exposé loi du 1er août 1905 colloque

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exposé loi du 1er août 1905 colloque
Les colloques du barreau de Clermont-Ferrand - 18/06/2014 : la lutte contre la fraude, un enjeu économique majeur
La fraude sur les produits alimentaires et industriels au sens de la loi du 1er août
1905 : la genèse d’une réglementation
Il ne faut pas croire que le cheminement des législateurs et la mise en place des réglementations successives ne sont que plaisir
d’esthète…Au cours de l’histoire ancienne ou plus récente, l’origine, la composition et la sécurité des matières alimentaires et des
produits industriels a donné lieu à des bouleversements, des rééquilibrages économiques, des révoltes armées, qui ont eu une
incidence sur l’histoire politique, mais également sur le développement des sciences et des techniques.
Si l’on examine la façon dont les sociétés ont choisi de se protéger de ces événements, on observe des constantes notamment en
matière de motivations, mais également des approches différenciées en matière de moyens.
La constante : elle réside dans le fait que, de manière générale, on crée, ou on remet à jour, ou l’on renforce le droit consacré à ce
sujet à l’occasion de la survenue de troubles à l’ordre public, et ces troubles sont généralement suffisamment graves pour motiver
l’intervention rapide du législateur.
Par exemple au moyen âge des émeutes liées à l’absence ou la mauvaise qualité des marées arrivant sur la capitale, ces marées
étant la seule source de produits carnées durant le carême, puis dans le Paris du XVIIIième siècle, des séries de morts suspectes, dont
on comprendra bientôt qu’elles sont liées à l’emploi de sels de plomb pour corriger de mauvais vins, l’affaire de bonbons empoisonnés
(1825-1830) et enfin bien sûr, les émeutes assorties de révoltes militaires (l’affaire de « braves soldats du 17ième régiment
d’infanterie ») qui sous-–tendent l’adoption et surtout la mise en application de la loi qui est au centre de notre sujet.
Des approches différenciées : elles résident dans les moyens mis en œuvre pour générer le droit et pour le faire appliquer. D’une
manière sans doute artificielle, mais pour des raisons de commodité il est possible de distinguer quatre grandes périodes historiques.
•
L’antiquité et l’ancien régime, période où le législateur s’appuie essentiellement sur les corps de métiers et les associations
de commerçants, pour s’accorder sur la coutume et les usages, mais également pour faire appliquer le droit.
•
La période allant de la révolution jusqu’à la fin du XIXième siècle. Les parlements vont produire les textes qui seront
appliqués, soit dans le cadre du droit civil par l’entremise des parties lésées devant les tribunaux, soit dans le cadre du droit
pénal mis en œuvre par les forces de police et de gendarmerie. Durant cette période, le législateur va progressivement
multiplier les dispositions réglementaires, mais sans aboutir aux résultats attendus.
•
La période allant de la promulgation de la loi du 1er août 1905, jusqu’à l’aboutissement des accords européens
renforcés (traité de Maastricht). Cette période voit la mise en place d’une administration spécifique qui va à la fois gérer
l’aspect technique (productions des règlements et normes) et l’aspect répressif (mise en œuvre des mesures de police
spécialisée). Rattachée au Ministère de l’agriculture, cette administration œuvrera dans un premier temps essentiellement au
bénéfice des producteurs primaires de la France et de ses colonies, et contribuera progressivement à mettre en place des
barrières techniques aux échanges. C’est la période où vont fleurir nombreux les « petits règlements d’administration
publique », pris en application de la loi, qui vont définir les catégories de produits et ce faisant créer les conditions d’une
concurrence loyale, du moins telle que le souhaite l’administration de l’État. L’administration de contrôle constitue également
un soutien indirect aux filières, en ce que son budget pèse sur l’ensemble de la collectivité, mais peut être consacré à orienter
ou redresser des pans spécifiques de l’activité économique (filière vinicole après la fin de la guerre d’Algérie, filière fruits et
légumes dans le cadre de la mise en place des accords européens de 1962 sur la normalisation).
