mines recensées en Basse-Normandie Catégorie d’activités minières Fer, charbon, polymétalliques, mercure, plomb argentifère Titres miniers (hors permis de recherche et minières) 34 Titres miniers en cours de validité avec un exploitant viable Un, en cours de procédure d’arrêt définitif des travaux (concession de Mortain) Sites d’exploitation arrêtés tous Concessions orphelines 7 concessions Photos anciennes mines Le rôle de l’État dans la gestion de l’après-mines Autrefois la fermeture d’une mine était officialisée par la renonciation de la concession (ou du titre minier) après une mise en sécurité du site. Celle-ci visait essentiellement à obturer les ouvrages débouchant au jour. Compte tenu de l’insuffisance de ces mesures, le code minier a été modifié en 1999 pour introduire : XXla notion de responsabilité illimitée dans le temps et dans l’espace de l’exploitant, ce qui implique que celui-ci peut être mis en cause, y compris après la renonciation du titre minier ; XXl’obligation pour l’exploitant de mettre en place les équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention, lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes ont été identifiés lors de l’arrêt des travaux. En complément , le code minier prévoit depuis 1999 : XXque la fin de la validité du titre emporte à l’État la responsabilité de la prévention des risques miniers ; XXqu’en cas de défaillance du responsable, l’État se porte garant de la réparation des dommages liés à l’activité minière. 47 46 Au niveau régional, c’est la DREAL qui a en charge la gestion de ces questions avec l’appui de deux entités : • GEODERIS, groupement d’intérêt public regroupant des experts géologues, hydrogéologues, géotechniciens du BRGM et de l’INERIS ; • le Département de Prévention et de Sécurité Minière du BRGM. De façon à maîtriser l’urbanisation dans les zones à risques, l’État doit élaborer des Plans de Prévention des Risques Miniers (PPRM) dans les secteurs où des risques sont mis en évidence. Ces documents valent règlement d’urbanisme et permettent d’assujettir les réalisations d’ouvrages et l’occupation des sols à des prescriptions ou à des restrictions pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’usage. Une fois adopté, un PPRM doit être annexé aux plan local d’urbanisme (document d’aménagement de la commune). La décision d’élaborer un PPRM est prise sur la base d’une étude d’aléas réalisée par GEODERIS, en fonction des risques mis en évidence. Dans le cas d’aléa de niveau moyen et fort impactant des enjeux de surface, trois types de mesures peuvent être mises en œuvre. XXLa réalisation de travaux de mise en sécurité (comblement de galeries ou de chambres d’exploitation, pose de dalles…) ; XXLa réalisation d’opérations de surveillance (visuelle ou instrumentée, par le fond ou depuis la surface) ; XXL’expropriation si le risque menace gravement la sécurité des personnes. Attente photo Géoderis crédit Cristaux mine de fer crédit 47 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les plans de prévention des risques minier Compte tenu des enjeux impactés, il a été nécessaire de recourir à l’élaboration de Plans de Préventions des Risques Miniers (PPRM) sur les bassins miniers suivants : • Bassin minier de Soumont-Saint-Quentin (18 communes concernées : PPRM approuvé), • Bassin minier de May-sur-Orne (9 communes concernées : PPRM en cours d’élaboration), • Bassin houiller du Molay-Littry (5 communes concernées : PPRM en cours d’élaboration), • Bassin minier de La Ferrière-aux-Etangs (4 communes concernées : PPRM approuvé). Dans le cadre de la gestion des risques miniers, de nombreux travaux de mise en sécurité ont déjà été entrepris. Parallèlement, des opérations régulières de surveillance sont réalisées au droit des zones à enjeux. Les cavités souterraines naturelles De nombreuses cavités souterraines naturelles existent dans la région. Certaines sont des grottes littorales liées à l’érosion mécanique et à l’action des vagues. D’autres sont dues à la présence de systèmes karstiques affectant les formations calcaires et crayeuses. Ces matériaux sont en effet très solubles dans l’eau, notamment la craie. Le karst est une structure géomorphologique résultant de l’érosion de formations de roches solubles dans l’eau (craie, calcaire, gypse...). Les karsts présentent pour la plupart un paysage tourmenté, un réseau hydrographique souvent souterrain et un sous-sol creusé de nombreuses cavités : reliefs en forme de ruines, pertes et résurgences de cours d’eau, grottes et gouffres... Sur les marges Sud et Ouest du Massif-central français, les plateaux karstiques sont dénommés causses. Un bétoire est une zone naturelle de