Évangélisation et pratique holistique de conversion
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Évangélisation et pratique holistique de conversion
Ethics Theses 14 14 ISBN 978-2-88931-058-6 Ethics Theses L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982 Alexis Lékpéa Dea est né le 1er janvier 1980 à Zouan-Hounien (Côte d'Ivoire). Il est titulaire d’un doctorat unique en Histoire des religions de l’Université Félix Houphouët Boigny et d’un CAP / PL en Connaissance du monde contemporain (CMC) de l’Institut Pédagogique National de l’Enseignement Technique et Professionnel (IPNETP) d’Abidjan. Il est professeur certifié de C.M.C et enseignant-chercheur à l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa. Alexis Dea est auteur d’un livre et de plusieurs articles sur la rencontre occident chrétien-Afrique noire animiste. Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982 Alexis Lékpéa Dea Évangélisation | Évangile Holistique | Autonomisatio Rivalités Dan et Wê | Leadership | La Côte Alexis Lékpéa Dea Qu’est-ce que l’évangélisme ? À quoi reconnait-on une Église évangélique ? Cette thèse veut rendre compte d’une rencontre et d’un changement global qui se produit dans les croyances, les pratiques religieuses, voire la vie tout court des populations Bété, Néyo, Kroumen, Guéré, Wobè et Dan de l’ouest ivoirien qui ont embrassé le christianisme. Il s’agit pour nous, dans un premier temps, de décrire leur conversion et de montrer comment les missionnaires, étrangers pour la plupart, ont entrepris l’implantation du christianisme, et dans un deuxième temps de montrer la manière dont ces conversions ont été perçues et vécues par les populations elles-mêmes. Formation | Mouvement pentecôtiste | La vie Le peuple de Dieu | La crise doctrina l’UEESO-CI | Le message chrétien | Persécutio Mission | l’implantation de l’Ég Globethics.net Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982 Alexis Lékpéa Déa Globethics.net Theses No. 14 Globethics.net Theses Éditeur de la série : Christoph Stückelberger. Fondateur et Directeur de Globethics.net et Professeur d’Ethique à l’Université de Bâle/Suisse Globethics.net Theses 14 Alexis Lékpéa Dea, Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique. L’Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982 Genève: Globethics.net, 2015 ISBN 978-2-88931-057-9 (version numérique) ISNB 978-2-88931-058-6 (version imprimée) © 2015 Globethics.net Éditeur : Ignace Haaz Globethics.net Secrétariat International 150 Route de Ferney 1211 Genève 2, Suisse Site internet: www.globethics.net/publications Email: [email protected] Tous les liens de ce texte vers des sites web ont été vérifiés en septembre 2015. Ce livre peut être téléchargé gratuitement de la bibliothèque de Globethics.net, la première bibliothèque numérique globale en éthique: www.globethics.net. © Cet ouvrage est publié sous la licence Creative Commons 2.5 : Globethics.net donne le droit de télécharger et d’imprimer la version électronique de cet ouvrage, de distribuer et de partager l’œuvre gratuitement, cela sous trois conditions: 1. Attribution: l’usager doit toujours clairement attribuer l’ouvrage à son auteur et à son éditeur (selon les données bibliographiques mentionnées) et doit mentionner de façon claire et explicite les termes de cette licence; 2. Usage non commercial: l’usager n’a pas le droit d’utiliser cet ouvrage à des fins commerciales, ni n’a le droit de le vendre; 3. Aucun changement dans le texte: l’usager ne peut pas altérer, transformer ou réutiliser le contenu dans un autre contexte. Cette licence libre ne restreint en effet en aucune manière les droits moraux de l’auteur sur son œuvre. 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TABLE DES MATIÈRES Sigles et abréviations ........................................................................... 13 Introduction ......................................................................................... 21 Première partie 1 Phases et méthodes d’implantation de l’UEESO-CI (1913-1982) ........................................................................................... 55 2 La phase missionnaire 1913-1962.................................................... 57 2.1 Les pionniers (1913-1927)....................................................... 58 2.2 Les précurseurs (1913-1925) ................................................... 59 2.3 Christian Mark HAYFORD (1919-1925) ................................ 71 2.4 Le couple RICHARD, premiers missionnaires français, et la naissance de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (1925-1927) ... 84 2.5 La naissance de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (1927) 92 3 L’implantation de l’Église : méthode et ampleur (1927-1962) ..... 97 3.1 Méthodes d’implantation ......................................................... 97 3.2 L’évangélisation .................................................................... 113 3.3 Un évangile holistique ........................................................... 122 3.4 François BONGA premier vecteur ivoirien d’exportation de l’évangile en pays dan (1941) ................................................. 131 3.5 Bilan de l’implantation pendant cette première phase : étude comparée entre auditeurs et baptistes ................................. 136 3.6 Implantation régionale de la MBCI ....................................... 143 4 Le passage de la MBCI a l’UEESO-CI (1962-1982) .................... 155 4.1 Les causes de l’autonomisation ............................................. 155 4.2 Jacques BLOCHER, principal acteur de l’autonomisation de l’UEESO-CI ................................................................................ 165 4.3 Les principales étapes de l’autonomisation de l’UEESO-CI . 173 4.4 L’UEESO-CI, sa naissance, sa doctrine et son organisation . 176 4.5 Principes généraux................................................................. 187 4.6 Les services et œuvres ........................................................... 189 4.7 L’œuvre d’implantation au temps de l’Église autonome ....... 193 4.8 De nouveaux facteurs de conversion ..................................... 204 4.9 Évolution numérique de l’Église autonome .......................... 215 4.10 Une première phase de croissance moins accélérée 1962-1972 ................................................................................... 216 4.11 Une seconde phase de croissance très accélérée 1972-1982 ................................................................................... 217 4.12 Une chute brusque en 1982 ................................................. 218 4.13 Conclusion partielle ............................................................. 219 Deuxième partie La rencontre entre religions locales et christianisme dans le sud-ouest ivoirien .................................................................. 223 5 Croyances locales et message chrétien.......................................... 225 5.1 Religions et croyances traditionnelles du sud-ouest ivoirien au moment de l’implantation de la mission biblique en 1927 ..... 226 5.2 Le culte des ancêtres divinisés .............................................. 226 5.3 Le fétichisme ou le culte des divinités du terroir ................... 233 6 Le message chrétien: contenu, obstacles et propagation en pays krou et dan ........................................................................... 251 6.1 Le contenu du message chrétien ............................................ 252 6.2 Les obstacles à la réception de l’évangile ............................. 255 6.3 La contradiction entre message chrétien et croyances locales, un autre obstacle à la réception de l’évangile .............................. 259 6.4 Les éléments facilitateurs de la pénétration de l’évangile en pays krou et dan ...................................................................... 263 6.5 La cohérence du message chrétien et l’efficacité des appâts missionnaires ............................................................................... 274 7 Rejet et persécution des convertis par leur milieu d’origine ...... 279 7.1 Le chrétien vu comme un traître ............................................ 280 7.2 Les pressions coutumières et les persécutions ....................... 281 8 L’encadrement du peuple de Dieu ................................................ 291 8.1 Les programmes annuels de formation collective ................. 292 8.2 Les programmes de formation ............................................... 295 8.3 Le contenu de la formation du peuple de Dieu ...................... 298 9 La formation des responsables pour renforcer l’encadrement .. 301 9.1 Les structures de formation ................................................... 302 9.2 Les critères de sélection ......................................................... 306 9.3 Le contenu de la formation .................................................... 311 9.4 Conclusion partielle ............................................................... 313 Troisième partie La vie nouvelle du peuple de Dieu, la nouvelle naissance et le schisme dans l’Église ................................................................. 317 10 Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI.......................................................................................... 319 10.1 L’engouement des chrétiens pour les séances de formation 320 10.2 L’assiduité aux cultes .......................................................... 322 11 Les relations avec les autres......................................................... 329 11.1 La vie de sanctification des chrétiens UEESO-CI ............... 329 11.2 L’homme nouveau chez les chrétiens UEESO-CI .............. 335 11.3 Les libéralités....................................................................... 339 12 Sanctions et retrogradations dans l’Église ................................. 345 12.1 La discipline chrétienne ....................................................... 345 12.2 La rétrogradation à l’UEESO-CI ......................................... 349 13 Rivalités dan et wê : lutte de leadership ou échec de la conversion ................................................................. 353 13.1 Les causes profondes ........................................................... 354 13.2 Les causes immédiates......................................................... 360 13.3 Les manifestations des rivalités entre les Dan et les Wê ..... 363 14 Les rivalités dan et wê : insuffisance de la conversion ou échec de la christianisation .......................................................... 367 14.1 Les rivalités entre les Dan et les Wê, un échec de la christianisation ..................................................... 367 14.2 Une insuffisance de la conversion ....................................... 371 Quatrième partie De la crise doctrinale latente de 1974 à la rupture de 1982 ........... 375 15 L’accueil mitigé du mouvement pentecôtiste en Côte d’Ivoire. 377 15.1 Le mouvement pentecôtiste et son implantation en Côte d’Ivoire ........................................................................... 377 15.2 Le succès du pasteur GIRAUD et la naissance d’une fraction divergente à l’UEESO-CI : 1974-1980 ................ 386 15.3 Le jubilé de 1977 et le début des tensions entre l’Union et les charismatiques .................................................................... 389 16 L’impossible rapprochement entre l’Union et les charismatiques et le schisme de 1982 ..................................... 395 16.1 Le point de départ, la fin du mandat de Jean GLAO en 1978 ........................................................................................ 395 16.2 L’Assemblée Générale de 1982 à Man consacre la rupture 405 16.3 Le dénouement honteux de la crise ..................................... 409 16.4 Conclusion partielle ............................................................. 411 17 Conclusion..................................................................................... 415 Annexes .............................................................................................. 427 Sources et références ......................................................................... 555 Bibliographie ..................................................................................... 565 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Les Églises du pasteur Mark Christian HAYFORD dans la Colonie de Côte d’Ivoire et leurs responsables en 1921. ...................... 82 Tableau 2 : Tableau présentant l’évolution du nombre d’auditeurs et de Baptistes à la MBCI de 1927 à 1962 .......................................... 136 Tableau 3 : Tableau présentant l’évolution du nombre de lieux de culte à la MBCI de 1927 à 1962 ............................................ 141 Tableau 4 : Tableau récapitulatif du nombre d’auditeurs à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 ............................ 148 Tableau 5 : Tableau récapulatif du nombre de baptisés à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 ............................ 148 Tableau 6 : Tableau récapitulatif du nombre de lieux de culte à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 ............................ 149 Tableau 7 : Évolution du nombre d’évangélistes à la MBCI de 1927 à 1959 .................................................................. 174 Tableau 8 : Ampleur des conversions à la suite de la croisade GIRAUD ............................................................................... 213 Tableau 9 : Quelques tabous et leçons en Afrique .............................. 240 Tableau 10 : Quelques lieux sacrés en pays Dan ................................ 247 Tableau 11 : Quelques kohing (fétiches) gueres selon Jean-Baptiste TEGBAO.............................................................................................. 248 Tableau 12 : Croissance du nombre de missionnaires et d’évangélistes de 1927 a 1982 ............................................................ 305 Tableau 13: Noms, niveau et région de quelques proposants à l’école biblique de Man en 1969 ...................................................... 309 LISTE DES GRAPHIQUES Graphique 1 : Évolution des conversions et des baptêmes à la mission de 1927 à 1962 ................................................ 137 Graphique 2 : Évolution du nombre de lieux de culte à la MBCI de 1927 à 1962 ............................................................. 142 Graphique 3 : Répartition des auditeurs à la mission biblique par ethnie en 1962 ........................................................ 148 Graphique 4 : Répartition des baptisés à la MBCI par ethnie en 1962 .............................................................. 149 Graphique 5 : Évolution du nombre d’évangélistes à la MBCI de 1927 à 1957 .................................................................. 175 Graphique 6 : Répartition des conversions suite à la croisade de Giraud...................................................................... 214 Graphique 7 : Évolution du nombre des baptises a l'UEESO de 1962 a 1984 .................................................................. 215 Graphique 8 : Évolution du nombre des évangelistes et des pasteurs l'UESSO de 1927 a 1982 ............................................. 306 TABLE DES PHOTOS Photo 1 : Williams Wade HARRIS un pionnier du christianisme ivoirien.................................................................................. 60 Photo 2 : Laure et Daniel RICHARD, premiers missionnaires MBCI .. 85 Photo 3 : Premiers contacts avec les habitants de la région de Sassandra ............................................................................ 101 Photo 4 : Première visite de DANIEL chez les Yacoubas en 1928 ...... 103 Photo 5 : Station missionnaire de Batelebre (Sassandra), crée en 1928 : première station missionnaire de la MBCI .......... 108 Photo 6 : Premier pied à terre à Man en 1930.................................... 109 Photo 7 : Un bâtiment du motel de la station missionnaire de Daloa . 110 Photo 8 : Chapelle de la station missionnaire de Daloa ..................... 110 Photo 9 : Quelque premiers évangélistes, évangélistes ayant contribué à la propagation de l’évangile dans les années 1950 ........................................................................ 120 Photo 10 : Quelques pensionnaires de la pouponnière de Man .......... 123 Photo 11 : Le SERTEECI de Daloa, créé en 1964 .............................. 125 Photo 12 : La Direction de l’enseignement protestante de Daloa ...... 126 Photo 13 : Un bâtiment du cours secondaire protestant de Daloa ..... 127 Photo 14 : François BONGA .............................................................. 131 SIGLES ET ABRÉVIATIONS A.D : Assemblées de Dieu A.E.F : Alliance Évangélique Française A.E.O : Africa Evangelical Office A.M.E.Z.C : African Methodist Episcopal Zion Church A.N.C.I : Archives Nationales de Côte d’Ivoire A.O.F : Afrique Occidentale Française A.R.P.S : Aborigines' Rights Protection Society B.C.M : Baptist and church mission C.E.P.E : Certificat d’Etudes Primaires et Elémentaires C.E.R.A.P : Centre de Recherche et d’Action Pour la Paix C.E.T.A : Conférence des Églises de Toute l’Afrique CF : Confer C.F.B.M.S : Conservative Baptist Foreign Mission Society C.I : Côte d’Ivoire C.IT.A.V.E : Centre Ivoirien Technique d’Audiovisuel C.M.A : Christian and Missionary Alliance C.M.S : Church Missionary Society C.S.P : Cours Secondaire Protestant D.E.A : Diplôme d’Etudes Approfondies E.L.W.A : Eternal Love Winning Africa FA.T.E.A.C : Faculté de Théologie Évangélique de l’Alliance Chrétienne F.L.A.S.H : Faculté des Lettres Arts et Sciences Humaines FWBM : Free Will Baptist Mission G.B.C : Groupe Bibliques Collégien G.B.U : Groupes Bibliques Universitaires I.B.T.M : Institut Biblique et Théologique de Man J.A.C.A : Jeunes Ambassadeurs de Christ à Abidjan M.B.C.I : Mission Biblique en Côte d’Ivoire P.D.C.I-R.D.A : Parti Démocratique de Côte d’Ivoire Rassemblement Démocratique Africain R.N.G : Royal Niger Company S.B.B : Société Biblique Britannique S.C.O.A : Société Commerciale de l’Ouest Africain S.E.R.T.E.E.C.I : Service technique des Églises Évangéliques de Côte d’Ivoire S.I.M : Mission à l’Intérieur du Soudan S.P.C.K : Society for Promoting Christian Knowledge U.C.A.O : Université Catholique d’Afrique de l’Ouest UEESO-CI : Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres de Côte d’Ivoire V.N.P.T : Vie Nouvelle Pour Tous W.E.C : Worldwide Evangelization Crusade W.H.S : Wesleyan High School W.M.M.S : Wesleyan Methodist Missionary Society W.M.S : Wesleyan Methodist School Abreviations DÉDICACE À Dieu Tout-puissant « Je puis tout par celui qui me fortifie » À la mémoire de Victorine DEA ma petite sœur. À la mémoire du Dr. Jacques TOKPA, le bien-aimé, le bien-nommé. À mon épouse Séphora, à nos enfants le Roi Salomon, Marie, Blessing et Sagesse DEA et à mes nièces Espérance, Priscilla et Miléna À tous ceux qui croient encore en une Église africaine forte et unie au sein de laquelle il n’y a ni orthodoxe, ni protestant, ni catholique, ni harriste, ni Yacouba, ni Sénoufo, ni Guéré. REMERCIEMENTS « On n'oublie jamais l'arbuste derrière lequel on se cache pour tirer sur un éléphant » (Dicton bambara). Même si je suis le seul responsable des conclusions de cette thèse de doctorat, il est pour moi un impératif de reconnaitre que son achèvement est le résultat d’une dynamique collective. C’est pourquoi, avant d’ouvrir les résultats de mes recherches aux lecteurs, je voudrais témoigner ma reconnaissance à tous ceux qui ont su m’apporter le soutien dont j’avais besoin pour mener à bien les recherches scientifiques et achever cette thèse de doctorat. Mes remerciements les plus distingués vont d’abord à l’endroit de mon maître, le Professeur KOUAME Aka, Professeur Titulaire d’Histoire et Directeur scientifique de la Filière des Sciences Historiques de l’Université Félix HOUPHOUËT Boigny d’Abidjan Cocody. Sa grande humilité ; sa disponibilité ; sa passion pour le travail bien fait et sa confiance en moi ont constitué des garanties de succès. Ses orientations bibliographiques et recadrages thématiques m’ont permis d’avancer sereinement. « Vos qualités humaines font de vous un homme impressionnant et admiré de tous vos étudiants. » (Pascal GNAMBA) Je veux aussi témoigner ma reconnaissance à tous mes maîtres de la filière des Sciences Historiques de l’Université F.H.B. Pendant mes années de formation dans cette filière, ils ont supporté avec patience toutes mes faiblesses et m’ont donné, dans un amour paternel, le savoir dont la recherche m’avait conduit jusqu’à eux. Il s’agit notamment des Professeur Simon-Pierre EKANZA, ALLOU Kouamé René et du docteur Ernest YAO BI Gnangoran. Au-delà du travail scientifique, c’est tout un savoir-être que j’ai acquis auprès de mes maîtres. « Que 18 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique suis-je et que puis-je sans vous? En arrivant j'étais dans vos mains. En m'en allant, je serai dans vos mains. » (Dicton Bambara). Je remercie aussi très sincèrement le docteur Guy THOMAS, Maître de Conférences à l’Université de Bâle et responsable des archives à la Mission 21. Ses conseils avisés et ses encouragements m’ont beaucoup marqué : « La gorge n'oublie pas la personne qui a versé en elle quelque chose de doux quand elle était amère.» (Dicton Toucouleur). J’exprime toute ma gratitude au Professeur Tite Tienou, théologien de renommée internationale et à madame Martine Audeoud, enseignante au Bakke Graduate University (USA) et à l’université internationale de grand Bassam (CI), par ailleurs responsable du département holistique de la faculté de Théologie Évangélique de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan. Malgré leur emploi du temps très chargé, ils ont accepté d’instruire cette thèse et de faire partie du jury. Les nombreux moments d’échange à la FATEAC, par téléphone et par email m’ont permis de mieux comprendre et exploiter les approches théologique et sociologique, indispensables à la réalisation de ce travail. J’exprime aussi toute ma reconnaissance au Professeur Salvador Eyezo’o, de l’Ecole Normale Supérieur de Yaoundé (Cameroun) pour ses encouragements. Je remercie très sincèrement Monsieur Jean-François Mayer, historien franco-suisse et fondateur de Religioscope, institut d’Histoire des religions. En acceptant de publier mon article dans sa revue en ligne études et analyses, il m’a permis de satisfaire la nouvelle exigence du CAMES selon laquelle toute soutenance devra être précédée de publication préalable d’articles. J’ai par ailleurs bénéficié de ses nombreux conseils et encouragements. J’adresse également tous mes remerciements aux docteurs Célestin KOUASSI et Rubin POHOR. Le premier, Directeur académique de la Faculté de Théologie Évangélique de l’Alliance Chrétienne (FATEAC), fut l’un des tout-premiers chercheurs à m’encourager à entreprendre Remerciements 19 cette étude en m’offrant une quantité considérable de sources auxquelles je n’aurais jamais eu accès. Le second, sociologue à l’Université de Bouaké, en plus de ses conseils avisés, a consacré du temps pour la lecture et la correction de ce travail et ses remarques très pertinentes m’ont permis d’en améliorer la qualité. Peut-être que « Ceux qui donnent ne doivent pas se rappeler, mais ceux qui reçoivent ne doivent jamais l’oublier. » (Proverbe juif). Je veux dire aussi « merci infiniment » au docteur Henri Michel YERE, mon responsable de stage au Centre Suisse de Recherches Scientifiques (CSRS). Pendant tout ce travail, il fut pour moi un ami, un conseiller et ses soutiens matériel, moral et financier ne m’ont jamais fait défaut : « Il est tellement grand le plaisir de rencontrer quelqu’un gentil qu’il vaut la peine risquer de ne pas être ingrat ». (SENEQUE) Messieurs Jean-François KOUAME, professeur de Techniques d’expression au Centre de Formation Professionnelle d’Agnibilékro et Juvénal Nesmond DOUE, professeur de Français au Lycée Moderne de Tengrela ont accepté de lire et corriger gratuitement ce travail. Cela a permis de réduire le nombre de fautes et de coquilles. Qu’ils reçoivent ici l’expression de toute ma reconnaissance. Je n’oublierai pas mes amis : VAH Achille, OUATTARA Piè, Reine Elodie KOUAPEU, Laurent ASSOUANGA pour leur soutien : « Ce n’est pas tant l’intervention de nos amis qui nous aide mais le fait de savoir que nous pourrons toujours compter sur eux. » (Epicure). Par ailleurs, dans la collecte des informations, plusieurs personnes m’ont aidé. Qu’elles reçoivent ici l’expression de toute ma reconnaissance. Je pense particulièrement au comité de la Mission Biblique de Paris, avec à sa tête M. Jean-Claude REYNAUD qui m’a fourni des documents importants sur la MBCI. Je remercie tous les pasteurs de l’UEESO-CI. Je remercie très sincèrement le pasteur KAYA Rodrigues, pasteur central de l’Église UEESO-CI de Daloa. Merci 20 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique également à l’Église UEESO-CI de Bingerville et à ses responsables : le pasteur BLIBO et le missionnaire DIDIA. Je ne peux clore cette série de remerciements sans penser à ma famille. A tous les niveaux, mon père Paul DEA et ma mère Sisson Apolline GLOUGBE, qui nous a trop vite précédé dans la félicité du Père, m’ont été d’un vrai soutien. Que de sacrifices consentis ! Mes oncles, tantes, cousins, cousines, neveux et nièces m’ont soutenu chacun selon ses moyens. Je pense particulièrement à l’apôtre Louan Etienne WOUEHI, à Maman Odette GBOTO, à Sylvain OHI, à Sévérin MABEA, à Vivien BOUMI, à GONKANOU, à GONTI Achille, à Hervé GBOTO : « L’écureuil ne peut remercier le palmier » (Dicton Dan) Mon épouse Séphora DEA, femme de conviction, a su chaque fois trouver les mots et attitudes justes pour m’encourager à aller jusqu’au bout de ce travail. Elle a supporté avec amour mes longs moments d’absence, assumant seule et dans l’amour l’éducation des enfants que Dieu nous a confiés : « Merci Maman pour tout ce sacrifice ». Merci aussi à ma belle famille, la grande famille KPAIN dont le soutien ne m’a jamais fait défaut. À tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce travail et que je n’ai pu nommément citer, qu’ils trouvent ici l’expression de mon infinie reconnaissance. 1 INTRODUCTION Avant d’entrer dans le vif de ce sujet, il serait intéressant de définir les termes qui le composent afin de le rendre plus accessible au lecteur. D’emblée, notons que l’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres du sud ouest de la Côte d’Ivoire a ceci de particulier qu’elle se démarque des autres Églises évangéliques en Côte d’Ivoire tant par son processus d’implantation que par sa composition sociologique. En effet, si la plupart des Églises évangéliques en côte d’Ivoire sont « une représentation nationale » des Églises évangéliques historiques déjà solidement implantées en Europe ou en Amérique, l’UEESO-CI est une communauté née d’une société missionnaire qui se définit avant tout comme une Faith Mission, même si elle a bénéficié par la suite du soutien d’une Église baptiste en France, et qui, par conséquent a ses propres base doctrinale et organisation interne. À cela s’ajoute la composition sociologique qui est l’une des exceptions dans le processus d’implantation des Églises évangéliques en Côte d’Ivoire, voire en Afrique 1. L’UEESO-CI est la seule Église évangélique en Côte d’Ivoire, 1 Comme le remarque Daniel Bourdanne, responsable mondial des Groupes Bibliques Universitaires, « la plupart des dénominations en Afrique sont de type ethnique ou tribal. La base missiologique orientée vers l’homogénéisation et la stratégie missionnaire de l’époque en vue d’une cohabitation pacifique entre les missions qui se répartissent le pays en zones géographiques ont développé des églises ethniques. (…) On s’est retrouvé devant des églises fortement ethnicisées et exclusivistes ». En Côte d’Ivoire par exemple la CMA est lié à l’ethnie baoulé 22 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique qui, avant l’essor du pentecôtisme, regroupe une diversité ethnique et culturelle aussi importante, avec près d’une dizaine d’ethnies reparties en deux grandes aires culturelles. L’UEESO-CI est une association d’Églises protestantes locales implantées par la Mission Biblique en Côte d’Ivoire et qui revendiquent toutes une identité évangélique et par conséquent se définissent comme tel. Mais qu’est ce que l’évangélisme ? A quoi reconnait-on une Église évangélique ? En allemand, evangelisch est historiquement un synonyme de protestant 2. Il arrive, en France, que le terme d'évangélique soit utilisé dans ce sens-là 3. Mais, depuis la fin des années 1960, s'impose de plus en plus le sens anglo-saxon, qui introduit une différenciation interne au protestantisme entre un courant qui serait « évangélique » et d'autres qui, du point de vue des premiers, le seraient un peu moins. En GrandeBretagne, « the Evangelical Movement » a d'abord désigné, à la fin du XVIIIè siècle, le groupement informel qui réunissait des e « dissidents » et des anglicans « pieux ». Au XIX siècle, evangelical va de plus en plus désigner l'ensemble de ceux qui prônent un réveil religieux, notamment face aux tendances rationalisantes issues des Lumières, puis face au libéralisme théologique issu de la philosophie allemande et de l'école historico-critique. La création de l'évangélisme moderne peut être datée de la fondation, en 1846, de l'Alliance évangélique aujourd'hui divisée en deux organismes, l'un européen et l'autre mondial. L'histoire des Églises évangéliques s'inscrit dans le grand mouvement de la Réforme protestante du XVIe siècle en Europe avec et la WEC à l’ethnie gouro. Au Tchad, les Assemblées Chrétiennes (ACT) sont liées à l’ethnie M’baye et l’Église Évangélique au Tchad à l’ethnie Gambaye. 2 cf. Evangelische Kirche Deutschlands, créée en 1948. 3 « Église évangélique luthérienne de France », par exemple. Introduction 23 Martin Luther et Jean Calvin qui demeurent les deux figures emblématiques de cette période. Par la suite, d'autres réformateurs se sont levés pour contester ce qu'ils considéraient alors comme une dérive libérale du protestantisme de leur temps. Dans cette « Réforme radicale », ces chrétiens sont en accord avec Martin Luther et Jean Calvin sur certains points essentiels de la doctrine évangélique, mais ne se considèrent pas pour autant comme leurs successeurs et encore moins leurs disciples. Au fil des siècles, ces « dissidents » de la mouvance protestante se sont assemblés dans différentes communautés dites évangéliques, plus autonomes, plus conservatrices et plus piétistes que les Églises réformées traditionnelles. Actuellement, les Églises évangéliques qui s'organisent reconnaissent comme fondamentaux les quatre principes suivants : • Le biblicisme : la Bible est infaillible et source unique d'autorité. Dans leur approche de l'Écriture, les protestants évangéliques font preuve d'une certaine orthodoxie, c'est-à-dire qu'ils sont attachés à une lecture de la Bible confiante dans l'historicité fondamentale de la révélation. • La centralité du thème de la Croix : grâce au sacrifice du Christ sur la croix, les péchés de l'homme sont expiés une fois pour toutes. • La conversion ou « nouvelle naissance » : On devient chrétien à la suite d'une rencontre personnelle avec Jésus-Christ. Les évangéliques s'efforcent de limiter les intermédiaires entre le texte et le lecteur. On adhère à une Église, non par la naissance, mais par une profession de foi. Les évangéliques insistent donc sur la liberté de conscience et l'aspect personnel de la conversion. Par ailleurs, les protestants évangéliques se donnent pour mission de témoigner, de propager le message de l'Évangile. Leur identité est fondée sur leur foi commune, ils entendent constituer une Église de 24 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « professants ». Les mouvements et associations évangéliques sont très actifs dans le domaine social. En 1921 est créé l'Institut Biblique de Nogent-sur-Marne. Il s'agit là d'une étape importante : c'est la première fois que les Églises protestantes évangéliques se dotent d'une structure de formation interévangélique durable. De plus, cet institut entretient des liens avec les protestants évangéliques d'autres pays : Suisse, Pays-Bas, Angleterre, États-Unis. C’est de cet institut que sont partis Laure et Daniel Richard en 1927 pour la Côte d’Ivoire pour implanter des Églises dont l’association en 1962 donnera naissance à l’UEESO-CI, objet de cette étude. L’autre terme de ce sujet est le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Dans le cadre de cette étude, ce cadre géographique ne répond à aucune réalité administrative. Il doit être compris dans le processus d’occupation de la Côte d’Ivoire par les missions protestantes pendant la période coloniale. Face au vaste champ missionnaire que représentait la colonie, et pour éviter les chevauchements, les missions protestantes décidèrent de se le partager en cinq régions 4. Le sud, le centre, le sud-ouest, le nord et le nord-est 5. Le sud-ouest s’étend du littoral en pays Godié, Neyo et Kroumen à l’ouest montagneux en passant par le pays bété. La population est caractérisée par la diversité ethnique. En effet, cette région regroupe plusieurs ethnies dont les plus importantes sont : les Kroumen dans la région de Tabou, les Néyo à Sassandra, les Godié à Fresco et dans la région de Sassandra, les Bété à Daloa, Gagnoa et Issia, les Wobé dans les régions de Man et de Facobly, les Guéré à Toulépleu, 4 Ce partage est dû, selon Tite TIENOU, à une philosophie missiologique appelée le « Comity Agreement », un essai de pratique d’œcuménisme protestant. Cette pratique a malheureusement donné naissance au régionalisme ecclésiastique protestant en Afrique comme en Asie et ailleurs dans le monde. 5 La région du sud était évangélisée par la mission méthodiste Wesleyenne, le centre par la CMA et la WEC, le sud-ouest par la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (MBCI) première Mission d’origine française en AOF et le Nord et le nord est par les missionnaires baptistes. Introduction 25 Guiglo et Bloléquin et les Dan (Yacouba, Touras) dans les régions de Man, Biankouma et Danané 6. Il est important de noter que la foi chrétienne n’est pas indifférente à ces sociétés qui sont fort diverses et parfois différentes dans leurs structures, leur organisation, les coutumes et les croyances. Depuis le début du XXè siècle, de nombreux prédicateurs, se désignant comme prophètes ont émergé au sein de ces sociétés. D’autres, en provenance du Libéria voisin y ont exercé un ministère prophétique plus ou moins florissant. C’est dans ce cadre que s’inscrit la brillante randonnée missionnaire du prophète libérien William Wade Harris de 1913 à 1915 qui a ouvert les portes de la colonie de Côte d’Ivoire aux missionnaires protestants. Les dates 1927 et 1982 sont les limites chronologiques de cette étude. L’année 1927 marque l’arrivée en Côte d’Ivoire des premiers missionnaires de la Mission Biblique : le couple Laure et Daniel RICHARD. Ces missionnaires français dépêchés en Côte d’Ivoire par l’Église du Tabernacle à la suite de la demande du Docteur Marck HAYFORD 7 sont considérés comme les pionniers de l’UEESO-CI 8. 1927 est donc considéré de manière générale comme l’année de la naissance de cette Église. 1982 est l’année du premier schisme qui secoue l’Église. Cet éclatement survient à la suite d’une crise doctrinale 6 Classification de Ernest ZIHI dans James KRABILL (Dir.), Nos racines racontées, Récit historique sur l’Église en Afrique de l’Ouest, Abidjan : PBA, 1996, p.174. 7 Marck Christian HAYFORD est descendant d’une grande famille de la Gold Coast (Ghana actuel). Il a fait des études de Théologie sanctionnées par un doctorat et était de la Société royale anglaise de Géographie. En 1903, il écrit un ouvrage intitulé « West Africa and Christianity » dans lequel il énonce que ce sont les Africains qui doivent apporter l’évangile à l’Afrique. C’est lui qui engagea les missionnaires RICHARD en Côte d’Ivoire après avoir effectué des voyages d’évangélisation sur ce territoire. 8 Certains soutiennent plutôt qu’il serait plus juste de considérer l’année 1962 comme celle de la naissance de l’UEESO-CI puisque c’est à cette date qu’apparait cette appellation et surtout que les textes fondateurs sont élaborés et adoptés. 26 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique empirée par de nombreux problèmes d’ordre existentiel. La crise économique des années 1980 qui affaiblit sérieusement l’économie ivoirienne n’épargne pas l’Église UEESO-CI. La baisse considérable de ses recettes entraine des difficultés financières. Au début des années 1980, l’Église ne parvient plus à honorer la totalité de ses engagements surtout vis-à-vis des enseignants, et, les pasteurs vivent dans des conditions de plus en plus misérables. C’est dans ce contexte déjà fragile que réapparait la vieille rivalité entre les ethnies Wê et Dan majoritaires à l’UEESO-CI. Le resurgissement de la crise doctrinale en 1982 va être la goûte d’eau qui déborde le vase lorsque la tendance pentecôtiste décide de se séparer de l’Union pour créer l’Église Évangélique de Réveil de Côte d’Ivoire (EERCI). Le dynamisme d’implantation est l’ensemble des moyens et méthodes utilisés par les missionnaires en vue de convertir les populations de leur champ de mission. L’autre terme à définir est pratique religieuse. Par pratique religieuse, l’on peut entendre, selon le Dictionnaire Universel, observance d’une règle de conduite, d’un ensemble de prescriptions morales ou philosophiques. La pratique religieuse est l’ensemble des actes extérieurs de soumission aux actes liturgiques c’est aussi l’ensemble des actes de piété. En un mot, c’est le comportement du chrétien vis-à-vis des saintes Ecritures. En effet, la maturité spirituelle d’une Église ne peut se mesurer de manière objective que par la qualité de la vie communautaire de ses membres et leur relation avec l’extérieur 9. Il est donc question ici de faire une analyse critique du rapport entre le prescrit et le vécu : le premier étant l’ensemble des lois bibliques ; la doctrine de l’Église, donc un ensemble de règles à observer par le chrétien pour être en harmonie avec sa communauté et avec Dieu ; et le deuxième, la manière dont le chrétien vit sa foi et mène sa vie chrétienne. Il s’agit, en définitive, de mettre en relation la vie du chrétien 9 Voir l’épitre de Paul aux Galates. Introduction 27 ou de la communauté vis-à-vis des prescriptions bibliques ou doctrinales. A cette étape préliminaire qui est la définition des termes du sujet, succède celle de la justification de son choix. Il s’agit de présenter les motivations objectives et scientifiques qui nous ont poussé à traiter ce sujet dans le cadre de cette thèse. Deux convictions essentielles nous ont conforté dans le choix du sujet dans le cadre de notre thèse de doctorat : la première émane de l’intérêt que présente l’UEESO-CI, première Église baptiste d’origine française en Côte d’Ivoire. Cette communauté dont la contribution dans le développement social de ce pays fut déterminante traverse, malheureusement depuis trois décennies, un épisode assez sombre de son histoire ; marqué par une succession de crises. Cette importante institution est inconnue du grand public, souvent de ses propres fidèles, faute d’écrits. C’est donc dans un premier temps pour aider à résoudre ce problème crucial que nous entreprenons ce travail de recherche. Les crises intempestives auxquelles l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire est confrontée depuis le début des années 1980, nous interpellent. Elles nous obligent à passer en revue ses 85 ans d’existence, et surtout d’analyser la portée de 37 années d’actions missionnaires de la MBCI dans le sud-ouest ivoirien, mais aussi d’apprécier les 22 premières années d’autonomie de l’UEESO-CI. Pour des questions de rigueur disciplinaire et surtout pour aborder plus en détail le sujet, nous nous sommes arrêtés à l’année 1982, l’année du premier grand schisme. Il convient de noter que 5 années seulement après l’effacement définitif 10 de la mission fondatrice, la Mission Biblique en Côte 10 De 1962 à 1976, bien que le comité de l’UEESO fût composé de frères Ivoiriens, la Mission Biblique existait encore en Côte d’Ivoire en tant qu’organe distinct de l’UEESO. Les missionnaires se chargeaient de la formation et de la gestion des biens qui leur appartenaient encore. C’est en 1976, suite à la demande de l’Union que la Mission Biblique s’efface définitivement au profit de 28 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique d’Ivoire, effacement vivement souhaitée et saluée par les responsables d’alors, et seulement deux années après le grandissime jubilé de 1977, l’UEESO-CI plonge dans une « période sombre ». Cette période est marquée par une crise profonde qui provoque le départ d’un nombre important de pasteurs et de fidèles sous la houlette de Jean GLAO, l’un des tout-premiers pasteurs et grand dirigeant de l’UEESO-CI. Quelques années avant cette date, précisément en 1970, le Pasteur Jean GLAO, alors président national de l’Union, lançait un appel pressant au retour des missionnaires : « L’Église africaine a encore grandement besoin de missionnaires… C’est avec le cœur serré et les larmes aux yeux que nous constatons la rareté des vocations missionnaires pour la Côte d’Ivoire…le temps vient où l’on ne pourra plus rien faire » 11. Trois années plus tard, à la suite de la croisade du Pasteur Jaques GIRAUD - invité par l’Église ivoirienne des Assemblées de Dieu - une incompréhension s’installe au sein de l’UEESO-CI. Ce malentendu provoque la naissance de deux tendances aux convictions doctrinales divergentes : les progressistes qui s’inscrivent dans la vision pentecôtiste et les conservateurs opposés aux « prières houleuses et aux parlers en langues ». Cette situation aggravée par les problèmes ethniques et de leadership dégénère à partir des années 1980 provoquant un schisme en 1982. Dès lors, des crises qui ternissent l’image de l’Église et fragilisent la communion fraternelle n’ont cessé de se multiplier. Face à l’urgence de cette situation, il nous est apparu nécessaire de rechercher les raisons fondamentales de ces problèmes afin que des solutions efficaces puissent être trouvées. C’est donc, dans un premier temps, le souci l’UEESO qui devient propriétaires de tous les biens de cette mission. Cf. la convention de 1976. 11 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, Nogent sur marne 2ème édition revue et augmentée, 1977, p.249. Introduction 29 d’aider l’UEESO-CI à sortir de cette situation de crises intempestives qui nous pousse à entreprendre ce travail de recherche. La seconde motivation de ce travail est d’ordre purement scientifique. Il s’agit du souci d’apporter une contribution à l’écriture de l’histoire religieuse de la Côte d’Ivoire, une histoire à la fois très riche et très peu connue, à travers l’étude d’un cas : celui de l’UEESO-CI. En jetant un regard sur l’historiographie religieuse de la Côte d’Ivoire on est frappé par l’absence d’écrits spécifiques sur l’UEESO-CI, Église bientôt centenaire qui a joué un rôle important dans l’édification du protestantisme en Côte d’Ivoire. Ce problème d’ailleurs commun au protestantisme en Côte d’Ivoire mérite une attention particulière. L’historiographie de la Côte d’Ivoire révèle un grand déséquilibre entre les différents domaines de recherche. Si les domaines du peuplement, de la colonisation et des Relations Internationales ont fait l’objet de plusieurs travaux scientifiques, le domaine du religieux reste quasiment inexploité, surtout l’histoire du protestantisme. Une étude sur l’historiographie religieuse de la Côte d’Ivoire en DEA a permis de montrer que le protestantisme est la religion la moins étudiée 12. Il n’existe que très peu d’écrits qui se limitent dans la plupart des cas à des mémoires de maîtrise 13. Ce même constat a été fait par Célestin KOUASSI qui remarque que « les travaux publiés à ce jour ont l’inconvénient d’avoir un caractère trop général et ne sont pas le produit d’une véritable recherche sur le terrain » 14. D’où leur incapacité à rendre compte de façon précise de « ce qui s’est réellement passé dans 12 Cette étude révèle que les ouvrages sur le protestantisme représentent environ 3% des écrits sur la religion en Côte d’Ivoire contre 87% pour le catholicisme, 7% pour l’Islam, 0.2% pour les églises syncrétiques et 3% pour les ouvrages traitant de manière générale toutes ces religions. Cf. ADOUBI Thierry, DEA L. Alexis et TANOH Jean-Claude, Exposé D.E.A, séminaire doctoral, 2009. 13 Il existe certes quelques thèses telles que celle de Célestin KOUASSI, sur la dynamique d’une mission chrétienne : la CMA en pays baoulé de 1919 à 1960, soutenue en 2006 au département d’Histoire du département de Cocody. 14 Célestin KOUASSI, op.cit, pp. 2-3. 30 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’Église africaine sous ses différents aspects. » 15 Cette situation est un véritable défi pour la recherche historique. Elle interpelle et invite les chercheurs à se tourner vers ce champ à la fois vaste et fertile. Ce sont donc ces différentes raisons qui ont motivé notre choix de travailler sur le protestantisme en Côte d’Ivoire en abordant ce sujet sur la première communauté protestante d’origine française. Cette histoire, bien que récente, est très mal connue à cause de sa complexité. Très peu d’historiens en ont fait leur objet d’étude et la plupart des travaux existants émanent de théologiens dont la démarche n’est pas toujours celle de l’historien. Notre initiative découle donc de notre volonté d’aborder sous un angle entièrement historique un aspect précis du protestantisme en Côte d’Ivoire. Tel devra être notre apport au vaste projet d’écriture de l’histoire du christianisme ivoirien. Pour mieux cerner les contours de notre sujet et comprendre l’évolution de la recherche sur notre domaine d’investigation, il est nécessaire de passer en revue les travaux antérieurs pour comprendre ce qui a été fait, ce qui ne l’a pas encore été en vue de proposer notre apport. Notre sujet entre dans le cadre général des questions qui reviennent au cœur des débats de la rencontre entre l’Occident chrétien et l’Afrique noire dite animiste. Dans ce vaste débat des rencontres, l’aspect religieux retient notre attention. Ici, il s’agit plus précisément de la rencontre entre christianisme et croyances traditionnelles africaines 16 qui a fait couler tant d’encre et de salive. En dehors de l'Egypte et de l'Ethiopie, qui, en raison de leur proximité géographique avec la Palestine, ont pu être touchés par le message du Christ, ce n'est qu'au XVe siècle que le christianisme entre en contact avec l’Afrique noire. Mais c'est à la faveur du renouveau missionnaire du XIXe siècle que l'Evangile pénètre véritablement dans 15 Idem. Ces croyances souvent désignées sous les vocables de fétichisme, animisme, culte des ancêtres, culte des esprits… 16 Introduction 31 cette partie du continent. Jusque là l’évangélisation était cantonnée en Asie et en Amérique ; les populations noires étant considérées comme primitives et incapables de recevoir le message chrétien. L’Afrique était présentée comme un monde de mystères, d’hostilité et de peur avec ses coutumes sanglantes de sacrifices humains. À cela s’ajoute la honte de l’esclavage. Comme le remarque LAVERDIERE 17, ces aspects firent l’objet d’une forte contestation de la part des missionnaires, venus remplacer le fétichisme porteur de superstitions par la « vraie religion », évincer l’Islam et répandre les lumières de la civilisation européenne empreinte de christianisme 18. L’idéologie civilisatrice a même nié l’existence de cultures en Afrique et a établi une hiérarchie des valeurs dans laquelle celles de l’Afrique occupent le bas de l’échelle. Il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu'un véritable intérêt pour les populations africaines commençât à se manifester au sein de certaines congrégations missionnaires. La nature ingrate de l'Afrique, particulièrement hostile à l’Européen, devait jouer un rôle paradoxal dans le processus de christianisation du continent. En effet, le taux de mortalité très élevé des premiers missionnaires témoigne de cet obstacle à la mission en même temps qu'il la grandit, en ce qu'il confère à l'apostolat un caractère de pénitence, quasi-mystique, et fonde un martyrologe propre au continent. Pour le cas précis de la Côte d’Ivoire, la thèse du docteur Ernest G. YAO BI 19 renseignent davantage sur l’ampleur des difficultés rencontrées par les premiers missionnaires catholiques dans cette colonie en mettant un accent particulier sur le fort taux de mortalité enregistré parmi ces « hommes de Dieu ». De même, 17 LAVERDIERE, Lucien, 1987, L’Africain et le missionnaire : l’image du missionnaire dans la littérature d’expression française, Montréal, Bellarmin, 608 pages. 18 Idem, p. 70 ss. 19 Ernest Gnangoran YAO BI, Côte d’Ivoire, un siècle de catholicisme, Abidjan, CERAP, 2009. 32 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Jeanne DECORVET 20, dans son ouvrage apologétique sur la Mission Biblique en Côte d’Ivoire, insiste sur la précarité des conditions de vie des premiers missionnaires, entrainant souvent de graves maladies. Le développement du mouvement missionnaire coïncide avec la naissance de l'impérialisme français 21. Une relation étroite sera tissée entre ces deux activités qui se trouvent souvent imbriquées 22. La colonisation, telle qu'elle fut présentée et défendue par les partisans de l'expansion coloniale, ne pouvait pas se passer de la religion chrétienne, vecteur de la propagation de la civilisation occidentale. De même, les missionnaires ont nécessairement besoin de l'appui de l'État pour faire face à des situations qui leur sont délicates. Au Tonkin, un des centres d'impulsion qui stimule l'élan missionnaire, les premières communautés chrétiennes se trouvent en butes à d'incessantes et sanglantes persécutions. Devant un tel état de fait, le vicaire apostolique du Tonkin méridional, Mgr Gauthier sollicite, l'intervention directe de la France : « Du reste dans ce beau pays d'Annam, le drapeau français a une vertu merveilleuse, à sa vue les mandarins les plus farouches deviennent doux comme des agneaux. Puisse-t-il paraitre plus souvent sur nos côtes ou plutôt s'y fixer pour toujours ! Après la terrible épreuve qui renouvellera notre France, espérons qu'elle reviendra encore, l'instrument des miséricordes de Dieu dans le monde... » 23 L'archevêque d'Alger, le cardinal Lavigerie (1802-1892), illustre ce rôle du christianisme au delà des mers, rôle qui conforte l'œuvre de la colonisation. Convaincu que l'Église est la vraie source de la civilisation, du bonheur des hommes et de la paix parmi les peuples, Lavigerie est 20 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, Nogent sur marne 2ème édition revue et augmentée, 1977, p.249. 21 Raoul GIRARDET, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, p. 33 à 37. 22 Cette imbrication n'exclut certainement pas des difficultés de coopération. Entre colonisateur « armé » et colonisateur de « l'esprit » les relations ne sont pas toujours paisibles. Le livre de Claude Prud'homme, Missions chrétiennes et colonisation XVIe-XXe siècle, est particulièrement éclairant sur cette question. 23 Cité par GIRARDET, Raoul, Op. cit. p. 35. Introduction 33 persuadé comme beaucoup de ses contemporains que « l'Afrique où se déclarent les ambitions européennes a besoin de cette civilisation qui apporte à l'humanité un supplément d'âme. » 24 Le missionnaire, envoyé de Dieu et de son pays, est parti pour apporter la lumière de l'Evangile à l'Afrique « ténébreuse » et « barbare » nécessitant d'être « civilisée ». Théâtre de la manifestation de l'œuvre du diable, l'Afrique a impérieusement besoin du « secours » de l'Occident chrétien. Au total, cette Afrique sans religion, avait plus que jamais besoin de la lumière du christianisme. Pour les Européens, la religiosité africaine est dominée par le « culte des esprits » qui est le moteur des religions dites traditionnelles. Régis DEBRAY déclarait récemment dans un mensuel connu pour justifier l’étude du fait religieux : « Comment pouvez-vous comprendre l’histoire de l’Europe en ignorant le christianisme ? L’Inde, sans parler de l’hindouisme ? La Chine, sans le Tao et Confucius ? L’Afrique sans le culte des esprits ? Haïti sans le vaudou?» 25. Une première difficulté se signale déjà au niveau même de l’identification ou de la définition de la religion dans le contexte africain. Jusqu’aujourd’hui, ces religions sont désignées sous les vocables d’animisme, fétichisme, culte des esprits ou des ancêtres. Ces appellations, toutes issues des catégories élaborées par les ethnologues de l’Europe du XIXème ont été naturellement adoptées par les populations africaines et encore aujourd’hui les États modernes d’Afrique retiennent dans leur statistique, à côté de l’Islam ou du Christianisme, la catégorie des « animistes » 26. Ces termes recouvrent un ensemble de croyances fragmentaires et de pratiques dispersées qui a 24 J. LOEW et M. MESLIN, Histoire de l'Église par elle-même, cité par Fouelefak KANA, op.cit p. 10. 25 Le Monde des Religions, Mars – Avril 2004. 26 André MARY, compte-rendu de la conférence du CCEFR sur « les religions contemporaines de l’Afrique à l’épreuve de l’Europe » 28 avril 2004. 34 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique pu conduire les missionnaires mais aussi les ethnologues à contester l’idée que l’on puisse parler à ce sujet de « religion ». L'intervention bienfaitrice de l'Europe constitue le « droit-devoir de l'homme blanc » ; d'autres la conçoivent comme le « fardeau de l'homme blanc 27 ». C'est donc à la fois un droit et un devoir qui incombent à la race blanche, prototype de l'humanité, de répandre la Civilisation, les bienfaits de la Science, de la Raison, de la Liberté, partout où leur absence brille. Dans cette œuvre d'émancipation, le missionnaire n'est pas l'acteur unique. Militaires et marchands se joignent à cette activité pour assurer son efficacité. Ce trio de « M » illustre l'équation souvent admise selon laquelle la Colonisation = Civilisation + Commerce + Christianisme. L'ensemble formé par la triade militaire-marchand-missionnaire correspond parfaitement à la doctrine ferryste 28. Le trinôme résume en lui toutes les convoitises européennes sur le continent noir. La rencontre entre l'Occident et l'Afrique en tant que confrontation de deux cultures, de deux mondes, intéresse les sciences humaines et sociales. Historiens, Anthropologues, sociologues, ethnologues et théologiens en font leur objet d'étude. L'histoire des mentalités se montre particulièrement interpellée par cette question. Elle s'interroge, entre autre, sur l’impact qu’exercent l'un sur l'autre les deux groupes humains (missionnaires et populations locales) que l'aventure missionnaire a mis en présence. Par une approche pluridisciplinaire, les historiens rendent compte de ce passé en s’appuyant généralement sur les relations de voyage laissées par les explorateurs ainsi que les 27 En 1899, l'écrivain britannique, Rudyard KIPLING, publie un poème, The White Man's Burden, dans lequel il conçoit le devoir de civiliser, de subvenir aux besoins et d'administrer les populations colonisées comme un « fardeau » pour l'homme blanc. U Thant lors de son discours d'introduction comme secrétaire général des Nations Unies inversa cette approche, en parlant du « fardeau de l'homme blanc, que les peuples colonisés ont porté jusqu'alors ». 28 En effet, la doctrine officielle de l'impérialisme colonial français, telle que Jules Ferry l'avait élaborée, était constituée autour d'une triple argumentation : d'ordre humanitaire, d'ordre économique et d'ordre politique. Introduction 35 correspondances des missionnaires. C’est ainsi que le livre de Jeanne DECORVET 29 retrace dans une perspective apologétique, l’aventure missionnaire de la MBCI dans le Sud-ouest ivoirien. Cette auteure tente de décrire la manière dont les missionnaires sont parvenus à surmonter les dangers d’une nature hostile à l’homme blanc pour apporter l’évangile et le progrès à des populations au départ ancrées dans l’alcoolisme, le fétichisme et la sorcellerie. A l’opposé de cette vision apologétique de la mission s’est développée dans la littérature sur les missionnaires une nouvelle approche qui marque une rupture à la manière traditionnelle de s'intéresser à ces hommes de Dieu. On assiste de plus en plus à un rejet des écrits dithyrambiques qui montrent le caractère trop pieux de ces hommes et femmes qui ont consacré leur vie à la conquête des âmes pour Dieu. Désormais, l'œuvre missionnaire est appréhendée à travers une démarche scientifique et plurielle 30. Le livre d'André PICCIOLA 31, de Bernard SALVAING 32 et celui de Fouelefak KANA 33 s'inscrivent dans cette perspective. Pour PICCIOLA l'action missionnaire est la facette culturelle de la colonisation. Le missionnaire entretient un rapport fait de connivence et de désaccord avec le soldat et le commerçant. C'est au travers de cette relation ambiguë qui se tisse entre les acteurs coloniaux que l'auteur étudie la mise en place de l'action missionnaire, ses succès et ses échecs à travers les Missions de Lyon, les Pères du Saint-Esprit et les Pères blancs. 29 DECORVET Jeanne, Les matins de Dieu, Nogent sur marne 2ème édition revue et augmentée, 1977. 30 Cette pluralité concerne à la fois le sujet abordé et la méthode utilisée. 31 PICCIOLA, André, Missionnaires en Afrique (1840-1940), L'aventure coloniale de la France, Denoël, Paris, 1987. 32 SALVAING, Bernard, Les missionnaires à la rencontre de l'Afrique au XIXème siècle, L'Harmattan, 1995. 33 KANA Fouelefak, Le christianisme occidental à l’épreuve des valeurs religieuses africaines : cas du catholicisme en pays bamiléké au Cameroun (1906-1995), thèse de doctorat d’Histoire, Université Lyon 2, 2005. 36 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le livre de Bernard SALVAING explore de façon analytique trois aspects importants des missions chrétiennes : d'abord, leur doctrine et leur implantation, la vie quotidienne des missionnaires et leur vision de l'Afrique. L'auteur procède par une analyse comparatiste qui confronte la mentalité, les principes et les méthodes de trois sociétés missionnaires, différentes aussi bien du point de vue de leur provenance que de leur confession : la Church Missionary Society (anglicane), la Wesleyan Methodist Missionnary Society et la Mission Africaine de Lyon. SALVAING montre que malgré les différences théologiques, doctrinales et méthodiques, il existe une certaine cohérence dans la vision des missionnaires sur le monde noir. Toutes ces missions considèrent les mœurs africaines comme l'expression du « mal », « l'œuvre du diable ». Elles présentent le christianisme comme moyen indispensable et suffisant pour sauver l'Afrique. La thèse de Fouelefak KANA explique la rencontre entre le christianisme et les valeurs traditionnelles africaines à travers le cas des Bamilékés du Cameroun. Elle présente dans un premier temps l’univers traditionnel des Bamilékés comme un monde fortement structuré dans lequel le culte des ancêtres occupe une place de choix. Ensuite elle montre que la rencontre entre le christianisme et les valeurs culturelles traditionnelles des Bamilékés s’est posée en termes de conflit dont les conséquences furent importantes sur l’univers religieux et politique. Enfin, elle remarque une revalorisation des cultures africaines et une prise en compte du vécu quotidien. Pour elle, le phénomène de repli identitaire en Afrique est en partie lié à une acculturation dont l’un des moteurs aura été le christianisme. D’autres travaux concernant la dynamique des missions protestantes et le vécu quotidien des chrétiens en Afrique ont été réalisés. On peut citer la thèse de Célestin KOUASSI 34 qui présente le contexte 34 KOUASSI (K.C.), Evolution sociopolitique et dynamique de la Mission Chrétienne : La CMA en pays baoulé de 1919 à 1960, thèse unique de doctorat d’Histoire, Abidjan, Université de Cocody, 2006, 443 p. Introduction 37 d’implantation des missions protestantes en Côte d’Ivoire, les difficultés rencontrées, les facteurs de succès et l’ampleur de leur expansion à partir du cas de la C.M.A en pays baoulé. Pour l’auteur, l’implantation des missions protestantes en Côte d’Ivoire s’est faite avec beaucoup de difficultés à cause de l’hostilité de l’administration coloniale. Il a fallu attendre le protocole de Saint-Germain en 1922 pour assister à un véritable démarrage de leurs activités. Il montre aussi que l’évolution sociopolitique dans les colonies a fortement influencé la dynamique des sociétés missionnaires. Nous avons aussi la thèse de Rubin POHOR 35 qui s’intéresse aux écoles protestantes en Côte d’Ivoire. Dans un premier temps, l’auteur fait une étude historique de l’enseignement protestant, souligne le système d’interactions observables entre Mission-Église-Ecole, fait ressortir la relation historique existant entre l’émergence et le développement des missions et Églises protestantes et la constitution progressive d’un réseau d’établissements scolaires protestants en Côte d’Ivoire. Cette étude montre aussi que les écoles ont été à la fois un moyen de reproduction de la mission évangélisatrice de leurs institutions fondatrices, et qu’elles se présentent comme un outil au cœur même de celles-ci et ont permis aux néophytes de connaitre le monde de leurs partenaires et adversaires. Le pasteur Mwari Rodrigue KAYA, dans son mémoire de maîtrise de théologie, fait une étude critique des crises récurrentes constatées à l’UEESO-CI. C’est un regard critique que l’auteur jette sur la vie de cette communauté à la lumière des prescriptions bibliques. En s’appuyant sur une péricope (1 corinthiens 1 verset 10 à 17) l’auteur montre que les divisions dans l’Église sont une déviation. Pour lui cette déviation dont la responsabilité incombe à la fois aux leaders qu’aux fidèles peut et doit trouver sa solution dans l’unité par l’unicité c’est-à 35 POHOR (R.), La contribution des églises évangéliques au développement de la Côte d’Ivoire, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Thèse unique de sociologie, 1999, 443 p. 38 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique dire comprendre et vivre la croix, la compréhension du baptême comme lieu de composition d’une communauté nouvelle pour Christ et la fidélité à la vocation et à l’exercice d’un leadership spirituel. Le révérend Gilbert GOUENTOUEU 36 a étudié les conflits tribaux dans les Églises africaines dans son mémoire de maîtrise. Ce mémoire traite précisément le cas de l’UEESO-CI. D’abord l’auteur présente l’enseignement biblique sur les conflits en général et les conflits tribaux en particulier. Ensuite il fait une étude détaillée des conflits ethniques entre les peuples Wê et Dan en dehors et dans l’Église en présentant les causes, les manifestations, les conséquences et les tentatives de pacification. Enfin il fait des interpellations et suggestions pratiques aux fidèles et aux responsables des Églises. A ces conflits, GOUENTOUEU attribue des causes historiques, financières, doctrinales, socioculturelles et psychologiques. Il remarque que ces conflits ont créé une telle inimitié à l’UEESO-CI et dans les Églises africaines que les chrétiens appelés à vivre ensemble se haïssent de jour en jour. Toutes ces questions concernent le grand débat sur le vécu quotidien du peuple de Dieu et restent un sujet de discussions qui continue de susciter des réactions. C’est dans cette perspective que s’inscrit notre travail. Nous pensons que tenir les chrétiens Africains pour seuls responsables des problèmes de l’Église africaine, c’est oublier une vérité historique récente et évidente. De même, l’on ne peut imputer aux seuls missionnaires toute la responsabilité des crises constatées dans les Églises Africaines. Soutenir l’un ou l’autre de ces extrêmes, conduirait à un unilatéralisme dangéreux et stérile. Pour nous, il faut aller au-delà de l’événementiel pour analyser tous les contours de la rencontre de la mission chrétienne et des populations africaines en vue de mieux comprendre le vécu quotidien du peuple chrétien en Afrique. 36 Gilbert GOUENTOUEU, Les conflits tribaux dans les Églises africaines, cas de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, mémoire de maîtrise en théologie, FATEB, 1993, 112 p. Introduction 39 Cette thèse veut rendre compte d’une rencontre et d’un changement global qui se produit dans les croyances, les pratiques religieuses, voire la vie tout court des populations Bété, Néyo, Kroumen, Guéré, Wobè et Dan de l’ouest ivoirien qui ont embrassé le christianisme. Il s’agit pour nous, dans un premier temps, de décrire leur conversion et de montrer comment les missionnaires, étrangers pour la plupart, ont entrepris l’implantation du christianisme, et dans un deuxième temps de montrer la manière dont ces conversions ont été perçues et vécues par les populations elles-mêmes. Quels sont les moyens et stratégies mis en œuvre par les missionnaires pour amener ces populations à la conversion et que pensent et disent les convertis euxmêmes de leur conversion ? Le point de vue du missionnaire en appelle un autre, celui des convertis. Il est important de saisir le sens qu’ils donnent de leur conversion ou de leur refus de conversion, la manière dont ils mesurent les étapes de leur conversion et comprennent les conflits extérieurs mais aussi intérieurs auxquels ils ont dû faire face, durant toutes les étapes de leur vie. D’où la problématique: la rencontre entre le christianisme et les populations du sud ouest ivoirien dans ses différentes étapes, mais aussi la transformation des mentalités, des croyances, qui aura pour effet de transformer, à son tour, la manière d’être, de se comporter et de vivre désormais. Cette problématique, pour plus de clarté, peut être décomposée en trois questions subsidiaires : la première est de comprendre l’historique de l’UEESO-CI à travers une étude critique des conceptions et choix missionnaires. N’y a-t-il pas une contradiction entre la propagande dépaganisatrice 37 des missionnaires et de leurs aides locales et leur conception de l’Église, ce qui pose naturellement la question du choix 37 Ce mot n’existe pas dans le dictionnaire. C’est une création personnelle que nous utilisons pour traduire l’ensemble des techniques utilisées par les missionnaires pour amener les populations cibles à rejeter leurs propres valeurs au profit d’autres valeurs notamment occidentales et chrétiennes considérées comme les meilleures. 40 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique entre l’unanimité et la liberté ? Les hommes sont-ils eux-mêmes parfaitement aptes à remplir leur rôle et les méthodes utilisées sont-elles les plus appropriées pour faire de bons chrétiens ? Pour répondre à cette question, Nous identifierons les différentes phases de l’implantation, en présentant pour chacune d’elles, les acteurs, les stratégies adoptés et le bilan. La seconde interrogation nous amènera à étudier la manière dont s’est faite la rencontre entre le christianisme et les croyances et religions traditionnelles des peuples cible. Dans ce projet de christianisation, le modèle religieux proposé par la Mission Biblique pouvait-il vraiment déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au tribalisme pour former le peuple de Dieu ? Quelle fut l’attitude des populations face au message chrétien ? Quelles sont les véritables motivations des conversions malgré les divergences ? La troisième et dernière question est de savoir comment le chrétien UEESO-CI vit sa foi. Les prescriptions bibliques sont-elles vraiment intégrées à sa vie quotidienne ? S’il y a des tensions ethniques et une lutte de leadership dans l’Église, n’est-ce pas à cause d’une christianisation moins profonde ; insuffisance de la formation religieuse ou entière ignorance des fidèles des principes de base de leur religion ? L’objectif principal poursuivi par cette thèse est de rendre compte de l’impact du changement de vie des nouveaux convertis sur leur environnement social. Il est donc question de rendre compte de leurs réactions : en quoi ces réactions sont-elles révélatrices des différences fondamentales entre deux conceptions du monde, de l’homme et de la conversion ? Parvenir à la rédaction de cette thèse nous a imposé une démarche méthodologique qu’il convient à présent d’exposer. Il sera donc question de présenter dans un premier temps les outils utilisés, sources et ouvrages de bibliographie, avec pour chacun la méthode de collecte et Introduction 41 dans un second temps, la façon dont nous avons traité les informations issues de ces documents pour en tirer la vérité historique. Comme le note M. JOHANN, « L’expérience personnelle est une source importante pour le récipiendaire. » 38 Cette citation nous permet d’annoncer que ce travail repose en grande partie sur notre expérience personnelle et sur une enquête orale approfondie auprès des pionniers et des responsables de l’Église à travers toute la région du sud-ouest et de l’ouest montagneux. Notre appartenance à l’UEESO-CI nous a permis de vivre de l’intérieur certaines réalités propres à cette Église. Nous avons fréquenté les écoles UEESO-CI, habité chez des responsables pendant plusieurs années, participé à des programmes, suivi des débats. Toute cette expérience personnelle constitue une des sources importantes d’informations. Cependant, notre propre point de vue a été soumis aux exigences d’une critique objective, si bien que chaque fois qu’il a été exprimé, il a été soutenu par d’autres preuves plus authentiques. Les observations directes sur le terrain nous ont permis d’identifier quelques lieux sacrés des peuples concernés par cette étude. Des forêts sacrées ont été visitées en 2010, notamment celles de Gahapleu et de Gbinta dans la sous-préfecture de Danané. Des lacs, rivières, et arbres sacrées ont été observés. Il s’agit entre autres du lac sacré de Batélébré à Sassandra visité en 2012 et du « Kpoë », arbre protecteur de la ville de Zouan-Hounien. Ces différents lieux sont la demeure des divinités, le lieu de contact avec celles-ci. Ces observations nous ont aussi permis de répertorier les édifices religieux mis en place par la Mission Biblique puis par l’UEESO-CI, parmi lesquels les chapelles des stations missionnaires de Man, Gagnoa, Daloa, Danané, Sassandra, Abidjan, San-Pedro, Adiaké, visités entre 2009 et 2010. 38 M. JOHANN, How to succeed in your master’s and doctoral studies, Pretoria, 2001, Van SCHAIK, p. 63. 42 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Nous avons aussi répertorié les œuvres socio éducatives et caritatives de la Mission Biblique : la pouponnière de Man ; des écoles primaires dont celles de Daloa, Man, Abidjan, Danané, Duékoué visitées entre 2010 et 2012 ; du Collège Protestant de Daloa (COPRO) et du SERTEECI 39 de Daloa visités en 2010 et 2012. Des structures de formation des serviteurs de Dieu ont aussi été visitées, notamment l’Institut Biblique et Théologique de Man et l’école biblique de Sassandra. A l’aide d’un appareil numérique de type canon, nous avons fixé les images qui accompagnent nos informations 40. Par ailleurs, nous avons contacté la Mission Biblique pour voir dans quelle mesure il nous serait possible d’accéder à ses fonds d’archives. La réponse a été simple : « La mission biblique n’a pas de fonds d’archives et les archives de l’UEESO-CI se trouvent à l’UEESO-CI. La plupart des missionnaires ayant servi en Côte d’Ivoire sont morts et il est difficile, voire impossible d’avoir de la documentation auprès des missionnaires ». Nous avons dès lors compris la nécessité de privilégier les enquêtes orales. Notre directeur nous y a vivement encouragé. Nous avons effectué une enquête par échantillonnage au jugé ou raisonné. Deux raisons expliquent ce choix. D’abord, bien que l’échantillonnage ait ses limites, il s’est révélé comme la seule voie pour atteindre les objectifs fixés. Car les chrétiens UEESO-CI n’étant pas tous témoins oculaires des évènements de notre période d’étude (19271982), il fallait faire une sélection préalable des plus vieux convertis. Enfin, étant donné que les chrétiens n’étaient pas tous en mesure de répondre convenablement à nos questions, l’échantillonnage aléatoire n’était pas envisageable. Nous avons donc sélectionné les plus vieux chrétiens dont des anciens pasteurs et responsables d’œuvres en tant que premiers acteurs de la vie de l’Église. 39 40 Service Technique des Églises Évangéliques de Côte d’Ivoire. Voir Annexe IV. Introduction 43 Nous avons alors sillonné les différentes régions de l’UEESO-CI à la recherche de ces vieillards qui constituent les témoins des deux grandes périodes : période missionnaire et période de l’Église autonome. Ces vieillards ont presque tous disparu et seulement une dizaine 41 a pu être interrogée à Abidjan 42, Daloa, Sassandra et Yamoussoukro entre 20092013 43. Les questions ont porté sur l’histoire de leur vie (enfance, formation, famille…), leur conversion, leurs rapports avec les missionnaires, leurs relations avec le monde et leur regard sur l’évolution de l’UEESO-CI. Cette première liste composée uniquement de pionniers nous ayant paru insuffisante, nous y avons joint une autre comprenant les plus anciens chrétiens de l’UEESO-CI avec au moins trente années de conversion. Nous avons interrogé une vingtaine de personnes, dont 10 pasteurs 44, capables de fournir les informations sur les deux périodes de l’étude. Vu la délicatesse du contexte dans lequel ce travail a été entrepris, il nous a fallu rassurer dans un premier temps nos informateurs en nouant des relations amicales avec des fils ou petits-fils de certains informateurs, qui ont pu nous introduire sans difficulté auprès de leurs parents. Une fois la confiance installée, les échanges se sont effectués plus sereinement. Les entretiens ont souvent duré plusieurs heures au 41 Il s’agit entre autres de LOH Philippes (décédé deux mois après notre entretien), MOUY Gaston, DEROU Benjamin, l’Ancien YAO de Cocody, DAN Marie, GUENAMAN Jean Colbert, Madame SAHI Jonathan, Madame Badé… 42 A cause de la guerre civile qui a éclaté en Côte d’Ivoire en 2002, ces vieillards ont pour la plupart trouvé refuge à Abidjan où ils vivent désormais avec leurs enfants. 43 Il est important de noter les pionniers que nous avons interrogés ont signalé tous leur inquiétude face aux nombreuses crises qui secouent l’UEESO-CI. Pour certains, ce travail de recherche est d’inspiration divine. Lors de notre entretien avec MOUY Gaston, le pionnier, priant pour nous, adresse ces paroles à Dieu : « Je te demande de le bénir, bénis aussi le travail que tu lui as confié, qu’il puisse vraiment l’accomplir par ton Saint Esprit ». Cf. Entretien avec MOUY Gaston 2010. 44 Pour les recenser, nous avons administré un questionnaire dans lequel nous avons exigé l’âge des informateurs. Voir Annexe I-2, p. 313. 44 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique cours desquelles les vieillards ont étalé l’essentiel de leur connaissance sur l’UEESO-CI 45. Notre démarche de départ était de procéder par un entretien direct, c'est-à-dire à partir d’un questionnaire préétabli, recueillir les informations recherchées 46. Mais dans la plupart des cas nous avons dû virer à l’entretien non-directif quand nous avons senti chez nos informateurs la volonté de dire un peu plus. Alors, les échanges se développèrent autour des différents thèmes tels que leur enfance, leur formation, leur vie familiale, leurs croyances traditionnelles 47. Dans une dernière partie semi-directive nous avons demandé aux interviewés de nous parler en détail de leur conversion et de leur service dans l’Église. Ce type d’entretien nous a permis d’avoir des réponses plus libres et plus développées à nos questions. Ce fut à notre sens, le méthode la mieux adaptée parce qu’elle nous a permis d’avoir des informations auxquelles nous n’avions pas pensé au départ 48. Les informateurs avaient tellement de choses à révéler sur leur vie chrétienne que les formes narratives ne tardèrent pas à faire leur apparition. Ces récits leur ont permis de décrire leur vie dans le christianisme mais aussi les conditions dans lesquelles ils se sont convertis. Ainsi, l’effectif relativement restreint de ces informateurs n’a nullement affecté la qualité des informations fournies. Les chrétiens choisis ont été représentatifs de toute la communauté sur la période 45 Cf. Voir guide d’entretien Annexe I-1, p. 306. Cf. Annexe I-2. Voir guide d’entretien Annexe I-1, p. 306. 47 Voir Guide d’entretien, Annexe I-1, p. 306. 48 Comme le remarque F. de SINALY, La différence fondamentale entre l’entretien semi-directif et le questionnaire se situe dans les façons de procéder au double mouvement de conservation/élimination. Dans l’entretien, c’est surtout la personne interrogée qui est maîtresse de ce choix alors que, dans le questionnaire, l’individu qui répond le fait dans un cadre fixé à l’avance par le spécialiste. L’entretien a d’abord pour fonction de reconstruire le sens « subjectif », le sens vécu des comportements des acteurs sociaux ; le questionnaire a pour ambition première de saisir le sens «objectif» des conduites en les croisant avec des indicateurs des déterminants sociaux. 46 Introduction 45 d’étude. Ce type d’échantillonnage nous a été d’ailleurs très fructueux car il aura permis à l’étude d’atteindre efficacement ses objectifs puisqu’avec peu de données de bonne qualité nous étions dans l’obligation de mieux les utiliser et d’en tirer toutes les informations, d’être suffisamment motivé pour aller le plus loin possible. Des entretiens réalisés par nos devanciers nous ont aussi servi. Il s’agit notamment de ceux de Charles Daniel MAIRE réalisés en 1974 auprès d’une cinquantaine de chrétiens protestants de la Côte d’Ivoire. Plusieurs pionniers UEESO-CI avaient été interrogés par ce missionnaire de la MBCI. Certains de ces entretiens ont été intégralement reportés dans son livre 49 qui nous a beaucoup aidé dans la recherche d’informations sur les pionniers de l’UEESO-CI. Il y a aussi des entretiens réalisés par Rubin POHOR dans le cadre de sa thèse sur la contribution des écoles protestantes au développement de la Côte d’Ivoire. C’est quelques extraits de ces entretiens que nous avons pu consulter. Dans nos enquêtes nous nous sommes aussi intéressés à des non chrétiens mais détenteurs d’informations utiles à notre travail. C’est ainsi que nous avons interrogé un tradipraticien dans la région de Danané. Toutes ces démarches nous ont permis de comprendre les différentes méthodes d’installation de la Mission, les relations entre les missionnaires et les indigènes, et les raisons possibles des conversions. Le rôle des détenteurs de pouvoirs traditionnels a été surtout de nous éclairer sur la conception du monde selon les religions et croyances traditionnelles. Les données issues de ces enquêtes sont de deux ordres. Il s’agit de données quantitatives et de données qualitatives. Les données quantitatives concernent les informations numériques ou statistiques 49 Charles-Daniel MAIRE, Dynamique sociale des mutations religieuses : expansion des protestantismes en CI, mémoire de maîtrise Sorbonne école pratique des hautes études, Paris, 1975, 276 p.. 46 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique provenant des enquêtes. Leur analyse nous a permis de faire un bon portrait global de la population 50, de la région géographique et du phénomène étudié. Elle a aussi permis de faire des descriptions de lieux, des portraits de personnes et des précisions de dates. Les données qualitatives consistent en une description détaillée de situations, d’événements, d’interactions, de citations directes de personnes à propos de leurs expériences, leurs attitudes, leurs convictions et leurs opinions, et d’extraits ou de passages intégraux de documents, de correspondance, de dossier et d’exemples. Les données qualitatives sont recueillies à titre de narrations libres. Une analyse qualitative de ces données nous a permis d’apprécier efficacement les différentes opinions et les convictions des interrogés. En plus des enquêtes, nous avons effectué des lectures dans plusieurs bibliothèques et archives. Nous avons lu et exploité plusieurs travaux : thèses, journaux, ouvrages, mémoires, sans oublier les archives. Nous avons passé des jours et des jours dans les bibliothèques publiques d’Abidjan : bibliothèque centrale de l’Université de Cocody 51, bibliothèque de l’ex-flash 52, celles du CERAP 53, du Centre Culturel Français, de la FATEAC (Faculté de théologie de l’alliance chrétienne), du CAC, les bibliothèques catholiques de l’UCAO, de la paroisse de Korhogo et de Tengrela 54… Nous avons aussi effectué des lectures dans des bibliothèques privées dont celle de Daniel BOURDANE où nous avons trouvé des ouvrages intéressants d’histoire de l’Église et de la Mission. Dans celle 50 Il s’agit surtout de l’appartenance ethnique des chrétiens UEESO-CI. C’est le plus important centre de documentation de l’Université de Cocody CI. Mais ces derniers temps, il est en état de dégradation très avancé. 52 Dans cette bibliothèque se trouvent la plupart des mémoires et thèses soutenue dans les départements de l’ex-flash (faculté des lettres arts et sciences humaines). 53 C’est l’un des centres de documentation les plus riches et les plus complets d’Abidjan. 54 Dans les bibliothèques catholiques de Korhogo et de Tengrela, nous avons trouvé des documents très importants. Ce fut une belle surprise. 51 Introduction 47 du pasteur GOUENTOUEU, nous avons exploité des livres de théologie et plusieurs rédactions de fin de formation des pasteurs UEESO-CI. La bibliothèque privée du pasteur KAYA Rodrigue nous a fourni des ouvrages de théologie et de sociologie et celles du pasteur KEO Kognon 55 et du pasteur Jean-Claude TANOH nous ont permis d’avoir accès à d’importants documents de méthodologie. Une autre source de nos informations est constituée des documents d’archives pour compléter les enquêtes et les lectures d’ouvrages. Nous avons donc consulté des archives publiques et privées. Par archives publiques nous entendons les documents des Archives nationales de Côte d’Ivoire. Les séries EE (affaires politiques) et G (affaires administratives) ont permis de réunir des informations sur les pionniers africains tels que HARRIS et HAYFORD, précurseurs de la Mission Biblique et de comprendre les relations entre l’administration coloniale et ces prédicateurs sujets britanniques 56. Le docteur Célestin KOUASSI nous a aussi prêté de nombreux documents des Archives de l’AOF et du DEFAP. Ces documents composés de décrets, de lettres, de confidences etc., nous ont permis de mieux comprendre les rapports entre les missionnaires protestants et l’administration, mais surtout de comprendre les rapports entres les différentes missions elles-mêmes. M. Jean-Claude REYNAUD, président du comité de la M.B.C.I, nous a fait parvenir par voie électronique des documents importants notamment le numéro spécial de « l’appel de Côte d’Ivoire Haïti » d’octobre 2003 qui fait l’historique des rapports entre la Mission Biblique et l’UEESO-CI. Il nous a aussi recommandé le site de la Faculté Libre de Théologie Évangélique sur lequel nous avons découvert une documentation très riche sur l’Histoire de la Mission. Tous les 55 Dans cette bibliothèque privée, nous avons trouvé des ouvrages de méthodologie d’histoire et surtout des documents d’histoire de la Mission. 56 C’est grâce à ces derniers que le protestantisme a pu s’implanter en Côte d’Ivoire. 48 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique numéros de la revue Fac-Réflexion y sont téléchargés et constituent une base importante de sources imprimées. Nous avons aussi consulté les archives nationales de l’UEESO-CI et celles de la région de Daloa. Dans ces archives nous avons découvert des procès verbaux des Assemblées générales et autres rencontres de comités, des lettres, des décisions et beaucoup d’autres documents qui nous ont fourni des informations sur la période de l’Église autonome. Les archives personnelles du pasteur GOUENTOUEU permettent de découvrir des documents relatifs à la pratique religieuse à l’UEESO-CI. Celles du pasteur LOH Michel renseignent sur le processus d’implantation de l’UEESO-CI. Au total, les documents consultés sont de diverse nature. Cela nous amène à les regrouper en deux catégories. Les sources fondamentales et les documents d’intérêt général. Les sources fondamentales sont constituées des documents traitant typiquement de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire ou de l’UEESO-CI ou encore des deux. Elles sont souvent d’origine missionnaire ou émanant des pasteurs et responsables UEESO-CI. Les documents d’intérêt général sont constitués des ouvrages traitant de l’histoire des religions. Mais qu’en est-il du traitement des informations récoltées ? Cette question nous parait capitale en ce sens que la clarté et la crédibilité d’un travail scientifique et de surcroit d’histoire dépend de la bonne utilisation des informations fournies par les sources. En Histoire, il est avéré que nos constructions sont des reconstructions et pour cela, seul l’esprit critique peut permettre à l’historien de reconstituer au mieux, le passé. Dans le cas de cette étude, les données sont constituées en grande partie de sources orales. Elles ont été recensées auprès des acteurs aux origines et convictions diverses et souvent divergentes. Chaque information fournie traduit un point de vue, un jugement, une prise de position. Face à cette subjectivité favorisée par l’atmosphère de crise et Introduction 49 de méfiance qui prévalait à l’UEESO-CI au moment de l’enquête, il nous fallu adopter une méthode de traitement cohérente en vue d’obtenir la vérité recherchée. Etant donné que ce sont les mêmes questions qui étaient posées à tous les informateurs, nous avons croisé les réponses fournies en tenant compte de la sensibilité idéologique, du niveau d’instruction et de l’appartenance ethnique de chaque informateur. Tous ces éléments étaient nécessaires pour la validité d’une information. A côté des sources orales nous avons utilisé des sources d’archives. Comme nous l’avons précisé plus haut, ces informations proviennent de fonds d’archives divers : archives publiques 57, archives d’origine missionnaires et archives de l’UEESO-CI. Les informations issues des archives publiques ont été confrontées à celles fournies par les archives missionnaires pour comprendre les rapports entre mission chrétienne et administration coloniale et aussi éclairer le contexte historique dans lequel s’est faite la naissance de la MBCI. Les sources missionnaires ont la particularité de fournir des informations très souvent subjectives : regard dépréciatif sur les noirs, apologie de la mission, mutations sociales grâce à l’œuvre missionnaire. Pour mieux évaluer ces informations, il nous a fallu replacer chaque événement rapporté dans son contexte historique. Les sources provenant des archives de l’UEESO-CI traitent le plus souvent de deux questions essentielles : projet d’expansion de l’évangile et crise. Les procès verbaux des rencontres sur les crises rapportent des débats houleux qui n’offrent souvent aucune possibilité de règlement. Pour en savoir plus sur les crises, il nous a fallu confronter les différentes positions des protagonistes et apprécier les questions au cœur des débats tout en considérant les réalités sociales et économiques de la période concernée. 57 Nous faisons allusions aux Archives d’AOF et aux Archives nationales de Côte d’ivoire. 50 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Les données issues des lectures nous ont surtout permis de comprendre et d’éclairer certaines thématiques, de fournir des informations générales sur l’histoire de l’Église dans sa généralité, et de traiter toute autre question entrant dans le cadre de cette étude. Quant aux images faites au cours de nos recherches et annexées pour la plupart à ce document, elles sont la preuve que nous avons fait une étude de terrain et permettent de rapprocher le lecteur de ce qui lui est décrit. Notre sujet est complexe. Par conséquent, il touche forcément d’autres disciplines telles que la théologie, la sociologie, l’anthropologie, la géographie… Cette configuration nous impose une démarche interdisciplinaire. Ainsi, empruntons-nous différentes techniques utilisées en sciences humaines. Nous avons consulté des travaux de théologiens, de sociologues et d’anthropologues. Au niveau de la théologie par exemple, l’approche missiologique nous a permis de comprendre l’évolution de la dynamique de la mission chrétienne depuis ses origines jusqu’à nos jours et de comprendre les grands changements de paradigmes intervenus. Cela nous a permis de mieux comprendre que la MBCI était avant tout une « Faith Mission » 58, ce qui explique ses difficultés à ses débuts. Cette approche nous a aussi permis de comprendre que le processus d’occupation de la Côte d’Ivoire par les missions protestantes était lié à une philosophie missionnaire dont les effets n’ont pas été toujours positifs pour l’Église Africaine. A ce sujet, le travail remarquable du théologien sud-africain David BOSCH (La dynamique de la Mission chrétienne) et le plus récent ouvrage du Malgache SOLOMON Andria 59 constituent des outils importants pour l’historien des religions. Par ailleurs, la théologie tente de raisonner devant le « fait Dieu » entrevu de façon interne, subjective, engagée, soit en tant que sujet croyant et à partir d’un texte référent donné et établi. Cette subjectivité dont jouit le théologien s’est imposée 58 Expression empruntée à SOLOMON Andria. SOLOMON (A.), Église et mission à l’époque contemporaine, Yaoundé, éditions Clé, 159 p. 59 Introduction 51 à nous lorsqu’à certains moments nous avons dû nous dépouiller de notre manteau d’historien pour plonger au plus profond de la mentalité chrétienne pour en retirer les éléments nécessaires pour la compréhension de certains aspects de notre sujet. A la géographie, nous avons emprunté les techniques de représentation, notamment les graphiques et des informations sur le milieu naturel de notre champ d’étude. En effet, les données statistiques issues des recherches en archives, pour être plus expressives, ont été converties en graphiques qui ont pour vocation de faciliter une meilleure lisibilité de l’évolution d’un phénomène. L’Anthropologie religieuse a permis de comprendre les croyances des peuples de notre champ d’étude et leurs réactions face au message chrétien. La compréhension des notions telles que religions traditionnelles, fétichisme, ancêtres, notions utilisées généralement en Anthropologie et en Théologie, a été rendue possible grâce au dictionnaire propre aux deux sciences. Nous avons apprécié le sens donné à chacune d’elles et quand cela s’imposait, procédé à une redéfinition qui nous paraissait plus adaptée. Des travaux 60 d’anthropologues ivoiriens tels que Raphaël GNALY , ont éclairé plusieurs aspects des religions traditionnelles des peuples concernés par cette étude. A la sociologie, nous avons emprunté les techniques d’enquête et les méthodes de traitement des données issues de ces enquêtes. Des travaux de sociologues, tel que celui de Laurent Amiotte-Suchet 61, qui exposent clairement les différentes étapes d’une enquête en milieu religieux restent une référence en la matière. 60 GNALY (R.), Anthropologie religieuse africaine, le cas du Gluzile bhete de la Côte d’Ivoire, Man, juillet 1985, 226 p.. 61 AMIOTTE-SUCHET (L), Pratiques pentecôtistes et dévotion mariale : Analyse comparée des modes de mise en présence du divin, Thèse de Doctorat en sociologie des religions, Paris, E.P.H.E, 2006, 843 p. 52 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’analyse de ces documents lus et consultés nous a permis de bâtir notre raisonnement autour de trois axes essentiels. Le premier axe intitulé « Phases et méthodes d’implantation 1913-1982 » traite du processus d’implantation de cette Église. Elle aborde en deux chapitres la pénétration du christianisme et particulièrement du protestantisme dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Le premier chapitre qui couvre la période missionnaire (1913-1962), présente d’abord les acteurs, à savoir, les pionniers typiquement africains, William Wade HARRIS et Marck Christian HAYFORD, les missionnaires européens et les évangélistes constitués d’auxiliaires indigènes. Ensuite, il analyse les méthodes employées pour atteindre cet objectif, et enfin il en présente un bilan. Il s’agit de voir le nombre de convertis et l’expansion géographique de l’Église. Le second chapitre fait une analyse critique de la période post missionnaire en évaluant les efforts de continuation de l’œuvre d’expansion, notamment les stratégies d’évangélisation et tout autre facteur ayant contribué à accroitre de manière significative les effectifs des fidèles. Le deuxième axe intitulé « La rencontre entre religions locales et christianisme dans le sud-ouest ivoirien » analyse profondément la rencontre entre le christianisme et les valeurs traditionnelles locales. Il comprend lui aussi deux chapitres dont le premier insiste sur cette rencontre en présentant l’univers religieux traditionnel en y identifiant les éléments qui constituent des pierres d’attente ou d’achoppement au succès de l’évangile. Etant donné que les croyances locales qui constituent le « ciment social » de la société traditionnelle sont présentées par les missionnaires comme des superstitions qu’il faut nécessairement bannir et remplacer par l’évangile, quelle attitude les populations adoptent-elles face à ces missionnaires et aux convertis ? Ensuite, il est question de relever les raisons des conversions malgré tout. Pourquoi les populations autochtones adhèrent-elles à la nouvelle Introduction 53 religion malgré les divergences ? Quels appâts les missionnaires utilisent-ils pour attirer ces populations ? Le second chapitre essaie d’identifier les moyens mis en place pour édifier le peuple de Dieu. Il s’agit notamment d’identifier les différents programmes de formation destinés au peuple de Dieu et aux pasteurs locaux. Le troisième et dernier axe a pour titre « La vie nouvelle du peuple de Dieu : la difficile nouvelle naissance des croyants Dan et Wê et schisme dans l’Église ». Cette partie comporte trois chapitres consacrés à une analyse critique de la pratique religieuse des chrétiens UEESO-CI. Le premier aborde le degré d’engagement des chrétiens UEESO-CI dans la vie de leur Église. Le deuxième chapitre révèle l’existence d’une grave rivalité entre les Dan et les Wê au sein de l’Église, traduisant une insuffisance de la conversion des membres de ces deux ethnies. Le dernier chapitre présente la grave crise doctrinale survenue à l’UEESO-CI et qui a provoqué le schisme de 1982. Il essaie d’en identifier les causes, les manifestations et son impact sur l’unité de l’Église. PREMIÈRE PARTIE 1 PHASES ET MÉTHODES D’IMPLANTATION DE L’UEESO-CI (1913-1982) L’implantation de l’UEESO-CI a été le résultat final d’un long processus qui a débuté en 1913 et s’est étendu sur deux périodes. La première est la phase missionnaire qui part de 1913 à 1962. Elle est née de l’aventure missionnaire de deux prédicateurs africains : William Wade HARRIS et Marck Christian HAYFORD, dans la colonie de Côte d’Ivoire. Cette aventure a eu pour conséquence l’arrivée d’un couple de missionnaires protestants qui s’installe dans le sud-ouest de la colonie. Aidés par les premiers convertis, ils mettent en place des stations missionnaires et des Églises dans les différentes localités de leur zone de juridiction. En 1962, la fusion de ces différentes Églises donne naissance à l’UEESO-CI, marquant ainsi la fin de cette première phase. Qui sont les principaux acteurs de cette période et quelles méthodes ont-ils adopté pour parvenir à implanter cette communauté ? La seconde phase démarre vers la fin de la première moitié du XXème siècle. A cette période, le vent d’émancipation qui souffle sur les colonies n’épargne pas l’Église. Ainsi, après les indépendances politiques, il était désormais question de l’indépendance de l’Église. A partir de 1962, la M.B.C.I se trouve alors dans l’obligation de passer le relai aux pasteurs et évangélistes locaux appelés désormais à gérer 56 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’Église et à poursuivre l’œuvre d’évangélisation entamée par les missionnaires. Cette phase se poursuit jusqu’en 1982, date à laquelle éclate une crise doctrinale qui occasionne le premier grand schisme dans l’Église. Quels sont les facteurs de cette responsabilisation des frères Africains ? Comment l’œuvre d’évangélisation évolue-t-elle sur cette période ? Telles sont les différentes questions auxquelles nous essaierons de répondre dans cette première partie de notre travail. 2 LA PHASE MISSIONNAIRE 1913-1962 Pour atteindre ces pays dont le Christ est absent, dont le Christ est parti, il faut prendre la route. Il n'y a pas de mission sans départ, pas de mission sans franchir la frontière chrétienne où nous sommes. Il faut partir de l'endroit où est Dieu pour aller là où Dieu n'est pas. Il faut partir aussi authentiquement que pour aller au Gabon ou aux Indes. Les pays où il nous faut aller ont leurs langues, leurs coutumes, leurs idoles. Pour y pénétrer nous devons laisser chez nous : la langue, la coutume, les idoles de notre pays. C'est toujours le départ du chrétien que nous sommes, hors de lui-même. Il y a un lieu qu'il faut toujours quitter, c'est notre lieu chrétien : qu'il soit seulement nous ou tout un noyau social. Ce départ est à la fois un départ de tout nous-mêmes et une adoption de tout nous-mêmes par le milieu qui va nous recevoir ou par ce milieu dont nous faisons partie sans une réelle fusion. C'est pourquoi il y aura pour nous des routes de toutes les longueurs et 62 de tous les genres . Comme son nom l’indique, cette phase est caractérisée par l’action missionnaire. Au cours de cette période, l’œuvre d’évangélisation est 62 Soirée œcuménique « Un témoin de foi », Chatou, 1 décembre 2005. M. DELBREL présenté par le père Dominique BARNERIAS. 58 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique entreprise et menée par les missionnaires blancs 63 qui arrivent sur les traces de précurseurs africains. Ils sont aidés dans leur tâche par des évangélistes ivoiriens. Ce chapitre de notre travail a pour but de présenter les principaux acteurs de cette période tout en indiquant pour chacun le rôle joué. Il envisage aussi analyser les différentes méthodes d’implantation d’Églises puis d’en évaluer les résultats. 2.1 Les pionniers (1913-1927) Il s’agit de ceux qui ont commencé l’œuvre d’implantation de l’UEESO-CI. Il est certes vrai que plusieurs missionnaires et évangélistes ont contribué avec dévouement à l’action missionnaire à la base de la naissance de l’UEESO-CI, mais nous nous intéresserons ici à ceux qui furent les premiers à s’engager dans l’œuvre et dont le témoignage a attiré les autres. Nous présenterons dans un premier temps les précurseurs, dans un deuxième temps les premiers missionnaires blancs et dans un troisième temps le premier vecteur d’exportation de l’évangile dans l’arrière pays. 63 Il est nécessaire de souligner que l’évangélisation de l’Afrique et particulièrement de l’Afrique noire n’a pas vite constitué une véritable préoccupation pour les missionnaires. Cette négligence a poussé Marion De BRESILLAC à lancer cet appel : « Depuis trois siècles les missionnaires de l’Europe passent devant l’Afrique, la contournent presque en entier pour se rendre aux Indes, en Chine, au Japon et aucun d’entre eux n’a songé aux pauvres Noirs. L’Europe ne leur a envoyé jusqu’ici que l’odieux négrier, le marchand rapace et le soldat obligé de les châtier, elle leur doit le missionnaire, ministre de charité et de bonté. » Monseigneur De Marion BRESILLAC, cité par GUILCHER, in Qu’est ce qu’un prêtre des Missions Africaines de Lyon ? 1994, p. 4. Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, il faudra noter que les missionnaires catholiques avaient entrepris une première tentative d’évangélisation à partir de 1637 qui s’était soldée par un échec. C’est véritablement à partir de 1895 que l’action missionnaire prendra forme avec l’arrivée des Pères des Missions africaines (voir à cet effet, Ernest Gnangoran YAO BI, Côte d’Ivoire, un siècle de catholicisme, Abidjan, CERAP, 2009, p. 15). Quant aux missions protestantes elles s’implanteront plus tardivement après la brillante croisade du prophète libérien William Wade HARRIS (1914-1915). La phase missionaire 1913-1962 59 2.2 Les précurseurs (1913-1925) 2.2.1 William WADE HARRIS (1913-1915)64 William WADE HARRIS peut être considéré comme le pionnier voire le père du protestantisme en Côte d’Ivoire. Il est l’épicentre de toutes les missions protestantes 65 qui se sont installées dans cette colonie et a favorisé d’une manière ou d’une autre l’implantation ou l’extension de chacune d’elles. Sa mission qui s’étend sur 18 mois va bouleverser considérablement l’univers politique, économique 66 et religieux de la jeune colonie de Côte d’Ivoire à tel point que l’administrateur colonial, le Capitaine Paul MARTY l’identifie à un : « (…) fait religieux presque incroyable qui a bouleversé toutes les idées qu’on se faisait sur les sociétés noires si primitives si rustiques de la Côte et qui sera (…) l’événement politique et social le plus considérable de dix siècles d’histoire passée présente ou future de la Côte d’Ivoire maritime. 67 » Qui est Wade HARRIS et comment a-t-il favorisé la naissance de la Mission Biblique qui fait objet de notre étude ? 64 Cf. Annexe II-1, p. 317. Il a aussi joué un rôle très important dans l’expansion du catholicisme en Côte d’Ivoire. 66 L’impact politique et religieux du mouvement harriste est relevé par JeanPierre DOZON. Pour lui HARRIS un : « … personnage-événement qui bouscule l’histoire et la victoire des conquérants en substituant à un affaiblissement généralisé du monde indigène les rudiments d’un espace publique ivoirien. A lui seul il investit une époque passablement troublée par une productivité inespérée c’est-à-dire un grand miracle de grande envergure dont on peut dire qu’il anticipe de quelques décennies une Côte-Ivoire prospère devenant dès les années 1930-1940 le fleuron de Afrique Occidentale Française ». Cf. JeanPierre DOZON, La Cause des prophètes Politique et religion en Afrique contemporaine, Paris, Seuil, 1995, 74. 67 Paul MARTY, Etudes sur l’Islam en Côte Ivoire, Paris, Leroux, 1922, p. 13. 65 60 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Photo 1 : Williams Wade HARRIS un pionnier du christianisme ivoirien Source : Jeanne DECORVET, Les Matins de Dieu, Paris, la Mission Biblique en Côte d’Ivoire, 1977, p. 19. La phase missionaire 1913-1962 61 Le prophète 68 William Wade HARRIS est né vers 1860 dans le village Glebo Nyomoye de Globale à Cape Palmas au sud-est du Libéria, et est mort en 1929 69. Sa mère était probablement chrétienne (méthodiste) et son père « païen » selon HARRIS lui-même 70. Jusqu’à 1873, il passe son enfance à Globale, Cape Palmas, où il est témoin de plusieurs faits marquants : disputes entre divers groupes Glébo, tensions et guerres entre les habitants de la colonie Grebo, conflits entre modèles religieux chrétien et traditionnel, entre le village et la « civilisation » nouvellement apportée des États-Unis par les 71 Américo-libériens . En 1873, HARRIS, part pour Sinoe (Grennville) pour résider chez son oncle John Lowrie, un chef de district, maître d’école et serviteur de Dieu méthodiste. Wade fréquente l’école locale et apprend à lire en G’debo et en Anglais. Il est baptisé par son oncle. C’est à partir de ce moment qu’apparaissent les noms de William et 72 HARRIS . A partir de 1879, HARRIS travaille en qualité de « kruboy » et effectue des voyages en mer comme ouvrier sur le bateau. Deux années plus tard il revient à Cape Palmas où il est converti suite à l’appel du révérend Thompson qui prêchait à partir d’apocalypse 2 v 5. A ce moment, « le Saint Esprit vint sur moi » et « l’année même de ma 68 Le titre de « prophète » appliqué à William Wade HARRIS vient du fait que comme la plupart des personnages charismatiques fondateurs d’Église, il se reconnaît comme « envoyé de Dieu » et dit avoir reçu sa mission de Dieu. Il s’appuie ensuite sur la Bible dans son enseignement. La persécution dont il est victime dans son parcours ainsi que les miracles et divers prodiges accomplis viennent confirmer enfin cette vocation prophétique dans laquelle il s’inscrit. 69 David SHANK, Prophet HARRIS, « the black Elijah », cité par James KRABILL, Nos racines racontées, Abidjan, PBA, 1996, p. 148. 70 Idem. 71 David SHANK, Prophet HARRIS, « the black Elijah », cité par James KRABILL, Nos racines racontées, Ibid. 72 Il est important de souligner que l’origine de ces noms reste incertaine. Ibid. 62 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 73 conversion, je me mis à prêcher » . En 1885, il marie Rose Bedo Wledo FARR, fille d’un maître d’école épiscopalien. En 1888, il est confirmé comme membre de l’Église et devient employé de la mission. De 1892 à 1899, il joue les rôles de moniteur adjoint, catéchiste, prédicateur laïc etc. Il devient aussi interprète des 74 Glebo auprès des autorités politiques du pays . En 1909, accusé d’avoir participé à un coup d’État manqué, il est condamné à deux ans de prison et à une amende de 500 dollars. Son amende payée, il ne fait pas la prison. Mais en 1910, suite à l’éclatement de la guerre entre le gouvernement et les Glebo, HARRIS est 75 emprisonné . Là-bas, il passe beaucoup de temps à lire la Bible et à prier. C’est alors qu’il reçoit une vision : Un « homme debout derrière lui », l’Archange Gabriel selon lui-même, lui ordonnant d’aller « évangéliser ses frères sur la côte », le revêtant de l’Esprit et d’une grande puissance contre les fétiches. Le récit de cette vocation nous est connu grâce à ses témoignages et notamment à un entretien avec le Père Joseph HARTZ, 76 supérieur intérimaire de Bingerville . Il décrit ainsi sa vision : « Je suis prophète, au-dessus de toute religion et affranchi du contrôle des hommes. Je ne relève que de Dieu par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Il y a quatre ans – c’est-à-dire en 1910 –, je fus éveillé brusquement durant la nuit. Je vis l’ange protecteur sous une forme sensible au-dessus de mon lit. Par 73 Propos d’HARRIS rapporté par David SHANK et cité par James KRABILL Nos racines Racontées, Abidjan, 1995, p. 149. HARRIS réalise un ministère de prédication bénévole rendu possible par son propre travail de maçon et par un travail journalier en tant qu’ouvrier dans les mines d’or de l’ouest de la Gold Coast. 74 Voir James KRABILL, op.cit, p. 149. 75 David SHANK, cité par James KRABILL, op.cit, pp. 148-150. 