L`appréciation des demandes de morcellement de ferme

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L`appréciation des demandes de morcellement de ferme
L’APPRÉCIATION DES DEMANDES DE MORCELLEMENT DE FERME
DANS L’APPLICATION DE LA LOI SUR LA PROTECTION DU TERRITOIRE
ET DES ACTIVITÉS AGRICOLES
DOCUMENT DE RÉFLEXION
Septembre 2007
Révisé en décembre 2008
L'appréciation des demandes de morcellement de ferme
Document de réflexion
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Présentation
Le présent document est le résultat des travaux sur la problématique du morcellement
de ferme réalisés par le comité mis sur pied au mois d’août 2006 et dirigé par Roger
Lefebvre, président de la Commission. Ce comité est composé de Marie-Josée Gouin,
Gary Coupland, Réjean St-Pierre, Pierre Rinfret, Louis-René Scott, Serge Cardinal et
Lévis Yockell. Outre ces personnes, d’autres ont contribué à la réflexion en réalisant
des recherches particulières. Il s’agit de Gilles Bonneau, Georges Éthier, Farida
Zouaoui, Isabelle Ricard et Jean-Pierre Lévesque. Ce comité avait pour mandat de
stimuler et structurer la réflexion au regard de l’évaluation des demandes d’autorisation
visant le morcellement de terres agricoles.
Un premier document portant sur la problématique du morcellement de ferme a été
produit et discuté lors d’une assemblée des membres tenue le 19 décembre 2006. Ce
document venait en quelque sorte synthétiser l’ensemble de l’information disponible sur
le sujet, afin de maximiser les échanges entre les membres de la Commission. Ce
document constituait un rapport d’étape qui fournissait l’information disponible à ce jour
concernant le morcellement qui doit servir d’assise à l’établissement d’orientations.
À la demande de la Confédération de l’Union des producteurs agricoles, les membres
du comité ont également participé à une rencontre d’échange sur le morcellement avec
les membres du comité de l’aménagement du territoire de l’UPA.
Le présent document de réflexion constitue une synthèse de l’ensemble des discussions
dans une forme structurée de manière à proposer un encadrement souple permettant
d’apprécier objectivement ce type de demande qui, résultant en décisions, a des
impacts sur le territoire et les activités agricoles. Ce document a été entériné à
l’unanimité par l’Assemblée des membres lors d’une rencontre tenue le 13 septembre
2007.
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Document de réflexion
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TABLE DES MATIÈRES
1.
Rappel de la problématique ...................................................................... 4
2.
Évolution du contexte agricole, tendances et enjeux............................. 4
3.
Évolution de la législation et de la réglementation................................. 6
4.
Les rôles et les responsabilités................................................................ 8
5.
Approche de la Commission au fil des ans ............................................ 9
6.
Les approches à considérer ..................................................................... 11
7.
Des approches à concilier......................................................................... 12
8.
Une approche qui tient compte des particularités régionales ............... 13
ANNEXE I
Compilation spéciale des décisions rendues lors de l’exercice 2003-2004.
ANNEXE II
Analyse de la jurisprudence pour les décisions rendues concernant le
détachement de bâtiments d’exploitation animale et la dissociation de parcelles à
vocation distincte.
ANNEXE III
Les expériences étrangères en matière d’encadrement du lotissement des terres
agricoles.
ANNEXE IV
Enquête sur le suivi des décisions rendues sur les demandes de morcellement de
ferme.
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1.
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Rappel de la problématique
Nous savons que la fragmentation foncière du territoire agricole en de petites unités est
susceptible d’inciter à la conversion de la vocation de ces parcelles à des fins autres
que l’agriculture et a, dans certaines circonstances, des incidences à la hausse sur le
prix du sol et restreint la polyvalence dans le choix des activités agricoles à valoriser.
Les cas soumis à la Commission pour l’obtention d’une autorisation sont différents,
parfois complexes et localisés partout en zone agricole, c’est-à-dire dans toutes les
régions du Québec. Non seulement les demandes visent-elles à morceler des entités
foncières, mais elles s’accompagnent souvent du morcellement d’entreprises agricoles
par la dissociation de différentes activités spécialisées exercées sur une même ferme,
pour toutes sortes de raisons (financières, fiscales, contexte de démarrage d’entreprise,
etc.).
L’agriculture se diversifie, se spécialise et évolue. Sans remettre en cause le modèle
traditionnel dans lequel la ferme familiale occupait une place importante, il faut admettre
que les exploitants agricoles d’aujourd’hui sont des gens d’affaires (compétitivité oblige)
et cela se traduit différemment sur le terrain. Or, le morcellement des terres agricoles
peut, à l’occasion, favoriser le démarrage d’entreprises agricoles, le développement ou
la réorientation d’entreprises existantes. Ainsi, restreindre le morcellement du territoire
agricole pourrait constituer, à court terme, un inconvénient sur certaines exploitations
agricoles. Cette problématique est loin de faire l’unanimité puisqu’il s’agit dans bien des
cas de trancher entre des accommodements sur le plan foncier pour favoriser à court
terme une activité agricole et la pérennité du territoire agricole à long terme.
2.