communication directe entre la surface et le réseau karstique sousjacent. Elle peut former un petit entonnoir naturel par où se perdent les eaux superficielles. Une doline est une dépression circulaire du terrain due à la dissolution de la roche mère. Le karst régional prend la forme de fissures ou de fractures ouvertes ou de petites cavités. Son action se traduit en surface par la présence de bétoires, qui sont des trous d’engouffrement de l’eau de ruissellement, d’affaissements plus ou moins circulaires, et par des effondrements. Les bassins de l’Orbiquet, de la Guiel, de l’Avre et de l’Iton disposent d’un réseau karstique très dense qui s’accompagne de pertes et de résurgences dans les vallées. Tous ces bassins versants se localisent dans la partie Est de la région. Les phénomènes karstiques se produisent également dans le Bessin où les pertes de l’Aure en sont l’exemple le mieux connu. De très nombreuses dolines (dépression circulaire) marquent également de leur forme caractéristique les campagnes autour de Bayeux et de Tilly-sur-Seulles ainsi que le plateau qui longe la RN13 de Bayeux à Isigny-sur-Mer. Ce système karstique affecte les calcaires dits du Bajocien. Le karst des calcaires bathoniens est moins actif. De belles cavités souterraines naturelles ont néanmoins été observées autour de Caen et sa présence est notamment prouvée sur Hérouville-Saint-Clair. De part et d’autre du massif d’Ecouves, un réseau de pertes et de résurgences affecte également les calcaires bathoniens. Cavité souterraine naturelle crédit 49 48 La vie d’un système karstique s’accompagne de phénomènes plus ou moins discrets Affaissement sur un vide karstique à Port-en-Bessin Luc Leblanc/DREAL BN Affaissement sur un vide karstique à Port-en-Bessin Vidange d’un conduit karstique rempli d’argiles après épisode pluvieux. Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN 49 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les glissements de terrain et chutes de blocs Les roches composant le sous-sol de Basse-Normandie sont dans l’ensemble résistantes à la rupture et n’occasionnent que rarement le déclenchement de glissements de pente, coulées de boue ou chutes de matériaux. Les versants ont atteint pour la majorité d’entre eux leur profil d’équilibre depuis la dernière glaciation (-15 000 ans) et sont naturellement stables. Chute de bloc à Trouville-sur-Mer en juin 2003 Cependant, l’érosion naturelle entretient çà et là la persistance de pentes fortes, suffisamment importantes pour permettre la déstabilisation de certains horizons géologiques. D’importants glissements de terrain sont ainsi survenus récemment en région en 1982, 1988, 1995, 2001 et 2003 et 2013. Les matériaux en mesure de rompre, glisser ou chuter sont très divers. Les roches les plus propices sont en cela les roches meubles (les formations superficielles, les argiles sableuses par exemple) et, parmi les roches indurées, les plus fracturées d’entre elles. Ces matériaux se rencontrent un peu partout en Basse-Normandie mais leur coexistence, qui est un facteur aggravant, survient préférentiellement dans la partie orientale de la région. Frédéric Gresselin/DREAL BN Les glissements de terrain Les configurations les plus défavorables aux glissements de terrain se rencontrent dans le Pays d’Auge et le Perche. La présence de roches dures fracturées (un calcaire, de la craie par exemple) reposant sur des couches dites « savons » (des argilites ou des marnes) y est assez fréquente. Le cas le plus problématique est celui lié à la superposition de la craie sur des argiles sableuses dites « à glauconie ». La combinaison craie/glauconie est à l’origine de nombreux glissements de grande ampleur. Cette association peut en effet se déstabiliser dans des conditions de pente assez faible, de l’ordre de 6° à 7°. La glauconie peut par ailleurs fluer (se répandre) seule dans des pentes encore plus faibles, ce qui survient de temps en temps dans le Perche. Fort heureusement, la rupture de ces matériaux n’intervient que sous conditions climatiques exceptionnelles, de récurrence au moins décennale. Sans atteindre la rupture, de nombreux versants argileux ou argilo-sableux de l’Est de la région (les « picanes » du Pays d’Auge) subissent des mouvements très lents, d’ampleur limitée, dénommés fluage de pente. Sous l’action de l’eau et de la gravité, les sols fluent vers le bas. Les mouvements, imperceptibles, s’accompagnent de l’apparition de moutonnements dans les champs. Ces phénomènes s’observent également le long des versants composés des sables et argiles du Trias, au Sud-Ouest de Caen et dans la région de Port-en-Bessin. Ces mouvements, bien que sans danger, n’en