•
La période récente où l’administration spécifique conserve son rôle à la fois de conception des textes et de contrôle de leur
application, mais rejoint le ministère des finances dans une configuration renforcée. Cette période se traduit également par un
retour « officiel » des professionnels dans la conception des textes, par le biais de la concertation (codes des usages, guides
des bonnes pratiques), mais également du lobbyisme institutionnel bruxellois. Les professionnels sont également impliqués
plus directement dans la maîtrise de la qualité par le biais de l’obligation de mise en place des auto-contrôles qui s’avèrent
nécessaires devant l’accélération de la circulation internationale des produits. Malgré cette nouvelle donne, c’est pourtant à
partir de cette période que la notion de consommateur prend réellement corps et que l’orientation des textes et l’attention du
législateur et des pouvoirs publics se focalisent sur la protection du consommateur, tant sur le plan de la sécurité que sur
celui de la loyauté.
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1ière période :
L’indication d’une provenance, d’une origine, pour certains produits alimentaires est attestée depuis la plus haute antiquité, notamment
dans les diverses civilisations entourant la méditerranée. Les produits les plus concernés sont les vins, les huiles et le miel.
Dès l’antiquité, le vin romain, circulait dans des amphores (de 26 l environ), étiquetées ou gravées (lieu d‘origine, quantité exacte du
récipient, nom du consul en exercice, nom du négociant). Dans l’empire romain, des règlements impériaux (le codex Justinien
notamment) permettent de réprimer des pratiques frauduleuses en matière de vins, et proposent des voies d’action en annulation des
contrats de vente.
En 1268, Étienne de Boileau, prévôt de Paris, indique dans le livre des métiers, qui consigne les usages loyaux du commerce qu'il est
interdit de donner du goût à la cervoise en y ajoutant des baies de piment ou de la résine qui sont pernicieux pour la santé.
Le 17 juillet 1303, Jean 1er de Lévis seigneur de Mirepoix établit une charte normalisant les viandes et refusant la mise sur le marché
de viandes malsaines, impropres à la consommation.
Au Moyen-âge, encore l’ordonnance de Jean II dit le Bon, du 30 janvier 1350 fixe les conditions de production du vin de Bourgogne.
Bien d’autres textes de l’ancien régime protégèrent des indications d’origine et/ou des conditions de production.
En 1396, le prévôt de Paris interdit certaines pratiques dont le beurre est l'objet pour son édulcoration et sa conservation.
En 1322, Charles IV, puis en 1407, Charles VI réglemente le vin par ordonnance royale et établit un corps issu de la profession en
charge de juger la qualité et l’innocuité des vins mis en marchés.
En 1582, l’activité coutelière de Thiers est réglementée et l’application de cette réglementation confiée à la jurande des couteliers.
Si l’on observe les décisions supra, on s’aperçoit que, comme en 1268, c'est sur les corps de métiers que s'appuie le législateur
pour assurer la conformité des produits. Si cette voie s'est avérée globalement efficace, en confiant à de vrais professionnels la police
de la qualité des produits qu’ils connaissent, elle a, à l'inverse, généré une limitation de l'accès au marché, conduisant à des privilèges
de castes, et organisant la rareté et la cherté de certains biens.
Seconde période
La période révolutionnaire et le 1er empire, si abondants dans leur production réglementaire, restent quasiment muets par contre sur la
réglementation des produits. Ou plutôt, voulant modifier en profondeur le système social mis en place, cette période abroge le rôle des
confréries de métiers, comme par exemple le privilège de la compagnie des jurés piqueurs, chargés depuis Charles IV (édit du 12
mars 1322) d’effectuer le contrôle des vins.
Ce faisant, en supprimant les privilèges des métiers, elle génère un vide tant dans le domaine réglementaire que dans celui des
moyens humains pour assurer les tâches de surveillance et de police.
Rapidement ce vide se fait sentir, puisqu'en 1805, on songe à compléter le code civil dans ses dispositions sur la vente. On peut ainsi
noter des dispositions dans le code civil, qui persistent encore et qui prévoient que le vin ou l’huile soient soumis avant que la vente ne
soit juridiquement « parfaite » à dégustation : Article 1587 Créé par Loi 1804-03-06 promulguée le 16 mars 1804 A l'égard du vin, de l'huile, et
des autres choses que l'on est dans l'usage de goûter avant d'en faire l'achat, il n'y a point de vente tant que l'acheteur ne les a pas goûtées et
agréées.