Évolution du contexte agricole, tendances et enjeux
La notion de morcellement a évolué depuis l’adoption, en 1978, de la Loi sur la
protection du territoire agricole tout comme les façons de pratiquer l’agriculture au
Québec et même ailleurs en Amérique du Nord. Durant les dernières décennies, le
secteur agroalimentaire québécois s’est modernisé pour produire plus et mieux, pour
tendre davantage vers une spécialisation et une intensification de l’agriculture. Ce
courant a, par contre, donné lieu à une diminution du nombre de fermes, une inflation du
prix des actifs agricoles (terres et quotas), une augmentation de l’endettement, une
réduction des marges bénéficiaires et de la capacité de remboursement, de même
qu’une diminution des prix des produits agricoles et l’augmentation des dépenses.
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Les propriétaires et leur relève sont donc confrontés à un gonflement rapide des actifs et
de la dette agricoles. La hausse prononcée de la valeur du foncier et du quota explique
la forte croissance de la valeur de l’ensemble des actifs agricoles. Ces deux biens de
production représentent les deux tiers de la valeur totale des actifs. Il faut maintenant
entre 3,00 $ et 8,50 $ de capital pour produire 1,00 $ de revenu brut. Il y a dix ans, ce
ratio était de cinq pour un1.
Dans une enquête2 effectuée en 2002, les répondants ont clairement identifié comme
une difficulté d’accès au métier d’agriculteur le problème de la dette et la taille des actifs
agricoles. Toutefois, les barrières économiques sont vues comme un obstacle majeur
davantage dans la perception des futurs candidats à la relève que dans celle de leurs
parents. Près de 80 % des jeunes affirment que l’incapacité de faire une mise de fonds
constitue un grave empêchement à l’établissement d’un jeune en agriculture, alors que
seulement 35 % des propriétaires pensent que l’insuffisance d’argent pour prendre une
retraite peut nuire au transfert de la ferme.
Bien que l’agriculture ait bien changé en Amérique du Nord, une chose demeure : le
transfert de ferme et la planification de la transition sont tout aussi cruciaux aujourd’hui
qu’ils l’étaient il y a cinq ans. En effet, il y a moins de fermes, elles sont plus grosses,
plus capitalisées et plus endettées.
Ainsi, les dettes ont progressé plus rapidement que la capacité de remboursement. Ces
constats expliquent en partie le fait qu'on assiste désormais à des périodes de cogestion
plus longues qu'auparavant. Les parents demeurent impliqués financièrement à un plus
haut niveau et continuent de travailler plus longtemps puisqu’ils dépendent presque
entièrement des revenus générés par la vente de leurs avoirs dans l'entreprise pour
assurer leur retraite.
La production agricole et agroalimentaire au Québec, comme ailleurs dans le monde,
évolue dans un environnement en profonde mutation. C’est pourquoi, en 1992, un
premier sommet d’envergure sur l’agriculture québécoise s’est déroulé à Trois-Rivières.
Sous le thème « L’agriculture à l’heure des choix », il a permis d’approfondir la réflexion
sur les principaux enjeux dont devaient tenir compte les intervenants de la filière
agroalimentaire.
1
Transfert de ferme et démantèlement au Québec : Études de cas. Jean-Philippe Perrier, Isabelle Allard et Diane
Parent, Université Laval, 2004
2
Tondreau, Parent et Perrier, 2002, Tiré d’un document intitulé : La transmission de la ferme québécoise d’une
génération à l’autre : au-delà des considérations économiques, une question d’Échange, d’intégration aux tâches et
de délégation du pouvoir.
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En mars 1998, la Conférence sur l’agriculture et l’agroalimentaire québécois a permis à
tous les partenaires de s’entendre sur une vision commune de l’agriculture et d'identifier
des objectifs orientés clairement sur la croissance du volume des produits destinés aux
marchés étrangers, mais aussi un accroissement de la part des produits québécois sur
le marché intérieur.
En juin 2006, le Premier ministre et le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de
l’Alimentation du Québec annonçaient la création de la commission sur l’avenir de
l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois. Cette commission indépendante est
chargée de dresser un diagnostic complet sur l’avenir du secteur en tenant compte des
consultations dans l’ensemble des régions du Québec. Ces consultations seront un lieu
d’expression pour tous les points de vue en provenance d’organismes ou d’individus.
Cette commission fera des recommandations sur les adaptations à faire, compte tenu
des défis de la compétitivité, des revenus agricoles, des attentes sociétales et de la
mise en valeur des potentiels régionaux. Elle doit remettre son rapport en janvier 2008.
Les travaux de cette commission, les constats et les recommandations qui seront
formulés, auront un impact certain sur l’ensemble des politiques, programmes et rôle
des intervenants en matière de production et de transformation agroalimentaire au
Québec. Déjà, sans présumer des conclusions de la commission, il ressort à la lumière
des représentations faites au cours des audiences régionales de consultation que des
visions divergentes marquent la réflexion. En effet, sur le plan de la production agricole,
les préoccupations s’appuient sur des enjeux qui varient selon que l’on prône un type
d’agriculture spécialisée, compétitive et performante, plutôt qu’un autre à l’échelle
familiale plus près et à l’écoute du consommateur. D’une façon plus particulière,
l’intégrité du territoire agricole sera abordée sous l’angle de son occupation.
3.