76 La Guerre de 1914-1918 a, en fait, mobilisé un grand nombre de prêtres en service en Côte d’Ivoire. Le Père Joseph HARTZ alors supérieur de GrandBassam sera ainsi appelé à venir assumer l’intérim du supérieur de Bingerville. C’est ce qui lui vaudra de recevoir la visite de Harris vers octobre 1914. La phase missionaire 1913-1962 63 trois fois il me frappa le sommet de la tête et me dit : "Je te demande le sacrifice de ta femme. Elle mourra mais je t’en donnerai d’autres qui t’aideront dans l’œuvre que tu dois fonder. Ta femme te remettra, avant sa mort, six shillings ; ce sera ta fortune ; tu passeras partout. Ils ne te manqueront jamais. Je t’accompagnerai partout et te révélerai la mission à laquelle te destine Dieu, le Maître de l’univers que les hommes ne respectent plus" » 77. En 1912, après sa libération, WADE HARRIS s’est mis à évangéliser ses compatriotes. Mais sa mission parmi les siens ne connut pas un grand succès. En 1913, il alla dans la colonie de Côte d’Ivoire 78 où il exerça un charisme prophétique conformément à sa vision. Ni les aléas de la nature encore très hostile dans cette région de l’Afrique, ni les pouvoirs mystiques qui exerçaient une domination sans partage, ne purent l’empêcher de proclamer le message chrétien dans cette colonie française en pleine période de pacification. Voici comment J. GNALEGA peint l’univers qui accueille le prophète HARRIS en Côte d’Ivoire : « Le manque de voies et de moyens de communication, les épidémies meurtrières des maladies tropicales, la nature sauvage, mystérieuse, partout maîtresse et écrasante, maintenant l’homme sous l’esclavage et dans la peur perpétuelle des esprits mauvais, le règne des sorciers par la terreur, le secret, le poison, la magie noire. (…) C’est dans un tel monde abandonné de Dieu qui s’est retiré bien haut dans le ciel, (...) qu’intervient un 77 René BUREAU, Le prophète de la lagune. Les harristes de Côte d’Ivoire, Paris : Karthala, 1996, p. 10-11. 78 Notons que le contact de HARRIS avec les côtes ivoiriennes ne date pas du temps de son ministère prophétique. Bien longtemps avant, pendant qu’il travaillait comme kruboy, il a effectué des voyages au Gabon avec des escales en Côte d’Ivoire et en Gold Coast dans les points suivants : Half Jack, Grand Bassam, Assinie, Adaffia, Cape Coast, Winnebah, Accra. Cf. James KRABILL, Nos racines racontées, op.cit. p. 149. 64 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique homme comme HARRIS, Jean-Baptiste annonciateur des temps nouveaux, ceux des missions et de Jésus-Christ » 79. Son action qui s’étendait tout le long de la côte ivoirienne était une révolution religieuse. HARRIS sillonna successivement presque tous les peuples côtiers de la Côte d’Ivoire. Carte 1 : Itinéraire du prophète Harris en Côte-d’Ivoire et en Gold Coast 1913-1915 Source : Hippolyte MEL GBADJA, « Le Harrisme en France », in L’arbre à Palabres n°13 - Mai 2003, pp 14-27. p26. C’est d’abord parmi les Krou, précisément les Kroumen qu’HARRIS commence son ministère. Par la suite, il visite les pays Neyo, Brignan, Ahizi, Alladjan, Adioukrou, Nzima et Ebrié avant d’aller en Gold Coast 79 Jeanne DECORVET, Les Matins de Dieu, Paris, la Mission Biblique en Côte d’Ivoire, 1977 ; Préface de J. GNALEGA, p. 5. La phase missionaire 1913-1962 65 où il évangélise les Fanti. Le surgissement d’un évangéliste d’une telle envergure était d’autant plus étonnant qu’il ignorait aussi bien le français que les langues locales et devait être traduit de l’anglais « Pidgin ». L’administrateur français Gaston Joseph a écrit à son sujet : « Le prophète incitait les indigènes au travail, à l’obéissance envers l’autorité. Il défendait l’abus de l’alcool. Il tolérait la polygamie et s’élevait contre l’adultère. Il interdisait le vol. Il demandait de considérer le dimanche comme jour de repos et de recueillement 80. Il promettait un au-delà merveilleux à ceux qui suivaient ses préceptes, et, par le baptême, assurait à ses prosélytes qu’il les purifiait 81… » Le prophète HARRIS se gardait de toute ingérence politique et était très désintéressé par le bien matériel. En effet, selon André Roux : « Tous les témoignages concordent sur un point : c’est qu’il n’a jamais cherché à tirer un profit personnel quelconque en argent ou en prestige. Acceptant seulement l’accueil que l’Africain offre toujours à ses hôtes, nourriture et logement en particulier, il s’est montré d’une simplicité, d’une discrétion totale. Jamais chez lui la moindre trace de syncrétisme, ni de complexe radical 82. » Du Temps de la prédication harriste, nombreux furent ses adeptes qui se rendirent coupables de faire payer en espèces leurs services religieux : « Un homme prenait 50 centimes par baptême : HARRIS l’a maudit et il est parti vers la mer sans jamais revenir ». Lorsque 80 HARRIS avait énormément insisté sur le repos du dimanche au point que son insistance avait indisposé les employeurs européens et avait hâté en partie son expulsion. Cf. Bureau René, Le prophète Harris de la lagune. Les harristes de Côte d’Ivoire, Paris-Karthala, 1996, p. 97. 81 Joseph GASTON a étudié le prophète HARRIS dans son livre, La Côte d’Ivoire, le pays, les habitants, Paris, Larose, 1917, p. 160ss. 82 André ROUX, A l’ombre de la grande forêt, Paris, le cerf, 1971, p. 31. 66 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique le prophète fut emprisonné à Bingerville pour la première fois, le commandant reconnut son erreur ; il lui dit : "Combien veux-tu être payé ?" HARRIS répondit : "Ce n’est pas la peine, Dieu me donne tout." On raconte que lors de la visite de DAGRI et de AHUI à HARRIS en 1928, le prophète leur aurait dit : "J’ai vu le pasteur Benoit, mais je crains les problèmes d’argent : c’est du commerce, Dieu ne le veut pas 83." » HARRIS aurait dit souvent également : « Celui qui connait les 84 plantes doit soigner gratuitement sans demander un sou » . Un père catholique qui l’avait particulièrement connu écrivit : « Il ne demandait rien, n’acceptait rien. Il refusa de ne s’attacher à aucune secte ou église, mais avec autant de force que d’insistance, il demandait à ses adeptes de s’affilier à une 85 église pourvue qu’elle soit chrétienne . » Il prêchait le monothéisme, le jugement et la repentance, à la manière des prophètes de l’Ancien Testament. Beaucoup ont gardé, longtemps après, le souvenir de sa voix tonnante qui commandait aux gens de jeter leurs fétiches, à la façon d’Elie au Carmel, menaçant les récalcitrants du feu du ciel. Il était un orateur-né, s’exprimant dans un langage rude et heurté. Il commençait par proclamer la toute-puissance de Dieu puis invitait ses auditeurs à brûleurs leurs fétiches. Voici un de ses messages, livré à Kraffy en 1913 : « Le Grand Dieu qui a créé le ciel et la terre, Celui dont vos pères vous ont appris le nom, que vos ancêtres adoraient avant que les fétiches diaboliques les aient rendus aveugles et sourds, 83 René BUREAU, Le prophète Harris de la lagune. Les harristes de Côte d’Ivoire, Paris-Karthala, 1996, p. 99. 84 Idem. 85 Echos des missions africaines, février 1930, cité par Pierre. TRICHET, Côte d’Ivoire, les premiers pas d’une Église, Tome 2, 1914-1940, Editions la Nouvelle, Abidjan, 1995, p. 13. La phase missionaire 1913-1962 67 ce Dieu m’a envoyé pour dire que le temps est venu où il veut vous délivrer de la puissance du diable qui vous ruine, vous rend fous et vous tue. Le temps est révolu, le diable est vaincu ici aussi, brulez donc tous vos fétiches, tous vos gris-gris et vos amulettes, et je vous baptiserai au nom de ce Dieu qui est votre père, de son fils Jésus Christ qui est mort pour vos péchés et du Saint-Esprit qui changera vos cœurs. Dans vos villages, on détruira tout ce qui rappelle vos cultes diaboliques, on abattra les arbres sacrés, on détruira les pierres ensorcelées et on adorera Dieu seul, on élèvera des églises où vous vous réunirez pour le prier et recevoir sa loi ; dans chaque église, douze vieillards appelés apôtres veilleront à ce que le village serve Dieu saintement, selon la doctrine contenue dans la Bible et que les prédicateurs laïques enseigneront. Dieu a en abomination l’idolâtrie, l’adultère, le vol, le meurtre, le mensonge et l’ivrognerie. Obéissez au décalogue. Le septième jour, tout la monde observera le repos en l’honneur de Dieu ; en souvenir de l’achèvement de la création et de la résurrection de son fils, notre sauveur, vous prierez Dieu dans vos églises et vous chanterez sa gloire trois fois en ce jour. Tout ce que Dieu, depuis le commencement, a dit aux hommes pour qu’ils obtiennent la justification à ses yeux et la vie éternelle, est écrit dans ce livre, la Bible : c’est là que vous trouverez les enseignements de ses prophètes et de son fils Jésus Christ. Si quelqu’un tombe malade, qu’il confesse ses péchés aux apôtres de son église, lesquels prieront ensuite Dieu pour implorer la guérison. Ayez la foi, ne doutez pas, je parle au nom du Dieu vivant. 68 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Malheur à ceux qui refusent de m’écouter, aux féticheurs et aux païens qui endurcissent leur cœur, à ceux qui raidissent leur cou pour ne point s’humilier ! Malheur à ceux qui sont aveugles parce qu’ils ne veulent pas entendre ! Malheur aux hypocrites, aux menteurs, aux orgueilleux ! Dieu connait les secrets des cœurs et des âmes, il sonde les reins et les entrailles de l’homme, et c’est à lui qu’appartient la vengeance. Choisissez ! Devant vous s’ouvre le chemin de la vie si vous écoutez l’appel du Dieu Tout-Puissant, ou bien les abîmes de la mort et de l’enfer si vous résistez, si vous vous révoltez ! » 86 Il semble qu’avec ces quelques mots, il apportait des solutions au problème omniprésent provoqué par les sorciers et les féticheurs et 87 balayait au loin les esprits traditionnels . La neutralité ecclésiastique d’HARRIS ne dura pas longtemps. Très vite, il se mit à annoncer l’arrivée des « blancs de la Bible » (c'est-à-dire les missionnaires blancs surtout protestants) en avertissant que seule la prédication de ces derniers devrait être écoutée. L’enseignement du prophète était centré sur la Bonne nouvelle du Salut en Jésus Christ, l’Amour de Dieu manifesté par le don de son fils pour sauver l’humanité de son péché. Il précisait que sa grande canne en forme de croix n’avait aucun pouvoir mais n’était simplement qu’un symbole du message du salut en Jésus Christ. Ainsi, la brisait-il souvent 86 Edmond DE BENOIST, En Côte d’Ivoire, missions protestantes d’AOF, Paris, Société des Missions évangéliques, 1931, pp. 15-16. 87 Cette méthode d’évangélisation emprunte beaucoup à celle de Boniface, au VIIIème siècle. En effet, la méthode de Boniface, prêtre anglais, qui a prêché parmi les germaniques, consistait à utiliser des tactiques agressives pour défier les germaniques de leurs dieux. Il détruisait leurs arbres sacrés, démolissait leurs sanctuaires, défiait leurs croyances. Il a construit des monastères et a converti la population locale et les a initié à enseigner la doctrine chrétienne. Cf. Georges Pirwoth ADITO, La problématique du discipolat dans le contexte des stations missionnaires d’Afrique, Université Shalom de Bunia (s/d), République Démocratique du Congo, p. 3-4. La phase missionaire 1913-1962 69 pour prouver qu’elle n’était rien d’autre qu’un simple objet. Il insistait sur l’importance de la Bible qu’il présentait comme parole de Dieu. Sans complaisance, HARRIS, prophète noir en période coloniale, avait concentré tous ses efforts sur la "défétichisation" de la société. Après un an de ministère en Côte d’Ivoire, HARRIS se rendit dans la colonie anglaise voisine de Gold coast 88 où il prêcha pendant quatre mois. En septembre 1914, HARRIS revient en Côte d’Ivoire où il est accueilli par de grandes foules. Mais au début de l’année 1915, à la faveur de la guerre, HARRIS est expulsé de la Côte d’Ivoire par les autorités coloniales, par crainte de soulèvements pouvant être provoqués par ses grands rassemblements et aussi à cause de son usage de la langue 89 anglaise . A huit reprises au moins, HARRIS tente de revenir en Côte d’Ivoire mais il est chaque fois refoulé. Alors qu’il prêchait le long de la côte, de nombreux appels parvenaient de l’intérieur l’y invitant à aller porter l’évangile. Ne pouvant pas s’y rendre lui-même, il envoyait des prophètes mineurs qui 90 ne réalisaient malheureusement pas assez de succès . Des résultats extraordinaires couronnèrent l’action du prophète. Cela inquiéta même le clergé catholique. Voici ce qu’en écrit le père GORJU, dans un bulletin des missions catholiques : « Son influence, fondée sur une remarquable puissance hypnotique et un système d’intimidation effrontée, fut immense. (…) Cet halluciné, doublé d’un charlatan, effectua en quelques mois, ce que nous, prêtres de Jésus-Christ, n’avons pas même pu 88 Actuel Ghana Kéo KOGNON, op.cit, p. 20. 90 La force de la prédication de ces derniers n’égalait pas celle d’HARRIS luimême et les effets n’étaient pas les mêmes pour plusieurs raisons : en effet, ces prophètes mineurs n’avaient pas tous une bonne connaissance de la Bible et n’avaient pas aussi un désintéressement pareil à celui du prophète. 89 70 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique ébaucher en vingt ans, car les moyens qu’il employa, nous étaient à nous, interdits 91 ». Au total, plus de 100000 Ivoiriens brûlèrent leurs fétiches, 92 conséquence de la prédication d’HARRIS ou de ses disciples . Dans toutes les localités évangélisées par le prophète, malgré la brièveté de 93 son ministère, l’évangile est implanté . D’innombrables villages érigèrent de grandes cases de prière en attendant les « Blancs de Dieu ». En 1919, lors de son voyage en Côte d’Ivoire, le Dr. Mark Christian HAYFORD – dont nous parlerons un peu plus bas - se rend compte de l’ampleur du mouvement Harriste et de l’espoir des adeptes dans 91 Cité en partie dans J. BIANQUIS, Le prophète HARRIS, SMEPT, 1924, p. 9, et en partie dans p. TRICHET, op.cit, p. 20. Il est toutefois important de signaler que ce jugement très négatif du père Gorju n’était pas partagé par l’ensemble du clergé catholique. En effet, après le passage du prophète, certains prêtres virent leurs églises se remplir. Une religieuse catholique de Jacqueville, sœur Polyane, raconte en ces termes son expérience : « Il y a trois ou quatre mois à peine, nos populations indigènes étaient encore toutes plongées dans le plus profond paganisme. (…) Tout cet appareil de mensonge vient de s’ébranler sur la parole d’un seul homme se disant prophète, envoyé de Dieu, et prédisant toutes sortes de malheurs à qui ne se rendrait pas à sa voix. Tous les fétiches ont été brûlés ou jetés à la mer. (…) On nous raconte que partout, c’est un changement complet des esprits ! Cela durera-t-il ? L’avenir nous l’apprendra, voilà du moins à quoi nous en sommes ». Cité par p. TRICHET, op.cit, p.9. L’opposition des points de vue de Gorju et de Trichet s’explique par leur attitude respective vis-à-vis du protestantisme. Selon Trichet, Gorju était habité par un anti-protestantisme viscéral. Or le prophète HARRIS était de formation protestante. 92 David SHANK, « Le pentecôtisme du prophète William Wade HARRIS », in Archives des sciences sociales des religions, n°105, 1999, pp. 51- 90. 93 L’étonnant succès de la méthode d’évangélisation d’HARRIS illustre parfaitement la pensée de L. S. Senghor selon laquelle « l’émotion est nègre ». En effet, face au problème à la fois angoissant et stressant de la sorcellerie, problème auquel, les actions des féticheurs n’apportaient point de solution satisfaisante, HARRIS, par la stratégie de la défiance, avait présenté la solution définitive d’autant plus qu’il résistait à la puissance des fétiches qu’il brûlait ou jetait à l’eau. Aussi, la posture étrange du prophète noir ; grand boubou blanc, longue croix de bambou, une grosse Bible en main, la tonalité du message… créaient une grande émotion chez les populations les amenant ainsi à placer une grande confiance en celui-ci. La phase missionaire 1913-1962 71 l’arrivée des « Blancs de Dieu » dont la venue a été prédite par le 94 prophète . Plusieurs Églises laissées par ce dernier étant sans guide, et par conséquent, menacées par un retour au fétichisme. Il parvint à relier quatorze de ces Églises à sa Mission, La Baptist and Church Mission (B.C.M). Mais l’administration coloniale de plus en plus tatillonne ne permettait pas que les cultes soient célébrés en Anglais. Face à l’urgence de la situation et son incapacité à y faire face lui-même, HAYFORD se rend à Paris pour solliciter des missionnaires français. Même si les Églises du Docteur HAYFORD seront très vite récupérées par la mission méthodiste, les zones qui seront plus tard confiées à la MBCI regorgent de nombreux lieux de culte laissés après le passage du prophète HARRIS. Dès leur installation dans le sud-ouest ivoirien, Daniel RICHARD, premier missionnaire de la MBCI, décrit l’état dans lequel ils découvrent ces lieux de culte : « Avec quelle tristesse, je découvre dans plusieurs villages les ruines abandonnées de quelques chapelles qu’avaient abandonné les Neyo (après le passage d’HARRIS)… Des centaines d’idoles avaient été jetées à la mer, des temples en pisée avaient été construits. Hélas !…abandonnés sans conducteurs, menacés du poison des sorciers. 95 » 2.3 Christian Mark HAYFORD (1919-1925) Christian Mark HAYFORD est sans polémique l’un des pionniers du protestantisme en Afrique occidentale. De famille aisée, Mark 94 En 1914, Casel HAYFORD (1866-1930), le frère du pasteur HAYFORD, avocat et homme politique en vue, avait rencontré HARRIS, et, enthousiasmé par le ministère de ce prophète, avait publié une brochure à son sujet : William Wade HARRIS, The West african reformer : the man and his message (C.M. Philips, Londres, 1915) 95 Jeanne DECORVET, les matins de Dieu, La croisade du livre chrétien, La bégude du Mazenc, 2ème édition, 1977, p. 51. 72 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique HAYFORD consacra une partie importante de sa vie à l’évangélisation de cette région de l’Afrique. Basé dans la colonie de la Gold coast où il fonda une mission, il étendit son action à la colonie voisine de Côte d’Ivoire d’où il lança le projet de la création de ce qui deviendra plus tard la Mission biblique en Côte d’Ivoire. Mark C. HAYFORD naquit le 18 août 1864 à Anamabu dans une période assez mouvementée pour 96 toute l’Afrique et plus particulièrement pour la Gold Coast . Sa mère s’appelait Mary Ewuraba Brew. Son nom européen provenait de son arrière-arrièregrand-père RICHARD Brew, un commerçant irlandais qui s’était établi en 1745 à Anamabu. 97 Le père de Mark C. HAYFORD était Joseph de Graft HAYFORD (1840-1919). Ce dernier avait hérité le nom « HAYFORD » de son père et « de Graft » de sa mère. D’après l’usage britannique, Mark Christian 98 HAYFORD portait deux prénoms . Ces noms reflètent également la foi 96 La période à laquelle naquit Christian Mark HAYFORD correspond à la douloureuse période de la création par les Européens des colonies en Afrique. Si avant le XIXe siècle les contacts entre les Européens et les Africains se limitaient à des relations commerciales sur la côte, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, avec la conférence de Berlin, les Européens entreprennent la conquête de l’arrière-pays et procèdent à la création des colonies. Ils nomment la région du Ghana actuel « Côte d’Or » puisqu’ils s’y intéressaient surtout à l’or. Les Portugais, Hollandais, Danois, Britanniques et Brandebourgeois y possédaient leurs propres lieux de commerce qu’ils fortifièrent en « forts ». En 1831, les Britanniques commencèrent à conclure des contrats de protection avec les Fantis, le plus important peuple côtier établi à l’ouest de la Côte d’Or. En 1850, l’administration britannique de la Côte d’Or fut souveraine et Cape Coast devint le siège de « l’administration britannique pour la protection de la Côte d’Or ». Les Britanniques acquirent les lieux de commerce des Danois et Hollandais et en 1874, la Côte d’Or devint officiellement une colonie anglaise avec Accra comme capitale. Tous ces bouleversements politiques, sociaux et culturels se firent sans le consentement des Ghanéens. N’est-ce peut-être pas ce qui va guider l’engagement politique et religieux qui caractérise la vie de HAYFORD ? Cf. Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire pionnier de l’Afrique de l’ouest, Mémoire de maîtrise de théologie, Bonn, 1999, p. 17. 97 Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 16. 98 Idem. La phase missionaire 1913-1962 73 chrétienne de ses parents. Personnellement, il ne se désignait jamais par un nom africain, ce qui est étonnant puisque de nombreux contemporains de la fin du XIXe siècle reprirent leurs noms africains 99 pour souligner la valeur de leur propre culture . Le père de Mark C. HAYFORD appartenait à une famille royale, Mais étant chrétien, celui-ci renonça à cette dignité traditionnelle. Par contre, il était très actif politiquement. En tant que membre de la Confédération Fanti, il lutta pour la promotion de l’instruction des Africains. A ses propres enfants, il donna la possibilité d’une bonne instruction. Ainsi Mark C. HAYFORD fréquenta-t-il la W.M.S « Wesleyan Methodist School » et la W.H.S « Wesleyan High School » à Cape Coast. La famille HAYFORD faisait partie de l’élite intellectuelle de la Côte d’Or qui vivait au contact avec les Européens, mais gardait une attitude critique à leur égard. Les HAYFORD cultivaient des relations d’amitié avec de nombreux nationalistes africains, comme par exemple Edward Wilmot Blyden et Mojola Agbebi. Casely HAYFORD, le frère de Mark HAYFORD, lui-même écrivit plusieurs livres critiques 100 . Selon DECORVET, ce dernier, juriste, ancien étudiant de Cambridge et membre du barreau depuis 1897, était un partisan acharné de l’africanisation des cadres, un précurseur du mouvement « l’Afrique aux Africains » 101 . Il n’était donc pas étonnant que Mark C. HAYFORD participât au mouvement nationaliste et s’engageât au niveau politique. Il était membre fondateur de l’ARPS et accompagna le 28 juin 1912 la délégation de l’ARPS 102 auprès du Secrétaire d’État à Londres. En mars 1920, il assista à la fondation du NCBWA et devint un membre actif de la section d’Accra 99 103 . Ibidem. Stefan SCHMIDT, Mark C. HAYFORD, « un fantôme devint réalité », in les nouvelles d’Emmaüs, n°23, décembre 1998. 101 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 22. 102 Aborigines' Rights Protection Society 103 Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 14. 100 74 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique La vocation de Mark Christian HAYFORD a certainement été favorisée par l’atmosphère familiale. Il est issu d’une famille convertie au christianisme depuis plusieurs générations 104 . Depuis plusieurs siècles, il y avait des chapelains au sein des forts européens de la Côte d’Or. Au début du XVIIIe siècle, Philip Quaque, l’arrière-arrière-grandoncle de Mark C. HAYFORD fut emmené en Angleterre par l’un d’entre d’eux. Après avoir étudié la théologie à Oxford, Philip Quaque fut le premier Africain ordonné pasteur anglican. En 1766, il retourna à Cape Coast et y resta pendant une cinquantaine d’années chapelain et enseignant à l’école du fort 105 . Déjà dans les années 20 du XIXe siècle, la SBB « Société Biblique Britannique » et la « Society for Promoting Christian Knowledge » (SPCK) envoyèrent des Bibles à Cape Coast. Par là naquirent des groupes bibliques parmi les élèves à Cape Coast, Anamabu et Dixcove. Deux grands-oncles de Mark C. HAYFORD participaient activement au groupe biblique SPCK de Cape Coast, William de Graft et Henry Brew. William de Graft acquit en 1833 des Bibles auprès du capitaine britannique Potter qui lui fit même la proposition de faire venir un missionnaire d’Angleterre 106 . Par l’intermédiaire de ce capitaine, la « Wesleyan Methodist Missionary Society » envoya en 1835 son premier missionnaire à Cape Coast. A Anamabu, la ville natale de Mark C. HAYFORD, la première Église méthodiste fut inaugurée déjà en 1839 107 . De nombreux parents de Mark C HAYFORD devinrent pasteurs de la Mission Méthodiste ; son grand-oncle William de Graft, son grandpère James HAYFORD et son oncle Isaac HAYFORD. Son père, Joseph de Graft HAYFORD, fut également pasteur de 1873 à 1888, de même 104 Idem. p. 16. Idem. p. 19. 106 Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 19. 107 Idem. 105 La phase missionaire 1913-1962 75 que deux de ses frères, Ernest James HAYFORD de 1880 à 1882 et Ibinijah H. HAYFORD de 1886 à 1922. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’Église Méthodiste en Côte d’Or s’agrandit considérablement. En 1887, le père de Mark C. HAYFORD était l’unique pasteur à prendre soin de ce district avec 54 lieux de culte totalisant presque 8000 auditeurs. En 1888 Mark C. HAYFORD s’établit à Asaba sur le Niger, à 360 km à l’Est de Lagos où il travailla à la « Royal Niger Company », société à qui le Gouvernement britannique avait confié l’administration du Delta du Niger et du cours inférieur du fleuve. Employé de bureau auprès du tribunal supérieur de cette compagnie, Mark C. HAYFORD fit carrière et arriva au salaire prestigieux de £ 250 par an 108 . Etant donné qu’il n’existait aucune Église méthodiste dans cette région, Mark C. HAYFORD se joignit à la mission anglicane, la « Church Missionary Society » (CMS) et devint dirigeant de culte puis prédicateur. Il profitait de sa situation influente pour aider des chrétiens persécutés. C’est dans cette période que son intérêt pour le ministère pastoral s’accrut considérablement. Pendant son séjour à Asaba, Mark C. HAYFORD maintint le contact avec la Côte d’Or. Quatre années plus tard, il postula auprès de la Mission Méthodiste de la Côte d’Or pour un poste de pasteur. Le Synode annuel du district de la Côte d’Or accepta sa candidature en février 1893. Il résilia alors son engagement auprès de la « Royal Niger Company ». Les trois mois de préavis révolus, il quitta Asaba et resta plusieurs semaines à Lagos où il voulait marier une institutrice. Le 11 septembre 1893, arrivé en Côte d’Or il se rendit à Chama pour diriger l’Église méthodiste 109 . En février 1894 il réussit son examen de candidat et fut accepté par le Synode de District comme vicaire. Pour satisfaire ses exigences 108 109 Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 20. Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 21. 76 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique salariales, le directeur de la Mission méthodiste de la Côte d’Or se déclara prêt à chercher des donateurs privés. Ainsi, Mark C. HAYFORD aurait touché en plus des £ 50/an encore £ 25 110 . Mais comme ses exigences salariales n’étaient pas couvertes, Mark C. HAYFORD porta plainte à l’organe supérieur, la Conférence Missionnaire à Londres. De 1894 à 1897, Mark C. HAYFORD fut le premier pasteur méthodiste dans les mines d’or de Prestea et Tarkwa à environ 60 km au Nord d’Axim 111 . Durant ce temps du vicariat, il passa plusieurs examens de théologie. Pour cela, il dut entre autre étudier les chapitres 1-3 de l’Evangile de Jean en langue grecque. Les fréquents maux de dents lui donnèrent une raison pour se rendre en Europe. Cependant, Dennis Kemp s’y opposait, entre autre à cause du voyage en Angleterre du père de Mark C. HAYFORD en 1888 et qui, à la suite, quitta le ministère de pasteur 112 . Mais Mark C. HAYFORD s’imposa, exigea son salaire durant son absence et partit le 17 juin 1895 pour trois mois en Angleterre. Une des raisons majeures de ce voyage était sûrement le prestige qui en résultait. En 1897, le Synode affecta Mark C. HAYFORD à Appam (entre Cape Coast et Accra) et le proposa comme candidat à l’ordination prévue pour février 1898. Six mois après son affectation, HAYFORD est accusé d’impudicité. Du 02 au 09 décembre un synode extraordinaire fut convoqué pour traiter le problème. Des 87 pages du protocole ressort que Mark C. HAYFORD avait été faussement accusé. Le Synode en vint à la conclusion suivante : « Les frères ont examiné soigneusement la plainte d’impudicité déposée contre vous par Elizabeth Enice et sont venus à la 110 HAYFORD bénéficia de cette faveur pour deux raisons : dans un premier temps parce qu’il avait bénéficié auparavant d’un salaire bien plus élevé et dans un second temps pour apaiser l’ambiance anti-européenne qui prévalait parmi les pasteurs africains. Idem. 111 Ibidem. 112 Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 21. La phase missionaire 1913-1962 77 conclusion unanime qu’elle n’a pas pu corroborer les déclarations extrêmement graves qu’elle avait faites, c’est pourquoi notre sentence doit être non coupable » 113. Lors de ce synode extraordinaire, les membres de l’Église firent d’autres reproches à Mark C. HAYFORD : il aurait par exemple confié des responsabilités à des personnes qui étaient sous discipline ecclésiastique ou n’étaient pas mariées légalement. Mais ce qui avait le plus choqué les délégués du Synode était le fait que Mark C. HAYFORD avait porté plainte contre Elizabeth Enice auprès du commissariat du district. Elle fut arrêtée durant les délibérations. Dès lors, le Synode en vint finalement au verdict suivant : « Nous décidons d’affecter M. HAYFORD immédiatement au district de Cape Coast, de prolonger son stage d’une année et de reporter son ordination en conséquence. 114 » N’étant pas pleinement acquitté, Mark C. HAYFORD fit appel au Synode annuel de Cape Coast. De plus, il encouragea les lieux de cultes environnants à s’investir par écrit en sa faveur auprès de la Mission. Ainsi, les Églises d’Appam et de Mumford prièrent la Mission de ne pas déplacer leur pasteur et de ne pas ajourner son ordination 115 . Une semaine avant le Synode de 1898, Mark C. HAYFORD sollicita la permission pour un deuxième voyage en Angleterre pour des soins dentaires. Toutefois, quelques semaines auparavant, il avait présenté la raison de ce voyage différemment : « J’ai décidé de quitter mon travail et de partir en Angleterre pour trouver une autre Église. » 116 Mark C. HAYFORD espérait toujours qu’on donnerait suite à son appel et qu’il serait ordonné pendant ce Synode. Le 23 février 1898, le 113 Résolutions du synode du 02 au 09 décembre 1897, cité par Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire pionnier de l’Afrique de l’ouest, op.cit, p. 22. 114 Idem. 115 Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire pionnier de l’Afrique de l’ouest, op.cit, p. 22. 116 Cité par Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 22. 78 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Synode de Cape Coast traita l’ordination de Mark C. HAYFORD, mais la rejeta. Immédiatement, il annonça qu’il ferait appel de cette décision auprès de la Conférence Missionnaire à Londres. Le soir suivant, la cérémonie annuelle d’ordination eut lieu mais sans Mark C. HAYFORD. Du 1er au 4 mars 1898 d’autres reproches contre Mark C. HAYFORD furent examinés. La grande question fut surtout de savoir s’il avait lui-même incité les Églises à prendre sa défense. De plus, des rumeurs disaient qu’il voulait fonder une nouvelle dénomination. Finalement on comprit qu’il avait déjà pris contact en 1895 avec la « African Methodist Episcopal Zion Church » lors de son voyage en Angleterre Il devint clair que déjà en ce temps-là, il proposait le schisme. Le synode en vint finalement aux conclusions suivantes : "Plusieurs déclarations du frère HAYFORD au Synode ont été insatisfaisantes et nous regrettons de dire que quelques-unes ont été des mensonges. Décision : Nous recommandons de suspendre le frère HAYFORD pendant deux ans de ses fonctions sous la surveillance de président qui présentera chaque année un rapport spécial." 117 Suite à cette décision HAYFORD annonça trois semaines plus tard sa démission 118 . Il devint prédicateur indépendant et collabora avec d’autres missions sœurs jusqu’en 1913 où il créa sa propre mission, la Baptist and Church Mission. 117 Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire pionnier de l’Afrique de l’ouest, op.cit, p. 23. 118 Selon Stefan SCHMIDT « Ces cinq années de pastorat de HAYFORD au sein de l’Église méthodiste étaient remplies de conflits causés par ses exigences financières qu’il voulait faire passer à tout prix. Sur l’arrière-plan de l’esprit nationaliste d’alors, on comprend mieux sa manière de faire. De plus, son frère Casely était avocat et lui-même avait travaillé pendant cinq ans comme secrétaire de tribunal. De ce fait, il luttait avec tous les moyens légaux pour défendre ses droits. Mais ainsi, les valeurs chrétiennes de l’amour du prochain, de l’altruisme et de la vérité n’ont pas joué. Après cette période tendue, il fonda sa propre dénomination où il était son propre chef. »Idem. La phase missionaire 1913-1962 79 En 1919, informé du grand succès réalisé par le prophète HARRIS dans la colonie voisine de Côte d’Ivoire, il s’y rendit pour entreprendre l’encadrement des fidèles et l’organisation des communautés réparties le long de la côte. Une autre de ses intentions était de poursuivre l’œuvre d’implantation du protestantisme dans la colonie. Le 05 juillet 1919, le lieutenant- gouverneur de la colonie de Côte d’Ivoire adresse un télégramme officiel aux administrateurs de la Basse Côte, autorisant HAYFORD à parcourir certaines régions plus particulièrement la région du sud : « Administrateurs Basse Côte et Ligne. Bassam, Assinie, Lagunes, Lahou, Sassandra, Tabou, Agnéby, N’zi Comoé, Baoulé. J’ai l’honneur de vous faire connaître que M. Mark. C. HAYFORD, (…), fondateur et général superintendant de la "Baptist Church and Mission", membre de la Société royale de Géographie de Londres s’est récemment présenté à moi et m’a informé de son intention de parcourir des visiteurs, en vue de se documenter sur les milieux indigènes, la région de la Basse-Côte et de la voie ferrée. » 119 Mais les conditions d’activités définies par le Lieutenant-gouverneur sont très sévères et peu favorables à l’œuvre d’évangélisation envisagée par le docteur HAYFORD : « M. Mark C HAYFORD, sollicitant, en même temps, l’autorisation de prêcher l’évangile dans les villages qu’il traverserait, je n’ai pas cru devoir lui accorder cette autorisation, en raison du trouble que la prédication d’un étranger, même animé des intentions les meilleurs et se 119 A.N.C.I. 3EE7 (2), Lettre du Lieutenant-gouverneur de la colonie de Côte d’Ivoire aux administrateurs de la Basse côte et Ligne. 80 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique maintenant strictement sur le terrain religieux risquerait de jeter dans l’esprit de nos sujets. Je vous serai reconnaissant de vouloir bien, tout en facilitant dans la mesure du possible, les déplacements de ce sujet britannique, exercer une surveillance attentive et discrète sur ses agissements et vous assurer qu’il respecte l’engagement de ne point prêcher en public qu’il a pris en ma présence » 120 En conséquence de cette disposition, il sera rapidement confronté aux mêmes difficultés rencontrées par HARRIS. Les exigences de l’administration coloniale à l’endroit des prédicateurs d’origine anglaise devenaient de plus en plus nombreuses et insupportables. En effet, à cette période, pour des motifs politiques et surtout pour mieux contrôler les activités des indigènes, l’administration coloniale avait décidé que les messes soient célébrées uniquement en Français. Le 08 juin 1921, dans une note du Lieutenant-gouverneur de la colonie de Côte d’Ivoire transmettant celle du Gouverneur de la Gold Coast relative à une demande du Révérend M. Christian HAYFORD, sollicitant un séjour en Côte d’Ivoire pour visiter les Églises de sa mission, il précise ses intentions à l’égard des pasteurs étrangers : « Je compte n’autoriser l’ouverture d’églises ou d’écoles que si le pasteur, au cas où il serait étranger, parlera et écrira couramment le français et ne tolérera dans les cérémonies du culte que la langue française ou latine (avec) la certitude de (se) servir du dialecte du pays si l’officiant est un autochtone. Je prescrirai en outre aux commandants de cercle de continuer à exercer sur ces prophètes et pasteurs la surveillance la plus 120 Idem La phase missionaire 1913-1962 81 vigilante et la plus active en faisant emploi de tous les moyens légaux pour réprimer leurs abus » 121. En plus des nombreuses exigences de l’administration coloniale, les Églises protestantes et plus particulièrement celles de HAYFORD ont aussi été confrontées aux persécutions de la part des populations indigènes. Le 02 janvier 1920, face à la menace du chef du village de Jacqueville de détruire le lieu de culte de la Mission de HAYFORD, ce dernier lui écrivit une lettre dans laquelle il le mettait en garde tout en se réservant le droit de recourir à l’administration coloniale : « J’ai été très surpris cette après-midi de recevoir une lettre des membres de notre Église protestante (baptiste de Jacqueville) d’une menace que vous leur avez faite. Vous n’avez aucun droit de menacer de détruire leur église parce qu’ils ont aussi de l’argent pour payer le passage d’un pasteur convenable (ayant une famille, chargée de prendre soin d’eux) contre argent en retour. Vous êtes catholiques romains et ils sont protestants mais vous n’avez aucun droit ou autorité de les soustraire ou de les persécuter directement ou indirectement » 122. Au total, en dépit de toutes les pressions, HAYFORD parvint tout de même à rallier à sa « Baptist and Church Mission » des Églises issues de l’œuvre d’HARRIS et probablement à en créer d’autres. En Avril 1921, dans une demande adressée au Lieutenant-gouverneur de la Côte d’Ivoire, il dresse la liste de ses Églises comme le présente le tableau cidessous. 121 A.N.C.I. 3EE7 (3), Lettre N°30 du 08 juin 1921 du Lieutenant-gouverneur de la colonie de Côte d’Ivoire au Gouverneur général de l’AOF. 122 Lettre de Christian HAYFORD adressée au chef de Jacqueville le 02 février 1920. Cf, ANCI 3EE7(3). 82 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Tableau 1 : Les Églises du Pasteur Mark Christian Hayford dans la Colonie de Côte d’Ivoire et leurs responsables en 1921. Églises Responsables Pas (Adjoukrou) YADA Ayensa Débrimon (Adjoukrou) Ishmael Bennet Chacha Walter W. HARRIS Jacqueville (Avikam) MENUBA Guissercha Grand-Lahou (Avikam) Sans pasteur Ewie Sans pasteur Adje Sans pasteur Bokru Sans pasteur Ajakutu Sans pasteur Petit Bassam (Ebrié) Sans pasteur Kruegida Kpekra Koata Fresco (Godié) Kpan Dan Dun Kut Lahou (Dashogo) DUDU Plamay Grand Drewin (Néyo) Kay La phase missionaire 1913-1962 83 Source : Tableau élaboré sur la base de renseignements collectés dans divers documents de la série 3EE7 des A.N.C.I. Ce tableau révèle deux constats : d’abord, ces Églises sont localisées uniquement dans le sud de la colonie, au sein des peuples Adjoukrou, Avikam, Ebrié et Godié. Il s’agit effectivement de la zone sillonnée par le prophète HARRIS entre 1913 et 1915. Cela justifie que HAYFORD est arrivé en Côte d’Ivoire dans l’intention de poursuivre l’œuvre entamée par HARRIS, son prédécesseur. Elles sont aussi situées dans la zone d’influence de la Mission méthodiste, installée en Côte d’Ivoire à partir de 1924 123 , qui les a sans doute récupérées après le départ de HAYFORD, si bien que les missionnaires français engagés par celui-ci les trouvèrent occupées par cette dernière. Aussi, constate-t-on que beaucoup de ces Églises sont sans conducteurs ou sont conduites par des anglophones. Sur les 14 Églises, 6 sont sans conducteurs. Sans disposer de plus de détails sur leur identité, la résonnance des noms des conducteurs porte à croire qu’environ 6 sur les 7 Églises sont conduites par des anglophones. Autour des années 1920, il était devenu difficile, voire impossible pour des pasteurs et prophètes, sujets britanniques d’exercer leur fonction dans la colonie de Côte d’Ivoire. Les nombreuses restrictions et exactions de l’administration avaient fini par freiner les actions du pasteur HAYFORD. Celui-ci, soucieux du suivi de ses fidèles, décida alors d’aller chercher des missionnaires français pour s’occuper des Églises qu’il a établies dans la Basse Côte d’Ivoire. Il se rendit ainsi, au cours de l’année scolaire 1925-1926 en France, à l’institut Biblique de Nogent où il avait déjà quelques relations. Là, face à l’éloquence de son discours, deux jeunes missionnaires français, fiancés, Laure MARZOLF et Daniel RICHARD, acceptèrent la 123 Kéo KOGNON, op.cit, p. 98. 84 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique proposition de ce pasteur africain devenant ainsi les tout-premiers missionnaires protestants français en Côte d’Ivoire. Tout en nous abstenant des commentaires, nous pouvons simplement remarquer que la MBCI ne serait pas née en 1927 si le pasteur HAYFORD ne s’était pas soucié du salut et du suivi des convertis d’HARRIS pour se rendre à Paris à la recherche de missionnaires français. Il est donc important de relever que les évolués africains ont joué un rôle primordial dans l’évangélisation de l’Afrique. Malgré la moralité souvent remise en cause, à tort ou à raison, par les missions et missionnaires français, il est intéressant de retenir qu’il a joué un rôle déterminant dans le processus de création de l’UEESO-CI ; que le prophète et le pasteur africains, HARRIS et HAYFORD, sans forcément l’envisager, ont jeté les bases de ce qui deviendra plus tard l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Mais l’œuvre amorcée par ces précurseurs n’aurait jamais connu ce "remarquable" succès si d’autres personnes n’avaient pas compris et partagé le projet d’évangélisation dans cette région. D’où, l’intérêt de présenter le rôle joué par les premiers missionnaires blancs et des premiers convertis. 2.4 Le couple RICHARD, premiers missionnaires français, et la naissance de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (1925-1927) 124 Malgré le travail accompli par le prophète HARRIS et le Docteur HAYFORD, l’œuvre d’évangélisation qui aboutira à la naissance de l’UEESO-CI ne prendra véritablement forme qu’à partir de 1927 avec l’arrivée du couple missionnaire français, Laure et Daniel RICHARD. Qui sont-ils ? Quel est leur parcours et quelles sont les motivations qui 124 Annexe II-2, p. 318. La phase missionaire 1913-1962 85 les ont poussés à s’engager dans une aventure missionnaire en Côte d’Ivoire et comment parviennent-ils à s’y installer effectivement ? Photo 2 : Laure et Daniel RICHARD, premiers missionnaires MBCI Source : Jean-Colbert indestructible, inédit. GUENAMAN, L’Église une citadelle 2.4.1 Le couple et sa vocation missionnaire Daniel RICHARD est né en 1901 à Madagascar d’un couple de missionnaires français. Ses parents, Paul et Pauline RICHARD, y avaient débarqué en 1900 comme missionnaires de la Mission de Paris. Chrétiens militants de l’Église Réformée, ils s'étaient adressés à cette Société de Mission du protestantisme français. En 1900, au moment où les RICHARD quittèrent leur exploitation agricole pour s'embarquer à Madagascar, la Mission de Paris existait depuis un peu plus de 75 ans. Les convictions évangéliques de Paul RICHARD face à l’émergence des influences libérales au sein de la mission l’amenèrent à se rapprocher de Ruben SAILLENS 125 125 avec qui il Ruben SAILLENS est l’un des pionniers du baptisme en France. Né en 1855, il sera converti en au christianisme en 1871 par la prédication de l’évangéliste Eck. De 1873 à 1874, il suit des études bibliques à Londres (East London Institute) auprès de Henry GRATTAN Guinness. Pendant cette même période, il entre au service de MacAll. Ruben SAILLENS écrit, adapte ou traduit ses premiers cantiques pour la Mission. 86 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique partageait la même foi orthodoxe. C’est ainsi que de fil en aiguille Daniel entra à l’Institut Biblique de Nogent créé par Saillens où il rencontra Laure MARZOLF qui devint sa fiancée. Laure MARZOLF était française d’origine algérienne. Elle fréquentait l’Église méthodiste d’Oran avec laquelle elle dû rompre à cause de l’influence moderniste qui s’y était manifestée. Elle entra donc à Nogent en 1921 dans un institut biblique à peine inauguré où elle étudia et travailla jusqu’en 1925. Les motivations du couple peuvent donc, en partie, s’expliquer dans un premier temps par l’influence des parents de Daniel qui étaient euxmêmes missionnaires, et dans un second temps par une connaissance relativement bonne du monde africain, d’autant plus que Daniel et Laure y étaient nés et y avaient grandi. La troisième motivation pourrait être l’influence de M. Artur BLOCHER, professeur d’histoire de la mission et pasteur de l’Église du Tabernacle, qui caressait l’idée de créer une mission en Afrique de l’ouest, plus particulièrement dans la colonie de Côte d’Ivoire. Dans son Fondateur de la Mission de Marseille et du Littoral En octobre 1878, il est consacré pasteur, l’année suivante, sous les auspices des Églises Libres, par le pasteur Louis GUIBAL, à Saint-Jean-du-Gard. Deux années plus tard, il fonde l'École pratique d'évangélisation Félix NEFF. En 1883 Ruben SAILLENS rejoint la Mission Mac All dont il devient à Paris l'un des directeurs adjoints. Il fusionne sa Mission de Marseille avec l’œuvre de Mac All pour former la mission populaire. En juillet 1888 Ruben SAILLENS signe avec ADONIRAM J. Gordon (1836-1895) et Robert W. Mac All le protocole de constitution d'une Église baptiste dont il sera le pasteur. De 1895 à 1907 se met en place de manière progressive l'Association baptiste franco-suisse, dont Ruben SAILLENS est le représentant auprès des instances baptistes américaines. SAILLENS refuse le pastorat sédentaire et continue ses campagnes d’évangélisation et voyages d’étude. Il a, à cet effet, à son actif plusieurs voyages en Suisse et en Amérique où il sera présenté en 1916 comme « the Spurgeon of France ». En 1921, il crée un institut biblique à Nogent sur Marne à Paris d’où partiront plus tard les premiers missionnaires français pour la colonie de Côte d’Ivoire. SAILLENS est par ailleurs auteur de plusieurs écrits dont le célèbre recueil de cantiques sur les ailes de la foi, recueil de référence aujourd’hui pour de nombreuses églises protestantes. La phase missionaire 1913-1962 87 enseignement, il revenait sans cesse sur les succès réalisés par le prophète HARRIS dans cette colonie d’où il fut malheureusement expulsé pour des motifs politiques. Il encourageait ses étudiants à une aventure missionnaire dans ce territoire. Si la formation de Laure et Daniel RICHARD les disposait à être missionnaires, rien cependant n’augurait la manière dont ils entreraient de manière effective dans l’exercice de cette fonction et quelles réalités les y attendaient. L’appel arriva d’une manière brusque, et seuls des cœurs pleins de zèle et de foi pouvaient l’accepter 126 . En effet, pendant l’année scolaire 1925-1926, un docteur en théologie du nom de Christian Marck HAYFORD, effectua une visite à l’institut biblique de Nogent. Jeanne DECORVET le présente comme un personnage impressionnant : « Ses lettres d’introduction et ses titres sont impressionnants : il est docteur en théologie, membre de la société royale de géographie, recommandé par les plus hautes personnalités : L’Archevêque de Canterbury, le Président des États-Unis, le roi d’Angleterre » 127. Africain de haute stature portant redingote et lunettes cerclées d'or, il fit le voyage de Londres à Nogent pour rencontrer le directeur de l'Institut Biblique, sur recommandation d'amis communs dans les cercles baptistes anglais 128 . Le Dr HAYFORD était un ressortissant de l'une des plus riches colonies de la Couronne britannique en Afrique de l'ouest, la Gold Coast. Il arriva à Nogent en tant que Directeur de la Baptist Church and Mission, qui est d’Accra, une mission très importante et porteur d’une demande. Le souci de HAYFORD était de voir des missionnaires 126 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, Paris, Ed. Mission biblique Côte d’Ivoire, 1972, p. 21. 127 Idem. p. 22. 128 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 22. 88 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique français venir se charger des Églises que sa mission avait fondées à l'ouest de la Gold Coast, en Côte d’Ivoire car l'administration coloniale, progressivement mise en place depuis une trentaine d'années, était de plus en plus tatillonne pour les non-francophones 129 . L'envoi de missionnaires français était devenu un impératif, la langue française étant la seule autorisée pour les activités cultuelles 130 . Concernant le choix de l’institut biblique de Nogent comme destination, voici ce qu’en dit Jacques BLOCHER, ancien responsable de la Mission biblique en Côte d’Ivoire et professeur d’histoire de la mission à l’institut biblique de Nogent : « Il existe à Londres un comité actif qui soutient à la fois l'Institut que Ruben Saillens a fondé en 1921 et l'Église du Tabernacle, dont il est devenu le pasteur honoraire depuis que son gendre, Arthur BLOCHER, lui a succédé au pastorat en 1905. Les amis qui composent ce comité sont des représentants de l'aile “spurgeonienne” d'un baptisme anglais marqué par un certain pluralisme théologique. Il n'est pas surprenant qu'avec des amis du même cercle – les bénéficiaires de la générosité des baptistes anglais forment une famille répartie sur tous les champs de mission – HAYFORD songe à s'adresser à Saillens. Cette remarque peut être complétée par un constat : pour celui qui vient en 1925 recruter en France des missionnaires de convictions baptistes, le choix n'est pas caractérisé par l'abondance. Il n'existe guère aucun autre établissement de formation biblique qui affiche les couleurs de l'orthodoxie. Pourtant, tout baptiste que soit Saillens, l'œuvre qu'il a fondée en 129 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 22. Comme nous l’avons évoqué plus haut, avec la première Guerre mondiale, l’administration coloniale observe une grande méfiance à l’endroit des missionnaires étrangers. C’est en 1915, que le prophète HARRIS est expulsé de la colonie de Côte d’Ivoire parce qu’il ne parle pas le français. 130 La phase missionaire 1913-1962 89 1921 l'a été sur une base évangélique non-dénominationnelle, avec une confession de foi neutre sur la question du baptême. Lorsque HAYFORD arrive à Nogent, l'Institut Biblique a tout juste, quatre années d'existence. R. SAILLENS est depuis une trentaine d'années l'un des chefs de file du baptisme français, et certainement son représentant le mieux connu du monde anglosaxon. Il est aussi, au sein du protestantisme francophone, l'un des porte-parole de la ligne orthodoxe. Pour les chrétiens évangéliques, il s'agit de mener le combat spirituellement stratégique contre les vues “modernistes”, alors nombre croissant à prédire la victoire finale de la théologie nouvelle. Dans les mois qui avaient précédé la constitution de l'Institut Biblique, les Églises baptistes françaises avaient traversé une crise dans laquelle la question du libéralisme théologique avait lourdement pesé. Pour les Églises les plus soucieuses de la défense de l'orthodoxie, qui avaient parfois divergé sur la conduite à tenir dans cette crise, la priorité était à leur propre réorganisation. Cette situation créait pour Ruben SAILLENS la nécessité pratique d'asseoir l'école qu'il projetait sur la plateforme d'œcuménisme évangélique à laquelle il consacrait l'essentiel de son activité depuis 1905. L'Institut se plaçait donc au service des chrétiens évangéliques de toutes appartenances, unis dans la profession des “fondements” de la foi biblique. Le recrutement de l'Institut, où sont représentés les divers fragments du kaléidoscope évangélique francophone, laissera lui aussi son empreinte sur les débuts de la Mission Biblique. On comprend mieux pourquoi les amis de HAYFORD lui indiquent SAILLIENS comme interlocuteur possible. On peut même imaginer que HAYFORD ait établi lui-même le lien avec SAILLIENS par une information directe sur le baptisme français, 90 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique puisque les vicissitudes de ses composantes avaient pu être suivies “en léger différé” dans la presse chrétienne britannique. Tel est, au moment où HAYFORD le découvre 1925-1926, le contexte de l'Institut de Nogent, dont plusieurs traits marqueront à long terme l'œuvre en Côte d’Ivoire » 131. L’appel du docteur HAYFORD a été bien entendu par les responsables de l’Institut. Jacques BLOCHER, lors d’un cours d’Histoire de la mission, profite pour lancer l’appel à candidature à ses étudiants parmi lesquels se trouvaient évidemment Daniel RICHARD et sa fiancée Laure. Ceux-ci, avaient nourri chacun, depuis longtemps le vœu d’aller apporter l’évangile en Afrique. En plus du fait qu’ils connaissaient l’Afrique depuis leur enfance, ils avaient la volonté et aussi des aptitudes à se lancer dans un tel projet. Laure avait des connaissances dans le domaine de la santé tandis que Daniel avait les facultés d’un bon enseignant. L’appel lancé par HAYFORD et transmis par le professeur BLOCHER les avait touchés tout particulièrement. Ils décidèrent alors d’y répondre favorablement. Daniel et Laure venaient ainsi de s’engager dans une aventure encore très loin de livrer ses réalités. Cependant, la décision prise, il fallait maintenant passer aux préparatifs de la mission. Ayant pris l’engagement de partir pour la colonie de Côte d’Ivoire, ils devaient prendre un certain nombre de dispositions. D’abord, les deux fiancés devaient concrétiser leur engagement, l’un envers l’autre. Ils se marièrent en juillet 1926 à Oran, après s’être fait baptiser quatre mois plus tôt précisément le 18 avril 1926 à l’Église du Tabernacle 132 à laquelle ils ont décidé d’appartenir désormais. 131 Jacques BLOCHER, « Pourquoi la mission biblique est-elle née en 1927 ? », in Fac-réflexions, n°44, 1998 132 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 23. Concernant l’Église du Tabernacle, c’est une église baptiste créée en 1921 à Paris. Elle est née de l’activité déployée par Ruben SAILLENS au sein de la mission populaire évangélique créée en 1883 par la fusion de la mission fondée par Mac All en 1872 (la mission aux ouvriers de Paris) et celle fondée en 1878 par SAILLENS à Marseille. La phase missionaire 1913-1962 91 Etant engagés par une mission anglaise, ils devraient en connaitre la langue. C’est pourquoi ils durent partir en Angleterre, en cette année 1926, pour apprendre l’anglais 133 . Après ce stage qui prit fin en février 1927, le docteur HAYFORD confirma le départ du couple pour la colonie de Côte d’Ivoire, mais sans lui, comme prévu, car il devait aller aux États-Unis pour tenter d’y récolter des fonds. Il paya alors leur titre de voyage, fixa le montant mensuel de leur traitement 134 avec la garantie nécessaire quant à leur réception et leur installation en Côte d’Ivoire : « A Dabou, mon ami, M. Edwards, de la société King, vous attend. Voilà une lettre de lui qui vous servira d’introduction. Vous irez visiter les postes missionnaires que j’ai créés à Pass, à Chaba et dans plusieurs villages. Vous choisirez vous-mêmes le meilleur emplacement pour votre maison. Les chrétiens vous aideront à la construire. » 135 Le jeune couple partit en février 1927, et débarqua à Grand-Bassam le 21 mars. Mais à leur arrivée, Daniel et Laure RICHARD constatèrent avec tristesse que, premièrement, la société King qui devait les recevoir a fermé depuis longtemps et le souvenir de son responsable M. Edwards avait disparu même des mémoires ; deuxièmement, que les Églises du docteur HAYFORD pour lesquelles les deux jeunes missionnaires 133 Ils étaient allés se former au All Nations Bible College, un établissement qui venait à peine d’être construit. 134 Il convient toutefois de relever que la relation qui liait HAYFORD au jeune couple missionnaire était un contrat. Il serait donc exagéré de soutenir que les missionnaires partent en Côte d’Ivoire parce que simplement touchés par l’appel du Seigneur. Il y avait donc à côté de cette vocation que l’on ne saurait leur nier, la recherche d’un mieux être d’autant plus que la période de l’entre-deux-guerres a été en Europe et particulièrement en France une période de difficultés économiques. 135 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 24. Avant leur départ, HAYFORD avait remis au couple missionnaire deux lettres qui devraient faciliter leur insertion. L’une était destinée à Edwards de la société King, qui devait les recevoir à Dabou et l’autre au gouverneur de l’AOF à Dakar. 92 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique étaient engagés étaient introuvables 136 et le champ missionnaire décrit par ce dernier est occupé par une autre mission. C’est M. FLETCHER, un missionnaire de la Mission méthodiste sur place depuis 1925 qui les hébergea et le comble, leur employeur, le docteur Mark HAYFORD ne donnait aucun signe de vie. Laure et Daniel RICHARD se retrouvèrent sans aucune Église où commencer l’œuvre. Sans aucun champ missionnaire et sans aucun soutien dans la colonie où l’hostilité de la nature était le premier ennemi de l’homme blanc. Comment peut-on expliquer une situation aussi triste que choquante ? Mauvaise foi ou trahison de HAYFORD ? Un renversement de situations après le passage de celui-ci ? Une chose était certaine, Laure et son époux devraient désormais faire face à d’autres réalités. 2.5 La naissance de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (1927) Face à cette situation de confusion totale, ils décidèrent de solliciter le soutien de leur Église d’origine, l’Église du Tabernacle. Celle-ci, sans tenir compte des nombreux défis auxquels elle devait faire face, accepta d’épauler ces missionnaires en créant une « mission biblique » en Côte d’Ivoire, avec pour pionniers, le couple RICHARD. J.E. BLOCHER rappelle ici les circonstances de la création de cette mission : « Il est utile (…) de tenter une rapide esquisse de la relation qui unit le Tabernacle de Paris aux Églises de Côte d’Ivoire. Trois étapes, me semble-t-il, peuvent être délimitées dans ces soixante quinze ans (dépassés) d’histoire commune et communautaire. La première de ces étapes est le temps de l’Église pionnière, qui 136 Dans le prospectus donné par HAYFORD, il était fait mention de 14 Églises créées par la « Baptist Church and Mission » qui attendaient impatiemment le couple missionnaire. La phase missionaire 1913-1962 93 s’ouvre en 1927 et se poursuit jusqu’à la guerre. C’est le temps de la fondation, par le Tabernacle juste implanté rue Belliard, à travers des circonstances d’apparence rocambolesques mais conduites par le Seigneur en réalité, d’une œuvre de mission étrangère et lointaine, à la Côte d’Ivoire. Le fait déclencheur de l’engagement missionnaire a été déjà un fait de solidarité, la solidarité du Tabernacle avec un couple de ses membres à peine débarqué sur la côte ivoirienne : on sait que Daniel et Laure RICHARD, jeunes diplômés de l’Institut Biblique de Nogent, au lieu d’être accueillis par la mission qui les avait recrutés, se sont retrouvés dépourvus de tout employeur. Les Églises vers lesquelles on les avait envoyés avaient disparu ou étaient déjà prises en charge par d’autres. C’est ainsi que le Tabernacle est entré en 1927 dans l’aventure missionnaire en Côte d’Ivoire par deux de ses membres déjà sur place. Cette initiative était celle d’une Église populaire, qui ne comptait pas de “riches”, et qui était indépendante – isolée aussi ! – de toute organisation. Cet effort d’abord si fragile, porté par un groupe de chrétiens d’à peine plus de deux cents membres, reçoit assez tôt du Seigneur ses premières confirmations, et tout d’abord dans les capacités à l’œuvre que démontrent aussitôt les pionniers. C’est pour toute l’Église un temps d’engagement total. L’œuvre en Côte d’Ivoire, aussi connue dans le monde anglo-saxon comme la "Paris Tabernacle Mission", est dirigée par le seul Conseil de l’Église. Il n’est pas exagéré de considérer que l’Église accomplit alors une œuvre pionnière collective. C’est encore de son sein que sortiront, dès le début des années 1930, les premiers renforts. Ce sont des années d’attente impatiente du courrier qui à l’époque, met trois semaines pour parvenir de Côte d’Ivoire jusqu’en France, et deux fois par mois seulement... Ce courrier apporte, mois après mois, l’écho 94 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique circonstancié des premières explorations, des premières conversions, des premiers collaborateurs africains, des premiers baptêmes… » 137. Ce fut donc pour l’Église du Tabernacle, une période de véritable engagement missionnaire marquée par un fort soutien de tous les membres aux missionnaires engagés sur le champ missionnaire de la Côte d’Ivoire. En 1927 donc, après l’accord de l’Église pour épauler le couple missionnaire, accord concrétisé par la naissance de la Mission Biblique de Côte d’Ivoire, Arthur BLOCHER entreprit les premières démarches pour délimiter le domaine d’action de la mission. Pour éviter les chevauchements avec la Mission Méthodiste déjà installée, ce dernier se rendit à Londres pour délimiter avec celle-ci, les terrains d’action respectifs de chacune des œuvres 138 . La charge revint alors à la Mission Biblique de Côte d’Ivoire, de s’occuper de l’évangélisation des populations du sud-ouest, précisément à partir de la région de Sassandra où les appels des populations à l’endroit des missionnaires devenaient de plus en plus pressants 139 . Au total, la naissance de la mission biblique en Côte d’Ivoire est le fruit de plusieurs années de sacrifices consentis par de nombreux serviteurs de Dieu aux itinéraires souvent différents. Cette œuvre fut entamée par des précurseurs Africains, William Wade HARRIS et Marck Christian HAYFORD, relayés par des missionnaires français, notamment le couple Laure et Daniel RICHARD. HARRIS, pionnier des pionniers du protestantisme ivoirien serait parvenu certainement à créer l’une des plus grandes communautés protestantes au monde si 137 Retranscription de l’historique des relations entre l’Église du Tabernacle et l’UEESO fait par JACQUES Etienne BLOCHER. Cf. L’appel Côte d’Ivoire Haïti, N°spécial, Solidarité Côte d’Ivoire 2003, p. 5. 138 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 31. 139 Idem. La phase missionaire 1913-1962 95 l’administration coloniale française n’avait pas manifesté à son égard une hostilité troublante. La relève assurée par le célèbre Docteur africain Christian Mark HAYFORD ne connut pas de véritable succès compte tenu de l’attitude de la même administration coloniale française. L’hostilité de la France vis-à-vis des protestants, particulièrement d’origine anglaise constitua un véritable frein à l’essor du protestantisme en Côte d’Ivoire. Le racisme anti nègre joua aussi contre le progrès de l’Evangile dans la colonie. En effet, les premiers évangélistes et prophètes africains qui affluèrent en Côte d’Ivoire dès le début du XXe siècle, ont tous été réprimés. La décision de HAYFORD de recourir à des missionnaires français en 1925 fut enfin la voie la mieux indiquée pour asseoir sereinement une mission protestante. Plusieurs facteurs militaient en faveur d’une facilité de recrutement. Laure et Daniel RICHARD acceptèrent de se rendre en Côte d’Ivoire pour s’occuper des convertis de HARRIS et de HAYFORD. Mais très vite la réalité du terrain contrasta avec la description faite par le révérend HAYFORD et surtout, contre toute attente, le couple missionnaire perdit toutes traces de son employeur. C’était désormais par la foi que Laure et Daniel RICHARD décidèrent de rester dans la colonie où la nature était le premier ennemi de l’homme blanc. Leur recours à l’Église du Tabernacle de Paris favorisa la naissance de la toute première mission protestante d’origine française en AOF. Nous pouvons donc retenir que la naissance de la MBCI est le résultat final d’actions conjuguées de prophètes noirs et de missionnaires français. Ni la répression de l’administration coloniale, ni la déception du couple de missionnaires français, ni l’hostilité de la nature ne purent empêcher la naissance de cette mission. Mais après la naissance de la mission, il était désormais question d’implanter l’Église, c’est-à-dire faire des convertis et créer une 96 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique communauté de chrétiens. Quelles stratégies la MBCI a-t-elle mis en place pour atteindre cet objectif ? Ces stratégies ont-elles permis d’obtenir les résultats escomptés ? 3 L’IMPLANTATION DE L’ÉGLISE : MÉTHODES ET AMPLEUR (1927-1962) La période missionnaire (1927-1962) peut être considérée comme la période de l’implantation de l’Église. Au cours de cette période, la mission travailla à la création d’une Église autonome forte et capable de s’autogérer. Comment la MBCI parvint-elle à atteindre cet objectif ? Répondre à cette question nous amènera, dans cette partie, à étudier dans un premier temps les méthodes d’implantation et d’extension de la mission et dans un second temps les techniques d’évangélisation. 3.1 Méthodes d’implantation En 1927, après des moments de difficultés liées à la « mauvaise piste » tracée par Mark HAYFORD 140 , le couple RICHARD avait fini par avoir le soutien de l’Église du Tabernacle. Dès lors commence une période d’intenses activités missionnaires marquée d’abord par la découverte du champ missionnaire et les efforts d’adaptation aux réalités du terrain. Lorsque le couple RICHARD débarqua en Côte d’Ivoire en 1927, il était prévu qu’il s’installât dans le sud, où HAYFORD, leur employeur aurait implanté des Églises. Mais quand ils découvrirent que cette zone 140 Cela n’était tout de même pas son intention. 98 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique était déjà occupée par la mission méthodiste, ils s’installèrent dans la région du sud-ouest, sur proposition de M. FLETCHER, le missionnaire méthodiste qui les avait reçus : « Notre mission a reçu un appel venant des villes de la côte ouest. Plusieurs villages là-bas, vers Sassandra et Tabou demandent des évangélistes. Notre champ est déjà trop étendu pour nous. Nous ne pouvons envoyer personne là-bas. M. PLATT pense que vous pourriez y aller. » 141 Par cet accord tacite, le couple RICHARD eut la responsabilité d’évangéliser les peuples du sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Cette même année, M. BLOCHER se rendit à Londres, auprès du comité directeur de cette mission, pour délimiter avec lui le champ de travail du Tabernacle. La frontière en fut fixée à l’ouest du petit port de Fresco, jusqu’à la République du Libéria. 142 C’est de cette même manière que se fit l’installation de toutes les missions évangéliques en Côte d’Ivoire pendant la période coloniale, occasionnant un partage de ce territoire. C’est ce que présente la carte ci-dessous. L’objectif d’un tel partage fut d’éviter les chevauchements et les concurrences fâcheuses entre ces missions 143 . Ainsi s’installèrent successivement, la Mission méthodiste anglaise dans le sud de la colonie en 1924, la Mission Biblique française dans le sud-ouest en 1927, la CMA américaine en pays baoulé en 1930, la WEC anglaise en pays Gouro en 1934, la CBFMS dans le nord en 1947 et la FWBM dans le nord est en 1958 144 . Le champ missionnaire attribué à la Mission Biblique s’étendait, au sud, des régions de Fresco et Sassandra jusqu’à celle de Tabou à la frontière du Libéria. Si les limites est, ouest et sud furent plus ou moins 141 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 31. R. BLANC, J. BLOCHER et E. KRUGER, Histoire des missions protestantes françaises, Paris, Flavion, 1970, p. 359. 143 Kognon KÉO, op.cit, p. 66. 144 Idem. 142 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 99 définies, cela ne fut pas le cas pour la frontière septentrionale. A l’est, la mission faisait frontière avec la mission méthodiste à partir de Fresco jusqu’au niveau de Lakota comme indiqué sur la carte 145 . Au sud, l’océan Atlantique constituait une frontière naturelle et à l’ouest la mission devait se limiter à la frontière avec le Libéria 146 . Mais vers le nord, aucune limite ne fut déterminée au départ. Cela s’explique par le fait qu’en 1927, il n’y avait seulement que deux sociétés de mission en Côte d’Ivoire et le champ étant si vaste, il n’y avait aucun risque de chevauchement ou de concurrence. La Mission Biblique avait donc la possibilité de s’étendre le plus loin possible vers l’inter land et c’est ce qu’elle fit en s’étendant jusqu’à l’ouest montagneux. Son champ comprenait ainsi une mosaïque de peuples constitués de Krou et de Mande Dida 147 148 . Il s’agit précisément des Kroumen, Neyo, Godyé, Bété, , ensuite les peuples Dan et Wê. Il faut à cette liste ajouter les Baoulé qui se sont retrouvés dans ces régions forestières du sud-ouest comme exploitants des richesses agricoles 145 149 . Kognon KEO, op.cit, p. 96. R. BLANC, Jacques. BLOCHER et E. KRUGER, op.cit, p. 359. 147 Il est intéressant de rappeler qu’au départ, c’était la région côtière qui devait être évangélisées par la MBCI. Mais c’est à la suite des voyages d’exploration et des premiers contacts avec les populations que la mission a opté pour une intensification de ses activités dans l’ouest montagneux qui semblait très favorable à l’activité missionnaire. 148 Classification de Ernest ZIHI dans James KRABILL (Dir.) Nos racines racontées, Récit historique sur l’Église en Afrique de l’Ouest, Abidjan : PBA, 1996, p.174. 149 Rodrigues Mwari KAYA. op.cit, p. 65. 146 100 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Carte 2 : Repartition des Champs de Mission Entre les Missions Protestantes en Côte d’Ivoire Coloniale Source : Kognon KEO, op.cit, p. 96 Après la délimitation de leur champ d’activité, les missionnaires de la MBCI entreprirent une série de voyages d’exploration pour en découvrir les limites exactes et établir le contact avec les populations locales. Déjà au début de l’année 1928, RICHARD effectua une visite aux anciens groupes Harristes de la région de Sassandra en pays Neyo. Cette L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 101 visite lui permit de découvrir avec émotion les ruines de la mission de HARRIS : « Avec quelle tristesse, je découvre dans plusieurs autres villages, les ruines abandonnées de quelques chapelles qu’avaient bâties les Neyo » 150 . Photo 3 : Premiers contacts avec les habitants de la région de Sassandra Source : Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p101. RICHARD éprouve aussi une véritable déception face à l’attitude des populations vis-à-vis du message divin 151 : « Hélas ! Ils sont tout aussi païens que les autres et ne s’intéressent pas à notre message. » 150 152 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 51. Cette attitude de ces populations à l’égard des missionnaires blancs suscite des interrogations qui méritent bien d’être soulevées. L’on peut déjà se demander pourquoi là où le prophète HARRIS a fait tant d’exploits en si peu de temps, les « blancs de Dieu » ont du mal à s’installer. Ce prophète libérien avaitil été plus concret et plus convaincant que ces missionnaires français ? Comment peut-on expliquer la réticence des populations vis-à-vis du message porté par les 151 102 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Au cours de cette même année 1928, RICHARD fit un autre voyage à Buyo. Car l’année précédente des chrétiens installés dans cette localité avaient envoyé une délégation auprès des missionnaires les invitant à leur rendre visite : « Trois hommes drapés dans de beaux pagnes bariolés se présentèrent à la maison Kong. Ils voulaient voir le "blanc de Dieu". Ils déclarèrent venir de loin, de la grande forêt. (…) "D’où venez-vous exactement ? Demanda le jeune missionnaire". RICHARD ? Pour notre part, nous pensons que deux facteurs différents, mais complémentaires peuvent expliquer ce fait : - Dans un premier temps, il convient de relever la différence des méthodes d’approche. En effet, pour HARRIS, il faut répondre directement aux aspirations des populations en proposant des solutions concrètes à leurs problèmes. Le « prophète noir » s’est ainsi particulièrement intéressé aux problèmes angoissant de la sorcellerie et des féticheurs. Défiant sorciers et féticheurs, HARRIS se livrait publiquement à la profanation puis à la destruction des fétiches. A travers le baptême qui s’ensuivait le plus souvent immédiatement, le prophète mettait ainsi ses fidèles en confiance, les rassurant de la protection divine. Aussi, l’apparence étrange que présentait le prophète a dû avoir un impact psychologique sur les populations. En fait, les populations africaines sont plus sensibles à tout ce qui paraît extraordinaire et émotionnel. Le prophète, luimême africain, connaissait bien les siens et avait ainsi trouvé les moyens nécessaires pour les convaincre. A l’inverse, la méthode classique d’évangélisation adoptée par les missionnaires français – annoncer l’amour Dieu et laisser le Saint-Esprit agir- puis la simplicité avec laquelle ce message est véhiculé ne retiennent pas assez l’attention des populations, qui, pour l’essentiel sont en quête d’une solution immédiate et spectaculaire. - Dans un second temps, nous croyons que l’identité africaine du prophète a contribué énormément à son succès. En effet, le passage du prophète dans la colonie de Côte d’Ivoire s’est fait à une période assez difficile pour les populations indigènes. C’est la période de la pacification où le colonisateur procède déjà à la soumission des populations locales et à l’implantation des éléments de la civilisation occidentale. Dans cette période particulièrement douloureuse, l’arrivée d’un prophète africain semble un motif de satisfaction et un facteur de résistance religieuse à la colonisation française. Or, les RICHARD, eux-mêmes français, n’avaient pas les mêmes chances d’être écoutés. 152 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 51. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 103 "De Buyo, au bord du grand fleuve Sassandra. Nous t’avons déjà envoyé quelqu’un et tu as promis de venir jusqu’à nous" ». 153 C’est donc pour répondre à cet appel pressant que RICHARD entreprit ce voyage très périlleux à cause des mauvaises conditions de déplacement. Il y découvrit une dizaine de familles de chrétiens anglophones voulant être instruits. L’année suivante RICHARD y effectua un second voyage au cours duquel il baptisa deux nouvelles personnes. En octobre de cette même année, il visita l’arrière pays. En effet, profitant d’un camion de la SCOA qui ramenait les ouvriers Yacoubas et Guérés chez eux, il effectua sa première visite vers le nord 154 , accompagné de BONGUE, un Yacouba de Man dont il avait fait la connaissance en Basse-Côte. Photo 4 : Première visite de DANIEL chez les Yacoubas en 1928. Source : Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p101. 153 Idem. p. 57. Il s’agit de la partie septentrionale de son champ mission et ne correspond donc pas au nord de la colonie. 154 104 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Parti de Sassandra, il traversa Daloa avant d’atteindre Man. Dans cette dernière région, il se trouva en présence de populations très ouvertes à l’évangile, mais manquant de missionnaires. Voici ce qu’écrit Jeanne DECORVET à propos de l’intérêt accordé par les populations de Man au message de Daniel lors de son premier voyage : « A mesure que BONGUE traduit, Daniel voit les visages de ses auditeurs exprimer l’étonnement et la joie. Un vieillard s’approche lui prend les mains et les serre avec effusion. Encouragé, Daniel annonce la venue du sauveur et montre un évangile en Bambara, langue que comprennent les Dioulas. Un vieux le prend, avec respect, l’examine minutieusement, le tourne et le retourne. "Moi et mon peuple, affirme le chef, nous sommes prêts à te recevoir et à t’écouter. Tes paroles sont bonnes et vraies. Quand reviendras-tu ?" Il fait un signe et deux poulets sont offerts au jeune blanc stupéfait qui s’en retourne émerveillé de l’accueil fait à son message. » 155 C’est l’un des plus grands défis de la mission d’autant plus que les Malinké du nord, peuple quasiment musulman, exercent une forte influence sur les Yacoubas et plus particulièrement ceux de Man 155 156 . Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 67. Depuis plus d’un siècle, les Dan entretiennent des rapports « ambigus » avec les Malinké, leurs voisins du Nord qui ont longtemps détenu le monopole de l’économie de marché. Les Dan n’ont jusqu’à la période coloniale connu qu’une économie de subsistance basée essentiellement sur les cultures vivrières et particulièrement le manioc et le riz d’altitude. Les Malinké achetaient ou échangeaient le surplus de la production au moment de la récolte, les stockaient et les revendaient aux mêmes Dan au moment de la soudure. Le plus souvent, les Dan étaient endettés à l’égard des Malinké. Ces derniers encourageaient ce genre d’endettement. Il arrivait souvent que les jeunes filles servent de monnaie d’échange. Beaucoup de dettes ont donc été épongées à l’occasion de mariage. Les enfants issus de ces unions, se sentent à la fois Dan et Malinké. En effet, ils parlent la langue dan et épousent les habitudes commerciales des Malinké et sont pour la plus part musulmans. Ceux-ci ont contribué à favoriser le 156 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 105 Le mois suivant, RICHARD entreprit un second voyage, plus long avec plusieurs étapes, au terme duquel il se rendit en France. Au cours de ce dernier voyage, il visita les localités de Gagnoa, Divo, Dabou, Yamoussoukro, Daloa, Man, Touba avant de rejoindre la Guinée d’où il embarqua pour la France. Dans toutes les localités sillonnées, le constat était le même : population assoiffée d’évangile et manque de missionnaires protestants. En 1931, revenu de son voyage en métropole, Daniel RICHARD fit une autre visite dans le nord, qui lui permit de découvrir la localité de Guiglo et de recenser les besoins des populations de Man. Ce même voyage le conduisit dans la localité de Danané où la population était fortement ancrée dans le paganisme. Cet extrait du rapport du chef de subdivision de ladite localité insiste sur cette réalité : « Plutôt arriérés, leurs coutumes, leurs meurtres rituels se pratiquent encore et j’ai pu faire la preuve qu’une victime a été cuite et mangée. (…) Voici les pièces du procès, c’est un cas qui se passe en ce moment devant le tribunal. Vous le voyez, une fillette de six ans a été tuée à coups de bâton et de machette par un sorcier nommé Do et une femme appelée Nan, elle a fait cuire le corps avec du sel et du piment » 157. L’année suivante, en 1932, c’est le tour de Rabo-Tiboto de recevoir le missionnaire répondant à l’appel d’Ibadio Iyé, un prédicateur converti au Ghana et fondateur d’une Église dans son village dès son retour de la Gold Coast. Les autorités villageoises menaçant de détruire cette Église, Ibadio se rendit à Sassandra pour solliciter le soutien des RICHARD. prosélytisme musulman chez les Dan. Combattre donc cette forte influence musulmane et surtout la freiner était l’un des défis peut être inavoué de la Mission Biblique. 157 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 105. 106 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Carte 3 : Les Voyages d’Exploration de Daniel Richard (1928-1931) 158 Source : Carte élaborée par nos soins sur la base de la synthèse de nos enquêtes. Ces voyages d’exploration effectués par Daniel RICHARD permirent d’identifier les différents problèmes liés à l’œuvre d’évangélisation. Le plus grand problème était celui de la communication du fait de la diversité des peuples et la multiplicité des langues vernaculaires. 159 Daniel RICHARD dû apprendre le malinké, langue commerciale utilisée dans la colonie de Côte d’Ivoire. 158 Nous avons réalisé cette carte sur la base de la synthèse de nos informations sur les activités de la M.B.C.I. 159 Le champ missionnaire de la MBCI qui s’étendait du sud-ouest côtier à l’ouest montagneux regroupait deux grands groupes linguistiques, les Mandé et les Krou, comprenant les ethnies suivantes : L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 107 Une fois arrivés en terre africaine, l’opération immédiate consistait à trouver une concession, généralement en milieu rural pour construire la maison du missionnaire. Dans cette concession qui comportait en général plusieurs hectares, se développait progressivement une chapelle, une école, un centre de santé, un orphelinat, une imprimerie… Et très vite quelques éléments de la technologie occidentale : électricité, véhicules, tracteurs, piste d’aviation (….). « C’est là que, à l’instar des habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de tout le pays des environs du Jourdain, des gens venaient voir le blanc de Dieu. » 160 La station missionnaire était d’abord la résidence des missionnaires, ensuite celle du personnel de la station et des convertis qui acceptaient de se soumettre aux régulations de la mission. C’était une ville chrétienne, généralement en milieux rural, une « ville rurale » qui offrait beaucoup d’avantages pour la vie 161 . On y trouvait des possibilités de travail, quelquefois l’exemption d’impôt et surtout de contact avec le monde civilisé de l’occident, la clé du bien être social et du « développement » 162 . Les premiers missionnaires de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire, s’attelèrent dès leur arrivée, à trouver un espace pour la construction de la première station. « Daniel avait repéré, au-delà de Guéssigo, un joli emplacement couvert de brousse et de palmiers. Il dominait une Pour le groupe Krou : les Kroumen, les Neyo, les Godié, les Dida, les Bété, les Guéré et les Wobé. Pour le groupe Mandé : Les Mandefu constitués surtout de Yacouba et de Toura. 160 André Kouadio KOUASSI, Les méthodes d’évangélisation utilisées par les missions évangéliques en Côte d’Ivoire, Veaux-Sur-Seine, 1975, Mémoire de Licence, p. 28. 161 Il faut tout de même signaler que, même si la station missionnaire était généralement en marge de la Société indigène, les relations des missionnaires avec la communauté villageoise étaient toujours entièrement exclusives. A Daloa, par exemple, le missionnaire HUSSER était considéré par les convertis comme leur papa. 162 Georges Pirwoth ATIDO, op.cit, p. 7-8. 108 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique petite baie enserrée entre deux promontoires rocheux. La vue sur l’océan s’étendait à l’infini. On voyait les vagues se briser, en grandes gerbes d’écumes, sur les rochers de granit noir. Au fond de la baie, derrière sa palissade de bambous, se blottissait le village de Batélébré, C’était, à deux km de Sassandra, un endroit idéal pour une station missionnaire. Le pionnier y délimita un terrain d’environ 3000m2 et déposa une demande de concession auprès de l’administrateur. » 163 Installés, au départ dans un campement, les missionnaires construisirent leur première concession officielle à Sassandra au début de l’année 1928. En 1934, d’autres stations missionnaires furent ouvertes à Man et à Daloa. Photo 5 : Station missionnaire de Batelebre (Sassandra), crée en 1928 : première station missionnaire de la MBCI Source : Photo Alexis DEA -28 septembre 2012 163 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 54. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 109 Photo 6 : Premier pied à terre à Man en 1930 Source : Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p101. Particulièrement, les stations missionnaires de la MBCI installées dans les centres urbains constituaient la base de l’activité missionnaire. Lieux de vie des missionnaires à l’image du poste pour l’administration coloniale, la station était le centre administratif de la mission : lieux de formation des évangélistes et des responsables locaux, la station regroupe ainsi les différentes structures d’encadrement et de formation. Celle de Daloa abritait une chapelle (1934), un collège (1947), une école primaire et plus récemment un centre de formation professionnel (1964). Celle de Man, l’institut biblique et théologique fondé en 1957. La station est aussi le lieu où fonctionnent les œuvres sociales de la Mission : la pouponnière de Man créée en 1947 est logée dans l’enceinte de la station missionnaire. Le missionnaire, personnage principal de la station était généralement perçu comme un homme fort. Il jouissait d’un standing de vie supérieur. Seule personne à rouler en véhicule, il était aussi perçu comme un homme riche. 110 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Photo 7 : Un bâtiment du motel de la station missionnaire de Daloa Source : Photo Alexis DEA – 08/07/2012 Photo 8 : Chapelle de la station missionnaire de Daloa Source : Alexis DEA – 08/07/2012 A la fois, prédicateur, employeur, gestionnaire, trésorier, donateur, « maire » de la station, juge… il était craint, respecté et très écouté. Cela L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 111 lui valait souvent l’appellation « Blanc de Dieu ». Sa décision sur la station était souvent irrévocable 164 164 . Le principe de fonctionnement des stations missionnaires est fortement critiqué par Georges P.A., pour qui les insuffisances liées au fonctionnement des stations missionnaires se retrouvent à plusieurs niveaux. En premier, l’organisation de la vie, autour du seul missionnaire, place celui-ci dans une situation de supériorité absolue. « Il est l’homme fort, le monde vient vers lui, le monde a besoin de lui, pour bien l’approcher, il faut connaître sa culture, sa langue, son tempérament, ses lois, ses principes…. Ainsi on peut avoir accès à ce qu’il a de précieux, qui souvent est le matériel et rarement le spirituel. » Il relève ensuite les différents problèmes liés aux stations missionnaires, plus particulièrement en Afrique. Il s’agit : Du légalisme, c'est-à-dire essayer de d’atteindre la Justice exigée de Dieu et de Lui plaire en observant un système de lois, de règles ; voire en ajoutant des nouvelles exigences à ce qu’Il a établi. Le sécularisme : La structure et les besoins de la mission s’étant accrus, l’administration de la station missionnaire a conduit à une organisation du type séculier avec beaucoup de départements. La station missionnaire a ainsi déraillé de son fonctionnement comme entité ecclésiale pour fonctionner comme toute autre organisation séculière avec des régulations professionnelles. Dans cette mesure, la dimension spirituelle a été léguée au second plan, ce qui a fait que l’Église a fonctionné plus comme une institution que comme Corps du Christ. Le syncrétisme : Dans la stratégie des stations missionnaires, l’évangélisé devait chercher l’évangélisant, ce qui est contraire au principe sacrosaint de la mission (La mission consiste essentiellement à « aller vers », par ex. Dieu vers Adam et Eve, Jésus vers la nation d’Israël, les disciples vers les autres nations du monde, etc.), l’Africain s’est retrouvé dans l’obligation de s’adapter ou de feindre de s’adopter à la vision du monde occidentale tout en gardant aussi sa vision du monde. Et dans la vie quotidienne, le besoin de relation avec le monde des esprits est resté intact. D’où, il fallait chercher à aménager le christianisme du Blanc et l’animisme du Nègre. Le dualisme : Sous les pressions du leadership de la mission, les convertis se sont retrouvés dans l’obligation d’avoir une double personnalité. Sur le plan culturel, ils sont restés des Africains mais devraient se comporter comme des occidentaux étant dans une « cité occidentale » en Afrique. La manière d’adorer, les instruments musicaux, les protocoles de mariage, les vêtements, les noms, les règles de politesse, le mode de vie…, tout devait être plus ou moins occidentalisée en vue d’harmoniser les violons. Beaucoup ne sont ainsi pas parvenus à établir la ligne de démarcation entre le christianisme et l’occidentalisme. Dans la confusion, la solution était d’avoir une double personnalité cultuelle : un peu Africain, un peu Européen. Le paternalisme : La relation entre les missionnaires et les églises se sont malheureusement développées dans la direction paternaliste et ceci surtout sur l’aspect matériel et organisationnel. Ceci a fini par avoir des répercutions même sur le spirituel. La maturation des Chrétiens a été dans une large mesure 112 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le programme du discipolat qui se déroulait au sein de la station était généralement centré sur le culte dominical. Le catéchuménat, l’école du dimanche, l’étude biblique, des camps bibliques, etc., sont d’autres ingrédients qui s’ajoutaient parfois à ce programme. Un autre critère important justifiant le choix de l’emplacement de la station était les besoins de l’activité missionnaire. Ainsi, Man était choisie comme quartier général de la Mission Biblique à cause de l’intérêt des populations locales pour l’évangile et de l’absence de missionnaires protestants dans la région. C’était aussi la recommandation de M. ROOSEBERRY, responsable de la C.M.A, au couple RICHARD : « C’est Man qui devrait être le quartier général de votre mission, la tâche ici est immense… » 165 Le choix de la partie ouest de la colonie était lié à un partage tacite du territoire entre les différentes missions évangéliques. Ces missions, pour éviter les chevauchements source inévitable de conflits, avaient opté pour ce type de partage. Ainsi, la Mission Méthodiste s’installa dans le sud, la Mission Biblique, dans le sud-ouest, la CMA, dans le pays baoulé, la WEC, en pays Gouro, la CBFMS, dans le nord et la FWBM, dans le nord-est. Pour prévenir les conflits de coexistence entre convertis et non convertis, les missionnaires trouvèrent nécessaire de regrouper les quelques chrétiens dans des campements à côté de certains villages pénétrés par l’évangile. Ce sont les autorités de ces villages qui, pour perturbée par ce phénomène. L’effet le plus frappant aujourd’hui est celui de la faible prise de responsabilité des Africain dans la propagation de l’Évangile. En effet, les Chrétiens Africains se sont considérés comme des receveurs universels : le financement de la propagation de l’évangile n’est pas leur affaire mais plutôt celui du monde occidental. Ainsi l’Africain est passé à Côte de la Grande Commission, celle d’aller dans le monde entier et de faire de toutes les nations des disciples (Matt 28 : 18 à 20) pour se considérer comme perpétuel champ de mission. Le Nominalisme, c'est-à-dire le fait d’avoir un grand nombre de personnes qui se disent Chrétiens mais ne confessent pas Christ dans leurs actes et conduites. 165 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 73. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 113 éviter les altercations entre non convertis et convertis ne respectant plus les interdits collectifs, leur accordaient ces lopins de terres, pour construire le lieu de culte et le village chrétien. C’est ainsi que naquirent dans les années 1950 ces petits villages chrétiens tels Bethlehem à Goutro à une vingtaine de kilomètres de Danané et Béthanie à Yelleu dans la région de Zouan-Hounien. 3.2 L’évangélisation 3.2.1 La méthode d’évangélisation : le contact direct et le rôle des évangélistes locaux Dès leur arrivée dans la colonie de Côte d’Ivoire, les missionnaires comprirent la nécessité de s’appuyer sur les fils du pays pour la « conquête des âmes ». Leurs premiers efforts consistèrent donc à nouer des contacts avec des ressortissants des régions cibles qui leur serviraient de porte-paroles ou d’interprètes. Ces derniers jouèrent un rôle très important dans l’évangélisation du pays. En effet convertis pour la plupart en Basse-côte, ils s’érigèrent en véritables évangélistes ou servirent de guide aux missionnaires. C’est ainsi que pour évangéliser, Daniel RICHARD procédait souvent par un contact direct avec la population en s’appuyant sur un natif du pays. Leur peau blanche qui attirait l’attention facilitait le contact avec les autochtones dans les villages, sur les marchés et partout. 166 Pour pouvoir parler dans un village, il suffisait d’en demander la permission au chef du village qui mettait à leur disposition, soit la place publique du village sous un arbre, soit la cour intérieure même du chef. L’accueil spontané était un facteur favorable ; la place publique était tout de suite noire de monde. Tout le village se réunissait à l’invitation du chef ou attiré par les chants religieux 166 167 . J. RIEDER, lettre-réponse du 24.8.1973. André Kouadio KOUASSI, Les méthodes d’évangélisation utilisées par les missions évangéliques en Côte d’Ivoire, op.cit, pp. 29-30. 167 114 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Généralement Daniel RICHARD accompagnait ou se faisait accompagner d’un fils de la région ou du village à évangéliser. La présence du fils de la région et l’hospitalité de l’Africain suffisait pour lui réserver un bon accueil et surtout écouter son message. Les débuts de son ministère dans la région de Man relatés par le pasteur OULAÏ Zacharie permettent de bien cerner cette méthode : « En 1934, les premiers missionnaires, M. et Mme Daniel RICHARD arrivent à Man au milieu des Yacouba et des Wobé. A Sassandra, Daniel fit la connaissance d’un ouvrier Yacouba du nom de BONGUE qui travaillait dans une huilerie de cette ville. Son contrat ayant pris fin, il décida de renter dans sa ville natale. Daniel jugea bon d’effectuer ce voyage avec lui (…). Cette région se trouvait être peu touchée par la civilisation occidentale. (…). Dès leur arrivée, Monsieur BONGUE proposa qu’il rende visite à un chef de canton qui se trouvait être son parent. C’est ce qu’il fit et fut bien reçu, en particulier son ami, en raison de son caractère étrange, a été traité avec beaucoup d’égards. Après les salutations, le chef du canton donna la parole à Daniel comme le veut la coutume des Yacoubas. Ce contact marqua le début de l’évangélisation de Man et de sa région. Tout le village était impressionné par le message de paix et d’amour de RICHARD. Cet accueil favorable est dû à trois facteurs principaux : Comme nous l’avons dit plus haut, les Yacoubas étaient peu touchés par la civilisation occidentale. Pour la grande partie de l’auditoire, c’était la première fois de voir un blanc. Un fils de la région est venu de la Basse-côte avec un ami et cela n’est pas à prendre à la légère chez les Yacoubas. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 115 Les habitants de cette région avaient un caractère de type sanguin, si bien qu’ils réagissent spontanément. Voici donc le premier séjour, bref mais fructueux que M. RICHARD a fait à Man avant de partir à Sassandra. » 168 Jeanne DECORVET consacre elle aussi quelques lignes de son livre à l’arrivée du missionnaire et de son guide dans cette région de Man 169 : « Leur arrivée fit sensation, les blancs sont rares à Man et ne se rendent guère dans les villages. La foule grossissait autour d’eux au fur et à mesure qu’ils approchaient. Il y avait les Yacoubas et les Dioulas reconnaissables à leurs gandouras. Ils arrivèrent à la case du chef (…). Daniel est reçu avec beaucoup d’égards, il est invité à parler » 170 Si l’évangélisation était à ses début, l’œuvre des missionnaires, elle ne connut un véritable succès qu’avec les premiers convertis qui, prenant le relai, deviennent de véritables propagateurs de l’évangile. La Mission Biblique en Côte d’Ivoire n’aurait jamais réalisé de véritables succès si elle n’avait pas compris l’importance de s’appuyer sur les indigènes pour l’œuvre d’évangélisation. Le contexte même de l’installation, les difficultés de communication et d’adaptation des missionnaires à leur champ de mission constituaient déjà de véritables barrières à leur activité. Les difficultés rencontrés par 168 Zacharie OULAI, « Histoire de la Mission Biblique et de l’UEESO-CI dans la région de Man », in s /d James KRABILL, Nos racines racontées, Abidjan, PBA, 1995, p. 183. 169 Particulièrement remarquables dans la littérature missionnaires sont les passages relatifs à la première rencontre entre le Blanc et le Noir, où apparaissent toujours émouvants les rapports entre deux mondes qui se découvrent ; ainsi Gollmer remarque qu’au marché de Poka « ceux qui n’avaient jamais vu l’homme blanc accouraient de toutes les directions pour apercevoir l’étranger merveilleux ». Cf. Gollmer, CMS, Journal, 1845, cité par SALVAING, op.cit, p. 176. 170 Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 66-67. 116 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Daniel RICHARD lors d’une visite d’évangélisation à Guéssigo dans le région de Sassandra illustre bien le constat : « Mais comment se faire comprendre ? Ils appartenaient à quatre tribus différentes. chaque phrase devrait être traduite quatre fois : en fanti, en appolonien, en alladjan, en néyo. Quelle était la qualité de la traduction ? Chacun de ses interprètes improvisés comprenait si mal le français ou l’anglais. Le jeune pionnier touchait du doigt le principal obstacle à l’évangélisation : la multiplicité des langues dans cette région. » 171 Le message chrétien paraissait aussi aux yeux des autochtones comme un message étrange porté par des étrangers. Le fait colonial avec son corrolaire de violence, d’injustice, de discriminations, de domination etc., avait sérieusement terni l’image des missions chrétiennes si bien que la méfiance des populations à l’égard des missionnaires était grande. Pour réussir à atteindre la masse des indigènes, il fallait s’appuyer sur d’autres indigènes 172 . Au risque de nous repéter, il convient de rappeler que ce fut d’abord des africains noirs des pays et colonie voisins qui avaient posé les bases de ce qui deviendra plus tard la Mission Biblique en Côte d’Ivoire 171 Idem. p. 53. Les textes de Jean-Jacques ROUSSEAU, de CHATEAUBRIAND, de BERNADIN de Saint-Pierre, le romantisme des débuts du XXè siècle, avec leur exaltation de la nature et du « bon sauvage », offraient aux missionnaires une toile de fond sur laquelle spontanéité, générosité, s’épanouissaient librement. Le temps des conquêtes coloniales a été, lui, celui d’une volonté de puissance qui, pour justifier la conquête elle-même et son cortège de violences, la rudesse avec laquelle elle imposait un « ordre nouveau », exaltait au contraire le mythe d’une civilisation occidentale supérieure à toutes celles qu’elle pouvait rencontrer, quand elle ne niait pas seulement leur existence. Cf. A. ROUX, Mission des églises mission de l’Église, Paris, Les éditions du Cerf, 1984, 341 p., pp. 88-89. Le ton des relations humaines en a été si radicalement transformé que les missionnaires, baignant dans cette nouvelle atmosphère, en ont subi plus ou moins les effets. 172 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 117 (M.B.C.I) 173 . Dès leur installation en 1928 et les premiers contacts avec les populations et les chrétiens des régions de Sassandra et de Tabou (1930-1934), le couple missionnaire responsabilisa M. Jones, converti à Sassandra en lui confiant la région de Tabou précisément Tiboto et le pays des Ropos. « La vie transformée de Charles Jones était un témoignge extraordinaire, tellement que Daniel se demandait si ce n’était pas l’évangéliste qu’il demandait à Dieu. Aimeriez-vous travailler entièrement dans l’œuvre du Seigneur ? Lui demanda un jour Daniel. Que ferai-je, sinon cela ? répondit Jones, je ne vis maintenant que pour Dieu ! (…). Il se révéla un évangéliste très efficace. Il affirmait avec une chaleur communicative que seul Jésus peut libérer du péché et ne craignait pas, pour le prouver, d’évoquer son ancienne vie d’esclave. Les Néyo l’écoutaient avec une attention profonde, émouvante. » 174 Il avait pour tâche d’accentuer l’évangélisation de cette région et l’encadrement des âmes déjà gagnées à Christ. 173 Comme nous l’avons démontré plus haut, Mission biblique ne s’est pas installée sur un champ missionnaire totalement vierge. D’abord, lors de sa brillante mission effectuée en Côte d’Ivoire en 1913 puis en 1914-1915, William WADE HARRIS avait sillonné toute la région côtière de la Côte d’Ivoire en amenant plus de 100.000 personnes à la foi chrétienne. Il avait aussi annoncé l’arrivée des missionnaires blancs qu’il désignait sous le nom de « blancs de Dieu ». Dans la région de Tabou et de Sassandra, des communautés HARRIS s’étaient ainsi constituées. Quelques années plus tard, ce fut le docteur Mark HAYFORD qui effectue un voyage missionnaire dans la colonie de Côte d’Ivoire où il crée des églises pour le compte de sa Baptist and Mission Church. C’est ce dernier qui sollicite l’envoi de missionnaires français dans cette colonie. Quand Daniel RICHARD et son épouse arrivent en Côte d’Ivoire, leur premier souci est de rassembler les chrétiens issus de l’évangélisation effectuée par HARRIS. Nous l’avons déjà développé plus haut. 174 Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 112-113. 118 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique En 1932, c’est Koffi Donko, un ressortissant de la Gold Coast, qui décide de se consacrer à l’oeuvre d’évangéliste : « "Ma vie appartient à Dieu , et c’est ma plus grande joie de le servir", confia-t-il à Daniel RICHARD. Il est achanti, parle parfaitement bété et dioula. Le couple missionnaire le propose pour la station de Daloa où il y a un groupe d’ashantis très engagés et où l’administrateur se montre favorable à l’installation de la mission 175. » Déjà, lors de son premier voyage à Buyo, Daniel RICHARD avait rencontré dans le village de Bokogoué un homme instruit, Gaston Dodo, qui avait bâti un temple dans son village et qui sollicita une formation auprès du missionnaire por pouvoir mieux encadrer ses convertis. A Buyo, Kofi Sam, un jeune chrétien de la Gold Cost, dirigeait déjà une communauté en plein essor. Il joua un rôle très important dans l’enadrement des convertis de cette région 176 . Plus au nord, dans l’ouest montagneux la pénétration de l’évangile et l’implantation des Églises ne fut possible que grâce à des autochtones convertis qui avaient décidé de consacrer leur vie à l’évangélisation en faisant office de missionnaires parmi leur peuple. A Danané, c’est François BONGA, un « Dan, également gagné à l’évangile en Basse côte qui va devenir le pionnier de la région. Conscients de l’importance de pénétrer cette région nouvelle par un autochtone, les missionnaires décident d’y envoyer ce ressortissant. François BONGA est originaire de Danané où son père est très considéré » 177. 175 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 116. Idem, p. 75. 177 Charles Daniel MAIRE, dynamique sociale des mutations religieuses : expansion des protestantismes en CI, mémoire de maîtrise Sorbonne école pratique des hautes études, Paris, 1975, 276 p.., p. 180. 176 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 119 De nombreux autres évangélistes tels que LOH Philippe, TOMEKPA Suzanne, GBEADA Joseph, TOUEU Jean, GOMPOU Elisée, TOMEKPA Elie, WOUEHI Jean, KOUAZEU Isaac, BLEUKEUWA Albert se joignirent à lui aux débuts des années 1950 pour sillonner les nombreux villages et hameaux du pays dan pour annoncer l’évangile. C’est grâce à Nathanaël TOKPA VE que l’évangile put atteindre la région toura au début des années 1950. C’est donc à juste titre qu’à sa mort en 2004, Jacques RICHARD, son condisciple lui rende ce vibrant hommage: « Dieu dans sa grâce s’est servi de lui comme il peut le faire pour nous, pour exhalter sa gloire et avancer les affaires de son royaume. Concluons par ce qui, je le crois, est la chose la plus remarquable dans sa vie : il a été évangéliste, grand évangéliste, aussi avec…les pieds ! comme Jésus. Comme l’apôtre Paul et bien d’autres encore. Il passait toutes ses vacances à semer le bon grain dans cette contrée du nord-ouest, accompagné de quelques uns de ses élèves (il fut aussi enseignant et directeur des écoles) qu’il entrainait dans l’aventure. Car c’en était une, je vous l’ai dit, sur les pistes et les méchants sentiers de montagnes. Assez souvent, après une longue journée, les villageois refusaient de l’accueillir. Mais c’est grâce à lui, et à plusieurs autres aussi dont il faudrait pouvoir évoquer l’obéissance que cette contrée s’est ouverte à l’Église. Ah ! Seigneur donne nous encore des hommes comme celui-là ! » 178 Ce témoignage de Jacques RICHARD 179 nous permet de comprendre sans ambigüité, le rôle de ce pionnier dans la propagation de l’évangile dans l’ouest montagneux. En pays Wè, de nombreux 178 Cf. L’appel Côte d’Ivoire Haïti, 2004. Jacques RICHARD est le fils de Daniel RICHARD, premier missionnaire et pionnier blanc de la MBCI. Il a entretenu d’étroites relations avec l’évangéliste Tokpa VE qui était pour lui presqu’un ami personnel. 179 120 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique évangélistes comme GUEHI Étienne, DEROU Binjamin, MOUY Gaston furent de véritables fers de lance de la Mission Biblique dans la réalisation de son projet d’évangélisation 180 . Photo 9 : Quelque premiers évangélistes, évangélistes ayant contribué à la propagation de l’évangile dans les années 1950 De gauche à droite, BAH Samuel et MOUY Gaston : évangélistes et pionniers en pays Wê. 180 Voir annexe I-4, p. 320. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 121 De gauche à droite GUEHI Étienne et VE Tokpa Nathanaël, évangélistes et pionniers en pays toura et guéré. De gauche à droite God is King et DJIBOUDJOU Joseph, évangélistes dans la région de Tabou. Source : Jean-Colbert indestructible, inédit. GUENAMAN, L’Église une citadelle 122 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Si la méthode d’évangélisation - le contact direct employé par les missionnaires et les premiers évangélistes noirs - a permis les premières conversions, la qualité de l’évangile annoncé et les moyens qui l’ont accompagné furent d’autres facteurs de succès. 3.3 Un évangile holistique La parole du Christ « allez et faites de toutes les nations des disciples » implique de nombreuses responsabilités. Rogers GREENWAY en relève ici quelques unes : • Appeler les hommes de toutes races, de toutes tribus et de toutes nations à se repentir et à suivre le Christ ; • Prendre soin des pauvres, des malades et des opprimés ; • Implanter et faire grandir des Églises qui enseignent la parole en toute fidélité, en annonçant l’évangile à ceux qui sont perdus, au près comme au loin ; • Encourager les croyants à soumettre leur vie à l’autorité du Christ Seigneur et de sa parole ; • Promouvoir la pratique de la vérité, de la justice et de la réconciliation, et combattre le mensonge, le mal et les divisions ; • Prendre soin de la création dans son ensemble – l’eau, la terre, l’air, et les arbres – que Dieu a établis pour sa gloire et le bien des hommes, et que les hommes ont tant défigurée. À l’analyse, il ressort clairement que l’évangile, pour être complet, doit investir tous les domaines de la vie des populations concernées. Car la vie chrétienne pour être le reflet terrestre de la gloire céleste de Dieu doit être une vie débarrassée de toute misère, de toute injustice et discrimination. Pour ce faire, les missionnaires doivent combiner harmonieusement Parole (évangile) et actes (actions sociales et caritatives). L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 123 Ce principe, les missions évangéliques en Côte d’Ivoire et plus particulièrement la Mission Biblique l’avaient si bien compris qu’elles firent des actions sociales l’une de leurs priorités. La MBCI a ainsi entrepris la réalisation de plusieurs actions à caractère sociale. La pouponnière de Man 181 , fondée en 1947, « a pour double objectif d’apporter un témoignage d’amour et de mettre en valeur la vie 182 . Elle procure aux bébés et aux jeunes enfants, soins et éducation pendant quelques années avant qu’ils ne retournent en famille. » 183 Photo 10 : Quelques pensionnaires de la pouponnière de Man Source : Jeanne DECORVET, op.cit, p194. 181 Cf. Annexe V-8. p. 445. Dans les traditions wè et dan, lorsqu’une femme décède à la suite d’un accouchement, son enfant est victime de toutes sortes de préjugés. Il est considéré comme sorcier ou porteur de malheur. Il est généralement négligé jusqu’à mourir lui aussi. La mise en place de cette pouponnière à Man, zone de rencontre entre dan et Wè, et l’emploi da jeunes filles pour y travailler visait à combattre cet élément de tradition considéré comme un préjugé. 183 Appel Côte d’Ivoire Haïti, octobre 2003, p. 6. 