Géomètre - Parallèle 45
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Géomètre - Parallèle 45
Initiative undi 11 aout 2014. Les résidents du centre de gérontologie Les Aulnettes de Viroflay, dans les Yvelines, vaquent à leurs occupations habituelles. Tout au plus les curieux s’étonnent-ils de la présence d’un opérateur poussant un surprenant chariot mobile doté d’équipements de pointe. Ils ignorent que leur Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) fait l’objet d’une démarche très novatrice : le relevé de quelque 8 000 m2 de bâtiments à l’aide du premier système I-MMS (Indoor Mobile Mapping System) opéra- L 38 • Géomètre n° 2118 • octobre 2014 tionnel en France, acquis par la société de géomètres-experts Parallèle 45 (siège à Lacanau, en Gironde) auprès de la société française Viametris qui l’a développé. Ce système de cartographie mobile d’intérieur compact et maniable, qui intègre un dispositif de scanner laser 3D haute précision et une caméra, permet un relevé global et exhaustif de bâtiments très rapide. « Pour un projet de mise en conformité et de réfection des installations techniques de nos bâtiments, nous avions besoin de relevés des réseaux techniques et des plans d’intérieur », CAB. MARIELLE MAYO explique Julien Sisavanh, assistant à maître d’ouvrage pour ce projet (société Martin & Guiheneuf). « Au terme d’une procédure adaptée, nous avons sélectionné la société Parallèle 45, car elle répondait Portique mobile aux exigences d’un rendu rapide per de lancement desmettant d’établir une estimation quantifusées Soyouz. tative des coûts prévisionnels de travaux pour fin septembre. Surtout, l’activité d’un Ehpad doit être maintenue 7 jours sur 7, 24 h sur 24, et la rapidité d’exécution offerte par cette nouvelle technique permettait de limiter les interventions sur site. » Si la mise en œuvre de l’I-MMS ne nécessite pas un espace vide (les bâtiments peuvent continuer à recevoir du public), il reste nécessaire d’éviter une trop forte circulation. Impossible donc d’intervenir durant la matinée dans les chambres, consacrée aux soins et aux douches. En charge de ce chantier, Rémi Jammet, technicien géomètre au sein de Parallèle 45, l’a organisé sur trois jours en fonction de « fenêtres de tir » correspondant aux horaires du déjeuner des pensionnaires. PHOTOS Une société française a mis au point le premier système de cartographie mobile d’intérieur au monde pour les relevés de bâtiment. En 2014, un cabinet de géomètres-experts pionnier a introduit cette technologie dans l’Hexagone. PARALLÈLE 45 La révolution Initiative I-MMS Le capteur Lidar central qui surmonte le chariot mobile est crucial pour la localisation Slam. « Chacun des huit niveaux a pu être relevé en une heure. Alors qu’il faut compter une journée pour lever 700 à 1 000 m2 avec les méthodes classiques – un Disto ou une station totale, associé(e) à une tablette PC, voire au croquis de terrain ! –, l’I-MMS permet de relever 1 000 m2 en une heure », remarque JeanYves Mas, fondateur et associé gérant de Parallèle 45. Dans un espace dégagé et avec une bonne vitesse de marche, la cadence peut encore être augmentée. Le géomètre-expert a compris l’intérêt de cette technologie dès qu’il l’a découverte lors du Cercle Géo organisé par l’ESGT (Ecole supérieure des géomètres et topographes) le 6 décembre 2013. « C’est un système qui fonctionne sur le principe des MMS (Mobile Mapping System) utilisés en extérieur, précise-t-il. Il associe trois Lidars – un capteur horizontal et deux capteurs latéraux d’une portée annoncée comprise entre 10 cm et 30 m (86 000 points par seconde chacun) – à une caméra 360° Ladybug 3, qui offre des prises de vues panoramiques Couplées au nuage de points, les photographies panoramiques réalisées grâce à une caméra 360° lors du relevé de cette crèche située à Nice ont été exploitées pour une visualisation en mode « Street View ». repérées dans le temps et enregistrées via un PC intégré. » L’innovation majeure tient dans l’algorithme mis aux point par Viametris, qui permet de s’affranchir de la localisation par GPS et centrale inertielle en s’appuyant sur la technologie Slam (Simultaneous Localization and Mapping), laquelle permet le calage relatif de l’appareil dans l’espace parallèlement à la construction en temps réel de la carte du site levé (géoréférencée par rapport à des points de référence). Un réel besoin En présentant un