Évolution de la législation et de la réglementation
Les dispositions législatives
Lors des consultations publiques réalisées avant l’adoption de la Loi sur la protection du
territoire agricole, plusieurs problématiques et enjeux ont été évoqués :
-
le gaspillage de sols agricoles par l’étalement de l’urbanisation,
l’éparpillement des usages non agricoles en milieu agricole et les problèmes de
cohabitation en découlant,
la spéculation sur les terres agricoles et la sous-utilisation de celles-ci,
le morcellement et le lotissement à des fins domiciliaires de terres agricoles liées à
des opérations de spéculation et de vente à des non-résidants.
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La question du morcellement de ferme comme on l’entend aujourd’hui n’a été abordée
d’aucune façon dans le cadre des consultations devant mener à l’adoption de la loi. Si
le morcellement n’a pas été visé comme tel à ce moment, il a néanmoins été régi dès le
début en raison des liens traditionnels reconnus entre la superficie et l’usage que l’on y
projette.3 En effet, au-delà de l’absence du morcellement de ferme comme enjeu initial
lors de l’adoption de la loi, aucun des critères de la loi dans sa première version ne
permettait un lien direct avec cette problématique. Ce n’est finalement qu’en 1989, lors
de la refonte de l’article 62 de la loi, qu’un critère spécifique a été ajouté pour encadrer
davantage l’appréciation des demandes de morcellement de ferme. En effet, l’article
62.8 vient préciser que la constitution de propriétés foncières dont la superficie est
suffisante pour y pratiquer l’agriculture devient un élément d’appréciation.
C’est aussi en 1989 que l’article 29.2 a été ajouté au texte de loi. Il s’agit d’une
disposition dont le but est de soustraire à l’obligation d’obtenir une autorisation de la
Commission la personne qui veut procéder à l’aliénation d’une superficie d’au moins 100
hectares, si la superficie résiduelle contiguë forme une entité foncière d’au moins 100
hectares. De cette manière, indirectement, le législateur vient indiquer que partout en
zone agricole une entité foncière de 100 hectares d’un seul tenant est considérée
comme étant une superficie suffisante pour y pratiquer l’agriculture.
En 1996, avec l’adoption du projet de loi 234, deux éléments majeurs viennent encadrer
l’application de la loi. Tout d’abord, avec l’introduction de l’article 1.1, l’objet de la loi est
précisé de manière à mieux interpréter les objectifs de la loi et sa portée dans son
interprétation. On y précise que la loi « a pour objet d’assurer la pérennité d’une base
territoriale pour la pratique de l’agriculture et de favoriser, dans une perspective de
développement durable, la pratique des activités agricoles et des entreprises
agricoles... ». Un deuxième élément important est également incorporé au texte de loi
au niveau de la définition de la compétence de la Commission. Ainsi, la considération
des particularités régionales est dorénavant inscrite dans la compétence de la
Commission, l’obligeant à pondérer l’application des critères de décision selon la
dynamique des différents milieux. Ces dispositions d’ordre général, sans être des
critères de décision, amènent donc la Commission à porter une attention particulière aux
caractéristiques du milieu, ce qui dans les cas de morcellement de ferme prend une
3
La loi contient deux prohibitions distinctes, selon que le morcellement s’opérerait par l’aliénation d’un lot
ou partie de lot en se réservant un droit de propriété sur un lot contigu (article 29), ou par l’aliénation de
deux parties contiguës du même lot (article 28) : on parle alors de lotissement. Pour les fins du présent
document, l’expression « morcellement » vise les deux situations.
4
Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d’autres dispositions législatives.
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place prépondérante considérant la diversité des milieux agricoles, tant par leur
dynamisme que sur les types et les modes de production.
Il faut, au passage, dissiper une impression selon laquelle l’introduction à la loi du volet
portant sur la protection des activités agricoles, en 1997, constituerait un signal du
législateur pour la prise en compte, de façon prépondérante, des intérêts individuels
(économiques) des exploitants agricoles comme contrepoids à l’application de normes
plus objectives. En effet, c’est essentiellement dans le contexte de la nouvelle section
distincte de la loi (chapitre III), portant précisément sur les activités agricoles, que cette
préoccupation est d’abord introduite pour consacrer un « droit de produire », créer une
immunité de poursuite et prévoir la possibilité d’une médiation lorsqu’un règlement
municipal restreint la pratique d’une activité agricole. D’ailleurs, l’article trois de la loi
établissant la fonction de la Commission d’assurer la protection du territoire agricole n’a
pas été modifié à cette occasion : s’il y a un signal, il est là.
Les dispositions réglementaires
Le règlement sur les déclarations requises en vertu de la loi, l'implantation de bâtiments
sommaires et de panneaux publicitaires, l'agrandissement d'emplacements résidentiels
et le démembrement de propriétés qui peuvent être effectués sans autorisation est entré
en vigueur en juin 1998. Ce règlement permet le démembrement de la totalité d’une
propriété lorsque celui-ci a comme conséquence immédiate la consolidation des
propriétés agricoles contiguës détenues par des producteurs, peu importe la taille des
superficies aliénées et celle des propriétés résultantes.
4.