affectent pas moins le bâti si celui-ci n’a pas été conçu pour résister. Un glissement de terrain en train de se former Valérie Guyot/DREAL BN Déformation d’un mur par fluage de pente à Port-en-Bessin DREAL BN 51 50 La dynamique des glissements ralentit ou s’interrompt l’été, lorsque les eaux souterraines sont basses, pour reprendre en automne avec la recharge des nappes. Les principaux glissements de pente régionaux sont ainsi survenus lors d’hivers très pluvieux (1988, 1995 ou 2013 par exemple) ou dans le cadre d’une séquence d’hivers humides, comme en 1982. Le risque n’en est pas pour autant écarté en été. Des glissements dangereux sont ainsi survenus lors des orages de juin 2003, dans la région de Trouville-sur-Mer. Le très spectaculaire glissement du Bouffay, près de Port-en-Bessin (le Chaos de Longues), s’est également déclenché en été. Quelques glissements de terrain le long des côtes du Calvados Cricquebœuf : le hameau Sainte-Anne Les aménagements fonciers ne prennent malheureusement pas tous en compte l’exposition d’un territoire à ce risque. Des facteurs aggravants peuvent fragiliser un territoire prédisposé : • terrassements ou affouillements mal conçus, • déboisements de versants prédisposés, • ou rejet d’eau pluviale en zone à risque. Les glissements de terrain les plus problématiques font l’objet de plans de prévention des risques. Les zones prédisposées sont cartographiées depuis 10 ans par la DREAL et sont en ligne sur son site internet. Frédéric Gresselin/DREAL BN Honfleur : hameau de Grâce Frédéric Gresselin/DREAL BN Longues-sur-Mer : le Chaos Frédéric Gresselin/DREAL BN 51 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Les chutes de matériaux Les chutes de matériaux, pierres ou blocs, surviennent plutôt à l’Ouest de la région. Leur apparition dépend de la présence de roches intimement fracturées, tels les grès ou les schistes, et de fortes pentes. Les facteurs déclenchants sont pour la plupart climatiques. La dynamique est accélérée par le ruissellement mais la préparation du phénomène est lente. Elle fait appel à de nombreux facteurs : • l’érosion du versant, • sa décompression, • l’orientation des champs de fissures et fractures de la roche, • l’exposition climatique… Les chutes les plus fréquentes surviennent le long du littoral du Calvados et de la Manche et dans les gorges de l’Orne, de la Vire ou d’autres vallées au profil escarpé. Seulement quelques millièmes du territoire sont concernés par l’aléa chute de matériaux. Parmi les collectivités touchées, seule Granville fait l’objet d’un plan de prévention des risques. Mais des reflexions sont en cours à CherbourgOcteville, Saint-Lô et Vire. Quelques bâtiments ont été expropriés dans le Nord du Pays d’Auge. 53 52 Le risque sismique La Basse-Normandie n’est pas une région exposée à un risque sismique majeur. Néanmoins, de nombreux séismes l’ont affectée dans le passé. En effet, depuis le IXe siècle, plus de 110 secousses sismiques ont été ressenties dans la région, dont un important séisme en 1775 à Caen, d’intensité VII (échelle MSK), ayant entraîné des dommages non négligeables. Dans l’attente de disposer de chroniques sur la sismicité actuelle de la France, l’Etat s’est appuyé dans un premier temps sur la sismicité historique pour établir les bases de la réglementation. C’est dans ce cadre que l’agglomération caennaise, par référence au séisme de 1775, a été classée zone à faible sismicité dès les années 1990. Le séisme de Bricquebec du 11 janvier 2014 Temps mis par les premières ondes à atteindre différents sismographes du Nord de la France et de Belgique 63,12 s 27,74 s 20,28 s 23,01 s 86,01 s Depuis le 1er mai 2011, une nouvelle réglementation est en application. Le zonage sismisque s’appuie désormais non seulement sur la sismicité historique mais aussi sur les données produites par un réseau de sismographes aux données désormais suffisamment longues et précises pour être représentatives de l’aléa. A la lecture de ces informations, le nouveau zonage sismique s’est étendu à l’ensemble de la partie armoricaine de la Basse-Normandie qui est désormais classée « zone à très faible activité sismique ». 