182 124 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Source : www.avenue225.com L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 125 En 1965 est créé à Daloa le Service Technique des Églises Évangéliques de Côte d’Ivoire 184 (SERTEECI). Initialement atelier de menuiserie, ce centre forme aujourd’hui aux métiers de mécanique auto. Ce service qui aide les Églises dans la construction des maisons (portes, fenêtres, charpentes, etc.) et dans la réparation des véhicules, contribue à la formation des jeunes. Photo 11 : Le SERTEECI de Daloa, créé en 1964 Source : Alexis DEA – 08/07/2012 La Mission Biblique crée dans son champ de mission de nombreuses écoles primaires 185 dans l’optique de participer à l’évangélisation, à l’éducation et à l’effort de développement socio-économique, moral et 184 Cf. Annexe V-7. p. 444. L’UEESO dispose aujourd’hui de 34 écoles primaires dont plusieurs ont été mises en place par la MBCI. 185 126 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique spirituel de la Côte d’Ivoire 186 . Elle fonda en 1947 un excellent établissement secondaire privé au quartier Tazibouo I de Daloa, le Cours Secondaire Protestant Calvin. 188 187 (CSP) devenu aujourd’hui Collège Jean Photo 12 : La Direction de l’enseignement protestante de Daloa Source : Alexis DEA – 08/07/2012 186 La direction des écoles protestantes UEESO-CI se trouve à Daloa sur la station missionnaire de Tazibouo I. Cf. Annexe IV-3, p. 423. 187 Cf. Annexe V-6. p. 443. 188 Ces différentes actions seront complétées plus tard par d’autres structures mises en place par l’UEESO-CI avec la collaboration d’autres missions. Il s’agit notamment du Centre de santé « El Rapha » construite en 2003 par la Mission Conférence Baptiste à Abobo (Abidjan) sur 4000 m2 (Il est composé d’un bloc administratif, d’une maternité, d’un dispensaire et d’une salle de formation, le Centre a pour vocation d’assurer les soins de santé primaires et d’être au plus proche des populations démunies. C’est un travail à la fois d’évangélisation et d’édification) et du Service d’Animation Rurale (SAR) implanté à Danané en 1983 dans le but d’apporter aux chrétiens l’autosuffisance alimentaire par : des élevages de volailles (races locales et métissées) et d’agoutis ; la plantation de centaines d’arbres fruitiers greffés ou sélectionnés ; la culture de jardins maraîchers, des sessions de sensibilisation et de formation dans les villages en matière d’hygiène, de protection maternelle et infantile et de nutrition. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 127 Photo 13 : Un bâtiment du cours secondaire protestant de Daloa Source : Cspdaloa.com/index.php Toutes ces actions manifestaient la vie de miséricorde et d’amour, se proclamant en parole et se manifestant en actes. L’évangile englobe donc l’entièreté de la vie. Témoignage d’amour et d’égalité des hommes en Christ, ces actions sociales qui traduisirent la volonté de la mission biblique de réduire l’écart 189 « total » entre l’homme blanc et l’indigène à l’époque coloniale, permirent à celle-ci de gagner l’estime et la confiance d’une population au départ hostile. Les actions sociales de l’Église constituèrent un véritable appât et un puissant instrument d’évangélisation. La contribution des écoles dans l’action d’évangélisation de la MBCI fut très déterminante. Face aux difficultés éprouvées par les missionnaires et évangélistes d’atteindre 189 Cet écart grandissant entre les sociétés occidentales et les peuples du sud a été durement critiqué par le Pape Jean Paul II avant d’inviter les chrétiens à être de véritables acteurs de réduction voire de suppression de ce fossé puisque lumière du monde, c’est à cela que Dieu les appelle. Il encourage donc l’Église à aller au secours de la société. Cf. Jean Paul II, Sollicitudo Rei Socialis. 128 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique directement les personnes âgées très ancrées dans leur tradition, et qui considéraient les évangélistes comme des traîtres et des déracinés, le seul moyen pour les atteindre fut de leur parler par l’intermédiaire de leurs enfants qui fréquentaient les écoles protestantes. Le témoignage du « plus vieux des convertis », M. Nicolas, recueilli par Charles Daniel MAIRE pour son travail de recherche est édifiant à cet égard. Laissons le raconter lui-même. « Quand j’étais à Daloa, les musulmans m’ont parlé de Mahomet, que, quand on est musulman, on a le pardon de ses péchés et que, surtout chaque année il faut faire le carême d’un mois. Ils m’ont parlé du jugement qui devait venir, alors, quand j’ai compris ça, alors j’ai dit "moi aussi je veux avoir le pardon de mes péchés", et tout de suite j’ai décidé de devenir musulman. Avant que les dioulas me parlent, il y avait aussi les prêtres qui m’avaient parlé. La mère de la mission me parlait aussi de Jésus mais j’ai hésité. J’ai dit "mais comment faire ? Question de papier, comment il faut comprendre ? Comment il faut se conduire ? Tout passe par le papier !" le papier français m’a fait reculer alors que le papier musulman, on le voit rarement, on le voit avec les marabouts, donc c’est ce qui m’a décidé à devenir musulman. Alors je faisais le carême mais dans ma vie rien ne changeait, je me conduisais exactement comme auparavant. On prie, mais quand on vient on est de nouveau dans le péché. J’ai continué comme ça pendant onze ans. Ici à Man, il y a eu l’assemblée générale des missionnaires qui a eu lieu ici à la station. Une soirée, j’étais en promenade, je voyais beaucoup de missionnaires. Alors je me suis approché de M. RICHARD et je lui ai demandé : "mais pourquoi y a beaucoup de blancs comme ça ?" Il m’a expliqué un peu ce que c’était. Alors j’ai dit : "Si on L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 129 veut confier un enfant à l’un d’entre eux, est-ce qu’il peut accepter ?" Il est allé voir et M. Brehm a accepté de prendre Thérèse. Rosalie est partie avec M. Chapman à Oumé. Edouard est parti avec M. AIGREZ à Gagnoa. Ma famille et moi nous sommes restés musulmans. Pendant les vacances, quand les enfants sont venus, Thérèse est venue nous parler de Jésus. Elle a dit "Ah papa, il faut se faire chrétien, sinon il y a un jugement qui va venir". Rosalie aussi a parlé ainsi. J’ai dit : "je veux voir". Je n’ai pas voulu décider tout de suite. Un ou deux ans plus tard Rosalie est encore revenue d’Oumé. Elle devait passer le CEPE. Alors, nous musulmans, on a toujours l’habitude de faire des sacrifices. Alors on a fait des sacrifices pour les enfants qui vont passer le CEPE. Mais Rosalie, elle, elle a dit non : "Jésus a déjà fait un sacrifice pour nous." J’ai dit : "on va voir ; si on ne fait pas les sacrifices que les musulmans ont montré, si Jésus t’a aidée et que tu es admise, ce que tu dis, c’est la vérité". Et effectivement elle a réussi. J’ai dit : "ça c’est vrai". Alors, je me suis décidé et je suis devenu un chrétien. C’est le point de départ ». Un bref commentaire de ce témoignage permet de relever deux éléments essentiels ayant soutenu effectivement l’évangélisation de la MBCI. Le premier élément est la disponibilité sans conditions des missionnaires à servir la population. Dans ce témoignage l’acceptation des enfants du concerné a été immédiate. Aucune condition ne fut posée. Les missionnaires ne faisaient aucune discrimination dans l’exercice de leur fonction 190 . Ils étaient des missionnaires pour tous ; pour les croyants, les non-croyants et les musulmans. Cette générosité assez particulière témoignait leur intérêt des missionnaires pour la population, signe de l’amour universel de Dieu. Elle a souvent servi d’appât très attrayant pour leur cible. 190 Selon ce témoignage surtout. 130 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « Ces missionnaires sont des hommes et des femmes de grandes qualités spirituelles. À les voir, on se rend compte combien l’amour du Seigneur les presse. L’amour des Ivoiriens est un corollaire du précédent. L’attitude des missionnaires à leur égard permet de reconnaitre en eux de vrais envoyés de Dieu. » 191 Le second élément est le rôle joué par les enfants fréquentant l’école de la mission. C’est que les écoles protestantes, en accordant 1 heure par semaine aux activités religieuses telles que prière et méditation, se donnaient pour vocation d’évangéliser ces enfants, qui, à leur tour se chargeraient d’évangéliser leurs parents. Au cours de l’année scolaire, de nombreux enfants ayant accepté l’évangile, participaient effectivement à la vie spirituelle des communautés chrétiennes des missions qui les accueillaient. Par ailleurs, le même site abritant l’école et l’Église, les enseignants devenaient les encadreurs ou guides spirituels des élèves. Les enfants qui sortaient de ces écoles avaient souvent une foi solide qu’ils essayaient de communiquer à leurs parents. Plus tard, ayant grandi dans la foi chrétienne, loin des influences coutumières, ils devenaient des responsables d’Église. Simon Pierre EKANZA, parlant de l’Église à la période coloniale n’écrit-il pas : « Les convertis au christianisme se recrutent surtout parmi les jeunes scolarisés, les moins intégrés à la société ancienne et les plus accessibles à une idéologie de promotion vers le monde blanc, symbole de puissance et de culture 191 192 .»? André Kouadio KOUASSI, op.cit, pp. 29-106. Simon-Pierre EKANZA, L’Afrique au temps des blancs (1850-1935), Abidjan CERAP, 2005, pp. 142-143. 192 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 131 3.4 François BONGA premier vecteur ivoirien d’exportation de l’évangile en pays dan (1941) 193 Photo 14 : François BONGA Source : Jean-Colbert indestructible, inédit. GUENAMAN, L’Église une citadelle François BONGA, un contractuel dan converti à Sassandra en 1937 par la prédication de Daniel va jouer un rôle très important dans l’exportation de l’évangile dans l’arrière pays et plus particulièrement en pays dan, qui deviendra plus tard l’un des fiefs de la mission. En 1931, 193 Cf. Annexe II-3, p. 333. 132 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Daniel RICHARD avait effectué une première tournée dans les régions situées plus au nord de Sassandra 194 . Cette visite lui permit de découvrir les Dan, au nombre d’environ 42000 regroupés dans 280 villages de la subdivision Danané dans le cercle de Man 195 . Lors de cette visite, Daniel fut bien reçu par le chef, mais très tôt, les oppositions se signalèrent : « Le vieux sorcier lançait des plaisanteries pour tourner les paroles du "blanc de Dieu" en dérision » 196 . Une seule femme de Zéalé, Ma, convertie en Basse Côte, à Tabou, par le ministère de Jones, collaborateur des RICHARD était l’unique chrétienne. 197 En 1937, après sa conversion, François BONGA ne voulant garder l’évangile pour lui seul, décida de se rendre auprès des siens pour leur annoncer l’évangile. La Mission Biblique qui avait vite compris la nécessité de pénétrer cette région par un autochtone, soutient ce projet en l’envoyant comme premier évangéliste en pays dan. François BONGA livre ici ses souvenirs de cette période, où, lui, fils de chef, destiné à être garant de la tradition, revint au bercail avec une religion dont les principes s’opposent diamétralement aux croyances traditionnelles 198 . « J’avais été à l’école de 1920 à 1926. A ce moment, on passait le CEPE à Séguéla. Les notables ne voulaient pas envoyer leurs enfants à l’école. Mon grand-père était chef du canton Wa. L’administrateur Godefroy avait obligé mon père à m’envoyer à l’école. Quand j’ai quitté l’école, il n’y avait que deux Européens commerçants. J’ai été admis pour aller dans le commerce. Après 194 En 1928, un tout premier voyage avait permis à Daniel de découvrir la région de Man, mais sans y établir de véritables contacts. C’est la tournée de 1931 qui fut la plus importante, tant par la durée que par les activités menées. 195 Cf. Archives personnelles du pasteur Michel LOH, Secrétaire Général de l’UEESO. 196 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 165. 197 Idem 198 Nous précisons que l’intégralité de cet entretien accordé à Charles Daniel Maire se trouve dans la seconde partie de ce travail. Nous en présentons ici quelques extraits qui nous permettent de mieux développer ce présent chapitre. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 133 un an et demi j’ai été embauché par un autre. En 1927, je suis allé à Man. J’ai quitté Danané avant ma conversion pour aller à Tabou en 1929. Il y avait la société Pierre Morgan qui était venue à Danané pour recruter des travailleurs. J’ai été pris comme pointeur de billes de bois et mon grand frère comme commis de chantier. Nous n’étions pas habitués à travailler sous la pluie ; après quelques mois, nous avons quitté pour retourner à Tabou ville. Je me suis engagé pour naviguer et mon grand frère comme commis de dactylo. J’ai navigué de 1930 à 1932 jusqu’à Libreville, Pointe Noire, etc. Mais ce travail ne me convient pas. Je suis retourné à Tabou. Il y avait un Allemand à 12 Km de Tabou, à Agouébo. Il m’a embauché comme gérant de sa boutique pendant 1933, 34, 35. En 1936, j’ai appris la parole de Dieu par Jones 199. J’étais un peu perplexe dans le commerce. Mon patron me demandait : "Pourquoi as-tu la Bible ?". Il était catholique, ce n’était pas son livre. Donc mon patron était vraiment opposé. A son insu, j’ai beaucoup étudié. J’étais dans sa boutique de Tiboto. J’ai été 6 mois sans toucher d’argent. On touchait normalement 60 francs par mois, 30 F. pour la nourriture et 30 F. pour le salaire, moi je touchais 75 F. par mois par boutique, ce qui faisait 225 (il y avait 5 boutiques). Après 6 mois, l’inventaire a été fait. Il aurait manqué 6000 F. alors qu’il manquait 5 F. Mon patron est allé voir l’administrateur à Tabou. Cet allemand était méchant. Il y a eu un jugement. J’ai dit : "C’est faux, faux." Chaque boy qui 199 Originaire de Sierra Léone, protestant d’origine, lettré, ayant fait deux séjours en Angleterre, Jones était devenu alcoolique. Converti par le ministère des RICHARD, il devient l’un des tout premiers évangélistes. Cf. Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, pp. 110 SS. 134 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique surveillait une boutique avait 1 F par jour. En effet, après 6 mois, il ne manquait que 5 F. L’affaire a été finie. J’ai donc cherché à quitter ce travail. Le patron voulait se plaindre, mais ça a été fini. En 1937, je me suis converti. J’ai été baptisé en 1938 par MM. CORNAZ et BREHM à Tabou. M. Jones m’a gardé pour enseigner les enfants ; parmi eux il y avait David NEMLIN. Puis M. Jones m’a envoyé à Olodio pour enseigner les enfants et tenir les cultes. J’ai fait 9 mois à Olodio. De retour à Tabou en 1939, mon fils Jones est né. Je me suis installé à Tabou ville. Le mai 1941, je suis parti pour Danané. Il n’y avait encore rien. D’abord, j’ai fait un stage d’un an avec M. RICHARD à Man. Le 1er février 1942, M. RICHARD m’a installé ici dans la maison de Gono Lambert. Il nous avait cédé une maison en attendant de trouver le terrain nous avait attribué. J’étais inconnu partout. Même dans mon village, on me reconnaissait par le nom de mon père. C’était un temps très difficile. Avant moi, il y avait une femme convertie. Elle témoignait en 1936 mais elle n’a pas eu de conversion. J’ai beaucoup parlé. J’ai commencé par l’école avec un moniteur Wobé de Man, Lanciné Diallo. Il n’y avait qu’un petit nombre d’enfants en 1944-1945. Depuis 1945, nous parlions aux enfants de l’école surtout. Un jour, j’ai appris que les chrétiens du Libéria ont la Bible dans leur langue. J’ai parlé à mon beau-père qui était autrefois musulman polygame et à Paul TOKPA qui avait été à Tabou où il a entendu (l’évangile). Comme on se connaissait, il m’a reconnu. Il était du village de Bleupleu où il a abandonné le peu qu’il L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 135 savait. Il s’est converti, mon beau-père WANGOLO aussi. Il avait hérité les femmes de son frère. Il en avait au moins 10. Comment faire ? Il a répudié toutes ses femmes. Ce sont les premiers avec Daniel. Le temps était difficile, il fallait trouver beaucoup de caoutchouc. Le commandant empêchait les gens de se promener. Il maltraitait les gens dans le pays. Il était difficile de venir à Danané à cause des travaux forcés. Je devais aller trouver le responsable pour être autorisé à voyager… » Dès son retour au pays natal, BONGA multiplia ainsi les efforts, souvent même au risque de sa vie, pour annoncer l’Evangile. Profanant les lieux sacrés et les interdits, attaquant ouvertement et parfois violemment certaines pratiques traditionnelles aux conséquences dangereuses telles que la société secrète Ninhin, il présentait l’Evangile comme la seule solution aux différents problèmes qui minaient la société. Premier évangéliste, il joua ainsi un rôle déterminant dans l’avancée de l’Evangile dans l’arrière-pays dan. Il va même servir plus tard de modèle pour plusieurs autres convertis qui s’engageront dans le ministère d’évangéliste. Au total, l’évangélisation du sud-ouest ivoirien de 1927 à 1962 exigea de la Mission Biblique beaucoup de volonté, d’engagement et surtout de savoir-faire. Les missionnaires durent ranger les costumes européens, la gloire de l’européen en colonie, renoncer à de nombreux privilèges pour se faire « indigènes », acceptant ainsi toutes les misères, consentant du coup tous les sacrifices pour témoigner de l’amour de Dieu. La très récente mais ambitieuse Église du Tabernacle, en dépit, des nombreux autres défis auxquels elle devait faire face, a pourvu à la mise en place de nombreuses actions sociales en Côte d’Ivoire dans le but d’apporter aux peuples, à travers l’assistance, le message de l’amour de Dieu. Véritables appâts missionnaires, ces œuvres avaient pour rôle parfois inavoué, d’attirer le maximum de personnes à la conversion. A cela s’ajoute le rôle joué par François BONGA, premier évangéliste 136 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique ivoirien dont la foi, le témoignage et les œuvres constituèrent de véritables facteurs de conversions. Au terme de cette première période qui fut la période missionnaire, quel bilan dresser des activités de la MBCI dans le sud-ouest ivoirien ? Les objectifs visés ont-ils été atteints ? Dans quelle proportion ? 3.5 Bilan de l’implantation pendant cette première phase : étude comparée entre auditeurs et baptistes Il sera question, dans cette dernière partie de ce chapitre préliminaire, de déterminer l’ampleur de l’implantation de la MBCI dans son champ de mission. L’analyse portera donc sur l’évolution qualitative et quantitative des conversions, le degré d’extension du champ missionnaire et l’implantation régionale de la mission. L’objectif étant de comprendre si les stratégies adoptées par les missionnaires ont vraiment porté du fruit parmi les différents peuples de son champ d’activités. 3.5.1 Evolution des conversions et multiplication des lieux de culte Tableau 2 : Tableau présentant l’évolution du nombre d’auditeurs et de Baptistes à la MBCI de 1927 à 1962 Années 1927 1937 1947 1957 1961 1962 Auditeurs 0 300 600 3176 4755 5830 Baptisés 0 30 70 377 1095 1304 Source : L’appel de la Côte d’Ivoire (1961-1969). L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 137 Graphique 1 ÉVOLUTION DES CONVERSIONS ET DES BAPTÊMES À LA MISSION BIBLIQUE DE 1927 À 1962 5830 6000 4755 5000 4000 3176 3000 2000 1000 0 0 0 30030 600 70 1 2 3 377 4 1304 1095 5 6 Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du tableau ci-dessus. Les données du tableau et du graphique sont d’origine missionnaire. Elles sont tirées de L’appel, organe d’information de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire. Elles ont été collectées par Charles Daniel Maire, dans les parutions de 1961 à 1969. Etant d’origine missionnaire, ces données peuvent être considérées authentiques et crédibles. L’observation du graphique révèle deux grands constats : deux grandes phases d’évolution sont très perceptibles. La croissance des nombres d’auditeurs et de baptisés de la MBCI de 1927 à 1962 s’est faite en deux grands mouvements, une croissance très lente entre 1927 et 1947 et une croissance très accélérée de 1947 à 1962. La période allant de l’installation en 1927 de la MBCI à 1947 est caractérisée par une croissance très lente des conversions. Durant le décennie 1927-1937, la Mission enregistre trois cents conversions. De 1937 à 1947, 300 autres conversions sont enregistrées, ce qui porte à 600 le nombre total des auditeurs réguliers. Une précision s’impose ; à la 138 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Mission Biblique, être auditeurs ne signifie pas être chrétien. Sont considérées comme chrétiens et membres de l’Églises, les personnes qui sont passées par le baptême. En 1937, il n’y a seulement que 30 baptisés soit 10% des auditeurs. En 1947, ils sont 70 soit 40 nouveaux baptisés durant la décennie. Le bilan des 20 premières années est marqué par une faible croissance du nombre d’auditeurs et de baptisés. Plusieurs raisons expliquent cette difficulté de décollage. Ce sont d’abord les problèmes d’installation et d’adaptation au champ missionnaire. Dès leur arrivée en Côte d’Ivoire, le couple RICHARD était d’abbord préoccupé par la recherche d’un site de lancement de l’œuvre missionnaire. Arrivé en 1927, ce n’est qu’en 1928 qu’il put intégrer sa première concession missionnaire à Batélébré, près de Sassandra. Ensuite s’ajoute la nécessaire connaissance du champ d’action. Ainsi, les premières années furent quasiment consacrées aux voyages d’exploration missionnaire. Ces voyages souvent longs et périlleux, permirent aux RICHARD de découvrir les peuples parmi lesquels ils étaient appelés à travailler. Daniel RICHARD et son épouse devaient aussi apprendre à connaître les coutumes des populations cibles. Dans une lettre adressée à la Mission Biblique au début des années trente, Daniel relate les difficultés du missionnaire et les stratégies pour annoncer l’évangile à ces peuples dont les caractéristiques majeures sont la diversité et le fort attachement à l’idolatrie : « Il est toujours embarrasant de commencer à évangéliser des tribus que l’on ne connait pas : leurs habitudes, leurs idoles, leurs croyances peuvent être différentes. Le missionnaire doit sans cesse s’instruire et ne perdre aucune des leçons qu’est pour lui chaque corps à corps avec la réalité et, au cours de l’entretien, saisir l’occasion qu’il guette pour découvrir une vérité ou une portion de vérité qui lui servira de base pour faire connaître le Dieu vivant et son amour infini révélé par son fils. La prédication du sacrifice sanglant, du sang versé qui réconcilie L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 139 avec Dieu, est celle qui trouve toujours échos dans le cœur du fétichiste le plus endurci ; car c’est une coutume qu’il pratique, celle du sacrifice sanglant. » 200 Une troisième raison qui permet d’expliquer la lenteur dans la croissance numérique de l’Église au début de la période missionnaire c’est que le champ missionnaire était à ses débuts restreint et difficile à parcourir. En effet, dès leur arrivée, les missionnaires avaient concentré leur action sur la zone côtière, précisément chez les Kroumen et les Neyo. L’objectif premier qui consistait à récupérer les chrétiens laissés par le prophète HARRIS et à rassembler les petites communautés déjà en place avant d’étendre le champ missionnaire était freiné par la résistance reigieuse conduite par le prophète GRAH. Ce prophète noir, solidement installé à Batélébré 201 et conquérant avec brio les villages alentours, constitua aussitôt le plus grand obstacle à l’évangélisation de la région de Sassandra. Daniel relève aussi l’incrédulité et l’instabilité de la foi chez les Neyo. Pour lui, ce sont des gens qui après le culte de Noël peuvent se retrouver le même jour dans un état d’ivresse inadmissible : « Et pourtant, ce même jour, personne ne vint à la fête soigneusement préparée : en route, les auditeurs avaient cédé au formidable attrait de l’orchestre néyo avec son rythme endiablé et ses flots d’alcool. C’était une concurrence irrésistible (...) Les contacts avec les Néyo étaient décevants, le chef de Batélébré était amical, mais trop attaché à l’alcool et aux fétiches pour s’intéresser à l’évangile» 202. Ce comportement des populations autochtones n’est pas observé chez les seuls Néyo. Il semble même être l’un des plus grands problèmes rencontrés par les missionnaires en Afrique noire. Souvent, pour faire 200 Lettre de Daniel RICHARD citée par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 100. Ce messianisme indigène a longtemps constitué un blocage à l’avancée de l’évangile en pays Krou comme nous l’avons montré plus haut. Cf. supra, p. 67. 202 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 54. 201 140 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique plaisir aux missionnaires, les indigènes répondent à leurs appels, écoutent leur message mais refusent de le mettre en pratique. Bernard SALVAING le remarque aussi en pays Yorouba: « Souvent les missionnaires sont frappés par la différence entre le bon accueil et la gentillesse des Africains et leur indifférence tranquille face à leur prédication » 203 . La dernière raison pour laquelle la croissance des conversions a été lente au début de l’ère missionnaire était l’insuffisance du personnel missionnaire. De 1927 à 1934, la mission ne comptait que deux missionnaires, Daniel et Laure RICHARD. Le couple devait à lui tout seul explorer le champ missionnaire, s’occuper de l’évangélisation, encadrer les néophytes et faire face à tous les autres défis de l’activité missionnaire. Leurs collaborateurs qui étaient constitués des premiers convertis étaient pour la plupart analphabètes. Les différents problèmes relevés ci-dessus expliquent donc la lenteur dans la croissance du nombre de convertis de la MBCI à ses débuts. A partir de 1940-1945, l’effectif des auditeurs et des chrétiens baptisés amorce une croissance très accélerée. Entre 1947 et 1957, le nombre d’auditeurs réguliers et de chrétiens baptisés a quintuplé. Le nombre d’auditeurs réguliers est passé de 600 à 3176 et et celui des chrétiens baptisés de 70 à 377, soit une croissance de 537,57% de 1957 à 1961. En moins de 6 ans plus tard, de 1957 à 1962, le nombre d’auditeurs réguliers augmente de moitié passant de 3176 à 5830. Celui de chrétiens baptisés a presque triplé passant de 377 à 1095. Plusieurs raisons expliquent cette croissance exceptionnelle des années 1950 à 1963. Ce sont : le rôle important joué par les évangilistes africains, l’impact de l’enseignement devéloppée par les missionnaires œuvres caritatives. 203 204 Bernard SALVAING, op.cit. p. 185. Voir supra, p. 75. 204 et l’impact des L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 141 Le second constat est l’écart considérable entre le nombre d’auditeurs et celui de baptisés. En 1930, seulement 10 sur les 300 auditeurs sont baptisés, soit 10%. En 1947, les 70 baptisés représentent 11,66% des 600 auditeurs. En 1957, les baptisés représentent 11, 87% des auditeurs réguliers. En 1962, ils constituent 22.30% du nombre total des auditeurs réguliers. Sur toute cette période, le nombre de baptisés est resté nettement inférieur à celui des auditeurs réguliers. Cela s’explique par le fait qu’à la Mission Biblique, aller à l’Église n’est pas forcément synonyme de conversion et que le baptême qui se présente comme la concrétisation d’une décision ne s’effectue que lorsque le chrétien a suffisamment fait preuve de sa conversion. Or les premiers peuples qui accueilirent la Mission faisaient montre d’une foi instable : « Ils se montraient décevants 205 ». Dans un tel contexte, les baptêmes ne pouvaient pas se multiplier aussi rapidement. Au fur et à mesure que s’étendait le champ missionnaire, le taux de baptêmes augmentait. Cela justifie en partie l’ouverture à l’évangile des peuples Dan et Wê parmi lesquels la mission s’était finalement implantée 206 . Parallèlement à l’évolution du nombre d’auditeurs et des baptisés, le nombre de lieux de culte connut deux grandes phases avec une répartition disproportionnelle entre les différentes régions du champ missionnaire. Tableau 3 : Tableau présentant l’évolution du nombre de lieux de culte à la MBCI de 1927 à 1962 Années Lieux culte de 1927 0 1937 13 1947 13 1957 57 1961 109 1962 125 Source : L’appel de la Côte d’Ivoire (1961-1969), cité par Charles Daniel Maire, op.cit, Annexe I b. 205 206 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 51. Jeanne DECORVET, op.cit., pp. 66-69. 142 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Graphique 2 140 Evolution du nombre de lieux de culte à la MBCI 125 de 1927 à 1962 109 120 100 80 57 60 40 20 0 0 1 13 13 2 3 4 5 6 Source : Réalisé par nos soins (à partir de Microsoft Excel) sur la base du tableau ci-dessus L’évolution du nombre de lieux de culte de la Mission Biblique s’est faite proportionnellement à celle du nombre des conversions. Ainsi observe-t-on durant les deux premières décennies, une première phase de croissance très lente. De 1927 à 1937, seulement 13 lieux de culte ont été ouverts. Durant la décennie 1937 - 1947, aucun nouveau lieu de culte ne semble avoir été ouvert 207 . Cela s’explique par le fait que cette période a été celle de l’exploration missionnaire pendant laquelle tous les efforts ont été consacrés à la découverte et à l’étude des populations cibles. Aussi, pendant cette période, très peu de personnes étaient-elles engagées dans l’œuvre d’évangélisation. Mais, de 1947 à 1957, parralèllement à l’évolution du nombre de conversions, le nombre de lieux de culte allait plus que tripler passant de 13 à 57. En 1961 on en dénombre 109 ; et deux années plus tard, 33 nouveaux lieux sont ouverts portant à environ 140 le nombre total de lieux de culte de la période missionnaire. Cette évolution est logique car 207 En 1937, le nombre de lieux de culte était de 13. 10 années plus tard, ce nombre n’a pas évolué. Cf. L’appel de Côte d’Ivoire, 1961-1969. L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 143 l’augmentation du nombre d’auditeurs entraine nécessairement la multiplication des lieux de culte. 3.6 Implantation régionale de la MBCI En 1962, date à laquelle les missionnaires passent le flambeau aux responsables ivoiriens, la Mission est solidement implantée dans le sudouest avec une présence très marquée en pays dan et wê. Cela lui conféra un caractère régionaliste à l’instar de toutes les missions évangéliques de l’époque. Le régionalisme reste l’une des caractéristiques essentielles du protestantisme africain. Par régionalisme protestant, nous entendons le partage des différentes régions d’un même pays ou d’une même colonie entre diverses missions protestantes. Comme le constate Samuel ZADI, « pour évangéliser les pays africains, les missions occidentales se sont organisées pour occuper chacune une région spécifique » 208 . Cela a fait du protestantisme africain un protestantisme « dispersé en multiples dénominations indépendantes. Il s’agit souvent d’Églises locales dérivées par scission des missions protestantes et pentecôtistes, mais on dénombre aussi des milliers d'Églises indigènes fondées par des prophètes autochtones » 209 . En Côte d’Ivoire, c’est à la suite du ministère prophétique de William Wade HARRIS de 1913 à 1915 que va naître l’intérêt des missions protestantes pour cette colonie 210 . Cet engouement sera accentué par la signature du protocole de Saint-Germain en Laye qui 208 Samuel ZADI, Le tribalisme, un poison pour l’Église africaine, Abidjan, CPE, 2000, p. 18. 209 Jean-Claude BARBIER, Les forces religieuses en Afrique noire : un état des lieux, O.R.S.T.O.M./C.N.R.S. Citadins et religions en Afrique noire N Dép. Sud, U.R. Enjeux de l’urbanisation, Université Paris IV, p. 122. 210 Célestin KOUASSI, La CMA en pays baoulé, 1919-1960, dynamique d’une mission chrétienne et évolution du contexte sociopolitique, Abidjan, ETAF, 2006, 189 p., pp. 17-18. 144 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique vient ouvrir les portes de la Côte d’Ivoire aux différentes missions protestantes. Avant la signature de cette convention, les conditions d’installation des missionnaires dans les colonies françaises étaient des plus difficiles 211 : « Le ministère des colonies ne toléra jamais la présence des missionnaires qui fussent à ses yeux indésirables. A de rares exceptions près (…) seuls des missionnaires français furent acceptés dans les colonies » 212 . Le protocole de Saint-Germain avait pour une des clauses principales de : « favoriser sans distinction de nationalité, ni de culte, les institutions et les entreprises religieuses, scientifiques et charitables créées et organisées par les ressortissants des autres puissances signataires et des États membres de la Société des Nation qui adhèreront à la convention et qui tendront à conduire les indigènes dans la voie du progrès et de la civilisation » 213. A la suite de cette signature, de nombreuses missions protestantes s’installèrent dans les colonies, favorisant la naissance de plusieurs Églises protestantes. « Dans les années 1950, toutes les grandes confessions protestantes étaient déjà représentées dans la majorité des pays africains : les missions luthériennes, les missions calvinistes, les missions épiscopaliennes, puritaines, méthodistes ou baptistes. En marge de ces courants traditionnels, se sont implantées de nombreuses mouvances dissidentes comme les pentecôtistes et les adventistes parmi tant d’autres. 211 Célestin Kouadio KOUASSI, op.cit., p. 12. Jean SUCHET-CANAL, Afrique noire, l’ère coloniale 1900-1945, Paris, Editions sociales, 1962, pp. 448-449. 213 Célestin Kouadio KOUASSI, op.cit., p. 12. 212 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 145 Enfin, émergèrent des églises prophétiques d’origine africaine comme l’Église Harriste, également appelée Église du Christ, fondée au début du 20ème siècle au Libéria, l’Église kimbanguiste, fondée dans les années 1920 au Congo belge (l’actuelle République Démocratique du Congo) par le prophète Simon Kimbangu, ou encore l’Église du Christianisme Céleste, créée en 1947 au Bénin. Signalons que les missionnaires encourageaient indigène ». la création de missions protestantes 214 Dans la colonie de Côte d’Ivoire, les effets, du protocole de SaintGermain, se sont manifestés par l’arrivée et l’installation à partir de 1925, de plusieurs missions d’origine différentes. Il s’agit de : • La mission méthodiste wesleyenne (anglaise) en 1924 • La Mission Biblique (française) en 1927 216 215 ; , • L’Alliance Missionnaire Chrétienne (américaine) en 1930 • La Worldwide Evangelization Crusade (anglaise) en 1934 217 218 ; , • La Conservative Baptist Foreign Mission Society en 1947 ; • La Free Will Baptist Mission en 1958 219 . Pour l’occupation du territoire ivoirien, ces différentes missions effectuèrent un partage tacite comme le constate KEO Kognon : 214 Jérémie Kroubo DAGNINI, Dictatures et protestantisme en Afrique noire depuis la décolonisation : le résultat d’une politique françafricaine et d’une influence américaine certaine, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, France. HAOL, N°. 17 octobre 2008, pp. 122-123. 215 Kognon KEO, op.cit, p. 20. 216 L’aventure missionnaire de cette société de mission a été relatée dans le livre de Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, paru en 1977. 217 Célestin Kouadio KOUASSI, La CMA en pays baoulé, 1919-1960, dynamique d’une mission chrétienne et évolution du contexte sociopolitique, Abidjan, ETAF, 2006, 189 p. 218 Voir à cet effet, le mémoire de maîtrise de TANOH Jean Claude sur la WEC en pays Gouro soutenue à la FATEAC en 2007. 219 Kognon KEO, op.cit, pp. 37-41. 146 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « Sans plan de partage établi, les missions protestantes se sont établies sur toute l’étendue du territoire ivoirien afin d’éviter les chevauchements dans les champs d’activités respectifs. Ce partage s’est fait de façon tacite suivant l’ordre d’arrivée des missions et aussi suivant le découpage administratif et géographique de la Côte d’Ivoire de l’époque » 220. La première mission, la mission méthodiste s’installa d’abord le long de la côte. Ne pouvant pas couvrir toute la zone du littoral, ses responsables conseillèrent à la Mission Biblique de s’installer dans le sud-ouest d’où ils recevaient des appels pressants de la population 221 . Alors, M. BLOCHER, responsable de la Mission Biblique se rendit à Londres auprès du comité directeur de cette mission pour délimiter avec lui le champ de travail du Tabernacle. La frontière en fut fixée à l’ouest du petit port de Fresco jusqu’à la République du Libéria 222 . De même, lorsque la CMA arriva quelques années plus tard, POWELL prit le soin d’informer le 14 juillet 1930 les missionnaires de la Mission Biblique que la CMA « prenait en charge les tribus des Baoulé jusqu’à Dimbokro et Lakota et tâcherait même d’atteindre les Gouro » 223 . Ce fut la même méthode qui régula l’installation de toutes les missions évangéliques. Cette méthode d’installation suppose que pour l’harmonie entre les différentes missions opérant dans la même colonie, chacune d’elles devra se contenter de sa zone d’influence et laisser les autres sur leurs territoires. Du coup, la Mission Biblique qui deviendra plus tard l’UEESO-CI est appelée à rester dans le sud-ouest ivoirien où elle fondera une Église pour les populations locales. 220 Kognon KEO, op.cit, p. 66. Kognon KEO, op.cit, pp. 37-41. 222 Jacques BLOCHER, Roger BLANC, et E. KRUGER, Histoire des missions protestantes française, Flavion le Phare, 1970, p. 359. 223 Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 109-110. 221 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 147 Du mode d’occupation du territoire ivoirien par les missions protestantes a découlé la coloration ethnique des Églises issues de ces missions. Ainsi l’Église méthodiste est quasiment composée des populations du sud, la CMA est composée en majorité de Baoulé, la WEC est l’Église des Gouro, les baptistes du nord sont quasiment composés de Sénoufo, ceux de l’est de Lobi et de Lorhon. Cette situation qui caractérise les Églises protestantes ivoiriennes semble quelque peu différente à l’UEESO-CI. Conformément à l’étendue de son champ missionnaire, l’UEESO-CI regroupe plusieurs groupes ethniques allant des Mandé du sud aux Krou. Le pasteur Kaya Rodrigues le relève bien dans son mémoire de maîtrise : « Le socle d’expression de l’œuvre missionnaire a été le sudouest de la Côte d’Ivoire, Ceci a placé l’église face aux ethnies suivantes : Kroumen, Neyo, Godyé, Bété, Dida 224 , ensuite les peuples Dan et Wê. Il faut à cette liste ajouter les Baoulé qui se sont retrouvés dans ces régions forestières du sud-ouest comme exploitants des richesses agricoles » 225 . D’abord implantée parmi les Kroumen et les Néyos, la Mission Biblique finira par s’établir dans l’ouest montagneux au détriment de la région côtière. Les raisons de ce déplacement de la mission sont présentées par DECORVET comme suit : « Laure fut enthousiasmé par la ville (Man, ville centrale des peules Wê et Dan), son cadre de montagnes, son climat plus sain que celui de Sassandra, la cordialité de ses habitants et leur zèle pour entendre l’évangile. 226 » Toutes les activités seront concentrées dans cette région, ce qui va entrainer une adhésion massive des Wê et des Dan à cette Église. 224 Classification de Ernest ZIHI dans James KRABILL (s/d) Nos racines racontées, Récit historique sur l’Église en Afrique de l’Ouest, Abidjan : PBA, 1996, p.174. 225 Rodrigues Mwari KAYA, op.cit, p. 65. 226 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 91. 148 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Tableau 4 : Tableau récapitulatif du nombre d’auditeurs à la MBCI 227 en fonction des aires ethniques en 1962 Pays Dan et Wobé 3280 Auditeurs Pays Guéré 640 Pays Kroumen 500 Pays Bété et Néyo 810 Graphique 3 Pays bété et Néyo Pays kroumen Pays dan et wobé Pays guéré répartition des auditeurs à la Mission biblique par ethnie en 1962 Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du tableau ci-dessus. Tableau 5 : Tableau récapulatif du nombre de Baptisés à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 Aires ethniques Baptisés 227 Pays Dan et Wobé 1023 Pays Guéré 150 Appel de Côte d’Ivoire 1961-1969. Pays Kroumen 33 Pays Bété et Néyo 96 total 1302 L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 149 Graphique 4 Répartition des baptisés à la MBCI par ethnie en 1962 Pays guéré Pays Pays bété et kroumen Néyo Pays dan et wobé Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du tableau ci-dessus. Tableau 6 : Tableau Récapitulatif du nombre de lieux de culte à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 Aires ethniques Lieux de culte Pays Dan et Wobé 74 Pays Guéré 18 Pays Kroumen 13 Pays Bété et Néyo 30 Source : Appel de Côte d’Ivoire 1961-1969. L’observation de ces graphiques révèle un certain nombre de constats : les régions de Man et de Danané concentrent à elles seules 3280 des 5230 auditeurs, soit 62,71%. La proportion des baptisés en est de 78,57% avec 74 des 125 lieux de culte, soit plus de 57%. Les régions de Guiglo, Toulépleu et Duékoué en pays guéré regroupent 640 auditeurs réguliers soit 12,23% et 11,52% des chrétiens baptisés. Elles enregistrent 22 lieux de culte soit 17%. Pour l’ouest montagneux, le nombre total d’auditeurs est de 3920 soit 74, 95%. Elle enregistre 1173 baptisés sur 1302 soit 90.09%. le nombre total de lieux de culte en est de 96 soit 76,8%. 150 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Quant aux régions de Daloa, Gagnoa, Tabou et Sassandra, elles ne totalisent que 1310 auditeurs soit 25.04%. La proportion des baptisés n’est que de 9, 90% et ne comptent en tout que 33 lieux de culte soit 26%. De ces constats il ressort que bien que la mission ait commencé en pays Néyo, c’est finalement parmi les Wê et surtout les Dan qu’elle s’est établie effectivement. Elle y a concentré tous ses efforts si bien que les pays Dan et Wê constituent les véritables bastions de l’UEESO-CI. La forte concentration dans l’ouest montagneux s’explique d’une part, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, par le déplacement de la Mission Biblique dans cette région et la concentration de tous les efforts sur les peuples wê et dan au détriment des autres peuples de la zone d’action. D’autre part, l’exportation de l’évangile par les autochtones dans l’arrière pays et son incompatibilté avec les coutumes locales ont favorisé la création et l’expansion des lieux de culte. En effet, les premiers convertis à l’évangile étaient animés d’un zèle si fervent qu’ils s’étaient érigés en véritables missionnaires parmi les leurs. Mais les prescriptions bibliques et la manière de vivre des convertis portait véritablement atteinte aux us et coutumes locaux ; violation d’interdits, opposition au pouvoir local. Pour éviter des accrochages aux conséquences pouvant être graves, les chefs de villages préféraient octroyer aux chrétiens une portion de terre décalée de quelques centaines de mètres du villages. Très tôt, ces espaces prirent l’aspect de véritables stations missionnaires sur lesquelles sont bâties les domiciles des responsables et un lieu de culte. Mouy Gaston, un pionnier de l’Église en pays Wobé, donne ici son témoignage : « Quand j’ai accepté le Seigneur et répondu à l’appel d’aller le servir, je me suis rendu avec mon frère au village pour évangéliser. Mais les responsables du village nous considéraient L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 151 comme une menace pour la tradition. Parce que nous ne respections plus le pouvoir des masques, et les totems n’avaient plus d’importance pour nous. Alors le chef du village de Soakpé a demandé qu’on nous donne un espace à côté du village. C’est cet espace qui abrite l’église aujourd’hui. » 228 Les chrétiens donnent à ces espaces, le nom de cité biblique. Ces noms prophétiques étaient l’expression de l’espérance en Dieu et l’espoir de voir grandir ces petits espaces pour devenir de véritables cités chrétiennes. Donc, dans de nombreux villages, la mise en place d’un lieu de culte n’était pas forcément fonction du nombre de chrétiens ; la présence de convertis suffisait pour le faire 229 . Dans les régions situées plus au sud, le degré d’implication de la population locale dans l’évangélisation étant moindre. La mission se contenta d’entretenir les lieux de culte déjà existant dans les grands centres urbains. C’est ce qui explique le fait que la présence de la MBCI dans ces régions est moins marquée. En somme, l’analyse statistique du nombre de conversions et de celui des lieux de culte de la MBCI nous a permis de comprendre l’ampleur et les facteurs de l’évolution numérique et qualitative de la MBCI pendant la période missionnaire. Elle nous a aussi permis d’évaluer les résultats des activités de la mission biblique depuis son implantation jusqu’à la responsabilisation des frères ivoiriens. 228 Entretien réalisé en août 2010 à Abidjan. Il est donc important de comprendre que les lieux de culte qui font ici l’objet d’étude ne sont pas forcément de véritables églises, mais souvent de petits endroits où se réunissent les chrétiens pour célébrer le culte. L’importance du nombre de lieux de culte ne traduit pas forcément une importante adhésion de la population locale mais parfois l’expression d’un rejet, d’une opposition manifestée par des difficultés de cohabitation. Malheureusement, cette seconde hypothèse n’a jamais été émise puis analysée par les responsables de l’Église, qui, se basant sur la gloire des chiffres, sont tombés dans un véritable satisfecit, faisant aujourd’hui de l’UEESO, l’une des Églises les moins missionnaires du pays, voire d’Afrique. 229 152 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dans un premier temps, nous remarquons que la croissance des effectifs et des zones d’influence de la Mission Biblique s’est faite en deux temps ; une période de croissance lente marquée par l’exploration missionnaire et les efforts d’adaptation aux réalités du champ de mission. Cette période est aussi caractérisée par la faiblesse du nombre de missionnaires et d’évangélistes. Durant cette période, les efforts étaient concentrés dans les régions situées plus au sud, parmi les peuples Neyo et Kroumen qui seront jugés plus tard par les missionnaires comme étant hostiles à l’évangile. Durant cette période qui part de 1927 aux environs de1940, le nombre d’adhérents à la MBCI n’excède pas 300 membres et le nombre total de lieux de culte n’est que de 13. A cette première période de croissance très lente succède une seconde marquée par une croissance très rapide, voire vertigineuse. Les facteurs de cette évolution exceptionnelle sont l’implication des autochtones dans l’évangélisation et l’influence des actions sociales entreprises par la Mission. Les évangélistes, forts de la maîtrise du champ missionnaire, sillonnèrent les nombreux villages du sud-ouest ivoirien pour porter le message du Christ. Ils contribuèrent à la disparition de certaines pratiques aux conséquences terribles pour la population. Aussi, l’école protestante, pour avoir formé des intellectuels et des responsables chrétiens, participa à la propagation de l’évangile dans le sud-ouest ivoirien. L’on remarque aussi que l’implantation de la MBCI n’est pas la même dans les différentes régions de sa juridiction. S’étant très tôt déplacée dans l’ouest montagneux, elle consacra tous ses efforts sur cette zone au détriment des autres régions. Au terme de ce chapitre préliminaire, nous pouvons affirmer qu’à l’origine de la Mission Biblique se trouvent deux prédicateurs africains, sujets anglais : William Wade HARRIS qui peut être considéré comme le pionnier des pionniers du protestantisme en Côte d’Ivoire, et Mark Christian HAYFORD dont la démarche a permis l’arrivée des premiers L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 153 missionnaires qui vont fonder la MBCI. L’ampleur du mouvement harriste qui s’étendait le long de la côte, de 1913 à 1915, a provoqué une ruée des sociétés missionnaires protestantes vers la colonie ivoirienne. Marck HAYHORD, théologien et fondateur d’une société missionnaire en Gold Coast, arrive sur les traces d’HARRIS entre 1919 et 1921, dans le but de perpétuer cette œuvre d’évangélisation et parvient à fonder 14 Églises sur lesquels il établir des responsables indigènes. Mais face à l’hostilité manifeste de l’administration coloniale, il se rend en France pour chercher, dans les milieux baptistes, des missionnaires capable de poursuivre l’œuvre. Les difficultés financières auxquelles il sera confronté par la suite vont l’obliger à abandonner Laure et Daniel RICHARD qu’il avait recrutés à l’institut Biblique de Nogent. Ces derniers, avec l’accord de l’Église du Tabernacle, créent en 1927 la Mission Biblique en Côte d’Ivoire. Fort du soutien de leur Église, ces premiers missionnaires multiplient les actions d’exploration et d’évangélisation. Les premiers convertis jouent un rôle prépondérant dans ce projet d’évangélisation. Au début des années 1940, François BONGA entreprend, tout seul, l’évangélisation du pays Dan. Pour faire beaucoup de convertis, la Mission se met à l’écoute de la population en mettant en place de nombreuses œuvres à caractère social et caritatif. Cette stratégie s’avère efficace si bien qu’entre 1947 et 1957 le nombre d’auditeurs quintuple. Parallèlement le nombre de baptisés et celui des lieux de culte augmente de façon vertigineuse. Les missionnaires, estimant que les peuples Wê et Dan sont plus ouverts à l’évangile par rapport aux peuples côtiers, décident d’en faire leurs priorité, ce qui conférer plus tard à L’UEESO-CI un caractère régionaliste ou ethnique. La période missionnaire, malgré ses succès remarquables, comporte un certain nombre de faiblesses dont les conséquences se feront sentir plus tard sur l’Église autonome. Il s’agit par exemple de la mise d’un accent particulier sur les œuvres sociales et caritatives comme moyen 154 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique d’évangélisation, et, la priorité accordée à certains peuples au détriment d’autres. A cette première phase qui est la phase missionnaire, succède la phase de l’Église autonome qui couvre la période allant de 1962 à 1982. L’analyse des principales caractéristiques phase constituera la trame du prochain chapitre. de cette seconde 4 LE PASSAGE DE LA MBCI A L’UEESO-CI (1962-1982) En 1962, toutes les Églises issues de l’action missionnaire de la MBCI, se regroupent en une communauté qui prend le nom d’UEESOCI (Union des Église Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire). Quelles sont les raisons qui expliquent cette Union ? Quelles sont les différentes étapes de sa constitution et comment l’œuvre d’implantation évolue-t-elle sur cette période ? « Après l’indépendance politique, s’agissait-il de l’indépendance de l’Église ? Ni les missionnaires, ni les chrétiens africains ne voulaient employer ce terme. L’Église est soumise à Christ, son divin chef qui l’a rachetée par son sang et la conduit par son Esprit. Il s’agissait d’une prise en charge, par l’Église africaine des principales responsabilités : organisation, discipline, culte, enseignement de la parole, ministères, évangélisation, diaconat, nomination des pasteurs et des proposants » 230. 4.1 Les causes de l’autonomisation La naissance de l’UEESO-CI en 1962 peut s’expliquer par une conjugaison de facteurs endogènes et exogènes. L’analyse de ces facteurs nous permet de dégager trois éléments essentiels. 230 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 237. 156 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 4.1.1 L’autonomisation, une exigence missionnaire L’objectif principal, mieux, la raison d’être même de toute mission chrétienne est d’obéir à l’ordre du Christ : « Allez et faites de toutes les nations des disciples, baptisez les au nom du père, du Fils et du SaintEsprit » 231 . Le missionnaire a donc pour vocation principale de propager l’évangile, de porter le message du salut dans toutes les contrées du monde. Il a donc un rôle d’informateur, d’annonciateur de bonne nouvelle et de formateur. Il se doit d’amener l’homme non converti à la foi chrétienne, de l’édifier jusqu’à en faire un disciple de Jésus-Christ. Cette activité doit être couronnée par le baptême du nouveau converti et la constitution d’une Église locale forte et indépendante. Dès lors, le missionnaire doit évoluer vers d’autres horizons, laissant la tâche de la gestion de la nouvelle communauté aux pasteurs, diacres et autres responsables locaux. L’histoire de la mission nous révèle que les premiers missionnaires étaient de grands voyageurs en vue de répandre l’évangile le plus loin possible. Dans « Les Actes des Apôtres », le médecin Luc décrit l’itinéraire des premiers missionnaires : « Barnabas et Saint Paul, envoyés par le Saint Esprit, descendirent à Séleucie et de là ils s’embarquèrent pour l’île de Chypre. Arrivés à Salamine, ils annoncèrent la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. (…) Ayant ensuite traversé l’île jusqu’à Paphos, se rendirent à Perge en Pamphilie (…) De Perge, ils poursuivirent leur route, et arrivèrent à Antioche de Pisidie. .. » 232. Le missionnaire est donc un homme ambulant et c’est ce qui le différencie du pasteur chargé de paître le troupeau. 231 232 Mathieu 11v28. Actes des Apôtres, chapitre 13, verset 4 à chapitre 14 verset 27. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 157 Lorsqu’une mission ou un missionnaire, pour une raison quelconque décide de s’établir définitivement sur une communauté, il perd sa vocation missionnaire. Le missionnaire n’est donc pas un pasteur. La Mission Biblique en Côte d’Ivoire voulait créer des Églises autonomes conformément à l’ordre du Christ. Cette volonté s’est traduite par la responsabilisation lente et progressive des frères Ivoiriens. En 1958, Jacques BLOCHER, Président du comité de la MBCI, demandait, dans L’appel de la Côte d’Ivoire 233 , que « le plus rapidement possible, toutes les responsabilités soient confiées aux chrétiens africains » et que les missionnaires se consacrent avant tout à la formation des cadres. Dans ce même journal, le missionnaire HUSSER fait remarquer que le but des apôtres fut la formation rapide de l’Église locale. Le but de la mission, écrit-il, « C’est la formation d’une Église majeure, fondée sur la Bible, conduite par le Saint-Esprit et qui rayonne le témoignage de l’évangile... Nous qui avons vu naître cet enfant (l’Église ivoirienne), il nous faut lui apprendre à être adulte. La tâche du missionnaire est la formation de ses frères dans le service, des frères à mettre au courant afin qu’ils puissent eux-mêmes prendre l’œuvre en main pour bâtir l’Église du Seigneur » 234. Cette responsabilisation des frères ivoiriens débuta déjà dès l’installation de la MBCI, avec la nomination d’évangélistes locaux chargés de l’encadrement des convertis. En 1934, trois évangélistes formés se mirent à l’œuvre aux côtés des missionnaires. Ce nombre s’accroit très rapidement au cours des décennies qui suivent. En 1947, on dénombre 10 évangélistes ; en 1954, 32 et deux ans plus tard, 38 233 235 Organe d’information de la Mission biblique, qui paraît trimestriellement. L’appel 1958 cité par Jeanne DECORVET op.cit, p. 226. 235 Kéo KOGNON, op.cit, p. 75. 234 . 158 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Cette responsabilisation va s’accentuer à partir de 1947 avec l’arrivée de M. BLOCHER au Secrétariat de cette mission. L’autonomisation des communautés locales est une exigence missionnaire, et donc s’impose à toutes les sociétés missionnaires, la rapidité avec laquelle elle s’effectua au sein des missions protestantes et particulièrement au sein de la MBCI au lendemain du second conflit mondial, nous amène à rechercher d’autres motifs qui y ont probablement contribué. 4.1.2 Le contexte sociopolitique en Côte d’Ivoire au lendemain du second conflit mondial L’évolution du contexte sociopolitique dans les colonies françaises au lendemain du second conflit mondial eut un impact important sur l’activité des sociétés missionnaires. En Côte d’Ivoire plus particulièrement, elle joua un rôle déterminant dans la naissance d’une Église ivoirienne. D’abord, la deuxième Guerre Mondiale fut, dans toutes ses dimensions, un facteur de prise de conscience générale et de quête d’indépendance chez les indigènes. Car, ce conflit, plus que le premier, avait étalé toutes les faiblesses du colonisateur et, par extension, de l’homme blanc. Des Africains participèrent à l’effort de guerre ; accompagnèrent les blancs sur les champs de batailles et même les secoururent. Cette expérience leur permit de se rendre compte que le blanc était aussi vulnérable que tout autre personne. Cette découverte engendra une prise de conscience de la part des indigènes qui ne voyaient plus en l’homme blanc un modèle parfait de civilisé mais plutôt un homme violent et barbare dont il faut coûte que coûte sortir de la domination 236 . A cela s’ajoute le rôle joué par les évolués africains qui s’étaient érigés en véritables éveilleurs de conscience. Le rôle de ces évolués fut très déterminant dans le processus de décolonisation. En Côte d’Ivoire 236 C’était la mort du mythe du colon invincible. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 159 par exemple, c’est sous la houlette de Félix Houphouët BOIGNY que la lutte émancipatrice fut menée. En Gold Coast, on a le souvenir encore vivant de Kwamé NKRUMAH. A ces leaders s’ajoutent les intellectuels tels qu’Aimé CESAIRE, Léopold Sédar SENGHOR et bien d’autres qui luttaient pour revendiquer la valorisation de la culture noire. Leur action consista à dresser les masses populaires contre l’administration coloniale à travers des marches et des boycotts. Cette volonté d’autogouvernance qui caractérisait les populations ivoiriennes au lendemain de la seconde guerre mondiale gagna les Églises dont celles de la Mission Biblique. Benjamin DEROU est l’un des pionniers de l’UEESO-CI. Il fut le premier Secrétaire national de cette Église à partir de 1962. Dans un entretien qu’il nous a accordé en septembre 2010, il révèle ceci : « A l’approche des indépendances nationales, (c’était une période de contestation généralisée) nous voulions nous aussi diriger nous-mêmes l’Église. Sans avoir grandchose à reprocher aux missionnaires, nous leur avons exprimé le vœu de gérer nous-mêmes l’Église » 237 . Ensuite, la volonté du colonisateur d’accorder plus de liberté et d’autonomie aux colonisés atteignit les sociétés missionnaires ellesmêmes de sorte que quand l’administration coloniale prenait des mesures en vue de témoigner sa reconnaissance aux Indigènes, la mission se croyait obligée de responsabiliser les frères Ivoiriens car elle ne voulait pas rester en marge du vaste mouvement d’émancipation de l’Afrique noire. La volonté du colonisateur d’accorder aux colonisés une partie de leur autonomie fut annoncée pour la première fois lors de la conférence de Brazzaville où le général De Gaulle, alors Président de la République française, fit de nombreuses promesses. Entre autre : • La suppression du travail forcé ; • La représentation des indigènes aux assemblées françaises ; 237 Entretien réalisé avec DEROU Benjamin, le 09 septembre 2010 de 10h à 12h. 160 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique • La création d’une Assemblée locale élue ; • L’accès des Africains à tous les emplois ; • La liberté d’association. Même si ces promesses ne furent d’abord que théoriques et rencontrèrent assez de difficultés dans leur application, elles eurent le mérite de faire comprendre à tous que les Africains avaient aussi des droits et étaient capables de raisonner. Cette conférence rehaussa l’image de l’Africain en le rétablissant en partie dans ses droits. Deux années plus tard, la citoyenneté française fut accordée à tous les Indigènes avec la loi Lamine GUEYE. Au cours de cette même année 1946, une nouvelle constitution fut votée en France instituant l’Union Française, accordant aux Indigènes les mêmes droits que les citoyens français (suppression du code de l’indigénat), et la promesse de la création de l’Assemblée locale élue devint une réalité. De nombreux mouvements syndicaux et partis politiques virent le jour marquant le début d’une période de fortes contestations émaillées de grandes violences. A l’intérieur des sociétés missionnaires, la vigilance et le réalisme s’imposaient, consciente que le temps était proche pour l’Afrique de tourner la page de la servitude et de la domination, que l’accession à l’indépendance devenait de plus en plus imminente. Jacques BLOCHER, alors président du comité de la Mission Biblique prit alors la résolution de favoriser l’autonomisation de l’Église ivoirienne en prenant soin de ne pas choquer les missionnaires qui travaillaient sur le terrain. Michel EVAN résume ici la conception de l’évolution de l’activité missionnaire selon BLOCHER : « “Les difficultés du travail missionnaire proviennent souvent de ce que les ouvriers en place n’ont pas le recul nécessaire et sont absorbés par les détails de leur tâche immédiate. Quelques fois ils se laissent aller à une certaine routine et ne sentent pas que des changements s’imposent. Cela provoque des réactions Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 161 pénibles chez les autochtones qui supportent malaisément d’être maintenus en tutelle. Les comités sont embarrassés pour prendre des décisions, car la distance les empêche de se rendre compte de la situation exacte.” Jacques BLOCHER avait à la fois la vision à long terme et le contact immédiat. Sans brusquer ni les uns ni les autres, il a su orienter l’œuvre dans la bonne direction. Ce n’était pas facile. Il lui a fallu beaucoup de patience et de persévérance pour convaincre les intéressés sans leur faire de peine » 238. Aussi en 1958, avec la naissance de la Communauté Francoafricaine 239 , l’ambiance politique connaît-elle une nouvelle évolution dont l’influence sur les missions chrétiennes fut une intensification des activités religieuses, signe d’une prise de conscience. Rappelons brièvement le contenu de la nouvelle constitution : 238 Michel EVAN, BLOCHER, J’ai cru et j’ai parlé, Paris, Editions de l’Institut Biblique, 1989, 187 p., p. 16. 239 L’année 1958 marque la naissance de la Communauté Franco-Africaine. Les origines de cette communauté remontent à l’instabilité des gouvernements de la quatrième République et au putsch d’Alger (13 mai 1958). Le gouvernement de Pierre Pflimlin fut obligé de faire appel au symbole de la Résistance Française. Le premier juin 1958, le Général De Gaulle se présenta devant l’Assemblée Nationale pour demander l’investiture de son gouvernement. La loi du 13 juin 1958 qui en découla prévoyait que la constitution serait révisée par le gouvernement et que le texte définitif serait soumis à Référendum. Un avantprojet de constitution adopté par le gouvernement le 28 juillet fut remis au comité consultatif constitutionnel qui se réunit pour la première fois le 29 juillet sous la présidence de M. Paul REYNAUD (1878-1966). Du 20 au 27 août, le général De Gaulle visita plusieurs capitales africaines pour faire connaître la nouvelle politique de la France et faire campagne en faveur des dispositions de la constitution en élaboration. C’est le 04 septembre 1958 que le texte définitif de la constitution fut présenté, sur la place de la République à Paris. Un mois plus tard, précisément le 04 octobre 1958, la nouvelle constitution fut promulguée. Elle avait pour objectif non seulement la refonte des institutions de la République française, mais aussi le raffermissement des relations avec l’Afrique. 162 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique • Les États de la Communauté jouissent de l’autonomie interne complète, c'est-à-dire qu’ils s’administrent eux-mêmes, gèrent démocratiquement et librement leurs propres affaires 240 ; • Pour cela, la loi fondamentale détermine les compétences communes : la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique, et financière,… 241 Les institutions de la Communauté selon la Constitution de 1958 sont les suivantes : • Le Président de la Communauté ; • Le conseil exécutif ; • Le Sénat et la cour arbitrale. A partir de novembre 1958, les territoires d’A.O.F deviennent des États : Soudan (24 novembre), Sénégal (25 novembre), Mauritanie (28 novembre). La proclamation de la République de Côte d’Ivoire le 04 décembre 1958 vint couronner cette année d’intenses activités politiques. On enregistrait parallèlement une intense activité au sein des missions chrétiennes en A.O.F. Deux activités majeures réalisées au cours de cette année retiendront notre attention : la conférence des Églises et missions protestantes d’Afrique et le voyage du délégué général de la Fédération Évangélique d’A.O.F-Togo aux États-Unis et en Europe. La conférence des Églises et missions protestantes d’Afrique qui se tint à Ibadan du 10 au 20 janvier 1958 242 avait pour thème : « L’Église dans une Afrique en pleine transformation ». Les points suivants furent analysés : 240 Article 78 de la constitution de 1958 Article 78 de la constitution de 1958 242 Une seconde assemblée, tenue à Kampala (du 20 au 30 avril 1963), mit sur pied un organisme permanent appelé Conférence des Églises de Toute l’Afrique (C.E.T.A). Cf. Marc-André, « Missions et églises évangéliques en Afrique et à Madagascar », in Afrique contemporaine, n°27 septembre-octobre 1966, p. 19. 241 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 163 • L’éducation de la jeunesse et la constitution des familles chrétiennes ; • Les difficultés économiques et la répartition des terres ; • L’évolution politique, la formation civique des membres, la culture africaine et l’Islam. Charles BONZON résume ici les travaux de la conférence d’Ibadan tout en indiquant leur importance pour les Églises d’Afrique : « Tous les problèmes étudiés menaient en définitive au dur combat que les églises de Jésus Christ en Afrique doivent mener pour répondre à sa vocation dans un environnement immédiat. L’expérience de l’unité en Christ : les délégués à Ibadan ont mesuré la tâche immense qui attend leur église. Cette tâche leur est apparue partout la même. Devant elles, ils se sont sentis très proches dans une même foi en Dieu et aussi dans une commune appartenance à l’Afrique. L’existence de liens si profonds, par delà toutes les différences linguistiques, coutumières, politiques et même ecclésiastiques, a été l’une des découvertes les plus émouvantes de cette conférence. » 243 Quant au voyage du délégué général de la Fédération Évangélique d’A.O.F-Togo, Georges MABILLE, il eut lieu durant le dernier trimestre de l’année 1958 aux États-Unis et en Europe. Il s’effectua au moment crucial du référendum 244 en AOF à l’initiative de l’administration coloniale française par l’intermédiaire des hauts commissaires Victor COUSIN et Pierre MESSMER. A travers ce voyage, l’administration poursuivait les buts suivants : 243 Charles BONZON, Accra-Ibadan : « deux grandes conférences africaines », in Journal des missions évangéliques, 1958, pp. 98-93. 244 Georges MABILLE, Rapport du délégué au conseil de la fédération évangélique, Bobo-Dioulasso, juin 1959, 6 p.. 164 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique • exprimer la profonde gratitude du gouvernement français pour le remarquable travail accompli par les missions au cours des années en AOF ; • exhorter les Églises et les directions des missions à continuer cet effort ; • intensifier cet effort partout où ce serait possible. Le message de Georges MABILLE aux missions d’Amérique et d’Europe peut se résumer aux points suivants : • une description de la courtoisie et de l’amabilité des autorités françaises envers le délégué de la fédération ; • une description de la cordialité des nouvelles autorités africaines mêmes musulmanes envers les représentants des missions ; • une démonstration de l’ouverture des portes encore pour le témoignage chrétien dans l’ouest africain de culture française. A travers ces deux activités, il était donc question pour l’Église en Afrique de prendre conscience des nouveaux défis qui s’annonçaient et aussi pour l’administration de faire comprendre aux missions européennes et américaines que l’évolution politique ne devait en rien entraver leur présence mais plutôt, un facteur d’intensification de leurs activités. L’Église en A.O.F bougeait au rythme de l’évolution politique et la question essentielle au cœur des missions était : comment préparer la relève ? Pour la Mission Biblique, cette période d’après guerre fut marquée par une série de rencontres avec au cœur des débats, la responsabilisation des frères Africains. 4.1.3 Acteur et étapes de l’Autonomisation La Naissance de l’UEESO-CI en tant qu’institution et son autonomisation définitive ont été les étapes finales d’un long processus. Ce fut aussi la réalisation d’un rêve longtemps caressé par Jacques BLOCHER. Qui est Jacques BLOCHER et quel rôle déterminant joua-til dans l’autonomisation de l’UEESO-CI ? Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 4.2 Jacques BLOCHER, principal l’autonomisation de l’UEESO-CI acteur 165 de Né à Asnières en 1909, Jacques BLOCHER était le troisième des cinq enfants d’Arthur BLOCHER et de Madeleine née SAILLENS. Fils, petit-fils et arrière petit-fils de pasteur, il grandit dans une atmosphère chrétienne caractérisée par la crainte de Dieu et l’amour de Sa parole. Il subit aussi une forte influence de sa belle famille notamment de son beau père Van NES 245 , un éminent missiologue. Jacques BLOCHER avait beaucoup d’estime et de respect pour ses beaux-parents. Ce contact suscita en lui un intérêt particulier d’autant plus que son propre père, Arthur BLOCHER, était lui aussi professeur de missiologie à l’institut biblique de Nogent. Ce dernier, un des pionniers et membre influent du baptisme français, quitta l’Union baptiste pour des raisons doctrinales, pour créer sa propre Église en 1921, l’Église du Tabernacle. Au cours d’un bombardement sur Paris au cours de la Première Guerre Mondiale, il prit la décision à huit ans de devenir chrétien : « Il a été saisi par la crainte d’une mort soudaine à envisager ; il s’est ouvert à la grâce de Dieu en Jésus Christ et il a reçu l’assurance du pardon de ses fautes ainsi que la vie éternelle 246 ». Plus tard, cette conversion enfantine fut confirmée par la vocation pour le service chrétien à plein temps. En 1926, après son baccalauréat ès-lettres, il entre à l’institut biblique de Nogent, créé par Ruben SAILLENS. Parallèlement à ses études à Nogent, BLOCHER prépara une licence ès-lettres à la Sorbonne. En 1928, il embarqua pour l’Amérique afin de poursuivre sa formation théologique à Minneapolis. 245 Le professeur Hendrik VAN NES était un éminent missiologue. Il dirigeait l’institut de missiologie à Oegstgeest et il enseignait la théologie dogmatique à la faculté de Leyde. 246 Michel EVAN, op.cit. p. 10. 166 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique En 1930, suite au décès brusque de son père et surtout pour seconder sa mère dans la gestion de l’Église du Tabernacle, il rentra précipitamment pour occuper en 1932, un poste de professeur à l’institut de Nogent où il maria trois années plus tard Elisabeth VAN NES. Il passa en fait par plusieurs étapes : d’abord évangéliste chargé du travail parmi les jeunes, pasteur secondaire, professeur, puis pasteur titulaire. Dès lors, commença pour lui un ministère chrétien très riche en actions et en témoignages. Sur la scène internationale, BLOCHER fut l’une des grandes figures du protestantisme et organisateur de grandes croisades avec Billy Graham dont il était souvent le traducteur. Dans sa préface du livre de Michel EVAN consacré à la vie de BLOCHER, Billy GRAHAM en effet, fait le témoignage suivant : « Le professeur Jacques BLOCHER était l’un des dirigeants les plus consacrés que j’ai eu le privilège de connaitre. En diverses circonstances, il a été pour moi comme un frère ainé ou comme un père. La vie qu’il menait, le message qu’il proclamait et l’influence qu’il exerçait m’ont marqué dans ma personne et dans ma vie d’une façon durable. Depuis le début de mon ministère en Europe en 1946, il a été un collaborateur précieux. Non seulement il m’a traduit avec enthousiasme lors de toutes mes campagnes et rencontres en Europe francophones, mais il m’a beaucoup aidé dans l’adaptation du message au public » 247. En 1940, BLOCHER qui servait comme officier (lieutenant) dans l’armée française, fut fait prisonnier et déporté à l’Oflag XB de Nienbourg an der Wiser (Hanovre), un camp de 4500 officiers français. Il y joua un rôle pastoral très important de 1941 à 1945. En août 1941, suite au départ des deux officiers aumôniers français, il resta le seul à 247 Michel EVAN, BLOCHER, J’ai cru et j’ai parlé, préface de Billy GRAHAM, p. 5. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 167 assurer avec zèle cette fonction de pasteur et d’évangéliste au sein du groupe protestant du camp jusqu’à la libération en 1945. Le résultat fut à la hauteur de son engagement. Puisqu’à la fin de la captivité le nombre de protestants du camp oscillait entre 45 et 80. Ce brillant ministère parmi les protestants de milieux variés et surtout dans la communion fraternelle avec les catholiques développa chez lui un sens de l’œcuménisme aigu. Comme évangéliste, il organisa au lendemain de la seconde guerre mondiale, avec Billy GRAHAM deux grandes campagnes d’évangélisation qui marquèrent profondément le monde évangélique en France. La première qui débuta assez difficilement à cause de l’hostilité de la presse française 248 , se solda par un grand succès. Débutée le 05 juin 1955, elle enregistrait en moyenne 8000 personnes chaque soir. Plus de 2000 décisions 249 furent prises à la fin de la campagne. La seconde était une initiative du comité de l’Alliance Évangélique Française qui chargea Jacques BLOCHER d’inviter personnellement Billy GRAHAM dont il avait une estime particulière. Cette campagne, à la différence de la première, était éclatée puisqu’elle se déroula dans plusieurs villes en mai 1963. 248 L’hostilité de la presse française à l’égard de cette campagne de Billy Graham a ses origines dans le discours tenu par celui-ci à Francfort trois jours plutôt. En effet, la presse française avait déjà publié des extraits de ce massage avec commentaire avant l’arrivée de M. Graham. Voici comment Le Monde du 30 juin 1954 a résumé ce sermon : « A Francfort, le pasteur itinérant a su trouver les mots qu’il fallait. Il s’est livré à un parallèle convaincant entre la France et l’Allemagne. "L’Allemagne a-t-il dit, dépasse le reste de l’Europe de la tâte et de l’Europe…la France, en revanche, a perdu la foi…c’est une montre dont le ressort est cassé. Deux guerres mondiales ont épuisé ce pays et le matérialisme s’en est emparé…Allemands, a-t-il ajouté, bien que mon pays ait mené contre le votre deux guerres, nous vous considérons comme nos meilleurs amis." » La phrase offensante : C’est une montre dont le ressort est cassé a beaucoup choqué les journalistes si bien que les explications données par le pasteur étaient loin de les satisfaire, d’où la grande hostilité à l’égard de la campagne. 249 Conversions, réaffirmation de la foi, consécration… 168 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Débutée dans des conditions difficiles à Paris, cette campagne connut un succès au-delà des espérances aux dires Jacques BLOCHER lui-même : « A Paris, la campagne s’annonçait difficile. La tente convenait mal à de telles réunions. Trop longue, elle ne permettait qu’à peu de gens de voir l’orateur et la chorale, les bancs étaient inconfortables, il faisait froid, sans parler de l’humidité et des rats…Avec cela, la presse dans sa quasi unanimité était hostile, méchante, menteuse ou gardait un silence méprisant (…) Dieu a pourtant répondu à notre appel (…) 25000 personnes différentes ont été atteintes. Le chiffre total des auditeurs approchait 45000. Près de 12000 personnes ont donné leur nom et adresse (…) Une proportion remarquable d’intellectuels, professeur, instituteurs, étudiants, artistes ont été touché par le message élémentaire de Billy Graham (…). L’immense palais des sports dont Lyon s’enorgueillit était pratiquement comble (11500 auditeurs dont 9000 lyonnais parmi lesquels 3000 protestants au plus). A Toulouse, près de 7000 et à Mulhouse plus de 11000 personnes » 250 . Au cours de cette croisade à laquelle BLOCHER a pris une part active, plus de 60000 personnes ont été évangélisées dont 3000 s’avancèrent pour manifester leur décision de mieux connaitre Jésus Christ. A la fin de son rapport, BLOCHER présente le défi auquel doivent faire face les chrétiens en France de manière générale et en particulier les protestants : « Nous pensons que cette croisade n’a été qu’un commencement, qu’elle nous engage à continuer dans cette voie. En France, Il existe une masse de gens qui contrairement à ce qu’affirment les 250 Michel EVAN, op.cit, pp. 90-93. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 169 experts, sont toujours préoccupés par les problèmes éternels du mal, du péché, de la souffrance, de la mort, de la destinée de l’homme 251 ». De nombreuses autres activités d’évangélisation et initiatives œcuméniques sont à son actif. En dépit des lourdes responsabilités qu’il assumait au sein du protestantisme français et mondial, BLOCHER avait un amour particulier pour l’Église africaine qu’il voulait à tout prix voir s’épanouir. Car l’œuvre missionnaire, telle que menée, n’était pas favorable à la naissance d’une Église africaine. Les différents champs missionnaires à l’intérieur d’un même pays, étaient repartis entre différentes sociétés missionnaires pour éviter la concurrence fâcheuse. Cette manière de travailler conduisait à l’isolement des Églises, au manque de coordination dans le domaine social et même doctrinal alors que les Églises africaines avaient besoin d’un cadre d’échange et surtout de coopération. En 1964, BLOCHER entreprend à la demande de l’Office Évangélique Africain, un périple de presque deux mois dans une douzaine de pays africains. Il était accompagné de Ken DOWING secrétaire de l’AEO (Africa Evangelical Office) et d’ASANI, président du conseil protestant du Congo. Cette tournée leur avait permis de donner 15 conférences réunissant environ 540 responsables d’Églises et 200 missionnaires. Ils avaient traités différents thèmes : • Base biblique de l’Unité ; • Autorité de la parole de Dieu ; • Histoire et danger du mouvement œcuménique ; • Formation et but d’une alliance évangélique pour l’Afrique. 251 Idem. 170 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Cette tournée qui permit de dissiper de nombreux malentendus à propos de l’œcuménisme et de l’autorité de la Bible contribua à stimuler le désir d’une plus grande collaboration entre évangéliques en Afrique. Une des retombées de ce marathon fut l’organisation d’une grande conférence à Limuru au Kenya du 29 janvier au 06 février 1966 sous l’égide de l’Office Évangélique pour l’Afrique. Ce congrès qui avait réuni 180 délégués représentant 24 pays d’Afrique portait sur « L’évangélisation de l’Afrique ». BLOCHER était l’un des principaux orateurs. Au sortir de Limuru, la collaboration entre les Églises des différents pays d’Afrique s’avéra de toute première importance. C’est donc à l’unanimité que les délégués votèrent pour la création de l’Association des Évangéliques d’Afrique et de Madagascar. Jacques BLOCHER en donne un témoignage saisissant : « Les délégués de ce congrès n’oublieront sans doute jamais la joie profonde qu’ils ont éprouvé dans la communion fraternelle, tandis qu’ils se découvraient tous unis dans une même foi au seigneur Jésus-Christ et dans un même désir de rester fidèles aux Saintes Ecritures, seule Parole de Dieu. Ils savent tous que Limuru est désormais, plus qu’un village au climat printanier. Limuru 1966 est un événement très important dans l’histoire de l’Afrique et dans l’histoire de l’Église puisque des églises comprenant sans doute plusieurs millions de chrétiens évangéliques s’y sont trouvées d’accord pour marcher désormais ensemble. » 252 Son amour pour les Églises d’Afrique se mesure aussi par le nombre de voyages qu’il effectua sur le continent : ce sont 18 voyages au total pour donner des conférences et pour encourager les chrétiens africains à vivre, sans complexe et dans la communion fraternelle, la vie chrétienne. 252 Michel EVAN, op.cit., p. 131. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 171 BLOCHER fut à toutes les étapes de la croissance de l’UEESO-CI. D’abord en arrière plan et encourageant les missionnaires sur le champ de la MBCI, il finit par devenir le président du comité de cette mission en 1952. Depuis la France, il exerçait beaucoup d’influence sur le développement de la mission en Côte d’Ivoire en donnant les grandes orientations, et surtout s’intéressant à tout. Michel EVAN révèle en effet : « Il entretenait une correspondance personnelle régulière avec les missionnaires sur le champ et c’est en la lisant que nous pouvons constater sa curiosité naturelle et sa préoccupation du travail. Il pose des questions concernant la situation géographique et le climat des stations inconnues. Il veut connaitre le nombre de villages évangélisés, le nombre de participants aux cultes de chaque station, il se renseigne sur les conditions de vie des missionnaires, leur logement, leur santé, leurs finances, il fait tout pour les aider sur le plan pratiques allant jusqu’à s’occuper de certains outils d’évangélisation tels les traités, les livres…Il prend à cœur tout ce qui concerne la mission. » 253 Secrétaire de la mission en 1947, il lui fit connaitre un essor remarquable à travers la création du journal « L’appel de la Côte d’Ivoire » et le développement de nombreuses œuvres sociales telles que le prestigieux collège Jean CALVIN de Daloa en 1947, la pouponnière de Man, l’école biblique de Man en 1957, l’institut biblique intermissionnaire de Yamoussoukro en 1960… En 1952, en tant que président du comité de la Mission biblique en Côte d’Ivoire, sa priorité était la responsabilisation des frères ivoiriens. Son attitude à l’égard de ces derniers démontre toute la confiance qu’il plaçait en eux et surtout la considération qu’il avait pour chacun d’eux. 253 Michel EVAN, op.cit., p. 128. 172 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique BLEUKEUHOUA Albert, alors secrétaire général de l’UEESO-CI, rapporte ici un témoignage de Paul GUEHI, doyen des anciens de l’Église Wobé : « Je n’oublierai jamais Monsieur BLOCHER car c’est lui qui m’a baptisé d’eau et après cela, je l’ai reçu chez moi pendant trois jours. Enfin, lui et moi avons passé la nuit sur une même natte dans un village où il prêchait l’évangile » 254 Dans une colonie de Côte d’Ivoire où l’Européen exerçait une domination sans partage, dormir sur une même natte qu’un blanc était une chose exceptionnelle. BLOCHER ne méprisait pas ses frères Africains, au contraire, il se mettait à leur niveau partageant leurs conditions de vie. BLOCHER était aussi un homme qui savait lire dans le temps. Il comprit très tôt que les Églises en Afrique devaient être considérées comme responsables. Il avait lu un document d’un pasteur africain, le pasteur MAKANZU : « Les murmures des Africains sur les missionnaires » qui l’avait beaucoup impressionné. C’est donc lui qui entama le processus d’autonomisation de l’UEESO-CI dès 1953 lors de son premier voyage sur le champ missionnaire de la MBCI en Côte d’Ivoire. Il décida à cette occasion de réunir évangélistes africains et missionnaires blancs autour d’une même table de discussion. Pour les évangélistes africains cet événement historique était une grande marque de confiance. Pour le pasteur VE Tokpa Natanaël en effet, « C’est à cette occasion que pour la première fois les délégués ou représentants africains ont pu se réunir avec les missionnaires lors de leur conférence annuelle sous la présidence effective de Monsieur Jacques BLOCHER. » 254 Michel EVAN, op.cit., p. 128. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 173 BLOCHER venait ainsi d’ouvrir la porte à une série de rencontres devant aboutir en 1962 à la naissance de l’UEESO-CI en tant qu’Église autonome. 4.3 Les principales étapes de l’autonomisation de l’UEESO-CI L’année 1962 marque la naissance de l’UEESO-CI. Cette naissance est favorisée par deux facteurs essentiels : le développement qualitatif et quantitatif de l’Église entre 1945 et 1960 et la responsabilisation des frères Ivoiriens. 4.3.1 Le développement de l’Église de 1945 à 1960 Le champ de la Mission Biblique s’étend de manière considérable à partir de 1945 avec : • La pénétration de l’évangile chez les Toura grâce à VE Tokpa ; • La pénétration de l’évangile en pays Wobé avec les évangélistes GUEHI Etienne et MOUY Gaston ; • L’augmentation massive des auditeurs dans la région de Danané grâce, en partie, à la lutte menée par les évangélistes contre la secte d’origine libérienne « Ninhin » ; • Le développement de l’alphabétisation et la traduction du Nouveau Testament en Yacouba par Mme FUNE ; • L’ouverture de la région de Toulépleu à l’évangile ; • La création et le développement de la pouponnière de Man. 255 Parallèlement à la croissance rapide du nombre d’auditeurs et de celui 255 des Cf. Supra. lieux de culte 256 , le nombre de serviteurs croit 174 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique considérablement grâce à une responsabilisation accélérée des frères ivoiriens. Ce progrès important de l’évangile dans le sud-ouest et surtout l’engouement de nombreux ivoiriens pour le service à plein temps interpelait de plus en plus les missionnaires et l’autonomisation devenait ainsi une exigence. 4.3.2 La responsabilisation des frères ivoiriens La seconde moitié de la décennie 1950-1960 fut marquée par un accent particulier sur la formation des serviteurs. Le Cours Secondaire Protestant de Daloa est ouvert en 1947 pour la formation des instituteurs, et en 1957 ce fut l’ouverture de l’École Biblique de Man pour la formation des évangélistes, enfin en 1960 l’Institut Biblique Africain de Daloa pour la formation des pasteurs 257 . En conséquence, le nombre d’évangélistes s’était considérablement accru comme le montre la courbe ci-dessous. Tableau 7 : Évolution du nombre d’évangélistes à la MBCI de 1927 à 1959 Années 1927 1947 1954 1956 1957 1959 Evangélistes 0 10 32 38 38 34 Source : Appel Côte d’Ivoire Haïti, 1961-1969. 256 Entre 1947 et 1951 le nombre d’auditeurs passe de 600 à 4755 dont 1095 baptisés et le nombre de lieux de culte passe de 13 à 109. 257 Archives personnelles du pasteur LOH Michel, Secrétaire National de l’UEESO. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 175 Graphique 5 1927 1947 1954 1956 Source : Réalisé par nos soins sur la base du tableau ci-dessus. Cette accélération de la formation s’accompagnait de la responsabilisation des frères Ivoiriens. En 1953, pour la première fois les représentants des évangélistes africains participent à l’Assemblée Générale annuelle des missionnaires. L’année suivante, une caisse fut créée pour le salaire des évangélistes et sa gestion fut confiée aux frères ivoiriens. Cette même année, le choix des prédicateurs laïcs fut laissé à l’Église. En 1960, la Côte d’Ivoire accède à l’indépendance. Ce changement de statut politique du pays amène un changement de statut dans l’Église. La Mission Biblique (française) pouvait jusque là représenter les Églises devant l’administration coloniale. Désormais, l’Église ivoirienne devra se représenter elle-même devant le Gouvernement ivoirien d’où l’élaboration en octobre 1960 du statut de l’Union des Églises Évangéliques du sud-ouest de la Côte d’Ivoire. 176 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 4.4 L’UEESO-CI, sa naissance, sa doctrine et son organisation L’année 1962 marque de manière officielle la naissance de l’UEESO-CI. Deux années en arrière, précisément les 25 et 26 octobre 1960, les délégués désignés par les Églises issues de la MBCI s’étaient réunis à Man pour former une Union légalement déclarée. Des statuts très complets furent élaborés pour être ensuite soumises aux Églises constituantes 258 . Les 2, 3 et 4 janvier 1962 fut tenue la première Assemblée Générale des délégués desdites Églises à Man sous la présidence du missionnaire Paul FUNE. Cette Assemblée adopta à l’unanimité les statuts précédemment élaborés et soumis aux Églises locales 259 . Puis on procéda à l’élection d’un comité de l’Union formé uniquement d’Africains et dont le Président fut M. François BONGA et DEROU Benjamin le premier secrétaire. L’UEESO-CI venait ainsi de naître 260 . Dès sa création, l’UEESO-CI se dote d’un journal « Construire ». 4.4.1 La confession de foi de l’UEESO-CI L’UEESO-CI, à l’instar de l’Église du tabernacle d’où sont partis les premiers missionnaires de la MBCI, est une Église baptiste. L’on pourrait même dire que c’est la toute première branche ouest-africaine du baptisme français. Elle adopte en conséquence la confession de foi des Églises baptistes dont voici le contenu 261 : « Du Vrai Dieu Nous croyons qu´il y a un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur de toutes choses, Infini, Eternel, Tout-Puissant et 258 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 233. L’intégralité de ces textes est annexée à ce document. Voir annexe II-1. 260 Idem. 261 Cette confession de foi est annexée aux statuts de l’Union. 259 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 177 méritant au plus haut degré, confiance, amour, louange et adoration. Des Saintes Ecritures Nous croyons que les écrits canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament sont la parole de Dieu et doivent être la seule infaillible règle de foi et de vie chrétienne par laquelle nous seront jugés, et la seule pierre de touche pour éprouver toute tradition, toute doctrine et tout système religieux. De la chute de l´homme et des suites du péché Nous croyons que Adam notre premier père fut créé innocent et bon, mais qu´ayant volontairement violé le commandement de son créateur, il perdit son état primitif, de sorte que tous ses descendants, héritant de sa nature, sont enclins du mal. Nous croyons aussi que tous ceux qui ont transgressé la loi de Dieu sont justement exposés à la mort éternelle. De Jésus-Christ et de son œuvre. Nous croyons que Jésus-Christ, le verbe fait chair, né d´une vierge, conçu par la vertu du Très-Haut, est le Fils de Dieu, et qu´après avoir été tenté comme nous en toutes choses, il est resté saint, innocent, sans souillures ; qu’il a souffert et qu’il est mort sur la croix pour expier nos péchés ; qu’il est ressuscité, qu´il est monté au ciel où il est seul médiateur entre Dieu et les hommes, et d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts. Du salut par la foi en Jésus-Christ Nous croyons que pour être sauvé, le pécheur doit se repentir de ses péchés, accepter l´œuvre de Jésus-Christ et s’unir à Lui par la foi. Cette union produit la justification, la régénération et la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur. Nous croyons aussi que la vraie foi se manifeste toujours par des œuvres agréables. 178 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique De l´œuvre du Saint–Esprit Nous croyons que c’est le Saint-Esprit qui, appliquant au cœur les vérités de l´Ecriture, produit en ceux qui sont élus selon la préscience de Dieu, la vie chrétienne dans son principe et dans ses effets, et les rend capables d´y persévérer jusqu´à la fin. Du ministère de la parole Nous croyons que Dieu a institué un ministère de la parole composée dans l’origine, de prophètes, d´apôtres, d´évangélistes, d´anciens ou pasteurs et docteurs, dans le but d´amener les pécheurs à la conversion et de les diriger dans la vie chrétienne. Ce ministère doit se perpétuer jusqu´au retour du Christ. Des Églises locales Nous croyons qu´une Église locale constituée selon la parole de Dieu est une assemblée de croyants baptisés, indépendants de toute autorité autre que celle de Jésus-Christ, le seul Chef de l´Église universelle, qui est son corps. Les membres de l´Église locale gouvernés par les lois de Christ, exercent, dans l´intérêt général, les devoirs qui leur sont imposés suivant les dons qu´ils ont reçus. Les chrétiens qui ont une charge spéciale dans l´Église sont les pasteurs, les diacres et les diaconesses, dont les devoirs sont indiqués dans le Nouveau Testament. Du baptême Nous croyons que le baptême est, pour les chrétiens volontairement morts au péché, l’emblème frappant et solennel de l’ensevelissement et de la résurrection avec Christ, à qui ils sont unis par la foi, pour vivre en lui d´une vie nouvelle et sainte. Nous croyons, d’après l´ordre du Christ, son exemple et celui des apôtres, que l´immersion des croyants doit précéder l’admission dans l’Église locale et la participation à la Sainte Cène. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 179 De la Cène Nous croyons que la Cène instituée par notre Seigneur JésusChrist doit être observée dans les Églises jusqu’à ce qu’il revienne ; que le pain et le vin, auxquels tous les membres de l’Église participent, sont les symboles du corps et du sang de notre Sauveur ; que, par cette communion, les membres en y participant, professent former un même corps avec Christ, et être unis les uns aux autres dans un même esprit. Du retour de christ et de la résurrection Nous croyons que le Seigneur Jésus-Christ reviendra du ciel comme il y est monté, conformément à la déclaration de l´Ecriture. Nous croyons à la résurrection des morts, tant des justes que des injustes, et au jugement final, où aura lieu la séparation éternelle des bons et des méchants, ceux-ci allant à la punition éternelle, et les justes à la vie éternelle. De la sanctification du dimanche Nous croyons que, conformément à l´exemple des apôtres et des premiers chrétiens, le premier jour de la semaine doit être considéré comme le jour du Seigneur, en mémoire de la résurrection de Jésus-Christ et que, en conséquence, nous devons employer le dimanche à l´édification de nos âmes dans nos saintes assemblées et à des œuvres de charité, nous préparant ainsi au repos éternel. Du gouvernement civil Nous croyons que le gouvernement civil est ordonné de Dieu pour les intérêts et le bon ordre de la société, et qu´il faut prier pour les magistrats et les autorités constituées, les honorer et leur obéir dans toutes les choses qui ne sont pas contraires aux enseignements des Saintes Ecritures, selon cette parole du 180 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Seigneur : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». (Math.22 :21). L’analyse de cette confession de foi met à jour un certain nombre de constats. Il s’agit dans un premier temps de la ferme croyance en Dieu et en sa Parole. L’UEESO-CI croit que Dieu est Un. Il est l’auteur de toute la création. La Bible est considérée comme la parole de Dieu, ce qui lui confère un caractère infaillible, faisant d’elle la seule règle de foi et de vie chrétienne. L’UEESO-CI croit aussi à l’amour de Dieu et à la chute de l’Homme qui le sépare de son créateur. Jésus-Christ est reconnu comme le seul moyen pour renouer le lien avec Dieu rompu par le péché. L’Union insiste aussi sur le baptême par immersion qui constitue la condition sine qua non pour devenir membre de l’Église. La communion y est pratiquée sous ses deux formes, le pain et le vain, symbole du corps brisé du Christ et de son sang versé. Cette communion doit aussi caractériser les relations entre les frères en Christ, témoignage de l’amour du Christ. Cette confession met aussi l’accent sur l’espérance dans le retour du Christ. Enfin, un accent est mis sur les relations avec le pouvoir temporel qui est considéré comme une autorité établie par Dieu et qui en conséquence mérite d’être honoré. 4.4.2 Les organes de l’UEESO-CI en 1962 Pour son bon fonctionnement en tant qu’institution spirituelle et humaine, l’Union avait prévu dans ses textes une structure et un mode de fonctionnement précis. Ses organes sont les suivants : 4.4.2.1 L’Assemblée Générale L’Union délibère en Assemblée Générale suivant Les règles établies par les Règlements Intérieurs de l’Union. Les décisions sont prises à la majorité absolue des votants sauf exceptions prévues aux différents Chapitres. La présence des deux tiers des délégués est nécessaire pour Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 181 délibérer. L'Assemblée Générale se compose de délégués choisis au sein des Assemblées Régionales et nommés par celles-ci. • Des observateurs peuvent être invités, ils n'ont pas voix délibérative. • Seuls les délégués ont droit de vote. • Le mandat des délégués expire à la fin de la session pour laquelle ils ont été nommés. L'Assemblée Générale se réunit régulièrement tous les deux ans ; elle peut être convoquée en session extraordinaire par le Comité de l’Union ; d'autre part, celui-ci devra la convoquer à la demande du tiers au moins des Églises. L'Assemblée Générale délibère sur les sujets d'intérêts généraux des Églises et des Œuvres qui s’y rattachent. Elle prend toutes décisions utiles pour le bon ordre et la sauvegarde de l’Union. Elle vote sur l’admission de nouvelles Églises après avis du comité de l’Union ; cette décision est prise à la majorité des deux tiers des voix des membres présents. Elle décide de l’adhésion à des Unions ou Fédérations Évangéliques-ayant le même objet. Cette décision est prise à la majorité des deux tiers des voix des délégués présents, après avis du Comité de l'Union. En cas de vote favorable. Afin de garantir son autonomie, les présents Statuts continueront de régir l'Union elle-même. L'Assemblée délimite géographiquement les Régions. Elle se prononce sur les difficultés et les questions que lui présentent volontairement les Églises ou Œuvres intéressées. Elle élit, au scrutin secret, les membres du comité de l’Union, parmi les candidats présentés par les Assemblées Régionales. 262 262 Statuts de l’UEESO adoptés en 1962, Articles 8 à 11. 182 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 4.4.2.2 Le comité de l’Union Organe de direction, ce Comité est composé de sept à quinze membres ; il y a en outre trois suppléants. Son Bureau comprend un président, un vice-président, un secrétaire et un trésorier élus au sein du Comité et par lui pour quatre ans. Le Bureau ainsi composé forme le « Conseil d'Administration » officiel de l'Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest. Le Bureau peut être renouvelé totalement ou partiellement si les deux tiers des délégués à l’Assemblée Générale le demandent. Les autres membres du Comité sont renouvelables à chaque session de l'Assemblée Générale régulière. Ce Comité se réunit au minimum une fois par an sur convocation du président en exercice ou, en bas d‘empêchement, du vice-président. Il ne siège valablement que si les deux tiers de ses membres sont présents. Les attributions du Comité de l’Union sont les suivantes : Il administre toutes les affaires concernant l'Union gère les biens, meubles et immeubles. Il représente l'Union vis à vis des Autorités de la République, et peut déléguer un de ses membres pour remplir et signer Valablement toutes les formalités administratives édictées par les Lois et règlements, entreprendre toutes démarches d fixées par l'Assemblée et représenter l’Union devant les tribunaux. Il veille à l'exécution des décisions prises par l'Assemblée Générale. Il convoque l’Assemblée Générale en session ordinaire ou extraordinaire et en prépare les travaux. Il reçoit et examine les demandes d'admission et de réadmission d’Églises. Entre les sessions de 1’Assemblée Générale ; il a qualité pour prendre les décisions urgentes qui s'imposent. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 183 Il est responsable devant 1'Assemblée Générale à laquelle il fait un rapport de la gestion. 4.4.2.3 Les Assemblées Régionales Entre les sessions de l'Assemblée Générale, des Assemblées réunissent les délégués des Églises et des œuvres, par-Région, au minimum une fois par an. Le nombre des délégués à ces rencontres est proportionnel à celui des membres des Églises constituées. La proportion est à déterminer par chaque Assemblée Régionale. Les délégués sont élus par l'assemblée de l'Église locale en se conformant aux conditions énumérées au Paragraphe 23 du présent règlement. Les-postes d'Évangélisation sont assimilés aux Églises pour leur représentation aux Assemblées Régionales. L'Assemblée Régionale détermine le nombre des délégués des Œuvres particulières dépendant de l'Église ou de la Région. Le responsable de chaque Église et de chaque Œuvre particulière dépendant de l'Église ou de la Région est délégué de plein droit. Dans un but purement fraternel, des Observateurs peuvent être invités, ils n’ont pas voix délibérative. L’Assemblée choisit le mode de scrutin qu'elle désire. Les délégués présents élisent parmi les Serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes, un Président, un Vice-président et indifféremment un secrétaire et un trésorier. Ceux-ci sont nommés pour deux ans ; ils sont immédiatement rééligibles. Ils forment le bureau de l'Assemblée Régionale. Outre ses fonctions au sein des Commissions Financières, le bureau convoque et organise les Assemblées Régionales. Entre les sessions, le Bureau peut prendre les décisions d'intérêt général qui s’imposent. Dans certains cas, avec l'accord de l'Assemblée Régionale, il peut s'adjoindre au maximum trois membres choisis de 184 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique préférence parmi les Serviteurs de Dieu pour former une Commission chargée principalement des cas de discipline. L’Assemblée Régionale désigne deux vérificateurs des Comptes. Elle nomme ses délégués à l’Assemblée Générale parmi les membres présents à raison de 01 pour cinquante ou fraction de cinquante chrétiens baptisés résidant dans la région. La majorité des délégués est choisie parmi les serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes. Elle peut désigner des Observateurs à l'Assemblée Générale ; leur nombre ne doit pas être supérieur au tiers de celui de ses propres délégués. L'Assemblée Régionale établit la liste de ses Candidats au Comité de l'Union dans un ordre de préférence. Les déglués examinent l'ordre du jour proposé par le Comité de l'Union et étudient les questions qu'ils veulent y inscrire. Ils délibèrent sur les sujets particuliers qui leur sont présentés et prennent toutes décisions dans l'intérêt général des Églises et des Œuvres de la Région. L’Assemblée Régionale encourage et contrôle toute œuvre ayant pour but l'exécution du Commandement du Seigneur : Matthieu 28/I920. Elle présente au Comité de l'Union ses Candidats au Saint ministère. Elle peut intervenir dans le placement des proposants. Elle s'occupe du placement des Pasteurs, Evangélistes, Proposants et autres Serviteurs que Dieu lui envoie. Dans le cadre de la Région, elle se prononce sur toute demande de déplacement présentée par les Églises, les Œuvres ou les Serviteurs de Dieu eux-mêmes. Elle peut demander un déplacement chaque fois que l'intérêt de l'œuvre de recommande. Concernant le déplacement en faveur d'une autre Région, l’Assemblé se prononce : d'une part, sur toute demande présentée par un serviteur de Dieu, d'autre part sur toute proposition du Comité de l’Union ; la décision requiert l'accord de l'intéressé et s'il y a lieu, celui de l’Église ou de l'œuvre dans laquelle il exerce son ministère. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 185 L'Assemblée peut soumettre au Comité de l'Union les sujets particuliers qui la préoccupent. Un compte rendu des séances de l’Assemblée Régionale est envoyé au président du Comité de l'Union. Concernant les Serviteurs de Dieu en activité dans les Églises ou Œuvres dépendant de 1'Église ou de la Région, la discipline est exercée par l'Assemblée Régionale ou par une commission agrée par elle dans le cas des fautes graves suivantes : • Négligence persistante dans l'accomplissement de sa tâche ; • Conduite en contradiction avec l'enseignement des Ecritures ; • Enseignement contraire au principe de la Parole de Dieu et de l'Église. Un Compte rendu est envoyé sans retard au Président du Comité de l'Union. Si elle le désire, l'Assemblée Régionale ou la Commission peut faire appel au Comité de l'Union pour juger certains cas particuliers. L'intéressé peut demander l'arbitrage du Comité de l'Union. Concernant les serviteurs de Dieu en activité dans une Œuvre particulière dépendant de l'Union, la discipline est exercée par le comité de l'Union. Le Bureau de l’Assemblée Régionale peut convoquer les Serviteurs de Dieu en activité dans la Région pour des rencontres particulières. Des Assemblées groupant plusieurs Régions peuvent être convoquées sur la demande du Comité de l’Union chaque fois que l'intérêt général de l’œuvre l’exige. Dans un esprit de collaboration fraternelle, le Comité de l’Union ainsi que les Églises et Œuvres de l’Église peuvent faire appel à la Mission pour toute aide spirituelle et technique afin d’assurer la bonne marche des différentes activités de l’Union. 186 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Les missionnaires appelés comme conseillers sont admis au Comité comme aux différentes Assemblées avec voix consultative. 263 4.4.2.4 L’Église locale L’UEESO-CI est une association d’Églises baptistes et respecte par conséquent tous les principes du baptisme. Les Églises baptistes tiennent leur origine des anabaptistes du XVIe siècle. D'une manière générale, ces Églises ont la particularité de ne reconnaître comme membres que celles et ceux qui, en demandant le baptême, font un acte volontaire et personnel de repentance et de foi. Pour cette raison, les Églises baptistes ne pratiquent pas le baptême des petits enfants. Ce sont des Églises de professants. L'Église locale est donc composée uniquement de croyants baptisés après avoir confessé leur foi. Chaque Église locale est autonome mais reconnaît le besoin de s'associer avec d'autres Églises locales identiques afin de manifester la solidarité chrétienne qui l’unit à elles, pour agir en commun, donner ou recevoir de 1’aide, et pour avoir une même représentation auprès des pouvoirs publics. L'Église locale est tenue d’adhérer à la Confession de Foi et aux Statuts de l’Union. Pour être constituée, une Église doit remplir les conditions suivantes : • avoir au minimum I5 membres, • avoir parmi ses membres des hommes capables de former un conseil, • pouvoir couvrir ses propres besoins financiers. L'Église reconnaît à chacun de ses membres une complète égalité de droit, quelque soit son sexe ou sa nationalité. L’Église locale, loyale à l'État, s'interdit tout but politique. Pour être admis comme membre de l’Église locale (c’est-à-dire être baptisé), les candidats doivent remplir un certain nombre de conditions : 263 Article 27 à 31 des statuts de l’UEESO 1962. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 187 • donner des preuves satisfaisantes de leur conversion, • être instruits des vérités chrétiennes par des cours spécialement appropriés à leurs besoins, • adhérer à la Confession de Foi et aux principes de l'Église, • avoir 18 ans révolus, sauf décision particulière du Conseil, • fréquenter l’Église, ou une Église de l’Union depuis au moins un an. Le Candidat au baptême est présenté à l'Église par le pasteur ou un autre conducteur spirituel sur avis favorable du Conseil. Il rend témoignage de sa Foi et répond publiquement aux questions qui pourront lui être posées lors d'une réunion ordinaire du Dimanche ou une Assemblée d'Église. Si après un délai de deux semaines, il n’est fait aucune opposition, le Candidat sera baptisé et reçu dans l’Église. Un membre d’une autre Église locale peut être admis sur présentation d’une lettre de recommandation de moins de six mois. Des personnes membres d'Églises n'appartenant pas à l'Union, munies ou non de lettre de congé et de recommandation, peuvent devenir membres d'une Église de l'Union à condition d'adhérer à la Confession de Foi et aux principes de l'Église, de donner des preuves de leur conversion et de rendre témoignage de leur Foi. Les Admissions sont proposées à l’Assemblée de l'Église par le pasteur ou autre conducteur spirituel sur avis favorable du Conseil. En tout temps et sur simple déclaration, chaque membre est libre de se retirer de l'Église 264 . 