Le XIXième siècle va devoir, fiévreusement s'employer à combler ce vide par une production réglementaire progressivement croissante,
car la circulation des marchandises, la découverte de nouveaux procédés industriels, les progrès de la chimie génèrent sans cesse de
nouveaux besoins.
Le code pénal de 1810 cherche à limiter les abus de la liberté commerciale dans son article 423, qui réprime la tromperie sur les
qualités substantielles des marchandises, mais vise essentiellement les métaux précieux (or, argent, étain...) et prélude au système de
la garantie.
La première législation nationale générique sur les indications de provenance remonte à la loi du 28 juillet 1824 qui puni l’apposition
sur un produit d’une fausse mention de son lieu de fabrication. Mais le but principal de la loi était de protéger les marques de fabrique
et les premières marques commerciales. Cependant ce texte permet de faire réprimer pénalement (en engageant les forces de l’ordre
et le ministère public) une indication d’origine qui serait erronée. Ce texte qui subsiste encore, pratiquement inchangé dans l’actuel
code de la consommation (articles 217-6 et suivants) a été largement utilisé, mais n’a pas réellement contribué à asseoir la notion
d’appellation.
La loi du 28 avril 1832 rend l'article 423 du Code Pénal applicable aux tromperies sur la nature et la substance de toute marchandise.
Parmi les loi générales citons la loi du 27 mai 1851 qui élargit le champ des textes pénaux et établit pour la première fois la distinction
entre tromperie et falsification.
Plus le siècle avance et plus les textes vont se multiplier. Des lois générales, simples, souvent trop simples, sont rédigées en premier
lieu. Puis, assez rapidement des textes, spécifiques aux produits en crise, sont pris dans l'urgence.
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Le milieu du XIXième siècle voit se multiplier des crises agricoles. Les pratiques agricoles changent du fait de l’utilisation de matières
exogènes qualifiées d’intrants en agronomie. Il s’agit des amendements calciques, des engrais et des premiers produits
phytosanitaires notamment les produits à base de cuivre.
Des escrocs vont profiter de ces nouveaux marchés et vendre des produits dépourvus d’activité à des agriculteurs qui ne peuvent
s’assurer de leur conformité.
Pour pallier ce phénomène, de 1880 à 1903 vont surgir les lois dites « lois produits » : sur les substances servant d'additifs (1884, 91
94, 98), sur le vin (loi GRIFFE du 14 août 1889), sur les engrais (04 février 1888), la margarine (14 mars 1887), le beurre (16 avril
1897), les sérums thérapeutiques (avril 1895), les produits cupriques et anticryptogamiques (les premiers « pesticides » en avril 1903),
le sucre (1903 également)...On aboutit certes à un maillage juridique, mais sur le plan pratique ce réseau de textes, aussitôt publié,
aussitôt dépassés sur le plan technique, reste inopérant. En 1901, le ministre de l’agriculture qualifie ce conglomérat juridique de
« marteau d’Arlequin ».
Si l'on examine ces textes, on s'aperçoit rapidement qu'ils n'ont pas été pris dans un esprit de protection des consommateurs, et que
rarement l'aspect sanitaire y prévaut. Il s'agit avant tout de protéger des producteurs, des investisseurs, contre des évolutions qui
déséquilibrent trop rapidement la société, voire contre des arnaques entre professionnels. C'était déjà le cas de la loi de 1824, qui
avait pour but de protéger les « honnêtes » commerçants en leur assurant un approvisionnement sûr et en limitant les faillites.
Survient la crise majeure et symbolique : le Phylloxera, envahit rapidement le vignoble français, (sans doute véhiculé par l’apport de
vignes contaminées venues des États-Unis et dont dans certains domaines du Languedoc avaient tenté l’acclimatation). Ce puceron
ayant détruit la plupart des plantations, la population s’est retrouvée face à une pénurie importante de vins (rappelons qu’un ouvrier du
bâtiment sur la capitale consommait plusieurs litres de vins par jour, le vin qualifié par Pasteur de « plus saine des boissons » était en
effet un élément essentiel de la ration alimentaire et énergétique des classes populaires).
Pour faire face, à l a pénurie, et avec le souci de s’exonérer de la dépendance aux régions productrices, des vins chimiques ont été
conçus dont le coût de fabrication est bien plus faible que celui du vin naturel.