Les rôles et les responsabilités
En matière de développement de l’agriculture, c’est le ministère de l’Agriculture, des
Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) qui est responsable de la
conception et de la mise en œuvre des programmes de développement et de soutien
aux entreprises agricoles et bioalimentaires. Par ailleurs, la Financière agricole du
Québec a pour mission de soutenir et de promouvoir, dans une perspective de
développement durable, le développement du secteur agricole et agroalimentaire. Son
mandat est de stimuler les investissements et de protéger les revenus en vue de
favoriser la réussite et la pérennité des entreprises agricoles québécoises. La Régie
des marchés agricoles et alimentaires du Québec est un organisme de régulation
économique. Sa mission consiste à favoriser une mise en marché efficace et ordonnée
des produits agricoles et alimentaires, de la pêche et de la forêt privée.
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La Commission de protection du territoire agricole, quant à elle, a pour mission de
garantir pour les générations futures un territoire propice à l’exercice et au
développement des activités agricoles. À ce titre, elle assure la protection du territoire
agricole et contribue à introduire cet objectif au cœur des préoccupations du milieu.
Cette mission découle de l’objet central de la loi que l’on retrouve à l’article 1.1 qui
consiste « à assurer la pérennité d’une base territoriale pour la pratique de
l’agriculture ».
La mission de la Commission se distingue nettement de celle des autres organismes car
elle n’a aucune responsabilité au regard de la mise en valeur et de l’exploitation du
territoire agricole. La contribution de la Commission à l’ensemble de la filière de
production bioalimentaire est d’assurer la disponibilité et le maintien de la ressource sol
qui constitue de façon incontournable la première condition pour que l’agriculture du
Québec puisse se développer et être en mesure de répondre aux besoins de la société
québécoise. La Commission est donc la seule institution à détenir cette responsabilité
de maintenir un patrimoine foncier apte à soutenir l’agriculture d’aujourd’hui et de
demain.
5.
Approche de la Commission au fil des ans
La première version de la loi, en 1978, prohibait le morcellement. Les décisions sur des
demandes à cet égard étaient rendues en fonction de l’article 125 de la loi. En 1985, les
modifications à la loi ont précisé le lotissement. La notion de superficie suffisante pour y
pratiquer l’agriculture, a été inscrite à la loi en 1989 à son article 62,8o.
Parallèlement à la progression de la spécialisation de l’agriculture, les concepts de
rentabilité et de viabilité ont été prépondérants dans l’interprétation de la superficie
suffisante pour y pratiquer l’agriculture. Lorsque la situation s’y prêtait, la Commission
mettait de l’emphase sur cette interprétation et elle autorisait des morcellements dont
l’issue créait une ou plusieurs propriétés sur lesquelles une famille agricole pouvait vivre,
le tout en fonction de la production établie sur la superficie. C’est ainsi que dans certaines
5
Dans sa version initiale, l’article 12 de la LPTAA s’énonçait ainsi : (Pour rendre une décision ou émettre
un avis dans une affaire qui lui est soumise, la commission prend en considération notamment les
conditions biophysiques du sol et du milieu, les possibilités d’utilisation du lot à des fins d’agriculture et les
conséquences économiques qui découlent de ces possibilités, l’effet d’accorder la demande sur la
préservation du sol agricole dans la municipalité et la région ainsi que l’homogénéité de la communauté et
de l’exploitation agricoles.)
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productions dites « sans sol »6, plusieurs propriétés agricoles ont été circonscrites
strictement aux bâtiments d’élevage. Les cultures abritées (sous serre) ont suivi le même
modèle. Souvent, l’angle économique était le facteur prépondérant, et le seul invoqué
dans les décisions, pour justifier l’autorisation de morceler. Les mêmes arguments ont
justifié la fragmentation des propriétés en fonction de leurs vocations respectives, par
exemple pour séparer la partie boisée (avec ou sans érablière) des terres cultivées.
Par ailleurs, la Commission a autorisé certains morcellements tout en imposant des
conditions de prohibition d’aliéner, c’est-à-dire de maintenir une contiguïté artificielle
entre deux propriétés qui n’étaient pas contiguës au sens réel de la loi. Cela permettait
à la Commission de s’assurer de la réversibilité de la transaction, lui donnant ainsi un
caractère temporaire. Cette approche a été délaissée lors de l’adoption du Code civil,
en 1994, qui indique, à son article 1212, qu'une stipulation d'inaliénabilité ne peut être
prévue que dans un testament ou dans un acte de donation. Rappelons que plusieurs
décisions antérieures à 1995, assorties d’une telle condition d’inaliénabilité, ont fait l’objet
d’une demande visant à lever cette condition et l’autorisation était pratiquement
automatique.
Cela dit, lors de demandes de morcellement impliquant un remembrement de parcelles
contiguës, l’aspect de la consolidation de la superficie d’une propriété justifie souvent
une autorisation, malgré la constitution d’une entité foncière résiduelle de faible
superficie. (Voir Annexe I).
Plus tard, en 1996, l’article 1.1 est venu préciser l’objet de la loi et un ajout à l’article 12 a
introduit la prise en compte du contexte des particularités régionales dans l’analyse des
demandes.
Au tournant des années 2000, la question environnementale, concernant plus
particulièrement la disposition des fumiers et lisiers, a porté la Commission à tendre vers
la préservation d’unités davantage autonomes sur le plan des activités agricoles globales
d’une entreprise, en maintenant le plus possible le lien de propriété entre l’unité d’élevage
et les superficies nécessaires à la disposition des engrais de ferme.