4.5 Principes généraux Les Églises du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire sont composées de membres qui font profession individuelle de la Foi. Elles ne connaissent en matière religieuse aucune Autorité que celle de Jésus-Christ, l'unique 264 Article 1à 15 du règlement intérieur de l’UEESO-CI, 1962. 188 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique et Souverain Chef de l'Église. Ces Églises s'unissent entre elles pour glorifier Dieu en manifestant l’Union de ses Enfants, pour travailler à l'édification du Corps de Christ et pour s’occuper ensemble de l'extension du Règne de Dieu Dans le cadre de 265 . l’Union, des Régions sont délimitées géographiquement par l'Assemblée Générale. Leurs limites et leur nombre peuvent être modifiés pour le bon fonctionnement des Assemblées Régionales 266 . Les Églises locales, les Régions ou l'Union elle-même peuvent avoir la responsabilité d'une ou plusieurs œuvres particulières 267 . On entend par œuvre particulière, soit l'œuvre d'évangélisation, soit l'œuvre scolaire, soit l'œuvre médicale, soit une toute œuvre semblable dépendant d'une Église, d'une Région ou de l'Union. Chaque Église règle ses propres affaires intérieures et considère les Églises de l'Union comme des Églises sœurs, leurs membres jouissant indifféremment des mêmes avantages 268 . La règle est que chaque Église doit pourvoir à ses propres besoins par les contributions volontaires de ses nombres et amis 269 . Elle ne compte sur aucune aide de l'État. Chaque Serviteur de Dieu accepte le principe de la vie par la Foi. Dans les régions ou les ressources locales sont insuffisantes, aucun travailleur ne sera rétribué sans l’assentiment du Comité de l'Union Les postes d'Évangélisation 270 . et autres Œuvres s'efforceront de contribuer le plus possible aux traitements de leurs Evangélistes et autres responsables. Toute Œuvre particulière est rattachée soit à une Église locale, soit à une Région, soit à l'Union elle-même. 265 Paragraphe 14 des statuts de l’UEESO, 1962. Paragraphe 15 des statuts de l’UEESO, 1962. 267 Paragraphe 16 des statuts de l’UEESO, 1962. 268 Paragraphe 17 des statuts de l’UEESO, 1962. 269 Paragraphe 18 des statuts de l’UEESO, 1962. 270 Paragraphe 19 des statuts de l’UEESO, 1962. 266 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 189 Pour faciliter la tâche des Églises et des Œuvres qu'elles décident de faire en commun et aussi longtemps qu'elles le désirent, des commissions financières régionales gèrent les fonds provenant des dons, dîmes et collectes qui leur sont confiées. Elles comprennent les membres du Bureau de l’Assemblée Régionale, le conducteur spirituel et au minimum un membre du Conseil de chaque Église. Elles s'organisent et délibèrent sous la responsabilité du Bureau. Le trésorier tient à jour les Comptes et les communique aux Églises et Œuvres intéressées 271 . Avec le consentement des Églises et des œuvres qu'elles font en commun, pour faciliter leur tâche et manifester leur solidarité, une caisse centrale d'entraide alimentée par leurs contributions volontaires aidera s'il y a lieu les Églises et Œuvres ne pouvant supporter la totalité de leurs dépenses locales. Le trésorier de l'Union gère cette Caisse et assure la répartition des fonds selon les directives du Comité d'après les besoins présentés par les présidents des Assemblées Régionales. Selon les disponibilités, la Caisse pourra en outre faire des dépenses d'intérêt général. Le trésorier enverra périodiquement les Comptes dans chaque Région 272 . 4.6 Les services et œuvres L’article 51 des statuts 273 de l’UEESO-CI définit les services comme : 271 Paragraphe 20 des statuts de l’UEESO, 1962. Paragraphe 21 des statuts de l’UEESO, 1962. 273 Il s’agit des statuts révisés étant donnés que les textes fondateurs de 1962 ne définissent pas clairement ces œuvres. 272 190 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « Toute organisation, tout regroupement, tout mouvement de membres des églises de l’Union ayant pour objectif d’accomplir un ministère spécial à caractère évangélique ou social au sein d’une église, d’une région, d’une œuvre de l’Union ou dans tout le champ de l’Union en direction d’une frange définie des membres des églises de l’Union ou de tous les membres des églises de l’Union ». On entend par œuvre, tout établissement ou toute autre formation créés ou acquis par l'Union, ou dont la gestion lui est confiée et qui a au moins deux des quatre buts suivants : a. répandre la Parole de Dieu, b. contribuer à la croissance spirituelle des chrétiens, c. soutenir matériellement ou financièrement l'Union ou les Églises dans leurs missions, d. contribuer au bien-être social des chrétiens et des populations. Les services et œuvres de l’UEESO-CI sont : • L'Institut Biblique de Man : Fondé en 1957, l'Institut Biblique de Man est au service de l'Église pour la formation des serviteurs et servantes de Dieu. Il est une œuvre de l’UEESO-CI dont il dépend entièrement. Mais il reste ouvert et reçoit des étudiants et étudiantes extérieurs à l’UEESO-CI. Il est situé à Man (ZLANWOPLEU). L'Institut à une capacité d'accueil de plus de 30 étudiants. Les cours se déroulent sur une durée de 3 ans. Ces étudiants sont encadrés par des professeurs ivoiriens membres de l’UEESO-CI et des enseignants missionnaires. L'accès à l'IB de Man est ouvert à tout chrétien engagé qui a la vocation de servir Dieu à plein temps. Mais l'entrée est soumise aux contraintes financières dues à l'augmentation du coût de la vie en Côte d’Ivoire. Pour un étudiant célibataire, les frais de scolarité s'élèvent aujourd’hui à 375 000 F.CFA et pour les étudiants Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 191 mariés, ces frais sont de 530 000 F.CFA. C’est au total, plus d’une centaines de pasteurs qui y ont été déjà formés. • La pouponnière : C’est une œuvre pour les bébés en difficultés. Elle a été fondée depuis 1947 à Man 274 . Elle apporte soins et éducation à ces enfants pendant quelques années avant de retourner dans leur famille. La pouponnière est reconnue officiellement par le Ministère chargé des affaires sociales. C’est au total plus de 1500 orphelins qui ont été reçus dans ce centre depuis sa création. • Le Cours Secondaire Protestant de Daloa : Le Cours Secondaire Protestant de Daloa fut fondé en 1947. C'est un établissement privé d'enseignement général du second degré. Le Collège applique le programme officiel en vigueur dans le pays. Le collège a aujourd’hui un effectif de 1000 élèves inscrits régulièrement de la sixième à la terminale 275 . • Les écoles primaires : Elles sont au nombre de 34 aujourd’hui concentrées dans l’ouest du pays puis à Abidjan. Elles participent à l'évangélisation, à l'éducation et contribuent à l'effort de développement socio-économique, moral et spirituel de la Côte d’Ivoire. • Le centre de santé de l’UEESO-CI : Cette une structure sanitaire construite avec la collaboration de la Mission de la Conférence Baptiste (CGB) dans la commune d'Abobo (Abidjan) sur un terrain de 4000 m². Le centre est composé d'un bloc administratif, d'une maternité, d'un dispensaire, d'un service d'ophtalmologie, d'un cabinet dentaire, d'une dermatologie, d'un service de nutrition, d'une gynécologie et d'une salle de formation. 274 275 Cf. supra p. 60. Cf. supra p. 60. 192 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le Service d'Animation Rurale (SAR) : • Le Service d'Animation Rurale ou SAR a été implanté à Danané depuis 1983. Il vise à apporter aux chrétiens l'autosuffisance alimentaire. On y réalise : - L'élevage de volailles de races locales et métissées, - La plantation de centaines d'arbres fruitiers greffés ou sélectionnés - La culture de jardins maraîchers, - Des sessions de sensibilisation et de formation dans les villages en matière d'hygiène, de protection maternelle et infantile et de nutrition. • Le service technique des Églises Évangéliques de Côte d’Ivoire : SERTEECI : C'est un important atelier de menuiserie qui a ouvert ses portes en 1965. Aujourd'hui, ce service fait également de la mécanique auto 276. • Le centre de formation biblique de Sassandra : Ce centre a pour vocation de former et recycler les chrétiens engagés et les prédicateurs dans la Parole de Dieu. Le programme des matières et des cours est semblable à celui des écoles bibliques. C'est par période de trois mois de formation que les cours sont dispensés pour les prédicateurs et deux semaines pour les fonctionnaires. • Les servantes de Béthanie : C’est le mouvement de toutes les femmes de l’UEESO-CI. • Les disciples d'Emmaüs : C’est le mouvement de toute la jeunesse de l’UEESO-CI. 276 Cf. supra p. 60. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 193 4.7 L’œuvre d’implantation au temps de l’Église autonome L’autonomisation de l’UEESO-CI en 1962 a été ressentie par les nouvelles autorités comme un défi pour la continuité de la mission. A partir de 1963, de nouvelles stratégies d’évangélisation sont mises en œuvre et les résultats sont fort reluisants. Des concours de circonstance viennent appuyer ces stratégies, engendrant une croissance très accélérée du nombre des fidèles de l’UEESO-CI. 4.7.1 L’évangélisation La période post-missionnaire a été marquée à l’UEESO-CI par une intensification des activités d’évangélisation. On a assisté à une multiplication des campagnes d’évangélisation et surtout à l’utilisation des moyens modernes de communication. En 1960, après l’indépendance politique de la Côte d’Ivoire, Abidjan, capitale de la colonie depuis 1934, est maintenue comme capitale de la République de Côte d’Ivoire. Vu sa position stratégique et l’attraction qu’elle exerce sur les populations 277 , Abidjan devient un centre incontournable. De ce fait, en 1964, la fédération protestante de Côte d’Ivoire déclare « Abidjan ville ouverte à toutes les missions » 278 . Cette même année, l’UEESO-CI y ouvre sa première Église. Cette jeune communauté connut une croissance très rapide et devint un point stratégique dans la politique d’expansion de l’Église. Sept années après sa constitution, soit 277 Abidjan, située au large de l’océan atlantique est la ville la plus importante du pays (environ 5 millions d’habitants aujourd’hui). Elle dispose du plus grand aéroport et du plus grand port du pays. Elle est à priori la première destination des immigrants avant de se diriger vers l’intérieur du pays. C’est à Abidjan que se concentre l’essentiel des services du pays. Elle regorge à elle seule plus de 75% des unités industrielles du pays, faisant d’elle le centre de prédilection des jeunes candidats à l’exode rural. Il est difficile de trouver en Côte d’Ivoire une famille qui n’ait pas de représentant à Abidjan. 278 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 243. 194 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique en 1971, l’Église d’Abidjan comptait cinq lieux de culte : Cocody, Adjamé, Abobo-gare, Banco et Bondoukou-Adiaké 279 . Cette expansion rapide est due en partie à un travail magnifique exercé par un groupe de jeunes de l’Église spécialisés dans l’évangélisation. Ce groupe Baptisé J.A.C.A (Jeunes Ambassadeurs de Christ à Abidjan), s’est donnée pour mission l’évangélisation d’Abidjan et ses environs 280 . À l’intérieur du pays, surtout dans la zone d’influence de l’Union, les efforts d’évangélisation se sont multipliés. Au cours de l’Assemblée Générale de 1972, plusieurs méthodes d’évangélisation employées efficacement dans certaines régions sont énoncées et analysées. A l’issue des débats, trois possibilités sont retenues : • Évangélisation par groupe ; • Évangélisation par le un à un ; • Évangélisation par des invitations à la veille de chaque réunion. Le révérend BLOCHER, invité à cette réunion évoque une stratégie qui porte beaucoup de fruits au Togo : « Les chrétiens se rendent dans un village où tout en travaillant pour les habitants, témoignent de leur foi » 281 . Cette méthode sera plus tard expérimentée au sein des Églises de l’Union et connaitra beaucoup de succès. Dans le rapport sur la marche générale de l’Église de 1971, les succès dans le domaine de l’évangélisation sont relevés dans plusieurs régions. Voici un extrait de ce rapport présenté par les responsables de régions : 279 Village situé dans la région d’Adiaké. Archives de l’UEESO-CI (non classées), rapport sur la marche de l’Église, 1972. 281 Archives de l’UEESO-CI (non classées), rapport sur la marche de l’Église, 1972. 280 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 195 Daloa : « La sous-préfecture de Zoukougbeu fait partie de notre district. Les frères Niaboua sont très zélés et actifs dans le travail spirituel. Le travail dans cette région est au début de son développement. Nous nous sommes organisés en groupes et ainsi, accompagnés par les chants religieux, nous avons fait plusieurs réunions d’évangélisation dans les villages. Les gens viennent nombreux écouter l’évangile. En juin 1971, une convention a rassemblé soixante seize (76) personnes à Guéssabo. Elle fut particulièrement bénie. 5 baptêmes ont été à la suite de cette convention (…). Dans le mois d’octobre a eu lieu la réunion conventionnelle à Zoukougbeu ; c’est une réunion de prise de contact avec les gens de la paroisse ; là encore le Seigneur nous a richement bénis (…) Dans l’ensemble, il y a 200 membres baptisés et une seule église constituée. Dans un proche avenir, nous comptons en organiser deux en plus, l’une dans le pays bété et l’autre chez les Niaboua. L’Église compte 19 lieux de culte, 19 prédicateurs, et 5 serviteurs de Dieu à plein temps. » Danané : « Rendons grâce à Dieu pour le progrès dans certains domaines. Il y a un peu longtemps les églises constituées étaient au nombre de 7, mais l’an dernier deux nouvelles se sont ajoutées. Danané est devenue préfecture. Les deux sous-préfectures Zouan-Hounien et Bin-Hounien dépendent d’elle. Lieux de culte : 32 y compris 9 églises locales et 5 postes d’évangélisation importants par leur nombre d’auditeurs. Nombre d’auditeurs : évangélistes : 10 1500 environs (…). Pasteurs et 196 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le personnel se rajeunit sensiblement par des renforts qui viennent de l’institut biblique de Yamoussoukro. 25 prédicateurs laïcs actifs épaulent le personnel très insuffisant pour cette région. Les groupes de jeunes sont formés dans plusieurs églises locales. Ils sont en bénédiction pour nos églises. Par les jeunes, l’évangile est souvent prêché dans plusieurs villages. L’école du dimanche se fait continuellement par nos maîtres d’école. Les écoles primaires publiques sont grandement ouvertes et nous avons de bons contacts avec des élèves et les instituteurs. Sujet de prière : La sous-préfecture de Bin-Hounien où est installé notre jeune pasteur Célestin a un urgent besoin d’une chapelle. Notre frère aurait en plus besoin d’un électrophone pour évangéliser les enfants dans les écoles ». Duékoué : « Depuis le mois d’août 1970 jusqu’à maintenant les cours bibliques et les visites en brousse sont pratiquement arrêtés à cause de la santé du pasteur Jean Taud. Par contre, l’évangélisation se poursuit à l’hôpital, dans les maisons par quelques chrétiens. Un groupe de femmes visite régulièrement la maternité. Une infirmière s’est convertie à la suite de ces visites. Une classe de couture groupe chaque jeudi plusieurs femmes et jeunes filles. 7 villages dans la région de Tawaké reçoivent la visite de l’évangéliste GUEHI Joseph. Nous y avons trouvé trois lieux de culte. Le canton de Zérébaou composé de 15 villages reste encore fermé à l’évangile à cause des masques qui règnent en maîtres. Seul un prédicateur laïc et un petit groupe de chrétiens rendent Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 197 un bon témoignage dans ce vaste canton. Nous pensons constituer une église à Gbahapleu où la petite chapelle se remplit de plus de 110 auditeurs. Personnel : un pasteur, 2 évangélistes, 6 prédicateurs bénévoles, les baptisés sont au nombre de 183. » Gagnoa : « Il y a de nouveaux lieux de culte. La vente de littérature marche à merveille. Issia Manque d’ouvriers, de conducteurs malgré les 100 auditeurs. Sassandra a un pasteur en la personne de Jean Dakouri. Il manque des missionnaires partout : Issia, Gagnoa, Ouragahio, Guibéroua, San-Pedro, Soubré… ». 282 Les témoignages rendus dans leur entourage par les chrétiens et les grandes sorties d’évangélisation dans les villages se sont multipliés à partir des années 1960. S’il est difficile d’en dresser le nombre exact faute d’archives dans plusieurs Églises locales, les souvenirs restent cependant vivants dans l’esprit des premiers convertis. L’œuvre devait s’étendre aux régions non encore atteintes. Les responsables y déployèrent autant d’efforts que cela nécessita. La pénétration de l’évangile en pays Gouroussé relaté par le pasteur POUSSI Manga Abel dans Nos racines racontées de James KRABILL en est une parfaite illustration. Voici l’intégralité de son récit : « Le canton Gouroussé est situé sur l’axe Danané Sipilou. Il est composé de 23 villages. Zoupleu est à 56 km de Danané. L’accès au Gouroussé est difficile à cause du relief. Pendant la saison pluvieuse, les rivières barrent complètement la route. Les côtes sont difficiles à gravir. Tous ces obstacles n’ont cependant pas empêché l’évangile de pénétrer jusqu’au cœur du canton. 282 Archives de l’UEESO-CI (non classées), Assemblée Générale de 1971-1972, rapport sur la marche de l’Église, 1971. 198 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dans les années 1960 à 1970, des prédicateurs dévoués tels que Jean Ouohi, pasteur à Yorodougou et Gomun Gabriel, évangéliste à Beupleu, prêchent l’évangile dans le canton. De 1970 à 1975, Yaleugbeu Abraham de Semampleu s/p de Sipilou évangélise Zoupleu et ses alentours. Mais ces prédicateurs récoltent plutôt des persécutions que des conversions. On note un faible début du catholicisme mais un catholicisme confondu au paganisme. En 1976, l’Assemblée des pasteurs de Danané décide d’installer un évangéliste à Daleu dans le Gouroussé pour implanter des églises dans ce canton hostile à l’évangile. M. et Mme Toueu Jean sont donc affectés à Daleu pour commencer cette œuvre assez difficile. Les deux évangélistes, Toueu Jean et Woplé Joseph, en service dans le canton Kalé en ce temps là, font alors un tour d’exploration pour mieux connaitre le canton. M. Toueu Jean se rend seul à Daleu vers la fin de l’année 1976 pour prendre contact avec la population et demander un terrain pour construire sa maison. Le chef le loge dans une maison où l’on avait déposé cinq cadavres la nuit précédant son arrivée. La nuit, il voit des mains semblables à des flambeaux allumés descendant vers lui. Il entendit des voix dire : "Le voici ! Le voici !". Ce n’est qu’un rêve, se réveillant en sursaut il dit : "Seigneur, tu veux que je lise ta parole." Il fait une méditation, puis il prie. Après cela, il s’endort paisiblement jusqu’au matin. Très tôt le matin, le chef vient taper à sa porte et lui demande : "Tu es là ? Tu as bien dormi ? Ton Dieu est fort !" Suite à cela après quatre jours de discussions, les responsables du village lui donnent un terrain. En 1977, Jean et sa femme s’installent à Daleu, mais un monsieur du nom de TIEMOKO Antoine, profitant de l’absence du pasteur Jean, construit avec la complicité des villageois, construit une maison sur le terrain réservé à celui-ci. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 199 Devant cette situation, le couple se rappelle la lettre d’un fonctionnaire de Zoupleu qui leur demandait de s’installer dans son village. Après un moment de prière, ils décident d’aller à Zoupleu. M. et Mme Jean quittent donc Daleu au milieu des pleurs car certaines personnes les aiment. Leur poste est désormais Zoupleu à 25 km de Daleu. Arrivé à Zoupleu, le couple se présente à la famille de leur correspondant, GUEUGBEU Jean, le jeune frère du fonctionnaire chrétien résidant à Abidjan qui les reçoit à bras ouverts et leur donne une maison. Sans perdre de temps, ils demandent une place aux responsables du village en vue de construire leur maison. Le chef convoque une assemblée extraordinaire pour examiner leur demande. Les gens du village leur demandent des précisions sur la relation entre eux et les divinités païennes. Avant que le pasteur ne réponde, un débat houleux s’engage entre ces mêmes villageois. Ce débat allait aboutir à un refus lorsqu’un monsieur, étranger dans ce village fit cette remarque : "vous savez, ces chrétiens ne se soumettent pas à nos masques. Les gens ont tué l’un d’eux au canton Blouno, dans la sous préfecture de Man." Monsieur Jean intervint d’un ton sage et élevé et dit : "Chef, j’ai découvert l’assassin du regretté frère qui réside à Blouno ! Il vient de l’avouer publiquement. Cette affaire sera poursuivie jusqu’au tribunal. Il est sous votre surveillance." Cette déclaration provoqua un silence de mort dans toute l’assemblée. Après quoi, le chef suspend et convoque une concertation au cours de laquelle l’on décide d’attribuer un terrain au pasteur. C’était un moyen pour la population d’apaiser les gens au sujet du meurtre. 200 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique De retour de leur concertation, le chef déclare : "nous attribuons le terrain près de l’entrée du village." Ce lieu est appelé communément dans la tradition "Danga taha", ce qui se traduit "le lieu de la malédiction". C’est dans ce lieu qu’on enterre les personnes de mauvaise vie et les criminels. C’est aussi le lieu réservé à ceux ou celles qui sont atteints d’une maladie incurable et qui sont entre la vie et la mort. C’était une manière pour eux de livrer le pasteur aux mauvais esprits. Le pasteur accepte le terrain et dit : "Je pardonne cette faute (le meurtre), mais si un chrétien est outragé, je ferai revenir cette affaire sur le tapis." Dans l’exécution de ses travaux, les jeunes villageois venaient l’aider en cachette et il les récompensait. Ainsi, celui qui abattait un gros arbre recevait 1500 francs. Le terrain était fertile. Tout ce qu’on y semait réussissait au grand étonnement des villageois. Vers la fin de l’année 1977, le pasteur achève la construction de sa maison en papots. » Récit d’un miracle « Cette évolution des choses n’est pas pour plaire aux villageois. Aussi, les anciens du village se réunirent dans la case sacrée pour trouver un moyen de se débarrasser de ce couple rebelle à la tradition. Ils s’accordèrent pour utiliser le plus puissant poison. C’est à travers la cola qu’on transmet le poison à l’intéressé (concerné). Un après midi, pendant que le pasteur et sa femme allèrent faire la lessive à la rivière, une femme les suivit avec des cuvettes sur la tête. Elle tomba à leurs pieds en disant : "Renoncez à votre Dieu ! Sinon vous allez mourir. Les anciens ont déployé un puissant poison contre vous." Le couple répondit : "Nous sommes les envoyés de Dieu. Si telle est sa volonté, ils réussiront. Autrement, Dieu est avec nous." Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 201 A leur retour de la rivière, un vieux les appela pour leur offrir la cola en signe d’amitié. Le pasteur remercia le vieil homme et lui fit comprendre qu’il ne mange pas la cola. Or la convention avec le poison est la suivante : si la personne visée ne touche pas la cola, c’est le porteur qui meurt. Le pasteur n’ayant pas touché la cola, le lendemain matin, le porteur de la cola, DJEOULE mourut. Sur ce, le chef de la case sacrée nommé GUEDE Iba Gbeu se convertit et cette conversion a bouleversé l’ordre sacerdotal jusqu’à nos jours. Le couple évangélisait de porte en porte chaque soir. Il exerçait la libéralité envers les pauvres et pourvoyait les vieux en nourriture, en, habits et en argent dans certains cas. Des groupes de chrétiens venaient du canton Blossé et de Danané pour de grandes campagnes d’évangélisation. Voici les noms des premiers convertis : GUEGBE Jean, KOUITY David, GUEDE Jeannot et sa femme, DOUA Honoré » 283. Tout ceci démontre que dans leur volonté d’étendre l’Église, les chrétiens n’hésitaient pas à risquer leur vie. Les nombreux miracles qui accompagnaient leurs actions constituaient de véritables facteurs d’encouragement. Agrandir l’Église à travers la croissance numérique des membres était un défi permanent pour les responsables de l’UEESO-CI. Jean GLAO, élu Président de l’Union en 1970, en a fait son cheval de bataille. Lors d’une visite effectuée en France après son élection, il entre en contact avec une équipe d’évangélisation dont il est intéressé par les méthodes, comme il le dit lui-même : 283 Abel POUSSI, « Histoire de l’implantation de l’Église UEESO-CI à Zoupleu canton Gourousé », in s /d James KRABILL. Nos racines racontées, op.cit, pp. 185-188. 202 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « J’ai eu le privilège, lors de mon séjour en Europe, de faire la connaissance du Quator Joie. Très intéressé par leur méthode d’évangélisation, j’ai formulé que Monsieur Somerville et son équipe fassent une tournée en Côte d’Ivoire pour donner la vision à nos jeunes » 284. En janvier 1973, à son invitation, l’équipe de Quator Joie effectue une tournée d’évangélisation en Côte d’Ivoire, à Abidjan et dans les villes de l’intérieur. Leur méthode qui consiste à évangéliser à travers les chants et les témoignages. Leur passage a été très fructueux pour l’Union d’autant plus que de nombreuses conversions enregistrées dans ses Églises. 286 285 ont été Le 21 février 1973, le comité de l’Union, très impressionné par les succès réalisés par Quator Joie, organise une rencontre spéciale pour étudier les possibilités d’exploitation de sa stratégie. A l’issue des discussions qui ont duré une journée entière, il est décidé de créer à Abidjan un centre de formation pour les équipes d’évangélisation. En vue de sa bonne organisation, on trouva nécessaire de nommer à sa tête des responsables. Plusieurs noms sont proposés : Charles Daniel MAIRE, Albert BLEUKEUHOUA, Jean GLAO, KOULAÏ, Jonas GBEADA 287 . Déjà en 1969, une nouvelle méthode dénommée V.N.P.T (Vie Nouvelle Pour Tous) avait été expérimentée avec succès dans toutes les régions de l’Union. Au cours de l’assemblée générale de cette année, les 284 Propos du Pasteur Jean GLAO, lors de la réunion du comité du 21 février 1973. 285 Il est difficile de donner avec exactitude le nombre de conversions faute de statistiques disponibles. 286 Le Quator joie, jeune et dynamique, répondait aux aspirations de son auditoire composé en majorité de jeunes. Il y eut ainsi foule aux réunions tant à Abidjan qu’à l’intérieur, à Daloa, Gagnoa, et Man. Dans la capitale, les auditeurs atteignaient 600 personnes, au collège protestant de Daloa, les résultats dépassèrent toute attente : 57 élèves décidèrent de donner leur vie à Jésus-Christ et dans plusieurs Églises des chorales se formèrent pour aller à leur tour évangéliser par le chant. Cf. Jeanne DECORVET, op.cit. p. 253. 287 Archives de l’UEESO-CI (non classées), compte rendu de la rencontre du comité du 21 février 1973. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 203 missionnaires GRANDJAN et VARIDEL expliquèrent que V.N.P.T a pour but d’engager chaque Église à témoigner de Jésus Christ afin que tout le monde soit gagné par l’évangile, que cette méthode a eu un succès remarquable au Congo 288 . L’UEESO-CI utilise aussi des méthodes modernes plus efficaces d’évangélisation. En effet, au début des années 1960, elle a recours aux médias pour diffuser l’évangile. En plus de son journal « Construire », elle collabore avec la radio ELWA, basée au Libéria, et qui émet dans plusieurs langues africaines. Cette station, proche de Monrovia, émet depuis 1954. C’est la première station de postes émetteurs évangéliques en Afrique. Depuis plusieurs années, Radio ELWA collaborait à l’évangélisation de la Côte d’Ivoire par des émissions en français et en langues locales de l’ouest et du centre. Aux environs de 1977, elle diffusait en une quarantaine de langues en raison de 280 heures par semaines dans toute l’Afrique, au moyen de cinq émetteurs et d’une dizaine d’antennes. Située au bord de l’océan, ELWA est la voie de la SIM, Mission à l’Intérieur du Soudan, qui compte environs 1300 missionnaires à l’œuvre du Libéria à l’Ethiopie 289 . Les chants et les messages enregistrés par le Centre Ivoirien Technique d’Audiovisuel (CITAVE) 288 290 dans ces différentes langues Archives de l’UEESO-CI (non classées) compte rendu de l’Assemblée Générale de 1969. 289 Jeanne DECORVET, op.cit., p. 243 290 Dès l’installation du centre culturel biblique en 1965, un studio d’enregistrement y fut improvisé, bientôt remplacé par un bâtiment érigé sur la concession. en 1967, les premiers programmes en français, entièrement réalisés par les Ivoiriens étaient enregistrés dans les locaux tout neufs du Centre Ivoirien de Techniques Audiovisuelles pour l’évangélisation. (CITAVE). On projetait, en effet, de produire, outre les émissions de radio, de s films fixes, des disques… Dès 1969, CITAVE devenait trop petit et ELWA décidait d’envoyer à Abidjan le responsable de la production des programmes en français. L’implantation de cette œuvre en pays francophone s’imposait depuis longtemps. Aussi, à peine les VOLTZ étaient-ils arrivés qu’on devait envisager le déménagement de tout le département francophone d’ELWA à Abidjan. A partir de 1972, tout le département français d’ELWA est transféré à Abidjan pour donner naissance à 204 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique sont diffusés dans toute la Côte d’Ivoire. Ces émissions constituent un moyen d’édification des familles chrétiennes isolées et un véritable outil d’évangélisation. A cet effet, le témoignage rendu par David GUEI, un des délégués à l’Assemblée Générale de 1969 est très révélateur : « Je peux dire que plusieurs personnes écoutent les émissions D’ELWA par mon poste radio et me demandent souvent de leur parler de la parole de Dieu. » C’est en raison de son rôle dans la diffusion de l’Evangile que l’Assemblée Générale de 1969 décide de lui apporter son soutien 291 . En 1972, « Radio ELWA » installe à Abidjan son département de langue française, aujourd’hui « Fréquence Vie », qui joue un rôle très important dans l’expansion du protestantisme français en Côte d’Ivoire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la période de l’Église autonome se caractérise par une ferme volonté des responsables de concentrer leurs efforts sur l’évangélisation. Ces responsables faisaient ainsi preuve de leur maturité et de leur capacité de poursuivre l’œuvre d’implantation entamée par les missionnaires. Ils avaient aussi compris que pour une implantation et une croissance efficace de l’Église, l’évangélisation était un élément capital. Aux différents efforts déployés par l’Union sont venus s’ajouter des facteurs externes engendrant de nombreuses conversions. 4.8 De nouveaux facteurs de conversion En 1973, trois événements vont marquer l’histoire de l’évangélisation protestante en Côte d’Ivoire. Ces événements ont, à divers degrés, entrainé des conversions massives au protestantisme. ce qui est devenu aujourd’hui Fréquence Vie. CITAVE se replie alors sur Man où, installé à Zlanwopleu, il se consacre à la production de cassettes. Cf. Jeanne DECORVET, op.cit, pp.-243-245. 291 Il convient de noter que la nature de ce soutien n’a pas été précisée dans le rapport. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 205 4.8.1 Le passage d’Arthur BLESSIT et la campagne Abidjan Pour Christ 4.8.1.1 Le passage de Arthur BLESSIT ou la croix dans la rue en avril 1973 En 1973, Arthur BLESSIT, un homme portant une lourde croix d’environs 45 kilogrammes, arrive à Abidjan 292 . Ce personnage singulier sillonne la ville durant tout le mois d’août. L’escale d’Abidjan s’inscrit dans son programme de tour du monde pour annoncer l’évangile. En arrivant à Abidjan, il avait déjà parcouru 12000 km. Son apparence attire l’attention des passants qui s’attroupent souvent autour de lui et lui, en profite pour prêcher l’évangile et opérer des miracles, notamment des guérisons. Il est même invité par des Églises pour donner des messages et procéder à des guérisons. 4.8.1.2 La campagne Abidjan Pour Christ de septembre 1973 à Pâques 1974 Elle fut organisée et animée par une dizaine de jeunes venus de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Burkina Faso et décidés à consacrer une année à l’évangélisation de la ville. Leur méthode consiste à « annoncer le Christ » par des chants, des témoignages, la distribution de prospectus, la projection de films et par une campagne d’affichage. Ils sont accompagnés par l’orchestre « Les Sentinelles de Moussa Diakité ». Le film « Suzanne », réalisé en Côte d’Ivoire, est projeté à plusieurs reprises dans tous les quartiers d’Abidjan. C’est un événement de taille qui pousse la télévision ivoirienne à projeter le vendredi saint précédant Pâques, le film « Suzanne » et le lundi de Pâques à accorder 40 minutes d’évangélisation sur ses antennes à l’équipe d’Abidjan pour Christ avant les informations de 14h 292 293 . Archives personnelles du pasteur Michel LOH. Il convient de signaler que ces archives restent muettes sur leurs origines. 293 Archives personnelles du pasteur Michel LOH, Secrétaire général de l’UEESO. 206 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le passage de BLESSIT et la campagne Abidjan Pour Christ ont constitué de véritables stratégies d’évangélisation ayant certainement entrainé de nombreuses conversions. Cependant, l’événement le plus important qui a entrainé des conversions de masses à travers tout le pays et qui a bouleversé le rythme d’évolution de plusieurs Églises protestantes en Côte d’Ivoire, est la campagne de Jacques GIRAUD. 4.8.2 La croisade de Jacques GIRAUD en 1973, un facteur de conversion des masses au protestantisme Ce fut la plus grande croisade du protestantisme en Côte d’Ivoire après le passage d’HARRIS 294. Elle eut lieu en 1973 et entraîna de nombreuses conversions aussi bien dans les villes qu’en milieu rural. Jacques GIRAUD, né en 1931 dans le midi de la France, a travaillé un moment dans l’hôtellerie 295 . C’est à 19 ans qu’il se convertit au protestantisme dans les circonstances qu’il décrit lui-même : « Lorsque j’étais enfant, ma piété catholique n’a jamais été très forte. Je peux même dire qu’à 18 ans, je n’avais ni Dieu, ni Maître. Puis je suis tombé gravement malade. Je faisais de la dépression et de la décalcification osseuse. Alors, au lit, quelqu’un est venu me parler de Dieu en termes simples ; j’ai découvert la foi et j’ai été guéri à 19 ans. Cela a opéré un tel bouleversement en moi que j’ai réalisé quelle était ma voie et j’ai donné ma vie à Dieu…après avoir été 10 ans missionnaire en Algérie que j’ai quitté lors de son indépendance, j’ai parcouru 25 pays différents. » 296 294 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 218. J. KOUAME, Ivoire Dimanche, N°119 du 20 mai 1973, p. 6 296 Fraternité matin des 5 et 6 mai 1973 295 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 207 C’est de la Guadeloupe où il était missionnaire des Assemblées de Dieu en 1973 qu’il est venu en Afrique. Après la Côte d’Ivoire il devait se rendre au Gabon. Charles Daniel Maire le présente comme un homme, petit mais de forte carrure, (…) qui n’avait rien du physique d’un prophète. Assez gauche dans ses relations sociales, la fougue de sa prédication étonne ceux qui le rencontrent en particulier. C’était à l’occasion de l’inauguration de leur chapelle d’Adjamé que l’Église Évangélique des Assemblées de Dieu, profitant du passage de GIRAUD en Côte d’Ivoire, organise une semaine d’évangélisation avec lui 297 . Au bout de 4 à 5 jours, la foule était telle qu’il fallu se réunir dans la cour de la chapelle et la semaine suivante, les autorités annulaient les manifestations sportives prévues pour mettre à la disposition de GIRAUD le stade Champroux de Marcory pendant plus de trois semaines à raisons de deux réunions par jour. GIRAUD prêcha à plus de 25000 personnes dont plusieurs centaines ne quittaient pas le stade 298 : « Tout ce qu’Abidjan comptait de boiteux, de paralytiques, d’aveugles, de sourds, de tout âge et de toutes conditions gisaient sur la pelouse. Les curieux et les nombreuses personnalités de "Tout Abidjan" occupaient les gradins ». pas mais se vit ! » 300 299 « Cela ne se décrit Des marchands ambulants ponctuaient leurs annonces d’Halleluia retentissants ; un peu plus loin, des campeurs faisaient leur lessive. Un folklore inimaginable entourait les réunions. » 301 « Impossible d’entrer dans un magasin, un bureau ou un café sans entendre parler de GIRAUD. 297 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 219. Selon Charles Daniel-Maire, les réunions du matin réunissaient entre 5000 et 10000 auditeurs celles du soir (17h). Ces chiffres ont permis d’estimer plusieurs fois plus de 30000 auditeurs. 299 J. KOUAME, op.cit, p. 19. 300 Idem 301 Ibidem. 298 208 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Plus de quatre personnes ne pouvaient se réunir sans que la discussion ne s’oriente vers le guérisseur. » 302 GIRAUD fut invité à la présidence où il dîna avec le Président HOUPHOUËT Boigny. Des ministres, des députés, des maires l’invitèrent dans leurs régions. En juin, il prêcha à Bouaké, Toumodi, Dimbokro où il fit stade comble 303 . En juillet, exténué, GIRAUD retourne en France et revint en octobre avec une équipe de collaborateurs. La croisade continua à Saïoua, Man, Daloa, Duékoué, Tiassalé, N’douci, Divo, et Motobé jusqu’au 10 décembre 1973 304 . Le message de GIRAUD était simple, mais son effet bouleversant. Il avait une connaissance très limitée de l’Afrique noire 305 . Mais l’accent mis dans ses prêches sur la possession des fétiches et les offrandes des sacrifices, deux éléments essentiels des Religions Traditionnelles Africaines allait grandement servir son succès. GIRAUD résume son message comme suit : « Je prêche le retour au christianisme primitif en me conformant à la Bible. Or la Bible ordonne de prêcher à travers le monde les évangiles aux malades. Le but de mes prêches, c’est de faire rencontrer Dieu aux hommes, qu’ils deviennent autres en conformant leur vie à la parole divine. Les miracles qu’opère Dieu ne sont qu’un moyen, une confirmation de son pouvoir. Pour beaucoup d’hommes, il y a un désintéressement de la guérison de l’âme, la guérison physique n’est que le premier pas pour faire sentir aux hommes la présence de Dieu… » 306 302 Ibid. Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 219. 304 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 220. 305 Idem. 306 Fraternité matin des 5 et 6 mai 1973. 303 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 209 Pour GIRAUD, il ne peut y avoir guérison véritable de l’âme sans guérison du corps. Ainsi, à plusieurs reprises, dans les stades ou à la chapelle des Assemblées de Dieu, il invectivait les Églises et missions évangéliques qui prêchaient la conversion des âmes et ne croyaient pas à la guérison du corps. La guérison du corps traduit ou justifie la foi du miraculé. C’est Dieu Lui-même qui guérit et non lui GIRAUD. D’ailleurs, compte tenu du nombre élevé de ses auditeurs, il lui était impossible de pratiquer l’imposition des mains. GIRAUD cite Romains 10v17 : « La foi vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend vient de la parole de Dieu ». Il prêchait souvent pendant une heure, traduit en Bambara à Abidjan et dans les différentes langues locales à l’intérieur du pays 307 . « Son message était constamment entrecoupé d’amen et d’halleluia que la foule scandait après lui. Souvent il faisait répéter plusieurs fois des phrases, interrogeant la foule, il lui faisait souligner par des oui ou des non des constatations absolument indispensables à sa démonstration » 308. « Souvent, le sermon était interrompu mais pas pour longtemps, par un malade qui se mettait à courir et à crier sa joie. D’autres fois, ce sont des trublions qui essayaient d’attirer l’attention. GIRAUD enjoint gravement au démon de sortir au nom de Jésus » 309. Le silence se rétablit, le prédicateur achève ses prêches par une longue prière et des chants accompagnés par un orchestre très peu africain, étaient repris en chœur par la foule avec force gestes : « Jésus s’est levé Satan terrassé (bis) 307 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 220. Idem. 309 Ibidem. 308 210 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Halleluia, halleluia (8x) » 310 Des tonnerres d’applaudissements acclamaient les guérisons ou servaient d’approbation aux déclarations bien senties du prédicateur. Vers la fin de la prière, juste avant la prière finale, « le prédicateur impose le silence à la foule, demandant aux malades de lever les bras au ciel et de prier. Puis, dans un recueillement total, les malades posaient leurs mains sur la partie malade du corps, pendant que le pasteur invoquait le Christ. Le pasteur libérait ensuite la foule en criant : "Vous êtes guéris si vous avez la foi ! Satan, éloigne-toi de ces malheureux". » 311 Puis d’une voix encore plus grave et persuasive, il ajoutait : « Mes frères, priez le Christ, lâchez vos béquilles, marchez vous êtes délivrés de votre mal. » « Une sorte de frénésie se saisissait alors de la foule. Certains malades en transe se détachaient des autres et se mettaient à tourner sur eux-mêmes. D’autres les imitaient bientôt dans une sorte de tourbillon contagieux qui s’accompagnait de cris. Quelques infirmes se débarrassaient alors de leurs béquilles et essayaient de marcher ». 312 Des efforts émouvants et souvent désespérés faisaient remuer tous ces invalides qui n’avaient jamais déployé pareille volonté de guérir. La foule de ceux pour qui rien ne s’était passé s’apprêtait à attendre la séance prochaine tandis que les autres ajoutaient leurs béquilles - s’ils étaient boiteux - à la pile imposante rassemblée sur le podium 313 . Selon le Pasteur LARQUERE des Assemblées de Dieu, 1500 cannes et bâtons furent abandonnés. 310 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 222. Fraternité Matin des 5 et 6 mai 1973. 312 J. KOUAME, op.cit, p. 4. 313 Idem. 311 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 211 Les guérisons miraculeuses au cours de la croisade de GIRAUD étaient très nombreuses et authentifiées. Deux cas de guérison miraculeuse marquèrent les esprits. Le premier concerne Monsieur HUSSEIN, ancien entraîneur au boxing club de Treichville : « L’homme (…) a eu les jambes paralysées. Les médecins, affirme-t-on, n’avaient pas réussi à le soigner. Il a également consulté des guérisseurs de très grande notoriété, tant à Abidjan qu’à l’intérieur du pays. Tous se sont montrés impuissants à guérir le mal. Un jour enfin ses parents décidèrent de le transporter à une réunion publique du pasteur GIRAUD. » 314 Le soir de sa guérison, on l’amena, alors que la réunion, déjà commencée, avait rassemblé une foule telle qu’il n’y avait plus dans le temple aucune place disponible. Porté sur un brancard on l’amena devant la chaire. Tout le monde pouvait le voir et le reconnaitre. Alors qu’on avait prié pour les malades, Madame LARQUERE, épouse du Pasteur des Assemblées de Dieu à Abidjan, s’approcha de lui et l’enjoignit de se lever au nom de Jésus. Et devant tous, le paralytique se leva et marcha. Cette guérison s’avéra définitive. Un an après, ce libanais fréquentait toujours les Assemblées de Dieu 315 . Le second cas fut celui de la petite Marie Noëlle dont voici le témoignage rendu par le père : « Ma fille est née le 24 décembre 1968 (…) Depuis sa naissance, elle n’est jamais parvenue à s’alimenter normalement. Elle rejetait par les narines, lait, bouillie, ou tout autre aliment qu’elle absorbait. Au 19è jour de sa naissance, on s’est aperçu qu’elle souffrait d’un retard psychomoteur important qui lui valu 314 315 Ibidem. Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 223. 212 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique trois mois d’hospitalisation. Son état était trop faible pour supporter une intervention chirurgicale pour redresser le palais. Elle a été examinée régulièrement par des pédiatres qualifiés. Ma femme est assistante sociale, c’est dire qu’elle est un peu du corps médical. A trois ans quand elle avait pesé 9 kilos, le professeur Cornet s’est occupé d’elle dans son service de pédiatrie. En deux mois elle a pris un kilo supplémentaire. Elle a alors été admise en chirurgie (c’était en 1971) pour y subir une opération qui n’a jamais réussi (…). Son mal a été jugé incurable par tous. Elle ne parlait pas encore, marchait très mal. La troisième intervention devait avoir lieu en avril de cette année. Mais quand nous avons appris l’arrivée du pasteur GIRAUD, nous avons amené l’enfant au temple des Assemblées de Dieu où il tenait ses premières réunions. Après deux semaines de prière, les douleurs de Marie Noëlle ont disparu comme par enchantement. Elle mange et s’amuse actuellement comme toutes les filles de son âge » 316. La nouvelle de ces guérisons se répandit à Abidjan et dans l’intérieur du pays. De nombreux convois déversaient sur la ville des foules de malades en quête de guérison 317 . Cette croisade permit que l’évangile soit prêché à un plus grand nombre de personnes. Comme nous l’avons déjà relevé plus haut, les réunions de GIRAUD à Abidjan rassemblaient entre 5000 et 10000 personnes. L’évangile était accompagné de délivrance et de guérisons miraculeuses. La tournée de GIRAUD et de son équipe à l’intérieur du pays permit aux plus démunis de recevoir l’évangile sur place et de bénéficier des 316 J. KOUAME, op.cit, p. 6, En fait, la méthode de GIRAUD s’adaptait parfaitement à la mentalité africaine selon laquelle chaque maladie est le résultat de l’action d’un agent occulte. C’est ce qui explique ce grand succès que GIRAUD n’aurait jamais réalisé en Europe. 317 Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 213 « grâces de Dieu ». Plusieurs personnes tant à Abidjan que dans les villes de l’intérieur du pays purent ainsi entendre l’évangile. Une autre preuve de la propagation de l’évangile lors de la croisade GIRAUD fut l’ampleur de la commercialisation de la littérature chrétienne dans le pays. Jamais on n’avait vendu tant de Bibles et de Nouveaux Testaments. La Société Biblique était à bout de stock. Sur 10.000 Nouveaux Testaments en français courant reçus en mars 1973, 3000 avaient été achetés par l’Église catholique. Les 7000 restants étaient épuisés fin avril. Plus de 2000 Nouveaux Testaments Second révisés, 2000 Bibles, 20.000 évangiles furent vendus. Le fait le plus marquant de la croisade de Jacques GIRAUD fut l’importance du nombre de conversions dans plusieurs villages de l’intérieur du pays. En moins de six mois, plus de 300 villages jusque là réfractaires au prosélytisme protestant firent appel aux responsables débordés des Églises évangéliques du centre et du sud-ouest du pays. 318 Il y aurait eu plus de 10.000 conversions et près de 4500 baptêmes dans tout le pays à la suite de la croisade. Plus que pendant les dix années précédentes, 15.000 lettres furent envoyées aux Assemblées de Dieu. Bien que GIRAUD soit venu en Côte d’Ivoire pour le compte des Assemblées de Dieu, c’est finalement l’UEESO-CI qui bénéficia le plus de son ministère. Tableau 8 : Ampleur des conversions à la suite de la croisade GIRAUD CMA 318 Régions touchées Toumodi Bouaké Yamoussoukro Nouveaux villages 81 72 26 Conversions Baptêmes 677 2500 800 250 646 355 Il s’agit de l’AEECI, de la CMA et de l’UEESO. Nous tenons à préciser que tous ces villages n’ont pas envoyé une lettre ou délégué quelqu’un mais ont clairement manifesté le désir d’être visités et de construire une chapelle. 214 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dimbokro Total CMA Daloa Man UEESO- Danané CI Guiglo-Duékoué Saïoua 75 254 12 21 10 475 4452 1500 2000 900 250 400 375 1626 829 Total UEESO-CI AD Abidjan Lakota-DivoN’douci Total Assemblées de Dieu WEC ZuénoulaVavoua TOTAL GENERAL TOTAL PRESUME 43 5050 3000 829 3000 50 297 320 12552 16000 3955 6000 Source : Chiffres transmis par les responsables des Églises concernées Graphique 6 REPARTITION DES CONVERSIONS SUITE A LA CROISADE DE GIRAUD WEC ASSEMBLEE S DE DIEU CMA UEESO Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du tableau ci-dessus. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 215 Comme le montre ce tableau, l’UEESO-CI enregistra 5050 des 12552 conversions soit 40,23% contre 4452 pour la CMA, 35,46%, 3000 pour les Assemblées de Dieu, 23,89% et 50 pour la WEC soit 0,39%. Ce qu’il convient de retenir, c’est que dès l’autonomisation de l’UEESO-CI, les responsables étaient animés par un profond désir de faire croître quantitativement et qualitativement leur Église. De nombreuses stratégies ont été exploitées avec plus ou moins de succès. En 1973, trois facteurs externes apportèrent un concours considérable à ces efforts. Mais, c’est surtout la croisade de GIRAUD qui déclencha un vaste mouvement de conversions dans les Églises UEESO-CI au cours de cette période post-missionnaire. 4.9 Évolution numérique de l’Église autonome Relativement aux différentes circonstances, l’on peut identifier trois phases de croissance de l’UEESO-CI de 1962 à 1982. Graphique 7 EVOLUTION DU NOMBRE DE BAPTISES A L'UEESO DE 1962 A 1984 8000 6000 4000 2000 0 Series1 1 2 3 4 1304 2772 6999 6187 216 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Source : Graphique réalisé (à partir de microsoft excel) sur la base de données collectée dans l’Appel Côte d’Ivoire Haïti 1961-1969. 4.10 Une première phase de croissance moins accélérée 1962-1972 Elle est caractérisée par une croissance peu accélérée. Durant cette période, le nombre de chrétiens baptisés passe de 1304 à 2772 soit une augmentation de 1468 membres. La moyenne annuelle du nombre de baptisés qui était de 82 est passée à 147 soit une croissance de 179%. Deux phénomènes permettent d’expliquer cette croissance au dessus de la moyenne. Le premier est la priorité donnée à l’évangélisation au lendemain de l’autonomisation. Les archives du Secrétariat de l’Union révèlent que de nombreux efforts ont été déployés par les responsables dans le domaine de l’évangélisation. La multiplication des stratégies d’évangélisation, et plus particulièrement l’utilisation des moyens communication ont permis de nombreuses conversions modernes 319 de . Certes, les archives ne fournissent pas de chiffres liés à chaque stratégie, mais la tendance générale de la croissance sur cette période peut, en partie, s’expliquer par ce fait. Cette croissance est aussi le résultat à moyen terme de l’évangélisation à travers l’école, entamée au lendemain de la seconde Guerre Mondiale. Car les premiers élèves ayant fréquenté les écoles UEESO-CI sont devenus, pour certains évangélistes, et, pour d’autres, enseignants et membres de l’Église UEESO-CI. 319 Déjà en 1968, on expérimente la méthode VNPT (Vie Nouvelle Pour tous) qui fut un véritable succès dans les différentes régions. Le recours à Radio ELWA qui transmettait les messages dans les différentes langues nationales a aussi permis une forte propagation de l’évangile. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 217 4.11 Une seconde phase de croissance très accélérée 1972-1982 C’est la décennie 1972-1982, que nous pouvons nommer à juste titre, « la décennie de gloire de l’UEESO-CI ». Sur cette période, les effectifs ont connu une croissance sans précédent. Le nombre de baptisés a presque triplé passant de 2772 à 6999 soit une augmentation de 4227 membres. Le nombre moyen annuel de baptisés passe de 147 entre 1962 et 1972 à 423 soit une croissance de 287,75%. Cette croissance spectaculaire est liée à des facteurs externes que sont le passage d’Arthur BLESSIT, la campagne Abidjan Pour Christ et surtout la croisade GIRAUD. Si les deux premiers facteurs cités ont concerné la ville d’Abidjan, la croisade de GIRAUD en revanche, a atteint toutes les régions de l’UEESO-CI et plus particulièrement les villages. L’exemple du village de Mantongouiné permet de mieux cerner cette réalité. Avant 1973, Mantongouiné était l’un des villages les plus fermés à l’évangile. Moins d’une vingtaine de personnes se réunissaient les dimanches pour prier depuis 1950. C’était les membres d’une même famille 320 . Après le passage de GIRAUD, c’est plus d’une centaine de chrétiens qu’on enregistre pendant les cultes. La décennie 1972-1982 fut également une période de prospérité et de gloire sans précédent pour l’Union. En 1976, L’UEESO-CI devient propriétaire de tous les biens acquis par la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (écoles primaires, collèges, instituts, pouponnières, centre de formation…). En 1977, un grand jubilé est organisé pour fêter le cinquantenaire de l’UEESO-CI qui n’est en réalité que celui de la M.B.C.I, puisque l’UEESO-CI n’avait en fait que 14 ans. 320 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 220. 218 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 4.12 Une chute brusque en 1982 Le graphique qui se prolonge jusqu’à 1984 permet de mieux visualiser la chute de 1982. En effet, entre 1982 et 1984, on remarque une forte baisse du nombre de baptisés. Ce nombre passe de 6999 à 6187 soit une chute de -812. Le taux de croissance chute gravement à 191%. Cette chute est exclusivement liée au schisme de 1982, qui a vu la naissance de l’Église du Réveil. La croisade de GIRAUD, en effet, bien qu’elle fut un facteur de conversions massives, allait jeter les graines d’une division qui, d’abord latente, va s’empirer avec des conflits ethniques et de leadership provoquant en 1982 le premier grand schisme dans l’Union. Avec cette crise de nombreux fidèles et serviteurs de Dieu quittent l’Union 321 . Ce second chapitre de notre travail, consacré au processus d’autonomisation de l’UESSO-CI, nous a permis de déterminer les raisons de cette ivoirisation de l’Église, d’en présenter le principal acteur et d’apprécier la poursuite de l’œuvre d’implantation pendant les 20 premières années d’autonomie de l’UEESO-CI. A la veille de l’indépendance politique de la Côte d’Ivoire, une certaine pression morale semblait peser sur les missionnaires au point de les pousser à accorder aux frères ivoiriens leur autonomie. L’autonomisation est certes une exigence missionnaire et pour cela aucune mission ni aucun missionnaire ne doivent s’éterniser à la tête d’une communauté chrétienne. Mais à cela il faut ajoute l’atmosphère d’indépendance ou d’émancipation qui prévalait à cette époque et qui se faisait sentir au sein de toutes les sociétés missionnaires en place. En 1947, Jacques BLOCHER, grand défenseur de l’Église africaine, devient Secrétaire de la MBCI et lance un vaste programme de la formation des responsables locaux. En 1950, il se voit confier la 321 Nous y reviendrons dans la troisième partie du travail. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 219 présidence de cette mission. Il concentra ses efforts à la réalisation de son rêve de voir émerger une Église ivoirienne. A partir de 1962, la gestion de l’Église est entièrement aux mains des frères Ivoiriens et les missionnaires sont affectés désormais à la formation et à la gestion des œuvres. La MBCI devient alors UEESO-CI et l’Église marque sa reconnaissance juridique par l’adoption de textes fondateurs. Les nouvelles autorités, pour rester dans la dynamique missionnaire, multiplient les stratégies d’évangélisation qui donnent des résultats de plus en plus remarquables. En 1973, la conquête pentecôtiste de la Côte d’Ivoire, à travers la croisade du pasteur GIRAUD, entraine des conversions de masses à l’UEESO, qui voit son effectif tripler en moins d’une décennie. Mais en 1982, cette croissance est freinée à cause de la crise doctrinale qui provoque un schisme dans l’Église. Si l’autonomisation est la finalité de toute mission Chrétienne, celle de l’UEESO-CI semble ne pas avoir été suffisamment préparée. On pourrait même dire qu’elle a été précipitée, voire bâclée. La précipitation avec laquelle cette autonomisation s’est faite laisse des doutes quant à la capacité de cette communauté de s’autogérer aussi bien spirituellement que physiquement matériellement. 4.13 Conclusion partielle Au terme de cette première partie on peut retenir que le processus d’implantation de l’UEESO-CI comprend deux grandes phases parallèlement à l’évolution de la situation politique de la Côte d’Ivoire. La première, dite phase missionnaire ou pionnière, est celle pendant laquelle une succession d’évènements a occasionné la naissance de la première mission protestante d’origine française en Côte d’Ivoire. Le ministère prophétique de William Wade HARRIS en Côte d’Ivoire a ouvert les voies aux missions protestantes dans cette colonie. Mark Christian HAYFORD, ressortissant de la Gold Coast, avait décidé 220 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique de continuer l’œuvre entreprise par HARRIS après l’expulsion de celuici. Mais en tant que sujet britannique il ne sera pas le bienvenu, l’administration étant très tatillonne à l’égard des anglophones. Toujours freiné dans ses activités, HAYFORD fait appel à des missionnaires français qui arrivent en mai 1927. HAYFORD disparait après avoir reçu l’accord du couple RICHARD. Le couple arrive dans cette colonie sans trouver la moindre trace de son employeur, ce qui l’oblige à solliciter le soutien de son Église d’origine, l’Église du Tabernacle. Naît alors la chargée de l’évangélisation du sud-ouest de la colonie. Face à la multiplicité des langues vernaculaires et aux difficultés de déplacement, les missionnaires choisissent de s’appuyer sur des autochtones pour mener l’évangélisation. Les premiers convertis devenus à leur tour évangélistes, jouent un rôle prépondérant dans la propagation de l’évangile qui prend un caractère holistique avec la mise en place d’un certain nombre d’infrastructures socioéducatives telles que la pouponnière, les écoles primaires et secondaire. Cette stratégie missionnaire va entrainer de nombreuses conversions. Les populations en quête de mieux-être social et économique verront dans les œuvres sociales des missionnaires la solution à leurs différents problèmes. Cela nous amène à affirmer déjà que les conversions pendant la période missionnaires étaient plus dues au caractère très attractif des appâts missionnaires qu’à une véritable conviction interne des convertis 322 . La croissance de l’Église, d’abord très lente à ses débuts, va connaître une accélération très marquée à partir des années 1950. Cette croissance et l’évolution de la situation politique dans la colonie amènent les missionnaires à responsabiliser les frères ivoiriens qui 322 Cela s’explique d’ailleurs clairement par la croissance de l’Église qui ne connut une véritable accélération qu’à partir du début des années 1950 avec le développement des œuvres sociales et caritatives. Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982) 221 prennent la relève au lendemain de l’indépendance politique : c’est le début de la seconde période, celle de l’Église autonome marquée par la naissance de l’UEESO-CI, association de toutes les Églises issues de l’œuvre de la Mission Biblique. Pendant cette période, l’effort d’évangélisation est accentué à travers l’utilisation de nouvelles méthodes. La croisade de Giraud, menée en 1973 et caractérisée par des guérisons spectaculaires et des prières de délivrances, va entrainer de nombreuses conversions à tel point que les responsables de l’UEESO-CI seront débordés. Là encore, le constat est que la majeure partie des conversions enregistrées pendant la période de l’Église autonome naissante a été motivée par la recherche de solutions aux problèmes toujours angoissants de la maladie et de la sorcellerie. La question de départ de cette partie était de savoir si les principaux acteurs (missionnaires et évangélistes) de la MBCI étaient aptes à remplir leurs rôles et les méthodes utilisées étaient les pus appropriées pour faire de bons chrétiens. A ce stade de notre raisonnement nous sommes à mesure d’affirmer que, malgré leur dévouement, les méthodes employées par les missionnaires et évangélistes n’étaient pas les plus appropriés pour de faire de bons chrétiens. En basant l’évangile sur la prospérité et la sécurité sociales, les responsables favorisaient ainsi la politique du nombre au détriment de celle de la qualité 323 . Par ailleurs, comme indiqué plus haut, notre sujet s’inscrit au cœur des débats de la rencontre entre christianisme et religions traditionnelles locales. L’objectif de la mission, s’il faut le rappeler, est d’amener les peuples à la conversion. Or la conversion implique un rejet de l’univers religieux local considéré par les missionnaires comme un domaine diabolique. Cette situation place déjà cette rencontre sous le sceau de la confrontation voire de l’affrontement. Dans ce projet de christianisation, le modèle religieux proposé par la Mission Biblique pouvait-il vraiment 323 Nous verrons plus bas comment un tel choix va influencer la pratique religieuse des convertis. 222 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au tribalisme pour former le peuple de Dieu ? Quelle fut l’attitude des populations face au message chrétien ? Quelles furent les véritables motivations des conversions malgré les divergences et de quels moyens les convertis disposent-ils pour affermir leur foi ? DEUXIÈME PARTIE LA RENCONTRE ENTRE RELIGIONS LOCALES ET CHRISTIANISME DANS LE SUD-OUEST IVOIRIEN Le but principal de l’évangile, c’est d’amener l’homme à la conversion 324 . Celle-ci étant le passage d’une vie à une autre, d’une conception de la vie à une autre, comme le note Saint Augustin « se détourner de pour se tourner vers » 325 . Les peuples auxquels le message du Christ est annoncé, ont leurs coutumes, leurs dieux, leurs croyances, bref, ils ont leur religion. Or, comme le constate Martin BERNAL, « Toutes les cultures, quelles qu’elles soient, et à des degrés divers manifestent des préjugés pour, et plus souvent contre, les gens dont l’apparence est inhabituelle. »326 Se pose alors un certain nombre de problèmes. Le premier est celui de la rencontre entre le christianisme et la civilisation locale. Comment se fait cette rencontre ? Y a-t-il compatibilité entre ces deux visions du 324 « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Mathieu 28v19. 325 Saint-Augustin, les conversions, cité par Géraldine Mossière, la conversion religieuse : approches épistémologiques et polysémie d’un concept, Groupe de recherche Diversité urbaine (GRDU), Working Paper Centre d’études ethniques des universités montréalaises, Université de Montréal, Septembre 2007, pp.6-7. 326 Martin BERNAL, Black Athena, les racines afro-asiatiques de la civilisation, t1, Paris, PUF, 1996, p. 247. 224 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique monde ? Si non, pourquoi malgré les différences, l’évangile parvient-il à s’implanter ? Le deuxième problème est celui de l’encadrement des néophytes. Car s’il y a différences, c’est qu’il y a opposition. Comment les premiers convertis vivent-ils l’expérience de la vie chrétienne et quelles sont les stratégies mises en place pour les maintenir dans l’Église et édifier leur foi ? Telles sont les différentes préoccupations auxquelles nous nous intéresserons dans cette partie de notre travail. 5 CROYANCES LOCALES ET MESSAGE CHRÉTIEN C’est en pleine période coloniale que la MBCI décida d’entreprendre l’évangélisation du sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Cette période particulièrement délicate fut caractérisée par une véritable méfiance des populations vis-à-vis de tout ce qui venait d’Europe. En plus de la soumission politique et économique, les indigènes sentaient la menace d’une soumission religieuse et culturelle. Le succès de la Mission se trouvait alors comme conditionné par le contenu de son discours sur l’univers religieux local. Le contenu du message chrétien basé sur la négation des valeurs et croyances traditionnelles sera alors confronté à de nombreuses barrières. Mais malgré tout, il connaîtra des succès importants. Ce chapitre essaiera de présenter dans un premier temps les croyances et les cultes du terroir qui peuvent constituer des facteurs de blocage de l’expansion du christianisme comme des facteurs de facilitation de cette expansion. Ensuite, il s’agira de présenter le contenu du message chrétien, les oppositions qu’elle rencontre de la part des adeptes des croyances locales et des religions syncrétiques implantées dans le territoire de mission mais aussi, les éléments qui, dans les croyances locales, constituent les pierres d’attente pour le succès de l’évangile et, dans un troisième temps, les rapports des premiers convertis avec leur milieu d’origine. 226 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 5.1 Religions et croyances traditionnelles du sud-ouest ivoirien au moment de l’implantation de la mission biblique en 1927 La religion occupe une place centrale chez les peuples du sud-ouest ivoirien. Aucun aspect de la vie sociale n’échappe au contrôle des divinités qui, dans leur grande diversité demeurent les maitres incontestables de l’univers qu’elles dirigent, chacune selon ses domaines de compétence. Il est donc question ici de présenter de façon générale ces différentes divinités afin de déterminer leur impact sur l’organisation et le fonctionnement de la société. D’emblée, relevons que malgré la diversité des peuples du sud-ouest ivoirien, ils semblent avoir un panthéon identique, malgré quelques spécificités. A l’analyse, ce panthéon pourrait être composé de deux grandes entités divines actives : les ancêtres et les divinités du terroir (révélées ou créées). 5.2 Le culte des ancêtres divinisés En Afrique, « L’homme a (…) admis depuis longtemps que la mort n’était pas une fin, mais un passage, que les défunts vivaient une autre vie dans un autre monde invisible mais proche, qu’une communication existait toujours entre les vivants et les morts, que les voyants pouvaient les voir et que certains spécialistes pouvaient connaître leurs désirs et capter leur message, bref que les morts vivaient invisibles mais, présents à côté des vivants. 327» Karl GREBE et Wilfried FON n’en disent pas le contraire : 327 J.C FROELICH, Animisme, les religions païennes de l’Afrique de l’ouest, Paris, Orente, 1964, p. 165. Croyances locales et message chrétien « La plupart des Africains entretiennent des 227 rapports permanents, non seulement avec les membres vivants de leurs familles, mais aussi avec certains membres défunts, les ancêtres » 328 . Cette conviction de la vie après la mort est une évidence pour les peuples du sud-ouest ivoirien. Mais qui sont ces ancêtres et quelle place occupent-ils dans la société ? Cette analyse de Zunon nous en donne une idée brève mais suffisante : « Les ancêtres divinisés sont des morts accomplis. Qui est ancêtre ? La qualité d’ancêtre n’est pas donnée à tous les défunts. Il y a une relation entre l’ancestralité et le statut social et juridique. Les femmes, les défunts sans enfants, les mineurs, les gouwan (anéantisseurs ou sorciers)… sont exclus de ce privilège. A tout prendre, les personnes qui ont joué un rôle éminent dans la société accèdent au rang d’ancêtre. Une seconde approche établit la hiérarchie des ancêtres. On distingue les ancêtres immédiats ou personnalisés avec qui l’on a des rapports généalogiques précis et que l’on peut invoquer nominalement. Puis les ancêtres lointains fondateurs de lignage qui sont presque anonymes. Il faut faire appel aux zirignon (devins) pour les connaitre » 329. Les ancêtres sont donc constitués des parents défunts ayant de leur vivant participé à l’édification ou à l’épanouissement de la famille, de la tribu ou du clan qu’ils protègent désormais depuis la félicité de l’au-delà où ils disposent désormais d’un savoir et d’un pouvoir plus grand que celui des vivants et des mauvais esprits. 328 Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, p. 5. ZUNON (G.J), La religion Bété traditionnelle, in Annales de l’Université d’Abidjan, Série I, Histoire, N°7, pp.-5-28, p. 5 329 228 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Il ressort de cette analyse que l’accès au statut d’ancêtre est un phénomène social. Et l’on peut conclure avec F. KANA que « C’est la société qui dirige vers ce paradis des morts, ceux qui remplissent certaines conditions bien déterminées » 330 . L’ancestralité est donc un grade dans l’au-delà. Chaque Africain naît dans une famille qui est plus grande qu’une famille nucléaire. Par naissance, l’homme devient membre d’un groupe plus vaste appelé famille étendue ou élargie. Ce groupe est formé de parents qui sont tous issus d’un ancêtre commun. L’Africain a un sens profond d’appartenance à cette famille étendue plutôt qu’à une famille nucléaire. Cela se voit clairement dans les langues qui, habituellement, ne font pas de distinction entre les frères de mêmes parents et frères d’une famille étendue. Ils sont désignés par le même terme 331 . Ces choses montrent que la famille étendue est très chère à l’Africain. Elle est l’unité sociale à laquelle tous appartiennent, celle qui contrôle tout le monde et de laquelle provient le rang de chacun dans la société. On peut ne pas être une personne importante en tant qu’un individu, mais en se présentant comme l’enfant d’une concession qui est importante, on devient par conséquent considéré comme sa famille étendue 332 . Mais la famille étendue est plus qu’une unité consistant de parents qui sont actuellement vivants. La famille est ce que les aïeux en ont fait. La plupart des Africains croient qu’au moins quelques-uns de leurs ancêtres sont encore en contact avec les membres de la famille qu’ils ont fondée ; et qu’ils jouent un rôle plus important dans les affaires de la famille que les membres qui sont actuellement vivants. 330 K. FOUELLEFAK, Le christianisme occidental à l’épreuve des valeurs religieuses africaines : le cas du catholicisme en pays bamiléké au Cameroun, 1906-1995, thèse de doctorat d’histoire, Université Lumière, Lyon 2, 2005, 349 p., p. 76. 331 Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, p. 5. 332 Idem. Croyances locales et message chrétien 229 « Alors que les vivants s’intéressent à la vie qu’ils mènent ici sur la terre avec toutes ces luttes et tentations, les ancêtres qui, eux, sont libérés des luttes de la vie physique, s’occupent de garder la famille sur la bonne voie. Cela signifie qu’ils veillent à ce que la famille honore les traditions de la culture et observent toutes les stipulations et les règlements qu’ils avaient établis pour leurs familles lorsqu’ils étaient encore vivants. » 333 Voici ce que disent les Dan : « Nos ancêtres sont toujours avec nous ; ils nous voient et suivent nos actes. Ce sont eux qui nous protègent contre certains fléaux de la vie. C’est pourquoi nous offrons des sacrifices afin qu’ils renouvellent chaque jour leur bonté envers nous » 334 Les membres vivants de la famille étendue ont un lien direct avec les ancêtres. Ce lien est établi différemment selon les peuples. Chez les Bhete de Côte d’Ivoire, les esprits de ces ancêtres sont désignés sous le nom de Kwia. Les ancêtres ont leur représentant, une sorte de délégué chargé officiellement d’établir le contact avec les vivants. C’est souvent le chef de terre ou chef de tribu. Chez les Dan, il est connu sous le nom de « SEDË 335 ». C’est un personnage honoré de toute la tribu. Il est chargé de régler les litiges qui dépassent les compétences des différents chefs de villages. Lors des grandes cérémonies, il est chargé de faire les libations pour invoquer l’esprit des ancêtres. Chez les Bhete, il semble que c’est le « Krogbonyo 333 336 ». Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, p. 7. SADIA, cite par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 79. 335 Littéralement, ce nom signifie « père de la terre ». 336 Le Krogbonyo est le chef politique, il est le personnage le plus important du village. Tous les villageois le respectent, l’honorent et lui obéissent. C’est l’honoré, le respecté, l’élu, le respecté, le réservé, le mis à part, le sacré. Raphaël GNALY, op.cit, pp. 63-64 334 230 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « Il est le lieutenant des ancêtres. Il est comme le maillon de la chaîne qui relie les habitants du village terrestre aux ancêtres de l’au-delà 337. Il est "Ato : père" de la famille-lignage et du village visible. C’est pourquoi quand il prend la parole en public, il dit toujours : "Atow a nweguemee bhilelele" signifiant "c’est dans la bouche (au nom) de nos ancêtres que je parle". Ceux que nous appelons "Atow" (nos pères ou ancêtres), dans la société villageoise Bhete, ce sont bien ceux qui ont été des responsables de famille – lignage et du village 338. » Par l’intermédiaire de leurs représentants, les ancêtres interviennent pour régler les affaires du village, de la tribu ou du lignage. Ils apportent la bénédiction et assurent la protection. Chez les Dida, peuple du sud ouest ivoirien « les ancêtres sont invoqués à la veille des entreprises importantes ; ils sont pris à témoin dans certains serments, et les vieux font appel à eux dans les malédictions, mais il n’y a pas de culte des ancêtres au sens propre du terme » 339 . Le représentant est le guide, le conducteur de la famille étendue 340 . Il tire son pouvoir du fait qu’il a été choisi comme le successeur du défunt chef de la concession et il est en contact direct avec lui et avec d’autres ancêtres importants de la famille. Le pouvoir qu’il exerce sur la famille ne provient d’aucune richesse qu’il puisse posséder 341 . En fait, beaucoup de ses sujets peuvent être plus riches que lui, et pourtant ils se soumettent à ses décisions en ce qui concerne les affaires de la famille. La plus grande valeur morale que le chef de la famille essaie de maintenir à l’intérieur de la famille est l’unité. Dans la société, chaque famille étendue s’oppose aux autres. Les rapports entre les 337 Idem. Ibidem. 339 TERRAY (E), L’organisation sociale des Dida de Côte d’Ivoire, Abidjan, Université d’Abidjan, 1996, 376 p.. 340 Ibidem. 341 Ibidem. 338 Croyances locales et message chrétien 231 familles sont réglés par l’influence qu’une famille donnée exerce dans la société. Plus une famille est étendue, plus elle fait sentir son influence. Mais si les membres de la famille ne sont pas unis, le groupe est affaibli. Aussi le chef de la famille luttera-t-il toujours pour obtenir deux choses : (1) accroître le nombre des membres de sa famille, et (2) unir sa famille. Cette unité est souvent exprimée par l’expression être « d’une bouche ». Pour obtenir ces deux choses, le chef de la famille compte sur les ancêtres 342 . Favoriser les mariages et la procréation, ramener à la maison un enfant qui s’égare, assurer la protection générale de la famille… tels sont les rôles essentiels assignés au représentant des ancêtres. Toutefois, les contacts entre les humains et les morts ne se limitent pas seulement au niveau des chefs politiques. Plusieurs autres acteurs interviennent rendant ainsi ces contacts plus dynamiques et plus imminents. Nous pouvons identifier entre autres, les prêtres, les nécromanciens, les masques, les devins 343 . Le rôle des prêtres est plus large. Ils sont chargés d’apaiser ou de solliciter aussi bien les ancêtres que les esprits protecteurs. Concernant les masques, notons qu’ils jouent un rôle très important dans les relations entre les vivants et les morts. Chez les Dan et les Wê : « Le (…) masque ne s’identifie pas avec l’ancêtre, le génie, le dieu. Il ne se confond pas avec la force vitale qui lui est communiquée, il se sent lié à elle vers la vie universelle. Le danseur est à la fois la voix des dieux et la voix que ceux-ci choisissent pour établir une relation » 344. Chez ces peuples, il existe une diversité de masques aux fonctions particulières et distinctes. En pays dan, c’est « Gôh Glö » ou masque 342 Ibid. Nous tenons à préciser que cette liste n’est pas exhaustive et peut varier d’un peuple à l’autre. 344 Anne SADIA op.cit, p. 18. 343 232 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique royal ou encore masque de chefferie qui joue le rôle d’interprètes auprès des ancêtres. Il sort assez rarement à l’occasion de la gestion de conflits entre villages ou entre tribus. Le masque révèle au peuple la volonté des ancêtres et transmet aux ancêtres les vœux du peuple 345 . En ce qui concerne les nécromanciens, on les retrouve un peu partout en Afrique. Ils ont pour rôle d’entrer en contact avec les morts. La différence entre les masques et les nécromanciens réside dans le fait que les masques agissent, tout comme les prêtres et les chefs politiques, dans l’intérêt public, c'est-à-dire celui de toute la communauté tandis que les nécromanciens travaillent pour des particuliers 346 . L’étude de Raphaël GNALY nous révèle que ceux-ci jouent un rôle très important dans la société Bhete. Là, ils sont désignés sous le nom de « Zirinya » ou « Zirinyô » au singulier. « C’est l’homme qui a le "Ziri", si c’est une femme on l’appelle "zirinyonô"… Le "ziri", c’est le "Kwio", signifiant le mort, l’esprit de mort, le défunt. Le "zirinyon" est en contact avec les esprits des défunts (…) Il leur parle, ceux-ci lui parlent. Il fait venir les esprits des morts dans une chambre (..) au cas où quelqu’un voudrait parler ou demander des choses, des renseignements, la cause de leur mort etc.…, à ses parents défunts ». 347" Les « Zirinya » ont aussi la réputation d’être de guérisseurs 348 grands . Ce rôle d’intermédiaire entre les hommes et Dieu joué par les ancêtres est aussi perceptible chez les Bamiléké du Cameroun. A cet effet, voici ce que remarque Fouelefak KANA : 345 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, pp.86-87. Raphaël GNALY, op.cit, p. 83 347 Idem. 348 Ibidem. 346 Croyances locales et message chrétien 233 « Et chez les Bamiléké, la référence aux ancêtres dans la relation avec Dieu constitue un atout incontournable. Aussi, pour éviter les déconvenues (maladies, échecs, morts précoces…) le Bamiléké doit-il assouvir ses ancêtres par les funérailles, les sacrifices, les prières et autres rites. L’ancêtre est pour ainsi dire un membre organique de la communauté des vivants, il en est un chaînon. C’est pourquoi tant que le groupe n’a pas accompli certains rites traditionnels vis-à-vis de ceux-ci, ils restent indifférents à ses problèmes » 349. Les ancêtres, comme nous venons de le voir sont bel et bien présents dans la vie des africains et plus particulièrement des peuples du sudouest ivoirien. Ils entretiennent des contacts très étroits avec les vivants par l’intermédiaire d’une catégorie de personnes. Ils assurent la protection, l’extension et l’épanouissement physique, moral et spirituel des vivants. Les ancêtres sont les plus hautes divinités après Dieu. Dieu étant inaccessible selon ces Religions Traditionnelles, l’adoration, la prière et toutes sortes de bonnes œuvres sont destinées aux ancêtres. Chez les Dan et les Krou, plusieurs autres divinités sont sollicitées de manière régulière pour procurer la stabilité sociale et morale. Ce qui ne rencontre pas l’adhésion de la foi chrétienne. 5.3 Le fétichisme ou le culte des divinités du terroir Les divinités du terroir sont constituées de toutes les représentations spirituelles ou matérielles, dotées d’un pouvoir et qui font l’objet de culte ou d’adoration. Ces dieux locaux sont associés à divers phénomènes naturels : cours d’eau, rochers, forêts, arbre…Ils sont bienfaisants, ou malfaisant. Leur pouvoir est limité 349 350 Fouellefak KANA, op.cit, p. 75. ZUNON (G.J), op.cit, p. 13. 350 . 234 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Si les relations entre les vivants et les ancêtres sont fondées sur le principe de la révélation 351 , les autres divinités quant à elles, peuvent en plus de la révélation, être « créées 352 », et leurs relations avec les humains sont souvent de l’ordre du contrat. L’histoire de ces divinités est partie intégrante de celle de l’humanité elle-même. Ces divinités qui occupent une place importante dans les religions traditionnelles africaines constituent une abomination pour la religion chrétienne 353 . Parmi ces divinités, nous retrouvons, les lieux et objets sacrés, les totems et interdits et les fétiches. Derrière chacune d’elles se trouvent des esprits. 5.3.1 Les lieux et objets sacrés En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, la plupart des villages ont leurs lieux sacrés. Ces lieux sont parfois des endroits de rencontre entre les vivants et les morts, mais aussi et surtout entre les humains et les divinités protectrices. Chez les Dan, les lieux sacrés sont désignés sous le nom de « Dhègbadhè », lieu d’adoration. Il en existe plusieurs. Gilbert GOUENTOUEU en a recensé trois dans son village. 351 Nous tenons à relativiser cette notion de révélation. En effet, à travers les masques, les nécromanciens (…), les ancêtres les morts se révèlent aux humains. Cette forme de révélation est bien différente de la Révélation de Dieu dans la tradition judéo-chrétienne. 352 Nous pensons que c’est ici que l’expression divinités créées de Lafargue trouve toute sa signification. Cf. Fernand LAFARGUE, Op.cit p. 2. 353 « Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, les pères de l’Église hésitaient entre deux positions face aux religions païennes : ou bien penser que les idoles sont sans valeur et donc facile à combattre, parce que l’idolâtrie ne vient que de l’ignorance de la vraie religion ; ou bien dans une deuxième optique, dire que les idoles sont fort redoutables parce qu’habitées par l’esprit du mal qui leur donne une véritable puissance ; dans cette perspective les missionnaires penseront que Satan est présent dans les phénomènes participant du fétichisme, et inspire personnellement le culte des fétiches, à l’origine des maux de l’Afrique. Ils adoptent le plus souvent une troisième attitude, intermédiaire : ils affirment l’impuissance radicale des idoles, tout en voyant dans les pratiques qui accompagnent le culte fétichiste une marque de l’apostasie des fils de Cham, d’inspiration évidemment satanique. » Voir Bernard SALVAING, op.cit, p. 262. Croyances locales et message chrétien 235 « Le premier est situé au centre du village, le deuxième est une forêt, et le troisième est un arbre sacré » 354 Chez les Bhete, le lieu sacré est désigné sous le nom de Gluzilé355. Il est à la fois un sanctuaire et une résidence des ancêtres356. Notons toutefois que ce ne sont pas tous les lieux ni tous les arbres de la forêt, ni tous les objets qui sont sacrés. Ne sont sacrés que ceux qui sont en contact permanent avec les esprits et la puissance spirituelle. C’est donc un abus de langage d’affirmer que « dans la dynamique de la culture africaine, il n’y a pas de séparation entre le sacré et le profane »357. Les lieux sacrés sont des endroits de culte pour toute la communauté villageoise. Lors de leur adoration, tout le monde prend des dispositions pour y participer. Les prêtres offrent des sacrifices aux esprits, s’assurent que ceux-ci les ont agréés, transmettent par la suite les vœux des villageois. Avant de sortir du lieu sacré, surtout lorsqu’il s’agit d’une forêt ou d’un marigot, chacun en emporte quelque chose, signe de bénédiction. Les esprits des lieux sacrés, lorsqu’ils sont bien adorés, procurent aux villageois de nombreuses bénédictions (enfants, pluies, bonne récolte, victoire en temps de guerre…). C’est ce que relève Raphaël GNALY sur l’univers Bhété à travers ce témoignage : « Au village, les anciens nous racontent avec conviction, qu’autrefois, le voyant rentrait dans le trou profond du "Gluzile" pour ramener des enfants, c'est-à-dire pour ramener des herbes médicinales, du kaolin qui rendent féconds les couples » 358. 354 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 60. Raphaël GNALY, op.cit, p. 26. 356 Raphaël GNALY, op.cit, p. 26. 357 Abieng N. BIOTOTO, « Echec des efforts d’inculturation du christianisme en Afrique », In concilium 231, 1990, p. 120. 358 Raphaël GNALY, op.cit, p. 29. 355 236 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 5.3.2 Les totems et les interdits Les totems Le totem est un terme difficile à expliquer, surtout dans le contexte des religions traditionnelles africaines. L’exemple suivant nous permettra de comprendre cette notion dans la mentalité traditionnelle africaine. Il s’agit d’une légende racontée par GBOTO Narcisse, tradipraticien à Danané 359 : Gbahapleu est une tribu dan. Elle est composée de quatre villages dont trois situés sur l’axe Danané-ZouanHounien 360 et le quatrième sur l’axe Danané-Gbinta 361. Le village central de cette tribu est Gba-kanta. « Gba et son frère Bohoun sont originaires de Sipleu. 362 Il y a très longtemps de cela, ils ont décidé de quitter le village pour aller fonder leur propre village. Lors de ce départ, Bohoun fut guidé par ZÔ les abeilles tandis que Gba fut guidé par DOUEU le buffle. Arrivés à l’emplacement actuel de Kanta 363, Gba décida de s’y installer. Bohoun continua son chemin jusqu’à l’emplacement actuel de Bohounta 364. A cause de cette séparation, les habitants de Kanta font alliance avec ceux de Bohounta parce qu’ils sont avant tout des frères et ne doivent pas se faire la guerre. Les gens de Kanta ont pour totem le buffle tandis que ceux de Bohounta ne mangent pas le miel. Vamo, notre aïeul de Gba-kanta était un grand guerrier. Sa renommée 359 Ville située à l’ouest de la Côte d’Ivoire, au cœur du pays dan. Il s’agit des villages de Gba-Kanta, (Kanta), Gba-kédéré (Kédéré) et GbaYota (Yota) 361 Il s’agit du village de Béhipleu situé à vingt et un kilomètres de Danané et à six kilomètres de Gbinta. 362 Il s’agit de Sipilou. 363 Kanta est situé à quelques 15 kilomètres de Danané sur l’axe Danané-Gbinta. 364 Village portant le nom de Bohoun, son fondateur. Il est situé à quelques cinq kilomètres de Gbakanta ou Kanta. 360 Croyances locales et message chrétien 237 était si grande qu’elle se répandit dans tout le pays dan. Cette puissance, il la devait au buffle, l’animal totem de la famille. À cause de cette relation de Gba avec le buffle, les descendants de celui-ci ont pour totem le buffle. En retour, le buffle, leur donne le pouvoir d’être des guerriers puissants 365. Quant aux descendants de Bohoun, ils ne consomment pas le miel car c’est grâce aux abeilles qu’ils ont pu avoir un village» 366. Cet exemple traduit plus ou moins clairement la conception africaine de la notion de totem. La relation entre DOUEU le buffle et les descendants de Gba est bien perceptible dans le schéma ci-dessous : 365 366 Idem. Ibidem. 238 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique SCHÉMA I : SITUATION DU TOTEM DANS UN ARBRE GENEALOGIQUE - Tribu des Gbahanon environ 6 villages - Chef : VAMO - Caractéristiques : Tribu guerrière et peuplée - Totem : Buffle GBAPLEU - Tribu des Gbahanon village central - Ancêtre : VAMO - Caractéristiques : village guerrier et peuplé - Totem : Buffle Gba-kanta - Tribu des Zanon village de refuge fondé par Béhi, un Gbanun de Gba-Kanta - Ancêtre : VAMO ; Fondateurs : Béhi et frères - Caractéristiques : village guerrier et peuplé, présence de ressortissants Gblan et Yo - Totem : Buffle, mouton Béhipleu - Tribu des Zanon village de refuge fondé par Béhi, un Gbanun de Gba-Kanta, Famille Gba - Ancêtre : VAMO ; Fondateurs : Béhi et frères - Caractéristiques : famille guerrière et peuplée, - Totem : Buffle, Gbaapleugoun Béhi-koli - Tribu des Zanon village de refuge fondé par Béhi, un Gbanun de GbaKanta, Famille Gba - Ancêtre : VAMO ; chef: Béhi - Caractéristiques : maison guerrière peuplée, - Totem : Buffle, Woyi-koli - Tribu des Zanon village de refuge fondé par Béhi, un Gbanun de GbaKanta, Famille Gba - Ancêtre : VAMO ; chef: Béhi - Caractéristiques : maison guerrière peuplée, - Totem : Buffle, Gboto-koli - Tribu des Zanon village de refuge fondé par Béhi, un Gbanun de GbaKanta, Famille Gba - Ancêtre : VAMO ; chef: Béhi - Caractéristiques : maison guerrière peuplée, - Totem : Buffle, Source : Schéma réalisé sur la base de nos enquêtes orales Croyances locales et message chrétien 239 Dans ce schéma, l’on se rend compte que le lien entre le Buffle et Gba s’étend à toute la descendance. Aussi longtemps que les Gbanon sont restés attachés à la tradition, le Buffle a continué de constituer leur protecteur, leur totem. Même la mobilité géographique de certains membres de la tribu n’a pu rompre ce lien. Le totem apparait ici comme un contrat passé entre la famille, la tribu, et l’esprit d’un élément de la nature. La nature est personnifiée. L’animal et la plante sont considérés comme des parents de l’homme. Les peuples du sud-ouest ivoirien et particulièrement le Bété attribue surtout à l’animal la plupart des caractères humains : sensibilité, mémoire, principe spirituel, langage… 367 . Dans les religions et croyances traditionnelles de ces peuples, chaque élément de la nature peut être doté d’un esprit. Il s’agit d’une sorte de protectorat que l’esprit exerce sur les membres de l’unité sociale concernée. L’animal totem est vénéré et protégé. Il est par conséquent docile, aimable et tendre. Dans certains villages, l’animal entre dans le village, pénètre dans les cases et partage la nourriture avec les occupants. Cela est souvent perçu comme un signe de grandes bénédictions. L’animal est même assimilé à l’homme au point que lorsqu’on le prend au piège, il est enterré dignement avec des pleurs. « Dans le canton Zalé, à Danané, l’animal totem vient de la brousse les nuits et entre dans les cases, soupe avec les gens et retourne » 368 C’est donc à juste titre que Lafargue affirme, à propos des interdits que : « Les interdits alimentaires sont souvent édictés par les génies ou sont liés à un pacte avec un animal bienfaiteur 367 369 . ». ZUNON (G.J), op.cit, p. 6. Entretien avec GBOTO Narcisse, tradipraticien, à Béhipleu, sous-préfecture de Danané. le 29-12-2011 de 09h10 à 10h25min. 369 Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 2. 368 240 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique C’est surtout la définition de Jean Baptiste TEGBAO qui nous parait la plus complète : « Le totem, c’est le respect qu’a une personne, une famille ou une tribu pour un être ou un objet qui incarne un ancêtre, un génie ou un animal. » 370 A côté des totems, se trouvent aussi les interdits. Il en existe deux sortes : les interdits liés aux cultes des divinités et les tabous. Les premiers sont instaurés pour le respect des divinités ou des lieux sacrés. Par exemple, on ne cultive pas dans une forêt sacré ; On ne mange pas du poisson d’une rivière sacrée… Les seconds, c'est-à-dire les tabous, ont une valeur éducative et harmonisatrice comme le montre le tableau suivant. Tableau 9 : quelques tabous et leçons en Afrique Tabou Leçon Si tu chantes en mangeant, ta maman meurt On ne se cure pas les dents la nuit sinon on perd son mari On ne verse pas l’eau dehors la nuit sinon on risque d’être grondé par les ancêtres On ne garde pas longtemps l’eau usée, ça bloque le bonheur Éviter d’avaler la nourriture de travers Le cure-dent peut blesser le mari avec qui on est couché C’est surtout pour éviter de mouiller celui qui passe dans la nuit et qu’on ne peut voir Question d’hygiène. L’eau usée est désagréable à la vue et peut entrainer des maladies La nuit, il y a assez de reptiles dehors, on risque de se faire piquer par un serpent par exemple On ne se lave pas dehors la nuit sinon le sorcier met la main dans l’eau Source : Synthèse de nos enquêtes orales Les tabous sont donc des interdits portant sur la conduite humaine et la protection de la nature 371 . Les totems et les tabous ont pour but de maintenir la cohésion et la discipline. Car à chaque tabou et à chaque 370 371 Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 39. Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 39. Croyances locales et message chrétien 241 totem est toujours attachée une sanction grave mettant en péril la vie de l’individu ou de la société 372 . 5.3.3 Les fétiches Le terme de fétiche est assez difficile à définir dans le contexte des réalités religieuses africaines. Il est nécessaire de le remplacer par des termes plus africains qui expriment mieux la réalité du phénomène concerné 373 . Esquisse de définition : Il existe plusieurs approches sociologiques et théologiques quant au sens du mot fétiche. D’après Pierre DUPREY, le fétiche : « Désigne confusément toutes les matérialisations (amulettes, statues, masques, tissus, peau, poils, terre, ou poterie, bague de métal, collier, végétaux), chargé prétendument d’un pouvoir surnaturel, est employé en Côte d’Ivoire pour nommer le talisman ou le protecteur particulier d’un animiste. » 374 Trois observations importantes découlent de cette définition selon Jean Baptiste TEGBAO : Dans un premier temps, on constate qu’il s’agit d’une énumération d’objets hétéroclites pouvant entrer dans la conception du fétiche 375 . Dans un second temps, on se rend compte que les fétiches sont étrangers à l’univers culturel de l’auteur 376 . Dans un troisième et dernier temps, on remarque que l’auteur porte un jugement dépréciatif et péjoratif sur 372 Idem. Ibidem. 374 Pierre DUPREY, L’encyclopédie en miniature de l’univers culturel éburnéen, cité par Jean-Baptiste TEGBAO, Fétichisme et christianisme, Abidjan, Imprimerie nationale, 56 p.., p. 8. 375 Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 9. 376 Idem. 373 242 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique les fétiches 377 . Dans ce même esprit, J. RHODES réduit les religions africaines et particulièrement le fétichisme à une simple adoration d’objet : « Les idoles de terre et de boue » : « Les gens prennent de l’argile, de la terre, l’amassent en un tas, font une balle qu’ils placent au sommet en guise de tête, mettent dessus deux cauris pour les yeux et des vieilles dents pour représenter une bouche, tombent par terre e l’adorent. » 378 Dans le Prolégomènes de l’histoire des religions, d’après Réville, « Le mot fétiche vient du portugais feitiço, amulette, talisman » 379 . Toutes ces définitions tendent à présenter le fétiche comme un objet, quelque chose de purement matériel auquel l’on attribue des pouvoirs. En vérité, le fétiche, tel qu’on le trouve chez la plupart des peuples africains est bien différent d’une simple amulette, d’un talisman. Il est certes vrai que le fétiche peut apparaitre parfois sous la forme d’un objet fabriqué, mais son état et sa fonction ne se limitent pas à ce stade. Chez les Guéré et les Dan de l’ouest de la Côte d’Ivoire, le fétiche est une réalité plus vaste et plus complexe que la définition qui lui est donnée. Chez les Guéré, il est désigné sous le nom de Kohoun 380 . Les Dan le nomment « Dhè ». Ces termes correspondent aux mêmes réalités. JeanBaptiste TEGBAO nous donne ici une définition du terme kohoun en Guéré : « Kohoun désigne d’abord tout remède utilisé pour obtenir la guérison des maladies physiques. D’où l’on déduit l’idée de protection, c’est la protection de la vie purement physique. 377 Ibidem. J. RHODES, W.M.S, lettre du 10 octobre 1871 (Porto-Nono) G.C.C, Box 262. 379 REVILLE, cité par Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 9. 380 Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 11. 378 Croyances locales et message chrétien 243 L’existence et l’efficacité de ces remèdes dans le monde traditionnel et moderne sont sans conteste. Pour certaines maladies (épilepsie, jaunisse) les guérisseurs procurent la santé en un temps record. Les délais de guérisons aussi bien que les méthodes employés font le plus souvent penser à des procédés d’ordre magique » 381 ; « Dans un deuxième sens, kohoun désigne aussi tout objet chargé de pouvoir spécial selon la définition du terme fétiche que nous avons donné plus haut. Mais dans bien des cas, il n’est pas facile d’établir les frontières entre l’intervention de la pharmacopée physique et le procédé magique. il est préférable de dire que le kohoun est chargé de protéger la vie sous toutes ses formes, physique, intellectuel, moral, spirituel. Le kohoun Guéré est destiné à protéger la vie de l’homme sous toutes ses formes en éloignant de lui toutes les formes de maux et de malheurs influençant favorablement l’être et l’avoir de l’homme. La mission de kohoun est de donner à l’homme une vie plus forte et plus ample. Le kohoun prend sa source dans le désir de sécurité et d’expansion vitale de l’homme. » 382 Cette description du fétiche est identique à la réalité en pays dan. En effet, le terme « Dhè » ou « lüdhè » signifie littéralement soin ou feuille d’arbre. La première intention du ‘dhè est de soigner les maladies physiques. On dira par exemple de quelqu’un qui est allé chercher à se soigner quelque part que « Ya dho ‘dhè piö » 383, il est allé chez ‘dhè différents de Dè le charlatan. Pour dire que les soins d’un guérisseur sont efficaces, on dira, « a bha ‘dhè gbéé ». Il existe en pays dan des spécialistes de la guérison. Leur savoir est un savoir révélé. Ils ont le 381 Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 10. Jean Baptiste TEGBAO, op.cit, pp.10-11. 383 Certains membres de notre famille sont des tradipraticiens. Et ces expressions nous sont familières. 382 244 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique pouvoir d’annuler les effets d’un poison, d’un venin ou l’effet d’un envoûtement en très peu de temps. L’autre dimension de Dhè, c’est la protection. Cette protection a un caractère préventif et défensif. C’est cette dimension qui correspond effectivement à la définition donnée plus haut. Pour quelqu’un qui « prend » un fétiche, on dira « Ya ‘dhè sü ». Il a pris fétiche. Le fétiche contre les balles est nommé Bougadhè ou Bousiö. Toutefois, tous les ‘dhè n’ont pas une fonction positive. On dira d’une personne envoutée « Wa ‘dhè kë a ‘ka ». Comme nous l’avons vu plus haut, le fétiche, version africaine, a pour but de protéger sa vie et de l’épanouir. Ainsi, c’est dans des circonstances graves où vivent un homme, une famille ou une tribu que l’ancêtre dont l’influence tutélaire s’étend sur les vivants donne le fétiche en indiquant comment il faut le fabriquer afin de trouver le salut 384 . En effet, c’est bien souvent dans les songes que les Dhè ou Kohing les plus importants sont donnés aux vivants. En voici un exemple recueilli par J-Baptiste TEGBAO : « Quant à moi, j’étais autrefois en Basse-côte. Un jour, mon père mort au village est venu me voir en songe et m’a dit : prends cette dent de panthère et rentre au village. Tu auras des cheveux blancs dans notre village. Tiens cette dent de panthère. Elle a appartenu à ton grand-père que tu n’as jamais vu de tes yeux. Il m’a chargé de te le remettre. C’est en songe que les Kohing sont révélés aux hommes. Ton ancêtre te dit : demain, va à tel endroit, tu trouveras un tel objet, un serpent par exemple, tu le prendras dans ta main et il se transformera en kohoun de telle espèce. Tu obéis, tu prends le serpent et il se transforme en kohoun » 385. 384 385 Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 11 Idem. Croyances locales et message chrétien 245 Chez les Dan, lorsqu’il s’agit de cette forme de fétiche, on le désigne par Kwiga. La révélation ne se limite pas seulement au niveau des fétiches protecteurs. La médecine africaine en général est une médecine révélée. Un ancêtre ou un génie vient en songe révéler les traitements pour un mal que personne ne parvient à guérir. Il est aussi important de relever que la révélation n’est pas seulement faite par les morts ou les génies. Des vivants viennent souvent en songe révéler des soins. Voici ce que nous dit, à cet effet, GBOTO Narcisse, tradipraticien à Béhipleu, souspréfecture de Danané : « Les soins que je fais, me sont pour l’essentiel révélés. Des fois, ce sont nos parents défunts qui viennent en songe et me demandent de les accompagner. Là ils me montrent les remèdes pour certaines maladies. Parfois aussi, ce sont des vivants. Par exemple, le remède de la rage m’a été révélé en songe par un homme encore vivant. 386 Le remède de la syrose de foie m’a été révélé comme suit : un jour, en songe, Private, la fille de Pascal a été atteinte de cette maladie. Pascal, mon grand-frère m’envoya chercher le remède chez un homme vivant à Yieupleu. C’est à Yieupleu que GBA 387 a été envouté de cette maladie et il en est décédé. Certainement, dans ce village, se trouve le remède à cette maladie. Je me rendis dans le village. L’homme indiqué était au champ. Je le rejoignis la bas et le trouvai en train de racler le champ. Lorsque je lui ai exposé l’objet de ma visite, il m’a dit ceci : " Tu vois, je suis en train de travailler, et je ne peux pas aller chercher les médicaments. Je ne sais pas si tu peux bien retenir le remède que je vais t’indiquer". Puis, il me révéla le 386 387 Il a voulu taire le nom. Il s’agit du cousin de Pascal 246 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique médicament. C’est un médicament qui s’est avéré efficace jusqu’aujourd’hui. » 388 Espèces de fétiches : Il existe plusieurs espèces de fétiches. On peut les classer selon qu’ils ont un rôle curatif, préventif et de protection ou d’attraction et d’expression. • Les fétiches curatifs : dans cette catégorie, nous pouvons ranger tous les fétiches qui ont pour rôle de guérir. • Les fétiches préventifs : chez les Dan, ils sont connus sous le nom de pësiö 389. Lorsqu’une épidémie se signale dans une région, le siö est révélé à un guérisseur qui l’applique sur toute la population villageoise ou de la famille. Il peut s’agir d’une potion à boire ou d’un kaolin à appliquer. Quand on veut se préserver des attaques des sorciers, on porte sur soi le dü siö ou l’anti sorcellerie. Il est généralement conçu à partir de l’écorce d’un arbre appelé Glü en Dan et Djourou en Guéré 390. Il existe une variété d’antidotes. Par exemple, en période de guerre, on a une prolifération des Boussiö (anti-fusils) ou piösiô (anti-fer). On peut avoir Minhinsiö (anti-serpent) qui rend inactif le venin du serpent. Les fétiches préventifs sont les plus nombreux du fait que l’africain vit dans une angoisse perpétuelle caractérisée par l’influence des sorciers et des mauvais esprits capables d’agir à tout moment. • Les fétiches d’attraction et d’expression : les fétiches d’attraction sont désignés en dan sous le nom de Guiohn ou Slapë. En Guéré, 388 Entretien avec GBOTO Narcisse, tradipraticien, à Béhipleu, sous-préfecture de Danané, le 29-12-2011 de 09h10 à 10h25min. 389 Littéralement, cette expression signifie antidote. 390 Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 13. Croyances locales et message chrétien 247 c’est le Djohou 391. Il a pour spécialité de capter, mieux, de détourner l’amour d’un être aimé vers soi. On le met généralement dans les aliments ou dans la main pour saluer la cible. Ce que nous désignons par fétiches d’expression sont constitués de tous les fétiches servant à l’homme à se faire valoir et considérer parmi les autres. Chez les Dan, on les appelle souvent Kwiga. Ainsi, on pourrait avoir le Doakwi (fétiche de l’abattage des arbres) 392 le Gbekwi (fétiche de la machette), Mlun (amulette généralement utilisé par les laboureurs dan et qui leur permet de travailler tout une journée sans sentir la fatigue) 393. Le lutteur peut avoir son fétiche (un cobra par exemple qui rend son corps glissant et insaisissable). Comme nous venons de le voir, le fétiche occupe presque tous les aspects de la vie des peuples du sud-ouest ivoirien. Ce sont des divinités créées et dotées de pouvoirs. Ils sont incontournables. Il en existe plusieurs types. C’est d’eux que dépend en grande partie la vie des humains puisqu’ils sont visibles, et facilement utilisables. C’est une « divinité portable » c’est à dire qu’on peut le porter sur soi pour sa protection. Il procure le succès, la santé, la paix, le pouvoir, l’estime, la force, la considération, la protection, la sécurité, bref, il permet à l’homme d’assouvir ses besoins. 5.3.4 Identification de quelques divinités en pays dan et krou Tableau 10 : Quelques lieux sacrés en pays Dan Les lieux sacrés en pays dan ne constituent pas des divinités, mais la résidence de celles-ci. Ces divinités sont constituées des ancêtres incarnées en d’autres éléments de la nature (poissons, arbre…). 391 Jean-Baptiste TEGBAO, op.cit, p. 13. Ce fétiche a existé à Béhipleu, un village situé sur l’axe Danané-Gbinta. Les propriétaires, la famille Mahan n’avait pont d’égal dans l’abattage des arbres. 393 Nous l’avons déjà vu en 1997 et avons aidé à libérer celui qui en était possédé. 392 248 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Villages Souample u Tronhouin Banneu Lieux Goungl ö Troin Villages Gbéapieu Lieux Sèè Natures Rivière Lonneu Yitii Rivière Bohou Natures Case sacrée Montagn e Rivière Ganleu Zaton Zouanhounien Saleu Kpoeu Arbre Za Gouè Arbre Souample u Gbélü Arbre Toueuple u Souample u Souample u Montagn e Montagn e Forêt Diessambl ii Flinkpoblii Forêt Source : Synthèses de nos enquêtes orales Tableau 11 : Quelques kohing (fetiches) gueres selon jean-baptiste tegbao Kohing Forme Blagmon Corne de bélier Yoho Mixture sous forme de boulettes sèches Kohing poh Sous forme de poudre Yaé Canari, préparation contenue dans un canari Gboa Sauce spéciale de kohing Bilè Queue d’animaux Djibéou Peau de chat San kohoung Ensemble d’objets liés par de la ficelle Source : Jean-Baptiste TEGBAO, Fétichisme et christianisme, Abidjan, Imprimerie nationale, p. 8. 5.3.5 Quelques lieux sacrés en pays bhété • Le Gagbotro (du village de Bludume, sous-préfecture d’Ouragahio) : Une énorme colline rocheuse, entourée de forêt vierge. Autrefois, il avait un trou profond où le voyant pouvait entrer pour en ramener des Croyances locales et message chrétien 249 remèdes, du kaolin, qu’il remettait ensuite à ceux qui en avaient besoin. La trace de ce trou profond est toujours là. Mais il existe maintenant un autre pas trop profond, ni trop large. (…). Ce trou est la bouche du Gakpotro 394 . • Le « Batawlè » (du village de gbodosokou, sous-préfecture d’Ouragahio), situé entre deux collines très voisines (…) 395 • Le « zoyoro » (du village de menedutabre), un arbre appelé « jeje ». Cet arbre se fait voir, se manifeste, se révèle à un voyant comme réceptacle d’esprits. (…) une puissance s’y manifeste et l’arbre devient sur l’ordre du voyant, l’objet de culte spécial 396. • Le « kpelokoi » (du village de Menekle, sous-préfecture de Gagnoa), c’est une rivière qui coule dans une portion de forêt vierge. C’est là que les gens de Menekle font leurs cultes communautaires villageois 397. Au regard de tout ce qui précède, l’on se rend compte qu’il existe une multiplicité de divinités chez les peuples du sud-ouest ivoirien. Chaque village, chaque famille voire chaque individu à son dieu. Ce polythéisme qui caractérise ces peuples est en véritable contradiction avec les principes du christianisme qui les considère comme abomination. 394 Raphaël GNALY, op.cit, pp.26-27. Idem. 396 Raphaël GNALY, op.cit, pp.26-27. 