premier prototype au salon Intergeo en 2011, Viametris, déjà reconnue pour son expertise dans la cartographie mobile, souhaitait avant tout promouvoir ses capacités d’innovation. La société créée en 2007 appuie en effet sa démarche de recherche et développement sur des partenariats avec des universités et des labora- ➤➤ Géomètre n° 2118 • octobre 2014 • 39 CAB. PARALLÈLE 45 Initiative La tablette de contrôle tactile permet de suivre simultanément le cheminement et la construction de l’environnement scanné. ➤➤ toires de recherche. « Nous avons réalisé que l’I-MMS correspondait à un réel besoin, aucun système mobile indoor n’existant encore dans le monde », indique David Assouly, en charge de sa commercialisation. Celle-ci débute en 2012, deux systèmes étant acquis aux Etats-Unis et au Japon. Jean-Yves Mas sera le troisième à se lancer. Deux semaines après avoir découvert ce système, il commande un I-MMS pour le siège de Parallèle 45 à Lacanau. Une décision rapide pour un investissement d’environ 100 000 euros, mais le professionnel, qui a fait partie du groupe de travail « prospective » de l’Ordre des géomètres-experts (OGE) en 2004-2005 et fut pionnier dans l’acquisition d’un scanner laser 3D en 2006, n’en est pas à son coup d’essai. Jusqu’à la réception du système en avril 2014, Viametris prête au cabinet son matériel de démonstration, ce qui lui permet de se familiariser avec la technique, et en particulier avec la préparation de chantier. Différents tests sont menés pour contrôler les performances de l’I-MMS par rapport à celles des méthodes traditionnelles ou des scanners laser 3D fixes. Les mesures de précision centimétrique s’avèrent satisfaisantes. Dès la fin janvier, un premier gros relevé réalisé pour le ministère de la Défense dans la région bordelaise porte sur 23 000 m2 de bâtiments. 40 • Géomètre n° 2118 • octobre 2014 « Il s’agit aussi d’un investissement en temps humain », ajoute Jean-Yves Mas. Quatre personnes sont ainsi formées à l’acquisition et au traitement des nuages de points et des images géoréférencés, qui peuvent être exploités pour proposer des plans d’intérieur sous AutoCad, des plans en coupe, des modèles 3D destinés à la réalisation de maquettes numériques... L’imagerie offre par ailleurs la possibilité d’enrichir les données du bâtiment par le référencement de divers éléments (mobilier, dispositifs de sécurité, trappes d’aération, etc.). Le logiciel Orbit est utilisé pour une exploitation sous forme de bases de données. Sans limite de superficie Après quelques mois, le cabinet a déjà relevé une dizaine de bâtiments, surtout dans le cadre de projets de rénovation ou de gestion de patrimoine. N’imposant ni limite de superficie de relevé, ni contrainte d’installation, la technique peut s’appliquer à l’industrie, aux grandes surfaces, aux aéroports, aux gares, aux bâtiments administratifs... « Elle est particulièrement appropriée aux bâtiments tels que les lycées ou les établissements de santé d’une surface d’au moins 1 500 à 2 000 m2 », précise Jean-Yves Mas. Si le BIM (Building Information Model- ling, ou modélisation des informations du bâtiment) n’en est qu’à ses débuts en France, il constitue déjà dans les pays anglo-saxons un débouché naturel de la technologie. « A l’heure actuelle, nous avons vendu une dizaine d’unités dans le monde, dont quatre en Europe : une à Londres, une en Belgique et deux en France, précise David Assouly. Si les géomètres-experts français exploitent surtout les capacités de l’I-MMS en termes de mesure, ailleurs ce sont de grosses sociétés d’ingénierie qui achètent le système, pour la gestion de patrimoine ou pour des travaux relatifs à la virtualisation de l’environnement.» A l’occasion du salon Intergeo 2014, Viametris introduira deux autres produits issus de cette technologie, l’un dédié à la création de visites virtuelles et l’autre au plan 2D. Un troisième produit dérivé devrait être mis sur le marché en décembre, la version 2 de l’I-MMS étant attendue en début d’année prochaine. Ces systèmes seront proposés à différents niveaux de prix en fonction de leurs performances, ce qui devrait permettre d’ouvrir le marché. « En tant que géomètres-experts, nous nous devons de rester à la pointe et d’anticiper sur les nouvelles technologies de la mesure », conclut Jean-Yves Mas, convaincu que la profession a un rôle clé à jouer dans l’émergence de cette technologie en France.