Une fois le vignoble reconstitué, ces ersatz, non dépourvus de toxicité, encombrent le marché et freinent gravement la remise sur pied
de l’économie agro-viticole du midi. Il faut rapidement pister et détruire ces vins chimiques afin de relancer la production de vin par les
régions viticoles.
Troisième période
Tous ces facteurs conjugués vont créer un état de tension très fort dans le monde rural. Ces tensions deviennent gravissimes,
notamment dans le midi, frôlant la guerre civile. Les hommes politiques, et plus particulièrement ceux issus des grands bassins
viticoles, vont ressentir la nécessité d’un texte général réprimant les fraudes (Albert SARRAUT en est le meilleur exemple).
Ils veulent inspirer une loi la plus large possible visant à réprimer les fraudes touchant le monde agricole et les entreprises
intermédiaires. Leur but est de protéger la population agricole, l’économie du monde rural et plus largement tout ce qui est production
primaire. Le consommateur à ce moment n’est guère qu’un heureux prétexte, ce n’est pas encore un acteur politique.
La rédaction du texte fédérateur espéré va prendre sept ans, mais sa pertinence reste exemplaire. Il s’agit de la loi du 1er août
1905, créant les délits de tromperie et de falsification.
La loi est portée par Jules MELINE, le rédacteur juridique est le magistrat POTTIER, en poste à la cour de cassation qui s’adjoint l’aide
d’un scientifique de renom, le professeur GARRAUD. Il convient de citer également le rôle important pris par le rapporteur au sénat
puis à la chambre Gustave TRANNOY.
Des intérêts forts s’affrontent, ils n’opposent pas des camps tranchés (agriculteurs et industriels contre commerçants par exemple),
mais plutôt personnalités ayant des conceptions de la production et du commerce fort divergentes. Certains commentateurs y voient
même une opposition entre les représentants de la province (défendant l’intégrité des produits) et les députés de Paris et de sa
banlieue, (défenseurs de la « fraude » et des produits de basse qualité à faible prix).
L’un des arguments forts des défenseurs du texte, outre la révolte viticole qui s’accroît, c’est le retard de la France : l’Amérique,
l’Allemagne, même la Belgique ( !), se sont déjà dotés d’une législation spécifique.
Les deux produits mis en avant pour justifier la loi sont le lait (dont les falsifications viennent augmenter la mortalité infantile : le
professeur BORDAS témoigne que 40.000 décès annuels de nouveaux nés et d’enfant sont liés aux pratiques diverses : mouillage,
écrémage, plâtrage, ajout d’antiseptiques) et bien sûr le vin. Mais sont évoquées les falsifications des farines (avec de la farine de riz,
moins chère), du pain (avec des sciures fines, du corozo, de l’amidon…)
Le premier dépôt a lieu au Sénat le 19 juin 1898, les débats vont se multiplier et de 1898 à 1905. Il n’y au pas moins de 26 étapes.
Après déclaration de l’urgence en 1904, pour mettre fins aux derniers débats stériles, l’adoption par le sénat s’achève le 08 juillet
1905.
L’apport de la loi se résume en :
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3 points forts : la définition de la tromperie (article 1er), celle de la falsification (article 3), mais surtout, le formidable outil de
l’article 11, qui prévoit qu’il sera statué par des règlements d’administration publique sur les mesures à prendre pour assurer
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l’exécution de la loi, c’est ce dernier point qui confère à la loi son caractère d’outil universel en matière de fraude et assurera
sa pérennité.
Et dans l’esprit qui l’anime : elle intègre l’idée de contrôles s’appuyant sur des méthodes d’analyse scientifiques. Enfin, par
rapport aux textes de lutte contre la fraude qui précédaient, elle cherche à être préventive puisqu’elle ne frappe pas
seulement la tromperie, mais aussi la tentative de tromperie et vise à mettre le législateur et la force publique en mesure
d’anticiper sur l’imagination des fraudeurs.
La tromperie le texte d’origine :
Article 1er : quiconque aura trompé ou tenté de tromper le contractant : soit sur la nature, les qualités substantielles, la
composition et la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;
Soit sur leur espèce ou leur origine lorsque, d’après la convention ou les usages, la désignation de l’espèce ou de l’origine
faussement attribuées aux marchandises devra être considéré comme la cause principale de la vente ;
Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité, par livraison d’une marchandise autre que celle qui a fait l’objet
du contrat ;
Sera puni de l’emprisonnement, pendant trois moins au moins, deux ans au plus et d’une amende de 100F au moins, de
5000F au plus, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Le texte actuel (remanié par la récente loi consommation du 17 mars 2014 :
Article L. 213-1. - Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 300 000 €uros* quiconque, qu'il soit ou non partie au
contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers :
1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;
2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du
contrat ;
3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les
précautions à prendre.
Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel,
calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
(Nota : en gras les changements survenus, essentiellement depuis 1978 et qui témoignent de l’évolution consumériste du texte)
La falsification le texte d’origine :
Article 3 : seront punis des peines portées par l’article 1er de la présente loi :
1°) ceux qui falsifieront des denrées servant à l’alimentation de l’homme ou des animaux, des substances médicamenteuses,
des boissons, des produits agricoles ou naturels destinés à être vendus ;
2°) ceux qui exposeront, mettront en vente ou vendront des denrées servant à l’alimentation de l’homme ou des animaux,
des boissons et des produits agricoles ou naturels, qu’ils sauront être falsifiés, corrompus ou toxiques ;
3°) ceux qui exposeront, mettront en vente ou vendront des substances médicamenteuses falsifiées ;
4°) Ceux qui exposeront, mettront en vente ou vendront, sous forme indiquant leur destination, des produits propres à
effectuer la falsification des denrées servant à l’alimentation de l’homme ou des animaux, des boissons et des produits
agricoles ou naturels et ceux qui auront provoqué à leur emploi par le moyen de brochures, circulaires, prospectus, affiches,
annonces ou instructions quelconques.
Si la substance falsifiée ou corrompue est nuisible à la santé de l’homme ou des animaux ou si elle est toxique, de même si
la substance médicamenteuse falsifiée est nuisible à la santé de l’homme ou des animaux, l’emprisonnement devra être
appliqué. Il sera de trois mois à deux ans et l’amende de 500F à 10.000F.
Ces peines sont applicables même au cas où la falsification nuisible serait connue de l’acheteur ou du consommateur. Les
dispositions du présent article ne sont pas applicables aux fruits frais et aux légumes frais fermentés ou corrompus.
Le texte actuel (remanié par la récente loi consommation du 17 mars 2014 :
Article L. 213-3. *Seront punis des peines portées par l'article L. 213-1 :
1°Ceux qui falsifieront des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons et des produits agricoles ou naturels destinés
à être vendus;
2° Ceux qui exposeront, mettront en vente ou vendront des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons et des
produits agricoles ou naturels qu'ils sauront être falsifiés ou corrompus ou toxiques ;
3° (abrogé) ;
4° Ceux qui exposeront, mettront en vente ou vendront, connaissant leur destination, des produits, objets ou appareils propres à effectuer la
falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels et ceux qui auront
provoqué à leur emploi par le moyen de brochures, circulaires, prospectus, affiches, annonces ou instructions quelconques.
II. - Les peines prévues à l’article L. 213-1 sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 € d’amende si :
1° La substance falsifiée ou corrompue est nuisible à la santé de l’homme ou de l’animal ;
2° Les délits prévus au I du présent article ont été commis en bande organisée.
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III. - Les peines d’amende prévues au présent article peuvent être portées, de manière proportionnée aux avantages tirés du
manquement, à 10 % du chiffre d’affaires réalisé lors de l’exercice précédent
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux fruits frais et légumes frais, fermentés ou corrompus.
L’article 11 (ou la machine à générer les règlements d’administration publique) : Il sera statué par des règlements
d’administration publique sur les mesures à prendre pour assurer l’exécution de la présente loi, notamment en ce qui
concerne : .suit une énumération détaillée (vente, mise en vente exposition, étiquetage, factures, formalités, procédés d’analyse, etc.)
La loi de 1905 fixe un cadre général et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de prendre des règlements d’administration publique,
l’équivalent de nos décrets ; on a pu décompter 350 décrets et 1052 arrêtés qui en découlent ; grâce à cette souplesse, la loi s’est
adaptée en permanence aux évolutions du marché et de la consommation. Elle a pu intégrer de la sorte, sans embarras, la
réglementation communautaire, quand celle-ci s’est mise en place.