397 Idem. 395 6 LE MESSAGE CHRÉTIEN: CONTENU, OBSTACLES ET ÉLÉMENTS FACILITATEURS DE SA PROPAGATION EN PAYS KROU ET DAN L’évangile annoncé par les missionnaires aux peuples du sud-ouest ivoirien est un message centré sur l’Unicité de Dieu et la nécessité du rejet des croyances religieuses traditionnelles considérées par le christianisme comme une abomination 398 . Il existe alors une véritable contradiction entre le contenu de ce message et les pratiques religieuses des populations concernées. Cette contradiction bloquait d’office le succès de l’évangile malgré tout, l’évangile se propage dans cette localité du pays. 398 L’attitude des missionnaires vis-à-vis des croyances traditionnelles africaines était parfois mitigée. Pour certains missionnaires catholiques plus modérés, le message chrétien ne devrait pas s’opposer aveuglément aux croyances locales des peuples africains mais plutôt devait les peser pour en garder ce qui n’est pas contraire à l’évangile. C’est ainsi que dans l’Instruction de la Congrégation de la Propagande, l’on pouvait lire la recommandation suivante : « Ne mettez aucun zèle, n’avancez aucun argument pour convaincre les peuples de changer leurs rites, à moins qu’il ne soient évidemment contraire à la religion et à la morale. Quoi de plus absurde que de transporter chez les Chinois la France, l’Espagne ou l’Italie, ou quelque autre pays d’Europe. N’introduisez pas chez eux nos pays mais la foi. » Cf. Instruction de la congrégation de la Propagande, cité par Bernard SALVAING, Les missionnaires à la rencontre de l'Afrique au XIXème siècle, L'Harmattan, 1995, p. 60. 252 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 6.1 Le contenu du message chrétien Pendant la période missionnaire, le message chrétien comportait deux volets essentiels ; l’édification des communautés existantes et l’évangélisation. D’abord, lorsque les missionnaires rendaient visite aux communautés déjà en place, ils leur donnaient des formations plus approfondies sur la doctrine chrétienne. En effet, ces premières communautés étant dirigés par des indigènes peu instruits, il était nécessaire de leur enseigner, plus en détails, les fondements de la vie chrétienne. Ainsi comme le remarque Jeanne DECORVET, lors d’une visite, « Daniel resta six jours à Buyo, six jours bien remplis. Chaque matin et chaque midi la cloche appelait les Ashantis, leurs femmes, quelques enfants, des voisins, la chapelle se remplissait. Toutes les grandes doctrines bibliques furent passées en revue » 399 . Lorsqu’il était question d’annoncer l’Evangile à des non croyants, les missionnaires insistaient sur des thèmes essentiels. Il s’agit du péché, de la mort, du salut en Jésus-Christ, de l’amour de Dieu. Pour GUENAMAN J.C., « Les missionnaires insistaient beaucoup sur le péché et ses conséquences. Ils parlaient de l’enfer qu’ils désignaient comme le lieu où vont les pécheurs après la mort. Ils disaient aussi que l’adoration les fétiches était un péché et qu’il fallait s’en détourner. Les missionnaires annonçaient aussi que c’est Jésus seul qui peut sauver » 400. En 1930, au cours d’une visite chez les Yacoubas, « Daniel annonce la venue du Sauveur et montre un évangile en Bambara » 399 401 . Suite à Jeanne DECORVET, op.cit, p. 76. Entretien réalisé à Daloa, à la station missionnaire de Tazibouo en septembre 2012. 401 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 67. 400 Le message chrétien 253 cette bonne nouvelle, GONDO, un de ses interlocuteurs éprouve un vif désir de se convertir : « Que faut-il que je fasse pour que mon cœur change ? » 402 « D’abord, demander pardon à Dieu pour le péché que tu as commis. Et alors, il t’accueillera » 403 répondit RICHARD avant de lire la parabole de l’enfant prodigue et de conclure « ma plus grande joie serait que toi aussi tu deviennes enfant de Dieu »404. « Laisse-moi la parole de Dieu, supplie GONDO. Daniel n’a que sa Bible. Mais il transcrit Jean 3 v 16 et d’autres versets appropriés »405. Pour les missionnaires, toutes les occasions étaient bonnes pour annoncer l’évangile : à Buyo, Daniel RICHARD assista à une scène qui lui offrit l’occasion de prêcher l’évangile. Un homme tentant d’attraper le diable avait passé toute une nuit à ses trousses sous les cacaoyers sans succès. « Le diable n’est pas entre les cacaoyers affirma le missionnaire, il est dans vos cœurs. C’est lui qui inspire les mauvaises pensées, la cruauté, le mensonge et l’injustice et personne ne peut le déloger. Mais Dieu le peut, il peut changer votre cœur. »406 A Batélébré, chaque dimanche, un groupe important d’hommes et de femmes se réunissaient sous un apatam qu’ils avaient dressé sur la plage. Daniel essayait d’éveiller leur conscience : le péché ce n’est pas seulement le fétichisme. Il y aussi la boisson qui ruine le corps et l’âme et tant d’autres choses que Dieu défend. Puis il parlait du sauveur et de la vie nouvelle qu’il donne à ceux qui viennent à lui407. 402 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 68. Idem. 404 Ibidem. 405 Ibidem. 406 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 77. 407 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 82. 403 254 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Au pays des Ropos, dans la région de Sassandra, Daniel arrive en 1933. Son hôte, après lui avoir raconté l’histoire de ce peuple conclue en disant que les Ropos n’ont plus de roi. Daniel profite pour lancer : « C’est Jésus qui doit être votre Roi. Voulez-vous le servir lui seul et abandonner les fétiches ? 408 » Les messages des missionnaires prenaient parfois un caractère menaçant comme le montre cette adresse de Laure à Jones ; un ivrogne endurcit : « Vous n’êtes qu’un esclave, un esclave de l’alcool, il vous domine et vous mènera à votre perte. Vous savez qu’il y aura un jugement. » 409 Au temps de l’Église autonome, le message est resté le même, mais avec la conquête pentecôtiste, de nombreuses démonstrations, notamment les guérisons miraculeuses accompagnaient le message et lui donnaient plus d’efficacité. Cela a favorisé de nombreuses conversions. En définitive, le message chrétien annoncé avait pour objectif de dénoncer le péché qui conduit à la mort et d’inviter à accepter le Christ, seul chemin qui conduit à la vie éternelle. Toutefois, par son contenu, l’évangile s’oppose aux croyances et pratiques des populations cibles qui sont pour la plus part fétichistes et idolâtres. Ces populations maintiennent des contacts permanents avec leurs morts à qui ils vouent régulièrement des cultes. Cette rencontre de ces deux conceptions opposées va entrainer un choc, qui à son tour, va engendrer des résistances à la propagation du message chrétien tel qu’enseigné par les missionnaires. Naissent alors des Églises syncrétiques qui s’efforcent d’adapter les prescriptions bibliques aux réalités du terroir. Celles des populations qui rejettent à la fois « le christianisme des missionnaires » et les Églises syncrétiques s’attachent fortement aux croyances et pratiques religieuses locales, freinant ainsi le succès de l’évangile. 408 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 127. Jeanne DECORVET, op.cit, p. 110. Il est à noter que Jones changea de vie et devint un grand évangéliste. 409 Le message chrétien 255 6.2 Les obstacles à la réception de l’évangile 6.2.1 Les Églises syncrétiques locales ou les messianismes indigènes comme barrière à la propagation du message chrétien C’est en pays krou qu’émergèrent le plus les Églises syncrétiques pour constituer un énorme blocage à l’avancée de l’évangile annoncé par les missionnaires. Ce phénomène avait pour but de contribuer à la résistance à la colonisation. Cette résistance à la fois politique, culturelle et religieuse, n’a pas eu la même ampleur dans toutes les régions. Si chez les Dan et les Wê cette résistance fut de moindre envergure et limitée à la lutte pour la conservation et la survie des sociétés secrètes anciennes telles que les sociétés de masques et les bois sacrés, plus au sud, elle était véritablement organisée et courageusement exprimée. Cette résistance s’organisa en pays krou sous forme de messianisme religieux. En effet, pour combattre le christianisme tel qu’enseigné par les missionnaires soupçonnées à juste raison d’ailleurs, d’être à la solde du colonisateur, de nombreuses Églises syncrétiques furent mises en place, empruntant au Christianisme et à l’Islam certaines de leurs valeurs tout en promouvant fortement les valeurs traditionnelles des peuples autochtones. Cette forme de religions mi-traditionnelles et mi-chrétiennes connurent un véritable succès chez les peuples Neyo, Godié, Dida et Bété. Déjà en 1928, Daniel RICHARD dénonçait les actions d’un faux prophète, du nom de GRAH, fondateur d’un mouvement syncrétique à Batélébré non loin de Sassandra. 410 En 1930, dans son rapport annuel, l’administrateur de Sassandra le signale comme une personne « se disant envoyé par Dieu le Père », prêchant et reprochant aux jeunes gens de ne plus respecter les vieillards et les chefs, de se vautrer dans l’ivrognerie et 410 Jeanne DECORVET, op.cit, pp.81-84. 256 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique de s’abrutir dans l’adoration des fétiches 411 . Deux années plus tard, sa religion comptait environ 150 adeptes. Des temples de fortune édifiés dans les différents villages rassemblaient régulièrement des populations en quête de protection et de salut. Vers 1927, au moment même où la Mission Biblique s’installait sur les traces du prophète HARRIS, nombre des adeptes de ce dernier avaient été récupérés par la religion de Togba GRAH qui constitua pendant longtemps un véritable obstacle à l’évolution de la MBCI dans la région de Sassandra : « Daniel découvrit peu après, que le soi-disant prophète, n’avait fait détruire les fétiches que pour se faire servir à leur place. Il invente des rites répugnants qui humilient ses serviteurs. (…) Ses adeptes continuent à vivre dans l’ivrognerie, la paresse et l’adultère, personne ne veut plus écouter l’évangile » 412 En pays Godié, Dida et Bété, la religion Déhima 413 constitua un véritable obstacle à l’avancée du protestantisme baptiste enseignée par la MBCI. Sur le site Internet officiel de cette Église Déhima, les circonstances de sa création, démontrent clairement sa vocation de religion de la contestation : « C'est à la faveur des visées impérialistes et colonialistes, que les missionnaires européens vont faire connaître Jésus-Christ aux Africains par la bible. Pour exploiter ce livre de vie, il faut savoir lire et écrire. Ce qui n’était pas le cas de la quasi-totalité 411 Archives ex AOF 2G30-9, rapport annuel, 26 p.. Rapport de Daniel RICHARD, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 83. 413 L’Église Déhima a été créée pendant la période coloniale par, Bagué Honoyo (Guigba Dawlon à l'état civil) née à Gagoué vers 1892. Combattue à ses débuts par l’administration coloniale, elle sera reconnue finalement par arrêté général N° 2541 AP/D du 20 août 1945 en application du décret du 14 février 1922 réglementant l'enseignement et la propagande confessionnelle en Afrique occidentale française. 412 Le message chrétien 257 des Africains de l’époque. Et pis, la bible était même interdite aux mains noires. Les Africains n’avaient seulement droit qu’à des brochures qui traitent d’un Enseignement partiel et insuffisant. "Ainsi, l'enseignement de la parole de Dieu qui devrait être accessible à tous, a-t-il été vicié, étant donné que les missionnaires étaient là pour le compte des intérêts de leur métropole, ils ne pouvaient qu'enseigner des parties de la Bible qui pouvaient leurs permettre de mieux exploiter les noirs et asseoir leur suprématie sur le Continent. Entre-temps, la sorcellerie et le fétichisme continuaient de régner en maîtres absolus". "La prophétesse Bagué Wlonyo, dans sa révélation de fonder l'Église Déhima, va formellement proscrire la pratique de la sorcellerie et du fétichisme. Elle recevra de Dieu, mission de restituer la parole de Jésus-Christ à ses contemporains par l'oralité, moyen par excellence de la transmission du savoir et de la connaissance en Afrique. Elle a reçu de Dieu, par la parole et par des chants, tout le contenu de la bible. Elle va enseigner à ses frères noirs, la reconnaissance d’un Dieu unique, l’amour et l’égalité entre les races. "Ton ton bakadi bakadi baladin" ! Tous les frères sont égaux. Le Déhima de ce point de vue a libéré l’homme noir de l'emprise de la sorcellerie et du fétichisme. » 414 Cette religion, reconnue en 1945 415 , est présentée par l’administration coloniale comme une forme de fétichisme avec des 414 http://Églisedehimaversionmoderne.net/ La religion Déhima a été officiellement reconnue en 1945 par arrêté général N° 2541 AP/D du 20 août 1945 en application du décret du 14 février 1922 réglementant l'enseignement et la propagande confessionnelle en Afrique occidentale française. 415 258 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique réminiscences de catholicisme ou de protestantisme 416 . Elle est caractérisée par le pouvoir de chasser les mauvais esprits au moyen d’une eau miraculeuse puisée par ses adeptes dans un canari mis à leur disposition par la prophétesse. Déhima était soupçonnée d’avoir des visées politiques. En 19461947, la prophétesse Marie LALOU aurait prédit à Houphouët BOIGNY sa destinée politique et reçut le soutien de ce dernier dans sa lutte pour la promotion des valeurs traditionnelles et contre l’aliénation religieuse. C’était le 15 novembre 1948 à Divo, alors que celui-ci se battait pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire. « C’est dans cette ville qu’elle a prédit à Houphouët qu’il sera le président de la République d’une Côte d’Ivoire libre, affranchie du joug colonial, selon la volonté de Dieu. Mais à condition qu’il fasse de la paix son credo », dévoile AGOUMO Gbogbou, Chef du Village de Gagoué, fidèle Déhima lui aussi 417 . Et d’ajouter : « C’est elle qui a révélé à Houphouët sa vocation d’homme de paix. Et il n’a fallu que deux ans après, pour que la prophétie de la fondatrice de l’Église Déhima se réalise 418 . » L’expansion remarquable du Déhima s’explique par ses affinités avec le PDCI-RDA. Les évolués et les élites qui adhérèrent massivement jouaient de toute leur influence pour favoriser une adhésion massive de la population. 416 Cf. rapport politique annuel 1948, Archives ex AOF, 2G48-108CI, 54 p.Cette période, s’il faut le rappeler, est marquée en Côte d’Ivoire par la remise en cause de tout le système colonial et par conséquent est le début de la lutte émancipatrice. Dans un tel contexte, l’émergence d’un culte indigène ne pouvait qu’indisposer le colonisateur qui devrait tout mettre en œuvre pour l’étouffer. Si l’on en croit les dignitaires Déhima, leur prophétesse était combattue sur deux fronts. En même temps qu’elle livrait un farouche combat contre les féticheurs réfractaires à l’évangile, elle était perçue par le colonisateur comme une éveilleuse de conscience. 417 Enquête réalisée par Alexandre Lebel Ilboudo, Paru dans le Patriote du 29 septembre 2010. 418 Idem. Le message chrétien 259 Le Déhima, en raison de son opposition à la religion chrétienne importée, constitua un véritable obstacle à l’action de la Mission Biblique dans le Sud-ouest, région d’origine de la prophétesse LALOU. 6.3 La contradiction entre message chrétien et croyances locales, un autre obstacle à la réception de l’évangile Le polythéisme qui caractérise les peuples du Sud-ouest est en contradiction avec les principes du christianisme qui les considère comme une abomination. C’est d’abord au niveau de la conception de la mort et de l’au-delà que se trouve la contradiction. Dans les religions locales, le culte des ancêtres qui suppose la présence des morts parmi les vivants et leur capacité d’influencer le cours des évènements est perçue dans le christianisme comme une abomination. Selon la conception chrétienne du monde, l’Homme, après sa mort, est admis dans le séjour des morts. D’après l’Ancien Testament, la poussière retourne à la poussière et l’esprit retourne à Dieu 419 . « Les morts vont au schéol ou séjour des morts, appelé aussi abîme, ou fosse ou gouffre » 420 . Il est toutefois important de noter que la Bible ne donne pas une localisation précise de ce lieu. « Les défunts y mènent une existence au ralenti, ils sont appelés les rephaïm, les affaiblis. Pourtant, ils ne sont pas présentés comme inconscients » 421 . A l’arrivée du roi de Babylone dans l’au-delà, les autres souverains décédés l’accueillent d’une manière sarcastique. 419 422 Ecclésiaste 12 v 7. Jules Marcel NICOLE, op.cit, p. 319. 421 Idem. 422 « Tous prennent la parole pour te dire : "toi aussi, tu es sans force comme nous, tu es devenu semblable à nous ! Ta magnificence est descendue dans le séjour des morts, avec le son de tes luths ; sous toi est une couche de vers, et les vers sont ta couverture" ». Esaïe 14v11. 420 260 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le séjour des morts apparait comme la résidence des croyants aussi bien que des réprouvés. Toutefois, tous n’y subissent pas le même sort. Dans le passage de Luc 16 v 19 à 31, Jésus raconte l’histoire de deux personnes mortes et dont l’existence dans le séjour des morts était bien différente. L’un, Lazare, s’est retrouvé dans le sein d’Abraham, tandis que, l’autre, le riche, était dans l’enfer. Un autre élément caractéristique dans la conception chrétienne de l’au-delà est que les morts n’ont plus de contact avec les vivants. Dans l’histoire du riche et de Lazare, le riche ayant souhaité entrer en contact avec ses cinq frères, par l’intermédiaire de Lazare, n’en a pas reçu l’autorisation. Les morts ne reviennent plus sur la terre plus part à tout ce qui se fait sous le soleil 424 423 et n’ont . Il est tout de même important de faire remarquer qu’avec la mort et la résurrection de Jésus-Christ, il y eut une évolution dans la condition des trépassés. En effet, dans le Nouveau Testament, les rachetés, après leur morts, semblent admis directement dans le paradis auprès de Jésus Christ le rédempteur. Déjà, sur la croix, Jésus dit au brigand crucifié à côté de lui : « Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis. » 425 L’apôtre Paul affirme que : « En quittant ce monde, nous sommes absents du corps, et présents auprès du Seigneur. » 426 Si les rachetés entrent dans la félicité après leur mort, la situation est tout à fait différente pour les réprouvés. Ceux-ci demeurent dans le 423 « Car le nombre de mes années touche à son terme, et je m’en irai par un sentier d’où je ne reviendrai pas. » Job 16 v22. 424 « Les vivants en effet, savent qu’ils mourront ; mais les morts ne savent rien, et il n’y a pour eux plus de salaire, puisque leur mémoire est oubliée. Et leur amour, et leur haine, et leur envie, ont déjà péri ; ils n’auront plus jamais aucune part à tout ce qui se fait sous le soleil. » Ecclésiaste 9 v5 à 6. 425 Luc 23 v43. 426 « Nous sommes toujours pleins de confiance, et nous savons qu’en demeurant dans ce corps nous demeurons loin du Seigneur, car nous marchons par la foi et non par la vue, nous sommes pleins de confiance et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. » 2 Corinthiens 5v6 à 8. Le message chrétien Hadès jusqu’au jour du jugement où il devra les rendre l’issu de ce jugement jetés dans la géhenne éternel 431 428 429 427 261 . Leur sort à est suffisamment décrit dans la Bible. Ils seront , dans l’étang de feu et de soufre 430 , dans le feu , des ténèbres du dehors... Ils seront séparés d’avec Dieu. « Ils auront pour juste châtiment une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force » 432 . Il est donc tout à fait inconcevable en christianisme que les morts détiennent des pouvoirs et soient capables d’entretenir des relations avec les vivants. L’importante place accordée aux morts par les Dan et les Krou va constituer une barrière au message chrétien, qui reste avant tout un message contradictoire. Par ailleurs, le fétichisme qui se caractérise par l’adoration des divinités créées constitue un autre point d’acoppement au le succès du christianisme. Dans la conception Judéo-chrétienne, les relations de l’homme avec son créateur doivent être marquées par l’adoration. Dieu seul mérite toute l’adoration. L’univers tout entier adore Dieu. Le psalmiste David déclare que : «Les cieux racontent la gloire de Dieu et l’étendue céleste annonce l’œuvre de ses mains. » 433 Dans le ciel, les anges ont pour activité principale l’adoration et la louange de Dieu. « Bénissez l’Eternel, vous ses anges. » 434 Des millions d’entre eux sont regroupés autour du trône céleste, glorifiant l’agneau immolé : 427 Hébreux 12v23. La Bible déclare que Jésus est assis à la droite du Père d’où il viendra juger les vivants et les morts. Jules-Marcel, dans son précis de doctrine chrétienne, a suffisamment développé la manière dont se fera ce retour du Christ et comment se fera ce jugement. 429 Mathieu 5v22. 430 Apocalypse 19 v20. 431 Esaïe 33v14. 432 2 Thessaloniciens 1v9. 433 Psaume 19 v2. 434 Psaume 103 v 20. 428 262 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « Je regardai et j’entendis la voix de beaucoup d’anges autour du trône et des êtres vivants et des vieillards, et leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de milliers. Ils disaient d’une voix forte : L’agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la louange. Et toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer, et tout ce qui s’y trouve, je les entendis qui disaient : A celui qui est assis sur le trône, et à l’agneau, soient la louange, l’honneur, la gloire, et la force, aux siècles des siècles ! Et les quatre êtres vivants disaient : Amen ! adorèrent. » Et les vieillards se prosternèrent et 435 Pour l’homme, adorer Dieu est plus qu’un devoir. David lance l’invitation suivante : « Chantez à l’Eternel un cantique nouveau ! Chantez à l’Eternel, vous tous, habitants de la terre ! Chantez à l’Eternel, bénissez son nom, annoncez de jour en jour son salut ! Racontez parmi les nations sa gloire, parmi tous les peuples, ses merveilles. Car l’Eternel est grand et très digne de louange, il est redoutable par-dessus tous les dieux » 436. Et de continuer : « notre secours est dans le nom de l’Eternel qui a fait les cieux et la terre » 437 . La louange et l’adoration sont, dans la conception chrétienne, réservées à Dieu seul. Il est le créateur et toute la création lui doit honneur et adoration et le chrétien est appelé à se détourner du culte des ancêtres et des divinités créées qui ne sont que « vanités et (se) convertir 435 Apocalypse 5 v 11 à 14. Psaume 96 v1 à4. 437 Psaume 124v8. 436 Le message chrétien 263 au Dieu vivant qui a fait les cieux et la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve » 438 . N’est-ce d’ailleurs pas pour cette raison que le prophète Esaïe les menace en ces termes : « Les dieux qui n’ont pas fait les cieux et la terre disparaitront de la terre et des cieux. 439 »? Cette permanente opposition entre les pratiques religieuses locales et la foi chrétienne a constitué un réel frein à l’avancée du christianisme parmi les Dan et les Krou. La question que nous nous posons maintenant est de savoir si ces différentes barrières ont pu empêcher l’implantation de l’Église dans le sud-ouest ivoirien. Si non, quels sont les facteurs du succès de cette mission malgré les oppositions ? 6.4 Les éléments facilitateurs de la pénétration de l’évangile en pays Krou et Dan Les divergences entre les croyances des peuples du sud-ouest ivoirien et la religion chrétienne sont très grandes. Cela rend le dialogue difficile voire impossible. Malgré tout cela, la Mission Biblique parvient à enregistrer plusieurs conversions parmi ces peuples. Nous essaierons ici d’identifier les facteurs à la base de ce succès. Il s’agit surtout du caractère limité des croyances traditionnelles qui sont souvent source de peur et d’esclavage et de l’efficacité de la stratégie missionnaire adoptée par la MBCI. 6.4.1 Les multiples contraintes dans les religions traditionnelles, un élément facilitateur des conversions L’une des caractéristiques essentielles des croyances traditionnelles africaines est de produire la peur en permanence 440. Dans ces croyances, 438 Actes 14v15. Jérémie 10v11. 440 Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, pp.14-15. 439 264 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’homme entretient des relations permanentes avec les esprits. L’homme est ainsi soumis à toutes les forces de la nature dont il doit rechercher la protection ou s’en défendre. « La relation que "l’homme" entretient avec ces esprits est déterminée par-dessus tout par la peur. N’importe quel esprit peut provoquer le malheur dans la vie de l’individu, de la famille ou de la tribu dans son ensemble. Les ancêtres apportent souvent la maladie, les enchanteurs et les sorciers en veulent à la vie des gens, soit par vengeance, soit par jalousie, ou encore par soif d’acquérir des richesses » 441. Lors de leur première visite missionnaire chez les Yacouba de Danané en 1934, le couple RICHARD est surpris de découvrir l’ampleur des activités des sorciers, particulièrement des hommes panthères. « (…) Les sorciers ont le pouvoir de se changer la nuit en panthères pour aller tuer leurs victimes, mais j’ai appris qu’il s’agit d’un déguisement sinistre. Revêtus d’une peau de panthère, et les doigts armés de griffes de fer, ils se tiennent en embuscade à la nuit tombante, près du chemin qui mène au point d’eau. Une fillette attardée en revient, le canari sur la tête, et le sorcier se met à rugir comme une panthère. L’enfant épouvantée se sauve, éperdue, abandonnant son canari ; il se jette sur elle, la déchire de ses griffes et l’emporte dans la montagne, son lieu sacré » 442. Même les divinités qui constituent les protecteurs de l’homme peuvent provoquer sa chute voire sa mort s’ils ne sont pas honorés dans les normes. 441 443 Idem Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 105-106. 443 Idem. 442 Le message chrétien 265 L’individu qui a de la magie cherche à manipuler les forces spirituelles pour son propre avancement et enrichissement, mais il vit dans la peur à cause des autres magiciens qui le testent constamment avec leurs propres puissances 444 . Il est important de noter que les fétiches maintiennent l’homme dans un état d’esclavage permanent au lieu de lui proposer des garanties suffisantes de sécurité. En examinant l’histoire captivante de Wangrin, le héros illustre d’Hampaté Bâ, on comprend aisément cette aliénation dans laquelle les fétiches maintiennent leurs possesseurs. « Wangrin, plein d’astuces, alors au summum de la prospérité, consulte un jour un géomancien Ahoussa qui lui prédit qu’il connaitrait une chute irréparable. Le mauvais présage ne fit que remplir l’intrépide Wangrin d’une inquiétude de plus en plus grandissante. C’est un premier avertissement. A partir de ce moment, le héros perdit son assurance. Sur ces entrefaits, il alla rendre visite dans son village natal. Arrivé à destination, il oublia d’adorer le bois sacré avant de recevoir les honneurs de sa famille. C’était une faute grave. En plus il avait oublié d’apporter la pierre sacrée sans laquelle il ne quittait jamais son domicile. C’est alors qu’un vieil oncle lui fit cette déclaration énigmatique et pleine de menace : "Quand l’homme, pour éconduire son destin part incognito en voyage, il trouvera que le destin l’a précédé et même qu’il a retenu un gite pour deux" 445 ». Puis le vieux d’ajouter : « Mon petit Wagrin, à partir de maintenant il faut t’attendre à recevoir les grands coups du sort. Sois fort et ferme. Le poids du plus grand malheur s’allège quand on use de patience pour le porter 444 446 ». Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 105-106. Résumé de l’œuvre présenté par Jean-Baptiste TEGBAO, in Fétichisme et christianisme en Afrique, op.cit. , p. 14. 446 Idem. 445 266 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Pouvait-il y avoir de prédiction plus déprimante ? Cette pensée le distrayait au volant de sa voiture quand il amorça une pente glissante. Pour mettre le comble à son malheur, il tua dans un accident spectaculaire le serpent python de son totem. Désormais, il pouvait être considéré comme un suicidé en sursis. Cette faute aussi involontaire avait sonné le glas de son destin. Perte irréparable, la dame blanche qui le servait avait fait jeter son fétiche protecteur dans une poubelle. Il ne devait plus le retrouver. Après la perte du borofing, il fallait s’attendre à une issue fatale. C’en était fait de Wagrin. Il ne chercha plus à résister aux évènements. Il perdit tout courage. Impuissant, il vit s’effriter et disparaitre toute sa fortune comme dans un conte de fée. Malheureux, misérable et refusant d’être aidé et secouru, Wagrin mourut dans le torrent d’une pluie diluvienne par une nuit sombre. Ainsi se termina la vie de ce puissant, riche et astucieux Wagrin 447 . En face de ce destin aussi implacable et inexorable, l’on peut faire les constats suivants. Primo, si le borofing reçu à sa naissance est à l’origine du succès de Wagrin, il est alors clair que le fétiche bafoue la liberté et la dignité humaine. Il a suffi d’une erreur involontaire pour hâter la fin du héros. Avec le fétiche, l’homme est trop exposé. Malgré sa bonne volonté, il arrive toujours des moments d’inattention dan la vie de l’homme. « Le petit instant d’inattention provoque alors la catastrophe du destin humain » 448 . Secundo, le fétiche n’a qu’une efficacité psychologique, donnant une assurance provisoire à celui qui le tient. Dans ce cas, le fétiche à un effet dangereux pour la liberté humaine. « L’homme se guide sur une illusion. Sa liberté est très conditionnée. Il suffit d’un choc psychologique et c’est 447 Résumé de l’œuvre présenté par Jean-Baptiste TEGBAO, in Fétichisme et christianisme en Afrique, op.cit. , p. 14. 448 Jean-Baptiste TEGBAO, op.cit. , p. 14. Le message chrétien 267 la catastrophe. L’homme est très fragile et n’a pas les rênes de son action » 449 . Les croyances traditionnelles africaines sont donc souvent facteur d’aliénation et de peur perpétuelle. La peur des sorciers et des ennemis de toutes sortes obligent souvent les hommes à amasser plusieurs fétiches aux exigences diverses. L’homme est alors soumis à un esclavage imposé dont il lui est difficile de sortir. LOH Philippe l’un des pionniers de l’UEESO-CI à Danané affirme avoir pris plus de sept fétiches différents au début de l’ère coloniale. « Mais les trouvant trop encombrant et exigeant, pourtant très peu efficaces, (il) a dû les abandonner pour se donner au Seigneur qui avait les vrais solutions » 450 . Plusieurs personnes se sont converties au christianisme parce qu’ils trouvaient dans les pratiques religieuses africaines une véritable aliénation et un non respect de la dignité humaine. Le cas de la société secrète Nè apparue dans la région de Danané en 1950 est la plus révélatrice. Danané est une région de l’ouest montagneux. C’est l’une des dernières régions de la colonie à entrer en contact avec les Européens. Par conséquent, l’évangélisation dans cette région a été assez tardive 451 . C’est aux alentours de 1938 que Daniel RICHARD découvre cette région peuplée d’environs 42000 habitants regroupés dans 280 villages 452 . Seule une femme nommée Mama, vivant à Zéaleu, était convertie depuis Tabou, par la prédication de Jones 449 453 . Malgré son témoignage et Idem Entretien réalisé avec LOH Philippe Novembre 2010. 451 Il est important de noter que le contact de la région de Danané avec le christianisme était déjà établi un peu plutôt par le contact des Libériens, qui étaient souvent protestants. Quelques uns des premiers évangélistes tels que Elie TOMEKPA ont été convertis au Libéria. 452 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 163. 453 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 163. 450 268 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique tous ses efforts d’évangélisation, elle n’était parvenue à amener personne à la foi chrétienne. C’est véritablement aux environs de 19441945 que l’évangélisation de la région de Danané a amorcé un véritable essor, sous la houlette de François BONGA nommé évangéliste quelques années plus tôt 454 . Les débuts de cette mission parmi les Dan de Danané étaient très difficiles. En effet, sur le plan religieux, ils étaient très attachés au culte des ancêtres et à la société des masques. De plus, leur proximité et leurs liens naturels avec les Gio du Libéria redoutés pour leur fétichisme, avaient fini par faire d’eux un peuple très fétichiste. LOH Philippe, ancien évangéliste et pionnier de l’Église en pays dan, révèle qu’avant sa conversion, il avait importé près de sept fétiches du Libéria 455 . Pendant la période coloniale, ces fétiches importés de ce pays voisin par les Dan étaient censés les protétéger contre les abus du colonisateur. Dan et Gio partagent la même culture et parlent la même langue ; c’est un même peuple séparé par le colonisateur. Dans un tel contexte, l’Evangile apporté par les Européens ne pouvait pas trouver aussitôt un terrain fertile. De vives oppositions furent observées. En conséquence, la croissance du nombre des convertis est assez lente jusqu’aux années 1948. C’est donc avec persévérance et une foi inébranlable que François BONGA poursuivait l’évangélisation. Entre 1948 et1950, un évènement imprévu survenu de manière miraculeuse et paradoxale, entraina de nombreuses conversions à la foi chrétienne. C’était la « société secrète » Ninhin dont la popularité atteignit toutes les extrémités des pays Gio et Dan. 454 C’est en 1941 que François BONGA est accepté comme évangéliste. Le 06 mai de la même année, il part de Tabou à Danané, effectuant ainsi des centaines de kilomètres à pieds pour aller porter l’évangile parmi les siens. Cf. récits de François BONGA, recueilli par le missionnaire Charles Daniel Maire, en juillet 1974. 455 Entretien réalisé avec LOH Philippe, novembre 2010. Le message chrétien 269 Chez les Gio et les Dan de Danané, Ninhin signifie rasoir ou lame à raser. Il est important de relever que cet instrument a connu une évolution dans le temps. Si aujourd’hui, ce rasoir est constitué d’une manche portant une lame à son bout et très peu dangéreux pour servir d’arme, ce n’était pas le cas à l’origine. En effet, malgré sa taille il avait les qualités d’une arme. Ninhin est morceau de fer d’environs cinq centimètres, bâtu d’un côté et bien arrondi de l’autre, avec un bout pointu. Le côté bâtu était bien aiguisé et avait l’aspect de la lame d’un couteau. Il servait au rasage et à l’entretien des ongles mais il faisait partie de ces petits objets auquels on attribuait facilement des pouvoirs surnaturels. 456 Car Ninhin était une société secrète, une organisation bien structurée avec ses règles de fonctionnement. Une société bâtie autour d’un fétiche sérieusement conçu et transporté par Dehunun, « une femme de roi », depuis le Libéria. Dehunun était la femme de Toueuzaman, un homme de renom, très riche et très populaire, et chef à Ban’neu en pays Gio village situé non loin de la frontière avec la Côte d’Ivcoire du côté de Deinneu 457 . Dehunun avait acquis ce fétiche protecteur dans son village natal. Elle réussit à l’imposer à ses coépouses et aux autres femmes, pour se mettre à l’abri de tout mauvais œil. Convaincue de son efficacité, elle décida, avec le soutien de son mari, de l’exporter dans les localités voisines dont le pays dan, de l’autre côté de la rivière Nuon 458 . Pour installer Ninhin dans un village, on faisait appel à une femme déjà initiée dans un village où le fétiche existait déjà. Elle prend le titre 456 Nous avons déjà assisté à des traitements à base de Ninhin. Gueu ZALE, un tradipraticien dans la région de Danané, précisément dans le canton Lollé nord, utilise encore cet objet pour le traitement de certaines maladies respiratoires telles que la bronchite et la tuberculose. 457 Entretien avec Dan Marie 24 avril 2010 de 17h à 18h. Pour lire l’intégralité de cet entretien voir Annexe IV-3 p. 391. 458 Idem. 270 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique de Ninhin-Zoolé 459 , c’est-à-dire la maîtresse du Ninhin. C’est elle qui jugeait des compétences et distribuait les rôles et était au centre de toute la cérémonie. Ninhin-zoolé coordonnait et veillait au bon déroulement des rituels. Elle détient le Ninhin Dhaha nun c’est-à-dire le petit van du Ninhin qui est l’instrument central de la cerémonie. Elle est suivie de Gbakun, le second personnage important de l’équipe 460 . Gbakun 461 signifie celle qui attrape ou capture les biches. Elle est chargée de s’occuper des nouvelles adhérentes, favoriser leur insertion, animer les cérémonies et préparer les repas du rituel. Il y a aussi Ninhin Dhahadhieu, c’est-à-dire celle qui marche devant le van du Ninhin. Elle est chargée de transporter le van du Ninhin, du village au sanctuaire et du sanctuaire au village. De nombreux autres rôles sont distribués en fonction des compétences. La cérémonie a lieu en brousse, dans un endroit clos ; de préférence dans un lieu sacré, interdit aux hommes. Le rite du Ninhin se résume à la conception et au partage d’un repas symbolique mais rempli de pouvoir. A priori, la date choisie pour l’évènement est un jour de rassemblement, généralement les jours de marché où on est sûr de pouvoir rassembler le maximum de femmes. Ce jour là, comme nous le relate Dan Marie, ex Ninhin Dhaadieu et aujourd’hui chrétienne à l’UEESO-CI, « toutes les femmes du village se rendent au petit matin au lieu minutieusement apprété pour la circonstance. Mais avant, chacune d’elles apporte les rasoirs de son mari qui sont tous 459 Le terme zoolê provenant lui-même de zoo signifie « être maître ». C’est un terme religieux. Ainsi, celui qui initie les jeunes gens pendant la circoncision est appelé zoova c'est-à-dire grand-maître. Les porteurs de masques sont les zoomi et ont le pouvoir de chasser les sorciers. Les matrones sont désignées sous le terme de zoolé, c’et à dire maîtresses. 460 Entretien avec Dan Marie 24 avril 2010 de 17h à 18h. 461 Gbakun est composé de la racine Gba qui signifie biche et du suffixe kun qui veut dire « attraper ou capturer ». Le message chrétien 271 recueillis dans un van. On s’arrange à collecter le maximum de rasoirs puisque cela conditionne l’efficacité de l’opération. Le van est porté par Dhahadieu escortée par tous les autres membres du groupe. Après avoir passé les barrières, les femmes se dévêtent entièrement. Le premier rite consiste à laver les rasoirs dont l’eau de lavage servira à préparer le riz du Ninhin. On prépare par la suite une substance à base de la poudre d’un arbre du nom de Glü 462. La substance obtenue sera par la suite mélangée à l’eau qui a servi à laver les Ninhin. C’est ce mélange qui servira à cuire le riz du Ninhin. Une fois le repas prêt, toutes les femmes présentes sur les lieux prêtent serment en ces termes : « que celles qui, après avoir mangé ce repas s’adonneront à nouveau à la sorcellerie soient frappées par Ninhin. Que la puissance de Ninhin emporte celles qui ont le cœur sâle » 463. Puis le riz est partagé et consommé par toutes les femmes présentes dans le sanctuaire. Le Ninhin, à l’origine régulateur de tensions socioreligieuses, 464 engendra d’énormes conséquences dont la maîtrise échappa très vite au pouvoir traditionnel. En effet, en plus de la psychose et du manque de 462 Glü est l’arbre utilisé en pays dan pour préparer les ordalies. Entretien avec Dan Marie 24 avril 2010 de 17h à 18h. 464 Le Ninhin, en pays dan, doit son exploit à son objectif essentiel qui est d’empêcher la pratique de la sorcellerie dans les villages. En effet, chez les dans, la sorcellerie est considérée comme la source de tous les déséquilibres que l’on peut constater dans la société. La maladie, les querelles, la famine et tout autre fléau sont généralement considérés comme l’action des sorciers. Abolir la sorcellerie chez les dans conduirait indiscutablement à un monde meilleur, un monde parfait. En conséquence, plus que tout autre fétiche, Ninhin connu un succès exceptionnel en pays dan. 463 272 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique pudeur 465 qui caractérisaient sa pratique, cette société secrète avait sérieusement endommagé la santé des pratiquantes engendrant des situations profitèrent aux évangélistes de la MBCI. Charles Daniel Maire, parlant du rite du Nè affirme ceci : « Il y aura lieu d’examiner le symbolisme des rites dont la richesse et la cohérence sont rares. La nudité totale provoque l’exposition du groupe à la toute puissance du sexe féminin toujours considéré comme renfermant un pouvoir dangereux. La première réaction des néophytes est d’être effrayées par cette nudité. Tous les gestes et toutes les pratiques relèvent de la sorcellerie ; usage de la main gauche, association de tout ce qui est piquant, tranchant, chaud etc. » 466 Le caractère quelque peu contraignant de cette société secrète et le lourd soupçon de pratique de sorcellerie qu’elle fait peser sur les femmes reticentes favorisa l’accroissement vertigineux du nombre d’adhérentes. Presque tous les cantons de Danané étaient touchés par le 465 Les conditions dans lesquelles se pratiquent Ninhin sont très loin d’être rassurantes pour les néophytes. En effet, la nudité de toutes les femmes dans le sanctuaire provoque la peur chez celles-ci. Tous les gestes et toutes les pratiques relèvent de la sorcellerie : usage de la main gauche, association de tout ce qui est amer, piquant tranchant et chaud, prononciation de malédiction... Aussi, la société Ninhin reste-t-elle une société au sein de laquelle le respect de la pudeur reste un sujet tabou. Les pratiquantes du Ninhin lorsqu’elles se déplacent d’un village à autre dans le cadre des activités de la société secrète, peuvent passer la nuit avec n’importe quel homme du village. « Elles doivent simplement donner 100f cfa à Ninhin Zolé en lui disant : tu seras le coq. Très tôt avant le chant du coq, elle se charge de réveiller à travers un chant les femmes concernées qui regagnent très tôt le lieu de rassemblement. Et lorsque l’homme avec qui elles passent la nuit est le mari de l’un des membres, celle-là a la possibilité de se venger d’autant plus que c’est là la seule alternative qui s’offre à elle pour sa vengeance ». Le Ninhin a ainsi entraîné un véritable désordre sexuel dans les villages concernés engendrant ainsi de nombreuses frustrations chez les hommes qui, pour finir avaient du mal à maîtriser leur femme. 466 Charles Daniel MAIRE, op.cit. p. 198. Le message chrétien 273 phénomène. Dans le canton blossé, la société avaient enrolé toutes les femmes en moins de deux ans. Selon Dan Marie : « C’était une ruse du diable pour maintenir l’homme dans l’esclavage. C’est lorsque la parole de Dieu est arrivée que j’ai abandonné. Aujourd’hui, Ninhin est devenu rare voire inexistant dan nos régions. C’est maintenant l’évangile qui a gagné du terrain » 467 . Bien qu’à l’origine les pratiques de sorcellerie provoquaient des troubles aux symptômes précis : mal au cœur ou sensation d’un poids sur le cœur et des démangeaisons de tout le corps, très rapidement, presque tous les maux furent attribués à la punition du Ninhin. Dans certains villages, des dizaines de femmes, accablées par des maux plus ou moins similaires succombaient à la maladie. Entre 1950 et 1951, les traitements administrés au dispensaire de Danané demeuraient sans résultat et le personnel médical, impuissant, refusait même de les soigner. 468 Face à cette situation de plus en plus confuse et insupportable, les évangélistes dan, plus particulièrement François BONGA décidèrent d’attaquer ouvertement Ninhin. François BONGA envoyait des chrétiens dans les villages où sévissait Ninhin pour annoncer l’évangile et la libération que donne le Seigneur Jésus Christ. Parmi les nombreuses victimes conduites à la station missionnaire, plusieurs furent guéries miraculeusement. Quelques mois plus tard, « dans 70 villages de la brousse, des gens s’étaient tournées vers Dieu et suppliaient qu’on les instruise ; 1800 personnes avaient renoncé aux fétiches » 469 . La période 1948-1941 fut une période de gloire pour la mission et le point de départ d’une croissance qualitative et quantitative de l’Église en pays dan. 467 Entretien avec DAN Marie (24 avril 2010 de 17h à 18h) à Bingerville (Berlin) 468 Charles Daniel MAIRE, op.cit, pp.200-201. 469 Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 200. 274 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Si d’un côté les faiblesses des religions et croyances traditionnelles africaines ont favorisé des conversions au christianisme dans le sudouest ivoirien, de l’autre côté, la cohérence du message chrétien et l’efficacité des appâts utilisés par les missionnaires ont fortement contribué à l’expansion de l’évangile dans cette partie du territoire. 6.5 La cohérence du message chrétien et l’efficacité des appâts missionnaires L’une des raisons qui ont favorisé les conversions au christianisme en Afrique et particulièrement dans l’ouest de la Côte d’Ivoire a été la cohérence du message chrétien. A cela peut aussi s’ajouter l’impact important des appâts utilisés par les missionnaires. La caractéristique majeure de l’évangile consiste dans le fait qu’il est, à priori, un message cohérent. C'est-à-dire que le contenu est raisonnable et accessible à tous. L’essentiel du message chrétien se résume à l’amour de Dieu, pour l’homme, exprimé en Jésus Christ. Selon la doctrine chrétienne, l’Homme est originellement pécheur, et cette situation le prive de la Gloire de Dieu 470 . Cette séparation qui vient de la désobéissance de l’Homme à son créateur est reconnue dans la plupart des religions traditionnelles africaines, comme le note Fernand Lafargue : « Les traditions mentionnent que ce Dieu qui, dans les temps primordiaux, vivait auprès des hommes, s'en est séparé à la suite de la rupture d'un interdit, rupture perpétrée le plus souvent par une femme. Dieu est alors parti avec son habitation, le ciel, dans les hauteurs, loin des hommes qui n'ont donc plus de relations avec lui et ne lui rendent plus directement de culte » 471. 470 471 « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » Romains 3v23. Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 1. Le message chrétien 275 Si ce fossé créé par l’homme, entre lui et son créateur ne peut être comblé selon les traditions africaines, ce qui, d’ailleurs, pousse les Africains à recourir aux divinités créées 472 , le christianisme quant à lui propose une solution plus cohérente : la révélation en Jésus-Christ. « Et le verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » 473 « C'est là le grand mystère de notre foi et de plus totalement imprévisible, car résultant uniquement de la volonté absolument libre de Dieu, comme l'avait été le choix d'Abraham » 474. Mais ce qu'il y a de plus insondable, c'est que ce Messie n'est pas simplement un prophète supérieur aux autres, il est le Verbe de Dieu, sa Parole toute-puissante qui s'est librement faite homme. Il n'a pas pris simplement l'apparence de l'homme (ceci est à la portée de n'importe quel génie) mais, tout en restant Dieu, il s'est fait homme, né d'une femme. Il est passé de l'autre côté de la barrière, il est devenu BenAdam 475 le Fils de l'Homme. Il est le nouvel Adam sans péché comme Adam à l'origine. Il peut donc prendre sur lui le péché d'Adam, ce qui lui aurait été impossible s'il n'avait été simplement qu'un homme. Tout homme doit en effet subir pour lui-même les conséquences du premier péché, de la séparation d'Adam d'avec Dieu dont la conséquence est la mort : « Car le salaire du péché, c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ » 476 . La religion chrétienne, par ce principe, se veut une religion d’espoir pour l’Homme car elle offre la possibilité à celui-ci d’accéder de 472 Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 1. Jean 14v1. 474 Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 4. 475 Psaume 8v5. 476 Romains 6v23. 473 276 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique nouveau à Dieu. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle » 477 . Jésus offre le chemin du salut, il est lui-même « le chemin, la vérité et la vie ». Croire à lui permet d’accéder immédiatement à Dieu. En cela, la religion chrétienne donne des solutions aux nombreux problèmes auxquels les Africains sont confrontés : Il est l’agneau immolé, dont le sang est versé pour le pardon des péchés 478 ; cela remplace valablement en supprimant tous les sacrifices aux divinités. Il a tout pouvoir, c’est une assurance. Il conduit à la vie, c’est une garantie. Annoncé fidèlement dans l’ouest ivoirien, ce message a favorisé de nombreuses conversions. En 1928, lors de son premier voyage missionnaire dans le cercle de Man, voici comment ce message est transmis par Daniel RICHARD : « Le créateur du ciel et de la terre n’a pas abandonné les hommes, il les aime et il veut les sauver (…) Daniel annonce la venue du sauveur et leur montre un évangile en Bambara. » 479 « Un vieux le prend avec respect, l’examine minutieusement, le tourne et le retourne. Moi et mon peuple affirme le chef, nous sommes prêts à te recevoir et à t’écouter. Tes paroles sont bonnes et vraies. » 480 Cette cohérence du message chrétien a été soutenue par une certaine stratégie qui a favorisé son expansion. Dès son installation dans le sud-ouest ivoirien, la MBCI a été très tôt confrontée à un manque d’intérêt, voire à une opposition des populations autochtones. Déjà en 1927, dans une lettre adressée à M. BLOCHER, 477 Jean 3v16. Romains 3v25. 479 Jeanne DECORVET, op.cit., p. 67. 480 Idem. 478 Le message chrétien 277 Daniel RICHARD expose toute sa tristesse face à l’attitude des populations de la région de Sassandra : « Avec quelle tristesse je découvre dans plusieurs autres villages les ruines abandonnées de quelques chapelles qu’avaient bâties les Néyos…Hélas ... abandonnés, sans conducteurs, menacés du poison des sorciers, ceux de ces Néyos qui ne sont pas morts sont retournés au fétichisme…ils sont aussi païens que les autres et ne s’intéressent pas à notre message » 481. A Danané, c’était « le vieux sorcier qui tournait en dérision les paroles du blanc de Dieu ». Face à cette réticence, ou à ce désintéressement, les missionnaires ont trouvé des moyens pour intéresser les populations. Il s’agissait de la mise en place de structures à caractère social telles que les écoles et une pouponnière. 482 En définitive, malgré les divergences entre la religion chrétienne et les croyances traditionnelles des peuples du sud-ouest ivoirien, plusieurs personnes ont adhéré au message porté par la Mission Biblique. Cela est dû, d’une part, aux faiblesses contenues dans les croyances traditionnelles à savoir la production de la peur en permanence, le manque d’une garantie de salut et d’une stabilité psychologique. D’autre part, l’assurance du salut en Jésus Christ prônée par les missionnaires et la mise en place de plusieurs structures d’aide aux populations ont favorisé le succès de l’évangile dans cette région de la colonie. La conversion au christianisme exige le renoncement aux croyances traditionnelles. Donc une rupture avec la communauté d’origine source de rejet et de conflits ouverts. 481 482 Jeanne DECORVET, op.cit.p. 51. Cf. supra 60. 7 REJET ET PERSÉCUTION DES CONVERTIS PAR LEUR MILIEU D’ORIGINE La conversion au christianisme implique avant tout un renoncement à soi ou à ses origines. Dans « les conversions » de Saint-Augustin, le concept de conversion est décrit comme une expérience spirituelle et transcendante, mais aussi fortement subjective et intime, un mouvement intérieur qui fait qu’on « se détourne de » pour « se tourner vers » 483 . En fait, il s’agit de se détourner d’une vie de péché pour se tourner vers une vie de sanctification à l’image de Jésus-Christ. Dans le contexte africain, il est souvent question de se détourner de sa tradition d’origine, de ses croyances et de toutes autres valeurs qui constituent son univers culturel. Ce divorce d’avec le milieu originel n’est pas sans conséquences. Il entraine un rejet systématique du nouveau converti qui est désormais perçu comme un traître. Ce rejet est très souvent exprimé par des persécutions allant des tortures jusqu’au meurtre. 483 Saint-Augustin, les conversions, cité par Géraldine MOSSIERE, la conversion religieuse : approches épistémologiques et polysémie d’un concept, Groupe de recherche Diversité urbaine (GRDU), Working Paper Centre d’études ethniques des universités montréalaises, Université de Montréal, Septembre 2007, pp.6-7. 280 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 7.1 Le chrétien vu comme un traître L’attitude des missionnaires à l’égard des traditions locales est caractérisée par un mépris, voire un rejet catégorique. Leurs activités étaient marquées à tous les niveaux par un eurocentrisme, c’est-à-dire un transfert des modes d’éducation, de vie liturgique, de constructions d’Églises, etc. dans un sens qui contrariait directement les traditions qui faisaient l’unité communautaire des peuples, des diverses ethnies africaines 484 . Des stratégies se sont même appliquées à favoriser telle ethnie par rapport à telle autre, contribuant ainsi à ébranler une coexistence séculaire 485 . De là, est née plus généralement cette « conscience ambiguë », qu’exprimait le personnage du « Chef des Dialobé » du fameux roman de Cheikh Hamidou KANE, répliquant à ceux qui prônaient le départ de son petit-fils à la grande école des Blancs : « Si je leur demande d’aller à l’école nouvelle, ils iront en masse, mais ce qu’ils y apprendront vaut-il ce qu’ils oublieront ? » Plus durablement encore, devait se développer cette « théomachie », ce choc entre deux visions du monde, dont parle Mgr SANON 486 . Il interroge : « Qu’était le retour des ancêtres par rapport au Ciel des chrétiens ? » Cette diversité de vision du monde va entrainer de véritables conflits entre les convertis et leurs milieux d’origine d’autant plus que ceux-ci sont appelés désormais à renoncer à tout ce qui concerne la tradition. Considérés comme des traitres, des égarés, voire des déracinés, ils seront soumis à des persécutions allant souvent jusqu’au martyr. 484 Jacques GADILLE, « Comment le christianisme a rencontré l’Afrique », in L’Afrique en direct, octobre 1999, p. 70. 485 Dans le cas de la MBCI, par exemple, les missionnaires soutiennent que les Yacoubas et les Wobé sont plus courageux et plus ouverts à l’évangile par rapport aux Néyos et aux Kroumen. 486 Anselme SANON, Religion et spiritualité africaine, la quête spirituelle de l’humanité africaine, Kinshasa, Facultés catholiques, 1990. Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine 281 7.2 Les pressions coutumières et les persécutions Le rejet des convertis par leur milieu d’origine entraine chez ceux-ci de fortes pressions. Il y a d’abord le sentiment de culpabilité, c'est-à-dire l’impression d’avoir ou d’être effectivement entrain de trahir. Cela entraine une envie irrésistible de retourner aux anciennes habitudes. Le Père ADOUKONOU dans ses investigations dans le domaine de l'inculturation, note que, dans le vécu de l'africain devenu chrétien, une sorte de mauvaise conscience et de honte de soi planaient. L'être noir en Église sent un malaise qui pousse à la honte de sa culture et se voit obligé d'être « chrétien de jour et africain de nuit ». Il préconise une harmonisation du rapport Église en Afrique et culture africaine dans le souci d'aider l'africain à ne pas se livrer la nuit aux pratiques traditionnelles destinées à défendre la vie, à guérir de la maladie, à favoriser la fécondité, pour éviter la tension et la violence structurelle entre sa propre culture et l'accès à la foi chrétienne. limite pas seulement au niveau des 487 Ce combat ne se croyances et pratiques traditionnelles. Tous les comportements de la vie courante en inadéquation avec la foi chrétienne entrent aussi dans ce conflit et le converti est toujours confronté à la nostalgie de la vie passée, qui, comme une corde aux pieds, continuent d’empêcher sa bonne marche. Ce témoignage de DIE Mamadou Zobel, ancien Secrétaire de l’Union des jeunes chrétiens du sud-ouest illustre bien cette réalité : « Tout a commencé en 1958. Là, j’ai pris contact avec l’évangile au moyen de mon oncle paternel qui était instituteur. Mes parents étaient à la campagne. J’ai fais quatre années d’étude primaire chez cet oncle. Il était un peu difficile de dire si j’ai 487 Barthélemy ADOUKONOU, Vodun, Sacré ou Violence? Le Sillon noir (Mewihwêndo) et la question éthique au coeur du Sacré Vodun. T1, Introduction. 282 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique compris quelque chose quand j’allais à l’école du dimanche. Mais l’âge ne me permettait pas de saisir grand-chose. En 1962, mon oncle était affecté ailleurs. Là encore, des difficultés. Je comprenais quelque chose de l’évangile, mais il y avait encore beaucoup de points noirs dans ma vie à cause de la faiblesse dans mon caractère. Il y avait des semaines, à la suite de bons messages, je devenais un parfait jeune homme et des moments, surtout pendant les grandes vacances, où je tombais au bas de l’échelle à cause de mes parents, surtout mes frères et cousins et amis du village qui ne connaissaient pas l’évangile et qui m’influençaient beaucoup. Cependant, j’observais les grands commandements, à savoir : ne pas manger la viande sacrifiée aux idoles, ne pas adorer les fétiches, etc. etc. En 1965, j’obtins le C.E.P.E. et passai mon concours d’entrée en 6e. Je rentrai au lycée municipal de Bouaké. On me confia de nouveau à un tuteur qui n’était pas chrétien et qui habitait très loin de l’école. Nous étions 14 jeunes élèves dans la maison, chez ce tuteur qui avait deux femmes et six enfants. Ce qui était un peu grave, c’est que le tuteur ne gagnait que 14000 frs par mois, avec tout ce grand nombre à charge. D’où une souffrance très pénible et qui a détruit en nous tout ce que nous avions compris. Car nous étions livrés à nous-mêmes, pour pouvoir manger et même dormir. Mes parents sont très pauvres et ne pouvaient pas m’envoyer de l’argent. Voyez-vous déjà quelles sont les conséquences que cela pouvait avoir sur moi ? En 1967, alors que j’étais en 4e, j’ai été admis à l’internat. Je rencontrai là une nouvelle société, avec de nouveaux comportements. L’affrontement fut un peu difficile, mais j’eus la chance de rencontrer un nouveau groupe, le GBC. C’est là aussi qu’a commencé pour moi une réelle vie chrétienne. Le GBC, groupe dans lequel je suis vraiment épanoui, m’a fait beaucoup Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine 283 de bien pour ma croissance spirituelle. Un an plus tard, je devais être le responsable de ce groupe. L’aumônier, Jean-Claude Schwab, fut un vrai conseiller pour moi, car il avait beaucoup d’estime pour le sérieux de mon travail et surtout pour ma personne. C’est aussi le moment où j’ai passé par de nombreuses expériences dans la vie, où le Seigneur m’a réellement montré qu’il me voulait à son service. L’exemple le plus typique est un jour, alors que j’étais le responsable de ce GBC, l’aumônier Schwab nous demanda 100 frs chacun pour essayer d’imprimer les ″chœurs joyeux″ qui serviront au GBC de recueil de chants. C’était trois mois après ma rencontre avec le GBC, si bien que j’avais des amitiés avec un club de la ville auquel j’étais affilé. Le club, à la même date, nous demanda à chacun 200 frs pour une soirée dansante. Là, j’étais partagé. J’allai à la maison et je demandai à mon tuteur s’il pouvait me prêter 200 frs pour envoyer à mon aumônier pour l’impression de ces cantiques. Mon tuteur qui, d’ordinaire, était très sévère, sans trop discuter, me donna ces 200 frs. Au retour, j’étais très partagé, où envoyer les 200 frs ? Au club ou au GBC ? Une lutte interne commença en moi. Le soir venu, je me suis couché sur mon lit, mais c’était vraiment difficile de résister. Deux voix combattaient, une me disait d’envoyer les 200 frs à M. Schwab, parce que cet argent servirait à l’œuvre du Seigneur, une autre me disait : ″Ecoute, Zobel, tes idées sont souvent appréciées dans le club, si tu n’envoies pas ces 200 frs, tu seras bien malheureux″. Alors, de 20 h. jusqu’à 23 h. je me débattais et lorsque mes camarades venaient autour de moi pour m’inviter pour le repas, je leur répondais : ″Ce soir, ça suffit, je ne suis pas de bonne humeur″. Vers les 23h30, la voix de la ville l’emportait : je pris les 200 frs, je m’habillai et je pris le chemin de la ville. Arrivé au 284 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique beau milieu du chemin (ça, il faut bien le noter, je fus pris par un vertige dont je ne savais même pas la provenance). Je croisai les bras, m’arrêtai pendant au moins 15 minutes en fermant complètement les yeux, pour voir ce qui devait arriver. Au bout de 15 minutes, j’ouvris les yeux et le premier geste que je fis, fut de mettre la main dans ma poche pour voir si les 200 frs. Etaient toujours là. Mais… une grosse surprise : les 200 frs étaient égarés. Alors j’ai commencé à trembler ; j’ai vraiment eu peur. Et j’ai compris que vraiment le Seigneur ne voulait plus que j’aille sur ce chemin. Le dimanche matin, j’en ai parlé à tous les camarades du GBC et à l’aumônier Schwab. Je vous raconte ça parce que cette année là j’ai eu beaucoup d’expériences de ce genre qui m’ont vraiment aidé et montré que le Seigneur ne voulait plus que je continue sur l’ancien chemin. Jusque là nous allions dans les autres villes, comme Korhogo, Bouaflé, Yamoussoukro, etc. pour la formation des autres groupes de GBC. Cela m’aidait beaucoup, parce que chaque fois que nous sortions, on me confiait des responsabilités pour lesquelles il fallait beaucoup de sérieux, beaucoup de prière, afin de faire face. En dehors donc de tout cela et de mes études, j’aidais Mme J.-Cl. Schwab à donner des cours aux enfants, dans les écoles primaires de la ville. J’apprenais à prendre contact avec les enfants et surtout à annoncer l’évangile au un autre. C’est cette année là que j’eu le BEPC, je rentrais donc à Man pour les grandes vacances. C’était l’année où il dut y avoir dans ma vie le coup final de la rupture avec tout le passé. Car il y eu un soir où J.-P. Voltz nous prêchait sur la traversée du fleuve Jourdain par les enfants d’Israël. Là je compris que ma vie était comme celle des israélites et que je ne devais plus retourner à mon passé. Après le message, très tard la nuit, je le rencontrai et lui confiai toutes mes erreurs de la vie. Après le camp, je rentrai Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine 285 à Logoualé où je passai une année car il manquait d’enseignants à L. et je trouvai bon de consacrer cette année à l’église. On m’utilisait comme prédicateur dans les villages et pour la présidence au culte de la ville. A la fin de l’année, je pris congé des responsables de l’église, car je voulais aller à Abidjan poursuivre mes études. » 488 Si en amont le combat est intérieur parce qu’opposant le néophyte à lui-même, en aval, c’est l’extérieur qui combat le nouveau converti. Il est haï, rejeté et soumis à toutes les formes de persécutions, en vue soit de le ramener à un renoncement, soit de se débarrasser de lui. Dans un rapport de 1950, Daniel RICHARD écrit à cet effet : « Il n’y a pas de jour où nos évangélistes ne soient menacés, mis à la porte de certains villages. Réjouissons-nous de ce que nous soyons jugés dignes d’être persécutés pour le Seigneur » 489. « Un jour, un vieil évangéliste, Jacques Gouamoua, arriva sur la station de Danané en piteux état, couvert de sang et de boue. Il avait été menacé, battu, trainé sur le sol ; le chef de canton s’était joint à ses persécuteurs. Cela ne fit qu’aviver son zèle. Sitôt remis, il repartit » 490. La vie des premiers convertis est bien riche d’expériences douloureuses. « On vit des femmes trainées à terre, insultées, battues par leurs maris qui venaient les chercher jusque sur les bancs de l’église. A Zérégouiné, un homme se mit à rosser sa femme si 488 Récit de Mamadou Zobel, recueilli en 1974 par Charles Daniel Maire, cf. Charles Daniel MAIRE, dynamique sociale des mutations religieuses : expansion des protestantismes en CI, op.cit. pp.253-255. 489 Rapport de Daniel RICHARD, 1950, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 200. 490 Idem. 286 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique sauvagement que les chrétiens s’interposèrent. La malheureuse se releva ensanglantée et déclara fermement : ″Même si tu me tues, j’irai à l’Église″ et elle alla incontinent s’agenouiller avec les autres. Abasourdi par tant de courage, le mari s’éloigna sans rien dire » 491. « Le 05 août 1952, une éclipse de lune vint assombrir la nuit tropicale. Les païens de Guriao saisirent l’occasion : la coutume veut que cette nuit là, femmes et filles dansent nues à travers le village, poursuivant les hommes d’injures et d’obscénités. Ceuxci s’enferment dans les cases. Aucun d’eux n’ose se montrer. Le vieux Yoro, lui, ne voulut pas céder à la coutume. Qu’avait-il à craindre de l’éclipse de lune ? Il se tint donc tranquillement assis sous sa véranda, comme d’habitude. Les femmes s’ameutèrent, crièrent des injures en lançant des pierres. Voyant qu’il ne bougeait pas, elles appelèrent les hommes et bientôt une foule hurlante contraignit Yoro à s’enfermer chez lui. Mais les grosses pierres crevaient le toit, traversaient les fenêtres. On ne sait ce qui serait arrivé si l’évangéliste Etienne Guéhi n’était survenu. Il venait par sa fermeté et sa prudence d’arrêter un mouvement semblable à Soakpé. Ici encore, il rassembla les chrétiens et parvint avec leur aide, à calmer la foule. Mais le chef du village porta plainte devant le juge de paix de Man, accusant Yoro d’avoir provoqué la bagarre. Le vieillard ne troubla pas : ″Plus que jamais, affirma t-il, je suis décidé à marcher avec Jésus″ » 492. « Puis ce furent les masques. Klanbolably est un des centres de la société redoutables des masques sacrés. Personne n’oserait désobéir aux masques. Tous redoutent la puissante et 491 Rapport de Daniel RICHARD, 1950, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 200. 492 Idem. p. 204. Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine 287 mystérieuse confrérie, tous, sauf les chrétiens. La société des masques décida d’agir. Chassons les chrétiens ! S’ils restent ici, c’est fini avec nos masques et qui nous protégera ? Les masques sont nos pères et nos mères. Allez-vous les abandonner ? Ainsi clamaient les féticheurs. Les violences se multipliaient, la vie des chrétiens était en danger, Etienne Guéhi alla chercher le missionnaire. A sa demande, le chef du village réunit ses notables et rassembla la foule. Une quarantaine de chrétiens entoura les hommes de Dieu et la discussion commença. Elle dura une partie de la nuit, de plus en plus violente : - Vous avez dévoilé le secret de nos masques - Nous ne voulons pas de votre Dieu ! - Vous avez insulté nos pères et nos mères ! La foule hurlante se mit à lancer des mottes de terre, multipliant les gestes menaçants, mais le missionnaire restait calme et ne cessait de réclamer, pour les chrétiens, le droit d’adorer Dieu seul. Qu’est-ce qui empêcha cette foule déchainé de se ruer sur les chrétiens ? Qu’est ce qui retint sa violence ? Le missionnaire sentit tout à coup que la victoire était gagnée, il se leva au milieu des hurlements, rassembla sa petite troupe de fidèles et se mit en marche en chantant à pleine voix : ″A po Kéa sè″ Salut ô notre Dieu). La foule s’ouvrit pour les laisser passer. Dieu avait vaincu. Le lendemain, l’affaire fut réglée à la confusion des masques : le chef de canton leur interdit d’inquiéter les chrétiens. Mais ils ne désarmaient pas, à Fransobly, la petite communauté construisait une chapelle. Dès qu’elle fut terminée, les masques la démolirent. 288 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Cette fois, c’en était trop. L’administrateur de Man convoqua le chef du lointain village et le mit en demeure de reconstruire luimême le lieu de culte des chrétiens. Les masques, dès lors, n’osèrent plus ouvertement les persécuter. L’Église sortait affermie et fortifié de l’épreuve, et le Réveil continua de s’étendre » 493. Vers 1952, la MBCI, commence véritablement à gagner du terrain dans l’ouest de la colonie. Comme le note DECORVET, il n’ ya « plus de crainte des fétiches, plus de peur des esprits ni des troublantes cérémonies païennes. Certains malades refusent des remèdes magiques. Les devins sentent que leur clientèle leur échappe et que leur puissance est contestée » 494 . La réaction fut violente et cruelle : certains chefs coutumiers, les féticheurs, les masques et ceux qui ne voulaient pas abandonner le chemin des ancêtres essayèrent de s’opposer par la force à ces révolutionnaires 495 : « C’est moi qui commande ! s’écria le chef du canton de Zéalé, et j’empêcherai mes gens d’être plongés dans l’eau de la rivière, je chasserai le blanc de Dieu qui est à Danané, je ferai mettre en prison les hommes qui gâtent mon pays et j’écraserai les chrétiens» 496. Les amendes et les peines sévères se mirent à pleuvoir sous le moindre prétexte. Les chrétiens furent accusés de pêcher dans les 493 493 Rapport de Daniel RICHARD, 1950, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 200.p. 205. 494 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 203. (Il est tout de même important de prendre ces propos missionnaires avec beaucoup de réserves étant donné que le sud-ouest ivoirien reste jusqu’ici l’une des régions où l’animisme est la religion la plus pratiquée) selon l’Institut National de Statistiques. 495 Idem. 496 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 203. Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine 289 rivières sacrées, de faire des plantations dans les forêts réservées aux esprits. On expulsa de leurs villages ceux qui refusaient de suivre la coutume et de sacrifier aux fétiches. C’est ainsi que furent fondés en pays Yacouba, des villages aux noms inattendus : Bethléem et Jérusalem. Les habitants n’en paraissaient pas malheureux. Au contraire, dès le lever du jour, les chants de louange retentissaient 497 . Les témoignages de persécutions infligées aux premiers chrétiens sont légion. Mais face à toutes ces oppressions, ces derniers semblent être restés inébranlables. L’Église était née et incontestablement devait continuer sa marche. Il fallait affermir le chrétien à travers des programmes adaptés de formation. Ce chapitre nous a permis d’expliciter la rencontre entre le christianisme et les croyances traditionnelles des peuples du sud-ouest ivoirien. Il convient de noter que cette rencontre s’est posée en termes de conflit en ce sens que le message porté par les missionnaires était souvent en contradiction avec les croyances locales. Pour les missionnaires, il était question d’inviter les populations à abandonner leurs divinités « qui ne sont en réalité que de l’idolâtrie », pour épouser le christianisme qu’ils présentent comme la seule voie pour parvenir au salut. Mais en face, les populations qui voient derrière un tel message une volonté d’aliénation culturelle et religieuse, posent des résistances de plus en plus farouches. Des prophétisme émergent et essaient un métissage de pratiques chrétiennes et de croyances locales. Finalement, grâce à son caractère holistique et à sa dimension caritative, la mission parvient à convaincre les populations qui ne trouvaient pas toujours des solutions à leurs problèmes auprès des divinités locales. 497 Idem. 8 L’ENCADREMENT DU PEUPLE DE DIEU Dès sa conversion le chrétien est admis en tant qu’auditeur dans la grande famille à la fois physique et spirituelle qu’est l’Église. Dès lors commence pour lui une série de formations devant aboutir au baptême. Parallèlement aux autres programmes de l’Église, un cours de baptême est organisé pour les nouveaux convertis désireux de devenir membres de l’Église 498 . C’est seulement après le baptême qu’on devient membre de l’Église, comme le stipule l’article 7 du règlement intérieur de l’UEESO-CI : « Pour être membre de l’Église locale, les candidats doivent : • donner des preuves satisfaisantes de leur conversion ; • être baptisés par immersion ; • adhérer à a la confession de foi et aux principes de l’Église ; • fréquenter l’Église depuis au moins un an… » 499 Généralement, après sa conversion, le chrétien est appelé à intégrer un groupe afin de faciliter sa formation. S’il s’agit d’un enfant, il est reçu à l’école du dimanche ; s’il est jeune, il intègre le groupe des disciples d’Emmaüs, anciennement UJESO 498 500 ; lorsqu’il s’agit d’une Les cours de baptêmes à l’UEESO durent environ 6 mois. Article 7 des statuts et règlement intérieur de l’UEESO. 500 Union des jeunesses Évangéliques du sud-ouest. Voir PV de la réunion du comité de l’Union 1974. 499 292 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique femme, elle est reçue par les servantes de Béthanie 501 . Le néophyte est ainsi invité à participer activement aux activités du groupe au sein duquel il est admis. A l’UEESO-CI, deux grands programmes sont consacrés chaque année à la formation des fidèles : les conventions et les camps. A cela s’ajoute un programme de formation hebdomadaire. Pour mieux encadrer le peuple de Dieu, l’UEESO-CI met aussi un accent particulier sur la formation des conducteurs. 8.1 Les programmes annuels de formation collective Il s’agit de deux grands programmes d’une durée d’une semaine chacun : les conventions et les camps. Les conventions sont ouvertes à tous les fidèles d’une même région et les camps, réservées aux différentes couches de l’Église. Le camp peut être régional ou national. 8.1.1 Les conventions Les conventions sont les plus grands programmes de formation du peuple de Dieu à l’UEESO-CI. Vers les années 1950, vue l’ampleur de la croissance des membres de l’Église, il est apparu nécessaire de créer des occasions de formation de masse. L’origine de ces rassemblements remonte à 1954, avec l’organisation de cours bibliques à Danané à l’intention des chrétiens des villages environnants 502 . Mais c’est véritablement en 1960, que la première convention de l’Union est organisée à Danané 503 . Ce fut un très grand rassemblement, au-delà des espérances, comme le note ce rapport de M. FUNE, missionnaire en charge de ladite station : « Les gens étaient très occupés par leur café, nous pensions que nous ne serions pas nombreux. Cependant, le premier jour, nous 501 Voir « Les groupes constitués », annexé aux statuts et règlement intérieur de l’Union. 502 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 234. 503 Idem. L’encadrement du Peuple de Dieu 293 étions trois cent cinquante et le dernier quatre cent cinquante » 504. « On voyait arriver sur la station des taxis, incroyablement chargés jusque sur le toit. Les gens s’y étaient entassés avec tous leurs bagages : cuvettes, fagots, marmites, seaux, nattes, nourriture, des poulets caquetaient, tout le monde criait, chantait, manifestait sa joie. » 505 Ce fut, conformément à l’objectif, une semaine de formation spirituelle intense pour les participants. Pour DECORVET, ce fut une « semaine inoubliable pour tous les participants. L’Esprit de Dieu était à l’œuvre et appelait à la repentance, à la consécration et au service » 506 . Les conventions sont aussi des occasions de sacrement et de communion. Le rapport de cette première convention, révèle que : « Le dernier jour, il y eut treize baptêmes puis deux cents personnes se levèrent dans l’adoration et le recueillement pour le repas du Seigneur. Il semblait impossible de se séparer, l’amour fraternel avait créé des liens si réels. On ne s’arrêtait pas de chanter ces chants Yacoubas si rudes, si rythmés et si beaux!» 507. Le succès de la première convention entraina l’organisation de plusieurs autres, les années suivantes. Celle de 1961 réunit 500 personnes à Danané. Le contenu des programmes était bien chargé. Quatre réunions par jour et plusieurs rencontres la nuit 508 . En 1962, c’est environs 800 personnes qui prirent part à la convention de Danané. Celle de 1965 rassembla 1000 chrétiens et en 1967, 1400 personnes affluèrent sur la station pour s’instruire à la parole de Dieu. 504 Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 234. Idem. 506 Ibidem. 507 Ibid. 508 Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 235. 505 294 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’expérience de Danané suscita l’organisation des conventions dans les autres régions de l’Union, à Olodio et Duékoué 509 , en 1971, dans la toute naissante Église de Guessabo. Cette convention rassembla 76 personnes. « Elle a été particulièrement bénie, souligne le rapport de Daloa, 5 baptêmes ont été à la suite de cette convention » 510 . Les conventions sont des programmes assez généraux qui rassemblent sans exception, tous les chrétiens d’une région. C’est une occasion de formation collective. Enfants, jeunes et personnes âgées y prennent tous part. Mais en plus de ces rencontres élargies, sont organisées des rencontres plus spécifiques à l’intention d’une catégorie de chrétien ou d’un groupe constitué. Ce sont les camps. 8.1.2 Les camps Les camps sont des programmes spécifiques réservés à une catégorie de membres de l’Église. C’est en 1960 qu’on se rendit compte de l’importance du camp et plus particulièrement celui de la jeunesse. DECORVET résume ici les raisons qui concouru à l’instauration de cette activité : « La République de Côte d’Ivoire est jeune à tous les points de vue : le pourcentage des moins de vingt ans est impressionnant. Dans les églises aussi, les enfants et les adolescents sont extrêmement nombreux et leurs problèmes ne sont pas tout à fait ceux des adultes » 511. Le premier camp fut organisé par M. et Mme FUNE en 1960 à Yeleu. Pour cette première expérience, ils avaient limité le nombre de campeurs à soixante-dix 509 512 . Les activités étaient constituées d’études Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 234. Rapport sur la marche générale de l’Église, Cf. archives de l’UEESO, non classées. 511 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 236. 512 Idem. 510 L’encadrement du Peuple de Dieu 295 bibliques, de débats, de jeux, de concours bibliques, du feu de camp, d’une série de mimes de la vie païenne : « Les Africains ont un réel art du mime et il fallait les voir, à la lueur du feu, faire vivre les scènes caractéristiques de la vie au village : les simagrées du charlatan-sorcier pour guérir un malade, la démarche hésitante du mendiant-aveugle ou la fierté du Dioula revenant de la Mecque » 513. Le bilan du premier camp fut très positif : « des cœurs s’étaient donnés à Christ, des problèmes avaient été résolus, des doutes dissipés et des vies s’étaient offertes pour le service » 514 . Dès lors, il fallut organiser des camps de jeunes et d’enfants dans toutes les parties du champ. Les camps sont par excellence, des occasions de rencontre, d’échanges entre jeunes et aussi de rencontre avec le Christ. 8.1.3 L’édification au quotidien du peuple de Dieu a l’UEESO-CI En plus des programmes annuels de formation, qui constituent les plus grandes occasions de rassemblement du peuple de Dieu, il existe des programmes de formation permanente. Ceux-ci occupent une place de choix dans les églises locales car étant à la fois des programmes d’édification et de suivi du peuple de Dieu. 8.2 Les programmes de formation On peut les regrouper en deux grandes catégories : les rencontres hebdomadaires et les programmes spéciaux. 513 514 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 236. Idem. 296 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 8.2.1 Les rencontres hebdomadaires : les cultes dominicaux et les cellules de prière Conformément à sa confession de foi, l’UEESO-CI croit qu’à l´exemple des apôtres et des premiers chrétiens, le premier jour de la semaine doit être considéré comme le jour du Seigneur, en mémoire de la résurrection de Jésus-Christ et que, en conséquence, ses fidèles doivent employer le dimanche à l´édification des âmes dans les saintes assemblées et à des œuvres de charité, préparant ainsi au repos éternel 515 . Ainsi tous les dimanches des cultes d’adoration et d’édification sont organisés dans tous les lieux de cultes. Le programme de ces cultes s’établit généralement comme suit : prière d’introduction dite généralement par un responsable ou un ancien d’Église, moment d’adoration et de louange, informations, prédication de la parole, offrandes et la prière finale. Le dimanche est aussi le jour de réunions de la plupart des groupes constitués (jeunesse, servantes de Béthanie…). A côté des cultes dominicaux se trouvent les programmes en semaine. Ce sont les cellules de prière et les réunions du soir. La programmation de ces cellules varie selon les zones d’habitation. En milieu urbain, les cellules ont lieu généralement une fois dans la semaine et regroupent quelques familles habitant le même quartier. On y distingue également deux grandes réunion hebdomadaires ; les réunions d’études bibliques et les réunions de prière 516 . Le choix des dates varie selon les lieux de culte, mais généralement, ce sont les jeudis et les vendredis qui sont choisis pour ces activités. Les réunions d’études bibliques ont pour objectif de permettre d’inculquer aux chrétiens une culture biblique afin de l’armer pour résister aux ruses du Diable. Dans les villages, ces programmes sont surtout constitués de culte du matin ou du soir. Au cours de ces rencontres, une méditation conduite 515 516 Cf. Base doctrinale de l’UEESO. Entretien avec le pasteur TOBO Bernard à Abidjan, octobre 2011. L’encadrement du Peuple de Dieu 297 par un responsable précède la prière. La particularité de ces programmes réside dans la permanence. Ce sont des réunions qui se tiennent tous les matins ou tous les soirs. 8.2.2 Les programmes spéciaux : la préparation au baptême et les moments de jeûne collectif Les programmes spéciaux sont des programmes organisés à l’attention d’une catégorie de fidèles ou dans une circonstance précise. Les cours de baptêmes sont constitués d’enseignements destinés aux nouveaux convertis désireux de devenir membres de l’Église. Pour être membre de l’Église UEESO-CI, l’auditeur régulier doit témoigner publiquement de sa foi à travers le baptême par immersion 517 . Mais ce baptême est l’aboutissement d’un processus de formation qui peut durer de trois à six mois. Selon M. GUENAMAN, pionnier de l’Église UEESO-CI, lorsqu’un chrétien manifeste la volonté de se faire baptiser, il suit avec tous les autres candidats, un cours de baptême à l’issu duquel il est soumis à un examen pour savoir s’il a vraiment assimilé les enseignements. Après quoi, une enquête est menée dans son entourage pour savoir connaître son témoignage 518 . Puis, il est présenté à tous les membres de l’Église invités à se prononcer pour ou contre son baptême. C’est seulement après toutes ces étapes qu’il peut passer par les eaux du baptême et devenir membre de l’Église. Ce long processus a pour objectif d’éprouver le degré de persévérance de l’auditeur avant de l’accepter dans l’Église. Cela permet aussi d’éviter les rétrogradations récurrentes dans l’Église. Parmi les programmes spéciaux figurent aussi les moments de jeûne. A travers le jeûne, le chrétien se prive des plaisirs du corps pour s’élever vers son créateur. Les jeûnes sont rares à l’UEESO-CI et ne sont organisées que dans des circonstances particulières, car dans cette 517 518 Cf. Statuts et règlement intérieur de l’Église UEESO. Entretien avec GUENAMAN Jean Colbert le 24 septembre 2012 à Daloa. 298 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Église, on croit que ce ne sont pas les œuvres qui sauvent, mais la grâce de Dieu. 8.3 Le contenu de la formation du peuple de Dieu Pendant les cultes dominicaux, l’orateur prêche suivant l’inspiration du Saint-Esprit. Au cours des réunions d’études bibliques, des débats sont organisés autour des thèmes spécifiques tels que le salut, le péché, les dons spirituels (…), sous la direction d’un responsable. L’on peut aussi décider d’étudier des livres ou des personnages bibliques. Pendant les réunions de prière, les chrétiens, conduits par un guide, prient pour divers sujets. Les sujets de prière peuvent être d’ordre général (prière pour le pays, pour les autorités…) ; ils peuvent aussi concerner l’Église (sa croissance, l’évangélisation, les projets de construction…) ou des sujets personnels. Concernant les cours de baptême, il convient de noter qu’à l’UEESO-CI, il n’en existe pas un programme homogène. Chaque Église ou chaque région conçoit un cours de baptême sur les bases de la doctrine chrétienne et la connaissance de l’UEESO-CI. Dans l’Église locale de Sassandra par exemple, les cours de baptême sont inspirés de l’ouvrage Connaitre Dieu pour mieux le servir du missionnaire Charles Daniel Maire 519 . Les grandes thématiques abordées sont les suivantes. Les grandes doctrines (la révélation, la doctrine de Dieu, la doctrine du Fils, la doctrine du Saint-Esprit, la doctrine de l’homme, la doctrine de l’Église, la doctrine du baptême et de la sainte Cène, la doctrine des choses dernières, la doctrine des anges). Comment devenir chrétien (l’homme ne peut rien faire pour son salut, la foi, la conversion et la repentance, la nouvelle naissance). 519 Entretien avec GNEPA Oberlin, pasteur et directeur de l’école biblique de Sassandra. L’encadrement du Peuple de Dieu 299 La pratique de la vie chrétienne (qu’est-ce que la vie chrétienne, le chrétien devant Dieu : la prière du chrétien, le chrétien et son prochain, le chrétien et les choses matérielles, le chrétien et le monde, le chrétien et l’État, le chrétien et l’Église locale). Ces différents cours permettent au chrétien d’avoir une bonne connaissance de la doctrine chrétienne et une maîtrise des prescriptions bibliques. 9 LA FORMATION DES RESPONSABLES POUR RENFORCER L’ENCADREMENT La formation de conducteurs locaux a constitué de tous les temps la priorité des missions chrétiennes même si dans certains cas elle démarre tardivement à cause de certains préjugés négatifs. Depuis le XVIIIe siècle qui marque véritablement le début de l’activité missionnaire en Afrique, les missions catholiques comme protestantes ont encouragé leurs missionnaires à préparer des indispensables à la réussite de la mission 520 leaders chrétiens locaux . La formation des responsables a constitué pour la MBCI l’un des défis les plus immédiats. Cette formation avait un triple objectif. Etablir efficacement la conversation avec les peuples aux langues diverses en leur portant l’évangile dans leur propre langue 521 , pourvoir en guide spirituels les communautés du champ missionnaire qui ne faisait que 520 A ce sujet, cette recommandation faite par Marion de BRESILLAC aux missionnaires de la S.M.A est très révélateur : « Aussitôt que vous le pourrez, établissez des séminaires en mission. Mais n’attendez pas que vous le puissiez pour faire des prêtres (…). Il vaut encore mieux pour un peuple avoir beaucoup de prêtres nationaux, dont plusieurs sont mauvais, que de n’en avoir pas du tout, et même que de n’avoir que des missionnaires étrangers. » Cf. Monseigneur Marrion de BRÉSILLAC, cité par SALVAING, op.cit, p. 60. 521 Comme le note bien DECORVET, « Les meilleurs évangélistes des Africains, ce sont les Africains eux-mêmes ». Cf. Jeanne DECORVET, op.cit, p. 113. 302 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique s’étendre, et préparer la relève pour une Église locale entièrement africaine 522 . Dès le début de leur mission parmi les Néyo, Daniel RICHARD sollicita l’appui de Jones l’un des premiers convertis à qui il demanda de devenir évangéliste. Ce dernier « se révéla un évangéliste très efficace. Il affirmait avec une chaleur communicative que seul Jésus peut libérer du péché, et ne craignait pas, pour le prouver, d’évoquer son ancienne vie d’esclave. Les Néyo l’écoutaient avec une attention profonde, émouvante. Et Daniel RICHARD constata que la solution était là : les meilleurs évangélistes des Africains, ce sont les Africains eux-mêmes » 523. Très lente à ses débuts, la formation des évangélistes prit une allure importante à partir de 1947 avec la mise en place de plusieurs structures de formation. 9.1 Les structures de formation 9.1.1 Les écoles de catéchistes Les écoles de catéchistes étaient les premières structures éducatives missionnaires en Côte d’Ivoire. Ouvertes d’abord dans les chapelles protestantes à partir de 1928 pour la MBCI elles furent ensuite installées sur les stations missionnaires 524 à partir des années 1950. La MBCI avait ses écoles de catéchistes à Sassandra, Man, Daloa 525 . De manière générale, chaque école de catéchiste était dirigée par un missionnaire, et dans certains cas, par des pasteurs-catéchistes. 522 « Former les cadres instruits, donner à l’Église naissante des pasteurs et des instituteurs qualifiés, tel est l’objectif n°1 de la mission ». Idem, p. 213. 523 Jeanne DECORVET, op.cit, p. 113. 524 Rubin POHOR, op.cit. p. 64. 525 Idem. La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 303 L’enseignement était dispensé en langues locales. Le français n’était utilisé que pour la lecture de la Bible. C’était un enseignement élémentaire qui visait la formation religieuse des premiers chrétiens ou catéchistes, appelés à assumer généralement la tâche de conducteurs, de prédicateurs laïcs et de moniteurs des écoles du dimanche 526 . 9.1.2 Les écoles bibliques Les écoles bibliques sont créées un peu plus tard à partir de 1957. Ces établissements d’enseignement biblique formaient les candidats aux ministères dans les Églises tels que pasteurs ou évangélistes. La plupart des candidats étaient des élèves issus des écoles de catéchistes. Dans le champ missionnaire de la MBCI, le couple RICHARD commença une école biblique à Man le 02 avril 1957 avec huit élèves dont quatre ne savaient pas lire et comprenaient mal le français (…). La seule langue qu’ils comprenaient tous étaient le dioula, c’est dans cette langue qu’il fallut donc les instruire 527 . La formation était saisonnière et chaque session durait entre quatre et cinq mois 528 . Mais vu l’évolution générale de l’instruction en Côte d’Ivoire, la nécessité se fit sentir de créer un institut biblique qui formerait des responsables à un niveau plus élevé. Le 20 novembre 1960, l’Institut Biblique Africain fut fondé à cet effet à Daloa 529 . Le cours secondaire de Daloa créé en 1947 avait une double mission : former les cadres du pays, mais surtout des cadres qui serviront dans les écoles de la mission ou pour jouer le rôle d’évangélistes 526 530 . Rubin POHOR, op.cit. p. 64. Jeanne DECORVET, cité par KEO KOGNON, op.cit., p. 58. 528 Idem. 529 Ibidem. 530 A toutes ces structures, il convient d’ajouter le récent centre de formation biblique de Sassandra. (1988). Voir Annexe IV-2, p. 422. 527 304 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique La présence des écoles bibliques était nécessaire, d’abord parce qu’il était important « d’améliorer le développement spirituel et culturel des jeunes et d’assurer une formation approfondie des premiers catéchistes ». L’enseignement dans les écoles bibliques était dispensé en locales ou vernaculaires. Notamment le dioula, langue commerciale 531 . Cette langue avait été choisie et enseignée pour permettre à ceux qui la pratiquent d’acquérir une certaine maîtrise par la lecture et l’écriture 532 . Parallèlement à l’encadrement des adultes et des études bibliques, les élèves des écoles bibliques enseignaient aussi les langues locales aux enfants et aux adolescents 533 . L’importance des écoles bibliques réside dans le fait que la plupart fut le point de départ de la politique de formation missionnaire. Elles avaient une valeur symbolique : « Avoir une école biblique pour la mission, représentait pour la mission avoir les moyens nécessaires pour le combat spirituel », elles s’offraient aux missionnaires à la fois comme une arme offensive et défensive 534 . « Une arme offensive par les hommes et femmes qu’elle formait et que les missionnaires lançaient dans toutes les directions pour la conquête des néophytes. Mais une arme défensive aussi par la doctrine dont ces hommes et femmes sont investis et dont, à leur tour, ils vont armer les nouveaux convertis » 535. C’est ce que souligne Nathanaël VE Tokpa, ancien élève des écoles bibliques UEESO-CI et ancien pasteur de cette Église : « L’enseignement que nous recevons dans les écoles de catéchisme nous permet non seulement de nous défendre contre 531 Rubin POHOR, op.cit. p. 65. Idem. 533 Ibidem. 534 Ibid. 535 Ibidem. 532 La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 305 les avances et les attaques du diable, souvent des catholiques, mais aussi contre les assauts sans cesse renouvelés des croyances traditionnelles avec lesquelles, en fait, la rupture n’est jamais définitivement consommée » 536. La création de ces structures de formation à favorisé l’accroissement rapide du nombre des responsables locaux, comme le montre le tableau ci-dessous. Tableau 12 : Croissance du d’évangélistes de 1927 a 1982 nombre de missionnaires Années 19 27 19 47 19 54 19 56 19 57 19 59 19 62 19 65 19 66 19 77 Mission naires 2 9 26 23 32 40 48 58 65 53 Pasteurs évangéli stes 0 10 32 38 38 34 34 43 42 61 et 19 82 63 Source : tableau effectué à partir d’informations collectées dans Jeanne DECORVET, les matins de Dieu (annexes non paginées) et des informations tirées des archives de l’UEESO-CI. 536 Pasteur Nathanaël VE Tokpa. (Décédé) il a été le premier enseignant des écoles protestantes à réussir le concours d’instituteur. Il a été nommé directeur régional des écoles des églises UEESO de 1960 à 1969. Entretien réalisé à Man le 07 janvier 1998 par Rubin Pohor. Cf. Rubin POHOR, op.cit, p. 65. 306 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Graphique 8: EVOLUTION DU NOMBRE D'EVANGELISTES ET DE PASTEURS L'UEESO DE 1927 A 1982 61 32 38 38 43 34 34 63 42 10 0 1927 1 1947 2 1954 3 1956 4 1957 5 1959 6 1962 7 1965 1966 8 9 101977111982 Source : Graphique réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du tableau ci-dessus. 9.2 Les critères de sélection A l’époque missionnaire, l’accès aux écoles de catéchistes n’était soumis à aucune condition. Tout le monde pouvait y aller ou envoyer son enfant selon qu’il le désirait 537 . Créée souvent à l’intention des enfants qui fréquentent la station, l’école était ouverte à tous et sa fréquentation était encouragée 538 , car elle était un moyen incontournable pour la diffusion de l’évangile. C’est le cas de ce pionnier de l’UEESO-CI : « Mon père m’avait toujours dit de me méfier des écoles de missionnaires. Je m’étais rendu clandestinement à l’école qui se 537 538 Jeanne DECORVET., op.cit. p. 61. Idem. La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 307 tenait dans le temple de l’autre côté du village. Nous étions cinq auditeurs : MOUY Gaston, TOHOU Victor, OULAÏ François, GUEHI Paul et moi. Après la prière et la lecture de la Bible, le missionnaire dit : "Jésus m’a envoyé vers vous dans ce village, dit-il pour le faire connaitre et pour vous conduire à lui". Ensuite, après un long commentaire, il dit : Tous ceux qui croiront en lui sont des frères. Celui qui croit en lui et devient son frère, devient du même coup fils de Dieu…." Comme tous les autres étaient déjà des adeptes des frères de M. RICHARD, je me suis senti interpelé par les regards fixés sur moi. Je dis ceci au missionnaire : moi aussi, je veux être le frère de Jésus comme vous. Je savais ce soir là que ce n’était pas un engagement dans la foi mais être le frère du missionnaire » 539. Avec la création de l’école biblique de Man, de l’institut Biblique de Daloa et du cours secondaire protestant, on assiste à quelques changements. D’abord, des conditions sont exigées désormais pour accéder à ces écoles. Au Cours Protestant de Daloa, dès le départ, les coûts de la formation étaient assurés par la Mission qui les élèves à la fin leur formation. Puis on demanda aux Églises de recommander des enfants et de prendre en charge de leur formation. Les élèves ainsi formés devraient servir dans les écoles de la Mission en qualité d’instituteurs ou d’évangélistes. Mais dans la plupart des cas, les Églises n’honoraient pas leurs engagements vis-à-vis de l’école, occasionnant ainsi des problèmes de fonctionnement. En 1964, lors de l’Assemblée générale de l’Union, M. HUSSER, responsable du cours secondaire protestant de Daloa, évoque cette situation avec beaucoup de peines : 539 Notable à Soakpé-Douêdy, fondateur de l’école protestante dudit village (non nommé). Entretien réalisé le 09 janvier 1997 par POHOR. Cf. Rubin POHOR, op.cit, p. 66. 308 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « Nos subventions ne suffisent plus pour tous les élèves que nous recevons chaque année. Si tous les élèves qui nous ont quittés avaient remboursé leurs frais d’études, nous aurions en caisse au moins 1 million de francs et cela arrangerait la situation. Je vais vous dire ici que c’est l’Église qui est responsable de la rentrée de cette somme. Puisque c’est elle qui a recommandé ces enfants. Mais l’Église peut rappeler aux jeunes gens leur promesse et de les décider à rembourser » 540. C’est pourquoi pour M. NOUGUIER cet engagement des Églises était une anomalie : « Il y a quelque chose d’anormal qu’il faut souligner : comment l’Église peut-être prendre la responsabilité des normaliens, étant donné que la plupart d’entre eux, n’ont jamais eu d’intérêt pour la parole et pour le service de Dieu ? » 541 D’où la nécessité de nouvelles décisions : « pour la bonne marche du cours normal, chaque boursier de la mission paye 12.500 francs par an et que l’engagement de servir à la mission soit de 5 ans au lieu de 10 » 542 . A l’école biblique et à l’institut, la formation qui est payante varie selon le statut matrimonial des candidats 543 . En 1964 d’après M. LOPPIN Missionnaire en charge de cette école : « La nouvelle session commencera vers fin février, début mars : 5 mois de classe, deux mois d’activité, et 5 nouveaux mois de classe. Les conditions d’accès sont : - Si on est marié, avoir une femme convertie et intéressée au travail de Dieu. - Frais : 1500 francs par mois pour un célibataire ; 2000 francs pour un marié 544 ». 540 Intervention de M. HUSSER à l’A.G de 1964, Cf. Idem. 542 Intervention de M. HUSSER à l’A.G de 1964, Cf 543 Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1964. Cf, archives de l’Union, non classées. 541 La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 309 L’école ne pouvait recevoir en tout que 5 à 7 couples et 4 célibataires. 545 L’accès qui se fait sur proposition d’une Église ou d’une région proposition est soumis à l’appréciation de l’Assemblée générale. En 1964, sur six proposants, quatre sont retenus : Abraham FALE de Daloa (marié), DAGOU Justin et ZADI Benoit de Gagnoa (mariés) et GOUE Philippe de Man (Man) 546 . Aucun niveau scolaire n’est exigé pour les candidats. Voici la liste des candidats avec leur niveau, pour l’année 1969 547 : Tableau 13: Noms, niveau et région de quelques proposants à l’école biblique de Man en 1969 Noms et prénoms Baba Tiémoko Régions Niveau Man CM2 Dilé François Dion Pierre Bah Tiemoko Guéhi Dorcas Sadia Maurice Séa Emile Man CM2 Man CM2 Man ? Man ? Man ? Man ? Gaha Paul Duékoué CM2 Mahé Duékoué CE2 544 Noms et prénoms Vrairon Emmanuel régions niveau Duékoué CEPE Kemga Elisabeth Bah Samuel Zouama David Blé Solange Falia Felix Danané ? Toulépleu ? Toulépleu ? Toulépleu ? Guiglo ? David Nemlin Niepa Odette Tabou CM2 Tabou CEPE Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1964. Cf, archives de l’Union, non classées 545 Idem. 546 Ibidem. 547 Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1969. Cf, archives de l’Union, non classées. 310 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Benoit Source : Rapports des AG de l’UEESO-CI, archives de l’Union, non classées. Ce tableau révèle les constats suivants : Dans un premier temps, on se rend compte du caractère régionaliste des responsables en formation. La plupart d’entre eux se recrute parmi les Dan et les Wê. Sur 17 proposants, 7 sont de Man, 1 de Danané, soit 47.05% de Dan et de Wobé. En pays Guéré, on a 8 proposants soit 41.23%. Le pays Kroumen n’enregistre que 2 proposants, soit 11.76%. Au total, des 17 proposants, 15 sont Wê ou Dan soit 88.23% contre 2 kroumen soit 11.76%. On remarque donc que l’essentiel des pasteurs se recrute parmi les Dan et les Wê. Dans un second temps, on se rend compte que le niveau des proposants est très bas. Seulement 2 sur 17 ont le CEPE soit 11.76%. 5 ont le niveau CM2 soit 29.41%. 1 a le niveau CE2 soit 5.88%. Pour le reste, le niveau d’étude n’est pas indiqué mais ce que l’on remarque, c’est que tous les proposants n’ont que le niveau primaire et le CEPE reste le niveau le plus élevé. Dans un dernier temps on se rend compte d’une inégalité au niveau de la répartition par sexe. Sur les 17 proposants on dénombre seulement 4 femmes soit 23.52% contre 13 hommes soit 76.47%. Le niveau exigé pour accéder à l’institut biblique de Daloa était le CEP (Certificat d’études primaires). En 1968, L’Assemblée Générale décide que les nouveaux candidats aient au moins le niveau Brevet 548 . Au cours de cette même assemblée, il est décidé que les élèves de l’institut donnent des cours à l’école biblique en vue de palier le déficit d’enseignants. L’UEESO-CI collabore aussi avec la mission biblique pour la formation des pasteurs dans des instituts en France. En 1964, dans le cadre de cette collaboration, Jones BONGA, évangéliste, est proposé pour aller suivre la formation pastorale à Paris. Les frais de la formation et le prix du transport sont pris en charge par la Mission. Il est tout de 548 Compte rendu Assemblée Générales 1968. La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 311 même demandé aux différentes régions de l’UEESO-CI d’apporter chacune une contribution pour soutenir la mission 549 . A l’Assemblée de 1970, les responsables de l’UEESO-CI déterminent les raisons pour lesquelles des pasteurs peuvent être envoyés en Europe et comment mobiliser les frais pour ces déplacements. A l’issue des débats, il est arrêté que tout départ en France se fasse à la suite d’une invitation personnelle ou suite d’une décision prise par les membres du comité. Le comité encourage l’Église à assurer les frais de voyage et d’études 550 . La mise en place des différentes structures de formation et la rigueur dans leur gestion a permis à l’Union de se doter de responsables locaux capables de diriger l’Église. Cependant quel est le contenu de la formation dispensée à ces conducteurs ? 9.3 Le contenu de la formation Le contenu de la formation des serviteurs de Dieu est assez dense. Les thématiques développées sont nombreuses : • L’Ancien Testament : il s’agit d’une étude introductive aux différents groupes de livres que sont le pentateuque, les livres historiques, les livres poétiques et les livres prophétiques. • Nouveau Testament : dans cette thématique, sont enseignées la lecture, la grammaire grecque et une introduction aux 27 livres qui composent le Nouveau Testament. • Doctrine chrétienne : il s’agit d’une étude initiatique des notions théologiques de Dieu, de Création, de Christologie, de Sotériologie, de pneumatologie, d’Ecclésiologie, d’eschatologie et de théologie contemporaine. 549 Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1964. Cf, archives de l’Union, non classées. 550 Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1970. Cf, archives de l’Union, non classées. 312 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique • Histoire de l’Église : une étude historique de l’évolution de l’Église : Église primitive, Église médiévale, la réforme. • Missiologie : dans cette thématique sont développés les sous thèmes suivants : histoire de la mission, Islam, les sectes, les religions traditionnelles africaines, l’évangélisation. • Théologie pratique : Elle aborde la théologie pastorale, la relation d’aide l’homilétique, l’herméneutique et la communication. • Culture générale : cette partie va au-delà des limites de la théologie pour aborder des disciplines d’ordre général telles que les techniques d’expression, la philosophie, l’étique, le droit, l’informatique, l’agriculture et l’élevage. Au regard de la densité de ce programme et vue le niveau des proposants, l’on est tenté de se demander si cette formation est vraiment adaptée. Les pasteurs parviennent-ils à assimiler le contenu de toutes ces thématiques ? Se pose dès lors l’épineux problème de la qualification des guides spirituels dont l’influence reste importante sur le peuple de Dieu. Les questions doctrinales au cœur des crises à l’UEESO-CI semblent être engendrées par la non maîtrise ou la mauvaise interprétation de la doctrine. Au total, le souci d’édification du peuple de Dieu explique la multiplication des programmes de formation et leur extension à toutes les couches de la communauté chrétienne. Les programmes annuels sont les plus grands moments de rassemblement des chrétiens au cours desquels des thèmes spécifiques sont développés par des spécialistes. Même si leur organisation se fait souvent dans les conditions difficiles, ces programmes restent les plus grandes occasions d’enseignement destinés au peuple de Dieu. Des programmes quotidiens de formation viennent compléter ces formations d’ordre général. Deux à trois fois par semaine, les chrétiens se retrouvent pour prier et recevoir La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 313 l’enseignement biblique visant à édifier leur foi et à leur inculquer une culture chrétienne. Dans le souci d’accélérer le processus d’autonomisation et surtout pour répondre au besoin d’encadrement des chrétiens dont le nombre ne cesse d’augmenter, la mission met en place de structures de formation de pasteurs et évangélistes. Malheureusement, les candidats au ministère pastoral n’ont pas le niveau nécessaire pour appréhender aisément le contenu de la formation. Ce problème crucial constituera plus tard l’un des motifs de la crise doctrinale qui provoque le schisme de 1982. 9.4 Conclusion partielle Au terme de cette seconde partie de notre travail, nous pouvons retenir que la rencontre entre christianisme et croyances traditionnelles des peuples du sud-ouest ivoirien s’est posée en termes de conflits. En effet, les missionnaires apportent l’évangile dans un monde déjà fortement ancré dans la religion. Cette religion caractérisée par le culte des ancêtres et le recours aux divinités créées est en contradiction avec les principes de la religion chrétienne. En dépit de quelques points de ressemblance, les différences sont énormes et le succès de l’évangile exige la négation des croyances locales. Pour la Mission Biblique, il n’est pas question d’inculturation. A en croire les témoignages, c’est le radicalisme protestant qui est enseigné. Quant aux populations locales, conscientes de la menace que représente l’évangile pour la survie de leurs croyances, elles résistent de diverses manières à la nouvelle religion ; tout ceci rend difficile, voire impossible un éventuel dialogue. Mais les faiblesses des croyances locales, la cohérence du message chrétien et surtout l’efficacité des différents appâts utilisés par les missionnaires permettent au christianisme protestant de s’implanter solidement dans le sud-ouest ivoirien et surtout d’enregistrer de nombreuses conversions. 