La Commission a également ajusté son analyse des demandes de morcellement en
pondérant davantage ses décisions (voir Annexe II) avec l’ensemble des dispositions
décisionnelles applicables, lesquelles se retrouvent aux articles 12 et 62, notamment
l’homogénéité de la communauté et de l’exploitation agricoles, les possibilités
6
Dans ce type de production, le producteur ne possède pas de terres pour disposer de ses fumiers et
lisiers produits par ses animaux.
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d’utilisation agricole et, bien sûr, la constitution de propriétés dont la superficie est
suffisante pour y pratiquer l’agriculture.
La conjugaison de ces deux derniers éléments (possibilités d’utilisation agricole et
superficie suffisante) a permis de considérer la polyvalence des propriétés issues d’un
morcellement, c’est-à-dire la possibilité d’y établir, à long terme, des productions
agricoles différentes.
Par ailleurs, le contexte des particularités régionales est également considéré dans
l’évaluation de l’effet d’un morcellement sur l’homogénéité de la communauté et de
l’exploitation agricoles. À cet égard, l’observation du parcellaire d’un milieu donné fournit
une information non négligeable pour décider en matière de morcellement. Toutefois,
dans un milieu comptant plusieurs entités de faibles superficies, le nivellement par le
bas peut occasionner un effet indésirable. À titre d’exemple, il apparaît beaucoup plus
intéressant de cultiver une terre de 100 hectares d’un seul tenant que de cultiver la
même superficie répartie sur 4 parcelles de 25 hectares non contiguës. Rappelons que
la superficie moyenne détenue par les entreprises agricoles au Québec est d’environ
110 hectares actuellement.
Quant aux conséquences d’un refus pour le demandeur, cet aspect est souvent invoqué
par les requérants pour obtenir le morcellement d’une propriété. Cet élément est
analysé avec beaucoup de circonspection puisqu’il constitue fréquemment un avantage
personnel, le plus souvent de nature spéculative, lié à l’obtention d’un meilleur prix de
vente d’une propriété. À cet égard, la ligne est toujours difficile à tirer entre la protection
des activités agricoles et les avantages que peuvent retirer les producteurs par un
morcellement (protection des agriculteurs).
6.
Les approches à considérer
La problématique du morcellement de ferme dans le cadre de l’application de la Loi sur
la protection du territoire et des activités agricoles est une question fort complexe et
délicate considérant les intérêts en cause. D’une part, il est tout à fait légitime pour une
entreprise agricole de prendre des décisions de manière à garantir la profitabilité de ses
opérations tant sur le plan de l’organisation de ses activités que sur le choix du modèle
de production. Cette approche est davantage économique ou individuelle. D’autre
part, la pérennité d’une base territoriale implique une approche qui, sans être
complètement indépendante des considérations individuelles ou des contextes
conjoncturels, doit transcender ceux-ci dans une vision de long terme favorisant
l’intégrité d’une ressource considérée comme un patrimoine collectif pour les
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générations futures. Cette dernière approche peut être qualifiée de territoriale ou
collective.
Comme en fait foi l’évolution de la jurisprudence de la Commission au fil des ans et
l'évolution de la législation et de la réglementation, cette question du morcellement et la
façon d’apprécier ce type de demande ont évolué sans pour autant qu’une ligne
directrice claire et nette puisse être tracée. Cela démontre la complexité de la
problématique qui, même dans le monde agricole, ne dégage pas des orientations
unanimes.
Il fut un temps en Europe et ailleurs dans le monde, où il était avantageux pour un
paysan de compter sur plusieurs petits lopins de terre plutôt qu’une seule et même terre
de dimension importante pour assurer la survie d’une exploitation agricole. L’avantage
se basait sur le fait que le paysan pouvait amoindrir les risques en dispersant sa
production sur des parcelles éparses limitant ses pertes en cas de désastre naturel ou
autres avaries.
De plus, cette dispersion permettait au producteur, selon les
caractéristiques biophysiques des parcelles, d’échelonner ses travaux culturaux dans le
temps selon les exigences de chacune des différentes productions. Aujourd’hui,
évidemment avec la mécanisation des opérations agricoles, une telle stratégie de
production est totalement révolue et cela illustre le fait que la gestion du territoire doive
au maximum être indépendante des conjonctures, fluctuantes à l’évidence dans le
temps.
Les expériences étrangères (Voir Annexe III), notamment dans les pays européens au
regard de la gestion du domaine foncier rural, nous démontrent qu’il est beaucoup plus
facile de maintenir l’intégrité du territoire agricole que de procéder à l’aide de politiques
au remembrement des terres agricoles pour en faire des unités de production
consolidée. L’expérience de certains pays comme la France, dont le patrimoine foncier
agricole s’est étiolé au fil des legs et du partage des terres agricoles d’une génération à
l’autre, devrait nous inciter à adhérer au principe de précaution7 à l’égard du maintien
de l’intégrité du territoire agricole. Cela est d’autant plus vrai que l’agriculture
québécoise, comme d’autres dans le monde, vit des moments d’incertitudes et de
préoccupations jamais vus.
7
Le principe de précaution est défini à l’article 6 de la Loi sur le développement durable « j)
« précaution » : lorsqu’il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l’absence de certitude
scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures
effectives visant à prévenir une dégradation de l’environnement ».