Sur ce point, certains commentateurs avisés ont cru voir une main mise du droit administratif sur le droit pénal, et il est vrai qu’il a
été nécessaire au cours de l’évolution des textes, de rappeler la nature pénale des moyens d’investigation (droits d’accès, procédure
de prélèvement) et ce jusqu’à la création récente de pouvoirs administratifs spécifiques sur des domaines liés à la sécurité des
personnes (obligation générale de sécurité (1983), hygiène, traçabilité sécurité alimentaire (10/07/2004)).
La loi va donc pouvoir rester, avec des modifications marginales un outil efficace, elle continue d’être utilisée à notre époque,
journellement, et parfois pour traiter des affaires importantes de la société moderne : le sang contaminé, les importations de viandes
bovines contaminées ESB, la vente de médicaments falsifiés, et bien sûr plus récemment la contamination par la viande de cheval.
La mise en place d’un corps de contrôle et d’un arsenal réglementaire :
Très vite, il apparaît problématique de faire appliquer une loi qui recours en permanence à la science et à l’expertise technique et
scientifique sans qu’un corps spécifique, connaissant la technologie alimentaire, la chimie, mais aussi le droit permette de réaliser des
constatations précises insérées dans des procédures pénales réalisées sans faute. Après quelques hésitations liées au coût
budgétaire, l’année 1907, va voir Eugène ROUX et une petite équipe s’installer au ministère de l’agriculture. L’article 75 de la loi de
finance ouvre les crédits d’un emploi de chef de service, pour le service d’inspection des laboratoires et établissements de vente
des denrées et produits pharmaceutiques et alimentaires.
Parallèlement, dès 1907 des textes réglementaires apparaissent : ils visent à définir d’une part les produits : leurs nature, leur aspect,
leur composition, leur définition, leur étiquetage, les conditions de leur présentation au public etc., et d’autre part à codifier les
procédés d’analyse. Comme cela a été signalé en introduction, pendant cette période, ces règlements auront certes pour mission de
définir les produits et de sauvegarder la santé publique, mais plus encore de protéger les intérêts nationaux quand ils s’avèrent en
jeu : beaucoup de définitions constitueront également des obstacles techniques ou scientifiques à l’égard de produits exogènes.
Le service de la répression des fraudes s’organise en tant que tel à partir de 1908, rattaché au ministère de l’agriculture, il sera
dans les années 1970 rattaché à la direction de la qualité qui comprend également les services vétérinaires et le service de la
protection des végétaux.
La période contemporaine
Plutôt que 1992, il est tentant de faire débuter cette période aux années 1980, du fait de la prise en compte progressive des
conséquences de l’arrêt « Cassis de Dijon ». Cet arrêt célèbre (affaire 120/78 du 20 février 1979 de la Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE). L'Allemagne avait interdit l'importation de la liqueur de cassis de Dijon à un exportateur français, au motif que sa teneur en
alcool était inférieure au taux minimal prescrit par le droit allemand. La Cour a soutenu que puisque cette liqueur était licitement produite et vendue
en France, la législation allemande apportait une restriction à la libre circulation des marchandises ; restriction qui n'était en l'occurrence pas
justifiée par un intérêt général. En effet, une teneur en alcool inférieure à la législation nationale ne peut pas nuire à l'intérêt général.), a aboutit à
un prononcé dont l’un des éléments dispose que : « En l'absence d'une réglementation commune de la production et de la commercialisation
de l'alcool, il appartient aux États membres de régler, chacun sur son territoire, tout ce qui concerne la production et la commercialisation de l'alcool
et des boissons spiritueuses […] Il n'y a aucun motif valable d'empêcher que des boissons alcoolisées, à condition qu'elles soient légalement
produites et commercialisées dans l'un des États membres, soient introduites dans tout autre État membre »
La CJCE va ensuite poser le principe selon lequel tout produit « légalement fabriqué et commercialisé dans un État membre », c’est-àdire conformément à la réglementation et aux procédés de fabrication loyaux et traditionnels de ce pays, doit être admis sur le marché
de tout autre État membre. C’est le principe de « reconnaissance mutuelle » par les États membres de leurs réglementations
respectives tant qu’il n’y a pas d’harmonisation dans un domaine donné.