314 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Toutefois, cette implantation ne s’est pas faite sans difficultés. L’Africain devenu chrétien doit faire face à un certain nombre de situations. Ayant librement choisi de changer d’itinéraire, il est appelé à assumer ses responsabilités. Il les assume d’abord face à lui-même d’autant plus qu’il s’agit de renoncer à sa vieille nature. S’engage alors un conflit interne, « le conflit de soi contre soi ». Ensuite, c’est face à son milieu d’origine qu’il doit assumer ses responsabilités. Ayant rejeté les coutumes de ses ancêtres, il est désormais perçu comme un rebelle par sa communauté d’origine. Il est aussi une menace parce que ne croyant plus à la tradition, il ne la respecte plus et cherche même à la détruire. Il sera alors soumis à toutes sortes de persécutions dans le but de l’amener à un renoncement ou de lui imposer le respect ou la reconnaissance de la tradition. Pour permettre à celui-ci de surmonter avec succès toutes ces épreuves et asseoir une foi solide, l’Église organise à son intention plusieurs programmes de formation tout en essayant de lui créer une nouvelle société en compensation de celle qu’il a abandonnée. La formation des leaders locaux s’inscrit bien dans ce cadre. En lieu et place des autorités religieuses traditionnelles, ce sont les évangélistes et pasteurs africains formés dans les écoles pastorales qui constituent des guides religieux. Mais le niveau d’étude souvent très bas de ces guides religieux et la densité des programmes dans ces écoles posent le problème d’une bonne compréhension de la doctrine et d’une maîtrise de la pédagogie visant à transmettre correctement aux néophytes les principes de la vie chrétienne. Après cette brève synthèse de ce deuxième volet de notre travail, revenons sur la question de départ pour savoir si nous y avons répondu. Il s’agissait en fait de savoir si dans le projet de christianisation entrepris par la Mission Biblique, le modèle religieux proposé pouvait vraiment déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au tribalisme pour former le peuple de Dieu. La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement 315 La réponse à cette question est partagée entre l’affirmatif et le négatif. Elle est d’abord affirmative en ce sens que cette partie nous a révélé que les convertis à la MBCI avaient vraiment tourné le dos aux croyances traditionnelles. N’y trouvant pas de solutions à leurs problèmes, ils ont abandonné la religion de leurs ancêtres au prix de leur dignité sociale et parfois même de leur intégrité physique, pour épouser la religion chrétienne. Les nombreuses persécutions qu’ils endurèrent à cause de leur conversion en est une preuve incontestable. La réponse est par ailleurs négative parce que le niveau d’étude très bas des guides religieux n’est pas favorable à une bonne compréhension des principes bibliques devant être enseignés aux convertis. La question de la formation des guides religieux (pasteurs et évangélistes) UEESO-CI demeure ainsi un problème crucial car c’est de la vie et des enseignements de ces derniers que dépend la qualité de la pratique religieuse des chrétiens, qui fera l’objet de la troisième partie de notre raisonnement. Etant donné que la plupart des conversions s’expliquent par la recherche d’un mieux-être social et moral, les guides spirituels parviennent-ils à substituer à cette motivation de départ la nécessité d’une réelle conversion fondée sur l’acceptation de l’évangile ? S’il y a des tensions ethniques et une lutte de leadership dans l’Église, n’est-ce pas à cause d’une christianisation moins profonde ; insuffisance de la formation religieuse ou entière ignorance des fidèles des principes de base de leur religion ? TROISIÈME PARTIE LA VIE NOUVELLE DU PEUPLE DE DIEU, LA DIFFICILE NOUVELLE NAISSANCE ET LE SCHISME DANS L’ÉGLISE Comme nous l’avons montré dans les parties précédentes, la naissance de l’UEESO-CI est le résultat de plusieurs années d’efforts d’évangélisation consentis par les missionnaires et évangélistes dans le sud-ouest ivoirien, au milieu de populations au départ très réticentes au message chrétien. Pour les atteindre, les missionnaires ont dû utiliser des moyens très attractifs. Le résultat fut remarquable, car les solutions matérielles et morales proposées par les missionnaires cadraient bien avec les aspirations des populations qui ne trouvaient pas toujours des solutions cohérentes dans les croyances locales. Mais le message chrétien étant opposé aux croyances traditionnelles des populations locales, d’énormes pressions individuelles et communautaires vont s’abattre sur les convertis en vue de les amener au renoncement. C’est pour leur permettre d’y résister et devenir des vrais disciples de Jésus-Christ que plusieurs programmes de formations sont organisés à leur intention. Les chrétiens UEESO-CI parviendront-ils à intégrer suffisamment les principes bibliques et passer d’une conversion souvent intéressée à une foi véritable ? C’est à cette question que ce troisième volet de notre travail tentera de répondre. Il s’agira d’abord de chercher à comprendre à quel degré les chrétiens UEESO-CI parviennent-ils à se dépouiller de leur vieille 318 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique nature, c'est-à-dire la nature pécheresse (les anciennes habitudes considérées par la Bible comme mauvaises), et ensuite à savoir si les enseignements reçus sont vraiment suffisants pour leur permettre de maîtriser la doctrine de leur Église puis dépasser les considérations ethniques et former le peuple de Dieu. Enfin, une étude des crises intempestives qui jalonnent l’histoire de cette Église permettra de comprendre s’il ne s’agit pas là d’une mauvaise interprétation de la parole conséquence d’une formation insuffisante. 10 LES CHRÉTIENS ET LA NOUVELLE RÈGLE DE VIE DE L’ÉGLISE UEESO-CI Après sa conversion, le chrétien est appelé à marcher dans une nouveauté de vie. Les « choses anciennes » étant passées, il doit épouser complètement les principes de la vie chrétienne. Cela doit être perceptible dans ses relations avec son Dieu et avec ses frères. Il est tenu de manifester un grand intérêt pour les choses de Dieu ; témoignage d’une véritable ferveur chrétienne. Il doit aussi manifester de l’amour pour son prochain afin de vivre pleinement la communion fraternelle dans l’Église et témoigner au monde de l’amour divin. Le chrétien UEESO-CI parvient-il à se dépouiller véritablement du « vieil-homme » et à se conformer à cette nouvelle donne ? Après sa conversion, le chrétien est appelé à accorder une place de choix aux choses de Dieu. Son implication dans les différentes activités de l’Église doit être la preuve visible de sa conversion. Comment ce zèle se manifeste-t-il chez le chrétien UEESO-CI ? Accorde-t-il de l’importance aux séances de formation organisées à son intention en y participant régulièrement ? Quelle place occupe le culte dans la vie du chrétien UEESO-CI ? 320 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 10.1 L’engouement des chrétiens pour les séances de formation Dans le cas précis de notre étude, il est difficile de déterminer avec exactitude la fréquence de la participation des chrétiens UEESO-CI aux programmes de formation, faute de statistiques disponibles. La question des archives dans les Églises locales et même dans les régions de l’UEESO-CI reste la plus grande difficulté à laquelle reste confronté quiconque entreprend des recherches sur cette communauté. Seulement, quelques vieux chrétiens détiennent des informations qu’ils oublient au fur et à mesure que le temps avance 551 . Durant toutes nos recherches, nous n’avons pu découvrir de documents relatifs à la présence aux programmes de formation et aux cultes dominicaux pour la période 1927-1982. Nos sources d’information se limitent donc aux témoignages des plus anciens convertis et à des rapports de missionnaires. Toutefois, bien que peu nombreuses, l’origine et l’authenticité de ces sources garantissent leur crédibilité. Les programmes de formation dont il est question ici sont constitués des camps et des conventions. Ils se tiennent une fois l’an pendant une semaine et ont pour objectif d’affermir la foi des fidèles en leur inculquant une culture chrétienne. Vu leur importance, ces séances constituent les plus grandes occasions de rassemblement du peuple de Dieu. Ce qui nous a été donné de noter à l’issu de nos investigations, c’est que les chrétiens UEESO-CI, dans leur ensemble, manifestent un véritable engouement pour ces programmes de formation même s’ils sont souvent confrontés à des difficultés de divers ordres. Les témoignages des pionniers et la documentation missionnaire témoignent 551 C’est ici que se trouve l’une des plus grandes difficultés de l’écriture de l’Histoire africaine. L’oralité qui la caractérise, la dégrade et la fait perdre au fil des temps. N’est-ce d’ailleurs pas à juste titre que Hampaté Ba affirme qu’en Afrique, lorsqu’un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle ? Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI 321 unanimement de cette ferveur. En 1960, lors de la première convention organisée à Danané, la participation fut au-delà des attentes 552 . Même ferveur du côté de la jeunesse. Les camps de formations sont les plus grandes occasions de rassemblements des jeunes. Tous les jeunes se mobilisent pour y participer et l’on est souvent obligé de limiter le nombre de participants 553 . Pour le Pasteur TOBO Bernard « dans ce domaine là, les chrétiens ont un grand zèle, ils sont très zélés » 554 . Des conditions de déplacement souvent très difficiles (mauvais état des routes, manque ou insuffisance de véhicules pouvant assurer le transport) surtout lorsqu’il s’agit d’aller loin de son village ou de sa ville natale, l’insuffisance notoire des structures d’accueil qui fait que pendant les camps et les conventions, les participants sont souvent obligés de loger dans « les salles de classe, les garages, jusque dans la chapelle (…) expliquent cependant les absences aux programmes de formation » 555 . TIE BI Diagoné, l’un des anciens chrétiens de Daloa, ajoute à cela « le manque de moyens, la période choisie (souvent période des travaux champêtres), ou la mobilisation (parfois mal faite) » 556 . Cela nous permet de comprendre en partie que les nombreuses crises qui ont agité l’Église ne sont pas forcément dues à un déficit de formation. Les causes peuvent être recherchées aussi ailleurs. Il faut aussi comprendre que, malgré la pauvreté, les difficultés liées au déplacement et à l’accueil dans les centres urbains, le zèle du chrétien UEESO-CI pour la formation n’a pas baissé depuis les années 1927 jusqu’en 1982, période du schisme. La première convention à Danané en 552 Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 234. Jeanne DECORVET, op.cit, p. 238. 554 Entretien avec le pasteur Bernard TOBO octobre 2011. 555 Rapport de Paul Funé, cité par Jeanne DECORVET, p. 234 556 Entretien avec TIE Bi Diagoné à Daloa, juillet 2012. 553 322 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 1960 a enregistré plus de 400 participants 557 , celle organisée par la toute naissante Église de Zoukougbeu en 1972 a réuni plus de 70 fidèles 558 . 10.2 L’assiduité aux cultes Tout comme les séances de formation, le culte occupe une place de choix dans la vie du chrétien UEESO-CI. C’est une occasion de communion avec Dieu et avec les frères. Le culte s’organise sous deux formes principales avec cependant un contenu identique : le culte familial ou cellule et le culte collectif dominical. 10.2.1 L’assiduité au culte familial et aux cellules de prière L’UEESO-CI, Église protestante baptiste, fait partie de la grande famille des Églises reformées dont elle épouse entièrement les principes ; « La religiosité reformée se manifeste à plusieurs niveaux. Le contact solitaire de l’homme avec son Dieu appartient au domaine du moi secret même si les poètes et les écrivains lèvent parfois un coin de voile. Le culte familial élargit le cercle de cette piété à l’ensemble de la maisonnée, parents, enfants et domestiques 559 ». Cette pratique religieuse résulte d’une éducation donnée par les ministres, les anciens et de l’exemple donné par les élites sociales 560 . Le culte familial a même été l’un des souhaits les plus ardents du réformateur Jean CALVIN ainsi qu’il le dit dans un texte adressé aux jeunes Églises françaises : « Chaque famille particulière doit être une 557 Rapport de Paul Funé, cité par Jeanne DECORVET, p. 234 Archives de l’UEESO, Rapport sur la marche générale de l’Église, 1972 (non classées). 559 Janine GARISSON, Les protestants au XVIème siècle, Paris, Fayard, 1988, 410p., p. 37. 560 Idem. 558 Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI 323 petite église particulière ; un homme pieux étant le chef et le maître de sa famille doit lui servir de guide et l’instruire selon les talents et moyens qu’il aura reçus de Dieu 561 ». A l’UEESO-CI, conformément à cette recommandation, chaque famille chrétienne est une Église en miniature. Ainsi est-elle appelée à organiser de manière régulière des cultes en vue de s’édifier mutuellement. Lorsque des familles chrétiennes se retrouvent dans un même quartier ou village, elles ont la possibilité de s’organiser en cellule. Les Églises de maison ou les cellules ont pour vocation de maintenir la flamme de l’Esprit dans le cœur des membres et de servir de moyens d’évangélisation. Les cellules aboutissent le plus souvent à des Églises annexes qui deviennent plus tard des Églises constituées. Dans une Église de maison, généralement, les parents jouent le rôle de guides spirituels. Ils choisissent des moments dans la semaine pour organiser un mini-culte à l’occasion duquel des prières sont adressées à Dieu et des enseignements dispensés. C’est aussi le lieu de révision des cantiques et des messages entendus pendant le culte dominical. La participation au culte familial à l’UEESO-CI est en principe obligatoire pour tous les membres. L’heure choisie, tôt le matin où le soir après le diner, y est à priori favorable, d’où la présence régulière de tous les membres. Quant aux cellules de prière, elles se tiennent généralement une fois par semaine dans les villes et tous les matins dans les villages. C’est une assemblée à laquelle tous les chrétiens doivent participer et ils y participent effectivement appartenance à la 562 ; c’est le lieu où l’on affirme le plus son communauté chrétienne. Le contenu est presqu’identique à celui du culte familial ; des moments d’adoration et de louange, une exhortation et des moments de prière. Les chrétiens sont 561 J. AYMON, Actes ecclésiastiques et civils de tous les synodes des églises réformées de Franc, La Haye, 171, 2vol., t.I, p. 129, art.19. 562 Entretien avec le pasteur TOBO Bernard, octobre 2011. 324 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique toujours exhortés à la méditation, mais malheureusement, ils sont confrontés, pour l’essentiel, au problème de l’analphabétisme 563 . La plupart des chrétiens UEESO-CI, et surtout ceux du milieu rural ne savent ni lire ni écrire, ni même parler le français. Malgré les efforts de traduction de la Bible dans les langues nationales, très peu de chrétiens manifestent un intérêt à l’apprentissage de leur propre langue. 564 10.2.2 L’assiduité aux cultes dominicaux A l’UEESO-CI, le culte collectif intervient comme une obligation religieuse de « la plus haute nécessité 565 ». Y participer est un devoir qui permet au chrétien de prouver sa conversion. Le culte dominical se tient à l’intérieur d’un temple. Partout où il y a une communauté UEESO-CI, les premiers efforts sont consacrés à la construction ou la location d’un local devant servir de temple. L’intérêt du culte collectif pour le chrétien est identifiable à plusieurs niveaux. Le culte est l’occasion où le chrétien démontre aux yeux de tout le monde son appartenance à la communauté chrétienne. C’est aussi le lieu d’expression de la communion avec Dieu et avec les frères. Les croyants UEESO-CI, conscients de l’importance du rôle du culte dans leur épanouissement spirituel, y accordent un intérêt particulier. Le culte se prépare bien avant le dimanche. Les dirigeants du culte, président et prédicateur sont désignés au moins une semaine avant. Dans les Églises les plus organisées, un programme mensuel ou trimestriel est élaboré. Les chrétiens prennent en semaine toutes les dispositions utiles pour consacrer la journée du dimanche à leur Dieu. Dans les villages, on fait les provisions ; préparation du bois de chauffe, provision en nourriture…En milieu urbain, la situation est plus aisée, le dimanche étant un jour de repos, les travailleurs ne sont soumis à aucune 563 Entretien avec le pasteur TOBO Bernard, octobre 2011. Idem. 565 Expression empruntée à Janine GARISSON, op.cit, p. 39. 564 Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI contrainte 566 325 . La participation au culte apparemment libre pour le chrétien devient en réalité une obligation puisque les responsables demandent toujours des comptes aux absents ; ils veillent même à ce que tous les convertis y participent. Ils procèdent par des visites suivies d’exhortation en semaine. Le culte a un impact important sur le peuple de Dieu. D’abord son déroulement comprend trois phases essentielles au cours desquelles le chrétien se sent très proche de son Dieu. La première est celle de l’adoration et de la louange. Pendant cette phase, c’est surtout les chants de louange et d’adoration qui sont chantés à la gloire de Dieu, conformément aux prescriptions bibliques. Le chant occupe une place importante dans l’édification du peuple de Dieu. Comme le ramarque Jean DELUMEAU chez les protestants du XVIème siècle, « plus que dans les sermons et les écrits dogmatiques, c’est dans le chant religieux protestant que l’historien des mentalités découvre le message le plus rassurant » 567. À l’UEESO-CI, depuis la période missionnaire, le recueil de cantiques « Sur les ailes de la foi » est utilisé dans les assemblées de l’Union. Il y existe plusieurs types de chants. Parmi ceux-ci, nous avons les cantiques d’édification, ceux d’évangélisation, ceux de louange et d’adoration… Pendant le culte, les cantiques à chanter sont sélectionnés par le dirigeant. Des recueils sont distribué à ceux des fidèles qui savent lire et les numéros indiqués, le cantique est entonné par le dirigeant et repris en cœur par l’assemblée. Les analphabètes sont obligés d’apprendre par cœur les paroles des cantiques. Etant donné que le cantique se chante dans un esprit de recueillement total, il est rarement accompagné d’instruments de musique et le rythme et la longueur des chants ne permettent pas les battements de mains. 566 Synthèse de nos enquêtes. Jean DELUMEAU, Rassurer et protéger le sentiment de sécurité dans l’occident d’autrefois, Paris, Fayard, 1989, 667 p., p. 462. 567 326 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique A côté des cantiques chantés dans les assemblés, se trouvent des groupes de chants particuliers tels que la chorale et les groupes musicaux. La chorale est souvent constituée d’une dizaine de membres. Deux fois par semaine, les choristes révisent sous la direction du maître de chœur les chants programmés pour le dimanche. Dans le déroulement du culte, la chorale intervient surtout dans la louange. Son rôle est aussi de boucher à travers des courts chants les moments creux. Le groupe musical est quant à lui le groupe le mieux organisé et le plus équipé. Disposant généralement d’instruments de musique moderne, il interprète sans difficultés la musique des grands chantres chrétiens, composent des chants inspirés des psaumes, des évangiles et des épitres. Dans le souci d’une inculturation réussie, les missionnaires ont encouragé les louanges dans les langues locales et l’utilisation d’instruments traditionnels de musique tels que les tam-tams. Cela a favorisé la naissance d’un autre groupe ; le groupe « Refrain ». Ce groupe s’inscrit dans le registre de la musique traditionnelle. Les chants sont généralement en langue et les pas de danse, identiques à ceux de la musique profane du terroir. La louange, c’est aussi les offrandes qui sont faites pendant le culte, c’est le témoignage d’une reconnaissance à Dieu pour ses bienfaits. A travers la louange, c’est dans une unité d’esprit que les chrétiens s’édifient mutuellement tout en glorifiant Dieu. La seconde phase du culte est consacrée au prêche. Ici, le prédicateur du jour est le seul intervenant. Il est le seul maître de la parole. Le discours est unilatéral et doit être suivi avec attention et respect. Cependant, le prédicateur et parfois le président du culte ont la possibilité de choisir des lecteurs dans l’assemblée. Il s’agit généralement de responsables ou de fidèles capables de faire une lecture à voix intelligible. Compte tenu du poids de sa tâche, le messager doit prendre toutes les dispositions pour rendre le sermon accessible au peuple. Dans les villages, les prêches sont faits en langues locales. Dans Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI 327 certaines Églises, notamment celles des villes de l’intérieur, le message est livré en français et traduit en langue locale. La phase conclusive du culte est marquée par un moment de prière. Des personnes sont désignées pour prier pour le message et pour la semaine à venir. Plusieurs autres sujets peuvent être évoqués selon l’inspiration du dirigeant. Dans certains cas, généralement une fois par mois, le culte s’achève par la prise de la sainte Cène, repas institué par le Christ et pris en sa mémoire. L’UEESO-CI accorde une place de choix à la Cène, comme le note sa confession : « Nous croyons que la Cène institué par notre Seigneur JésusChrist doit être observée dans les églises jusqu’à ce qu’il revienne, que le pain et le vin, auquel tous les membres de l’Église participent sont les symboles du Corps et du Sang de notre sauveur, que, par cette communion, les membres en y participant professent former un même corps avec Christ, et être unis les uns aux autres dans un même esprit » . 568 La sainte Cène est un « acte à la fois individuel et collectif hautement significatif 569 » strictement réservée aux chrétiens baptisés. Le pasteur principal aidé de son second ou d’un ancien sont chargés de l’organisation de la Cène. Ils prennent toutes les dispositions pour que la cérémonie se déroule dans l’ordre, le recueillement, la ferveur. Cette attitude des chrétiens et particulièrement des protestants à l’égard de la Cène n’est pas récente et semble être un héritage de la Réforme calvinienne. Comme le remarque GARISSON, déjà au XVIe siècle, le ministre poète de l’Église saintongeaise de Pons, Yves ROUSPEAU, suggère la gravité de cet événement et son prix dans la vie du fidèle : 568 569 Extrait de la confession de foi de l’UEESO-CI. Jeanine GARISSON, op.cit, p. 45. 328 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « La Cène dont je veux parler présentement Du sacré pain de l’âme est un Sacrement Où Jésus-Christ repait nos âmes bien-heurées De son précieux corps pour nous prendre au bois De son précieux sang répandu une fois Pour nous faire jouir des plaines éthérées (…) Pour connaitre son usage et son prix Voyons le grand besoin que nous avons d’icelle (…) Je veux ores blâmer les ingrats malappris Qui méprisent le Christ, le Banquet délectable. » La distribution du pain tout comme celle du vin sont précédé d’une prière de reconnaissance et de la lecture d’un passage biblique relatif à la Cène. Il peut s’agir d’une exhortation ou d’une mise en garde ou des deux à la fois. En somme, concernant la pratique de la ferveur chrétienne, nous sommes en mesure d’affirmer que le chrétien UEESO-CI manifeste un intérêt particulier pour les choses de Dieu. Il a une perpétuelle soif de la parole de Dieu. Toujours présent aux séances de formation et aux cultes, le chrétien UEESO-CI s’efforce chaque fois de s’élever au-dessus des choses du monde pour aspirer à celle d’en haut. 11 LES RELATIONS AVEC LES AUTRES Les exigences de la vie chrétienne imposent au converti une nouvelle orientation de ses relations avec les autres. Issu d’une société qui a ses croyances et règles de fonctionnement, il doit désormais se conformer à la vision chrétienne du monde. Cette nouvelle donne exige souvent une négation du milieu d’origine. Le chrétien UEESO-CI parvient-il à rompre véritablement avec la tradition et aspirer à la sanctification ? Aussi, le chrétien est-il appelé à rendre témoignage de l’amour divin à travers ses relations avec l’Église et avec son prochain. Avec l’Église, il doit vivre pleinement la communion fraternelle et soutenir sa communauté selon ses moyens, tandis qu’avec le monde il est appelé à témoigner par ses bonnes œuvres. Quelle appréciation porter sur la qualité des rapports du chrétien UEESO-CI avec sa communauté et avec son prochain ? 11.1 La vie de sanctification des chrétiens UEESO-CI La sanctification peut se définir, comme le note Jules Marcel NICOLE, comme « le développement qui suit la nouvelle naissance » 570. C’est le cheminement vers la perfection, vers la sainteté. Cette marche 570 Jules-Marcel NICOLE, Précis de doctrine chrétienne, op.cit, p. 207. 330 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique exige du chrétien l’abandon du « vieil homme » 571 c'est-à-dire ses croyances et pratiques antérieures considéré comme contraires aux prescriptions bibliques et l’embrassement d’une vie nouvelle, « revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité » 572 . La sanctification est un élément capital de la pratique religieuse protestante. 11.1.1 La rupture avec la tradition Le chrétien UEESO-CI est issu d’un milieu fortement ancré dans des religions et croyances traditionnelles. C’est un univers dominé par une multiplicité de divinités qui déterminent ou influencent le fonctionnement de la société. Mais la religion chrétienne considère toutes ces divinités comme des idoles dont l’adoration est un péché grave. La rupture du chrétien d’avec ces croyances traditionnelles s’avère donc obligatoire. Chez le chrétien UEESO-CI, cette rupture est totale et parfois immédiate. C’est même la condition pour son intégration dans la communauté chrétienne. Les récits de conversion des premiers chrétiens sont riches en informations prouvant cette vérité. Le témoignage de YE Samuel, ancien "bandit" converti en 1958, est édifiant. Après sa conversion, il ne croyait plus au pouvoir de la rivière sacrée de son village : « Ce lieu était reconnu par plusieurs cantons. Les poissons y étaient si apprivoisés qu’ils venaient manger dans la main, des grains de riz. On venait sacrifier à ce lieu lors des circonstances comme le mariage, la maladie. On s’aperçut que j’avais tué des poissons en quantité. Je l’avais moi-même dit. J’avais vendu de 571 Dans son épitre aux Colossiens, l’apôtre Paul utilise ce terme pour désigner l’État de péché dans lequel vivait le chrétien avant sa conversion et l’oppose à l’homme nouveau qui est le prototype du chrétien selon les prescriptions bibliques. 572 Ephésiens 4v24 ; voir aussi Galates 19v21. Les relations avec les autres 331 gros poissons à Danané. On me prit pour un criminel. ″il a tué nos ancêtres″ disaient-ils » 573. L’histoire du vieux Yoro, grand danseur de masque, racontée par MOUY Gaston, ancien évangéliste montre qu’après sa conversion, il a profané le grand fétiche du village : « Il y a un masque royal puissant de chez nous, le porteur qui s’appelait Yoro a accepté l’évangile. Quand il a accepté l’évangile, on l’a frappé. En fait, après sa conversion, il a profané le grand fétiche qui était installé dans un palmier, donc les gens l’ont frappé » 574 Tous les chrétiens UEESO-CI que nous avons interrogés sont unanimes sur la question du totem. Depuis leur conversion, ils ne respectent plus les totems. La rupture est totale avec l’adoration des lieux sacrés, avec les divinités et les cérémonies funéraires traditionnelles car selon GUENAMAN Jean Colbert, « ce sont les œuvres qui glorifient le diable » 575 . M. NANDO, l’un des anciens de l’Église de Dioulakro à Yamoussoukro note aussi que : « Toutes cérémonies liées aux esprits impurs, voire mystique sont à rejeter. » 576 Toutefois, dans sa marche vers la perfection chrétienne, le chrétien est confronté à un certain nombre de difficultés. Il s’agit surtout des péchés qu’il a du mal à laisser. Il est certes vrai que la permanence du péché dans la vie d’un chrétien est relative et dépend surtout de son degré de conversion. Mais dans les enquêtes, il y a certains péchés sur lesquels tous les informateurs sont revenus. On peut les considérer comme ceux qui accablent le plus le chrétien UEESO-CI. 573 Récit recueilli par Charles Daniel MAIRE, déjà cité. Entretien avec Mouy GASTON, septembre 2010. 575 Entretien avec Génaman J. COLBERT, à Daloa, juillet 2012. 576 Entretien avec M. NANDO à Yamoussoukro juillet 2012. 574 332 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 11.1.2 La permanence du péché sexuel et le manque d’amour Lors de nos entretiens avec quelques anciens chrétiens, nous avons posé à diverses personnes et en divers lieux la question suivante : quel est selon vous le péché qui fatigue le plus les chrétiens UEESO-CI ? Voici quelques réponses : • l’impudicité, l’adultère 577 ; • le manque de pardon 578 ; • de manière générale, le manque d’amour véritable 579 ; • le mensonge 580 ; • les calomnies 581 ; • les problèmes de femmes, plusieurs pasteurs chutent à cause des femmes ; • la convoitise 582. A l’observation attentive de ces différentes réponses, on distingue deux problèmes majeurs. Le premier est le péché sexuel. L’impudicité et l’adultère sont des péchés sexuels. Si l’impudicité concerne les relations en dehors du mariage, l’adultère lui est la relation sexuelle dans le mariage mais avec le conjoint ou la conjointe d’autrui. Dans l’histoire de l’Église le péché sexuel ou encore péché du corps, impudicité ou impureté a toujours constitué une gangrène qu’on a toujours cherché à éradiquer mais sans succès. L’Église longtemps a eu peur du corps. Dans le sillage d’Innocent III, saint Bernardin de Sienne enseigne dans sa prédication que le corps « est à ce point fétide qu’il suffit à défigurer l’âme pure et immaculée qui y est envoyé 577 583 ». Réponse de Tié Bi Diagoné à Daloa. Anonyme Yamoussoukro. 579 Réponse de GNAMBRO Léonard, Yamoussoukro, entretien de juillet 2012. 580 Réponse de NADO, entretien à Yamoussoukro juillet 2012. 581 Réponse de GUENAMAN, entretien de Daloa, juillet 2012. 582 Réponse de Madame SAHI à Daloa juillet 2012. 583 Bernadin de Sienne, Opera, cité par DELUMEAU, Le péché et la peur, Paris, Fayard, 1983, p. 486. 578 Les relations avec les autres 333 Dans le Bouquet de la Mission, au chapitre des remèdes contre la luxure, il est conseillé de « traiter son corps comme son ennemi déclaré et le mater par le travail, le jeûne, les cilices et autres mortifications » 584 . L’impureté est présentée comme la mère de tous les péchés car tout péché de pensée ou de désir, ou de parole ou d’action, est mortel dès là qu’il est entièrement consenti. Pour Hyacinthe de MONTARGON, Aucun doute n’est possible : « L’impureté renferme en elle tous les péchés…Ce vice… n’est pas seulement un péché comme les autres, (il) est l’abrégé de tous les péchés ; c’est le péché même… Le péché est d’autant plus énorme que l’injure qu’il fait à Dieu est plus outrageante. Or, le péché de luxure est d’autant plus grand que la chose qu’on préfère à Dieu est plus vile, et plus méprisable. C’est ce que fait le voluptueux : il préfère à Dieu le plaisir de son corps, un moment de volupté à une éternité bienheureuse…Toute la religion du chrétien est profané par l’impureté » 585 Le Maure, dans les sermons de l’évangile démontre le caractère total de ce péché : « Ce crime seul met entre le Seigneur et le pécheur l’intervalle de toutes les passions qu’il remue puissamment : orgueil, envie, parjure, cruauté, mensonge, toutes ces malheureuses branches viennent de cette racine ; les autres vices n’éloignent point si fort la créature du créateur, n’attaquent point si violemment les perfections infinies de Dieu, et ne sont pas si opposées aux trois personnes divines… 584 Bouquet de la Mission, p. 82, cité par DELUMEAU, p. 487. Hyacinthe de MONTARGON, Dictionnaire apostolique…, III art 2, pp.91100. 585 334 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’impudique attaque Dieu dans toutes ses perfections : se livrant à sa conduite aveugle, il ne veut plus dépendre du Seigneur, voilà son orgueil ; sensible à ses plaisirs, il est insensible à la misère des pauvres, voilà sa dureté ; n’ayant des biens et n’en amassant que pour sa volupté, il ne reconnait plus de providence, voilà son aveuglement ; emporté dans sa passion, il n’a plus de douceur, voilà sa vengeance ; il persécute celui qui s’y oppose, voilà sa haine ; il débauche la personne qu’il veut corrompre, voilà sa paresse ; s’en prenant à Dieu même s’il trouve des obstacles dans sa voie, voilà son blasphème ; vivant sans religion, voilà son impiété ; n’ayant pas de foi, voilà son incrédulité ; ravissant le bien d’autrui le plus précieux, voilà son envie, son vol et son injustice 586. » Les raisons de la prédominance de ce péché aussi dangereux à l’UEESO-CI sont diverses selon nos informateurs. Pour Madame BADE, c’est le manque d’enseignements : « Avant, les anciens n’ont pas insisté sur le mariage, c’est au fur et à mesure que les gens ont commencé à l’enseigner » 587 . Madame SAHI note en effet : « Depuis 1956, où mon mari m’a choisie, il ne m’a jamais mariée. Il est resté célibataire jusqu’à sa mort » 588 . Elle ajoute aussi que « les jeunes de maintenant ne peuvent pas se contenir » 589 . Pour Emile K. GOH, le plus souvent, la chute survient chez les fiancés qui se fréquentent : « C’est pendant cette période des fiançailles, que beaucoup succombent à cause des fréquentations répétées et des causeries nocturnes suivies d’amusements provocateurs » 586 590 . LE MAURE, Sermons sur les évangiles de l’avent et du carême et sur divers sujets de morale, cité par DELUMEAU, Le péché et la peur, p. 490. 587 Entretien avec Mme Badé, déjà cité. 588 Entretien avec Mme Sahi déjà cité. 589 Idem. 590 Emile (K.G.), op.cit, p. 23. Les relations avec les autres 335 Le coût du mariage souvent élevé et dont la mobilisation prend assez de temps favorise aussi la chute. Mais le péché sexuel à l’UEESOCI n’émane-t-il pas aussi d’un arrière-plan culturel ? Le second péché le plus pratiqué à l’UEESO-CI est le manque d’amour. Ce manque d’amour se manifeste par : l’intolérance, « la vengeance, la haine, le tribalisme le non respect de la hiérarchie, le manque d’humilité assimilé à l’orgueil, les frustrations répétées et gardées dans les cœurs l’esprit de vengeance, la guerre de leadership : la lutte pour être le premier responsable, la légèreté, le tribalisme qui est réel et visible » 591. Ces différents problèmes relevés par les responsables sont de véritables freins à l’épanouissement spirituel des chrétiens UEESO-CI. 11.2 L’homme UEESO-CI nouveau 592 chez les chrétiens La nouvelle communauté à laquelle le néophyte appartient après sa conversion a ses réalités et ses exigences. N’appartenant plus au monde, le chrétien est appelé à vivre sur la terre les réalités du ciel, sa future demeure. Il est appelé à manifester à chaque instant et en toute circonstance ce que Jésus-Christ son Seigneur a fait pour lui dans tous les domaines de sa vie. Toutefois, le problème est que tant que le chrétien est sur la terre, sa volonté propre connaîtra une guerre : les tendances charnelles contre les tendances spirituelles. Il est tenu de vivre une vie de communion avec Dieu et avec ses frères. 591 Extrait du Procès-verbal de la réunion du Comité de l’Union, tenu du 23 au 25 janvier 2003 à Abidjan, p.6. 592 L’homme nouveau traduit le modèle de chrétien souhaité par son maître. 336 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Cette communion qui doit réunir les chrétiens en une unité d’esprit autour de Christ leur Seigneur est-elle vraiment vécue dans l’Église UEESO-CI ? Les chrétiens ont-ils vraiment abandonné les colères, les rancunes, les discriminations, la méchanceté pour vivre une vie de communion fraternelle comme l’exigent les Saintes Ecritures ? Nos enquêtes révèlent que la notion de communion fraternelle est un sujet diversement apprécié par les chrétiens. Pour certains, la communion fraternelle est vraiment bien vécue. Parmi les tenants de cette thèse, le pasteur TOBO Bernard de l’Église de Niangon, l’un des plus vieux pasteurs de l’Union. Pour lui, « la communion fraternelle est vraiment bien vécue à l’UEESO-CI, la solidarité, l’entraide, vraiment ça va bien !» 593 . Pour d’autres, la communion fraternelle, telle que vécue avant, n’est plus la même aujourd’hui. Ainsi, pour Madame SAHI, femme de l’un des tout-premiers pasteurs de l’UEESO-CI: « UEESO-CI d’avant n’est la même chose aujourd’hui. » 594 KOULAÏ Pascal abondant dans le même sens affirme : « L’amour a vraiment diminué, le monde est entré dans l’Église » 595 Pour d’autres encore, la communion fraternelle n’est pas totale : « On aime faire des distinctions, souvent les pauvres se fréquentent, les riches, les responsables, on voit qu’il y a des choses qui clochent » 596 . Madame KOUA remarque donc que « les mariages se font par classe, si tu n’es pas engagé dans l’Église on ne te soutient pas. Wobé marie Wobé, Yacouba marie Yacouba » 597 . Selon elle la communion fraternelle n’est pas totalement bien vécue à l’UEESO-CI ; la communion fraternelle est intra clanique ou intra ethnique. Les faits semblent lui donner raison car il suffit d’écouter les 593 Entretien avec le pasteur Bernard TOBO octobre 2011. Entretien avec Madame SAHI à Daloa, juillet 2012. 595 Entretien avec Madame KOULAÏ Pascal à Daloa, juillet 2012. 596 Entretien avec Madame BADÉ, née Gueu Josephine, Daloa juillet 2012. 597 Entretien avec Madame KOUA à Daloa, juillet 2012. 594 Les relations avec les autres 337 échanges houleux entre les responsables lors des Assemblées Générales ou lors des réunions de comité pour se demander si vraiment la communion fraternelle est vécue pleinement. Depuis le retrait de la Mission Biblique, la communion fraternelle est souvent recherchée, mais rarement expérimentée plus particulièrement parmi les responsables. Pendant les crises, les Bibles sont rangées au profit des statuts de l’Union autour desquels sont développées toutes sortes de disputes et de haine. En milieu rural, les animosités et les discriminations sont moindres, du fait que les chrétiens sont pratiquement de la même ethnie et de même condition sociale. Les problèmes sont plus perceptibles en milieu urbain. A la base de cette insuffisance de communion fraternelle se trouvent les pasteurs eux-mêmes. Tous nos informateurs sont unanimes que les pasteurs de l’UEESO-CI ne s’entendent pas. Pourquoi ? Pour le pasteur TOBO, l’une des causes du schisme de 1982 était « le problème de leadership entre les GLAO et les VE et aussi parce que GLAO rejetait la présence des missionnaires » 598 . Pour TIE Bi Diagoné aussi, « (…). Les mésententes peuvent être dues aux conditions de vie de certains, les départs à la retraite mal assurés, les problèmes de leadership. » 599 . GUENAMAN Jean Colbert abonde dans le même sens quand il cite comme cause : le « leadership, la politique, l’orgueil et le tribalisme » 600 . En clair, les mésententes sont liées à des questions souvent personnelles. Le peuple de Dieu est entrainé dans des conflits dont il ignore les vrais motifs, mais qu’il épouse par solidarité ou par intoxication. Ainsi quelques moments après la crise de 1982 plusieurs chrétiens dissidents sont revenus à l’UEESO-CI regrettant de s’être laissé emballer. 598 Entretien avec le pasteur Bernard TOBO octobre 2011. Entretien avec TIE Bi Diagoné Juillet 2012. 600 Entretien avec GUENAMAN J.C Juillet 2012. 599 338 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Au lieu d’être des modèles de paix, de cohésion, de communion et d’unité, les pasteurs sont paradoxalement des diviseurs, des rancuniers, des « guerriers ». Ces vilains sentiments se répercutent malheureusement sur la masse des fidèles qui sur la base de préjugés non maîtrisés, vivent dans une situation de méfiance les uns vis-à-vis des autres. Qu’en est-il des relations du chrétien UEESO-CI avec les non convertis ? Les rapports entre les chrétiens et les non chrétiens ont connu une évolution remarquable dans le temps. D’abord, pendant la période missionnaire, les relations étaient très mauvaises. Les non chrétiens étaient désignés sous l’appellation de païens par les chrétiens. Cette dénomination traduisait toute la haine dont ces derniers faisaient l’objet. Les païens considéraient les chrétiens comme des ennemis et vice-versa. « C’était une véritable guerre » 601 selon GUENAMAN Jean Colbert. Les chrétiens profanaient les lieux sacrés qu’ils considéraient comme de l’abomination, tandis qu’eux-mêmes étaient considérés comme des traitres, des déracinés. Dans un tel contexte, les relations ne pouvaient qu’être mauvaises. Le témoignage chrétien rendu par les chrétiens autochtones n’était pas bon. Mais plus tard, avec l’Église africaine, la pédagogie de l’évangélisation connut une évolution. Les chrétiens ivoiriens avaient compris que pour amener beaucoup de personnes à la conversion il fallait témoigner de beaucoup d’amour. On inséra dans les stratégies d’évangélisation des activités d’aide aux non convertis 602 . De même on cessa de les appeler païens pour les désigner comme les non encore convertis 601 603 . Dès lors, les relations jadis conflictuelles ont fait place à Entretien avec GUENAMAN Jean Colbert le 26 septembre 2012 à Daloa. Entretien avec Pasteur LOH Michel Abidjan en septembre 2012. 603 Entretien avec GUENAMAN Jean Colbert le 26 septembre 2012 à Daloa. 602 Les relations avec les autres 339 un dialogue mutuel et fructueux entre christianisme et croyances locales, facteur d’évangélisation. 11.3 Les libéralités La libéralité se définit, selon le dictionnaire universel, comme la propension à donner, la générosité. Elle désigne aussi un don généreux. Il s’agit également de toute disposition à titre gratuit. La libéralité est donc la disposition à donner gratuitement ce que l’on a, sans aucune pression et sans rien attendre en retour. La libéralité est une ordonnance divine selon la Bible. Sa pratique doit se faire dans deux sens à savoir verticalement et horizontalement. Verticalement, il s’agit pour le chrétien de donner à son Dieu fidèlement et sans regret les dîmes et les offrandes de ce qu’il gagne. Horizontalement, la libéralité doit se manifester à travers l’assistance du chrétien à son prochain. Il s’agit généralement de l’aide aux démunis et du soutien à toute personne passant par des moments difficiles. La dimension horizontale de la libéralité ne se limite donc pas aux frères d’Église, mais s’étend même à ceux qui ne sont pas convertis. Les offrandes et les dîmes dans l’Église se font de manière libre selon la volonté du chrétien. Il est aussi important de noter que la pratique de la libéralité a une importance capitale dans la vie de l’Église. L’Église en tant qu’institution divine mais aussi humaine a besoin de moyens pour son fonctionnement. Comme toute organisation sociale, l’Église a besoin des biens matériels, dits bien temporels, pour mieux accomplir sa mission. Le livre V du Code du droit canonique de 1983 en donne le fondement et l’organisation pour l’Église. Il s’agit bien sûr de l’Église Catholique. Cependant, la question de la gouvernance financière ne touche pas seulement l’Église Catholique en tant que Confession religieuse, mais toutes les Églises, c’est-à-dire toutes les confessions religieuses qui forment ce qu’on appelle l’Église de Dieu. L’Église a par 340 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique exemple besoin d’argent pour entretenir les pasteurs, pour acquérir et entretenir les locaux, financer des projets de missions. C’est pourquoi la libéralité s’impose à tous ses membres. Dans le cadre de notre étude, nous nous demandons à présent comment la libéralité, aussi importante pour l’Église est-elle pratiquée à l’UEESO-CI ? Y a-t-il des handicaps à sa pratique ? De quels ordres sont-ils ? Nos informateurs sont d’accord sur le fait que le chrétien UEESO-CI « n’aime pas donner beaucoup à Dieu ». Pour Madame SAHI, il y a baisse de la libéralité du fait des contraintes actuelles, de la vie moderne, du problème du quotidien : « nos parents (les premiers chrétiens) le faisaient bien, mais maintenant les gens font trop de calculs » 604 . Il semble que dans les villages, la libéralité est encore mieux pratiquée que dans les villes. Les dîmes des récoltes sont payées en paddy de riz ou en argent. Mais dans les villes, on évoque la cherté de la vie et plusieurs se soustraient à ce don. Pour Mamadou TOME, la libéralité est recommandée à tous les chrétiens (il cite Romains 15-25-27.) mais beaucoup de chrétiens pensent que la collecte n’est qu’un acte symbolique qui ne nécessite pas de montants élevés. C’est pour quoi nous assistons le plus souvent à des réclamations de monnaie pour la pièce de 100 francs qu’on a donnée. D’autres s’esquivent simplement au nom d’une certaine pauvreté. 605 Les raisons de cette insuffisance de la libéralité sont multiples et remontent à l’origine, à l’époque coloniale qui est aussi la période missionnaire. Pour J.M ELA, la condition de vie du Noir n’a pas changé depuis l’époque coloniale. Il est resté toujours pauvre donc il n’a pas de surplus à donner : 604 Entretien avec Madame SAHI à Daloa, juillet 2012, déjà cité. Mamadou TOME, Les obstacles au développement de l’Église africaine : cas de l’UEESO-CI, rédaction de fin de cycle, IBTM, 1997, p. 9. 605 Les relations avec les autres 341 « Les masses populaires africaines sont demeurées égales à elles-mêmes, objet du paternalisme colonial et de la sollicitude des évolués africains. Leur situation n’a guère changé. Les paysans africains étaient pauvres et misérables sous la colonisation, ils le restent après les indépendances politiques, dans une conjoncture où la misère des campagnes apparait de plus en plus comme la conséquence de la colonisation du frère par le frère. Pour des millions d’Africains les soleils des indépendances ont aussi leur ombre maléfique » 606. Pour le pasteur TOBO, il y a le manque d’enseignement sur le sujet, la pauvreté due au retrait des chrétiens du monde des affaires et au maintien des femmes dans les activités ménagères non rémunérées : « Les premiers (les missionnaires) n’ont pas enseigné la libéralité si bien que les pasteurs UEESO-CI ont vécu dans l’éternelle pauvreté. Il y a eu une confusion autour de la notion d’humilité. L’exemple du riche et de Lazare. A cela s’ajoute la pauvreté, l’avarice, le manque d’enseignement sur le sujet. On dit que le chrétien ne doit pas faire les affaires pour ne pas qu’il soit trop riche. Ça nous a mis en retard dans ce côté-là, par rapport aux églises qui naissent, par rapport aux églises du sud. On nous a dit aussi, les filles vont pas loin, elles ne vont pas à l’école sinon elle va pécher, elle n’a qu’à rester au village. » 607 Quant à M. TOME, il y a deux raisons fondamentales : • La fainéantise : les gens ne travaillent pas pour gagner de l’argent, vivant chichement eux-mêmes, ils ne peuvent donner beaucoup ; 606 607 J-M. ELA, De l’assistance à la libération, Kinshasa, CEP, 1982, p. 71. Entretien avec le pasteur TOBO, déjà cité. 342 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique • Le discrédit de la richesse et de l’acquisition des biens matériels par les premiers missionnaires n’a pas développé la libéralité chez les chrétiens. À cela s’ajoute un arrière plan culturel de certains peuples réputés fainéants : « Certains peuples ou certaines tribus, depuis les temps ancestraux sont reconnues paresseux. Parmi cette tranche, il y a ceux qui sont très attachés à l’adoration et à la danse des masques. Ils y consacrent le plus clair de leur temps et sont peu laborieux quant aux travaux champêtres. D’autres pratiques traditionnelles telles que les fêtes de circoncision occupent une bonne partie de leur temps. Il y a aussi ceux qui aiment tout simplement vivre en milieu citadin, quand bien même ils n’y trouvent pas grande chose à faire » 608. Pour le chrétien issu d’un tel milieu, il sera difficile de donner suffisamment à Dieu d’autant plus que lui-même en manque. « D’autre part, poursuit-il, cette pauvreté des chrétiens s’explique par l’approche de la missiologie adoptée par la mission fondatrice. (…) dès le départ, l’accent a été tellement mis sur le royaume et la justice de Dieu et sur l’imminence du retour du Seigneur Jésus que même certains chrétiens ont été poussés à détruire leurs plantations ou à les abandonner ! Ces biens matériels étaient considérés comme sources de tentation et d’orgueil pouvant entrainer la chute des chrétiens. C’est pourquoi force nous est donnée de constater avec réalisme et 608 Mamadou TOME, op.cit, p. 7. Les relations avec les autres 343 objectivité que l’évangile qu’on nous a apporté n’a pas été holistique dans toues ses dimensions » 609. Les montants des libéralités des Églises entre 1927 et 1982 sont inaccessibles. Mais à partir de ces témoignages, nous savons que cette insuffisance de la libéralité a pour conséquences logique la précarité des conditions de vie des pasteurs et l’impossibilité de faire la mission. Comme le note Tomé Mamadou, « La vie de dénuement des fidèles a des répercussions inévitables sur la vie économique et sociale des serviteurs de Dieu que sont les pasteurs de l’UEESO-CI. Nous avons l’impression de nous retrouver au temps du prophète Malachie. C’était un temps où, à cause de l’entêtement et la négligence du peuple, les serviteurs de Dieu vivaient dans des conditions très difficiles. Le peuple s’acquittait avec si peu de conscience de leur devoir envers Dieu, à savoir l’apport des dîmes et des offrandes pour l’entretien des Lévites. Dans les régions ou secteurs déshérités de l’UEESO-CI, les pasteurs vivent au pourcentage presque toute l’année, à part les quelques trois ou quatre mois de vaches grasses. Le problème se pose avec beaucoup plus d’acuité chez les familles nombreuses » 610 La libéralité ne concerne pas que les dons faits à l’Église. Elle concerne aussi le soutien aux personnes en difficultés. Ici, la réalité est la même. Mais pour y remédier, l’Église organise par moment des offrandes spéciales en vue d’aider des personnes traversant des situations très difficiles. C’est surtout le groupe des Servantes de Béthanie qui est le plus engagé dans l’aide aux démunis. Depuis sa création en 1982, ce groupe organise chaque année des collectes de dons en faveur des orphelins de la pouponnière de Man. 609 610 Idem. Idem, p. 8. 344 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dans les villages aussi, les cérémonies de mariages ou les funérailles sont des occasions de solidarité entre les chrétiens. Des soutiens très souvent en nature sont apportés aux concernés en vue de leur permettre de faire face à la situation. 12 SANCTIONS ET RÉTROGRADATIONS DANS L’ÉGLISE L’Église étant avant tout une communauté humaine, a besoin de règles pour régir sa bonne marche. Ces lois basées sur les principes bibliques doivent être scrupuleusement appliquées à tout contrevenant en vue de garantir la sainteté de l’Église. Mais tous les ne sont sont pas à mesure de supporter cette rigueur chrétienne et se retirent de l’Église. 12.1 La discipline chrétienne La discipline chrétienne est le moyen par lequel l’Église instaure et maintient l’ordre en son propre sein. Elle s’applique surtout au chrétien pris en fragrant délit de péché. La discipline chrétienne est une pratique aussi vieille que l’Église elle-même. Déjà dans le Nouveau Testament, au temps de l’Église primitive, une forme de discipline très sévère avait été appliquée à Ananias et sa femme Saphira qui, ayant vendu leur terrain, ont apporté à l’apôtre Pierre une partie du montant perçu, tentant de lui faire croire que c’est la totalité. Ils moururent à cause de ce péché 611 . Dans ses épitres, l’apôtre Paul donne plusieurs formes de discipline et les démarches à suivre, avertir le fautif, s’en éloigner, rompre toute communion avec lui 611 612 612 . Actes 5 v1 à 11. Voir 1 Thessaloniciens 5v14 ; 2 Thessaloniciens 3v 6à15. 346 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dans l’histoire de son extension, l’Église a toujours appliqué la discipline mais parfois sous diverses formes. Au XIème siècle, face à l’occupation de la « Terre Sainte » par les musulmans, des croisades furent organisées pour déloger ces derniers et réinstaurer l’ordre et le respect de ces lieux saints. Les croisades étaient donc pour les chrétiens, « la guerre sainte aux infidèles » 613 . Il y eut aussi l’Inquisition, tribunal ecclésiastique catholique romain chargée de lutter contre les hérétiques. Avec la Réforme, la discipline connait une autre dimension. Pour Jean Calvin : « Comme nulle ville ni village ne peut être sans gouverneur et sans police, ainsi, l’Église de Dieu a besoin d’une certaine police spirituelle, laquelle néanmoins est toute différente de la police terrestre, et tant s’en faut qu’elle l’empêche ou l’amoindrisse, que plutôt elle, à la conserver et avancer. Cette puissance de juridiction ne sera donc en somme autre chose qu’un ordre institué pour conserver la police spirituelle. Pour cette fin ont été anciennement ordonnées dans les Églises, certaines compagnies de gouverneurs, lesquels eussent le regard sur les mœurs, corrigeassent les d’excommunication quant il serait besoin. » vices, et usassent 614 Pour lui donc, la discipline est un moyen nécessaire pour détruire le règne de l’Anti-Christ et restituer derechef le règne de Christ. Calvin donnait des buts très précis à la discipline, tels que : • prévenir les scandales et s’il y en a déjà un, l’abolir ; • ne point profaner l’Église ; • éviter la corruption des bons ; • susciter la repentance des pécheurs. Le tout dans l’amour et : 613 A. KAYAYAN, L’Église dans l’Histoire (Polos Heights, 1989, p. 149. Jean CALVIN, L’institution chrétienne, Génève, Labor et Fides, 1958, pp.198-199. 614 Sanctions et retrogradations dans l’Église 347 « Il ne faut point oublier que la sévérité de l’Église doit être telle que toujours ; elle soit conjointe avec la douceur et l’humanité, car danger est toujours à éviter, que celui qui châtie ne soit englouti de tristesse. Car par ce moyen, du remède on ferait un poison » 615. À l’UEESO-CI, comme dans la plupart des Églises évangéliques, la discipline obéit à des procédures bien établies. La première étape concerne les démarches des pasteurs auprès du pécheur : « Par exemple quand un frère voit un autre dans le péché, il ne s’approchera pas personnellement de lui, mais s’en remettra au responsable de l’église qui se chargera d’approcher le pécheur. Le péché commis et sa réaction le feront passer devant le conseil. On remarque que les démarches privées sont relatives aux péchés bénins, des « petits »péchés tels que les rancunes, les « petits » mensonges, des larcins etc. 616 ». La seconde démarche la démarche la plus pratiquée selon J.B DELI est, lorsqu’un chrétien est informé de l’état de péché d’un frère, il en informe le conseil qui convoque le mis en cause. Le dossier est traité au conseil. « De sa réaction devant ce groupe dépendra sa libération ou sa punition » 617 . Le conseil de l’Église, en exerçant la discipline, a pour objectif d’emmener le pécheur à la repentance. Pendant l’interrogatoire, si le pécheur nie les accusations portées par certains témoins, ou reconnait son péché mais continue à le pratiquer, cela montre qu’il ne veut pas se repentir. La sentence qui lui est infligée est sa mise sous discipline, « ce qui veut dire que tous les droits ecclésiaux lui sont 615 Jean CALVIN, L’institution chrétienne, Génève, Labor et Fides, 1958, pp.198-199. 616 Jean-Benoît DELI, La discipline dans l’Église africaine, dissertation de fin de cycle, IBTM, 1998, p. 18. 617 Idem. 348 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique retirés 618 . « Il ne prend pas la Cène, ne participe à aucune réunion de l’Église ne prie pas dans l’assemblée, ne participe à aucun choix de responsables, presque tout lui est interdit » 619 . Lorsqu’un chrétien, après avoir commis un péché vient confesser sa faute devant un responsable et demande pardon d’une manière sincère, la faute est immédiatement pardonnée (on prie pour lui) 620 ou les sanctions lui sont allégées. Si le péché commis a été un scandale pour l’Église, il est mis sous discipline mais pas pour longtemps 621 . Pour accélérer le processus de son relèvement, le chrétien mis sous discipline doit demander pardon aux responsables, individuellement et lors des réunions 622 . L’objectif de cette discipline est de maintenir l’Église dans la sainteté et l’ordre au sein de la communauté. L’objectif est aussi que « les autres chrétiens craignent le Seigneur et ne pratiquent pas le mauvais exemple du fautif. Aussi pour que les chrétiens évitent le péché » 623 . Pour le pasteur TAUB Abel de l’Église du Réveil, « le but de la discipline est d’emmener l’homme à prendre conscience de la gravité de sa faute et de se repentir » 624 . La pratique de la discipline, bien qu’ayant pour but de ramener le chrétien pécheur sur le bon chemin, est souvent confrontée à des difficultés dans son application car comme le note Stefan SCHMIDT, « À part le but principal de la discipline dans l’Église qui est d’appeler le pécheur à la repentance, cette pratique est devenue un moyen de punition. 618 Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 19. Jean OUMEPIEU, Pasteur de l’UEESO cité par Jean-Benoît DEDLI, op.cit, p. 19. 620 Entretien avec le pasteur TOBO Bernard, octobre 2011. 621 Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 19. 622 Idem. 623 GOMMUN Jean cité par Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 20. 624 Abel TAUB, cité par Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 20. 619 Sanctions et retrogradations dans l’Église 349 Les femmes sont les plus concernées que les hommes, surtout celles qui ont été enceinte hors du mariage. Les buts peuvent être bien formulés. Cette pratique expose les femmes à la honte comme les pharisiens dans l’histoire de la femme adultère (Gn 8 :3-5.) plutôt que le pardon de Jésus. (Jn 5-10-11) 625 ». La discipline devient aussi parfois une occasion de vengeance. On se base sur des rancunes passées pour juger le fautif. La sanction devient alors un règlement de compte au lieu d’être une main tendue au fautif pour le ramener à l’ordre. Jean Benoit DELI relève en effet que : « Après la faute d’un frère, l’Église devant décider de la sanction à appliquer, il en suit de vives discussions. La décision prise ressemble parfois à un règlement de compte qu’à une décision spirituelle. La sanction vise alors la personne pour d’autres motifs, la faute n’étant qu’un motif pour contraindre quelqu’un au silence et à l’humilité » 626. En somme, dans sa marche vers la perfection, le chrétien UEESOCI, malgré ses efforts pour abandonner certaines pratiques, surtout celles liées à la tradition, reste confrontée à des problèmes de relations avec son prochain. Même dans la pratique de la discipline qui devrait être un moyen pour permettre au chrétien qui chute de se relever, on note des comportements qui ne peuvent qu’enfoncer ce dernier. 12.2 La rétrogradation à l’UEESO-CI La rétrogradation peut se définir comme un renoncement à la foi chrétienne. C’est pour le chrétien, le fait de se retirer de la communauté chrétienne et de retourner à la vie ancienne. Pour le Pasteur Michel 625 Stefan SCHMIDT, Le problème de la discipline ecclésiastique dans une autre culture, Werbst semester, 1996, p. 5. 626 Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 20. 350 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique LOH, « la rétrogradation peut être considérée comme un revirement. Cela suppose que le rétrograde avait effectivement été chrétien. Qu’il avait fait preuve de sa conversion à travers le baptême avant d’abandonner la foi chrétienne» 627 . Pour Moïse DOUMOUYA, la notion de rétrograde est difficile à aborder car la fin de chaque homme est un mystère. On ne peut connaitre la relation finale de l’homme avec son Dieu et on ne peut savoir s’il est sauvé ou non 628 . La discipline à l’UEESO-CI entraine rarement les rétrogradations. Cependant, il en existe quelques cas isolés. Nous avons l’exemple du pasteur Joseph GBEADA, œuvrant dans la région de Danané dans les années 1970, qui, après sa mise sous discipline pour infidélité conjugale, n’est plus retourné à l’Église 629 . A l’UEESO-CI, la discipline provoque plutôt des changements de communauté. En 1982, GLAO évoqua les sanctions disciplinaires comme l’un des motifs de son départ de l’UEESO-CI. Plusieurs pasteurs partageant ce point de vue le suivirent pour créer l’Église du Réveil 630 . Plus tard, en 2002, la suspension de 19 pasteurs par l’UEESO-CI a entrainé la naissance de l’Église « Torrent de vie », sous la houlette du pasteur Joachim ORE 631 . Les rétrogradations sont aussi provoquées par la confusion faite par certains chrétiens entre vie chrétienne et prospérité matérielle. Pour ceux-ci, la conversion doit être un abri contre la misère. Ainsi se convertissent-ils dans l’unique but d’améliorer leurs conditions de vie. En venant à Christ, ils visent un avantage matériel dont dispose l’Église ou attendent l’exaucement immédiat de leurs prières. Ils manifestent dès le départ un intérêt particulier pour les choses de Dieu. Mais lorsque l’appât qui les a attirés n’existe plus, ou lorsque l’exaucement des 627 Entretien avec le Pasteur LOH Michel, octobre 2012. Entretien avec Moïse DOUMOUYA, ancien responsable de l’Église de Cocody. 629 Entretien avec le Pasteur LOH Michel, octobre 2012. 630 Cf. La lettre de démission du pasteur GLAO, 1981. 631 Entretien avec le pasteur LOH Michel, octobre 2012. 628 Sanctions et retrogradations dans l’Église 351 prières tarde, ceux-ci quittent la communauté pour aller tenter leur chance ailleurs, et cela se traduit généralement par la rétrogradation. L’un des exemples palpables est celui des enseignants des écoles UEESO-CI. Certains d’entre eux auraient renié la foi chrétienne lorsqu’ils n’avaient plus la possibilité d’enseigner dans ces établissements. C’est le cas de M. GOKOUI François, qui, entre 1979 et 1980, ne pouvant plus donner des cours dans l’enseignement protestant, quitta l’Église 632 . En 1963, Jones BONGA, fils de l’évangéliste François BONGA dit avoir reçu la vocation pour le service de Dieu. Après sa formation au Cours Normal de Daloa, il fut envoyé en France pour approfondir ses études pastorales. Mais à son retour, il se détourna de la vie chrétienne pour servir à la station Total puis à Air Afrique. A partir de 1973, il ne partait plus à l’Église 633 . Plusieurs autres élèves s’étaient inscrits dans les écoles UEESO-CI avec la promesse de devenir serviteurs de Dieu à la fin de leur formation et ont pour cela bénéficié du soutien de la Mission et des Églises. Mais après leur formation, ayant découvert les opportunités qui s’offraient à eux, ils ont quitté l’Église pour éviter la pression des responsables. C’est même pour cette raison qu’à l’Assemblée Générale de l’Union de 1964, il fut décidé que chaque élève assure ses frais de scolarité 634 . Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI. Tel est l’intitulé du premier chapitre sur la pratique religieuse des fidèles de cette communauté qui fait l’objet de ce travail. Son développement nous a permis d’explorer les différents aspects du vécu quotidien des membres de cette Église et de faire un certain nombre de contacts. Les fidèles UEESO-CI accordent un intérêt très particulier aux séances de 632 Entretien avec le pasteur GNEPA Oberlin. Entretien avec le pasteur LOH Michel octobre 2012. 634 PV de l’AG de 1964, Archives de l’UEESO, non classées. 633 352 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique formation et sont aptes à abandonner les croyances et pratiques religieuses de leur milieu d’origine. Cependant deux problèmes majeurs empêchent beaucoup d’entre eux de vivre pleinement leur foi chrétienne : La permanence du péché sexuel et le manque d’amour. La communion fraternelle n’est pas entièrement vécue et les relations avec les non croyants ne sont pas toujours bonnes. Par ailleurs à cause de la misère, les chrétiens ont du mal à donner les offrandes et les dimes et à faire des libéralités. La discipline chrétienne qui constitue le moyen de correction et de maintien d’ordre au sein de l’Église fait souvent l’objet de contestation entrainant chez certains fidèles la rétrogradation ou le changement d’Église. Les rétrogradations sont aussi liées à la recherche effrénée d’un bien être social et matériel que l’Église ne peut pas toujours offrir. A ces difficultés qui constituent déjà un véritable souci pour l’Église, s’ajoute l’épineux problème des rivalités entre les Wê et les Dan qu’il convient d’expliquer dans toutes ses dimensions. 13 RIVALITÉS DAN ET WÊ : LUTTE DE LEADERSHIP OU ÉCHEC DE LA CONVERSION La composition sociologique de l’UEESO-CI révèle l’existence en son sein de deux groupes majoritaires, les Dan et les Wê, peuples voisins de l’ouest de la Côte d’Ivoire dont les relations ont toujours été caractérisées par des conflits. Les impératifs de l’évangélisation avaient imposé aux protestants un partage tacite du territoire, dans lequel les Dan et les Wê se sont retrouvés sous la juridiction d’une même mission, la MBCI. Devenus chrétiens, les Dan et les Wê qui se sont toujours regardés en ennemis, parviendront-ils à surmonter toutes les oppositions pour former le peuple de Dieu ? L’histoire de l’Union nous révèle que plusieurs crises opposant les frères Dan aux frères Wê jalonnent le parcours de cette Église. Comment doit-on interpréter cette rivalité ethnique dans l’Église ? Quels en sont les fondements et comment se manifestentelles ? Ne s’agit-il pas là d’un échec de la christianisation de ces peuples ? Les causes des rivalités entre les Dan et les Wê à l’UEESO-CI sont nombreuses et peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Dans un premier temps, il y a les causes profondes qui relèvent des relations conflictuelles anciennes entre ces deux peuples. Puis dans un second 354 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique temps, il s’agit des raisons immédiates liées à des soupçons réciproques des uns envers les autres. 13.1 Les causes profondes Depuis la période de la mise en place des Dan et des Wê dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, les relations entre ces deux peuples ont toujours été conflictuelles. Certes, les travaux scientifiques capables de présenter en détail ces différents conflits sont rares, mais la tradition orale constitue une source suffisamment fiable pour comprendre les raisons de ces conflits. Les informations sont donc quasiment tirées des sources orales. Elles ont été collectées auprès des peuples concernés, à diverses périodes et par divers auteurs. Le fait le plus marquant est que, tous les récits convergent quant à la nature des relations entre les peuples Dan et Wê depuis leur présence dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les Dan sont connus sous l’appellation contestable de Yacouba 635 et font partie des premiers habitants de l’ouest ivoirien. Ils seraient arrivés en Côte d’Ivoire en deux phases par la région de la ville de Nzérékoré en Guinée 636 . Déjà présents vers le VIIIe et IXe siècle dans la région de Touba, ils seront ensuite refoulés par les Malinkés 637 vers 1550. Certains s’enfuirent en Guinée pour former ceux qu’on appelle aujourd’hui Mannon et Gio au Libéria. A la période coloniale, 635 « Le terme lui-même fait l’objet de beaucoup de controverses quant à son origine, dont la plus plausible semble être le quiproquo intervenu entre le premier colon à avoir foulé le sol dan, sans doute le capitaine Laurent, et son hôte. En effet, alors que le premier demandait au second comment s’appelle son peuple, celui-ci aurait répondu "ya peu bhaa" ce qui signifie "il dit que" ». Cf. Gilbert GONNIN et René Kouamé ALLOU, Côte d’Ivoire, les premiers habitants, Abidjan, CERAP, 2006, 122 p., p. 55. 636 Gilbert GOUENTOUEU, Les conflits tribaux dans les Églises africaines, cas de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, mémoire de maîtrise en théologie, FATEB, 1993, 112 p., p. 37. 637 Gilbert GONNIN et René Kouamé ALLOU, op.cit, 56. Rivalités Dan et Wê 355 « foncièrement opposés à la présence française, ils menèrent de durs et longs combats contre elle avant d’être désarmés en 1921 » 638 En Côte d’Ivoire, l’ethnie Dan se compose de deux sous-groupes : les Manmennou Boutyoulemenou 639 640 , au nord dans le massif de Man et les , qui occupent la partie sud dans les régions de Danané Zouan-Hounien et Bin-Ouyé. Au plan socioculturel, les Dan font partie des Mandé sud et sont organisés sur le système de lignages autonomes qui constituent l’unité politique de base. La solidarité et la fraternité caractérisent les Dan. Elles ne reposent pas sur des liens consanguins mais sur l’appartenance à un même groupe humain 641 . « Chez les Dan, la religion consiste d’une part en l’adoration des esprits du terroir, et d’autre part en celle des ancêtres. A ce niveau, les masques jouent un rôle primordial car, selon les Dan, ceux-ci incarnent les esprits des ancêtres (…). Très pacifiques, les dans sont difficiles à calmer quand leur colère éclate » 642 Les Wè ou Wèhon sont les populations communément, mais improprement, appelées Wobè et Guéré 643 . Elles appartiennent au groupe krou qui comprend les Bété, les Dida, les Bakoué, les Niaboua, et les Kroumen. Elles occupent, dans l'ouest de la Côte d’Ivoire, les sous-préfectures de Facobly, Kouibly, Bangolo, Duékoué, Guiglo, Taï, 638 Raymond BORREMANS, Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte d’Ivoire, Tome2, Abidjan NEA, 1986, p. 173. 639 Ce qui signifie « les gens de Man » 640 « Les gens de la Forêt » 641 Raymond BORREMANS, op.cit, p. 3. 642 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 39. 643 Le terme « guéré » est la forme altérée de « Gué min » qui signifie en langue dan : les hommes de Gué. Cf. Capitaine Laurent, Monographie du cercle du Haut Cavally, 1912, cité par Alfred SCHWARTZ, La mise en place des populations guéré et wobé, in cahiers ORSTORM, vol4, 1968, pp.7-26. Le terme wobé quant à lui est une déformation de l’expression « wè bè » qui signifie dans la langue dioula qui signifie : « là-bas sont les Wê ». Idem, p. 8. 356 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Bloléquin et Toulépleu (situation administrativement 1980) 644 . Selon les traditions et à l’observation, les Wobé et les Guéré, ne forment en réalité, qu’un seul peuple, qui se donne le nom de Wè 645 . On retrouve les mêmes populations, sur la rive droite du fleuve Cavally, au Libéria. Elles y ont reçu le nom de Khran 646 . Le peuple Wê a une structure socioculturelle très fragmentée mais établie sous la forme d’une pyramide. Elle comprend des unités aussi bien territoriales que familiales qui se composent de groupements emboités les uns dans les autres. Ces unités sont constituées par l’ensemble des individus appartenant à un même groupe qui descend du même ancêtre. Cette descendance est patrilinéaire comme chez leurs voisins Dan. Par contre, les unités territoriales comprennent une confédération guerrière, un groupement de guerre ou d’alliance. Les Wê ont en commun avec les Dan certains aspects socioculturels. Il s’agit de la religion basée sur le culte des ancêtres et l’adoration des esprits à travers les masques. Tout comme chez les Dan, l’oralité constitue le plus important moyen d’éducation du jeune Wê. Par ailleurs, il convient de noter que les structures socioculturelles des Wê sont très complexes du fait que les groupes sont plus fonctionnels qu’institutionnels, plus vécus que pensés. SCHWART écrit à cet effet que « L’organisation de la vie Wê ne se fait jamais selon un schéma unique, mais reflète les conditions spécifiques dans lesquelles s’est développée la communauté ». Après cette brève présentation de ces deux peuples voisins présentant plusieurs points culturels communs, interrogeons-nous maintenant sur les raisons qui les poussent à s’affronter au point que, même devenus chrétiens, ils ne parviennent pas à s’accepter mutuellement. 644 L'histoire du peuple Wè fawan.org Gilbert GONNIN et René Kouamé ALLOU, op.cit, 43. 646 L'histoire du peuple Wè fawan.org. 645 Rivalités Dan et Wê 357 Les causes des conflits entre les Dan et les Wê sont nombreuses et remontent à la période de leur installation dans l’ouest ivoirien. Une tradition orale recueillie par Angèle GNONSOA, confirme l’ancienneté des hostilités entre ces deux peuples : « Il y a très longtemps, dans une région que l'on peut localiser dans le sud de l'actuelle République Populaire et Démocratique de Guinée, vivait un roi puissant et méchant. Ce roi, chaque fois qu'une de ses femmes donnait naissance à un enfant de sexe masculin, immolait un de ses notables. Ce fameux monarque avait pour nom Guila VOGUI. Une des femmes du monarque était sur le point d'accoucher, et si jamais elle donnait le jour à un petit prince, c'était le tour du notable Bhila DJOMI de perdre la vie. Bhila DJOMI, sentant approcher le jour funeste, prit une décision. Il réunit un conseil de famille et demanda à tous les siens de se préparer à fuir le roi cruel. Par une nuit noire, le notable et tous les siens quittèrent le village, emportant les provisions et les biens qu'ils pouvaient prendre. Son fils héritier, du nom de WE Gnanpè, conduisait avec lui le lignage en fuite. Après plusieurs jours de marche forcée, les provisions étaient épuisées. Ils étaient au pays du roi Yacouba, DAN Zogoin. Bila DJOMI a demandé et obtenu l'hospitalité du chef Yacouba. Ce dernier leur a offert de la place pour s'installer et des terres pour leurs cultures. Les deux communautés vivaient en si bonne entente que WE Gnanpè a été nommé chef de l'armée de DAN Zogoin. Il a conquis des territoires et des biens pour ce roi. Après la mort de Bhila DJOMI, WE lui a succédé en tant que chef du lignage. À la mort de DAN Zogoin, WE voulut s'emparer du pouvoir et devenir l'unique chef des Yacouba et des siens. Ce fut l'occasion d'une guerre dont les Yacouba, plus nombreux sortirent 358 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique victorieux. WE Gnanpè fut chassé avec les siens. Ils reprirent leur migration vers le sud à la recherche de nouvelles terres. Wè étant leur chef, ils sont alors connus sous le nom de Wègnon : des gens de Wè ou Wè tout simplement» 647. Cette tradition orale est d’une grande et d’une véritable valeur historique d’autant plus qu’elle nous renseigne objectivement sur l’arrivée des Wê en Côte d’Ivoire et sur l’ancienneté des relations conflictuelles qu’ils entretiennent avec les Dan. Les causes des conflits Dan et Wê sont d’abord d’ordre existentiel. « La lutte pour l’existence est l’une des causes qui met les différents groupes aux prises. Chaque tribu, outre la lutte qu’elle devait mener pour son existence contre la nature, devait soutenir une concurrence contre l’autre » 648 . C’est pourquoi, à la suite des rivalités et des collisions d’intérêts, de multiples guerres ont éclaté entre les Dan et les Wè dans les régions des villages de Souampleu, Yèleu et Guiétouo 649 . La recherche de l’honneur et de la réputation est aussi à la base des guerres tribales. DAVIE écrit à ce sujet : « la guerre constituait un procédé instantané pour s’attirer des distinctions, car les vertus militaires étaient honorées et portées aux nues » 650 . Les hommes prenaient plaisir aux guerres parce que, dans ces sociétés, les femmes aimaient les hommes qui ont donné des preuves de leurs prouesses, et les accueillaient avec les hymnes de louange. C’est ainsi que deux héros, KPAYON et GANGBEI, issus respectivement de l’ethnie Wè de Dan, se sont lancés par le passé, des défis qui, ont 647 L'histoire du peuple Wè, Propos formulés par l' Honorable Angèle GNONSOA, fawan.org. 648 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, 42. 649 Enquête orale réalisée par Gilbert GOUENTOUEU auprès de Mahan GLOUGBEU, notable, notable à Gouakatouo, Tieu YIANGBEU, notable à Yeleu et Toueu, planteur à Gouakatouo en 1992. 650 DAVIE, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 42. Rivalités Dan et Wê 359 finalement abouti à des guerres entre ces deux ethnies dans la région de Toulépleu à l’ouest de la Côte d’Ivoire 651 . Les rapts des femmes ou les mauvais traitements infligés aux ressortissants de l’une de ces ethnies pouvaient occasionner des conflits entre les deux peuples. La religion se présente aussi comme l’une des causes des guerres tribales parmi les peuples primitifs dont faisaient partie certainement les Dan et les Wê ; SUMNER écrit : « A toutes les époques, la religion a conduit l’homme à la guerre autant qu’a la paix, et dans les sociétés primitives, elle a exercé une influence très grande » 652 . C’est ainsi que les violations des lieux sacrés et de certains interdits relatifs aux pratiques religieuses, ont toujours engendré des guerres entre les Dan et les Wê. Il y a aussi des causes psychosociologiques des guerres parmi les peuples primitifs. Il est dit que : Chez ces peuples, toute personne d’un village situé au-delà du sien, était par lui dévisagé comme un étranger, et par conséquent, un ennemi. Ces causes expliquent pourquoi il existait d’incessantes luttes armées entre les Dan et les Wê à cette époque. Chacun des deux peuples regardait l’autre comme un étranger, et par conséquent, un ennemi à combattre. Les qualificatifs tels que mangeurs de signe, incirconcis, grimpeurs de palmiers et d’autre encore, étaient des épithètes de mépris et d’abomination qui causaient souvent les guerres 653 . Il s’agissait de véritables affrontements au cours desquels la maxime : « A la guerre comme en amour tout est permis, est loyal » était suivie à la lettre. Dans les guerres de subsistance, la collision pouvait être légère et sans importance si les ressources étaient abondantes pour peu d’hommes. Mais dans le cas contraire, les deux peuples se livraient un 651 Entretien avec KAKA, planteur à Gouakatouo. Cf. Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, pp.42-43. 652 SUMNER, cité par DAVIE, op.cit, p. 221. 653 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 43. 360 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique combat sans merci. Dans d’autres situations, les attaques se faisaient sous forme de guérillas au cours desquelles on faisait des prisonniers parmi les hommes 654 . Ces guerres entre les Dan et les Wê avaient des conséquences terribles telles que les tueries et les incendies de villages 655 . Les guerres avaient créé une telle haine entre les Dan et les Wè qu’aucun élément de deux ethnies ne pouvait, sans risque, tenter de visiter le territoire de l’autre. Il fallut attendre la colonisation et l’arrivée de l’Evangile pour que les guerres ethniques cessent, laissant la place à la haine et au mépris entre les deux peuples. 13.2 Les causes immédiates Elles sont en fait le prolongement des causes profondes, tant elles y sont liées. Même devenus chrétiens, Dan et Wê n’ont pas sincèrement enterré la hache de guerre. Avec l’arrivée de l’évangile, et surtout la naissance de l’UEESO-CI, les ethnies Dan et Wê, véritables ennemies d’autrefois, se retrouvèrent au sein des mêmes communautés. La structure de regroupement pratiquée par l’UEESO-CI en remplacement de celle des districts installée par les missionnaires, ne tenait plus compte des limites ethniques 654 656 . Cette nouvelle cohabitation, malgré Idem. Bien que ces guerres aient eu lieu à des périodes reculées où les sciences de statistiques n’étaient pas encore développées, les traditions orales s’accordent à dire qu’il y a eu beaucoup de mortalités. Dans le canton de Yoroleu, au Sud de la ville de Danané, la toute dernière guerre entre les Dan et les Wè a anéanti la presque totalité des guerriers présents à cette bataille. A cause des guerres, un village Dan reçut le nouveau nom de Guiétouo, ce qui signifie « sur brûlis », car ce dernier avait été plusieurs fois incendié par les Wè. Ce même village fut contraint de se décharger de son titre royal sur un autre clan de la tribu dan, afin de mieux se consacrer à la guerre. 656 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 50. 655 Rivalités Dan et Wê 361 son fondement biblique, n’a pas toujours pu maîtriser les vieux conflits endormis. Les soupçons et la recherche de l’honneur constituent les raisons essentielles des conflits entre ces deux peuples majoritaires à l’UEESOCI. D’abord, le vieux sentiment d’ennemi a fini par instaurer un climat de méfiance entre ces deux groupes. Le moindre geste de l’un est interprété par l’autre sous un prisme ethnique. Chacun est sur ses gardes et on attend toujours le moment favorable pour agir. En 1977, après la fête du cinquantenaire de la MBCI, plusieurs chrétiens furent informés du détournement par deux pasteurs Wê d’un fonds d’une valeur d’au moins un million de francs provenant de la vente des pagnes confectionnés à cette occasion. L’un d’eux fut remplacé par un autre pasteur Dan. Cette situation provoqua une grave crise entre les chrétiens de ces deux communautés. Les Dan accusant les Wê de détourneurs de fonds, et les Wê soupçonnant les Dan de complot pour leur arracher ce poste important. Des attaques verbales, des menaces furent proférées de part et d’autre par les chrétiens Dans et Wê 657 . De 1980 à 1986, un autre responsable Laïc de la tribu Wè, accusé de mauvaise gestion du Cours Secondaire Protestant de Daloa, fut licencié, malgré son dynamisme qui lui avait permis de changer cet établissement en un lycée de renommée nationale. Il fut frappé par une sanction. Dès lors, un conflit s’engagea entre lui et les dirigeants de l’UEESO-CI. Cette décision provoqua beaucoup de troubles, et les chrétiens Wè de son Église eurent des confrontations avec certains Dan de la même paroisse 657 658 658 . Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 50. GBEADA Jonas, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 51. 362 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique En fait, à l’UEESO-CI, le sentiment ethnique est tel que chaque individu est assimilé à son groupe ethnique, et on soupçonne toujours l’autre de vouloir faire le mal. La recherche de l’honneur constitue aussi l’une des causes des conflits Dan et Wê à l’UEESO-CI. Chacun des deux peuples se croit supérieur et exige de l’autre le respect. « En se référant aux événements guerriers qui ont opposé les deux tribus dans le passé, certains chrétiens Dan et Wè se considèrent les uns et les autres comme d’anciens esclaves » 659 . Nantis de ce préjugé, ils adoptent un comportement de supériorité qui engendre souvent des conflits, car de part et d’autre, aucun d’eux n’accepte d’être sous l’autorité de ceux qu’ils considèrent comme leurs anciens esclaves. Aussi, lorsque l’on regarde la composition ethnique des pasteurs à l’UEESO-CI, on se rend compte d’une forte proportion de Dan. Gilbert GOUENTOUEU écrit à cet effet : « En retraçant l’histoire de l’UEESO-CI, nous nous rendons compte que Dieu a suscité beaucoup d’évangélistes et de pasteurs du milieu Dan. Les Wè étaient orientés vers l’administration des œuvres médico-scolaires.» 660 Cette majorité Dan dans le ministère postal et dans les organes de décisions de l’Église est souvent source de conflits. Le mode de désignation des responsables étant par vote, les Dan cherchent à se maintenir au pouvoir en jouant sur la supériorité de leurs compatriotes dans l’Église. Cela crée un malaise chez certains de leurs frères Wè. « La situation conflictuelle s’accentue quand des responsables Dan se prennent pour les seuls héritiers de l’Evangile ou des hommes parfaits » 661 . Ces différentes raisons expliquent pourquoi les chrétiens Dan et Wê entretiennent très souvent des relations conflictuelles à l’UEESO-CI. 659 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 53. Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 50. 661 Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 53. 660 Rivalités Dan et Wê 363 Comment ces rivalités se manifestent-elles ? 13.3 Les manifestations des rivalités entre les Dan et les Wê Les manifestations des rivalités Dan et Wê à l’UEESO-CI sont souvent très choquantes. Elles vont des disputes entre fidèles ou responsables à de véritables affrontements faisant souvent intervenir le pouvoir temporel. En 1977, suite à l’affaire des pagnes du jubilé, le pasteur GLAO, un Wê, fut mis sous discipline. De sérieux troubles éclatèrent dans l’Église de Man poussant le missionnaire HUSSER à écrire ce qui suit : « Au moment de la mise sous discipline, une véritable guerre tribale éclata. Le pasteur fautif et les gens de sa tribu accusèrent violemment les Dan de s’être alliés aux Blancs pour faire complot injustement » 662. La situation était tellement tendue que plusieurs voix se firent entendre, entre autre celle de ce missionnaire : « Nous avons reçu votre lettre circulaire au sujet de la situation de l’église de Man et nous vous remercions de nous avoir écrit ces choses horribles. Que dire de tout cela ? Que dire ? Ce pasteur est réellement devenu un instrument du diable et s’il n’est pas freiné, il massacrera l’église de Man, du moins coté Wê. Une plus forte séparation Wê et Dan sera également inévitable. Quiconque a un tout petit discernement n’ira plus à la nouvelle chapelle mais à l’ancienne ou alors quelque part en brousse pour le culte ... c’est incroyable, absolument fou. Comment un bon serviteur de Dieu peut devenir en si peu de 662 HUSSER, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 54. 364 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique temps et seulement par orgueil un ouvrier de Satan ! C’est vraiment le cas de Saül ou pire encore ! » 663 Cette correspondance met à jour la gravité des rapports conflictuels entre Dan et Wê à l’UEESO-CI. Une décennie plus tard, une autre crise ethnique survient, affectant la communion entre les chrétiens de la région de Man. Il s’agit de la division de la cette région en deux régions distinctes : Man nord et Man sud. Suite à des incompréhensions et problèmes de leadership, la région de Man sera divisée en deux 664 . A voir de près, les raisons évoquées ont une coloration ethnique puisque, cette division met d’un côté les Dan à Man Nord et les Wè à Man sud 665 . Comme le souligne Gilbert GOUENTOUEU, « Il s’agit d’une crise ethnique qu’on essaie de couvrir par d’autres raisons qui ne sont toujours pas fondées ». Car on évoque le fait que les Yacouba de l’Église de Man accusent les Wobé d’avares, de gens qui ne donnent rien pour le soutien des serviteurs de Dieu 666. La manifestation de ces conflits se voit aussi à l’occasion des rencontres entre serviteurs de Dieu. Ainsi, comme le souligne le pasteur Agée de Kouibly : « Même pendant les Assemblées, lorsque les meilleures propositions ne viennent pas de notre groupe ethnique, nous les rejetons simplement parce qu’elles ne viennent pas de nous et vis-versa. C’est la même réalité avec les partis politiques 663 Correspondance de MIMTZENHEIN, ancien missionnaire à Man, Archives de l’Union (non classées). 664 Rodrigues KAYA, op.cit p. 70. 665 Les notions de nord et de sud ici ne sont pas forcément liées à l’emplacement géographique car certaines Églises de Man nord e retrouvent géographiquement derrière celle de Man sud. Les communautés des Quartiers Thérèse et Grand gbapleu par exemple. 666 Rodrigue KAYA, entretien du 26-03-2013 à 15h. Rivalités Dan et Wê 365 africains où l’on adhère non à cause de la pertinence de l’idéologie, mais par affinité ethnique » 667. 667 Entretien avec le pasteur Agée en 2009. 14 LES RIVALITÉS DAN ET WÊ : INSUFFISANCE DE LA CONVERSION OU ÉCHEC DE LA CHRISTIANISATION Les différents motifs cités plus hauts donnent lieu souvent à de véritables querelles qui traduisent, d’une part, l’échec de la christianisation du sud-ouest par la Mission biblique et, d’autre part, l’insuffisance de la conversion chez les croyants Dan et Wê. 14.1 Les rivalités entre les Dan et les Wê, un échec de la christianisation Les rivalités Dan et Wê à l’UEESO-CI traduisent un échec de la christianisation de l’ouest ivoirien, entreprise par la MBCI et poursuivie par les pasteurs et évangélistes locaux. Si l’objectif de la mission chrétienne est d’aboutir à une Église dans laquelle il n’y a ni Juif, ni Grec, ni Wê, ni Dan, au regard des nombreuses crises ethniques que traverse l’UEESO-CI, l’on est en droit d’affirmer que la MBCI a échoué dans cette mission. D’emblée, la forte présence de ces deux ethnies à l’UEESO-CI a fini par donner à cette Église un caractère régionaliste et ethnique. Cette situation va engendrer des conséquences néfastes empêchant une bonne pratique religieuse. Le premier impact du caractère régionaliste de l’UEESO-CI, c’est l’impossibilité d’étendre l’action missionnaire. On entend souvent dire, comme le remarque Rubin POHOR, telle Église est 368 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « L’église des Yacouba, l’église des Baoulé, l’église des Gouro » 668 et non plus l’Église de Jésus Christ. Aujourd’hui, après près de cent ans d’existence, l’UEESO-CI reste inconnue de plusieurs Ivoiriens. C’est seulement quelques chrétiens des Églises sœurs et des personnes ayant fait l’ouest du pays qui en ont une connaissance, souvent vague 669 . Le partage tacite de la colonie de Côte d’Ivoire entre les sociétés missionnaires a créé dans le protestantisme ivoirien ce que Daniel BOURDANE appelle le dénominationnalisme 670 qui a plusieurs impacts sur la vie de l’Église. « On s’est trouvé devant des églises ethnicisées et exclusivistes. En Côte d’Ivoire par exemple, la CMA sera liée à l’ethnie Baoulé au centre, et l’UEESO-CI aux ethnies Dan et Wê à l’ouest. Au Tchad, les Assemblées chrétiennes(ACT) sont liées à l’ethnie Mbaye et Gambaye. » l’Église Évangélique au Tchad à l’ethnie 671 L’une des conséquences est de voir chaque dénomination traîner derrière elle toutes les tares du groupe ethnique dont elle est le reflet 672 . Une affection filiale naquit alors entre les missionnaires et les communautés et les Églises qui les soutenaient et auxquelles ils rendaient compte. De ce paternalisme naquit donc le sentiment d’appartenance à une œuvre commune et le souci de préserver jalousement les rapports filiaux. D’où le protectionnisme des 668 Rubin POHOR, cité par Rodrigues KAYA, op.cit, p. 66. Au tout début de ce travail, nous avons procédé à une petite enquête en vue déterminer le degré de popularité de l’UEESO. Moins de 10 % des peronnes interrogés en avaient une connaissance, d’ailleurs souvent erronées. Certains l’assimilait « ces ministères chrétiens qui naissent partout aujourd’hui », d’autres l’assimilaient à une société. 670 Daniel BOURDANNE, Les évangéliques d’Afrique qui sont-il ?, Abidjan, PBA, 1998. 671 Daniel BOURDANNE, op.cit, p. 20. 672 Idem. 669 Rivalités Dan et Wê 369 missionnaires qui encouragèrent la création d’association nationales sous forme de dénominations. « Ainsi, au delà de l’unité prônée, l’évangile fut prêché aux Ivoiriens avec les particularismes issus des querelles et des divisions des églises d’origine des missions » 673 . A l’UEESO-CI, l’une des caractéristiques de ce paternalisme est la forte dépendance de l’Église vis-à-vis de la Mission Biblique. Déjà en 1970, 10 ans après l’autonomisation de l’UEESO-CI, Jean GLAO, alors président de cette communauté, dans une lettre à la Mission Biblique écrit : « L’église africaine a encore grandement besoin de missionnaires…son développement est freiné faute de personnel qualifié. C’est avec le cœur serré et les larmes aux yeux que nous constatons la rareté de vocations missionnaires pour la Côte d’Ivoire » 674 . Dès lors, la formation reste longtemps aux mains des missionnaires blancs qui agissent sous la direction de l’UEESO-CI. Au niveau financier, tous les projets de développement sont financés par la MBCI, les traitements des pasteurs sont en partie assurés par la Mission. En contrepartie, l’UEESO-CI ne peut rien décider sans l’accord de la Mission Biblique, de peur de perdre son soutien. Une décision importante, pour qu’elle soit applicable, doit être approuvée par la Mission Biblique. Ainsi, la base doctrinale de l’UEESO-CI de 1982, avant sa mise à la disposition des chrétiens, a du être approuvée d’abord par les comités européens de la MBCI 675 . C’est pourquoi, en 1981, à la suite de la grave crise qui allait entrainer la naissance de l’Église du Réveil, Jean GLAO, dans sa lettre de démission dénonce ce paternalisme qu’il présente comme « le 673 Kognon KEO, op.cit, p. 87. Jeanne DECORVET, p.249. 675 Voir la déclaration du 21 septembre 1982 de Jaques BLOCHER relative à la base doctrinale de l’UEESO, archives de l’UEESO, non datées. 674 370 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique téléguidage des autres (comités européens) » 676 avant de conclure : « Je ne veux pas être une photocopie d’une mission ou d’une organisation, mais une copie de Jésus-Christ et de sa parole » 677 . Le caractère régionaliste de l’UEESO-CI n’a pas favorisé son extension. Elle est restée une Église dénominationnelle avec deux ethnies majoritaires toujours en opposition. La mainmise officieuse de la mission-mère ou la forte dépendance de l’UEESO-CI de la MBCI ne la rend pas suffisamment responsable d’où son manque d’ambition. Aussi, l’incapacité de la Mission de bouter les rivalités entre les peuples Dan et Wê hors de l’Église constitue une véritable preuve de son l’échec. En effet, ces rivalités sont des rivalités locales anciennes que la Mission n’a pas su ou pu éteindre. Elle a même souvent favorisé son embrasement à travers des prises de position ou des déclarations partisanes comme celles de ce missionnaire : « Le pasteur fautif et les gens de sa tribu accusèrent violemment les Dan de s’être alliés aux Blancs pour faire complot injustement » 678 . L’autre responsabilité des missionnaires se situe au niveau de la formation et de la gestion des communautés et des serviteurs de Dieu. Pendant 35 années d’activités missionnaires dans le sud-ouest ivoirien, la MBCI n’est jamais parvenue à inculquer aux fidèles UEESO-CI une mentalité chrétienne caractérisée par une communion fraternelle sincèrement vécue. Quant au niveau des serviteurs, la qualité de leur formation reste à désirer. Entrés dans les écoles bibliques avec un niveau élémentaire pour la plus part, ils en ressortent sans une véritable connaissance de la Bible. 676 Jean GLAO, Lettre de démission adressée aux membres de l’assemblée des responsables de la région d’Abidjan, 24 avril 1981. Cf. Archives de l’Union, non classées. 677 Idem. 678 HUSSER, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 54, à propos du problème des pagnes du jubilé de 1977. Rivalités Dan et Wê 371 Le bas niveau d’instruction les oblige à ne travailler que parmi les gens de leur ethnie pour éviter les difficultés de communication. En définitive, la Mission a plus mis l’accent sur la quantité que sur la qualité des convertis, c’est fondamentalement, ce qui explique cet échec. Si les missionnaires n’ont pas pu jouer convenablement leur rôle comme nous l’avons vu plus haut, quelle est cependant la responsabilité des convertis eux-mêmes dans cette situation conflictuelle ? 14.2 Une insuffisance de la conversion Etant majoritairement composé de Wê et de Dan, peuples guerriers, l’Église se trouve sur une sorte de braises, facilement attisées par n’importe quel différend 679 . « Si tel est le cas, il se pose un problème existentiel et identitaire. Existentiel parce que la vie, le quotidien et les collaborations sont entourés de contingences qui biaisent l’harmonie et donnent d’avoir une mauvaise lecture des événements. Facilement un problème individuel est vu comme un problème de groupe ». Le problème existentiel relève impérativement la question de la nouvelle identité du chrétien. Qui est-il en réalité et que devient-il après sa conversion ? Peut-on vraiment attester que la conversion est sincère chez les chrétiens Wê et Dan ? En vérité, en considérant l’ampleur des conflits qui opposent ces deux peuples, l’on est en droit d’affirmer que leur conversion est une conversion superficielle. Lors des oppositions entre les chrétiens des ethnies Dan et Wê à l’UEESO-CI, des fidèles se sont livrés à des injures, à des bagarres, ils ont préféré l’esprit partisan et de division au lieu de l’unité prônée par l’Église. Des groupements sur la base ethnique sont nés au sein de 679 Rodrigues KAYA, op.cit, p. 58. 372 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’Église et les choix des leaders ne se font plus sur la base de la compétence mais plutôt sur celle de l’appartenance ethnique et de l’esprit d’agressivité et de combativité 680 . L’harmonie de la vie chrétienne a cédé la place aux calomnies, aux critiques, à la jalousie, à la haine, à toutes sortes de pratiques contraires aux prescriptions bibliques 681 . Les conflits ont aussi instauré un climat de méfiance entre responsables Wê et Dan, ce qui constitue un véritable frein à la communion fraternelle. L’image de l’Église est ternie aux yeux du monde bloquant ainsi l’avancée de l’évangile. Puisqu’il n’y a pas d’entente, il n’y a aussi aucune politique de développement de l’Église véritablement concertée et tout l’héritage missionnaire est tombé en ruine. Certains dirigeants cherchent à s’enrichir à tout prix, soit en procédant à des détournements de fonds, soit en vendant ou en confisquant des biens de l’Église. Ces nombreux problèmes empêchent l’Église de se développer normalement. « Si ces problèmes réussissent à gangrener une telle communauté l’on est en droit de se demander si la vision de la vie communautaire est bien perçue par l’ensemble des fidèles et de l’autre côté, si elle est bien enseignée par les pasteurs. En effet la nouvelle communauté à la quelle appartient tout enfant de Dieu a des préalables. La chair prend le dessus dans la résolution des conflits et des préjugés liés à l’appartenance ethnique refont surface : les Bété aiment palabres ; les Yacouba sont hypocrites ; les Wê aiment l’argent… » 682 680 Gilbert GOUENTOUEU, Les conflits tribaux dans les Églises africaines, cas de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, op.cit, p. 50. 681 Idem. 682 Rodrigues KAYA, op.cit, p. 58. Rivalités Dan et Wê 373 Concernant les Dan et les Wê, une opposition quasi permanente a lieu. Une lutte qui ne dit pas son nom persiste et se fait constater par des paroles et actes. Il s’agit d’une lutte qu’il faut repérer dans le domaine existentiel et identitaire. Là où l’un existe, l’autre n’est pas le bienvenu et vice-versa. Les procédures souvent engagées dans la résolution des conflits placent les frères d’emblée dans des postures antagonistes qui réduisent les chances pour une réconciliation vraie 683 . La notion de la communauté étant brisée, le leadership règle les conflits avec des démarches qui diabolisent autrui dès le départ. En somme, la conversion des Dan et des Wê à l’UEESO-CI est loin d’être sincère. Loin d’avoir abandonné les anciennes mauvaises pratiques, ils constituent de véritables pierres de chute pour les autres frères. La présence permanente aux programmes de formation et aux cultes n’est pas suivie par une véritable communion fraternelle. Chacun a conservé sa vieille nature et la vieille rivalité ethnique s’est transposée sans difficultés dans l’Église. Ce chapitre que nous venons de développer nous a conduit au cœur des crises ethniques qui opposent dans l’Église UEESO-CI les chrétiens issus des ethnies Wê et Dan. Nous avons interrogé l’histoire vécue de ces deux peuples et avons compris qu’il s’agit d’un conflit très ancien que ni la colonisation, ni la mission chrétienne n’ont pu éradiquer définitivement. Même devenus chrétiens, les Dans et Wê se sont toujours regardés en chiens de faïence. Au sein de l’église ils se sont livrés à des campagnes de dénigrement, à des oppositions farouches sur des petits détails, ont fragilisé la communion fraternelle et terni l’image de l’Église. Toutes choses qui porte à croire que ces deux ethnies n’ont rien compris de la notion de conversion qui prône l’unité constructive en Christ au 683683 Idem. 374 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique détriment du sentiment ethnique ou tribal qui ne fait que l’apologie d’un groupuscule de la grande famille humaine. QUATRIÈME PARTIE DE LA CRISE DOCTRINALE LATENTE DE 1974 A LA RUPTURE DE 1982 En 1973, un événement pourtant externe à l’UEESO-CI va jeter les graines de la division au sein de cette communauté encore très fragile, à cause de la non qualification des responsables. Il s’agit de la croisade de GIRAUD. Son mouvement, qui s’étendit de manière brusque, atteignit toutes les dénominations évangéliques. L’UEESO-CI en fut finalement le premier bénéficiaire. Mais les pratiques de GIRAUD, d’obédience pentecôtiste, vont faire l’objet de mésentente entre les responsables. Dès lors commence une crise doctrinale, d’abord latente, qui va éclater en 1982. 15 L’ACCUEIL MITIGÉ DU MOUVEMENT PENTECÔTISTE EN CÔTE D’IVOIRE L’aventure du pentecôtisme en Côte d’Ivoire, qui connut un essor particulier au lendemain des indépendances politique, fera l’objet d’une véritable controverse. Mais son pragmatisme et sa conformité aux aspirations des populations ivoiriennes vont accroître son aura et lui permettre de s’implanter solidement. 15.1 Le mouvement pentecôtiste et son implantation en Côte d’Ivoire 15.1.1 Bref aperçu du mouvement pentecôtiste Le pentecôtisme 684 est apparu aux États-Unis au début du XXe siècle et trouve son origine dans deux « réveils » 684 685 religieux vécus par Il est difficile d’établir avec précision des contours de ce mouvement protestant. C’est donc à raison que Jean-Paul WILLAIME affirme que : « le pentecôtisme est un monde religieux dont il n’est pas facile d’établir les contours. Les églises et groupes religieux qui dans les cinq continents, s’en réclament et / ou que l’on peut ranger sous ce vocable sont d’une extrême variété et chaque cas mérité une étude approfondie » Cf. Jean-Paul WILLAIME, « Le pentecôtisme, contours et paradoxe d’un protestantisme émotionnel », Archives des Sciences Sociales des Religions, n°105, Janvier-février 1999, pp.5-28, p. 5. 685 Le terme « réveil » est fréquemment utilisé pour signifier la re-naissance vécue suite au baptême de l’Esprit Saint. 378 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Charles F. PARHAM et William J. SEYMOUR 686 . Il se rattache aux enseignements de John WESLEY et aux pratiques méthodistes sur la sanctification comme expérience subjective de la conversion. Mais il se distingue au sein de la grande famille des protestants évangéliques par sa doctrine du baptême dans l’Esprit et son insistance sur la réactualisation des charismes de l’Église primitive » 687 . La volonté des premiers pentecôtistes était de revenir aux sources de l'Église primitive et de revivre l'expérience des temps apostoliques, plus particulièrement du jour de la Pentecôte. La particularité théologique des pentecôtistes est de penser qu'en plus de la présence du Saint Esprit dans le croyant à travers la nouvelle naissance, il y aussi un revêtement de puissance communiqué lors d'une expérience particulière appelé baptême de l'Esprit. Gabriel TCONANG remarque à cet effet : « Il reste avéré que le baptême dans l’Esprit reste et demeure la clé de voute du mouvement. Ce baptême se déploie et s’actualise dans des manifestations charismatiques. L’individu se voit investi de dons surnaturels se manifestant à l’extérieur par des signes visibles, souvent d’ordre extraordinaire. C’est à l’Esprit Saint que revient ce rôle. Tout est ici d’ordre pneumatologique. Sans cette expérience du baptême dans l’Esprit, le pentecôtisme n’aurait pas sa raison d’être. Il s’agit d’un investissement du Saint Esprit dans le croyant qui le rend capable d’opérer de 686 Chiarella MATTERN, Approche transversale des Églises Pentecôtistes : Introduction et perspectives, Université catholique de Louvain Faculté de sciences économiques, sociales et politiques Année académique 2007 – 2008 ; p. 2. 687 Laurent AMIOTTE-SUCHET, Pratiques pentecôtistes et dévotion mariale : Analyse comparée des modes de mise en présence du divin, thèse de Doctorat de sociologie, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Section des sciences religieuses, 2006, p. 138. L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 379 manière peu ordinaire des actes de puissance. Le Saint Esprit en est l’agent principal 688. » Celui-ci confère au croyant des dons particuliers comme le parler en langue, la prophétie ou la guérison divine. Ces dons de l'Esprit ou charismes sont énumérés dans la première Epître de Paul aux Corinthiens 689 . TCHONANG conclue que : « Le pentecôtisme est une religion de l’expérience : l’expérience du transcendant qui se donne à percevoir. La doctrine des œuvres est ici de retour, mais aux antipodes de la doctrine des œuvres avant la Réforme. Les œuvres sont ici celles du Christ par et dans l’Esprit Saint et non celles du croyant. L’on part des promesses du Christ au croyant, d’opérer comme lui des prodiges et l’on déduit le caractère ordinaire de cette opération. L’extraordinaire est du point de vue de celui qui se situe à l’extérieur de la promesse. » 690 Relevons que cette approche purement pneumatologique du pentecôtisme n’est pas partagée par l’ensemble des chercheurs. Ainsi Steven A. Gritzmacher, Brian BOLTON et RICHARD H Dana, dans un travail sur les traits psychologiques des pentecôtistes, trouvent dans la glossolalie, élément essentiel du pentecôtisme, un défoulement émotionnel et exutoire pour l’anxiété et l’angoisse : « Les frustrations émotionnelles, écrit GRITZMACHER, sont pratiquement inhibées jusqu’à ce qu’elles émergent dans le comportement glossolalique. Dans l’histoire de ceux qui se convertissent au pentecôtisme, l’on peut très souvent trouver des 688 Gabriel TCHONANG, L'essor du pentecôtisme dans le monde: Une conception utilitariste du salut en Jésus-Christ dans le monde, Paris, l’Harmattan, 2009, 446 p.., p. 153. 689 Voir 1Corinthiens 12 v1ss. 690 Idem. p. 177. 380 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique traits d’aliénation personnelle ou sociale concomitamment avec des sentiments de culpabilité qui peuvent être soulagés pendant la catharsis glossolalique. D’autres avantages thérapeutiques incluent l’amélioration de l’estime de soi et la réduction de l’anxiété en plus avec le facteur groupal qui joue un rôle dans le processus de guérison en lien avec des actes individuels de glossolalie 691. » Pour Jean-Paul WILLAIME le pentecôtisme doit être conçu comme une nébuleuse, « un concept régulateur à travers lequel divers groupes expriment leur appartenance à un même monde religieux », « un réseau d’Églises locales dépourvues d’autorité centrale et qui se regroupent au sein d’organisations supralocales », « un protestantisme émotionnel qui privilégie l’expérience religieuse hic et nunc par rapport aux énoncés doctrinaux et liturgiques d’une quelconque tradition 692 ». L’approche de WILLAIME semble la plus complète et la plus objective surtout lorsqu’il affirme que : « Le pentecôtisme est un protestantisme émotionnel soulignant l’immédiateté de l’action divine et son efficacité, offrant une certaine plasticité doctrinale et liturgique et présentant une forte capacité d’interaction avec les cultures religieuses. Une expression religieuse qui, en fonction des moyens de communication qu’elle privilégie (hymnes, parlers en langues, rêves, formes spontanées de cultes) s’avère particulièrement apte à se couler dans des cultures et des langues très diverses permettant à des individus d’être pleinement eux-mêmes, tout en 691 S. GRITZMACHER et alii, Psychological characteristics of Pentecostals, a literature review and psychodynamic synthesis, in : Journal of psychology and theology, 16, (1993), p. 238. cité par TCHONANG, op.cit, p. 166. 