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Des approches à concilier
Il ne fait aucun doute que la mission de la Commission, en vertu des dispositions de la
loi, est d’abord d’assurer le maintien de l’intégrité du territoire agricole qui est à la base
même de sa pérennité. C’est une loi de zonage, donc un outil d’intérêt collectif où le
territoire a préséance sur les aspirations individuelles. Même si la loi dans son libellé
comporte un volet relatif à la protection des activités agricoles tel que précisé
précédemment, aucun élément dans la loi ne nous permet d’autoriser un morcellement
de ferme du seul fait qu’il représente une solution économiquement profitable aux
exploitants agricoles en cause. C’est l’ensemble des critères obligatoires de l’article 62
de la loi qui doivent être appréciés et pondérés.
Il est vrai, dépendamment de la conjoncture, des attributs des acteurs et du type
d’activité agricole en cause, que certains morcellements motivés uniquement sur la base
de considérations économiques et individuelles peuvent apparaître positifs pour
l’agriculture en général. L’expérience nous démontre que le contexte de production peut
évoluer rapidement et qu’une conjoncture jugée favorable au moment d’une transaction
peut le devenir beaucoup moins avec le temps. Certes, les transactions foncières ont
un caractère réversible, mais l’expérience nous enseigne que, suite à un morcellement,
il n’est pas toujours évident de revenir à la situation initiale advenant que les projets
agricoles envisagés n’ont pu se réaliser comme prévu. Aussi, est-il bon de rappeler que
dans plus de 50 % des cas de projets de morcellement refusés par la Commission se
traduisent ultérieurement en l’acquisition de toute la terre dont une partie seulement était
initialement convoitée. (Voir Annexe IV).
Si l’approche territoriale, de façon générale, doit avoir préséance sur l’approche
économique, elle ne devrait pas pour autant empêcher la Commission de tenir compte,
de façon exceptionnelle, de considérations autres devant la singularité de certaines
demandes.
8. Une approche qui tient compte des particularités régionales
La prise en compte des particularités régionales dans l’application de la loi a fait l’objet
d’une réflexion en profondeur en 2005. Cette réflexion a donné lieu à l’adoption d’un
document de réflexion par l’Assemblée des membres. Les particularités régionales
constituent pour la Commission le moyen de pondérer l’ensemble des critères de
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décision applicables à une demande par une mise en contexte de celle-ci par rapport à
la dynamique régionale.
Plus particulièrement en matière de morcellement de ferme, les caractéristiques de la
dynamique agricole du milieu deviennent des éléments incontournables dans
l’évaluation de ces demandes. Chaque région du Québec a développé une agriculture
qui tient compte des facteurs biophysiques, tels le type de sol, la topographie, le climat,
la proximité des marchés, etc. Les types de production se sont développés et
concentrés géographiquement selon les potentiels biophysiques du milieu. Les
productions se sont développées selon les capacités que pouvait fournir le territoire, ce
qui a permis à chaque région agricole de forger sa propre identité. En effet, l’agriculture
que l’on retrouve à Laval est différente de celle de la MRC des Maskoutains. Celle de
l’Île d’Orléans n’est pas comparable avec celle des MRC de la région Centre du
Québec, etc. Sur le plan foncier, la structure de l’appropriation du sol s’est donc
calquée sur les besoins des productions typiques de ces différents milieux.
C’est donc les caractéristiques du milieu qui donnent la meilleure perspective pour
l’appréciation d’une demande de morcellement. Cette perspective peut, dans certains
cas, s’étendre à l'échelle régionale ou à l’échelle d’un rang si les particularités du milieu
le justifient. Dans certains cas, la nature des considérations individuelles pourrait militer
en faveur d’une autorisation si les particularités du milieu font en sorte de minimiser
l’effet sur le territoire. Bref, il n’y a pas de recette toute faite pour faire le lien entre les
particularités du milieu et le projet de morcellement à l’étude. Tout est question de
jugement selon les cas présentés et toujours à la lumière du principe de précaution qui
doit nous ramener à notre première mission de protéger le territoire agricole tel qu’inscrit
à l’article trois de la loi.
ANNEXE I
Compilation spéciale des décisions rendues lors de l’exercice 2003-2004.
Cette compilation du résultat des décisions rendues lors de l’exercice 2003-2004
démontre sans équivoque que la superficie de la plus petite unité foncière issue du
morcellement est un facteur d’importance capitale lorsque l’on traite ce genre de
demande. Un taux d’autorisation très élevé est observé lorsque les lots, issus de la
division d’une terre, sont d’au moins 30 hectares.
Tableau 1. Répartition des décisions de la CPTAQ pour
l'exercice financier 2003-2004. (Sans égard sur la contiguïté).
Compilation basée sur la plus petite unité foncière issue du
morcellement.
Superficie
de l'unité
foncière (ha) Nombre (n) autorisation (n)
0 < 10
108
40
10 < 20
63
32
20 < 30
57
34
30 < 40
35
30
40 < 50
44
38
50 < 60
13
12
60< 70
14
14
70 < 80
6
6
80 < 90
4
4
90 < 100
2
2
100 et plus
8
8
Total
354
220
% refus (n)
37
68
51
31
60
23
86
5
86
6
92
1
100
0
100
0
100
0
100
0
100
0
62%
134
%
63
49
40
14
14
8
0
0
0
0
0
38%
N.B. Les désistements ont été enlevés et les dossiers où l’une des deux superficies était
inconnue.
Annexe I
Page 2
Tableau 2. Répartition des décisions de la CPTAQ pour
l'exercice financier 2003-2004. (Demandes où il y a
démembrement de la terre agricole).
