Paris Normandie - itw decale

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Paris Normandie - itw decale
PQR
Pascale Bertrand
17/06/2010
Paris-Normandie
De Platon à Socrates
ENTRETIEN DECALE. En pleine Coupe du monde de foot,
Gilles Vervisch, philosophe, met les pieds dans le plat.
Professeur de philosophie, ancien élève du lycée Saint-Saëns et Jeanne-d'Arc,
Gilles Vervisch parle de football à ses élèves quand il s'agit d'aborder le
chapitre justice et morale. Déjà auteur d'un savoureux Comment ai-je pu croire
au Père Noël?, il se lance dans la rédaction du second - De la tête au pied - au
lendemain d'un France-Irlande de légende remporté haut la main par les Bleus.
Rencontre avec ce philosophe encore plus décalé que les questions à suivre…
Qu'est-ce qui vous paraît le plus illusoire, croire au Père Noël ou penser
que la France peut gagner la Coupe du monde?
Gilles Vervisch: «Croire au Père Noël. Car le foot ne tient jamais à grand
chose et la France pourrait gagner. Car au football, ce n'est pas toujours le
meilleur qui gagne.
Si je vous dis Socrate(s), vous pensez à qui?
«Je pense d'abord à Socrate, philosophe même si je connais le footballeur.
«Ce n'est pas toujours le meilleur qui gagne»
Car pour moi, le sport reste une manière d'aborder la philosophie en tant
que phénomène social.»
Que voyez-vous de grand dans le foot à part le salaire des joueurs?
«La popularité du foot est grande. Parce que, je pense, que les règles sont faciles à comprendre et que le jeu est
aussi facile à jouer.»
De la main de Dieu de Maradona au «fait de jeu» de Thierry Henry, faut-il voir une perte de spiritualité
dans le football?
«Je trouve bizarre d'avoir attaché de la spiritualité au football. Dieu a sûrement d'autres problèmes à régler. A
l'inverse, on peut parler d'opium du peuple quand un sport remplace la spiritualité religieuse. Le pape est moins
écouté qu'un joueur de foot et surtout, on voit qu'un peuple supporte mieux la misère quand son équipe nationale
gagne. Alors qu'au tennis, par exemple, le jeu prime sur le résultat et un Français peut très bien supporter
Federer ou Nadal. Au foot, on s'intéresse moins au jeu qu'à la victoire.»
Dans le football, la femme n'est souvent qu'un faire valoir. La philosophie ne tombe-t-elle pas dans le
même travers quand on voit Raphael Enthoven et Carla Bruni, BHL et Arielle Dombasle?
«Ce n'est pas faux. La philosophie émerge dans les médias depuis dix ans. Mais, c'est peut-être aussi parce
qu'elle répond à une demande, aux questions que chacun se pose. On le voit avec l'université populaire de
Michel Onfray… Et là, il n'y a pas de femme derrière l'homme.»
Attaquant mythique de Manchester United dans les années 60, George Best a dit: «J'ai dépensé 90% de
mon argent dans l'alcool, les filles et les voitures de sport. Le reste, je l'ai gaspillé». Cela ferait un bon
sujet au bac?
«C'est un sujet intéressant. On nous dit que les joueurs de foot doivent être des modèles et en fait, ces modèles
sont de super-consommateurs qu'on voit plus faire de la pub que sur le terrain. Ce qu'on admire chez eux, c'est
qu'ils ont les moyens de s'acheter des filles et des grosses voitures. Ils véhiculent l'image de la facilité et le rêve
d'être comme eux pour acheter comme eux.»
Un footballeur peut-il espérer comprendre votre livre?
«Tout à fait et un supporter aussi. Les intellos pourront aussi découvrir qu'il y a moins de vulgarité dans le foot
qu'ils ne le pensent.»
Gilles Vervisch sera l'invité du Salon du livre de Rouen, samedi 3juillet à la Halle aux toiles.
A lire: «De la tête aux pieds». Philosophie du football. Ed. Max Milo.

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