692 Jean-Paul WILLAIME, « Le pentecôtisme, contours et paradoxe d’un protestantisme émotionnel », in Archives des Sciences Sociales des Religions, n°105, Janvier-février 1999, pp.5-28, p. 14. L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 381 étant pentecôtistes. Une religion de l’émotion et de la puissance à laquelle s’applique fort bien cette remarque de Durkheim dans "Les formes élémentaires" (1912) : "Le fidèle qui a communié avec son dieu n’est pas seulement un homme qui voit des vérités nouvelles que l’incroyant ignore ; c’est un homme qui peut davantage. Il sent en lui plus de force soit pour supporter les difficultés de l’existence, soit pour les vaincre. Il est comme élevé au dessus des misères humaines parce qu’il est élevé au dessus de sa condition d’homme ; il se croit sauvé du mal, sous quelque forme d’ailleurs qu’il conçoive le mal. Le premier article de toute foi, c’est la croyance au salut par la foi" 693 ». Ce mouvement religieux se situe dans les prolongements du protestantisme avec lequel il partage les trois affirmations fondamentales : l’autorité souveraine de la Bible en matière de foi, le salut par la foi qui est le don de Dieu et la force du témoignage intérieur du Saint-Esprit 694 . Les Églises pentecôtistes se font les témoins de « l'Evangile aux quatre angles » : Jésus sauve, baptise, guérit, revient. 695 Le pentecôtisme est rapidement marqué par une expansion mondiale et un caractère transnational touchant d’abord l’Afrique et l’Amérique Latine, pour se déplacer ensuite vers l’Asie et l’Europe 696 . Suivant les sources, le nombre de Pentecôtistes classiques varie de 150 millions à 230 millions dans le monde. En ajoutant les Églises charismatiques et néo-pentecôtistes et les Églises indigènes non blanches qui sont souvent d'origine pentecôtiste, le recensement de juin 2000 avance le chiffre de 500 millions de fidèles. On remarque 697 donc que ce nouveau mouvement touche principalement les pays du Tiers-monde et connaît actuellement une 693 Jean-Paul WILLAIME, op. cit, p. 15. Chiarella MATTERN, op.cit, p. 2. 695 www.protestants.org, consulté le 05-07.2012 à 16h. 696 Chiarella MATTERN, op.cit. p. 6. 697 International Bulletin of Missionary Research, in www.protestants.org. 694 382 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique réelle expansion le rendant aujourd’hui également présent au sein des pays dits « développés ». A travers le temps, on remarque que les Églises dites de Réveil ont toujours trouvé essentiellement écho auprès des populations immigrées, paupérisées, analphabètes et souvent victimes d’une série de mécanismes d’exclusion 698 . N’est-ce d’ailleurs pas pour cette raison que Lalive D’ESPINAY affirme que : « Le pentecôtisme est, d’une part, l’expression de la misère réelle et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. C’est le soupir de la créature accablée, le sentiment d’un monde sans cœur, comme l’esprit des temps privés d’esprits 699. » En Côte d’Ivoire, l’implantation de ce mouvement dès l’aube des indépendances ne va pas être appréciée de la même façon par les communautés religieuses déjà en place. 15.1.2 L’implantation du pentecôtisme en Côte d’Ivoire « Si l’on excepte quelques efforts de missionnaires pentecôtistes indépendants qui ont tous plus ou moins échoué (…) ce sont les Assemblées de Dieu françaises qui furent les premiers pentecôtistes à prendre pieds en Côte d’Ivoire » 700. L’Église des Assemblées de Dieu s’implante en pleine période de mise en valeur de la colonie de Côte d’Ivoire, d’après le pasteur KOUDOU Zama Jérémie : « En 1950, à la demande du Commandant Français Poupel et sur convocation de Ino Gnepa, chef canton de Kpatokla, toute la population se mobilise pour bâtir un pont sur la rivière Hana. Après la fin de ces travaux, Gabriel Gnawé Gnepa de Beoué (village de la sous-préfecture de Grabo) sera victime d’un 698 Chiarella MATTERN, op.cit. p. 2. Lalive D’ESPINAY, cité par Chiarella MATTERN, op.cit, p. 2. 700 Charles Daniel MAIRE, op.cit, pp. 217-218. 699 L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 383 empoisonnement. Voyant qu’il n’obtenait pas la guérison malgré tous les soins qui lui étaient administrés, son entourage lui conseilla d’aller au Libéria pour se faire soigner. Il s’y rendit donc et rencontre son meilleur ami, Victor Teké Nowan, pasteur à l’Église des Assemblées de Dieu du Libéria. Celui-ci, voyant son état critique, lui parla de Jésus. Gabriel Gnepa confesse ses péchés et reçoit le Seigneur Jésus-Christ comme son sauveur personnel. Ensuite, le pasteur Nowan prie pour la guérison de son corps. Rien d’apparent ne se produit. Mais le Seigneur Jésus qui exauce toujours les prières touche Gabriel pendant son sommeil. Le matin, il est guéri de son mal. Après sa guérison, Gnepa revient dans son village natal pour rendre témoignage. Il parle de sa guérison à Dibo Gbolé. Celui-ci accepte de se joindre à lui. Dibo Gbolé avait une femme qui ne concevait pas. Mais suite à la prière de Gnepa, elle conçoit et enfante une fille. Suite à cela, plusieurs villageois abandonnent leurs fétiches et viennent à Jésus-Christ. L’Église des Assemblées de Dieu en Côte d’Ivoire venait ainsi de naître » 701. A Abidjan, il semble que c’est grâce à des voltaïques, vivant en Côte d’Ivoire, que l’Église a pu s’implanter, comme le relève le pasteur SORO Michel : « Entre 1956 et 1957, un frère du nom de Gédéon venu du Burkina Faso, a évangélisé un groupe de personnes dont le vieux Abraham, le frère N’guessan Emmanuel et d’autres. Ceux-ci avec le frère Gédéon commencent des moments de prière à Katadji où ils se trouvaient. Selon un témoignage, un jour qu’ils étaient en prière, ils entendirent les anges chanter dans les cieux preuve que Dieu était réellement avec eux. Quelques temps 701 Jérémie KOUDOU Zama, « L’Église des Assemblées de Dieu (origine de l’Église) », Nos racines racontées, op.cit, pp.247-248. 384 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique plus tard ils créent par le biais de l’évangélisation porte à porte, une cellule de prière à Adjamé, chez le vieux Abraham » 702. Parmi ces premières communautés, travaillaient les missionnaires français, M. et Mme Pierre LARQUERE 703 . En 1973, à l’occasion de l’inauguration de leur nouvelle chapelle d’Adjamé, les Assemblées de Dieu organisèrent une semaine d’évangélisation avec le pasteur Jacques GIRAUD 704 . L’ampleur pris par ce programme dépassa toutes les attentes et bouleversa l’ordre au sein du protestantisme ivoirien 705 . La réaction de l’Église catholique fut vigoureuse : « Nos fidèles assistent en très grand nombre aux réunions publiques du pasteur GIRAUD. Nous sommes donc parfaitement au courant de tout ce qui s’y passe (…). Certains catholiques commencent à dire que nous sommes des égoïstes. Vous avez, nous disent-ils, le pouvoir d’en faire autant et vous attendez que ce soit un étranger qui vienne guérir nos malades. Devant un tel engouement, il est nécessaire que les fidèles fassent preuve d’un sens critique d’adulte. (…). En l’absence de l’archevêque d’Abidjan, Mgr YAGO, et de l’évêque auxiliaire Mgr YAPI (…), j’ai demandé aux prêtres d’expliquer dans toutes les églises de Côte d’Ivoire, le vrai sens des miracles (…), L’Église catholique s’est toujours montrée prudente à l’égard des miracles. (…) "Les malades, avant d’aller à Lourdes, passent au préalable des 702 Michel SORO, « Les Assemblées de Dieu, Histoire, Structures projets et défis », in Nos racines racontées, op.cit, p. 248. 703 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 218. 704 Il y a une petite polémique sur les motifs de la présence de GIRAUD à cette semaine d’évangélisation. Pour Charles Daniel MAIRE, GIRAUD était juste de passage (Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 218), tandis que Michel SOUMAHORO soutient que ce dernier a été invité spécialement pour organiser des croisades vue l’affluence à cette cellule (Michel SORO, op.cit, p. 248). 705 Supra, 129. L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 385 consultations, sont suivis et fichés (…). Nous sommes dans une époque où la science s’efforce d’expliquer rationnellement tous les faits. L’Église doit suivre ce courant de pensée et elle croit de moins en moins aux miracles. Je ne dis pas pour au moins que le pasteur GIRAUD n’arrive pas à guérir certains malades » 706. Les musulmans sont plus nuancés. Pour El Hadj Diakité, Iman d’une mosquée de Treichville : « Dieu peut se manifester sous différentes formes. Il peut se manifester à travers cet homme dont on parle tant à travers la ville. Je n’irais certainement pas me confier personnellement à lui, mais je ne peux pas non plus dire aux musulmans de ne pas aller le voir. Un homme qui parle de Dieu et de la foi, de l’amour entre les hommes, a toujours droit au respect » 707. Il semble que les méthodistes n’étaient pas portés à encourager le mouvement. Mais comme beaucoup de méthodistes se rendaient au stade, les responsables s’abstinrent de réagir jusqu’à ce que le pasteur MABILLE de la paroisse du Plateau dans une prédication affirme sa foi dans les miracles. Le message fut diffusé dans les Églises méthodistes et de nombreux responsables de cette communauté purent se rendre à la croisade 708 . C’est surtout dans les milieux évangéliques et plus particulièrement à l’UEESO-CI que la croisade va occasionner de graves problèmes. Ces problèmes sont nés du fait que le mouvement GIRAUD n’a pas été apprécié de la même façon par tous les responsables de l’Église. 706 Abbé COTY, vicaire apostolique, cité par J. KOUAME, I.D, n°119 du 20 mai 1993, p. 6. 707 El Hadj DIAKITE, cité par J. KOUAME, I.D, n°119 du 20 mai 1993, p. 7. 708 Voir Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 230. 386 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 15.2 Le succès du pasteur GIRAUD et la naissance d’une fraction divergente à l’UEESO-CI : 1974-1980 La première attitude des missionnaires de l’UEESO-CI fut le scepticisme voire la méfiance vis-à-vis du mouvement 709 . Mais très vite, ce scepticisme fit place à une approbation surtout quand les missionnaires se rendirent au stade et constatèrent que : « l’évangile est prêché, le péché vivement dénoncé et la guérison à la seconde place » 710 et comprirent que le mouvement d’opinion créait des occasions inespérées pour la prédication de l’évangile. Et lorsque, par la suite, des villages jusque là réfractaires à l’évangile arrivaient des appels sur les stations missionnaires, les réserves furent mises à l’écart 711 . Mais lorsque GIRAUD accepta d’étendre la croisade aux principaux centres du pays, les problèmes commencèrent. Lorsqu’il se rendit à Man, le malentendu entre GIRAUD et les responsables locaux de l’UEESO-CI se produisit au grand jour. D’après un responsable local interrogé par Charles Daniel MAIRE : « Le Président de l’UEESO-CI désirait que M. GIRAUD ait l’occasion de faire profiter nos serviteurs de Dieu de son expérience. Ainsi, quand M. GIRAUD m’a proposé d’avoir une étude biblique avec les responsables de la région de Man, j’ai accepté et averti ces responsables qui étaient d’accord. Les deux premières études se passèrent très bien (…) c’est quand M. GIRAUD a abordé la nécessité de pratiquer la guérison dans l’évangélisation que le désaccord s’est fait sentir. M. BLEUKEUHOUA a exprimé ouvertement son désaccord et M. GIRAUD lui a brusquement coupé la parole. (…) La réunion s’est terminée par des prières fort bruyantes, des jeunes des A.D. 709 Idem. Ibidem. 711 Plus de 40 villages se seraient ouvert à l’évangile pour le compte de l’UEESO selon les responsables de cette église. 710 L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 387 qui accompagnaient GIRAUD. Cela ne m’a pas plu et je suis sorti ». 712 Deux éléments essentiels apparaissent comme les motifs du désaccord. Premièrement, la nécessité de pratiquer la guérison dans l’évangélisation. Deuxièmement, les prières bruyantes. Ces deux éléments essentiels sont au cœur des crises qui minent l’UEESO-CI jusqu’aujourd’hui. Les malentendus de 1974 à Man allaient provoquer la naissance de deux tendances diamétralement opposées et ce malgré les efforts de conciliation : les conservateurs ou l’Union et les progressistes ou réformistes 713 ou encore appelés charismatiques. Pour les conservateurs, il faut rester attacher à l’enseignement donné par les missionnaires, au risque de les décevoir, vu les efforts qu’ils ont consentis pour la naissance de l’UEESO-CI et rester fidèle aux textes de l’Union. Pour les réformistes, l’enseignement donné par les missionnaires est incomplet. Plusieurs vérités bibliques sont restées cachées et il faut les retrouver et les mettre en application. En effet, d’après les propos d’un partisan recueillis par Charles Daniel MAIRE : « Nous avons vu avec GIRAUD des choses qu’aucun missionnaire de la Mission Biblique ne nous avait jamais fait voir. Il est impossible de rester indifférent devant ces foules de gens attentifs et les transformations incroyables qui s’opèrent. (…) GIRAUD est entièrement disponible et désintéressé. Il travaille avec une certaine ardeur que je n’arrivais plus à le suivre partout. (…) Quand il est quelque part, il se passe toujours quelque chose. Nous étions invités à Siably pour 712 713 Voir Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 231. Les termes de conservateurs, progressiste et réformistes sont de nous. 388 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique manger, une foule s’est immédiatement rassemblée. Une femme possédée s’est approchée et M. GIRAUD a immédiatement chassé le mauvais esprit. Cela se passe constamment. Sa foi en la puissance de Jésus est bouleversante, sa façon de prendre les promesses au mot, bouleversante. » 714 « Les leaders (laïcs, pasteurs ou évangélistes) les plus pentecôtisants étaient aussi ceux qui acceptaient le plus difficilement le contrôle plus ou moins direct des missionnaires » 715. Après le passage de GIRAUD, les charismatiques introduisirent ses pratiques dans des Églises de l’Union (prophéties, parlers en langue, prières d’ensemble…) au grand dam des conservateurs, d’où l’éclatement d’une crise ouverte. Les charismatiques étaient soutenus par le Pasteur GLAO, alors Président de l’Union et était quasiment d’accord avec les pratiques de GIRAUD : « Sur le plan doctrinal, il est vraiment biblique car il prend la parole de Dieu au pied de la lettre. Selon lui, tout ce qui est consigné dans la Bible est la parole de Dieu, donc il n’y a rien à négliger » 716 . Sous son mandat, les charismatiques jouissaient donc d’une certaine liberté d’action malgré l’opposition de certains pasteurs : « En 1977, Il organisa en 1977 le jubilé de la Mission Biblique qui, par les défilés au son des fanfares et les pagnes uniformes, eut un retentissement dans tout le pays. En effet on distinguait les chrétiens de la MBCI des autres dénominations et amenait les païens à se donner au Seigneur. Il organisa aussi une commission appelée C3 (commission des comités charismatiques de Côte d’Ivoire). Cela provoqua les murmures selon lesquelles 714 Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 233. Idem. 716 Jean GLAO, La campagne de M. J. GIRAUD, (appréciation de M. J.GLAO), multigraphié, s.l.s.d.2 p. 715 L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 389 il introduisait des pratiques anti-statutaires ainsi on l’ôta de la tête de l’UEESO-CI » 717. Il est clair que cette affirmation manifeste beaucoup de zèle à l’égard de la thèse servie, mais il faut tout de même reconnaître que c’est à partir de cette période que la crise à l’UEESO-CI a pris une dimension inquiétante qui aboutira au schisme de 1982. 15.3 Le jubilé de 1977 et le début des tensions entre l’Union et les charismatiques L’année 1977 fut pour l’UEESO-CI une année mémorable. Cette année là marquait le cinquantième anniversaire de la Mission Biblique dont l’UEESO-CI est la « fille ainée 718 ». L’année précédente, en 1976, la Mission Biblique avait décidé de s’effacer définitivement devant l’UEESO-CI qui devenait propriétaire de tous les biens de la mission. Elle devait désormais gérer pour son propre compte les écoles primaires, le collège protestant de Daloa, la pouponnière de Man, les foyers, l’institut… 719 Le pasteur Jean GLAO, en accord avec les autres responsables et la mission, organisa une grande fête pour célébrer « 50 ans de combat, d’épreuves, de victoire et de joie » 720 . Car en fait selon GUENEMAN, J.C, « Que de chemins parcourus ! Des vagues écumeuses et des bourrasques s’étaient jetées contre la frêle embarcation qu’était l’UEESO-CI. Elle avait tangué, oscillé mais elle était restée solide, aussi solide qu’une citadelle ! C’était un miracle. Il fallait marquer cela par de grandes réjouissances populaires : c’était le jubilé du cinquantenaire, l’heureuse occasion pour les chrétiens 717 James KRABILL (Dir.), op.cit, p.251. La MBCI a aussi des missionnaires ailleurs et particulièrement en Haïti. 719 Cf. Convention de Janvier 1976. 720 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit p. 147. 718 390 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique de témoigner de leur reconnaissance envers le Seigneur, le ToutPuissant qui, malgré les vents et marées, a tenu solidement et jalousement dans ses mains les Églises de l‘UNION » 721. La cérémonie d’ouverture placée sous la haute présidence du Président de la République, était présidée par Mathieu EKRA, alors Ministre d’État chargé de la réforme des sociétés d’État. Dans toute l’Union, la fête débuta par un défilé grandiose. La Mission Biblique était représentée par le Pasteur Marc ADGET de Paris. Le lendemain, la cérémonie proprement dite débuta par l’importante et magistrale allocution du Pasteur GLAO, mettant en exergue la foi audacieuse de RICHARD et de sa femme 722 , la fidélité et la puissance de Dieu 723 .A l’issu de ce jubilé, plusieurs problèmes se signalèrent. Le premier concerne la gestion des pagnes uniformes du jubilé. Des hauts responsables de l’UEESO-CI furent accusés d’avoir détourné l’argent du pagne 724 . Le second problème fut celui des charismatiques. A cause de ce que pendant le jubilé de 1977, le Président de l’UEESO-CI, favorable au mouvement avait favorisé la création d’une commission dénommée C3 ou Commission des Comités Charismatiques 725 . Selon le pasteur du Réveil, Etienne O. : « Cette commission regroupait les différentes dénominations pentecôtistes telles que les Assemblées de Dieu, la 721 Idem. Il s’agit du couple RICHARD, pionniers français de l’UEESO. 723 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit,p 148. 724 Cette question est souvent évoquée par les responsables UEESO, mais aucun d’entre eux n’ose citer des noms et expliquer clairement les faits. Même dans les rapports des comités de l’Union, on évoque le problème sans commentaires. Voir par exemple le rapport du Président du comité (1982), archives de l’Union, non datées. 725 Etienne OULOUZI, L’Église Évangélique de Réveil en Côte d’Ivoire (EERCI), in Nos racines racontées, op.cit, p. 252. 722 L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 391 Mission Biblique, la WEC, les baptistes et les méthodistes qui organisaient chaque année de retraites spirituelles » 726 . Cette initiative mal acceptée provoqua des murmures comme quoi, Jean GLAO introduisait dans la dénomination des pratiques antistatutaires 727 . Ce remous est aggravé par la crise économique des années 1980 qui exposa l’Église à des problèmes financiers très sérieux, donc à d’énormes difficultés dans le fonctionnement des œuvres. L’enseignement protestant UEESO-CI était l’un des domaines les plus touchés par cette situation d’où une régression inquiétante dans la marche des écoles. Les difficultés qu’elles rencontrent sont nombreuses : « L’appauvrissement des recettes d’écolages, faibles effectifs, taux d’écolage très bas, Insuffisance et retard des subventions octroyées par l’État, personnel payé au-dessus des moyens de l’Union (salaires exorbitants), découverts et agios bancaires importants, charges sociales et impôts trop élevés, paiement des loyers des enseignants, manque de fonds de roulement, nombre pléthorique d’enseignants déchargés et payés gratuitement » 728. À cela s’ajoute l’épineux problème de la gabegie financière et du favoritisme. En 1983, le comité de l’UEESO-CI donne des avertissements à plusieurs responsables soupçonnés de mauvaise gestion 729 . Trois années plus tard, ces derniers sont demis de leurs fonctions pour fautes lourdes 730 . Du côté des enseignants, les grèves se multiplièrent soutenues par des actes de vandalisme. Des jeunes enseignants de Man en ce début des 726 Idem Ibidem. 728 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit,p 219. 729 Voir rapport de la rencontre du comité de l’Union 1983, Archives de l’Union, non classées. 730 Voir rapport de la rencontre du comité de l’Union 1986, Archives de l’Union, non classées 727 392 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique années 80, bâtèrent copieusement un pasteur, leur directeur financier pour sept mois de salaires impayés : « Des quinze inculpés qu’ils étaient dont deux absents à l’audience, dix instituteurs de l’enseignement protestant évangélique de la direction de Man, ont été reconnus coupables des faits à eux reprochés. Ils ont, en association, frappé à sang un pasteur, leur directeur financier. Ils ont en outre exercé sur lui, violences et voies de faits avant de le détenir arbitrairement dans une « cachette », une maison inachevée au quartier Domoraud de Man. Chacun des dix coupables a écopé d’une peine de six mois de prison avec sursis, assortie d’une amende de 30.000f. » 731 Au même moment, des problèmes ethniques et de leadership s’intensifient. En 1984, une grave querelle entre responsables de Man conduit à une scission. Les raisons de cette « décentralisation » sont diverses. Pour M. Elie KOH, représentant de Man I (Yacouba), « La décentralisation de la région n’est pas le fait du hasard, mais c’est à partir d’un vieux problème linguistique auquel s’ajoute celui des collectes et des cotisations. Il y a toujours une faible participation de Man II (Facobly, Kouibly, Bangolo) 732 ». Pour SOHOU Maurice, « le problème de Man n’est pas purement d’ordre linguistique comme le présentent les rapports de Man I et II. C’est un problème assez profond, c’est une querelle de personnes qui s’est dégénérée en guerre intertribale. La guerre entre Yacoubas Wobés y trouve son expression la plus horrible ; vidant ainsi le message biblique de son contenu qui est l’amour 731 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit,p 214. Intervention de M. KOH Elie, voir PV A.G. de 1984, Archives de l’Union non classées. 732 L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire 393 du prochain » 733, avant de proposer : « il faut que ce problème trouve sa solution pour sauver nos églises qui meurent de refroidissement dû à cette situation. 734 » Pour Paul GUEHI, cette crise est un rebondissement du vieux problème des pagnes du jubilé, et ce rebondissement ne vient pas des Yacouba et des Wobé des campagnes mais plutôt des responsables de la ville 735 . En somme, la période des années 1980 fut une période de crise généralisée avec pour conséquence la fragilisation de l’Église. Mais si les aspects financiers et sociaux de la crise ont pu être contenus, ce ne fut pas le cas pour l’aspect doctrinal. La volonté du pasteur GLAO d’introduire des pratiques pentecôtistes dans les Églises UEESO-CI ne rencontra pas l’adhésion de ses pairs. La grave crise opposant l’Union et les charismatiques conduisit à la scission en 1982. 733 Intervention de M. SOHOU Maurice, voir PV A.G. de 1984, Archives de l’Union non classées 734 Idem. 735 Intervention de M. GUEHI Paul, voir PV A.G. de 1984, Archives de l’Union non classées 16 L’IMPOSSIBLE RAPPROCHEMENT ENTRE L’UNION ET LES CHARISMATIQUES ET LE SCHISME DE 1982 C’est après le jubilé de 1977 que le fossé entre l’Union et les charismatiques va s’élargir notamment avec la fin du mandat du président Jean GLAO en 1978 736 . Si sous le président GLAO, la question des charismatiques a pu être gérée sans grand dommage, c’est en raison de son adhésion au mouvement charismatique. Mais dès la fin de son mandat, le problème ressurgit, envenimé par l’affaire des pagnes du jubilé. 16.1 Le point de départ, la fin du mandat de Jean GLAO en 1978 La gestion des pagnes uniformes du jubilé avait été confiée au président GLAO. Au sortir des festivités, formellement accusé de détournement « d’une partie de l’argent du pagne uniforme du jubilé », il est mis sous discipline, une décision qu’il qualifie d’injuste, pour l’écarter des instances de décision 736 737 . Jean GLAO fut l’un des présidents de l’UEESO à avoir le plus long mandat (8 ans), de 1970 à 1978. 737 Cf. sa lettre de démission ci-dessous. 396 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique En tout cas, en 1982, la tension entre UEESO-CI et charismatiques est à son comble ; chaque partie prétendant détenir la vérité, le rapprochement devient impossible. Les deux versions qui suivent contiennent les arguments des uns et des autres. Le premier est de GUENAMAN Jean Colbert, ancien de l’Église UEESO-CI et, le second, d’Emile TROH, pasteur de l’Église du Réveil. Texte 1 : De GUENAMAN J.C. « Qu’il croisse et que moi je diminue » était son slogan. Pour nous, il était rempli du Saint-Esprit. A vrai dire, il marchait selon l’Esprit de Dieu. Pendant plus de dix huit ans de ministère béni, il percevait un salaire mensuel de 10. 000 FCFA ! Il ne s’en plaignait pas. Mais pourquoi parler de dix huit ans alors que le pasteur Jean GLAO était entré dans l’Union en 1956 et en était parti en 1982 ? La réponse est la suivante. Huit ans durant, c’est-à-dire à partir de 1974, le Pasteur Jean GLAO menait une campagne de dénigrement contre l’Union et la Mission Biblique ; il osait dire publiquement que le missionnaire Daniel RICHARD n’avait pas enseigné toute la vérité biblique ; que l’enseignement était incomplet ! La Mission Biblique dont est issue l’UEESO-CI était passée au crible des critiques des plus acerbes ! Huit ans durant, Le pasteur Jean GLAO enseignait une doctrine contraire à celle de l’UEESO-CI ! Huit ans durant, tous ses collègues Pasteurs de l’UEESO-CI se plaignirent de lui, se méfiaient de son enseignement, intercédaient pour lui, essayaient, vainement, de le dissuader, et de le ramener sur la voie de la raison ….Quelques-uns de ceux qu’il a amenés à Christ ont abandonné malheureusement la foi, trouvant contradictoire son acte ! L’impossible rapprochement 397 Huit ans durant, le Pasteur Jean GLAO considérait qu’être mis sous-discipline était une punition ! Il se perdait dans des terminologies telles que : organisation, dénomination, esclavage, prisonnier, copie conforme, liberté !... Huit ans durant, le Pasteur Jean GLAO faisait l’apologie de la division, citant, pour se justifier, Paul et Barnabas ! 738 Texte 2 : de TROH Emile Depuis 1972-73, le mouvement du Saint-Esprit a gagné toute la Côte d’Ivoire à la suite d’une campagne d’évangélisation menée par le pasteur GIRAUD. Beaucoup de chrétiens dans les églises évangéliques telle que l’UEESO-CI, l’Église Baptiste méridionale, l’Église de la WEC, etc., se sont engagés dans ce mouvement et ont fait l’expérience du baptême dans le SaintEsprit. Comme il fallait s’y attendre, ce mouvement, dénommé « mouvement charismatique », fut fortement combattu. Mais les tenants de ce mouvement n’ont pas baissé les bras. Des cellules de prières ont été mises sur pied partout à travers le pays. Au sein de l’UEESO-CI, après sa fête de jubilé en 1977, le combat contre le mouvement fut particulièrement rude. Ce combat avait pour cible principale le pasteur Jean GLAO, premier président de l’UEESO-CI, qui a accueilli le mouvement à bras ouverts. En 1979, à la suite d’une affaire banale relative à l’organisation du Jubilé susmentionné, le pasteur GLAO fut mis sous discipline par ses pairs. C’est ainsi que quelques frères (12 personnes à la première rencontre de mardi, le 5 février 1980) mirent sur pied 738 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, pp. 157-158. 398 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique la cellule dénommée les « compagnons de Corneille » chez l’un de ces frères du nom de DJAKO Memel Jacques » 739. Cette divergence caractéristique fut appuyée par des actes dont la seule intention était d’aboutir à la rupture. En 1979, soit un an après la fin de son mandat, GLAO est mis sous discipline par ses pairs 740. La raison évoquée est le détournement d’une partie du prix des pagnes du jubilé. 741 Cette décision n’est pas du goût des charismatiques. En 1981, précisément le 24 avril, Jean GLAO, se sentant de plus en plus frustré et rejeté démissionne de l’Union. « Après avoir rendu grâce à Dieu pour les années passées dans l’UEESO-CI, et béni le Seigneur pour les joies et les peines partagées dans l’amour et la compréhension, le pasteur GLAO justifia sa collaboration impossible avec l’UEESO-CI » 742. Il ressort de ces versions que les détracteurs de Jean GLAO l’accusent d’avoir dénigré l’enseignement des missionnaires, jetant ainsi un discrédit sur ces derniers, d’enseigner une doctrine différente de celle de l’UEESO-CI. Il est aussi accusé d’orgueil et de rébellion, devenant ainsi une pierre de chute pour les fidèles. Toutes ces accusations faisaient de GLAO un homme indésirable à l’UEESO-CI. Du côté des partisans de GLAO, ils accusent l’UEESO-CI de négliger certaines vérités bibliques telles que le baptême du Saint-Esprit, et de manifester la haine et l’égard du Pasteur GLAO. Le Pasteur GLAO lui-même présente en sept points les injustices vécues à l’UEESO-CI et à cause desquelles il décide de démissionner : 739 Emile TRO, « Église Évangélique de Réveil de la Côte d’Ivoire (EERCI), Histoire et méthodes d’évangélisation », in Nos racines racontées, op.cit, p. 254. 740 Idem. 741 Entretien avec X un ancien responsable de l’UEESO, Daloa, le 11 juillet 2012. 742 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, pp. 166-167. L’impossible rapprochement 399 • ses convictions charismatiques pour lesquelles il était traité de « faux prophète et diviseur des Églises » ; • la haine, la violence, le manque d’amour et l’injustice à l’égard de certains serviteurs de Dieu renvoyés ou mis sous-discipline de manière arbitraire au sein de l’Union ; • deux mesures disciplinaires, dont l’une était rigoureuse pour les charismatiques, et l’autre, souple, pour les non charismatiques qui le plus souvent, étaient épargnés de sanctions méritées ; • l’Union, selon le pasteur GLAO, était devenue une dictature et non un moyen d’entraide et de collaboration entre les Églises ; • sa conviction du travail d’évangélisation qui était d’établir des Églises dans toutes les villes importantes du pays et en dehors, ce qui ne concordait pas avec les principes de l’Union ; • le manque de vision des priorités et des buts à atteindre dans l’Union, le téléguidage des autres (comité d’Europe), la totale confusion dans la pratique des dons et des ministères au sein de l’Union ; • enfin, beaucoup n’étaient pas à leur place, ainsi d’autres étaient devenus de véritables planteurs au lieu de paître le troupeau du Seigneur… 743 Les positions tranchées des uns et des autres et l’inexistence d’un organe de médiation capable de gérer les crises à l’UEESO-CI rendaient impossible le rapprochement. L’Union ne pouvait céder aux exigences des charismatiques de peur de perdre le soutien des missionnaires, tandis que les charismatiques, convaincus d’être sur la bonne voie, ne voulaient pas lâcher prise. Mais voyons de plus près les arguments des uns et des autres. Les questions essentielles au cœur de la crise sont celles de la prière 743 Cf. Lettre de démission du pasteur GLAO ci-dessous. 400 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique « houleuse » et de la manifestation des dons spirituels. Elles sont amplifiées par le manque d’amour. Concernant la prière dite houleuse, GLAO et ses partisans croient qu’elle est biblique et plus authentique. D’ailleurs plusieurs passages bibliques soutiennent ce point de vue : Jug. 21 : 2 ; 2Chr. 20 : 19 ; Act. 4 : 24 ; 12 :12 ; 16 :25 ; 20 :36-37 ; 21 :5... En plus de ces passages bibliques, ils avancent les arguments suivants : • Les résultats de ces prières sont toujours favorables, elles sont donc efficaces ; • La prière simultanée est celle qui glorifie le mieux Dieu ; • Elle met celui qui prie en contact avec Dieu ; • Elle est dépourvue d’hypocrisie, car chaque personne est libre d’exprimer ses réelles pensées à Dieu sans complaisance ni gène. Celui qui prie n’est pas contraint de bien formuler les mots et expressions pour avoir l’approbation de ceux qui l’entourent ; • Elle évite également le favoritisme qui consiste, selon le contexte africain, à considérer certaines personnes comme des saints, des détenteurs de bénédictions, qui doivent toujours prier pour les autres ; • Cette forme de prière est authentique et illustre bien les réalités de la prière des Églises primitives, qui s’opérait sous l’onction de l’EspritSaint. Elle perce les cieux et touche « le cœur » de Dieu. Elle a le pouvoir d’intimider Satan et de libérer celui qui prie ; • Les personnes qui prient ensemble, peuvent présenter autant de sujets à la fois et cela en très peu de temps. Face aux convictions et pratiques des charismatiques, et pour marquer une nette démarcation d’avec eux, l’Union élabora une position doctrinale 744 pour définir clairement sa position sur la question des dons spirituels. Dans ce document, l’Union affirme qu’elle croit aux dons 744 Voir Annexe III-3, p. 384. L’impossible rapprochement 401 spirituels comme faisant partie des pratiques de la vie de l’Église de Jésus- Christ. Toutefois, elle recommande de la prudence dans l’exercice de ces dons en vue d’éviter des déviations susceptibles de discréditer l’Église. Ainsi, concernant le don de prophétie, l’UEESO-CI croit aux dons et à l’exercice de la prophétie selon l’enseignement biblique (1 cor. 14 : 29, Eph. 4 : 11) ; mais ne croit pas aux prophètes comme pendant la période de la naissance de l’Église. Compte tenu de toutes les déviations et la prolifération des fausses prophéties par des pseudo-prophètes, l’UEESO-CI exige que toute révélation soit au préalable présentée au conseil de l’Église qui en examinera l’authenticité selon les trois critères suivants : la qualité de la vie du prophète, le contenu de la révélation et la réalisation de la révélation. Ceci éviterait les désordres qu’occasionnent les prophéties ou révélations motivées par les calomnies, les désirs d’accusation et même les règlements de compte. L’UEESO-CI croit que selon le principe biblique, à défaut lapider les faux prophètes pendant ce temps de grâce, il faudra néanmoins prendre les sanctions disciplinaires contre les faux prophètes et prophétesses (avertissement, mise sous-discipline, suspension des responsabilités dans l’Église et même l’excommunication) 745. Pour ce qui est du don de langue, l’UEESO-CI n’adhère à aucune pratique de parler en langues sans interprétation ni possibilité de compréhension par les auditeurs du message émis (1 Cor. 14 : 28). L’UEESO-CI accepte comme principe biblique et praticable par les chrétiens, le parler en langue dans une prière individuelle et privée car elle peut édifier. Aussi, l’UEESO-CI croit-elle au ministère de délivrance qui consiste à libérer un homme ou une femme lié(e) par les mauvaises esprits (Marc 16 : 17). Elle croit que le ministère de délivrance n’est pas l’apanage des spécialistes mais tout disciple de Christ entièrement consacré à Dieu, vivant dans sa crainte peut prier 745 Voir Position doctrinale de l’UEESO de 1981. 402 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique pour toute personne possédée et obtenir du tout-puissant la libération. Toutefois, ce ministère doit être confié aux pasteurs qui pourront être aidés par des chrétiens engagés. L’UEESO-CI croit que c’est Jésus-Christ qui délivre des liens du diable et de tout péché. La séance de délivrance doit donc se faire par la prière. Les supplications, la louange et la prédication de la parole. Elle exclut l’usage des formules particulières considérées comme efficaces, des objets dits sacrés. Compte tenu de la prière dans la vie du croyant et des influences des nouvelles pratiques dans la vie de l’Église, conduisant aux hérésies, il est souhaitable que l’enseignement sur la doctrine de la prière fasse partie du programme de l’Église et que la formation des responsables incluse l’enseignement sur la prière. Parmi toutes les interprétations faites à propos des prières simultanées, L’UEESO-CI adhère à celle qui permet à tous les chrétiens d’élever la voix s’ils le désirent pour prononcer ensemble une seule formule de prière telle que l’enseigne Jésus dans Mt. 6 :9. L’UEESO-CI rejette par conséquent toute forme de prières simultanées houleuses qui sont parfois source de désordre. L’UEESO-CI n’admet pas de prières simultanées houleuses dans le culte de dimanche et tous les grands rassemblements de cette dénomination. L’UEESO-CI adhère totalement aux principes des prières faites à haute voix et à toue de rôle. L’UEESO-CI croit au Saint- Esprit en tant que personne divine de la trinité. Elle croit que tout chrétien authentique, c’est-à-dire régénéré, ayant fait une expérience personnelle avec Dieu par Jésus-Christ, est baptisé du Saint- Esprit. Celui-ci habite en lui, pour toujours. L’UEESOCI rejette toute action par laquelle des chrétiens s’exercent à recevoir le Saint-Esprit en ayant recours à des pratiques douteuses. En fait, la position de chacune des parties est valable et les arguments qui la L’impossible rapprochement 403 soutiennent sont solides. Mais par manque d’un organe susceptible de régler les problèmes et surtout, faute d’un enseignement cohérent sur le sujet, aucune alternative de rapprochement n’était envisageable. Les charismatiques suivaient à la lettre, les enseignements de la Bible sur la question des dons, et tous le reconnaissait. Mais, la violence avec laquelle le pentecôtisme commençait à s’exprimer au sein de l’Union exigeait de la part des responsables beaucoup de méfiance. La certitude d’être dans le vrai avait entrainé des débordements dans la pratique des charismes par les charismatiques. N’importe qui pouvait se lever en plein culte, interrompre la prédication par une prophétie ou un parler en langue sans aucune interprétation. Les prières d’ensemble se transformaient souvent en véritables brouhaha dont le contrôle échappait souvent au dirigeant du culte. Cet abus faisait que ces charismes qui devaient édifier le peuple de Dieu devenaient finalement des occasions de troubles et de désordre excessif. Le dimanche suivant sa démission, le pasteur GLAO convoque une réunion de l’Église avec pour un seul point à l’ordre du jour : le retrait de l’Église d’Adjamé de l’UEESO-CI, demandant aux chrétiens de se prononcer par un vote. Malgré l’opposition de quelques membres 746, le vote eut lieu avec une écrasante victoire des charismatiques. Comme pour marquer leur indépendance, les responsables « charismatiques » de l’Église d’Adjamé, de Williamsville, de Trechville, et de Locodjro, au nombre de treize dont huit jeunes, envoyèrent la lettre que voici aux Églises de l’Union 747 : « Nous rendons grâce au Seigneur pour les nombreuses années passées au sein de l’Union et pour tous les bienfaits reçus au sein de cette association, notamment, le salut en Jésus-Christ. Pourtant, depuis 1975, date à laquelle nous avons expérimenté le 746 Il s’agit de BLE Lami, de MONGUEI Paul de TOME Victor et de GUENAMAN Jean Colbert. Cf, Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 165. 747 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, pp.166.167. 404 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique baptême dans le Saint-Esprit et reçu des dons spirituels, nous ressentons un véritable malaise au sein de l’Union. En effet, la doctrine du baptême dans le Saint-Esprit et surtout la pratique des dons spirituels (parler en langue, prophétie, prière de délivrance, prière simultanée, veillée), ne sont pas acceptées par l’Union. Plusieurs serviteurs de Dieu dont Séa Denis de Soakpé, Kpan Bla Celestin de Danané, Gouéi Gondo David, Blé Daniel de Biankouma, Baba Daniel de Man, ont été licenciés par le comité de l’Union parce qu’ils pratiquent les dons charismatiques. De nombreux groupes de croyants (Tiéssan, Gbéhibly, Soakpé, San-Pedro, Gbapleu, Mahébly,) et des communautés ou régions entières (Duékoué, Biankouma) se sont retirés de l’Union pour les mêmes raisons. Nous, chrétiens de l’église évangélique d’Adjamé et annexes (Treichville, Williamsville et Lokodjro) : - Convaincus que le baptême dans le Saint-Esprit et les dons charismatiques sont entièrement bibliques et demeurent vrais pour l’Église d’aujourd’hui. - Désireux de mettre ces dons en pratique pour la croissance spirituelle de l’Église. - Par deux votes organisés sous le contrôle effectif des membres du conseil, l’un, le 10 Juillet 1981 avec pour résultat : 71 pour quitter l’Union, 12 abstention et 2 contre et l’autre, le 20 Septembre 1981 avec pour résultat 75 pour quitter l’Union, 15 contre et 12 abstention : avons décidé de nous retirer de l’Union, conformément à l’article 17 du chapitre I des statuts de l’Union qui stipule : "Toute Église peut se retirer de l’Union à tout moment." L’impossible rapprochement 405 Notre décision de nous retirer prend effet à compter de ce jour. Toutefois, nous pouvons à l’avenir revenir sur la décision présente, si nous constatons un véritable changement dans l’attitude de l’Union à l’égard des dons spirituels (parler en langue, prophétie, veillée, prière simultanée, prière de délivrance) et des croyants qui les pratiquent, (réintégration des Pasteurs licenciés, des communautés et groupes rejetés) 748. » 16.2 L’Assemblée Générale de 1982 à Man consacre la rupture L’étape décisive de cette marche vers la rupture fut l’Assemblée Générale de 1982 749 . Elle eut lieu à Man, précisément à Zlanwopleu, du 19 au 23 juillet 1982. Les principaux points de l’ordre du jour étaient : Démission du Pasteur GLAO et affaire charismatique. Il a fallu une journée entière pour adopter l’ordre du jour. 750 Les débats commencèrent par l’affaire du Pasteur Jean GLAO. La parole lui fut donnée. Il reprit les termes de sa lettre, et confirma en conclusion sa démission : « Je prends la parole en tat que serviteur de Dieu depuis 1957 et non pas en tant que charismatique. J’ai demandé une Assemblée générale extraordinaire en Août 1981 pour trancher une question très importante. Mais cela n’a pas été possible. Après le passage du comité de l’Union à Abidjan, j’ai décidé de rendre ma démission des églises de l’Union. A partir d’aujourd’hui, ne me comptez plus parmi les serviteurs de l’Union. Je vous dis au revoir. Mon temps avec l’Union est arrivé à son terme. Je n’ai 748 Décision de retrait l’Église d’Adjamé et de ses annexes, cité par Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 165. 749 Voir Annexe III-4, p. 388, pour les différentes interventions à cette A.G. 750 Jean COLBERT GUENAMAN, op.cit, p. 169. 406 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique pas de préavis à demander. Qu’on reste des frères. Si un jour il y a possibilité de former une fédération avec l’Union, alors je serai présent. S’il y a encore des questions en suspens concernant le pagne du jubilé, posez les-moi, je vous donnerai des éclaircissements » 751. La démission de GLAO fut acceptée par un vote presque à l’unanimité 752 . On passa ensuite au vote de la base doctrinale de l’UEESO-CI. VE, alors président de l’Union, expliqua le sens de l’acte important que les délégués aillaient accomplir : « Ecoutez bien, dit-il. Si le oui l’emporte sur le non, cela veut dire que c’est l’enseignement de l’Union qui sera appliqué dans toutes nos Églises. Si c’est le contraire, alors ce sera celui des charismatiques, ce qui signifie que personne n’aura plus le droit de s’opposer à la prière simultanée houleuse, aux prophéties et aux parlers en langues à la manière charismatique. » 753 Après cette mise au point qui ressemblait à une campagne électorale, on passa au vote tant attendu, par région. Abidjan fut la première à voter. La majorité était charismatique. Ce fut le tour de Daloa, Danané, Duékoué, Gagnoa, Guiglo, Man, San-Pédro, Tabou et Toulépleu. Partout l’UEESO-CI obtint la majorité écrasante. A Danané, le vote fut à l’unanimité en faveur de l’Union. La base doctrinale fut acceptée 754 . Du compte rendu de ladite Assemblée Générale qui consacre la rupture signé par le Président en exercice le pasteur VE Nathanaël il ressort que : 751 Jean GLAO, intervention à l’AG de l’UEESO de 1982, voir Procès-verbal, de l’Assemblée Générale de 1982 rédigée par Albert BLEUKEUHOUA. Archives de l’Union, non classées. 752 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 169. 753 Nathanaël VE TOKPA, cité par Jean Colbert G, op.cit, p. 170. 754 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 170. L’impossible rapprochement 407 • la prière simultanée houleuse est rejetée ; • la démission du pasteur GLAO est acceptée ; • les biens matériels de l’Union restent acquis à l’Union 755 . Dans cette crise, les missionnaires eurent une attitude bien ambigüe, jouant parfois le double rôle d’arbitre et de joueurs. C’est surtout à travers leurs messages et leurs interventions lors des Assemblées générales que cette attitude se révélait. Rappelons que depuis 1976 la Mission Biblique s’était totalement effacée au profit de l’UEESO-CI, que depuis 1962, l’Union était gérée par les Ivoiriens, les missionnaires se contentant de l’enseignement et de la gestion des œuvres. Quand surgit la crise au tout début des années 1980, les missionnaires, embarrassés par la situation, adoptèrent d’abord une attitude d’arbitre. En 1982, lors de l’Assemblée Générale de Man, on demanda au missionnaire BLOCHER de dire si les charismatiques et les non charismatiques pouvaient cohabiter dans une même Église 756 . A cette question délicate, le missionnaire répondit : « Le cas de l’Afrique est différent de celui de l’Europe. Les églises d’Europe sont vieilles et le phénomène charismatique se manifeste dans les églises endormies. Les charismatiques sont toujours restées dans leurs églises. Rares sont ceux qui se sont constitués en églises indépendantes » 757. 755 CF. procès-verbal de la résolution définitive de la crise entre l’Union et les charismatiques. 756 Cela traduit encore pleinement le paternalisme dont souffre jusqu’aujourd’hui l’Église vis-à-vis de la Mission Biblique. On croit toujours que la vérité vient des missionnaires. On a du mal à se décider sans leur point de vue. On fait de leur enseignement parole d’évangile. On exprime une quasi-totale dépendance vis-à-vis d’eux. 757 M. BLOCHER, intervention à l’Assemblée Générale de Man en juillet 1982, procès-verbal de l’AG de 1982, in Archives de l’Union, non classées. 408 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique A travers cette réponse très nuancée, le missionnaire voulait dire qu’il maîtrise mieux les problèmes de l’Église européenne, ce qui n’est pas le cas pour les Églises africaines. Il attendait ainsi de l’Église africaine de prendre ses responsabilités face aux crises internes. Bien avant, à l’ouverture de l’Assemblée Générale, dans son message d’ouverture, M. BLOCHER avait présenté les crises intérieures dans l’Église naissante de Jérusalem, notant que « les problèmes que traversent les églises de l’Union ne leur sont pas particuliers ». Il a présenté trois crises 758 auxquelles les solutions trouvées n’ont pas cassé l’Église, même si la dernière a occasionné une séparation géographique 759 . Ce message fort apprécié par les participants semble exposer la vérité biblique aux frères ivoiriens qui ont le choix et la liberté de déterminer eux-mêmes la nature de leur crise et d’en trouver les solutions. Si pour M. BLOCHER, il est important de laisser l’Église africaine gérer ses crises elle-même, certains missionnaires avaient décidé de prendre ouvertement position. C’est ainsi que pour M. HUSSER, l’un des missionnaires les plus en vue dans l’UEESO-CI, il est impossible de collaborer avec les charismatiques. Pour lui, les pratiques des charismatiques sont inadmissibles. Concernant la prière « houleuse », voici ce qu’il en dit : « Il faut que les cœurs de ceux qui prient soient 758 La première crise, selon l’auteur, est due aux lacunes de l’administration. Elle a eu pour solution, la décentralisation des services (les apôtres sont chargés de l’enseignement et les diacres gèrent les affaires administratives). Voir Actes chapitre 6. La deuxième crise survient au moment où l’Église s’est considérablement développée. Des gens d’origine diverses y ont adhéré. Mais des Judaïsants veulent imposer la circoncision aux non juifs. Comme solution, Paul et Barnabas s’opposent énergiquement à cet enseignement. Voir Actes chapitre 15. La troisième concerne les oppositions entre Paul et Barnabas au sujet de Jean Marc. Comme Solution, les deux hommes se séparent. Voir Actes 15v37. 759 M. BLOCHER, message d’introduction à l’Assemblée Générale de Man en juillet 1982, procès-verbal de l’AG de 1982, in Archives de l’Union, non classées. L’impossible rapprochement 409 d’accord ; et pour être d’accord, il faut avoir entendu ce que l’on a dit afin de dire "Amen" qui signifie je suis parfaitement d’accord » 760 . Pour M. HUSSER, le problème des charismatiques étant un grain de sable qui, entrant dans l’œil, l’a irrité 761 . Il fut le premier à proposer une commission paritaire de partage des biens après le divorce 762 . Au regard de cette attitude des missionnaires, une interrogation s’impose ; pourquoi la Mission Biblique a-t-elle laissé faire jusqu’au schisme sans entreprendre des démarches efficaces en vue d’une réconciliation ? Pourquoi la Mission Biblique n’a-t-elle pas organisé des rencontres en vue de mieux éclairer cette question doctrinale délicate objet de la crise ? En tout cas, aucune solution concertée ne fut trouvée et il fallut l’intervention du temporel pour régler cette affaire purement religieuse. 16.3 Le dénouement honteux de la crise Les résolutions de l’Assemblée Générale de juillet 1982 ne purent mettre fin à la crise. D’ailleurs, cette Assemblée Générale s’acheva en queue de poisson, d’autant plus que les charismatiques s’étaient retirés bien avant la fin des assises. A la suite de cette Assemblée Générale de la rupture, allait se poser la question de savoir à qui devait revenir les temple d’Adjamé, de Yopougon, de Duékoué et de Biankouma, qui furent revendiqués par chacune des parties. Selon J.C GUENAMAN, « De retour à Abidjan, après l’Assemblée Générale, le président de l’Assemblée Régionale, le Pasteur DAN Joseph, procéda à la réorganisation en installant des conseils dans l’Église d’Adjamé, 760 M. HUSSER, intervention à l’Assemblée Générale de Man en juillet 1982, procès-verbal de l’AG de 1982, in Archives de l’Union, non classées. 761 Idem. 762 Ibidem. 410 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique et de Yopougon, en remplacement des anciens conseils. Il fut traité de tous les noms par les Charismatiques révoltés. L’opposition fut très vive. Nous fûmes empêchés de célébrer les cultes les dimanches. C’est ainsi que l’un des leurs, Gnanté Valentin porta l’affaire à la connaissance du secrétaire d’État à la Sécurité Intérieure. Celui-ci lui donna une lettre pour le Directeur Général de la Sûreté Nationale. Ce dernier avertit aussitôt les renseignements Généraux » 763. L’UEESO-CI informa à son tour, par une correspondance datée du 2 Septembre 1982, le ministre de l’Intérieur d’alors, Léon Konan KOFFI, des agissements des charismatiques. Quelques jours après, charismatiques et UEESO-CI furent convoqués par voie de presse au Ministère de l’Intérieur. Après les avoir entendus, le Ministre confia l’affaire à Ipaud LAGO, Directeur Général de l’Administration Territoriale. Toutes les tentatives de réconciliation échouèrent, personne ne voulant céder. Le Directeur général décida tout de même que les cultes soient célébrés de manière alternative. Mais le 24 octobre, de violents incidents survirent entre les deux parties à l’Église d’Adjamé 764 . Les protagonistes furent à nouveau convoqués par voie de presse pour le 3 Novembre 1982 à 16 heures pour une réunion à la salle de conférence du Ministre de l’Intérieur 765 . Voici les décisions importantes arrêtées à l’issue de cette rencontre : • Il est formellement interdit à GLAO tout culte publique ; • Les biens reviennent ; 763 Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 73. Idem. 765 Ibidem. 764 L’impossible rapprochement 411 • Les charismatiques sont libres de créer leur Église et d’adresser une lettre de demande d’agrément au Ministre de l’intérieur 766 . Que retenir au terme de ce dernier chapitre ? Dès 1974, l’Union est confrontée à une crise doctrinale d’abord latente mais qui va s’aggraver pour provoquer un schisme en 1982. En 1974, la croisade de GIRAUD, un pasteur pentecôtiste de passage en Côte d’Ivoire, va occasionner la naissance d’un mouvement charismatique à l’UEESO -CI. Pendant 4 ans ce mouvement bénéficie du soutien moral du président national, le pasteur GLAO, lui-même favorable au pentecôtisme. Mais à partir de 1979, avec la fin du mandat de ce dernier (un an plutôt), les pentecôtistes, encore appelés charismatiques, deviennent indésirables à l’UEESO-CI. Une crise ouverte éclate alors entre l’Union et les charismatiques dirigés désormais par le pasteur GLAO. Des troubles éclatent dans les Églises contrôlés par les charismatiques, contraignant les responsables de l’union à recourir au pouvoir temporel. En 1982, la collaboration devient impossible et le schisme est consommé à partir du mois de novembre. Cette crise venait ainsi de dévoiler toute la fragilité de la question doctrinale à l’UEESO-CI. 16.4 Conclusion partielle Trois constats essentiels couronnent cette partie conclusive de notre travail. D’abord nous avons remarqué que les chrétiens UEESO-CI manifestent un zèle important pour les programmes d’édification. Ils s’efforcent d’y prendre part malgré les nombreuses contraintes. Il apparait aussi évident qu’ils ont totalement rompu avec les croyances traditionnelles. Cela se manifeste à travers le non-respect et la 766 Pour consulter l’entièreté du procès-verbal de cette rencontre voir Annexe III-5, p. 397. 412 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique profanation des lieux sacrés et des interdits de la communauté, attitude qui leur a souvent coûté rejet et persécution de la part des leurs. Ils accordent également un grand intérêt à la formation et surtout aux assemblées. Tout ce qui est lié au groupe, à l’émotion tient une place de choix dans leur vie. Cependant, lorsqu’il s’agit de certaines exigences telles la vie de sanctification et la pratique de la libéralité, les chrétiens UEESO-CI, se montrent souvent « décevants ». Toujours confrontés au péché sexuel et au manque d’amour, ils manifestent aussi très peu de libéralité compte tenu de leur situation financière précaire. Ensuite, il nous a été donné de noter que depuis l’autonomisation de l’UEESO-CI, cette communauté est confrontée à une crise ethnique opposant permanemment les deux ethnies majoritaires, les Dan et les Wê. Cette situation soulève le problème des relations avec le prochain. Ici, Autrui n’est pas forcément un frère ; il parfois un inconnu et bien souvent un adversaire ou un ennemi à combattre. Le sentiment ethnique prévaut sur celui d’appartenance à une même communauté chrétienne, et l’Église reste confrontée à une perpétuelle crise entre les Dan et les Wê. Cette crise qui tire ses origines des relations anciennes entre ces deux peuples prouve que la communion fraternelle n’est pas bien vécue à l’UEESO-CI. Les discriminations faites entre les chrétiens par certains pasteurs et missionnaires, ne laissent aucune chance à un éventuel règlement de cette situation. Enfin il est à noter que depuis 1974, une crise doctrinale d’abord latente a affaibli l’UEESO-CI jusqu’en 1982 où elle s’est soldé par schisme. La conquête pentecôtiste de la Côte d’Ivoire qui débuta à la veille des indépendances politiques a été, contrairement aux attentes, un véritable facteur de fragilisation de l’Union. Avec la croisade de GIRAUD (1973-1974), plusieurs chrétiens et responsables ont trouvé nécessaire d’adopter des pratiques pentecôtistes jusque là inconnues dans les Églises UEESO-CI. Or l’Église n’avait pas de base doctrinale bien élaborée et les pasteurs ne maitrisaient pas suffisamment les L’impossible rapprochement 413 questions de doctrine. Dans un tel contexte, il était difficile, voire impossible de faire face à cette situation délicate. En abordant cette troisième partie de notre travail nous avons signalé que la formation des guides religieux (pasteurs et évangélistes) UEESOCI demeure un problème crucial car c’est de la vie et des enseignements de ces derniers que dépend la qualité de la pratique religieuse des chrétiens. Et nous nous sommes proposé de chercher à comprendre si ces guides spirituels parvenaient à encadrer convenablement les fidèles afin d’en faire des chrétiens authentiques ayant tourné le dos au monde et vivant une vie communautaire exemplaire. Au terme de notre raisonnement, nous pouvons affirmer que les guides religieux UEESO-CI ne parviennent pas à édifier une foi solide chez leurs croyants. Acteurs principaux des crises doctrinales et de leadership, ils sont aussi souvent à la base des rivalités entre les Dan et les Wê dans l’Église. Ce volet de l’étude a démontré que s’il y a des crises dans l’Église, c’est à cause d’une insuffisance de la conversion et la faiblesse de l’encadrement des chrétiens (pasteurs et fidèles) qui ignorent souvent les principes de base de leur religion. 17 CONCLUSION Par « L’union des Églises évangéliques du sud-ouest de la Côte d’Ivoire (1927-1982) dynamisme d’implantation et pratique religieuse », nous nous sommes proposé d’étudier le processus d’implantation de l’Église UEESO-CI et d’apprécier la pratique religieuse au sein de cette communauté. Il était donc question d’expliciter la rencontre entre le christianisme et les populations du sud ouest ivoirien dans ses différentes étapes, mais aussi la transformation des mentalités, des croyances, qui aura pour effet de transformer, à son tour, la manière d’être, de se comporter et de vivre désormais des convertis. Dans un premier temps, nous avons étudié le processus d’implantation de l’UEESO-CI en vue de comprendre si la qualité des acteurs et les méthodes utilisées pouvaient permettre d’avoir de bons chrétiens. Nous avons montré que la naissance de l’UEESO-CI est le résultat final de plusieurs années d’activités missionnaires entamées par des précurseurs africains, relayés par les missionnaires européens puis reprises et poursuivies par des responsables locaux. William Wade HARRIS, un prédicateur libérien est le premier pionnier du protestantisme en Côte d’Ivoire et par ricochet de l’UEESOCI. Son œuvre qui s’étend le long de la côte - bien que de moindre durée - est d’une grande envergure. Elle entraine des conversions massives dans le sud de cette colonie. En 1915, Wade HARRIS est expulsé par 416 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’administration coloniale devenue tatillonne à l’égard des prédicateurs sujets anglais. Quatre années plus tard en 1919, Mark Christian HAYFORD, un noble ressortissant de la Gold Coast, arrive en Côte d’Ivoire pour poursuivre l’œuvre entreprise par HARRIS son prédécesseur. Durant trois ans, de 1919 à 1922, il s’évertue à rassembler les convertis d’HARRIS et parvient à rallier 14 des Églises de ce dernier à sa Baptist and Church Mission implantée en Gold Coast. Mais, très vite, lui aussi subit les mêmes pressions de l’administration coloniale, ce qui le pousse à se rendre en France pour solliciter le service de missionnaires français. C’est à Paris à l’institut de Nogent où il a des contacts importants, qu’il recrute Laure MARZOLF et Daniel RICHARD qui arrivent en 1927 et fondent la MBCI. La période des précurseurs, bien que très courte est fructueuse 767 . C’est d’elle que naît la Mission Biblique qui connait un grand succès dans le sud-ouest ivoirien. Laure et Daniel RICHARD, arrivés suite à la demande du Docteur HAYFORD, parviennent à asseoir de manière effective les bases de l’UEESO-CI. En effet, arrivé sur un terrain déjà occupé par la Mission Méthodiste, ces jeunes missionnaires doivent défricher un nouveau champ de mission avec le soutien de leur Église d’origine, l’Église du Tabernacle. Ils sont rejoints plus tard par plusieurs autres missionnaires pour accentuer l’œuvre d’évangélisation. Les missionnaires, pour atteindre efficacement leur cible, adoptent une stratégie qui consiste à mettre en place des structures socioéducatives et caritatives, et à recourir aux autochtones pour la diffusion de l’évangile. Le rôle joué par ces autochtones dans l’atteinte de l’objectif missionnaire reste des plus importants. Leur maîtrise du milieu naturel, des langues, des us et coutumes leur permettent de jouer un rôle de premier plan. L’école mise 767 En quelques mois HARRIS a amené plus de 200.000 personnes à la fois chrétienne. Cf. J. KRABILL, op.cit, p. 155. Nous nous demandons ce qu’aurait été l’ampleur du mouvement harristte si HARRIS n’avait pas été extradé aussitôt par l’administration coloniale. Conclusion 417 en place par la mission forme les premiers évangélistes et les premiers cadres chrétiens qui deviennent de véritables propagateurs de l’évangile. L’utilisation des œuvres sociales et caritatives comme appâts missionnaires favorise de nombreuses conversions, facteur précurseur de la naissance d’une Église ivoirienne. En 1960, le vent des indépendances souffle aussi sur l’Église. La Mission procède à l’autonomisation de l’Église ivoirienne. L’œuvre d’implantation est poursuivie et connait un succès sans précédent sur la période 1962-1982. Des nouvelles stratégies d’évangélisation voient le jour et connaissent quelques succès. C’est surtout la conquête pentecôtiste avec la croisade du pasteur GIRAUD, qui va occasionner de nombreuses conversions. En effet, Giraud, par ses délivrances et guérisons spectaculaires, va se présenter comme une réponse aux problèmes angoissants de la sorcellerie et de la maladie qui minent la société autochtone. Ici, il convient de retenir que l’évangélisation du sud-ouest ivoirien, qui aboutit à la naissance de l’UEESO-CI, est une initiative d’abord purement africaine qui connait sa véritable réalisation avec l’arrivée des missionnaires français et l’implication des premiers convertis locaux 768 . Les facteurs de succès de cette initiative sont avant tout d’ordre matériel. La stratégie missionnaire basée sur le soutien aux démunis comme moyen d’évangélisation a été très fructueuse. La plupart des conversions sont liées à la recherche d’un mieux-être social. Le développement des structures sociales et caritatives a ainsi entrainé de nombreuses conversions pendant la période missionnaire. L’Église se présente aussi comme un asile. On y va non seulement pour échapper à la misère mais aussi pour se mettre à l’abri de certaines contraintes coutumières. De même, au temps de l’Église autonome, avec la conquête pentecôtiste, la recherche de guérisons miraculeuses de maladies incurables et la protection contre les sorciers constituent les véritables 768 Évangélistes improvisés et pasteurs souvent mal formés. 418 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique motivations des conversions. Les pratiques pentecôtistes caractérisées par les transes, les parlers en langues cadrant bien avec la mentalité religieuse africaine, favorisent de nombreuses conversions. Au total, ce n’est pas toujours par conviction religieuse que les conversions se sont faites à l’UEESO-CI, mais souvent par la recherche d’un intérêt particulier. Dans un second temps, nous avons étudié la rencontre entre le christianisme et les croyances des peuples du sud-ouest de la Côte d’Ivoire pour essayer de comprendre si le modèle religieux proposé par la MBCI pouvait vraiment déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au tribalisme pour former le peuple de Dieu. Et nous avons démontré, dans une analyse comparative, que la rencontre entre le christianisme et les croyances des peuples concernés ne se fait pas sans difficultés. Elle se pose même en termes de conflits. En effet, ces peuples parmi lesquels la mission biblique travaille ont leurs coutumes, leur religion, leurs divinités, bref, ils ont une civilisation qu’il faut détruire, balayer et remplacer par la « civilisation chrétienne ». La conception du monde selon les peuples du sud-ouest ivoirien est bien différente de celle que propose la religion chrétienne. Ces peuples restent fortement attachés au culte des ancêtres, qu’ils croient en permanence parmi eux, et autres divinités assurant la sécurité et veillant sur l’harmonie de la communauté. A l’inverse, la religion chrétienne présente Jésus Christ comme seul chemin menant à la vie éternelle et proscrit toute autre pratique religieuse qu’elle considère comme de l’idolâtrie. Dès lors, le dialogue devient compliqué voire impossible entre ces deux conceptions religieuses. L’existence de l’une exige la disparition de l’autre. Les populations, soucieuses de la survie de leur religion s’opposent vigoureusement à ce projet de christianisation en dressant plusieurs barrières à son évolution. Dans un tel contexte, le succès du message chrétien est forcément lié à son éloquence et à la qualité des solutions Conclusion 419 qu’il propose aux problèmes posés par les populations. L’efficacité de la stratégie missionnaire adoptée par la MBCI lui permet alors de surmonter toutes ces difficultés et d’implanter la première Église baptiste d’origine française en Côte d’Ivoire. Les insuffisances des religions et croyances locales y ont aussi contribué. Les premiers convertis, considérés par leur communauté d’origine comme des traitres, font l’objet de rejet et sont soumis à la persécution sous toutes ses formes. Pour permettre au chrétien UEESO-CI de résister à ces pressions et demeurer dans la foi, des programmes d’enseignement sont institués et des structures mises en place pour la formation de pasteurs et évangélistes locaux, en vue aussi de faciliter l’autonomisation et garantir la poursuite de l’œuvre. Mais la formation de ces pasteurs est très vite confrontée à un véritable problème, celui de la qualité. Les vocations venant le plus souvent de personnes peu ou non instruites, cela pose le problème de l’assimilation de la doctrine chrétienne et de la fidélité dans sa transmission au peuple de Dieu. Cette situation n’est pas favorable à une bonne pratique religieuse des chrétiens UEESO-CI. Dans un troisième temps nous nous sommes proposé de chercher à comprendre comment les chrétiens UEESO-CI vivent leur foi. Il s’agissait de montrer si le vécu de ceux-ci était en adéquation avec les prescriptions bibliques. Et nous avons vu que si la rupture avec la tradition est totale et la volonté de connaitre la Bible, constante, plusieurs aspects de la vie chrétienne restent loin d’être parfaits, freinant ainsi leur épanouissement spirituel. Les chrétiens UEESO-CI ont du mal à se détacher de la chair et donnent difficilement les offrandes et les dîmes à cause de la pauvreté ; leurs relations avec leurs frères ne sont jamais au beau fixe. Les Dan et les Wê, peuples majoritaires à l’UEESO-CI, sont parvenus à transposer dans l’Église leurs vieux conflits ethniques bloquant ainsi la communion fraternelle. Le niveau de connaissance approximatif des pasteurs entraine toujours des problèmes 420 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique de compréhension et d’interprétation de la Parole (Bible), d’où la permanence des crises doctrinales et des schismes. L’un des acquis de ce travail est d’avoir présenté le dynamisme d’une mission protestante dans la christianisation du sud-ouest ivoirien. Ici nous avons montré que c’est de manière harmonieuse que prédicateurs et évangélistes africains et missionnaires européens ont entrepris et mené ce projet d’évangélisation. « Conquérir avant de convaincre » était la stratégie de la MBCI. Par la qualité des appâts utilisés, les missionnaires sont parvenus à susciter des conversions massives et à réussir l’implantation. Mais un évangile basé sur le matériel pouvait-il produire de bons chrétiens ? La réponse est évidemment non et nous sommes en mesure d’affirmer que le premier handicap à la pratique religieuse et au développement harmonieux des Églises africaines et précisément de l’UEESO-CI vient de cette stratégie missionnaire qui consiste à présenter un évangile de type « assurance tout risque ». Il exclut de son horizon même la possibilité de souffrir. Perçu comme le lieu du bien-être spirituel, moral et surtout matériel, cet évangile devait prémunir le croyant contre toutes sortes de difficultés. Il va de soi qu’une foi issue d’un pareil évangile ne peut être qu’un feu de paille. La moindre difficulté suffit pour l’éteindre ne laissant à l’individu d’autres alternatives que les groupes ésotériques, sectaires, ou tribaux, si ce n’est le syncrétisme. Il est à peine besoin de relever l’incohérence d’une pareille foi ; à ceux qui viennent vers lui, le Christ n’a jamais promis une illusion de bonheur fondé sur le quiétisme. Il leur a toujours franchement indiqué que l’aventure avec lui est étroitement liée à la croix : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive… » et ailleurs : « celui qui veut marcher à ma suite qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive… ». Il est donc clair que « la foi sans l’aventure et les risques de la croix libératrice est une foi morte » 769 769 . E. J. PENOUKOU, « Avenir des églises africaines » in 2000 ans de Christianisme, Aufadi, Paris, 1976, p. 86. Conclusion 421 L’étude a aussi montré que le modèle religieux proposé par la mission ne pouvait pas déboucher sur des chrétiens de qualité ayant véritablement tourné le dos au péché pour former le peuple de Dieu. L’ampleur des rivalités ethniques et des guerres de leadership traduisent que la christianisation a été moins profonde. Les chrétiens sont mal formés et les leaders sont souvent loin d’être des modèles, sel de la terre et lumière du monde 770 . L’autonomisation précipitée des Églises a provoqué la naissance d’une Église prématurée 771 . Il aurait donc été important pour la mission de prendre le temps nécessaire pour former des pasteurs capables d’assurer la relève. Par ailleurs, l’unité prônée par l’Église aurait dû être enseignée en vue d’éradiquer les problèmes ethniques et susciter le respect des préceptes bibliques, gage de paix et de concorde entre croyants. L’étude permet enfin de montrer que les croyants UEESO-CI euxmêmes manquent de sincérité dans leur conversion. Ils font preuve d’une conversion superficielle et se montrent incapables de respecter les prescriptions bibliques et devenir de vrais témoins du Christ 772 . Ils ignorent que « La conversion (…) c’est aussi un acte social d’engagement dans une communauté marquée par un itinéraire "initiatique" et des gestes rituels appropriés, le tout témoignant d’un changement d’identité sociale » 773 . Ce changement doit avoir une répercussion positive sur la société car tel devra être le rôle de l’Église. 770 Voir Mathieu Chapitre 5 v13 à 14. Ce terme, bien que péjoratif, désigne bien les réalités de l’UEESO en 1962. 772 Cette réalité commune aux Églises africaines a amené les évêques camerounais à se poser la question suivante : « Nos églises sont pleines, nos célébrations liturgiques si belles, mais la vie chrétienne ne reflète pas assez notre foi au Christ, Prince de la justice et de la vérité. La corruption et la gabegie sont aussi le fait des chrétiens, de tant d’hommes et de femmes sortis des écoles catholiques. D’où notre interrogation pourquoi les fidèles chrétiens n’arrivent-ils pas à se distinguer et à opérer le changement de la société ? » Cf. Message des évêques du Cameroun, 10 janvier 2009, la documentation catholique N°2419, 1er mars 2009, p. 257. 773 André MARY, cité par Laurent AMIOTTE-SUCHET, op.cit, p. 589. 771 422 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique La question ethnique reste dans l’UEESO-CI un grand défi. Une prise en compte de critères plus objectifs qu’ethniques pourrait favoriser davantage de sérénité au sein de cette communauté chrétienne. Les racines du mal sont à rechercher dans le cœur même de chaque chrétien. « Car c’est du dedans, du cœur des hommes que sortent les desseins pervers 774 ». Le tribalisme a conduit à des prises de position égoïste, au repliement des groupes ethniques sur eux- mêmes. Les liens de parenté étant privilégiés, l’exploitation du sentiment ethnique n’est pas au service du bien de la communauté. L’idolâtrie de la tribu a conduit à exclure les autres, à opposer un groupe à un autre. L’amour de sa tribu a mis en définitive en lumière un état d’esprit pervers au service des déchirements. La diversité ethnique qui caractérise la composition sociologique de l’UEESO-CI ne devrait pas constituer un problème pour la vie de cette communauté si elle était présentée comme une richesse. Ce qui suppose un respect mutuel et une noble découverte de la grandeur des autres pouvant déboucher sur un partage des valeurs culturelles. Accepter la richesse et la variété des cultures peut se traduire par un engagement à bâtir ensemble une communauté stable et pacifique. Pour atteindre le bien commun, réussir un vivre ensemble au-delà de la simple tolérance de la présence des autres à ses côtés, il convient de dépasser les clivages ethniques et tribaux et cultiver le dialogue contre l’esprit de division. Cela doit passer par une éducation ou une rééducation du peuple de Dieu. Pour y parvenir, un bon niveau d’instruction des pasteurs est plus que nécessaire. L’Église devra former des pasteurs capables de comprendre puis d’interpréter la doctrine chrétienne en vue d’éviter les amalgames. Elle devra revoir la formation des fidèles en vue de les rendre capables d’aller au-delà des considérations ethniques pour former 774 Marc 7v21. Conclusion 423 une Église ou il n’y a ni Grec, ni Juif, ni Wê, ni Dan, ni Kroumen, ni Bété, ni Niamboua, et qui soit véritablement le sel de la terre. 775 Il est vrai que tous les auteurs ont tendance à défendre la cause d’une Afrique victime d’une agression culturelle qui l’empêche de s’épanouir spirituellement et plaident tous en faveur d’une reconsidération des valeurs africaines en vue de leur participation effective à la civilisation universelle. Mais il ne faut pas jeter du revers de la main cette mentalité africaine parfois hostile au changement. L’objectif de la mission chrétienne en Afrique n’était certainement pas de créer des Églises à problème, mais c’est l’incapacité des convertis d’intégrer les principes de leur nouvelle religion qui est à la base des difficultés de l’Église africaine et principalement de l’UEESO-CI. Membre de l’Église UEESO-CI, nous voudrions que cette thèse soit perçue comme un regard de l’intérieur, une autocritique objective qui n’est pas une autodestruction. La prise en compte des critiques, mêmes les plus acerbes permettrait à l’Église de corriger certaines imperfections et se rendre de plus en plus utile à Dieu et à la société. Les nombreuses crises qui continuent de fragiliser cette communauté peuvent toujours être corrigées. Les solutions se trouvent dans la richesse de sa diversité culturelle et idéologique jusque là mal exploitée. L’UEESO-CI devra jeter un regard rétrospectif sur son histoire ; considérer ses acquis, estimer sa contribution non moins importante à la naissance et au développement de la nation ivoirienne. Avec ses 34 écoles primaires, son prestigieux collège protestant de Daloa, sa pouponnière de Man qui continue de donner le sourire à des milliers d’orphelins, son institut biblique, ses centres de formation professionnelle, ses motels..., elle constitue un acteur important du développement économique, social et spirituel du pays. Les crises d’aujourd’hui ne doivent pas étouffer la gloire d’hier ; encore moins ne doivent-elles l’arrêter. 775 Lire Mathieu 5, sermon sur la Montagne. 424 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Aujourd’hui, à l’heure même où la Côte d’Ivoire sort de la plus grave crise de son histoire et amorce une nouvelle ère, celle de sa reconstruction, la contribution de toutes les composantes sociales s’avère nécessaire. L’Église dans sa grande composante y est très attendue. L’UEESO-CI ne doit donc pas rester en marge de ce noble projet. Elle devra donner l’exemple de la confession, du pardon et de la réconciliation vrais. Tel qu’il se présente, ce travail n’a pas la prétention d’être exhaustif. D’ailleurs, vu la richesse de l’histoire de l’UEESO-CI, il faudra encore plusieurs thèses pour pouvoir cerner les différents contours de l’histoire de cette Église bientôt centenaire. Cette thèse, comme toute œuvre humaine d’ailleurs, présente certainement des limites, voire des faiblesses. Cependant nous pensons que son apport à l’édification de l’histoire religieuse de la Côte d’Ivoire n’est pas négligeable. Les limites se trouvent dans un premier temps, au niveau des sources d’information et de leurs traitements. Face à l’insuffisance voire au manque d’écrits historiques sur le sujet et faute d’archives bien organisées à l’UEESO-CI, nous nous sommes souvent limité à des lectures parfois générales et à quelques documents d’archives fournies par des régions de l’Union ou par des particuliers, en privilégiant plutôt les enquêtes orales. Or, nos informateurs étant pour la plupart des responsables de l’Église UEESO-CI, l’objectivité des informations fournies pourraient être objet à contestation. Il y a aussi le problème de l’exactitude des dates, des noms, des lieux et des personnages étant donné que certains de nos informateurs sont très âgés et sont en train de perdre la mémoire. Quant à l’analyse de ces informations, elle a certainement été influencée par notre subjectivité et nos partis pris du fait de notre appartenance à l’Église. Nous reconnaissons aussi que la thèse n’a pas abordée en profondeur tous les aspects du sujet. Par exemple, la biographie de certains missionnaires et pionniers africains de l’UEESO-CI est incomplète ou Conclusion 425 inexistante. Cela s’explique par le manque de documentation sur le sujet. Les statistiques sur les conversions et l’évolution du nombre des membres de l’Église sont discontinus. Car, depuis la fin de l’ère missionnaire, il n’y a plus eu de véritables recensements des chrétiens UEESO-CI. C’est volontiers que les relations entre la MBCI et les autres missions chrétiennes et celles entre l’UEESO-CI et les autres communautés n’ont pas été profondément abordées car nous voulions éviter une étude trop large qui risquerait d’être superficielle. À toutes ces limites s’ajoutent les faiblesses d’écriture. Nous sommes conscients que ce travail contient certainement des fautes au niveau de la syntaxe, et le style n’est pas peut-être élaboré. Nous restons ouvert donc aux critiques et suggestions des éventuels lecteurs et des chercheurs. Néanmoins, nous pensons avoir apporté une part, aussi modeste soit-elle, à l’édification de l’histoire religieuse et particulièrement celle de la Côte d’Ivoire qui reste à écrire. Nous avons aussi apporté un éclairage historique aux problèmes liés à l’Église africaine issue de ce vent missionnaire qui a soufflé sur le continent africain pendant ces deux derniers siècles, à partir du cas de l’UEESOCI. Toutefois, pour l’Histoire, le champ d’investigation reste encore très vaste pour comprendre la totalité des faits relatifs à la naissance et à l’évolution de l’UEESO-CI. Plusieurs autres aspects très intéressants de ce sujet restent encore en friche. Cette thèse pourrait être un prétexte pour d’autres chercheurs d’étendre la recherche sur ces aspects en en faisant une étude plus poussée. Par exemple, un travail sur le regard croisé entre missionnaires blancs et évangélistes africains pourraient permettre de mieux comprendre les relations entre ces deux catégories bien distinctes de serviteurs de Dieu. Il serait alors question de comprendre qui était le missionnaire pour l’évangéliste et vice-versa. 426 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Aussi, les relations entre chrétiens et adeptes des religions traditionnelles, légèrement abordées dans cette thèse pourraient faire l’objet d’études plus approfondies. Cela permettrait par exemple de comprendre pourquoi malgré l’expansion de la religion chrétienne, les peuples du sud-ouest ivoirien restent toujours solidement ancrés dans les religions et croyances traditionnelles. ANNEXES Annexe 1 : Guide d’entretien et questionnaires Le guide d’entretien que nous présentons ci-dessous a été utilisé dans nos échanges avec les pionniers. Dans la plupart des cas, ces entretiens prévus dans la perspective d’un entretien directif, se sont transformés en récits autobiographiques que nous avons enregistrés intégralement à cause de la richesse des informations qu’ils contenaient. Quant aux questionnaires, ils ont été adressés aux anciens convertis qui ont été contraints d’y réponde selon l’ordre imposé. Cependant, dans la plupart des cas. Cette exigence n’a pas empêché d’autres échanges plus développés après le remplissage des questionnaires. 1.1-Guide d’entretien Identification de l’informateur Présentez-vous : nom, prénoms, âge, ethnie, situation familiale, lieu de résidence, profession : .................................................................................................................... .................................................................................................................... Thème I : cursus scolaire et formation Parlez-nous de votre cursus scolaire et de vos formations puis dites-nous si ces formations ont une incidence sur votre conversion : .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... 428 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Thème II : Le passé religieux du converti ainsi que celui de sa famille Parlez nous de vos croyances religieuses avant votre conversion : .................................................................................................................... Renseignez-nous sur la religion de votre famille : .................................................................................................................... Thème III : L’expérience de conversion À quel moment avez-vous décidé de devenir chrétien ? .................................................................................................................... Quelles en sont les motivations ? .................................................................................................................... Comment la rupture s’est-elle faite ? .................................................................................................................... Comment s’est faite votre conversion et à quelle période ? .................................................................................................................... Quelle fut la réaction de votre famille et de votre entourage après votre conversion ? .................................................................................................................... Thème IV : La vie pastorale. Parlez-nous de votre choix d’être évangéliste ou pasteur ? .................................................................................................................... Quelles en sont les véritables motivations ? .................................................................................................................... Quelles ont été vos plus grandes satisfactions dans ce ministère ? .................................................................................................................... Annexes 429 Quelles ont été vos déceptions ? .................................................................................................................... Thème V : Crise dans l’Église Parlez nous des crises dans l’Église UEESO-CI. Quelles en sont les raisons, les manifestations et les impacts sur la vie de l’Église ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... 1.2- Questionnaires Questionnaire adressé par voie électronique à la mission biblique à la suite d’échanges avec M. Reynaud, président du comité. Mission biblique 1. Quelles sont les raisons qui ont motivé la naissance de la MBCI en Côte d’Ivoire ? .................................................................................................................... 2. Qui étaient Daniel et Laure RICHARD ? (Avoir une photographie d’eux et d’autres missionnaires si possible). .................................................................................................................... 3. Comment se fait la formation missionnaire à l’institut de Nogent (critère de sélection, niveau d’étude, durée de la formation ? .................................................................................................................... 4. Peut-on avoir la liste (avec la période de service et des fonctions exercées) des différents missionnaires de la MBCI de 1927 à 1976 ? .................................................................................................................... Préciser si possible si tous ont subi une formation missionnaire. 430 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 5. Pourquoi créait-on les stations missionnaires ? .................................................................................................................... 6. Pourquoi étaient-elles généralement décalées de la ville ? .................................................................................................................... 7. Quelles sont les difficultés rencontrées par ces missionnaires sur le champ de mission ? .................................................................................................................... 8. De quoi les missionnaires vivaient-ils (salaire, dons…) ? .................................................................................................................... 9. Comment la MBCI était-elle organisée (gestion, les différentes responsabilités). .................................................................................................................... 10. Quels sont les différents responsables successifs de la MBCI de 1927 à 1982 ? .................................................................................................................... 11. Pourquoi la MBCI commence-t-elle l’œuvre à Sassandra et finit par concentrer son travail dans l’ouest montagneux ? .................................................................................................................... 12. Quelles furent les relations de la MBCI avec l’administration coloniale ? .................................................................................................................... 13. Quelles furent ses relations avec les autres missions et avec l’Islam ? .................................................................................................................... 14. Quand « L’appel » a-t-il été créé et quel était son objectif ? .................................................................................................................... Annexes 431 Évangélisation 1. Quelles sont les méthodes utilisées par la MBCI dans le cadre de l’évangélisation ? .................................................................................................................... 2. Quels sont les moyens utilisés (appâts…) ? .................................................................................................................... 3. Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’évangélisation (d’ordre culturel, social, en fonction des peuples…) ? .................................................................................................................... 4. Quelle était l’apport des premiers convertis dans cette évangélisation ? .................................................................................................................... 5. Les missionnaires blancs étaient-ils parfois opprimés ? Comment ? .................................................................................................................... L’Église 1. Peut-on avoir la chronologie de la création des Églises jusqu’en 1963 ? .................................................................................................................... 2. Comment l’Église était-elle gérée (le rôle des frères ivoiriens ou Africains et celui des missionnaires) .................................................................................................................... 3. Comment la formation des évangélistes se faisait-elle (critères de sélection, durée de la formation, contenue de la formation) ? .................................................................................................................... 4. De quoi les évangélistes vivaient-ils (salaire, dons…) ? 432 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique .................................................................................................................... 5. Quelle appréciation faites-vous de la pratique religieuse des premiers convertis ? .................................................................................................................... 6. D’où est venue l’idée d’autonomisation de l’Église ? .................................................................................................................... 7- L’Église était-elle préparée à cette autonomisation ? Comment la relève a-t-elle été préparée ? .................................................................................................................... Questionnaire adressé entre 2011 et 2012 à une vingtaine d’anciens chrétiens dans les différentes régions UEESO-CI Ce questionnaire vous est adressé dans le cadre d’un travail de recherche sur l’UEESO-CI. Veuillez y répondre en fonction des informations en votre disposition. Identification et ancienneté et responsabilité dans l’Église Nom et prénom (facultatif) ............................................................. Age ……………… Nationalité ……………… Ethnie ……………… Fonction ……………… Année de : Conversion ……………… Baptisé ……………… Fonction ……………… Responsabilité dans l’Église ……………… Annexes 433 Milieu d’origine Je suis : de parents UEESO-CI de parents non chrétiens de parents d’autres églises Participation à la vie de l’Église La moyenne de votre offrande par dimanche .................................................................................................................... J’ai payé au moins une fois la dîme Je le fais quelques fois Toujours Combien de fois participez-vous en moyenne aux programmes de la semaine………………… Combien de fois avez-vous participé déjà à une convention ? à un camp à un rallye ailleurs Pensez-vous que les chrétiens UEESO-CI participent souvent aux conventions ? Si non pourquoi ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... ...................................................................................... 434 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Arrière-plan culturel et degré d’abandon de la vieille nature Avez-vous des totems au niveau de la famille ? .................................................................................................................... Les respectez-vous encore ? .................................................................................................................... Croyez-vous en la sorcellerie ? .................................................................................................................... Pour vous, le chrétien doit-il se méfier des sorciers ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Participez-vous aux cérémonies traditionnelles de funérailles ou de mariage………………… Selon-vous, est-ce normal pour un chrétien de participer aux cérémonies traditionnelles, funérailles, sacrifice ou libation ?......... Pourquoi? ................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Opinion sur la vie de la communauté Je pense que le processus de baptême à l’UEESO-CI est : Bien un peu long difficile et épuisant Je pense que le processus de mariage à l’UEESO-CI est : Bien Long et coûteux un peu long Annexes 435 Que pensez-vous de la communion fraternelle à l’UEESO-CI ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Croyez-vous qu’il y a des conflits ethniques à l’UEESO-CI ? Lesquels ...................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Quelles en sont les causes ? ....................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... La sanctification et la vie de prière Avez-vous une fois confessé un péché à un responsable ? ........................ Quel est le péché qui fatigue le plus les chrétiens selon vous ? .................................................................................................................... Combien de fois priez-vous en moyenne par jour ? .................................. .................................................................................................................... Citez quelques sujets pour lesquels vous priez souvent ............................. .................................................................................................................... Qu’est ce qui peut empêcher un chrétien de prier ? ................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... 436 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Opinion sur le pentecôtisme Que pensez-vous des prières d’ensemble ? ............................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Que pensez-vous du parler en langues ? .................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Opinion sur les conflits dans l’Église et la gestion de l’héritage missionnaires Pensez-vous qu’il existe un problème Wê et Dan à l’UEESO-CI ? .......... .................................................................................................................... Selon vous, quelles en sont les causes ? .................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Que pensez-vous des conditions de vie des pasteurs à l’UEESO-CI ? ...... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Pensez-vous que les pasteurs UEESO-CI s’entendent bien ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... Si non quelles sont les causes des mésententes ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... Pensez-vous que l’UEESO-CI est une Église missionnaire ? .................... Annexes 437 .................................................................................................................... Justifiez votre point de vue ......................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Pensez-vous que l’UEESO-CI gère bien les biens laissés par la mission (écoles, pouponnière, instituts ? ................................................................ .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Regard critique sur la marche de l’UEESO-CI Selon vous quels sont les plus grands problèmes de l’UEESO-CI ? .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... Bref récit de conversion Quelques mots sur votre conversion : .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... .................................................................................................................... 438 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Annexe 2 : Les textes de l’UEESO-CI Cette catégorie présente dans un premier temps les statuts et règlement intérieur de l’UEESO-CI. Cette présentation suit un ordre chronologique en vue de permettre au lecteur d’apprécier les différentes modifications juridiques intervenues au sein de l’Union. Nous avons présenté l’intégralité des premiers statuts et règlements intérieurs puis un extrait de la version actuelle qui met à jour les différentes modifications. Dans un second temps, nous avons retenu un extrait de la position doctrinale et des extraits de débats autour de la question doctrinale à l’Union. Les textes fondateurs de l’UEESO-CI Statuts de l’union des Églises evangeliques du sud-ouest de la Côte d’ivoire CHAPITRE I Principes Généraux Article 1 Les Églises issues de la Mission Biblique, fondées sur la base de la confession de foi des Églises Évangéliques dites « Baptistes » se constituent en une Association. Article 2 Cette Association prend pour titre : « L’UNION DES ÉGLISES EVANGELIQUES DU SUD-OUEST ». Article 3 Cette Union a pour but d’assurer la célébration du Culte Évangélique en facilitant la tâche de chacune des Églises et en développant entre elles une véritable unité de pensée et d’action chrétienne. Annexes 439 Article 4 Tout en respectant la liberté de chacun, l’Union s’interdit tout but, toute discussion, toute action politique. Article 5 Le siège de l’Union est établi à l’adresse du Président du Comité de l’Union. Il pourra être transporté ailleurs par décision de l’Assemblée Générale. Article 6 L’organisation générale est la suivante : Les Églises locales et les œuvres qui s’y rattachent, Les Assemblées Régionales, Une Assemblée Générale, Un comité de l’Union. CHAPITRE II Assemblées, régionales Article 7 Les Assemblées Régionales réunissent au minimum une fois par an les délégués des Églises et des Œuvres dépendant de l’Église locale ou de la Région. Elles s’organisent et délibèrent conformément aux règles établies par les Règlements Intérieurs. Elles règlent les questions particulières qui leur sont soumises et prennent toutes décisions dans l’intérêt général des Églises et des Œuvres de la Région. Elles étudient l’Ordre du jour proposé par le Comité de l’Un1on. Elles choisissent leurs délégués à l’Assemblée Générale. Elles établissent la liste de leurs candidats au Comité deb l’Union. 440 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique CHAPITRE III Assemblée générale Article 8 L’Union elle-même délibère en Assemblée Générale suivant les règles établies par les Règlements Intérieurs de l’Union. Les décisions sont prises à la majorité absolue des votants sauf exceptions prévues aux différents Chapitres, La présence des deux tiers des délégués est nécessaire pour délibérer, Article 9 L’Assemblée Générale se compose de délégués choisis au sein des Assemblées Régionales et nommés par celles-ci. Des observateurs peuvent être invités, ils n’ont pas voix délibérative. Seuls les délégués ont droit de vote. Le mandat des délégués expire à la fin de la session pour laquelle ils ont été nommés. Article 10 L’Assemblée « Générale se réunit régulièrement tous les deux ans ; elle peut être convoquée en session extraordinaire par le Comité de l’Union ; d’autre part, celui-ci devra la convoquer à la demande du tiers au moins des Églises ». Article 11 L’Assemblée Générale délibère sur les sujets d’intérêts généraux des Églises et des Œuvres qui s’y rattachent. Elle prend toutes décisions utiles pour le bon ordre et la sauvegarde de l’Union Elle vote sur l’admission de nouvelles Églises après avis du comité de l’Union ; cette décision est prise à la majorité des deux tiers des voix des membres présents. Annexes 441 Elle décide de l’adhésion à des Unions ou Fédérations Évangéliquesayant le même objet. Cette décision est prise à la majorité des deux tiers des voix des délégués présents, après avis du Comité de l’Union. En cas de vote favorable. Afin de garantir son autonomie, les présents Statuts continueront de régir l’Union elle-même. L’Assemblée délimite géographiquement les Régions. Elle se prononce sur les difficultés et les questions que lui présentent volontairement les Églises ou Œuvres intéressées. Elle élit, au scrutin secret, les membres du comité de l’Union, parmi les candidats présentés par les Assemblées Régionales. CHAPITRE IV Comité de l’Union Le Comité de l’Union Article 12. Le Comité de l’Union est composé de sept à quinze membres ; il y a en outre trois suppléants. Son Bureau comprend un président, un vice-président, un secrétaire et un trésorier élus au sein du Comité et par lui pour quatre ans. Le Bureau ainsi composé forme le « Conseil d’Administration » officiel de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest. . Le Bureau peut être renouvelé totalement ou partiellement si les deux tiers des délégués à l’Assemblée Générale le demandent. Les autres membres du Comité sont renouvelables à chaque session de l’Assemblée Générale régulière. Ce Comité se réunit au minimum une fois par an sur convocation du président en exercice ou, en bas d’empêchement, du vice-président. 442 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Il ne siège valablement que si les deux tiers de ses membres sont présents. Article 13 Les attributions du Comité de l’Union sont les suivants : Il administre toutes les affaires concernant l’Union gère les biens, meubles et immeubles. Il représente l’Union vis à vis des Autorités de la République, et peut déléguer un de ses membres pour remplir et signer Valablement toutes les formalités administratives édictées par les Lois et règlements, entreprendre toutes démarches d fixées par l’Assemblée et représenter l’Union devant les tribunaux. Il veille à l’exécution des décisions prises par l’Assemblée Générale. Il convoque l’Assemblée Générale en session ordinaire ou extraordinaire et en prépare les travaux. Il reçoit et examine les demandes d’admission et de réadmission d’Églises. Entre les sessions de 1’Assemb1ée Générale ; il a qualité pour prendre les décisions urgentes qui s’imposent. Il est responsable devant 1’Assemblée Générale à laquelle il fait un rapport de la gestion. CHAPITRE V Divers : Finances Article 14 Les frais généraux du Bureau du Comité de L’Union sont couverts par les contributions des Églises et des Œuvres qui s’y rattachent suivant un barème établi à chaque Assemblée Générale. Annexes 443 Le trésorier reçoit et gère les fonds mis à sa disposition. Conseillers Article 15 Les Églises et les différentes Œuvres ainsi que le Comité de l’Union peuvent faire appel à des conseillers pour toute aide spirituelle et technique. Admission -Radiation Article 16 Pour faire partie de l’Union, chaque Église ou Œuvre doit : I° Adhérer à la confession de Foi mentionnée à l’Art. 2° N’avoir soit dans ses usages, soit dans sa marche rien de contraire à la dite confession ; 3. Adhérer aux présents Statuts ; 4° Etre admise par l’Assemblée Générale. Article 17 Toute Église peut se retirer de l’Union en tout temps. Les Églises qui ne rempliraient plus les conditions de l’Art. I6 seront exclues sur un vote de l’Assemblée Générale. Modification des Statuts Article 18 Toute proposition tenant à modifier les présents Statuts ne peut être faite que par le tiers d’une Assemblée Régionale ou Générale. Ces modifications doivent être votées par la majorité des membres du Comité de l’Union, ratifiées à la majorité des deux tiers par l’Assemblée Générale et par les deux tiers des Églises. Dissolution Article 19 444 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Il est attribué tout pouvoir à l’Assemblée Générale pour prononcer la dissolution de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest. Toutefois, pareille décision ne pourra être valable que si la majorité des deux tiers des membres présents 1’ont acceptée et qu’elle à été ratifiée par la majorité de chaque Assemblée Régionale et des deux tiers des Églises. Règlements intérieurs de l’Union CHAPITRE I Confession de foi des Églises de l’Union Paragraphe 1 -DU VRAI DIEU Nous croyons qu’il y a un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, créateur de toutes choses, infini, Eternel, Tout-puissant et méritant au plus haut degré confiance, amour, obéissance, louange et adoration. Paragraphe 2- DES SAINTES ÉCRITURES Nous croyons que les Ecrits canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament sont la Parole de Dieu et doivent être la seule infaillible règle de foi et de vie chrétienne par laquelle nous serons jugés, et la seule pierre de touche pour éprouver toute tradition, toute doctrine et tout système religieux. Paragraphe 5 DE LA CHUTE DE L’HOMME ET DES SUITES DU PÉCHÉ Nous croyons qu’Adam notre premier père fut crée innocent et bon, mais qu’ayant volontairement violé le commandement de son créateur, il perdit son état primitif ; de sorte que tous ses descendants, héritant de sa nature, sont enclins au mal. Nous croyons aussi que tous ceux qui ont transgresse la loi de Dieu son justement exposés à la mort éternelle. Annexes 445 Paragraphe 4 DE JESUS-CHRIST ET DE SON OEUVRE Nous croyons que Jésus-Christ, Je Verbe fait chair, né d’une vierge, conçu par la vertu du Très haut, est le Fils de Dieu, et qu’après avoir été tenté comme nous en toutes choses, il est resté saint, innocent, sans souillure; qu’il a souffert et qu’il est mort sur la croix pour expier nos péchés; qu’il est ressuscité et monté au ciel où il est seul médiateur entre Dieu et les Hommes, et d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts. Paragraphe 5 DU SALUT PAR LA FOI EN JESUS-CHRIST Nous croyons que pour être sauvé, le pécheur doit se repentir de ses péchés, accepter l’œuvre de Jésus et s’unir à lui par la foi. Cette union produit la justification, la régénération et la sanctification sans lesquelles nul ne verra le Seigneur. Nous croyons aussi que la vraie foi se manifeste toujours par des œuvres agréables à Dieu. Paragraphe 6 DE L’ŒUVRE DU SAINT-ESPRIT Nous croyons que c’est le Saint-Esprit qui, appliquant au cœur les vérités de l’Ecriture, produit en ceux qui sont élus selon la préscience de Dieu, la vie chrétienne dans son principe et dans ses effets, et les rend capable d’y persévérer jusqu’à la fin. CHAPITRE II Principes généraux Paragraphe 14 Les Églises du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire sont composées de membres qui font profession individuelle de la Foi. Elles ne connaissent en matière religieuse aucune Autorité que celle de Jésus-Christ, l’unique et Souverain Chef de l’Église. Ces Églises s’unissent entre elles pour glorifier Dieu en manifestant l’Union de ses Enfants, pour travailler à 446 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’édification du Corps de Christ et pour s’occuper ensemble de l’extension du Règne de Dieu. Paragraphe 15 Dans le cadre de l’Union, des Régions sont délimitées géographiquement par l’Assemblée Générale. Leurs limites et leur nombre peuvent être modifiés pour le bon fonctionnement des Assemblées Régionales. Paragraphe 16 Les Églises locales, les Régions ou l’Union elle-même peuvent avoir la responsabilité d’une ou plusieurs Œuvres particulières. On entend par Œuvre particulière, soit l’œuvre d’évangélisation, soit l’œuvre scolaire, soit l’œuvre médicale, soit une soit toute œuvre semblable dépendant d’une Église, d’une Région ou de l’Union. Paragraphe 17 Chaque Église règle ses propres affaires intérieures et considère les Églises de l’Union comme des Églises sœurs, leurs membres jouissant indifféremment des mêmes avantages. Paragraphe 18 La règle est que chaque Église doit pourvoir à ses propres besoins par les contributions volontaires de ses nombres et amis. Elle ne compte sur aucune aide de l’État. Chaque Serviteur de Dieu accepte le principe de la vie par la Foi. Paragraphe 19 Dans les régions ou les ressources locales sont insuffisantes, aucun travailleur ne sera rétribué sans l’assentiment du Comité de l’Union. Les postes d’Évangélisation et autres Œuvres s’efforceront de contribuer le plus possible aux traitements de leurs Evangélistes et autres responsables. Annexes 447 Toute Œuvre particulière est rattachée soit à une Église locale, soit à une Région, soit à l’Union elle-même. Paragraphe 20 Pour faciliter la tâche des Églises et des Œuvres qu’elles décident de faire en commun et aussi longtemps qu’elles le désirent, des COMMISSIONS FINANCIÈRES REGIONALES gèrent les fonds provenant des dons, dîmes et collectes qui leur sont confiées. Elles comprennent les membres du Bureau de l’Assemblée Régionale, le conducteur spirituel et au minimum un membre du Conseil de chaque Église. Elles s’organisent et délibèrent sous la responsabilité du Bureau. Le trésorier tient à jour les Comptes et les communique aux Églises et Œuvres intéressées. Paragraphe 21 Avec le consentement des Églises et des Œuvres qu’elles font en commun, pour faciliter leur tâche et manifester leur solidarité, une CAISSE CENTRALE D’ENTRAIDE alimentée par leurs contributions volontaires aidera s’il y a lieu les Églises et Œuvres ne pouvant supporter la totalité de leurs dépenses locales ; Le trésorier de l’Union gère cette Caisse et assure la répartition des fonds selon les directives du Comité d’après les besoins présentés par les présidents des Assemblées Régionales. Selon les disponibilités, la Caisse pourra en outre dépenses d’intérêt général. Le trésorier enverra périodiquement les Comptes dans chaque Région. 