Compilation basée sur la plus petite unité foncière issue du
morcellement.
Superficie
de l'unité
foncière
(ha)
0 < 10
10 < 20
20 < 30
30 < 40
40 < 50
50 < 60
60< 70
70 < 80
80 < 90
90 < 100
100 et plus
Total
Nombre (n) autorisation (n)
64
15
38
12
37
16
16
11
29
23
8
7
4
4
3
3
3
3
2
2
0
0
204
96
% refus (n)
23
49
32
26
43
21
69
5
79
6
88
1
100
0
100
0
100
0
100
0
0
47%
108
%
77
68
57
31
21
13
0
0
0
0
53%
N.B. Les désistements ont été enlevés et les dossiers où l’une des deux superficies
était inconnue.
Annexe I
Page 3
Tableau 3. Répartition des décisions de la CPTAQ pour
l'exercice financier 2003-2004. (Demandes où l’acquéreur est
propriétaire d’un lot contigu).
Compilation basée sur le résidu de lot conservé par le vendeur.
Superficie
de l'unité
foncière
(ha)
0 < 10
10 < 20
20 < 30
30 < 40
40 < 50
50 < 60
60< 70
70 < 80
80 < 90
90 < 100
100 et plus
Total
Nombre (n) autorisation (n)
30
15
23
17
14
11
18
18
14
13
10
10
12
12
5
5
4
4
2
2
18
17
150
124
% refus (n)
50
15
74
6
79
3
100
0
93
1
100
0
100
0
100
0
100
0
100
0
94
1
83%
26
%
50
26
21
0
7
0
0
0
0
0
6
17%
N.B. Les désistements ont été enlevés et les dossiers où l’une des deux superficies
était inconnue.
ANNEXE II
Analyse de la jurisprudence pour les décisions rendues concernant le
détachement de bâtiments d’exploitation animale et la dissociation de parcelles à
vocation distincte.
Décisions de la Commission ayant autorisé le morcellement
Dans le cadre de cette analyse, nous avons répertorié 57 décisions. Une fois traité,
nous avons constaté que les motifs suivants étaient ceux qui revenaient le plus
souvent :
-
Superficies suffisantes pour y pratiquer l’agriculture.
-
Ne porterait pas atteinte à l’homogénéité du milieu.
-
Créerait un remembrement.
-
Aucune conséquence pour l’exploitation du vendeur.
-
Sans crainte pour la pérennité et le développement de l’agriculture dans ce
secteur.
-
Constituerait une consolidation intéressante pour l’entreprise de l’acquéreur.
Le tableau qui suit se veut une traduction en ordre d’importance de ces motifs. Il illustre
les motifs les plus souvent invoqués par le pourcentage des décisions qui les retiennent.
Annexe II
Page 2
58,18
30,91
20
12,23
Développement
et pérennité de
l'agriculture
7,27
12,23
Autres
52,72
Remembrement
avec une autre
superficie
70
60
50
40
30
20
10
0
Superficies
suffisantes
Pourcentage
Motifs d'autorisation
Motifs
Décisions de la Commission ayant refusé le morcellement
Dans le cadre de cette analyse, nous avons répertorié 56 décisions. Une fois analysé,
nous avons constaté que les motifs suivants étaient ceux les plus régulièrement
invoqués pour motiver un refus.
-
Superficies insuffisantes pour la pratique de l’agriculture.
-
Porterait atteinte à l’homogénéité.
-
Hausse de la valeur marchande des terres.
-
Développement et pérennité de l’agriculture.
-
Effet d’entraînement.
Le tableau qui suit se veut une traduction en ordre d’importance de ces motifs. Il illustre
les motifs les plus souvent invoqués par le pourcentage des décisions qui les retiennent.
Annexe II
Page 3
92,72
Développement
et pérennité de
l'agriculture
25,45
18,18
Autres
20
Effet
d'entraînement
21,82
Hausse de la
valeur
marchande
72,73
Homogénéité
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Superficie
insuffisante
Pourcentage
Motifs de refus
Motifs
De façon générale, la Commission dispose des demandes selon deux angles
principaux.
-
la Commission doit être convaincue que la pérennité agricole des sols concernés ne
soit pas fragilisée;
elle doit s’assurer qu’une autorisation n’aura pas pour effet de modifier de façon
significative le découpage parcellaire des terres du milieu, ce qui en affecterait
l’homogénéité.
ANNEXE III
Les expériences étrangères en matière d’encadrement du lotissement des terres
agricoles.
Expériences canadiennes
Trois provinces ont une réglementation provinciale protégeant le territoire agricole. Il
s'agit du Québec, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve. Les deux dernières
sont à réviser les limites de leur zone agricole afin de protéger les sols qui en valent
vraiment la peine sur le plan agricole.
L'Ontario utilise d'autres outils pour protéger ses sols agricoles. En général, elle impose
ses orientations gouvernementales aux municipalités en attente que leur réglementation
soit en concordance avec celles-ci. Une attention particulière est accordée à la ceinture
verte avec un plan très restrictif et protégeant de manière particulière les bons sols
agricoles (classes 1, 2 et 3 selon l'ITC) et les zones de productions fruitières et viticoles.
La préoccupation principale est de protéger les bons sols agricoles, ceux qui constituent
une ressource rare et non renouvelable.