53 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité La nouvelle réglementation impose des règles complexes qui répondent aux exigences du code européen de construction parasismique : « l’Eurocode 8 ». Elle a pour principal objectif d’assurer la sécurité des personnes en garantissant la stabilité des bâtiments qui les abritent. Les normes s’appliquent différemment selon le type de bâtiment concerné. Seuls les bâtiments des catégories les plus importantes doivent faire l’objet d’une construction parasismique (décret et arrêtés n° 2210-1254 du 22 octobre 2010). Les méthodes de constructions, qui se traduisent par des surcoûts minimes, inférieurs à 5 % du coût total du bien, permettent non seulement de se prémunir contre l’aléa sismique mais aussi contre les tassements différentiels. Catégories d’importance des bâtiments I II III IV 1 2 Aucune exigence - 3 Action 4 sismiqu e de ca lcul Construction PS 5 + Classification des bâtiments Catégories d’importance Description Exemples I • Bâtiments dans lesquels il n’y a aucune activité humaine nécessitant un séjour de longue durée Hangars, bâtiments agricoles II • Habitations individuelles • Établissements recevant du public (ERP) de catégories 4 et 5 • Habitations collectives de hauteur inférieure à 28 m • Bureaux ou bâtiments à usage commercial non ERP, h ≤ 28 m, max. 300 pers. • Bâtiments industriels pouvant accueillir au plus 300 pers. • Parcs de stationnement ouverts au public Maisons individuelles, petits bâtiments III • ERP de catégories 1, 2 et 3 • Habitations collectives et bureaux, h > 28 m • Bâtiments pouvant accueillir plus de 300 pers. • Établissements sanitaires et sociaux • Centres de production collective d’énergie • Établissements scolaires Grands établissements, centres commerciaux, écoles IV • Bâtiments indispensables à la sécurité civile, la défense nationale et le maintien de l’ordre public • Bâtiments assurant le maintien des communications, la production et le stockage de l’eau potable, la distribution publique de l’énergie • Bâtiments assurant le contrôle de la sécurité aérienne • Établissements de santé nécessaires à la gestion de crise • Centres météorologiques Protection primoridale : hôpitaux, casernes... 55 54 4. Synthèse et enjeux A découvrir d ans ce chapit Chiffres clés re XX Chiffres clés XX Grilles AFOM XX Enjeux et orientations Géologie • 2 milliards d’années : c’est l’âge des plus anciennes roches de la région. Elles figurent parmi les plus anciennes roches de France. • 3 chaînes de montagnes se sont formées en Basse-Normandie, puis elles ont été aplanies ensuite. Ressources et exploitation • En 2013, 90 carrières sont en activité en Basse-Normandie • 18 millions de tonnes de matériaux ont été extraits avec l’exploitation des carrières en 2011 en Basse-normandie. • 400 millions de tonnes de granulats sont produits chaque année en France (Source : UNICEM). • 20 000 à 30 000 tonnes de granulats sont nécessaires pour réaliser 1 km d’autoroute (Source : UNICEM). • Plus de 20 millions de tonnes de granulats issus du recyclage sont produits chaque année (Source : UNICEM). • 34 anciens titres miniers sont recensés en Basse-Normandie. Ressources et exploitation • 4 Plans de prévention des risques miniers. • Depuis le IXe siècle, plus de 110 secousses sismiques différentes ont été ressenties dans la région, dont une importante en 1775 à Caen ayant entraîné des dommages non négligeables. Grilles « AFOM » Atouts Faiblesses • Grande richesse et diversité des soussols régionaux dues à l’histoire géologique particulière de la Basse-Normandie : pierre de Caen, cornéennes de Vire, diorite de Coutances, dinosaures, mamouth,… • Présence de sites géologiques remarquables d’intérêt international, qui sont un terrain privilégié d’apprentissage : Anse du CulRond, granite de Flamanville, stratotype du Bajocien, falaises des Vaches Noires • Mise en valeur des ressources naturelles dans le cadre d’activités économiques d’exploitation et d’exportation : carrières, notamment. • Connaissance des sous-sols régionaux insuffisamment développée au regard des enjeux dans la mesure où il existe des zones importantes à risque d’effondrement de cavités (marnières, karst,...) et de mouvements de terrain. • Risques de mouvements de terrain insuffisamment pris en compte par les collectivités. • Impacts de la mise en place de carrières d’exploitation sur les écosystèmes (air, eau, sols, biodiversité…). • Existence d’un risque sismique sur une bonne partie de la région. • Méconnaissance de la richesse de leur patrimoine géologique par les Bas-Normands. Opportunités • Développement de technologies permettant l’exploitation de granulats en mer, à mettre en œuvre de façon néanmoins très encadrée pour ne pas perturber les écosystèmes. Menaces • Changement climatique (impacts sur les mouvements de terrain, etc.). Les grilles « Atouts Faiblesses Opportunités Menaces » permettent de faire le lien entre les principaux éléments du diagnostic et les enjeux. Elles constituent donc une synthèse et se construisent par rapport à un objectif. Ici, l’objectif est un équilibre harmonieux entre la qualité environnementale, l’organisation sociale et le développement économique. Les atouts et faiblesses ont une origine interne liée aux caractéristiques régionales, les opportunités et menaces ont une origine externe. 