La chasse aux « MERQ » (mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation) est ouverte. Dans la réalité cela s’opère
de façon très progressive. La conséquence, c’est la révision de tous les « règlements d’administration publique », à l’aune des critères
du libre échange et d’une concurrence loyale et non faussée. Beaucoup de décrets et arrêtés de définition des produits se verront
substitués par des règlements européens, lesquels s’intègrent parfaitement comme règlement d’application de la loi du 1er août qui se
prêtait comme nous l’avons dit à cette adaptation. Les textes français qui subsistent devront passer sous les fourches caudines des
bureaux techniques de la commission.
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L’un des effets de cette nouvelle vision réglementaire est sans doute une prise en compte accrue du consommateur, et plus
particulièrement de sa sécurité, de sa santé et de son information. Cela impose de s’accorder sur ce qu’est un consommateur moyen.
Si cette nouvelle approche conduit à plus d’attention envers les capacités et les attentes du consommateur, elle génère également des
effets pervers, lorsqu’elle se combine avec la chasse aux MERQ : cela va conduire à un nivellement vers le bas de la qualité des
produits, on s’accorde sur un niveau minimum acceptable, et on supprime également les spécificités nationales ou locales. La
généralisation de la grande distribution, puis des maxi-discompteurs sur le territoire européen accélérera ces dérives.
Cette tendance sera dénoncée dès les années 1990, et en partie seulement palliée, par la mise en place d’une réglementation
européenne consensuelle sur les signes de qualité permettant de retrouver un niveau de qualité garanti et de mettre en valeur les
spécificités régionales.
Notre loi du 1er août 1905, quant à elle, tout en gardant l’essentiel de ses dispositions, va subir l’opération de codification comme
beaucoup d’autres textes. Elle constitue le livre II, titre I du code de la consommation, où la rejoignent d’anciens textes, comme la loi
du 26 mars 1930 ou la loi de 1824.
Plusieurs lois et ordonnances successives renforcent le pouvoir des agents chargés de son application et accroissent les sanctions
encourues par les délinquant. En effet, l’internalisation du commerce des produits, les techniques de calcul économique ont changé le
paysage de la fraude. La recherche d’optimisation des coûts conduits à des fraudes à grandes échelle, qui s’illustreront dans des
affaires comme l’adultération de la badiane (incorporation de badiane du Vietnam toxique dans de l’anis étoilé), ou bien sûr, tout près
de nous la viande de cheval (incorporation de viande de cheval de faible coût dans des préparations hachées pur bœuf).
Les fraudes en question portent sur des sommes considérables et il convient de pouvoir sanctionner les personnes morales, à hauteur
de leur gains.
Parallèlement, l’administration évolue également : en 1981 le secrétariat d’État à la consommation est créé et se voit doté d’un service
de contrôle, le service de la répression des fraudes qui prend alors le nom de direction de la consommation et de la répression
des fraudes.
Antérieurement, le marché noir qui s’était développé pendant et après la guerre avait nécessité la mise en place d’une police
économique qui va, en période de prix réglementés, assurer également le contrôle des prix, il s’agit de la direction générale du
contrôle économique rattachée au ministère des finances qui deviendra progressivement la direction de la concurrence et de la
consommation.
En 1985, après la suppression de l’ordonnance de 1945 réglementant les prix, la décision est prise de fusionner la direction de la
concurrence et de la consommation et de direction de la consommation et de la répression des fraudes qui deviennent la DGCCRF
(direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
Ce nouveau service convient exactement à la surveillance des marchés telle que la prévoient les traités européens, car il intègre pour
le marché national, toutes les dimensions de surveillance qui doivent être exercées :
Les prix sont libres, mais les parties au contrat doivent être parfaitement informées des montants engagés. Les fournisseurs
et prestataires ne doivent ni s’entendre, ni s’entraver mutuellement dans leur accès à la clientèle.
Les produits et services circulent librement, mais il doivent correspondre à une définition, parfois à une normalisation, et
indiquer leur composition, parfois la teneur en principes essentiels qui motive l’adhésion au contrat.
La sécurité doit être impérativement préservée, car, au-delà même de la préservation des vies et de la santé, tout incident,
toute crise génère des répercussions graves sur les échanges économiques.