Les autres provinces ont pour la plupart des orientations gouvernementales
d'aménagement visant la protection des terres agricoles et encadrant la subdivision des
lots agricoles. Règle générale, il existe des superficies minimales de lotissement
déterminées par les municipalités ou par un plan d'aménagement supramunicipal.
Selon l’avis des différents intervenants, il appert que le détachement de bâtiments
d'élevage n’est pas une préoccupation ou ne constitue pas un enjeu important dans les
autres provinces canadiennes. Il semble qu'il s'agit d'une spécificité de l'agriculture
québécoise.
L'ALC de la Colombie-Britannique a un mandat plus large que celui de la Commission.
Elle doit favoriser le développement des activités agricoles. Comme la CPTAQ, elle
n'applique pas une norme, mais plutôt un ensemble de critères et de considérants. A
contrario, l'Ontario gère le morcellement dans sa « greenbelt » à l'aide d'une norme fixe.
En conclusion, il y a dans presque toutes les provinces des moyens législatifs
municipaux ou provinciaux qui visent la protection des terres agricoles. La nature et
l’intensité de ces moyens sont variables selon la pression qui est exercée sur la
ressource agricole de première qualité et la volonté publique de la protéger.
Annexe III
Page 2
Expérience française
En France, la taille des propriétés agricoles est le facteur dominant. Une superficie
minimale d’implantation (SMI) est définie à l’échelle nationale, puis locale et ajustée
selon certaines productions. La S.M.I. est fixée par région selon les caractéristiques du
milieu. Elle a ainsi été définie à l'origine comme la surface d'une exploitation de
polyculture et d’élevage pour laquelle un jeune ménage pourra disposer d'un revenu
minimum.
ANNEXE IV
Enquête sur le suivi des décisions rendues sur les demandes de morcellement de
ferme.
Nature des demandes soumises à la Commission pour les périodes de référence 19981999 et 2003-2004.
ANNÉE 1998-1999
Détachement de
bâtiments
d’exploitation
animale (A)
Dissociation de
parcelles à
vocation distincte
(B)
Démembrement
sans aucune
consolidation (C1)
Démembrement
avec consolidation
directe (C2)
Démembrement
avec consolidation
indirecte (C3)
Totaux
Décisions
76 (12,9%)
Autorisation
60 (79,0%)
Refus
16 (21,0%)
134 (22,8%)
98 (73,1%)
36 (26,9%)
125 (21,2%)
65 (52,0%)
60 (48,0%)
181 (30,7%)
176 (97,2%)
5 (2,8%)
73 (12,4%)
41 (56,2%)
32 (43,8%)
589 (100,0%)
440 (74,7%)
149 (25,3%)
Annexe IV
Page 2
ANNÉE 2003-2004
Détachement de
bâtiments
d’exploitation
animale (A)
Dissociation de
parcelles à
vocation distincte
(B)
Démembrement
sans aucune
consolidation (C1)
Démembrement
avec consolidation
directe (C2)
Démembrement
avec consolidation
indirecte (C3)
Totaux
Décisions
32 (9,5%)
Autorisation
9 (28,1%)
Refus
23 (71,9%)
66 (19,7%)
48 (72,7%)
18 (27,3%)
84 (25,0%)
34 (40,5%)
50 (59,5%)
127 (37,8%)
115 (90,6%)
12 (9,4%)
27 (8.0%)
12 (44,4%)
15 (55,6%)
336 (100,0%)
218 (64,9%)
118 (35,1%)
Résultats préliminaires de l’étude
Nous avons enquêté au moins 250 décisions de la Commission sur 2 exercices
financiers (1998-99 et 2003-04).
Les lots visés sont répartis dans plusieurs régions administratives (13 en 1998-99 et 14
en 2003-04) et différentes MRC (52 en 1998-99 et 51 en 2003-04).
Nous avons classifié les types de morcellement en 5 groupes :
Les deux premiers sont thématiques :
-
le détachement d’installations d’élevage formant une unité hors sol (Groupe A);
le détachement de deux types distincts de productions agricoles (ex. : boisé et
culture); (Groupe B).
Annexe IV
Page 3
Les suivants dépendent de la situation de l’acquéreur :
-
la division d’un lot en deux parties où l’acquéreur ne possède pas de lot (Gr. C1);
la division d’un lot où l’acquéreur possède un lot contigu (Gr. C2);
la division d’un lot où l’acquéreur possède un lot non contigu (Gr. C3).
Tableau 1. Pourcentage des transactions conformes à la Loi à la suite d'un refus
Groupe A
Groupe B Groupe C1 Groupe C2 Groupe C3
54 %
n.s.
57 %
50 %
50 %
1998-99
53 %
33 %
46 %
62 %
45 %
2003-04
Total
53 %
49 %
n.s. : non significatif
Tableau 2. Pourcentage des transactions réalisées envers l'acquéreur identifié
Groupe A Groupe B Groupe C1 Groupe C2 Groupe C3
1998-99
Autorisation
100 %
82 %
80 %
97 %
92 %
Refus
43 %
n.s.
25 %
67 %
83 %
2003-04
Autorisation
75 %
100 %
92 %
100 %
100 %
Refus
78 %
100 %
50 %
63 %
100 %
n.s. : non significatif
Total
92 %
50 %
95 %
74 %