55 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Enjeux et orientations Les enjeux régionaux mis en avant concernent notamment : • le développement et le partage de la connaissance régionale, • l’accompagnement des collectivités dans une meilleure gestion des risques, • la protection des écosystèmes qui font l’objet d’une intense exploitation souterraine. Enjeu 1 : Développement et partage de la connaissance régionale Orientation 1 Développer la connaissance des risques liés aux sous-sols bas-normands Orientation 2 Soutenir les démarches de valorisation et mise à disposition du public du patrimoine géologique Enjeu 2 : Accompagnement des collectivités dans une meilleure gestion des risques liés aux sous-sols Orientation 1 Développer les moyens d’accompagnement des collectivités Orientation 2 Développer la gestion des risques liés aux sous-sols par les collectivités Orientation 3 Améliorer la prise en compte des sous-sols dans les plans d’urbanisme Enjeu 3 : Encadrement et vigilance concernant les impacts de l’exploitation des sous-sols sur les écosystèmes marins et terrestres Orientation 1 Développer et partager la connaissance des impacts avérés et potentiels de l’exploitation des carrières terrestres et marines sur les écosystèmes Orientation 2 Poursuivre le suivi des impacts de l’exploitation des carrières Orientation 3 Favoriser l’exploitation de ressources de proximité pour les approvisionnements de territoire 57 56 5. Acteurs régionaux et bibliographie Acteurs régionaux A découvrir d ans ce chapit re XX Acteurs régionaux XX Bibliographie XXAPBG (Association des professeurs de biologie et de géologie) : • Promotion et soutien des bio et géosciences dans le cadre scolaire, • Organisation d’excursions et de conférences géologiques. XXBRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) : • Recherche scientifique, • Appui aux politiques publiques, • Coopération internationale, • Sécurité minière, • Formation. XXCommunes et intercommunalités • Inventaire des risques liés à leurs sous-sols, • Intégration de ces risques dans leurs documents d’aménagement. XXDREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) • Définition des niveaux d’aléas et mise à disposition des documents pour information publique, • Promotion des politiques d’acquisition des connaissances sur les sols, • Suivi et inspection des installations classées soumises à autorisation. XXGéodéris (www.geoderis.fr/): • Expertise et assistance technique aux services de l’État pour l’exercice de leurs compétences dans les domaines liés à l’après-mine. XXLithothèque (www.discip.ac-caen.fr/geologie/index.htm) • Informations sur la géologie normande, • Présentation des principaux circuits géologiques régionaux XXUNICEM (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction : fédération qui regroupant la quasi-totalité des industries extractives de minéraux ainsi que les fabricants de divers matériaux de construction ) : • expertise professionnelle, • représentation de l’ensemble des entreprises qu’elle rassemble, • défense des intérêts collectifs et individuels de ces entreprises, • consultation, assistance et information auprès de ses adhérents. 57 Profil environnemental régional de Basse -Normandie Version provisoire de travail du 31 juillet 2014 | Les sous-sols et la géodiversité Bibliographie • Arnaud Guérin (sous la direction de ). La Normandie. La géologie, les milieux, la faune, la flore, les hommes. La biblothèque du naturaliste. Mai 2003. 364 pages. • DREAL de Basse-Normandie, Schémas départementaux des carrières 2013 (Calvados, Orne, Manche). • Dugué Olivier. Le massif armoricain dans l’évolution mésozoïque et cénozoïque du Nord Ouest- de l’Europe. Contrôles techniques, eustatiques et climatiques d’un bassin intracratonique (Normandie, Mer de la Manche, France). Mémoires géosciences Rennes. • Gresselin Frédéric. Evolution varisque du massif armoricain oriental. Insertion dans une dorsale Ouest-européenne. Sous la direction de F. Dore. 18 décembre 1990. 350 pages. • Le Gall Jean. Petrogenèse des magmas andesitiques et ignimbritiques et leur signification dans l’évolution géodynamique cadomienne. Géosciences Rennes n°52. Mémoires 1993. 4ème trimestre 1993. 362 pages. • Union Nationale des Producteurs de Granulats. Livre blanc pour un approvisionnement durable des territoires. Carrières et granulats à l’horizon 2030.134 pages. Site internet complémentaire • catalogue numérique de la prévention des risques majeurs : catalogue.prim.net/ • www.scotese.com/earth.htm 58