La DGCCRF exerce donc, au sein du Ministère de l’Économie, ne mission essentielle de régulation à l'égard de l'ensemble des
acteurs économiques, entreprises, consommateurs et élus locaux. A ce titre, elle veille au fonctionnement loyal et sécurisé des
marchés, ce qui implique l'élaboration de règles (elle prépare les textes spécifiques), les contrôles (elles réalise les contrôles
nécessaires à l’application de ces textes) et, le cas échéant des sanctions prononcées par les tribunaux (les agents rédigent et
transmettent à l’autorité judiciaire les procès verbaux des constatations qu’ils réalisent). Le rôle de la DGCCRF est de garantir les
conditions d'un fonctionnement équilibré et transparent du marché, au bénéfice de l'ensemble des opérateurs économiques.
Dans le cadre de la RGPP, en 2009, les services extérieurs de la DGAL (les directions départementales des services vétérinaires)
fusionnent au niveau départemental avec les directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes pour créer les directions départementales interministérielles de la protection des populations DDPP.
Ces différentes entités administratives citées sur les deux dernières périodes, ont reçu la charge du contrôle de la répression des
fraudes depuis plus de 100 ans, et ont mené les enquêtes de police en matière d’usurpation d’appellation, de tromperie et de
falsification.
La dernière modification, qui associe dans une même unité les services de la répression des fraudes, les services vétérinaires, et
parfois comme cela est le cas à Clermont-Ferrand, la sécurité civile, met l’accent sur le souci désormais bien établit de mettre le
consommateur (sous ses trois composantes : sécurité, degré d’information, protection) au centre du dispositif d’application de la
loi.
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Conclusion :
La loi du 1er août a passé un nouveau siècle sans encombre, et à l’aube de son 110ième anniversaire, elle vient de subir une cure de
rajeunissement qui la rend plus forte encore et mieux adaptée à l’économie du XXIième siècle. Comment cela ce fait-il alors que l’on
entend par ailleurs parler de l’inefficacité ou de l’obsolescence de tant de textes ?
Force est de constater que pour arriver à ce résultat, plusieurs conditions ont été réunies :
•
Le législateur a su s’entourer d’experts ayant un grand sens pratique connaissant bien les techniques et anticipant leur
évolution
•
Le texte a été porté par des représentants du peuple formés et motivés qui ont su déjouer les intérêts sectoriels et partisans.
•
Alors même que la crise était grave, le législateur a pris le temps de débattre, d’examiner toutes les solutions proposées et de
choisir un texte suffisamment général, intégrant dans ses dispositions premières, les moyens même de son évolution.
•
Une fois le texte aboutit, l’État et le législateur ont parfaitement compris qu’il ne pouvait fonctionner et prospérer que s’il
s’appuyait sur un corps de contrôle spécifique, formé et indépendant.
Ne serait-ce pas là ce qu’on appelle un exemple ?
DGCCRF : Les chiffres clés 2013
Les contrôles de la DGCCRF
Les suites des actions de la DGCCRF
•
721 000 vérifications effectuées
•
123 300 manquements constatés
•
137 000 établissements contrôlés
•
15 400 infractions relevées par procès-verbaux
•
268 000 analyses réalisées
•
11 900 mesures de police administrative
•
10 200 sites Internet contrôlés
•
176 saisies
•
112 consignations
Bibliographie :
La loi du 1er août 1905 : cent ans de protection des consommateurs, la documentation française, Paris 2007
Jean-François GAUTIER : le vin et ses fraudes, presses universitaires de France, Paris 1995
« La fraude alimentaire ne date pas d’hier ». L’Histoire N°391. Septembre 2013. Par Arlette LEBIGNE. Professeur honoraire à la faculté de droit. Clermont Ferrand-1
http://www.histoire.presse.fr/actua...
Mesures de santé publiques et risque alimentaire : histoire des bonbons empoisonnés au 18ème siècle. Par Michel MANSON. Professeur d’histoire. Paris 13.
http://www.grms.uqam.ca/upload/file...
La loi de 1905 sur la répression des fraudes : un levier décisif pour l’engagement politique des questions de consommation ? Roland CANU et Franck COCHOY Université de Toulouse
janvier 2005
Historique des AOC et pratiques œnologiques Dominique FILHOL et Alain CHATELET DGCCRF mars 2001
Bulletin de l’ILEC N°368 décembre 2005 : 1905-2005 : un siècle contre la fraude
Alessandro STANZIANI : histoire de la qualité alimentaire aux éditions du Seuil 2008
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