448 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique CHAPITRE III Assemblée générale Paragraphe 22 L’Assemblée Générale délibère sur les points de l’ordre du jour tel qu’il a été établi par le Comité de l’Union compte tenu des suggestions des Assemblées régionales. Le Président du Comité de l’Union est responsable des débats. Il doit rester neutre ; dans certains cas, il peut céder sa place au Viceprésident. L’Assemblée choisit le mode de scrutin qu’elle désire. L’Assemblée reçoit dans chacune de ses sessions ordinaires et de chaque Région un bref, rapport, de préférence écrit, sur la marche générale de l’Église et des Œuvres qui en dépendent. Elle se prononce sur l’acception des anciens et des Evangélistes pouvant assumer les charges pastorales ainsi que sur les cas particuliers qui lui sont présentés. Elle peut émettre les Vœux. L’Assemblée fixe des règlements et la Consécration au Saint Ministère. Elle fixe l’âge de la retraite, le barème des traitements, pensions etc. Elle désigne deux vérificateurs des Comptes. Si une Église se détournait de la Foi, ou s’il s’y omettait des désordres graves, l’Assemblée Générale devra se prononcer avec le secours du Saint-Esprit, sur le meilleur moyen de remédier au mal et pourra exclure une telle Église de l’Union. Sa réadmission sera soumise au vote de l’Assemblée Générale dans les mêmes conditions que pour les admissions définies au Chapitre III. Paragraphe 23 Nul ne peut être délégué 1- S’il n’a pas été baptisé au moins depuis deux ans ; Annexes 449 2- S’il n’appartient pas à une Église ou Œuvre faisant partie de l’union. Les frais de déplacement des délégués sont à la charge des Églises ou des Œuvres qu’ils représentent. CHAPITRE IV Comité de l’Union Paragraphe 24 Les différentes Régions devront être équitablement représentées dans le Comité. Dans la mesure du possible, il sera tenu compte : Du nombre total des baptisés, du nombre et de l’importance des Églises locales ; toutefois, il ne pourra y avoir plus du tiers de ses membres appartenant à la même Région. La majorité des membres est choisie parmi les Conducteurs responsables à l’Église et la minorité parmi les membres. La ‘même règle s’applique pour le choix des suppléants. Le Comité élit dans son sein, parmi ceux qui sont au service de Dieu dans le ministère de la Parole (pasteur ou Evangéliste) Un président et un Vice-président et indifféremment : un secrétaire et un trésorier ; La composition du Bureau est soumise à la ratification de l’Assemblée Générale. Paragraphe 25 Le Comité de l’Union a en particulier les compétences suivantes : Il veille à l’observation de la Confession de Foi. Il exerce une surveillance fraternelle sur toutes les Églises et Œuvres. Il assure la bonne marche de toute Œuvre particulière dépendant de l’Union. Il sert de lien entre les Églises de l’Union et entretient des rapports fraternels avec toutes les Églises ou Assemblées qui, en Afrique ou hors d’Afrique, vivent et professent la même foi. 450 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Il rend compte devant l’Assemblée Générale de la gestion des fonds qui lui sont confiés et de la marche générale de l’Union. Il contrôle le recrutement et s’occupe de la préparation de tous les Pasteurs et Evangélistes de l’union ; il s’assure de la vocation des candidats. Il assiste les Églises pour trouver les Pasteurs, Evangélistes et autres responsables d’œuvres dont elles auraient besoin et peut intervenir en pas de différend. Il se prononce sur le placement des proposants en accord avec eux et avec leur Assemblée Régionale. Il peut proposer une Assemblée Régionale le déplacement d’un Serviteur de Dieu en faveur d’une autre Région. Il invite un représentant de chaque Œuvre particulière dépendant de 1’Union à l’Assemblée Générale. Il peut invite des Observateurs à l’Assemblée Générale. Il envoie aux présidents des Assemblées Régionales, trois mois avant la date prévue pour la session de l’Assemblée Générales l’ordre du jour qu’il a établi. En vue d’une éventuel1e adhésion, le Comité fait une en quête approfondie sur les Unions et Fédérations avant que l’Assemblée Générale ne vote, conformément aux dispositions prises au chap.III, Article II des Statuts ; Il en est de même pour l’admission ou de la réadmission d’Église. Paragraphe 26 Le Comite repartit lui-même, s’il le juge nécessaire, sa tâche entre diverses commissions qui préparent et suivent.les questions de leur ressort et soumettent leurs conclusions au Comité qui statue. Exceptionnellement, avec l’accord de l’Assemb1ée Générale, le Comité peut élargir une Commission en choisissant d’autres membres ; toutefois, la majorité des membres de cette Commission doit appartenir Annexes 451 au Comité. Les membres ainsi adjoints ne siègent au Comité de l’Union que pour l’examen des questions pour lesquelles ils ont été nommés. » D’autres parts, le Comité peut s’adjoindre les membres représentatifs du corps enseignant pour former une Commission Scolaire chargée d’assurer la bonne marche de cette Œuvre. Elle s’organise et délibère selon des règles qui lui sont propres. Les membres doivent appartenir à l’Église, les observateurs peuvent être invités leur nombre est fixé par la dite commission. Entre les sessions du Comité, c’est le Président qui décide et agit à condition d’obtenir au préalable - sauf cas d’extrême urgence- l’accord de ses assesseurs. En cas de décision importante, le Comité doit en informer les Églises et Œuvres intéressées dans un délai de quinze jours. Il peut déléguer un ou plusieurs de ses membres pour une enquête ou visite dans les différentes Régions dépendant de l’Union. CHAPITRE V Assemblées régionales Paragraphe 27 Entre les sessions de l’Assemblée Générale, des Assemblées réunissent les délégués des Églises et des œuvres, par-Région, au minimum une fois par an. Le nombre des délégués à ces rencontres est proportionnel à celui des membres des Églises constituées. La proportion est à déterminer par chaque Assemblée Régionale. Les délégués sont élus par l’assemblée de l’Église locale en se conformant aux conditions énumérées au Paragraphe 23 du présent règlement. Les-postes d’Évangélisation sont assimilés aux Églises pour leur représentation aux Assemblées Régionales. 452 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’Assemblée Régionale détermine le nombre des délégués des Œuvres particulières dépendant de l’Église ou de la Région. Le responsable de chaque Église et de chaque Œuvre particulière dépendant de l’Église ou de la Région est délégué de plein droit. Dans un but purement fraternel, des Observateurs peuvent être-ils invités ; n’ont pas voix délibérative. Paragraphe 28 L’Assemblée choisi le mode de scrutin qu’elle désire. Les délégués présents élisent parmi les Serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes, un Président, un Vice-président et indifféremment un secrétaire et un trésorier. Ceux-ci sont nommés pour deux ans ; ils sont immédiatement rééligibles. Ils forment le bureau de l’Assemblée Régionale. Outre ses fonctions au sein des Commissions Financières, le bureau convoque et organise les Assemblée Régionales. Entre les sessions, le Bureau peut prendre les décisions d’intérêt général qui s’imposent. Dans certains cas, avec l’accord de l’Assemblée Régionale, il peut s’adjoindre au maximum trois membres choisis de préférence parmi les Serviteurs de Dieu pour former une Commission chargée principalement des cas de discipline. (Paragraphe 31) Paragraphe 29 L’Assemblée Régionale désigne deux vérificateurs des Comptes. Elle nomme ses délégués à l’Assemblée Générale parmi les membres présents à raison de UN pour cinquante ou fraction de cinquante chrétiens baptisés résidant dans la région. La majorité des délégués est choisie parmi les serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes. Elle peut désigner des Observateurs à l’Assemblée Générale ; leur nombre ne doit pas être supérieur au tiers de celui de ses propres délégués. Annexes 453 L’Assemblée Régionale établit la liste des ses Candidats au Comité de l’Union dans un ordre de préférence, en tenant compte des considérations exposées au paragraphe 24 du présent Règlement. Paragraphe 30 Les déglués examinent l’ordre du jour proposé par le Comité de l’Union et étudient les questions qu’ils veulent y inscrire. Ils délibèrent sur les sujets particuliers qui leur sont présentés et prennent toutes décisions dans l’intérêt général des Églises et des Œuvres de la Région. L’Assemblée Régionale encourage et contrôle toute Œuvre ayant pour but l’exécution du Commandement du Seigneur : Matthieu 28/I9—20. Elle présente au Comité de l’Union ses Candidats au Saint ministère. Elle-peut intervenir dans le placement des proposants. Elle s’occupe du placement des Pasteurs, Evangélistes, Proposants et autres Serviteurs que Dieu lui envoie. Dans le cadre de la Région, elle se prononce sur toute demande de déplacement présentée par les Églises, les Œuvres ou les Serviteurs de Dieu eux-mêmes. Elle peut demander un déplacement chaque fois que l’intérêt de l’œuvre de recommande. Concernant le déplacement en faveur d’une autre Région, l’Assemblés se prononce : d’une part, sur toute demande présentée par un serviteur de Dieu, d’autre part sur toute proposition du Comité de l’Union ; la décision requiert l’accord de l’intéressé et s’il y a lieu, celui de l’Église ou de l’œuvre dans laquelle il exerce son ministère. L’Assemblée peut soumettre au Comité de l’Union les sujets particuliers qui la préoccupent. Un compte rendu des séances de l’Assemblée Régionale est envoyé au président du Comité de l’Union. 454 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Paragraphe 31 Concernant les Serviteurs de Dieu en activité dans les Églises ou Œuvres dépendant de 1’Eg1ise ou de la Région, la discipline est exercée par l’Assemblée Régionale ou par une commission agrée par elle dans le cas des fautes graves suivantes : • négligence persistante dans l’accomplissement de sa tâche ; • conduite en contradiction avec l’enseignement des Ecritures ; • enseignement contraire au principe de la Parole de Dieu et de l’Église. Un Compte rendu est envoyé sans retard au Président du Comité de l’Un1on. Si elle le désire, l’Assemblée Régionale ou la Commission peut faire appel au Comité de l’Union pour juger certains cas particuliers. L’intéressé peut demander l’arbitrage du Comité de l’Union. Concernant les serviteurs de Dieu en activité dans une Œuvre particulière dépendant de l’Union, la discipline est exercée par le comité de l’Union. Paragraphe 32 Le Bureau de l’Assemblée Régionale peut convoquer les Serviteurs de Dieu en activité dans la Région pour des rencontres particulières. Des Assemblées groupant plusieurs Régions peuvent être convoquées sur la demande du Comité de l’Union chaque fois que l’intérêt général de l’œuvre l’exige. Paragraphe 33 Dans un esprit de collaboration fraternelle, le Comité de l’Union ainsi que les Églises et Œuvres de l’Église peuvent faire appel à la Mission pour toute aide spirituelle et technique afin d’assurer la bonne marche des différentes activités de l’Union. Les missionnaires appelés comme conseillers sont admis au Comité comme aux différentes Assemblées avec voix consultative. Annexes 455 CHAPITRE VI Divers : Modifications Paragraphe 34 Toute proposition tenant à modifier les présents Règlements Intérieurs ne peut être faite que par le tiers d’une Assemblée Régionale ou Générale ; ces modifications doivent être votées par la majorité des membres du Comité de l’Union, ratifiée à la majorité des deux tiers par l’Assemblée Générale et par les deux tiers des Églises. CONCLUSION Paragraphe 35 Les Statuts et Règlements Intérieurs doivent être lus et appliqués sous le regard de Dieu. Le Saint-Esprit doit inspirer les délibérations et les décisions afin que TOUT soit fait POUR LA GLOIRE DE DIEU ET qu’EN TOUTES CHOSES, CHRIST SOIT VERITABLEMENT EN TOUT LE PREMIER. DISPOSITIONS PARTICULIÈRES Pour manifester la communion fraternelle et permettre une collaboration fructueuse entre la Mission, l’Église ct les différentes Œuvres, outre les Conseillers choisis pour aider aux divers stades de l’organisation de l’Union et pour une période transitoire, pourront assister. 1. Aux Assemblées Régionales Les missionnaires 2. Aux Assemblées Générales Les missionnaire chef de district. Les responsables d’œuvres particulières, Le Comité exécutif de la mission. 3. Aux Comités de l’Union 456 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le Comité exécutif de la Mission et un représentant de l’U.F.M. Les missionnaires ont voix consultative. Les dispositions transitoires pourront être modifiées ou prendre fin d’un commun accord. UNION DES ÉGLISES ÉVANGELIQUES DU SUD-OUEST RÉGLEMENTS INTERIEUR DE L’ÉGLISE LOCALE Église : Généralités Article I L’Église est rattachée par Sa Foi aux Églises des temps apostoliques et aux confesseurs de tous les siècles qui n’ont point posé d’autre fondement que celui qui doit être posé, à savoir Jésus-Christ. I Cor. 3 : II Article 2 L’Église locale reconnaît le besoin de s’associer avec d’autres Églises locales identiques afin de manifester la solidarité chrétienne qui l’unit à elles, pour agir en commun, donner ou recevoir de 1’aide, et pour avoir une même représentation auprès des pouvoirs publics. Cette association est l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Article 3 L’Église locale adhère à la Confession de Foi et aux Statuts de l’Union. Les présents Règlements Intérieurs sont ceux de chaque Église de l’Union. Article 4 L’Eg1ise locale se compose uniquement de croyants baptisés après avoir confessé leur foi. L’Eglise reconnaît à chacun de ses membres une complète égalité de droit, quelque soit son sexe ou sa nationalité. Annexes 457 Article 5 L’Église locale, loyale à l’État, s’interdit tout but politique. Article 6 Pour être constituée, une Église doit remplir les conditions suivantes : 1. avoir au minimum 15 membres, 2. avoir parmi ses membres des hommes capables de former un 3. pouvoir couvrir ses propres besoins financiers. conseil, On appelle « Poste d’Évangélisation » une Église en formation ; il se rattache à une Église ou à une Région. Admission Article 7 Pour être admis, les candidats doivent : 1. donner des preuves satisfaisantes de leur conversion, 2. être instruits des Vérités chrétiennes par des cours spécialement appropriés à leurs besoins. 3. adhérer à la Confession de Foi et aux principes de l’Église, 4. avoir I8 ans révolus, sauf décision particulière du Conseil, 5. fréquenter l’Église, ou une Église de l’Union depuis au moins un an. Article 8 Le Candidat au baptême est présenté à l’Église parle Pasteur ou autre conducteur spirituel sur avis favorable du Conseil. Il rend témoignage de sa Foi et répond publiquement aux questions qui pourront lui être posées lors d’une réunion ordinaire du Dimanche ou une Assemblée d’Église. Si après un délai de deux semaines, il n’est fait aucune opposition, le Candidat sera baptisé et reçu dans l’Église. Il suffit d’une opposition motivée pour ajourner une admission. 458 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Le Conseil devra se rendre compte de la valeur des motifs invoqués. Article 9 Des membres d’une autre Église de l’Union munis d’une lettre de Congé et de Recommandation pourront s’ils le désirent devenir membre de cette Église tout en renouvelant les témoignages de leur Foi. La lettre sera valable à condition qu’elle ne date pas plus de six mois. Des personnes incapables de produire leur lettre de Congé et de recommandation ne pourront devenir membres qu’après avoir donné preuves de leur conversion et professé leur Foi. Article 10 Des personnes membres d’Églises n’appartenant pas à l’Union, munies ou non de lettre de Congé et de recommandation, peuvent devenir membres d’une Église de l’Union à condition d’adhérer à la Confession de Foi et aux principes de l’Église, de donner des preuves de leur conversion et de rendre témoignage de leur Foi. Article 11 Les Admissions mentionnées aux Articles 9 et 10 sont proposées à l’Assemblée de l’Église par le Pasteur ou autre Conducteur spirituel sur avis favorable du Conseil. Transfert Article I2 Les membres qui désirent changer de lieu de résidence recevront sur leur demande une lettre de Congé et de Recommandation. Cette lettre sera valable six mois. Radiation Article 13 En tout temps et sur simple déclaration, chaque membre est libre de se retirer de l’Église. Annexes 459 Discipline Article 14 La discipline est exercée suivant le cas par le Conseil de l’Église ou par l’Église elle-même. Article 15 La discipline s’exercera sans acception de personne avec douceur et franchise, mais aussi avec fermeté en faisant toutes les démarches prescrites par la Parole de Dieu pour amener à la repentance le frère ou la sœur qui s’égare. II Tim. 2:25 , 26 ; 4:2 ; Tite 2:15. Article 16 Lorsqu’un membre est répréhensible, soit qu’il se désintéressé de la vie de l’Église, soit qu’il néglige ses devoirs de chrétien, soit qu’il rende un mauvais témoignage par ses paroles ou ses actes;... un ou deux avertissements seront donnés par le Pasteur, seul ou assisté par un ou plusieurs membre du Conseil. Jacq. 5-I9, 20 I-Thes. 5:14 - Mat. I8:I5 - Gal. 6-I - II OCT I3: I S’il persiste dans son infidélité, il sera suspendu, c’est-à-dire privé pour un temps de la participation à la Cène et de l’exercice de ses droits de membre de l’Église. II Thes. 3:14, I5. Article 17 Dans les cas graves, particulièrement lorsqu’il y a scandale public, la suspension sera prononcée immédiatement par le Conseil. Article 18 La suspension est l’objet d’une déclaration à l’Église. Elle est levée par le Conseil après un délai convenable permettant de constater des marques non équivoques de repentir. 460 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dans certains cas dont le Conseil est juge, le coupable devra faire de son péché une Confession publique. Article 13 Si un certain temps après la déclaration de suspension, le coupable n’a manifesté aucun signe de repentance mais s’est endurci au point de n’écouter ni le Conseil, ni l’Église, il pourra être exclu par un vote de l’Assemblée sur proposition du Conseil. Mat. 18:16, 17 - 1 Cor. 5: II - 15 - (Gal. 549-21) Article 20 Tout membre qui aura provoqué la division ou enseigner de fausses doctrines en toute connaissance de cause sera exclu par un vote de l’Assemblée sur proposition du Conseil, à moins qu’il ne se repente et ne se rétracte publiquement. Rom. I6:I7/- Tite 5:10, 11 - Actes 20:29,31 - Apoc. 2:20 Article 21 S’il arrivait qu’un membre du Conseil soit ré répréhensible, le Conseil devrait le plus rapidement convoquer l’Assemblée de l’Église à laquelle seule il appartient de se prononcer en pareil cas. Il pourra être destitué de sa charge de membre du Conseil, rivé de ses droits de membre de l’Église et même, s’il y a lieu, exclu de l’Église. L’Intéressé peut faire appel à l’Assemblée Régionale. Article 22 Aucune accusation contre un responsable de l’Église ou un membre du Conseil ne sera reçue que (sic) sur la déposition de deux ou trois témoins. I Tim. 5 : 19, 20. Article 23 S’il arrivait que le Pasteur soit répréhensible dans sa conduite, agissait contrairement aux intérêts de l’Église, négligeait ses devoirs ou cessait de partager les vues de l’Union, le Conseil devrait, à la majorité des Annexes 461 deux tiers de ses membres, prononcer, soit la Censure, c’est-à-dire un blâme sévère, soit dans les cas graves, la suspension temporaire.si cette dernière décision est prise, le Conseil en avisera sans retard le Président de l’Assemb1ée Régionale; c’est à cette dernière, ou à une Commission agrée par elle qu’il appartient de statuer. Gal. 2 :11 -I4, I Tim. 5:20 L’intéressé peut demander l’arbitrage du Comité de l’Union. Article 24 Concernant les Evangélistes et autres serviteurs de l’Église et de ses Œuvres, la discipline est exercée par 1’Assemblée Régionale ou par une Commission agréée par elle. Les intéressés peuvent demander l’arbitrage du Comité de l’Union, Réadmission Article 25 Toute personne ayant d’être membre peut le redevenir sur sa demande sur avis favorable du Conseil, par un vote de l’Assemblée. Devoirs des membres de l’Église Article 26 Le membre de l’Église doit : 1. Rendre témoignage de sa Foi par tous ses actes et toutes ses paroles, s’abstenir de tout ce qui serait contraire à la Parole de Dieu et de nature à déconsidérer l’Église. Eph. 5:8-11, Phil.2:I4, I5; Tite 2: II, I4; IP.2:11, 2 I Cor. I0:23, 24; 31, 32 — Rom. I2:9-2I 2. Soutenir son Église selon son pouvoir en participant régulièrement à ses réunions, particulièrement le Dimanche, en s’intéressant à sa vie, en priant pour elle, en contribuant 462 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique libéralement à ses dépenses, en ayant pour son conducteur spirituel amour et déférence. Actes 4:52 - Héb. I0:24, 25 — Eph.6:I8, 9: I9 - Gal. 6:I Cor I6: 2, I6 -I Thes. 5 : I2, I3 (…) - Tite 5:14. Article 27 Les membres de l’Église participent dans la mesure du possible aux différentes activités organisées par l’Église. Certains membres peuvent exercer bénévolement une activité dans les Ecoles du Dimanche, les mouvements de jeunesse, la diffusion la littérature, l’Évangélisation, etc. Ils secondent les Pasteurs et les Évangélistes et exercent leur ministère sous le contrôle de l’Église ou de l’Assemblée Régionale. Avant de leur confier une tâche, il sera tenu compte en particulier de la pureté de leur vie, de leur zèle pour le Seigneur et leurs aptitudes. Les prédicateurs en particulier devront suivre de Cours appropriés. I Thes. I : I9 I Pierre 4 :I0, II Culte et Enseignement Article 28 Le culte consiste en une élévation commune des cœurs à Dieu par la prière les actions de grâces, le chant des cantiques, la lecture et la méditation de la Parole de Dieu ainsi que par la célébration de la Sainte Cène. Jean 4:24 - Actes 2:42 Article 29 Outre les services réguliers du Dimanche, l’Église locale attache une grande importance à l’Étude en commun de la Parole de Dieu, aux réunions de prières, de chants et à tout autre moyen offert pour l’instruction et 1’affermissement des chrétiens. Les cultes et réunions sont ouverts à tous. Annexes 463 Article 30 En respectant la liberté glorieuse des enfants de Dieu, à condition que tout se fasse avec ordre et bienséance, les frères comme les sœurs ont la liberté de prier et d’apporter un témoignage dans les réunions, selon que l’Esprit les y conduit. Col. 5 :I6, 17 - I Cor. 14:40 Les chrétiens étrangers à l’Église ne prendront la parole que s’ils y sont invités ou autorisés. Baptême-Sainte Cène Article 31 Les Pasteurs, les Évangélistes, les Anciens dûment acceptés par l’assemblée Générale et dans certains cas les proposants, avec l’accord du Comité de l’Union, sont habilités pour administrer le baptême et donner la Cène. L’Assemblée Régionale peut autoriser certains autres Serviteurs de l’Église qualifiés et expérimentés à donner la Cène notamment dans les Postes d’Évangélisation. Mat. 28: I9; I Cor. II: 25- 26 Article 32 La célébration de la Cène aura lieu au minimum une fois par mois. Actes 20 : 7. Article 33 Un chrétien étranger à l’Église peut, sous sa propre responsabilité s’approcher de la table du Seigneur. Le Pasteur ou le Conseil se réserve toutefois le droit d’intervenir, I Cor. II : 27 - 31 Article 34 Tout membre de l’Église sous discipline ou ayant un différend avec un autre membre est tenu de s’abstenir de la Cène. 464 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Col. 3:1; — Mt. 5:23,24 Marc II : 25,26 Les ministères Article 35 L’Église demande et attend du Seigneur qu’il suscite du milieu d’elle des Évangélistes pour porter la Bonne Nouvelle auprès et au loin, des pasteurs et des Docteurs pour l’édification de l’Église, et des responsables qualifiés pour ses différentes Œuvres. Mat. 9:37, 38 — Rom. I0:14, 15 - Eph. 4: II, I2 — I Cor. I2:27, 28 Article 36 L’Église établit au milieu d’elle, dans la mesure de ses besoins des diacres et des Diaconesses spécialement chargés des questions matérielles, des sois aux pauvres, etc. Actes 6: I-6; I Tim. 3V 8-I3; Rom. I6:1 Article 37 Outre les Pasteurs, dans la mesure de ses besoins, et quand des frères lui paraissent doués du Seigneur, les charges d’Anciens peuvent être confiées à des membres de l’Église ayant les qualifications requises par la Parole de Dieu, particulièrement une sérieuse connaissance des Écritures. I Tim. 3:1-7. Tite I: /5-9. Article 38 Par décision de l’Assemblée Générale, sur proposition de 1’Assemblée Régionale, un Ancien peut dans certains cas assurer les fonctions de Pasteur. I Tim. 5 :I7 Il devra avoir une bonne instruction générale et se conformer aux décisions du Comité concernant d’éventuelles-études. Actes 18 :24—28 — 20 :20 ; 27, 28, 31. Annexes 465 Conseil de l’Église Article 39 L’Église est administrée par un Pasteur. Un Ancien ou un Évangéliste peuvent en assumer les fonctions conformément aux Articles 38 et 79. Le Pasteur est assisté par un Conseil composé de trois membres au minimum. Ce nombre peut varier selon les besoins et les circonstances. Article 40 Les membres du Conseil sont nommés au scrutin secret, à la majorité des deux tiers des voix, lors d’une Assemblée de l’Église prévue à l’Article 61. Article 41 Les membres du Conseil sont choisis parmi les membres les plus recommandables par leur piété, leur esprit d’initiative, leur expérience et la pureté de leur vie. La liste en est établie par le Conseil et le Pasteur à qui tout membre de l’Église peut proposer un nom, une semaine au moins avant le vote. Article 42 Les membres du Conseil sont élus pour 535 ans et sont immédiatement rééligibles. Le Conseil est renouvelable par moitié tous les trois ans. Un membre du Conseil peut quitter sa charge par démission. En cas de départ d’un membre du Conseil pour les raisons énumérées ci-dessus et à l’Article 21, le Conseil propose un autre membre à l’Assemblée de l’Église. Il sera en fonction pour le temps qui normalement restait au membre partant jusqu’aux élections. 466 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Article 43 Parmi les membres du Conseil ainsi élus, l’Église peut, en se conformant aux conditions énumérées aux Articles 36 et 37 du présent Règlement élire, pour les établir dans leur charge : Diacre, Diaconesse et Ancien. Article 44 Le Pasteur est de droit le Président du Conseil. Article 45 Le Conseil s’organise lui-même. Il se réunit chaque fois que le besoin s’en fait sentir sur convocation de son Président ou en cas d’empêchement d’un Ancien ou de tout autre membre du Conseil. Article 46 La convocation du Conseil est obligatoire si la moitié des membres en fait la demande. Article 47 Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, le Président décide. Article 48 L’installation du Conseil se fait au cours d’un culte du Dimanche où les charges et les devoirs de ses membres sont rappelés. Article 49 Les membres du Conseil collaborent étroitement avec le Pasteur dans la prière et l’action ; ils partagent ses joies et ses peines. Ils sont surtout eux-mêmes des modèles de bonnes œuvres. Article 50 Généralement, l’Ancien est chargé plus spécialement de seconder le Pasteur dans le ministère de la Parole, de veiller sur le troupeau et de remplacer le Pasteur en cas d’absence ou d’empêchement. Annexes 467 Article 51 Le Conseil de l’Église a en particulier les compétences suivantes : Il prépare et organise les efforts particuliers de l’Église, notamment Conventions, Campagnes d’Évangélisation, Cours Bibliques, Camps de jeunes, camps d’enfants etc. Il encourage et participe à la diffusion de littérature évangélique. Il reçoit et examine les demandes d’admission. Il reçoit les démissions. Il veille sur la discipline et l’ordre dans les Assemblées. Il recuit et examine toute proposition et question qui lui sont soumises par l’Assemblée Régionale. Il encourage, contrôle et oriente l’activité spirituelle des membres de l’Église. Il entretient des relations fraternelles avec les Églises et postes d’Évangélisation du voisinage. Il convoque l’Assemblée de l’Église et prépare l’ordre du jour. Il exerce une surveillance fraternelle sur les Œuvres de l’Église. Il veille sur la situation financière de l’Église rappelant aux membres leur responsabilité et leur devoir. Il s’occupe de l’assistance des pauvres et des malades. Il veille à ce que les choses enseignées soient conformes à la saine doctrine Il s’associe dans un esprit religieux aux solennités nationales. Article 52 L’un des membres du Conseil ou le Pasteur - tient à jour les Registres Ecclésiastiques, notamment celui des membres (admission, démission, exclusion, lettre de Congé, décès, ...) si possible aussi celui des bénédictions nuptiales et des présentations d’enfants. 468 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Article 53 L’un des nombres du Conseil, généralement un Diacre, est responsable des fonds recueillis dans l’Église : dons, dîmes en espèces et en nature, collectes. Il ne peut en disposer pour son usage personnel ou pour celui d’un tiers. Il peut avec l’accord du Conseil, ou simplement du Pasteur, faire des dépenses dans les limites permises par la Commission financière à laquelle il rend compte de sa gestion. Il garde la Caisse de 1’Église en attendant la rencontre de la Commission financière à laquelle il appartient de décider de l’utilisation des fonds. Article 54 Le Conseil ne peut prendre aucune décision importante sans l’accord de l’Église. Article 55 Tout membre de l’Église a le droit d’être entendu par le Conseil pour lui présenter des observations ou des suggestions. ASSEMBLÉE DE L’ÉGLISE Article 56 L’Assemblée de l’Église se compose de toutes les personnes qui sont inscrites sur le Registre des nombres de l’Église. Article 57 Dans certains cas des membres d’une autre Église peuvent être admis comme observateurs. Annexes 469 Article 58 L’Assemblée ordinaire peut être convoquée aussi souvent qu’il paraît nécessaire et en particulier si un quart de ses membres le demande. Article 59 En cas d’empêchement du Pasteur, un Ancien ou tout autre membre du conseil réside les délibérations de l’Assemblée. Aucune question importante ne peut être présentée si elle n’a été auparavant soumise au Conseil. Article 60 L’Assemblée en particulier les compétences suivantes : Elle choisit les délégués qui représenteront l’Église soit à l’Assemblé Régionale, soit ailleurs la majorité des délégués est choisi parmi les membres du Conseil. Elle choisie, parmi les membres du Conseil, un ou plusieurs délégués aux Commissions financières. Elle prononce sur l’admission de nouveaux membres, sur les cas de discipline qui lui sont présentés. Elle se prononce sur les propositions de modifications des Statuts et Règlements Intérieurs de l’Union et de l’Église locale. Article 61 Lors d’Assemblées annoncées deux dimanches consécutifs, 1. l’Église se prononce sur l’acceptation du Pasteur qui lui a été proposé par l’Assemblée Régionale ou le Comité de l’Union ; 2. l’Église élit les membres de son conseil. Article 62 Tous les votes, en dehors des cas spécifiés par le présent Règlement, ont lieu à la majorité absolue, à main levée. 470 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Article 63 Les délibérations et votations de l’Assemblée, sont constatées par des procès-verbaux inscrits dans un Registre spécial. Pasteur Article 64 Le Pasteur doit être agréé par l’Assemblée Générale. Il doit adhérer à la Confession de Foi, aux Statuts et Règlements de l’Union et à ceux de l’Église locale. Article 65 Le Pasteur devra servir l’Église pendant six mois à titre d’essai. Article 66 Le Pasteur sera accepté - comme Pasteur de l’Église - s’il obtient au scrutin secret, la majorité des deux tiers des voix lors d’une Assemblée d’Église prévue à l’Article 61. Article 67 Le Pasteur est membre de l’Église où il exerce son ministère. Article 68 Le Pasteur peut être responsable de plusieurs annexes ou Postes d’évangélisation. Il s’efforce de trouver des collaborateurs et de confier une activité à ceux qui en ont les capacités. Article 69 Le Pasteur est chargé de l’organisation et du contrôle de l’enseignement, de l’enseignement, de l’assistance spirituelle, ainsi l’avertissement et de répréhension au sein de la Communauté. Il Tim. 1 :T6 ; I7. que de Annexes 471 Article 70 Le Pasteur veille à ce que les membres de l’Église, les auditeurs réguliers, les enfants et les jeunes soient instruits aussi soigneusement que possible dans la Parole de Dieu. Article 71 Le pasteur a le devoir de s’acquitter de sa charge dans un esprit de désintéressement, de sagesse et d’amour. Ne dominant jamais sur l’Église de Dieu, il doit se rendre lui-même le modèle du troupeau, en veillant sur les âmes, comme devant en rendre compte. I PI. 5: 1-4; Héb. 13:17; 2 Cor. 4:1-5; 1 Tim. 4:12-16 Article 72 Au moins une fois par an, dans une Assemblée de l’Église locale, le Pasteur présente un compte rendu sur la marche et la vie de l’Église. Article 73 Le Pasteur ou l’un des membres du Conseil faisant partie de la Commission Financière tient l’Église au courant des décisions prises, après Chaque rencontre de cel1e-ci. Article 74 Le Pasteur et le Conseil sont solidairement responsables de leurs actes. Article 75 Le Pasteur peut quitter sa charge par démission ou mise à la retraite. Article 76 Lorsqu’un Pasteur cesse d’assumer ses charges (Article 39) en particulier. Pour les raisons énumérées aux Articles 25 et 75, un Ancien ou tout autre membre du Conseil prend la direction de l’Église en attendant une décision de l’Assemblée Régionale ou du Comité de l’Union. 472 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Article 77 Il incombe à L’Église la responsabilité d’annoncer l’Evangile et de veiller à ce que nul ne se prive de la Grâce de Dieu. Héb. I2 : I5 Cette Évangélisation se poursuit par le témoignage individuel des membres, par le témoignage communautaire de l’Église et par le ministère de l’Évangéliste. Article 78 Un Évangéliste peut être responsable d’un groupe de villages, d’un secteur ou d’une Région. Il exerce son ministère sous le contrôle de l’Église locale ou de l’Assemblée Régionale. II Tim. 2:I5 4:2, 5; I Cor. 9: I6 Article 79 Dans certains cas, et s’il a les qualifications requises, un Évangéliste peut, par décision de l’Assemblée Générale, sur proposition de l’Assemblée Régionale, assumer les fonctions de Pasteur. Article 80 Outre les Pasteurs et les Évangélistes acceptés par l’Assemb1ée Générale, avec l’accord du Comité de l’Union, l’Église locale ou l’Assemblée Régionale pourra employer, pour une période transitoire et dans la mesure de ses besoins, les Évangélistes auxiliaires instruits des vérités chrétiennes en langues vernaculaire. Recrutement Article 81 La vocation du Candidat Pasteur ou Évangéliste doit être éprouvée. Marc 5:13; II Tim. I : 9 ; I Tim. 5 : I 7 ; 10 Il devra avoir une bonne instruction générale. Annexes 473 S’il est marié, sa femme devra donner des preuves satisfaisantes de sa conversion. I Tim. 2:9, 10 Tite 2:3-5; I Pierre 3: I-4 Pendant un temps indéterminé le candidat devra donner des preuves de sa consécration et de ses aptitudes par une activité au service de Dieu dans le cadre de l’Église locale ou de la région ; Aucun traitement n’est assuré pendant cette période, Toute liberté est laissée aux Assemblées Régionales pour aider le Candidat selon que l’Esprit les y conduit. L’Assemblée Régionale présente ensuite le Candidat au Comité de l’Union qui décidera de sa préparation. Préparation - Stage La durée des études est fonction de l’école vers laquelle le candidat est dirigé. Les élèves sortant d’une Ecole de formation au ministère sont appelés « proposant ». Le placement des Proposants se fait par le Comité de l’Union, avec l’accord des intéressés et de leur Assemblée Régionale respective. Le Proposant devra être au travail pendant un an au minimum avant que l’Assemblée Générale se prononce sur son acceptation comme Serviteur de Dieu au sein de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest. Acceptation - Consécration Article 83 Pour l’acceptation du Proposant, l’Assemblée Générale tiendra compte des appréciations des Directeurs de l’École ou le l’Institut Biblique où les études ont été faites, et les observations apportées par l’Église où le stage a été effectué. 474 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Article 84 Le Proposant ayant donné satisfaction pourra être consacré compte tenu de sa vocation, de ses gong et de sa formation soit Évangéliste, soit Pasteur. Rom. 12:4-8; I cor. 12: 4-7; I Pierre. 4:10-11; Actes 13:2-3; I Tim. 4-14; I Cor. 3:5-9; Eph. 4:7, 11-12 Article 85 Pasteurs et Evangélistes peuvent être appelés à faire des études complémentaires. Placement - Déplacement Article 86 L’Assemblée Régionale s’occupe du placement de tous les serviteurs que Dieu lui envoie. Tout Serviteur de Dieu peut être déplacé sur la demande de l’Église ou de 1’oeuvre dans laquelle il exerce son ministère. L’assemblée Régionale à laquelle il appartient de décider peut également chaque fois que l’intérêt de l’œuvre le recommande. Article 87 Le déplacement de tout Serviteur de Dieu, en faveur d’une autre Région peut être proposé par le comité de l’Union. Il requiert l’accord de l’intéressé, celui de l’Assemblée Régionale, et s’il y a lieu, celui de l’Église ou de l’œuvre dans laquelle il exerce son activité. Tout serviteur de Dieu peut demander à l’Assemblée Régionale dont il dépend son déplacement soit dans la Région, soit dans une autre. Toutes ces décisions seront prises après réflexions et prières. Divers - Traitement Article 88 Les Pasteurs, Évangélistes, Proposants ct autres Serviteurs de l’Église acceptent le principe de la « Vie par la Foi », c’est-à-dire qu’ils Annexes 475 attendent de Dieu l’exaucement de leurs prières pour leurs besoins personnels. Dans chaque Région, la Commission Financière assure une répartition équitable des ressources d’après un barème de base établi par l’Assemblée Générale. La Caisse Centrale d’Entraide aidera afin de maintenir dans la mesure du possible une égalité des traitements dans les différentes Régions. Modification Article 89 Les règlements Intérieurs de l’Église locale étant les mêmes pour toutes les Églises de l’Union, toute proposition tendant à les modifier ne peut être prise en considération que si le tiers d’une Assemblée Régionale ou Générale le demande. Ces modifications doivent être votées par la majorité des membres du comité, ratifiées à la majorité des deux tiers par l’Assemblée Générale et par les deux tiers des Églises. Les Missionnaires Article 20 Dans un esprit de collaboration fraternelle, les missionnaires exercent leur activité dans l’Église et ses Œuvres. Ils veillent en particulier à ce que les pratiques et l’enseignement soient conformes à la Saine Doctrine. Ils sont admis aux réunions d’Église et du Conseil. Ils veillent au développement et à la bonne marche de l’œuvre de Dieu. Aussi longtemps que les circonstances le permettent, les missionnaires sont à la disposition des Églises et leurs Œuvres. 476 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Conclusion Article 91 « Je t’écris ces choses afin que tu annonces... comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et l’appui Le la Vérité. » I Tim. 3:15 « A Celui qui peut faire par la puissance qui agit en nous, infiniment au delà de ce que nous demandons ou pensons, à Lui soit la Gloire dans l’Église et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles ! Amen ! » Eph. 3: 20,21. Extraits des textes modifiés de l’Union (version actuelle) CHAPITRE 11 Organisation et œuvres de l’Union Article 8 Les organes de l’Union sont les suivants : • L’Assemblée générale, • Le Comité de l’Union, • La Présidence de l’Union, • Le Secrétariat Général, • Les Assemblées régionales, • Les Assemblées d’Églises locales, • Le Conseil National des Anciens, • La Pastorale. Article 9 Leurs compositions, leurs règles de fonctionnement et leurs compétences sont définies dans le Règlement Intérieur de l’Union. Annexes 477 Pour atteindre son but, l’Union utilise les divers instruments de travail que Dieu met à sa disposition. Certains de ces moyens d’action, dénommés « Services » et « Œuvres », sont appelés à occuper une place particulière dans le fonctionnement de l’Union. TITRE II : VIE ET FONCTIONNEMENT DE L'UNION CHAPITRE I Ressources de l’Union Article 10 : Les ressources de l’UEESO-CI sont constituées de : • contributions des régions convenues à la conférence budgétaire de l’Union ; • dons, legs, etc. • revenus provenant de ses œuvres et de ses biens L’UEESO-CI peut recevoir des subventions de l'État, des organismes publics ou privés, pour le fonctionnement de ses Services et Œuvres. Les avoirs et ressources de l’Union sont destinés à couvrir ses besoins financiers et matériels. Article 11 : Les avoirs et ressources de l’Union sont gérés par le Secrétariat Général qui en est responsable devant le Comité de l'Union et devant l’Assemblée Générale. CHAPITRE II : ADMISSION - RETRAIT – RADIATION Article 12 : Pour faire partir de l’Union, une église candidate doit : 1-adhérer à la confession de foi de l'union ; 2-n’avoir dans ses usages et dans sa marche, rien de contraire à ladite confession ; 3-adhérer aux présents Statuts et s’engager, par écrit à respecter le Règlement Intérieur de l’Union et de l’Église locale ; 478 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 4-adresser une demande d’admission au Comité de l'Union. 5-être admise par l’Assemblée Générale à la majorité des trois quarts (3/4) des délégués présents. Article 13 : Toute Église peut se retirer de l'Union à tout moment. Les Églises qui ne rempliraient plus les conditions de l’article 12 seront exclues sur vote de l’Assemblée Générale. Cette décision est prise à la majorité des trois quarts (3/4) des délégués présents. Article 14 : En cas de retrait ou de radiation d'Église : les biens et œuvres créés ou acquis par l’Union d’elle même, par la Région ou par l'Église retirée ou radiée restent propriété de l'Union ; la gestion d’une œuvre initialement confiée à l’Église qui se retire ou qui est radiée est assurée par l’Union elle-même ou par un de ses organes. CHAPITRE III : AIDE EXTÉRIEURE Article 15 : Les Églises, Régions et le Comité de L’Union peuvent faire appel à d'autres Églises ou missions (ou personne quelconque) pour toute aide spirituelle, financière et technique qui leur est nécessaire ou qui est nécessaire aux Services et Œuvres. Toutefois, en ce qui concerne les Églises et ses Régions, cet appel doit requérir l’accord du Comité de l’Union, conformément aux règles définies par le Règlement Intérieur de l'Union. CHAPITRE IV : DISSOLUTION Article 16 : Toute proposition de dissolution de l'Union des Églises Évangéliques, Services et Œuvres de Côte d'ivoire ne peut être faite que par tes trois quarts (3/4) des membres du Comité de l’Union ou des Régions. Il est attribué tout pouvoir à l’Assemblée Générale Extraordinaire convoquée à cet effet pour prononcer la dissolution de L’Union. Toutefois, pareille décision ne pourra être prise que si la majorité des quatre cinquièmes (4/5) des délégués présents à l’Assemblée Générale l'ont acceptée après approbation préalable à la Annexes 479 majorité des deux tiers (2/3) des membres de chaque Église locale et des quatre cinquièmes (4/5) des délégués de chaque Assemblée Régionale. Article 17 : En cas de dissolution de l’UEESO-CI, ses biens seront légués à une association d’Églises ayant la même confession de foi. TITRE III - RÉVISION ET AMENDEMENT Article 18 : Toute proposition tendant à réviser, ou à amender les présents Statuts ne peut être faite que par les deux tiers (2/3) au moins des membres du Comité de l'Union ou d'une Assemblée Régionale. Les révisions ou amendements doivent être votés à la majorité des trois, quarts (3/4) par l'Assemblée Générale. Tout projet d’amendement ou de révision doit être préalablement soumis à l’approbation des régions. RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’UNION CHAPITRE I : ASSEMBLÉE GÉNÉRALE Article 1 : L’Union délibère en Assemblée Générale I- COMPOSITION Article 2 : l’Assemblée Générale se réunie régulièrement tous les deux (2) ans. Elle peut être convoquée en session extraordinaire soit par le Président de l’Union après délibération du Comité, soit à la demande du tiers 1/3 des régions. Article 3 : l’Assemblée Générale se compose Des membres du Bureau de l’Union qui ont la qualité de délégués et ne peuvent représenter une région, Des délégués à jour de leur contributions financières à la caisse de l’Union, à raison de un (1) délégué pour 100 chrétiens baptisés dans la proportion maximale de 20 délégués dont 1/3 au moins de frères engagés et 2/3 de serviteurs de Dieu en activités, les autres Serviteurs de Dieu de la région ayant de plein droit un statut d’observateur à 480 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’Assemblée Générale. Les régions non à jour de leurs contributions financières à la caisse de l’Union envoie des délégués au prorata de leur contribution payée, elles ne peuvent qu’y envoyer les autres comme observateurs. La présence des 2/3 des délégués est obligatoire pour délibérer. Le mandat des délégués expire à la fin de la session pour laquelle ils ont été nommés. Article 4 : nul ne peut être délégué 1) S’il n’a pas été baptisé depuis au moins quatre (4) ans. 2) S’il n’appartient pas à une Église de l’Union depuis au moins quatre (4) ans. 3) S’il na pas participé à au moins deux Assemblées Régionales ; 4) S’il n’a pas sa carte de l’UEESO-CI. Les frais de déplacement des délégués, des observateurs des régions et ceux des représentants des services et œuvres sont à la charge des organes qu’ils représentent. Article 5 : le Président de l’Union préside l’Assemblée Générale. Il est assisté du Secrétaire Générale et de son Adjoint. Ils constituent le bureau de séance. Toutefois, lorsqu’un point de l’ordre du jour les concerne particulièrement, l’Assemblée doit désigner un autre bureau de séance. Article 6 : le Bureau de séance est tenu de conduire les débats dans l’intérêt général de l’Union avec vigilance, sans passion ni partie pris. Article 7 : il est tenu procès-verbal des débats de l’assemblée. Il doit être écrit de façon claire et précise et signé des Secrétaires de séances qui l’auront rédigé. L’impartialité et l’efficacité doivent être recherchées dans la rédaction du Procès-verbal. II-ATTRIBUTIONS Article 8 : l’Assemblée Générale délibère sur les sujets d’intérêt général des Églises et des œuvres de l’Union inscrits à l’ordre du jour. Celui-ci est définitivement établit par le Comité de l’Union, compte tenu des Annexes 481 suggestions des Assemblées régionales. Article 9 : l’Assemblée générale choisit le mode de scrutin qu’elle désire, sauf, exceptions prévues aux différents chapitres. Articles 10 : l’Assemblée Générale prend toute décision utile pour le bon ordre et la sauvegarde de l’Union. Elle entend le rapport moral écrit du Président sur la marche générale des Églises, des Services et Œuvres et se prononce sur le quitus à lui donner. Elle entend le rapport financier du Secrétaire Général de l’Union et se prononce sur le quitus à lui donner. Elle consacre les proposants comme Pasteurs, Evangélistes, Enseignants, ou Servantes du Seigneur selon leurs dons ou donne son accord sur l’acceptation des Serviteurs de Dieu ou Missionnaires en provenance d’Afrique ou hors d’Afrique qui désire collaborer avec l’Union. Elle fixe les règlements de la consécration au Saint ministère. Article 11 : L’Assemblée Générale se prononce sur les projets de délimitation Des régions présentées par le Comité. Elle élit au scrutin secret : Les membres du bureau de l’Union composé du Président de l’Union, du Vice-président, du Secrétaire Général et du Secrétaire Général Adjoint ; Les frères engagés représentent 1/3 des Serviteurs de Dieu, membres du Comité, parmi les candidats présentés par les Assemblées Régionales. Article12 : l’Assemblée Générale désigne deux vérificateurs des comptes pour une durée de deux (2) ans renouvelables. Ceux-ci compte de l’Union, de ses œuvres et de ses services. Dans les années intermédiaires, les vérificateurs font un rapport au Comité de l’Union. L’Assemblée Générale nomme des commissions techniques chargées d’étudier les questions qu’elle leur confie. Article 13 : l’Assemblée Générale fixe pour les Serviteurs de Dieu (Pasteurs, Evangélistes et Enseignants) l’âge de la retraite. Elle se 482 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique prononce sur l’aide à accorder aux Serviteurs de Dieu et les conditions de mise à la retraite (mesures d’accompagnement). Article 14 : l’Assemblée Générale exerce le pouvoir disciplinaire au sein de l’Union. Elle vote sur l’admission de nouvelles Églises et sur la radiation du Comité de l’Union. Cette décision est prise à la majorité des trois quarts (3/4) des voix des délégués présents. Si une Église se détournait de la foi ou s’il s’y commettait des dégâts graves, l’Assemblée Générale devra se prononcer avec le secours du Saint-Esprit, sur le meilleur moyen de remédier au mal et pourra, le cas échéant, exclure une telle Église de l’Union. Sa réadmission sera soumise au vote de l’Assemblée Générale dans les mêmes conditions que les admissions d’Églises (Art. 12 des statuts). Article 15 : l’assemblée Générale décide de l’adhésion à des Unions ou Fédérations Évangéliques ayant le même objet. Cette décision est prise à la majorité des trois quarts (3/4) des délégués présents, après avis du Comité de l’Union. En cas de vote favorable, afin de garantir son autonomie, les présents Statuts et Règlements intérieurs continueront de régir l’Union elle-même. CHAPITRE II : COMITÉ DE L’UNION I. COMPOSITION Article 16 : le bureau du comité de l’Union ; - les Présidents de chaque région ; - les frères engagés élus parmi les candidats présentés par les Régions - le premier responsable national de chaque service reconnu par l’Union ; - le premier responsable de la plus haute structure de formation de Serviteurs de Dieu de l’Union. Chaque région a au plus deux (2) représentants au Comité. Le premier responsable national de chaque service reconnu par l’union Annexes 483 et le premier responsable structure de la formation des Serviteurs de Dieu de l’Union ont voix délibérative au Comité de l’Union. Article 17 : Le bureau du Comité comprend un Président qui est en même temps Président de l’Union, un Vice-président, un Secrétaire Général Adjoint, élus pour quatre (4) ans. Le bureau du Comité prépare l’ordre du jour des sessions du Comité. Il se réunit chaque fois que cela est nécessaire. Le secrétariat du bureau du Comité est assuré par le Secrétaire Général et son Adjoint. Article 18 : Avant l’échéance, l’Assemblée générale peut démettre un ou plusieurs membres du Comité de l’Union. La décision est prise à la majorité des deux tiers (2/3) des délégués. Cette démission entraine celle de tous les membres élus du Comité. Les postes des frères engagées membres du Comité sont renouvelables à chaque session de l’Assemblée Général ordinaire. Le Comité se réunit au maximum deux fois par an sur convocation du Président en exercice ou, en cas d’empêchement du Vice –Président, il ne siège valablement que si les deux tiers (2/3) de ses membres sont présents. Il peut inviter les observateurs en cas de nécessité, lorsqu’en membre du Comité s’absentera deux (2) fois sans justes motifs, le Président lui donnera un avertissement écrit et en informera les Régions. Sous peine d’être démis par la majorité des autres membres du Comité, tout membre de cet organe est tenu de respecter et faire respecter les décisions du Comité dans la région, le service ou l’œuvre dont il est responsable II-ATTRIBUTION Article 19 : Les attributions du Comité de l’Union sont les suivantes : - Il veille avec le Président de l’union, à l’observation de la confession de foi. - Il exerce une surveillance sur toutes les Églises, les Services et des Œuvres. 484 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique - Il administre toutes les affaires de l’Union et donne son accord pour tout acte de disposition concernant les biens meubles et immeubles de l’Union ; - Il prépare l’ordre du jour de l’assemblée Général ; - Il assure l’exécution des décisions prises par l’Assemblée Générale ; - Il exerce le pouvoir disciplinaire au sein de l’Union, ses services et ses œuvres entre les sessions de l’Assemblée Générale ; - Il convoque en cas de défaillance du président et Vice – Président de l’Union, l’Assemblée Générale en session ordinaire ou extraordinaire et en prépare les travaux. Un bureau de Crise mis en place à cet effet et comprenant le Secrétaire Général préside la session ; - Il affecte le personnel des services et œuvres dépendants de - Il statue sur les cas particuliers qui lui sont soumis, l’Union ; conformément aux dispositions de l’article du présent Règlement Intérieur : retraite anticipée, indisponibilité physique, détachement et mise en disponibilité ; - Il reçoit et examine les demandes d’admission et de réadmission d’Églises ; - Il a qualité pour prendre des décisions urgentes qui s’imposent entre les sessions de l’Assemblée Générale ; - Il contrôle et assure la bonne marche de toute œuvre dépendant de l’Union ; - Il reçoit les dossiers de candidature pour la formation au Saint Ministère et s’assure de la vocation des candidats ; - Il assure le recrutement et le perfectionnement des Pasteurs, Evangélistes et Enseignants et leur perfectionnement au moyen de pastoral et de séminaires réguliers ; Annexes - 485 Il adopte le budget annuel de l’Union présenté par le secrétariat Général - Il élabore le projet de vision décennale de l’Union et le propose à l’Assemblée Générale pour adoption ; Article 20 : Le Comité envoie aux présidents des Assemblées Régionales, trois (3) mois avant la date prévue pour la session ordinaire de l’Assemblée Générale, l’ordre du jour qu’il a établi. Article21 : en vue d’une éventuelle adhésion, le Comité fait une enquête approfondie sur les Unions et les fédérations avant que l’Assemblée ne vote conformément aux dispositions des Statuts de l’union et du présent règlement Intérieur. Il est de même, s’agissant de l’admission ou la réadmission d’Églises. Article 22 : le Comité repartit lui-même sa tâche, s’il juge nécessaire, entre diverses commissions qui préparent et suivent les questions de leur ressort et lui soumettent leurs conclusions. Article 23 : entre les sessions du Comité, le Président de l’Union ou en cas d’empêchement de celui-ci, le vice-président, décide et agit à condition d’obtenir au préalable, sauf extrême urgence, l’accord du bureau. La décision ainsi prise doit être soumise à l’approbation du Comité lors de sa prochaine session. Le Comité peut approuver ou réformer la décision. Pour toute décision susceptible d’engager les Églises, le Comité doit dans un délais d’un (1) mois, en informer et obtenir l’avis de toute les régions ou au besoin, convoquer une Assemblée générale extraordinaire. Le Comité peut déléguer un ou plusieurs de ses membres pour une enquête ou visite dans les différentes régions. Article 24 : des Assemblées groupant plusieurs régions peuvent être convoquées sur la demande du Comité de l’Union chaque fois que l’intérêt général de ces régions l’exige. 486 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique CHAPITRE III : LA PRÉSIDENCE DE L’UNION I. CONDITIONS D’ÉLIGIBILITE DU PRÉSIDENT DE L’UNION Article 25 : pour être élu président de l’Union, il faut : - Être Pasteur, Evangéliste ou Enseignant ; - Avoir exercé un ministère au sein de l’Union de façon continue pendant les dix dernières années précédant l’élection ; Les années de stage ne sont pas pris en compte ; - N’avoir jamais démissionné de l’UEESO-CI depuis son entrée au ministère au sein de l’Union ; - Avoir déjà siégé au comité de l’Union pendant au moins un mandat ou avoir exercé dans un organe de direction d’un service ou d’une œuvre de l’Union ; - Faire présenter par une région les dossiers des candidatures au plus tard un mois avant le début des travaux de l’Assemblée générale, un dossier de candidature selon le modèle conçu par le secrétariat général de l’Union et approuvé par le comité de l’Union. Le président sortant est d’office candidat à sa propre succession : • S’il n’a pas encore exercé deux (2) mandats ; • S’il a obtenu le quitus de l’Assemblée générale sur son rapport • S’il est proposé par une région au moins ; moral ; Si aucun des candidats ne satisfait aux conditions d’éligibilités, le Président régional le plus anciens dans le ministère assure l’intérim pendant 6 mois au moins au terme desquels une Assemblée générale extraordinaire est convoquée. Article 26 : Le président de l’Union est élu par l’Assemblée Générale pour une durée de quatre (4) ans. Il est rééligible une seule fois. Avant d’entrer en fonction, le Président de l’Union élu ou réélu Annexes 487 renouvelle oralement à l’occasion d’un culte d’actions de grâce et de consécration dans un espace de deux mois son adhésion à la confession de foi et aux principes de l’Église tels qu’exprimés par les textes régissant l’Union, les documents édictés par la commission théologique et adoptés par l’Assemblée générale et son engagement à les appliquer et à les faire appliquer. Il présente par la même occasion le programme d’actions du Comité de l’Union et son évaluation financière, conçus sur la base de la vision décennale de l’UEESO-CI. Doivent être conviés à ce culte les membres du Conseil national des Anciens, du Comité de l’Union, les premiers responsables des Missions partenaires, des Services et Œuvres de l’Union. Les membres du conseil National des Anciens présents à ce culte procèdent à la consécration du bureau de l’Union par la prière avec imposition des mains. Article 26 bis : au terme de son mandat, le président de l’Union qui n’a pas été réélu ou n’est pas rééligible est affecté par l’Assemblée Générale au chef lieu de la région dans laquelle il a tenu son dernier poste avant son élection, à moins qu’il n’exprime le désir de commencer un nouveau ministère selon une vision partagée par l’Union ou de servir dans une autre région qu’il sollicite. Au cas où aucun poste ne serait vacant au chef lieu de la région du dernier poste du président sortant, celui-ci sera affecté dans la communauté du Serviteur de Dieu le plus jeune dans la fonction en complément d’effectif ; le plus jeune serviteur de Dieu devient alors son adjoint. S’il est mis fin au mandat du président à la suite d’une faute grave entrainant sa mise sous discipline, il est confié au Conseil National des Anciens pour un encadrement purement spirituel ; une aide révisable à la baisse au bout de six mois, inférieur ou égal à son dernier traitement net de base lui est accordé pour une durée totale qui ne saurait excédée un an. 488 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique I- ATTRIBUTIONS DU PRÉSIDENT DE L’UNION Article 27 : - le Président de l’Union, en accord avec le Comité de l’Union, veille à l’observation de la confession de foi : - Il convoque et préside l’Assemblée Générale en session ordinaire et extraordinaire, et le Comité de l’Union ; - Il exerce la discipline au sein du Comité de l’Union ; Il sert de lien entre les Églises de l’Union et entretien des rapports fraternels avec toutes les Églises ou Assemblées en Afrique ou hors d’Afrique, qui vivent et professent la même foi ; - Il supervise l’action du Secrétariat général ; - Il exerce l’Autorité spirituelle sur l’ensemble des Églises Services et œuvres de l’Union ; - Il rend compte à travers un rapport moral écrit et lu devant l’Assemblée Générale, de la marche générale des Églises, Services et œuvres de l’Union ; - Il représente l’Union devant les institutions et autorités de la république et peut déléguer un ou plusieurs membres du comité pour emplir et signer valablement toutes les formalités administratives édictées par les lois et règlements ; - Il veille à l’exécution de toutes les décisions prises par l’Assemblée générale de l’Union ; - En accord avec le Comité de l’Union, il peut inviter à l’Assemblée Générale, des observateurs, des représentants d’œuvres ou Missions ; Article 28 : le président de l’Union est dans une position de détachement pendant toute la durée de son mandat ; il cesse par conséquent d’exercer son ministère dans une Église locale dès le lendemain de sa prise de fonction. Il est pris en compte dans le budget de l’Union. Annexes 489 II- LE VICE- PRÉSIDENT Article 29 : il doit remplir les mêmes conditions d’éligibilité que le Président. Si le Vice-Président est élu Président d’une Région, celle-ci doit procéder immédiatement à son remplacement au poste de président régional. Il continue d’exercer son ministère au sein de sa Région. Article 30 : Il aide le Président à remplir ses fonctions et le remplace en cas d’empêchement, d’absence ou de vacances. III- LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Article 31 : assure la diffusion de l'ordre du jour des sessions du Comité et de l'Assemblée Générale ; • Élabore le projet de budget annuel de l’Union qu’il soumet à l’approbation du Comité ; • Coordonne l’activité des commissions techniques nommées par l’UEESO-CI-Cl et fait rapport de leur mission au Comité de l’Union ; • Assure la tutelle administrative et financière des Services et Œuvres de l’Union ; • Il reçoit les demandes formulées par les Régions pour le déplacement ou pour l’envoi en leur sein des Serviteurs de Dieu; • Prépare les affectations interrégionales qu’il soumet à la Commission nationale d’affectations ; • Fait des propositions au Comité de l'Union concernant la vie et la marche de l’Union à partir des rapports périodiques qu’il reçoit des Régions, des services, des oeuvres et des Églises; • Veille à l’utilisation des compétences oui se manifestent au sein des Églises de l’Union ; • Tient les archives de l’Union. 490 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique CHAPITRE IV - (BIS) : LA PASTORALE Article 32-1 : La Pastorale est un organe de concertation de conseil et de formation qui réunit les Serviteurs de Dieu en activité au sein de l’Union. D'autres serviteurs de Dieu peuvent y être invités par le bureau de l’Union. Article 32-2 : La Pastorale étudie les questions d’ordre théologique doctrinal et celle touchant à la vie spirituelle des Serviteurs de Dieu. Elle fait des recommandations aux organes de l’Union. Ses avis ne lient pas les organes délibérants do l’Union. Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation du Bureau de l’Union. CHAPITRE V : ASSEMBLÉES RÉGIONALES I - DÉLIMITATION DES RÉGIONS Article 33 : Dans le cadre de L’Union, les Régions sont délimitées géographiquement en tenant compte de l’intérêt de l’Union. Pour que l’Assemblée générale puisse se prononcer sur !e projet de délimitation, la demande doit émaner d’au moins cinq (5) Églises constituées, regroupant en leur sein un minimum de cinq cents (500) chrétiens baptisés et ayant atteint leur autonomie financière. Lorsqu'une région ne répond plus aux critères précités, elle peut être rattachée à une autre région par décision de l’Assemblée Générale, sur proposition du Comité de l'Union. Le siège de la Région est situé au chef-lieu du : département principal. Le président régional y exerce son ministère. Annexes 491 II- COMPOSITION ET ATTRIBUTIONS DES ASSEMBLÉES RÉGIONALES A. COMPOSITION Article 34 : L’Assemblée Régionale réunit : Les membres du bureau de la Région qui ont la qualité de délégués et ne peuvent représenter une Église ; les délégués des Églises locales ; des représentants des Services et Œuvres des Églises locales ou de la Région; ils ont la qualité d'observateurs ; des observateurs agréés par le bureau régional ou envoyés par les Églises ou les organes de l’Union. Article 35 : Les délégués sont élus par l’assemblée de l’Église locale en se conformant aux conditions énumérées à l’article 4 du présent Règlement Intérieur. Le nombre des délégués est proportionnel à celui des membres de chaque Église constituée a raison de un (1) pour cinquante (50) chrétiens baptisés dans la proportion maximale de dix (10) délégués par Église. Les postes d’évangélisation pour leur représentation, font partie des Églises locales auxquelles ils sont rattachés. Le responsable (Pasteur, Evangéliste ou Enseignant) de chaque Église de la Région est délégué de plein droit. Le mandat des délégués expire à la fin de la session de l’Assemblée Régionale pour laquelle ils ont été élus par leur Église. Article 36 : Le bureau de l’Assemblée Régionale détermine le nombre des représentants des œuvres dépendant des Églises locales ou de la Région. Des observateurs peuvent être Invités à l’Assemblée Régionale. Leur nombre ne peut excéder le tiers (1/3) des délégués de chaque Église. Sous peine d’être démis par la majorité des délégués de l’Assemblée Régionale, tout membre du bureau régional est tenu de respecter dans la Région, le Service ou l’œuvre dont il est responsable les décisions- de l’Assemblée Régionale. Article 37 : N’ont pas voix délibérative à l'Assemblée Régionale : -Les observateurs et les représentants des Services Œuvres ; 492 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique -Les délégués faisant partie des personnels des Services et des Œuvres, lorsque la délibération concerne l’organe dont ils relèvent. B. ATTRIBUTIONS Article 38 : L’Assemblée Régionale choisit le mode de scrutin qu’elle désire. Les délégués présents élisent parmi les serviteurs de Dieu (Pasteurs, Evangélistes ou Enseignants), un Président et un Viceprésident, et indifféremment parmi les délégués, un Secrétaire, un Secrétaire Adjoint, un Trésorier et un Trésorier Adjoint. Ceux-ci sont élus pour deux (2) ans ; ils sont rééligibles. Ils constituent le bureau de l’Assemblée Régionale. Le Président de l'Assemblée Régionale est le Président de la Région. Article 39 : L'assemblée Régionale se réunit deux fois par an en session ordinaire, sur convocation du bureau régional. Elle peut se réunir en session extraordinaire, sur convocation du bureau régional. En cas de crise grave, l’Assemblée Régionale peut être convoquée par les deux tiers des Églises constituées de la Région. Le Président de la région préside l'Assemblée Régionale ; il est assisté du Secrétaire Général et de son Adjoint. Ils constituent le bureau de séance. Toutefois, lorsqu’un point de l’ordre du jour les concerne particulièrement, l’Assemblée doit désigner un autre bureau de séance. Le bureau de séance est tenu de conduire les débats dans l’intérêt générai de l’Union et de la Région. Article 40 : L'Assemblée Régionale règle les questions qui lui sont soumises et prend toutes décisions dans l’intérêt général des Églises, des Œuvres et Service qui sont dans la Région. Elle étudie l’ordre du jour de l’Assemblée' Générale, proposé par le Comité de l’Union. Elle choisit ses délégués à l’Assemblée Générale. Elle établit la liste de ses candidats au nombre de quatre (4) au maximum, aux postes de membres du Comité de l’Union, en tenant compte des attributions de celui-ci. Article 41 : L’Assemblée Régionale nomme des délégués à l’Assemblée Générale parmi les membres présents à raison de un.(1 ) pourcent (100) Annexes 493 chrétiens baptisés résidant dans la Région dans la proportion maximale de vingt (20) délégués dont un tiers de frères engagés et deux tiers de Serviteurs de Dieu en activité, les autres Serviteurs de Dieu de la Région ayant de plein droit un statut d’observation à l’Assemblée Générale. L’Assemblée Régionale peut désigner les observateurs à l’Assemblée Générale ; leur nombre ne doit pas être supérieur au tiers de celui de ses propres délégués. Article 42 : Les délégués à l’Assemblée Régionale, examinent l’ordre du jour proposé par le Comité de l’Union. L’Assemblée Régionale présente au Comité de l’Union les dossiers des proposants et des candidats à la formation au Saint Ministère. Elle s’occupe de l’affectation des Pasteurs, Evangélistes, Enseignants, Proposants et autres serviteurs de Dieu mis à sa disposition par la commission nationale d’affectations. Elle peut demander au Comité de l’Union la mutation hors de la Région d’un ou de plusieurs Serviteurs de Dieu et présenter des demandes pour l’envoi de nouveaux Serviteurs de Dieu Elle peut également soumettre au Comité de l’Union les sujets particuliers qui la préoccupent. Elle fait au Comité de l’Union au moins deux (02) fois par an, un rapport des activités de la région. Toute activité importante de la Région doit faire l’objet d’une information adressée au Comité de l’Union. Article 43 : L’Assemblée Régionale délibère sur les sujets particuliers qui lui sont présentés et prend toutes décisions dans l’intérêt général des Églises, des Œuvres, et des Services de la Région. Elle encourage et contrôle tous les Services et Œuvres rattachés à la Région ou à l’Église locale. Elle se prononce sur la constitution d’une annexe en Église locale sur saisie de l’Église à laquelle cette annexe est rattachée. Elle se prononce aussi sur toute demande présentée par un Serviteur de Dieu. Article 44 : Concernant les Serviteurs de Dieu en activité dans Églises de la Région, la discipline est exercée par l’Assemblée Régionale ou par 494 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique une commission formée par elle, conformément aux articles 72, 73, 74 et 75 du présent Règlement Intérieur. Un compte rendu est envoyé au Comité de l’Union. L’Assemblée Régionale ou Commission de discipline peut faire appel au comité de l’Union pour juger certains cas particuliers. Article 45 : Le Bureau de l’Assemblée Régionale peu convoquer les Serviteurs de Dieu en activité dans la région pour des rencontres particulières dans un esprit de collaboration fraternelle. Article 46 : Des régions peuvent demander au Comité de l’Union de convoquer des Assemblées regroupant plusieurs régions chaque fois que l’intérêt général de la Région l’exige. En accord avec le Comité de l’Union, les Régions peuvent faire appel à des missionnaires africains ou non africains pour toute aide spirituelle et technique ; ces missionnaires peuvent être admis aux assemblées avec voix délibérative s’ils sont engagés dans les Églises de l’union en qualité de membres. Dans le cas contraire, ils sont invités au Comité et aux assemblées comme Serviteurs avec voix consultative. Article 47 : L’Assemblée Régionale doit constituer en son sein une Commission financière chargée de gérer ses biens et ressources pour son fonctionnement. Cette commission comprend un Trésorier Général, un Comptable, deux vérificateurs des comptes, les pasteurs de la Région, et les trésoriers des Églises locales. Les Églises locales participent à la caisse de la Région. Article 48 : Entres les sessions, le bureau de l’Assemblée Régionale est chargé d’appliquer les décisions de l’Assemblée Régionale. Dans certains cas, avec l’accord de l’Assemblée Régionale, il peut s’adjoindre au moins trois membres, choisi de préférence parmi les serviteurs de Dieu pour former une commission chargée principalement des cas de disciplines. Annexes 495 LE PRÉSIDENT RÉGIONAL A. CONDITIONS D’ÉLIGIBILITÉ Article 49 : Pour être élu Président de l’Assemblée Régionale, il faut : Etre Pasteur, Evangéliste ou Enseignant ; être dans le ministère au sein de l’Union depuis au moins six (6) ans ; les années de stage ne sont pas prises en compte ; avoir exercé dans la Région pendant au moins quatre (4) ans si le candidat n’a jamais été Président régional au sein d'une autre région, et deux ans s’il a déjà exercé cette fonction ; si le responsable d’une œuvre ou d'un service a exercé dans une région, Il peut être élu Président Régional après 2 ans de service. Le Président de l’Assemblée Régionale est élu pour un mandat de 2 ans renouvelables 2 fois. Le Vice-président de l’Assemblée Régionale est soumis aux mêmes conditions d’éligibilité que le Président régional. B. ATTRIBUTIONS Article 50 : Le Président de l’Assemblée Régionale convoque et préside l’Assemblée Régionale en sessions ordinaires et extraordinaires, et le bureau Régional ; il est assisté du Secrétaire Général et de son adjoint. Ils constituent le bureau de séance. Toutefois, lorsqu’un point de l’ordre du jour les concerne particulièrement l’Assemblée doit désigner un autre bureau de séance. Le Président régional sert de lien entre les Églises de la Région. Il rend compte tous les six (6) mois de la marche des Églises, Services et Œuvres de la région à l’Assemblée Régionale et au Comité de l’Union. Il veille à l'exécution dans la région de toutes les décisions prises par l’Assemblée Régionale, le Comité de l’Union et l’Assemblée Générale. Il veille à l’observation de la confession de foi ; Il supervise l’action du Secrétaire régional et du trésorier régional ; Il exerce l’autorité spirituelle sur les Œuvres et Services de la région ; Il représente l’Union devant les Institutions, et Autorités de la Région et peut déléguer un ou plusieurs membres du bureau pour remplir et signer 496 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique valablement toutes les formalités administratives édictées par les lois et règlements. Le Vice-président remplace le Président en cas d’empêchement de celui-ci. CHAPITRE VII : LES SERVICES ET ŒUVRES DE L’UNION I - DEFINITION DES SERVICES Article 51 : On entend par service, toute association, toute organisation, tout regroupement, tout mouvement de membres des Églises de l’Union, ayant pour objectif .d’accomplir un Ministère spécial à caractère évangélique ou social au sein d'une Église, d’une région, d’une œuvre de l’Union ou dans tout le champ de l’Union, en direction d’une frange définie des membres des Églises de l’Union, ou de tous les membres des Églises de l’Union. Il - GESTION DES SERVICES Article 52 : Le Secrétaire Permanent de l’Union exerce la tutelle sur les services, la nomination des organes directeurs nationaux des services se fait en leur sein, selon un mode défini par leurs membres et leur personnel, sous la supervision de l’organe de tutelle. Article 53 : Les services peuvent se doter d’un Règlement Intérieur spécial et d'un cahier de charges pour préciser les modalités de leur fonctionnement et le cadre de travail de leurs membres. Ce règlement spécial et le cahier de charges doivent être approuvés par le Comité de l’Union, l'Assemblée Régionale ou ('Église locale, selon qu'il s'agit de service opérant dans le champ de toute l'Union, d'une Région ou d'une Église locale. III - DÉFINITION DES ŒUVRES Article 54 : On entend par Œuvre, toute organisation, tout établissement ou toute autre formation créés ou acquis par l’Union ou dont la gestion lui est confiée, et qui ont au moins deux des quatre buts Annexes 497 suivants : 1- Répandre la parole de Dieu ; 2- Contribuer à la croissance spirituelle des chrétiens ; 3- Soutenir matériellement ou financièrement l’Union ou les Églises dans leurs missions énoncées ; 4- Contribuer au bien être social des chrétiens et des populations. Article 55 : L'œuvre de I' Union est celle qui est créée ou acquise soit par l'Union elle même, soit par l'un de ses organes. De même, l'œuvre qui n'est ni créée ni acquise par l'Union est dite confiée à celle-ci lorsque l'Union ou l'un de ses organes assure la gestion sans en être propriétaire. Article 56 : Toute œuvre est rattachée soit à une Église locale, soit à une Région, soit à l'Union elle-même, après approbation des textes qui la régissent par l'organe concerné. IV - PERSONNEL ET GESTION DES ŒUVRES Article 57 : Compte tenu de la fonction spirituelle et sociale des œuvres, ne peuvent faire partie de leur personnel que des personnes converties, baptisées, désintéressées, mues par le désir de Dieu et justifiant des qualifications techniques appropriées. Article 58 : La nomination dans les fonctions importantes des œuvres se fait par les organes de l'Union auxquels sont rattachées toutefois, l'Assemblée Générale peut souverainement y procéder si l'intérêt général de l'Union l’exige. Il en est de même pour les changements de fonction et la révocation du personnel. Le changement de fonction et la révocation interviennent en cas d'attitudes contraires aux dispositions de l’article 51 ci-dessus, et de la confession de foi de l'Union ou du Règlement Intérieur de l'œuvre. D'autre part, dans le cas des œuvres créées en association avec des Églises sœurs ou avec l’état, l'Assemblée Générale et les autres organes de l'Union sont tenus de se conformer aux conventions ou protocoles d’accord signés par l'Union. Article 59 Un Comité de gestion est formé au sein de chaque Œuvre, 498 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique et si cela est nécessaire, des branches d'œuvre il doit comprendre au minimum quatre (4) membres dont la moitié au plus sera composée du personnel de l'œuvre intéressée. Article 60 : Le Comité de l'Union, l'Assemblée Régionale ou l'Église locale nommera les membres du Comité de gestion selon qu’il s’agit respectivement d'une œuvre dépendant de L’Union, d'une Région ou d'une Église locale. Le Comité de gestion rend compte à l'organe qui le nomme au moins une (1) fois par trimestre. La Présidence de tout le Comité de gestion est assurée par une personne extérieure au personnel de l'œuvre, le Comité de gestion est généralement chargé d'orienter et de contrôler les activités; de l'œuvre dans les directives prescrites par l'organe de l'Union dont cette œuvre dépend, la composition, les attributions particulières et la durée du mandat des Comités de gestion sont fixées par les organes qui nomment leurs membres. En général celles ci sont transcrites dans un document soigneusement tenu ou dans les statuts ou Règlement Intérieur de ses œuvres. Article 61 : Le conseil national des Anciens est un organe consultatif dont les avis ne lient pas les organes délibérants de l'Union il est consulté uniquement pour des questions d'ordre spirituel il à la responsabilité des encadrements et de l'accompagnement spirituel des serviteurs de Dieu en difficulté. CHAPITRE VII (BIS) Conseil national des anciens I – COMPOSITION Article 61-1 : Le Conseil National des Anciens est composé de Serviteur de Dieu nommés par le bureau de l’Union pour une durée équivalente à celle de son mandat. Pour être membre du Conseil National des Anciens, la personne doit : Annexes 499 1. Avoir été dans le service à plein temps au sein de l’Union pendant au moins 15 ans ; 2. Avoir été membre d’un organe National ou Régional de direction de l’Union 3. Avoir pris sa retraite du service actif 4. Être dans une bonne communion spirituelle avec l’Union et avec le Seigneur Jésus-Christ ; 5. Jouir d’une bonne santé mentale. Les membres du Conseil National des Anciens sont au nombre de dix au maximum pour l’ensemble de l’Union et deux au maximum par Région Article 61-2 : Le Conseil National des Anciens est un organe consultatif dont les avis ne lient pas les organes délibérants de l’Union. Il est consulté uniquement pour des questions d’ordre spirituel. Il a la responsabilité de l’encadrement et de l’accompagnement des serviteurs de Dieu en difficulté. 3- Extrait de la position doctrinale de l’UEESO-CI Rédigé en 1981 en pleine crise doctrinale, cette position doctrinale a été révisée et confirmée en 2001 à la veille de la deuxième crise doctrinale qu’a connue l’UEESO-CI en 2002. Ce document a été fourni par Gilbert GOUENTOUEU, l’un des membres de la commission théologique de l’UEESO-CI. L’Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres de Côte d’Ivoire (UEESO-CI ou Union) plonge ses racines dans l’enseignement doctrinal de la Réforme du XVIe siècle avec comme principal initiateur Jean Calvin. La Réforme est caractérisée par trois piliers : « L’Ecriture seule, la foi seule et la grâce seule » elle souligne donc la centralité de la Parole dans la foi et la conduite dans l’Église de chaque croyant. Elle insiste sur la foi comme réponse à l’invitation de Dieu au Salut et sur la grâce qui exclut toute idée de mérite. Les Églises évangéliques sont issues de la Réforme sur le plan de l’enseignement. 500 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’UEESO-CI est également héritière des Réveils du XVIe et XIXe siècles. Le nom de William Carey, mais aussi celui Hudson Taylor et Charles STUDD, est étroitement lié au mouvement des réveils caractérisés par l’éveil de la conscience missionnaire et l’importance de l’expérience personnelle avec Dieu. A l’enseignement de Calvin sur l’autorité suprême de l’Ecriture s’ajoutent l’invitation aux œuvres missionnaires de Carry et l’exhortation à la communion personnelle avec Dieu. La Mission Biblique en Côte d’Ivoire fait partie des missions évangéliques dites de foi « Faith missions » qui ont adopté comme pères spirituels Carey, Hudson, et Studd. En Côte d’Ivoire les missions suivantes sont de cette famille : Société Internationale Missionnaire (SIM), Mission Évangélique de l’Afrique de l’ouest (WEC), Alliance Missionnaire et chrétienne (CMA) et bien d’autres. L’Église du Tabernacle Baptiste, est une Église de professant apparait comme Église-mère des Églises de l’Union dans la mesure où elle lui a fourni le plus grand nombre de missionnaires. Les liens de nos Églises avec l’Église du Tabernacle sont donc fraternels. Nos racines nous aident à rester stables sur le plan historique mais aussi sur le plan doctrinal. Elles nous rappellent notre identité. En effet, revienne avec force à la faveur d’une certaine soif de changement au détriment de ce que certains appelle la « tradition ». CHAPITRE 1 Le Saint-Esprit Position doctrinale • L’UEESO-CI croit au Saint- Esprit en tant que personne divine de la trinité ; • L’UEESO-CI croit que tout chrétien authentique, c’est-à-dire régénéré, ayant fait une expérience personnelle avec Dieu par Jésus-Christ, est baptisé du Saint- Esprit. celui-ci habite en lui, pour toujours ; Annexes 501 • L-UEESO-CI rejette toute action par laquelle des chrétiens s’exercent à recevoir le Saint-Esprit en ayant recours à des pratiques douteuses. CHAPITRE 2 Les dons spirituels (…) Positions doctrinales • L’UEESO-CI croit au x dons spirituels comme faisant partie des pratiques de la vie de l’Église de Jésus- Christ. Le don de guérison • Compte tenu de l’arrière-plan culturel et religieux africain des chrétiens de l’UEESO-CI et pour ne pas tomber dans le dans le syncrétisme qui créerait la confusion dans l’esprit des chrétiens , l’application sur le corps des malades des matières telles que l’eau, la terre…doit être proscrite dans les séances de guérison. • L’UESSO-CI reconnaît la pratique de l’onction d’huile dans les prières de guérison comme l’atteste jacques 5 :14. Mais, elle met engarde tous les chrétiens contre les dangers qui consisteraient à croire que l’huile en elle-même à un pouvoir de guérisons. Car c’est Jésus qui guérit. Le don de prophétie • L’UESSO-CI croit aux dons et à l’exercice de la prophétie selon l’enseignement biblique (1 cor. 14 : 29, Eph. 4 : 11) ; mais ne croit pas aux prophètes comme pendant la période de la naissance de l’Église. • Compte tenu de toutes déviations et la prolifération des fausses prophéties par des pseudo-prophètes, l’UESSO-CI exige que toute révélation soit au préalable présentée au conseil de l’Église qui en examinera l’authenticité selon les trois critères suivants : 502 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 1. La qualité de la vie du prophète ; 2. Le contenu de la révélation ; 3. La réalisation de la révélation. Ceci éviterait les désordres qu’occasionnent les prophètes ou révélations motivées par les calomnies, les désirs d’accusation et même les règlements de compte. • L’UEESSO-CI croit que selon le principe biblique, à défaut lapider les faux prophètes pendant ce temps de grâce que nous vivons, il faudra néanmoins prendre les sanctions disciplinaires contre les faux prophètes et prophétesses (avertissement, mise sous-discipline, suspension des responsabilités dans l’Église et même l’excommunication). Don de langue • L’UEESO-CI n’adhère à aucune pratique de parler en langues sans interprétation ni possibilité de compréhension par les auditeurs du message émis (1 Cor. 14 : 28). • L’UESSO-CI accepte comme principe biblique et praticable par les chrétiens, le parler en langue dans une prière individuelle et privée car elle peut édifier. CHAPITRE 3 Le Ministère de la délivrance Position doctrinale • L’UESSO-CI croit au ministère de délivrance qui consiste à libérer un homme ou une femme lié(e) par les mauvaises esprits (Marc 16 : 17) • L’UESSO-CI croit que le ministère de délivrance n’est pas l’apanage des spécialistes mais tout disciple de Christ entièrement consacré à Dieu, vivant dans sa crainte peut prier Annexes 503 pour toute personne possédée et obtenir du tout-puissant la libération. Toutefois, ce ministère doit être confié aux pasteurs qui pourront être aidés par des chrétiens engagés. • L’UESSO-CI croit que c’est Jésus-Christ qui délivre des liens du diable et de tout péché. La séance de délivrance doit donc se faire par la prière. Les supplications, la louange et la prédication de la parole. Elle exclut l’usage des formules particulières considérées comme efficaces, des objets dits sacrés. CHAPITRE 4 La prière Suggestions Compte tenu de la prière dans la vie du croyant et des influences des nouvelles pratiques dans la vie de l’Église, conduisant aux hérésies, il est souhaitable que l’enseignement sur la doctrine de la prière fasse partie du programme de l’Église et que la formation des responsables incluse l’enseignement sur la prière. Parmi toutes les interprétations faites à propos des prières simultanées, L’USSO-CI adhère à celle qui permet à tous les chrétiens d’élever la voix s’ils le désirent pour prononcer ensemble une seule formule de prière telle que l’enseigne Jésus dans Mt. 6 :9. • L’UESSO-CI rejette par conséquent toute forme de prières simultanées houleuses qui sont parfois source de désordre ; • L’UESSO-CI n’admet pas de prières simultanées houleuses dans le culte de dimanche et tous les grands rassemblements de cette dénomination ; • L’UESSO-CI adhère totalement aux principes des prières faites à haute voix et à toue de rôle. Décisions portant sur sanctions disciplinaires 504 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Décision N° 4/86 portant sanction disciplinaire à l’encontre de Monsieur Y Le président du comité de L’UEESO-CI Vu le statut de l’UEESOCI, notamment ses articles 12 et 13 relatifs à la composition et aux attributions du comité de l’Union, Vu l’article 31 des règlements intérieurs de l’Union. Vu les décisions de l’Assemblée Générale de l’UEESOCI. Tenue à Daloa du 21 au 27 Juillet 1986, particulièrement celles relatives aux écoles primaires et à la constitution de la « Commission de Redressement des écoles primaires ». Vu le rapport de la commission de redressement des écoles primaires. Vu les décisions de l’Assemblée Générale extraordinaire de l’UEESOCI en date du 29 Septembre 1986 concernant l’avenir des écoles primaires. Décide ART. 1 En application des décisions de l’Assemblée Générale du 29 Septembre 1986, notamment celle qui concerne la sanction disciplinaire infligée à l’intéressé pour les motifs ci-dessous : • Très mauvaise gestion de la Direction régionale • Détournement de la somme de 3.195.967frs environ • Utilisation non justifiée de la somme de 1.200.000frs • Emprunt non remboursé de la somme de 500.000frs • Indemnité indûment perçu 10.000frs • Prêts non recouvrés du fait de sa négligence 2.042.316frs Monsieur Y Directeur régionale de l’EPP de Man, est invité à faire valoir ses droits à la retraite ; faute de quoi il sera licencié pour fautes lourdes. Annexes 505 ART. 2 : Monsieur Y est également invité à restituer à la caisse de la Direction Régionales les sommes détournées, utilisées et non justifiées et empruntées, soit un montant total de 4.895.967 frs. Ampliations Directeur National de l’Enseignement Protestant 1 Directeur régional de l’ens. Primaire protestant 1 Toutes "régions 10 Archives 2 Fait à Man, le14 octobre 86 P / le président du comité de l’UEESOCI SAHI JONATHAN Le secrétaire de L’UEESOCI (Signature) BLEUKEHOUA MAHAN Décision N° 5/86 portant licenciement de Monsieur X comptable à la Direction Régionale de l’Enseignement Primaire Protestant de Man. Le président du comité de L’UEESO-CI Vu le statut de l’UEESOCI, notamment ses articles 12 et 13 relatifs à la composition et aux attributions du comité de l’Union, Vu l’article 31 des règlements intérieurs de l’Union. Vu les décisions de l’Assemblée Générale de l’UEESOCI. Tenue à Daloa du 21 au 27 Juillet 1986, particulièrement celles relatives aux écoles primaires et à la constitution de la Commission de Redressement des écoles primaires. Vu le rapport de la commission de redressement des écoles primaires. 506 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Vu les décisions de l’Assemblée Générale extraordinaire de l’UEESO-CI en date du 29 Septembre 1986 concernant l’avenir des écoles primaires. Décide ART. 1 En application des décisions de l’Assemblée Générale du 29 Septembre 1986, notamment celle qui concerne la sanction disciplinaire infligée à l’intéressé pour les motifs suivants : • Très mauvais travail • Détournement de la somme de …………4.571.063frs • Utilisation non justifiée de la somme de……..4.888.820frs • Intérêt à payer aux impôts pour le retard de paiement ….1.484.700frs Monsieur X, comptable à la Direction Régionale de l’enseignement primaire protestant de Man, est licencié pour fautes lourdes. ART. 2 : Monsieur X est invité à restituer des sommes d’argents détournées Ampliations Direction Régionale de l’Enseignement Protestant 1 Direction National de l’enseignement .P.P. 1 Archives 2 Fait à Man, le14 octobre 86 P / le président du comité de l’UEESOCI SAHI JONATHAN Le secrétaire de L’UEESOCI (Signature) BLEUKEHOUA MAHAN Annexes 507 Lettre de démission du Pasteur Jean Glao Abidjan, le 24 Avril 1981 Aux membres de l’assemblee des responsables de la région d’Abidjan Chers collègues et Frères en Christ. Je rends grâce à Dieu pour les 15 années de service que mon épouse et moi avions passées auprès de vous dans cette région d’Abidjan. Je bénis Dieu, pour les joies et les peines partagées dans l’amour et la compréhension avec vous. Après la récente visite du bureau de l’Union qui est très révélatrice pour moi, et après mûre réflexion, je suis arrivé à la conclusion que la collaboration avec l’Union n’est plus possible pour les raisons suivantes : 1°) - Mes convictions charismatiques pour lesquelles je suis traité par l’Union comme un faux prophète et un diviseur des Églises. 2°) - A cause de la haine, de la violence, du manque d’amour et de l’injustice à l’égard de certains serviteurs de Dieu renvoyés ou mis sous discipline de manière arbitraire au sein de l’Union ; 3°) - A cause de deux mesures disciplinaires au sein de l’Union, dont l’une très rigoureuse pour les charismatiques et l’autre, souple pour les non-charismatiques qui le plus souvent sont épargnés de sanctions méritées. 4°) - L’Union est devenu aujourd’hui une dictature et non un moyen d’entraide, et de collaboration entre les Églises. 5°) - A cause de ma vision du travail d’évangélisation qui est d’établir des Églises dans toutes les villes importantes du pays et en dehors, ce qui ne concorde pas avec les principes de l’Union. 508 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 6°) - Le manque de vision des priorités et des buts à atteindre dans l’Union, le manque de prise de conscience des responsabilités sans le téléguidage des autres (comités d’Europe) la totale confusion dans la pratique des Dons et des Ministères au sein de l’Union. Conséquences : Beaucoup ne sont pas à leur place ; ainsi, d’autres sont devenus de véritables planteurs au lieu de paître le troupeau du Seigneur. 7°) - Je ne veux pas être une photocopie d’une mission ou d’une organisation, mais une copie de JESUS-CHRIST et de sa parole. Eu égard à tout ce qui précède, je rends ma démission de serviteur de Dieu au sein des Églises de l’Union, afin de pouvoir travailler en paix, dans la liberté, partout où le Seigneur m’enverra. Je tiens néanmoins à souligner que ma démission ne prendra effet qu’après l’Assemblée Générale Extraordinaire de Man. Recevez mes fraternels messages en Christ. J. Glao Rapport du Président du Comité de l’UEESO-CI à l’Assemblée Générale de 1982 « Mon corps n’était point caché devant toi, lorsque j’ai été fait dans un lieu secret, tissé dans les profondeurs de la terre. Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient : et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui m’étaient destinés, avant qu’aucun d’eux existe » (PS. 139/15-16). C’est en 1980 que j’ai été élu comme Président de l’Union à une époque difficile, comme vous le savez tous. Aussi je n’ai pas besoin de vous raconter ici ni pourquoi ni ce qui s’est passé depuis. De plus nul Annexes 509 n’ignore les causes graves qui secouent et troublent en ce moment nos Églises, et à cause desquelles nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins en ce moment. Veillez donc me faire la grâce de ne pas en parler ici. Que je puis donc vous dire, c’est d’abord un grand merci à vous tous pour la confiance que vous m’avez accordée pour présider aux assises du comité pendant ces deux années. Je vous dis encore un autre grand merci pour votre indulgence envers moi, suivie de votre grande patience à mon égard ; car je reconnais mes nombreuses lacunes ainsi que ma grande faiblesse dans l’exercice de toutes ces fonctions. C’est d’ailleurs à cause de cette faiblesse que j’avais beaucoup hésité au début d’accepter ce poste. Ce que j’ai donc pu faire pendant ce temps, c’était plutôt un travail de sapeur-pompier comme cela amusait certaines personnes de m’appeler ainsi. Or pour accomplir un tel travail il fallait souvent beaucoup de courage et dextérité, de violence ou d’audace, ce qui, souvent, m’a amené à blesser moralement des hommes ou des femmes sans m’en rendre compte. C’est pourquoi je demande aussi pardon de tout mon cœur à tous ceux que j’ai offensés ainsi, sans m’en rendre compte et sans avoir pris garde à eux. Qu’ils veuillent bien me pardonner. Après le douloureux problème de pagnes, je me suis retrouvé aussitôt face à celui, combien plus grave encore de la doctrine au SaintEsprit et de la prière dite simultanée qui nous a préoccupé tous depuis neuf ans. Mais personne n’osait le soulever, de peur d’être mal vu or vous savez que si une Église cesse d’avoir et de suivre la saine doctrine du Seigneur et de ses apôtres, elle cesse en même temps de vivre et finit par mourir complètement, et cela à cause de sa tolérance du péché ou d’une fausse doctrine dans son sein. Et comme une devise dit en français « Mieux vaut souffrir que mourir » (c’est la devise des hommes). Je me suis senti obligé de vous faire prendre conscience du grave et grand danger qui guette nos Églises, en y laissant pénétrer et enseigner une 510 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique doctrine et une voix de facilité. Alors que Jésus lui-même à dit : « Etroite est la porte, resserré le chemin qui mène à la vie » (MTT. 7/14…). Car pour moi, les interpellations ci-dessous de la Bible constituaient de véritables ordres auxquels je devais obéir. En apportant dans toutes les régions de l’Union la lumière sur les faits et enseignements en contradiction avec la saine doctrine que la Bible nous enseigne, l’Union (a) donc essayé de faire tout ce quelle a pu pour : 1) Paître les agneaux du Christ-Jésus (Jn 21/15). 2) Prendre garde…à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit nous a établit. (Actes 20/28-31) ; (col. 4/17). 3) Exhorter selon la saine doctrine et réfuter les contradicteurs (T.1/9). 4) Car (ils les conducteurs) devront rendre compte des âmes (Hebr. 13/17). Voilà les motifs profonds qui vous feront prendre de grandes et importantes décisions devant le Seigneur notre Dieu. Nathanaël Tokpa Ve Procès-verbal de l’Assemblée Générale de 1982 ayant consacré le divorce entre conservateurs et charismatiques à l’UEESO-CI Assemblée Générale de l’Union des Églises Évangeliques du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire A Man du 19 au 24 juillet Séance du matin Le message d’ouverture est délivré par M. Jacques Blocher. Annexes 511 Tous d’abord l’orateur nous transmet les chaleureuses salutations des frères d’Europe qui ont beaucoup prié pour les Églises de l’union et qui continuent de le faire pour l’Assemblée Générale. Se basant sur le livre des Actes, Mr. Blocher nous conduit à découvrir les crises intérieures de l’Église naissante de Jérusalem. Les problèmes que connaissent les Églises de l’Union ne leur sont pas particulier ; ceux des Églises de Jérusalem sur viennent au moment où celles-ci était en pleine croissance. Première crise : Actes 6 Les lacunes dans l’administration soulèvent des mécontentements et provoquent des murmures. Solutions apportées : décentralisation des services ; les apôtres ne s’occuperont que de l’enseignement de la parole. Un autre organisme, les diacres ne traiteront que les affaires administratives. Deuxième crise Actes 15 L’Église s’est considérablement développée : beaucoup de Juifs et païens se sont convertis à l’évangile. Des Judaïsants veulent imposer la circoncision aux païens convertis à Christ. Solutions : Paul avec Barnabas s’opposent énergiquement à cet enseignement contraire à celui du salut par les œuvres. Troisième crise : Actes15/37 Elle se situe au niveau de deux serviteurs, à savoir Paul et Barnabas ; il y a ici problème de (…), une vive discussion s’engage entre eux au sujet de Jean-Marc. Solutions : les deux hommes se séparent mais pas pour casser l’Église ; mais c’était une séparation géographique. Après cette méditation forte appréciée par toute l’assemblée, un moment de prière suit. 512 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Participants Baptisés Délégués Observateurs +SD Serviteurs Représentants de Dieu Abidjan 568 18 7 7 25 Daloa 874 14 2 4 16 Guilglo 216 6 1 3 7 Gagnoa 885 23 0 7 23 Tabou 225 2 0 2 2 Toulepleu 153 3 0 2 3 Man 2600 54 8 23 62 Danané 1046 21 1 10 22 Duékoué 413 8 4 5 12 Bouaké 19 1 0 0 1 Total 6999 150 23 63 173 Invités spéciaux : M. J.BLOCHER, J. MARE, R. RABEY, MORRIS. Ordre du jour: 1- Rapport de la commission théologique a- Base doctrinale (Saint-Esprit) b- Prière simultanée (information) c- Ministère féminin d- Discipline ecclésiastique 2- Rapport des régions (statistiques) et ceux des œuvres 3- Rapports a- Président de l’Union b- Secrétaire c- Trésorier 4- Révision des statuts 5- Finances de l’Union a- Budget b- Salaire c- Retraite Annexes 513 6- Proposants 7- Situation des écoles 8- Renouvellement des membres du comité 9- Divers. Point 1 rapport de la commission théologique Base doctrinale du Saint-Esprit Abidjan : Les Églises d’Abidjan acceptent la base doctrinale sur le Saint-Esprit élaborée par la commission théologique sauf les communautés d’Adjamé et de Yopougon. Mais ces deux communautés entendent collaborer dans la liberté avec les communautés sœurs de la région d’Abidjan. Daloa : L’Assemblée Régionale a accepté la base doctrinale par un vote qui a donné le résultat suivant : pour 15 contre 0 Abstention 2.Elle souhaite une large diffusion de cette base doctrinale pour prévenir les confusions dans les régions. Guiglo : Puisqu’il s’agit de la doctrine, Guiglo accepte cette base doctrinale. Gagnoa : La région de Gagnoa accepte la base doctrinale à part quelque point sur le ministère féminin. Tabou : Accepte base doctrinale Toulépleu : Accepte la base doctrinale Man : Est d’accord avec la base doctrinale Duékoué : Ceux qui sont avec l’union acceptent la base doctrinale les séparatistes la rejettent. Danané : accepte pleinement la base doctrinale Biankouma : N’accepte pas la base doctrinale 514 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Prière simultanée Abidjan : Résolution d’Abidjan ; 1 La prière simultanée n’est pas satanique. 2 Elle peut être pratiquée dans les Églises qui l’ont adoptée, mais avec un enseignement approprié pour que l’ordre règne. 3 Une campagne d’information et de sensibilisation doit être faite au niveau de toutes les régions où la prière simultanée a été traitée de satanique. 4 Dans les régions où cette prière pose des problèmes, la prière individuelle doit être pratiquée au culte. Mais la liberté doit être donnée de prier simultanément dans la semaine ; soit dans la chapelle soit dans les celles. Ministère féminin Abidjan ; Les femmes peuvent exercer le ministère Pastoral dans les régions où il n’y a pas d’hommes capables pour le faire. Dès qu’on trouvera un homme, la femme doit s’effacer. Discipline ecclésiastique Que la sanction disciplinaire ne soit pas définitive. Mais qu’elle se fasse dans l’amour pour corriger le coupable afin de le ramener sur le droit chemin. Daloa : La prière simultanée sème du désordre. Si un enseignement est donné pour qu’elle se fasse dans le silence, nous ne la rejetons pas. Guiglo : Nous rejetons la prière simultanée parce qu’elle nous gène dans nos assemblée. Gagnoa : Aucune forme de prière n’est imposée dans la Bible. La prière simultanée peut être pratiquée, mais dans le silence. Nous ne voulons ne voulons pas arracher un exaucement à Dieu le volume de la voix. Tabou : Chez nous, il n’y a pas de prière simultanée nous ne pouvons pas en parler. Annexes 515 Toulépleu : Cette nouvelle forme de prière, nous l’appelons deuxième prière simultanée et cette deuxième prière est rejetée chez nous. Man : La prière simultanée n’est pas une nécessité. Nous acceptons tous les dons sauf la prière houleuse. Danané : Cette prière qui fait beaucoup de bruit est rejetée. Si l’union l’accepte, nous quittons l’union. Duékoué : I rejette la prière simultanée. Duékoué II la maintient parce qu’elle a été pratiquée par les disciples de JESUS. Biankouma : On est pour la prière simultanée pace que les disciples élèvent la voix pour prière. Bouaké : Nous sommes une nouvelle communauté, nous ne connaissons pas encore ce phénomène de la prière simultanée. Blekehoua : La prière simultanée n’est pas satanique, mais elle peut le devenir suivant la disposition d’Eprit de celui qui la pratique. Husser : Il faut que les cœurs de ceux qui prient soient d’accord ; et pour être d’accord il faut avoir entendu ce que l’on a dit afin de dire Amen qui signifie je suis parfaitement d’accord. Amen ne veut pas dire la prière est terminée. Il faudrait qu’on soit claire là-dessus. Débat sur le ministère féminin Tia Dety Lazare : S’il ya des hommes capables, la femme doit pas prendre la direction d’une Église, et s’il n’y en a pas, on peut valoir le don que la femme a reçu. Gbaou Maurice : Nous approuvons que la femme exerce les fonctions énumérées dans le rapport. Mais il est trop tôt de confier la fonction de pasteur à la femme. Proposition : appuyée par Guéhi Etienne d’Abidjan. 516 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Débat sur la disposition ecclésiastique Glao : La discipline est normale, elle est biblique, mais elle est fait pour corriger et non pas pour rejeter définitivement. Il faut plutôt suivre l’évolution du fauteur pour l’aider à revenir. Si le serviteur de Dieu est réadmis dans l’Église, il faudrait qu’il reprenne son ministère ; à la seule condition qu’il change de poste pour sauvegarder son témoignage. Blai Laurent : Il set dit que le serviteur qui chute et qui doit quitter le service peut percevoir trois mois de salaire. Mais pendant combien de temps, peut-il rester dans la maison qu’il occupe ? Doubouya Moise : La sanction suprême qu’on puisse infliger à un serviteur de Dieu, c’est de lui retirer le droit de la parole. Si cela est fait ? Il faudrait lui laisser la maison et son salaire. Tahé Norbert : La parole de Dieu dit de chasser le méchant du milieu de vous. Mais il ne faut pas condamner le fauteur à aller chez lui où il n’a rien. Seyo Anatole : S’il manque aujourd’hui de vocations parmi la jeunesse c’est que discipline ecclésiastiques est trop sévère ... Je propose qu’on donne la moitié du salaire pour que les enfants vivent. Vé Nathanaël : Il est bien vrai que vous parlez en faveur des serviteurs de Dieu don je fais partie ; mais un serviteur de Dieu doit être un exemple. S’il cesse d’être un modèle pour le troupeau, il mérite d’être bafoué comme il a bafoué son Dieu, son roi. Si un pécheur doit bénéficier des mêmes avantages que celui qui sert fidèlement n’y a-t-il pas là injustice ? (Après ce débat : la séance est suspendue pour reprendre à 15h. À la reprise de la séance, le Président autorise Mr. Guénaman à lire son rapport sur les charismatiques). D’Abidjan (voir rapport Guénaman). Annexes 517 Ce rapport Guenaman a suscité une vive réaction chez les charismatiques. M. Vé N. nommons une commission pour étudier les décisions finales sur le problème charismatique. Cette proposition a plu à l’assemblée. Sohou M. propose un vote. Le vote donne les résultats suivants : pour 100 contre 42 charismatiques furent nommés. Cette commission a travaillé de 22h30 à 3h30 du matin. Conclusion : De la commission : après de longues discussions de 20h30 à 3h30 la commission spéciale est parvenue aux résultats suivants. Concernant la base doctrinale du Saint-Esprit les charismatiques souhaitent qu’un amendement soit apporté sur l’article du baptême de l’Esprit page 3 et 4 du document de l’Union de la manière suivante (…) naissance, régénération, baptême dans le Saint-Esprit désignent des actes que Dieu accomplit par le Saint-Esprit et qui peuvent s’opérer en même temps ou séparément. Ils souhaitent l’enseigner ainsi dans les Églises. Si cette proposition est refusée, les charismatiques proposent travailler dans l’Union mais parallèlement. Les modalités de collaboration restent à définir. Les non charismatiques ont proposé aux charismatiques d’accepter la base doctrinale de l’Union. Leur conviction sur le baptême du SaintEsprit doit être personnelle. Elle ne pas être enseignée comme une doctrine dans les Église de l’Union. Les non charismatiques ont invité leurs frères charismatiques à venir travailler avec eux sans faire entorse aux principes de l’Union. Prière simultanée : les charismatiques ont demandé que dans les Églises où prière simultanée ne pose pas de problème, qu’elle soit pratiquée 518 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique librement. Dans les Églises où elle pose problèmes les chrétiens doivent prier un à un le dimanche mais peuvent prier simultanément dans l’Église ou en cellule au cours de la semaine. La prière simultanée est publique. Les non-charismatiques ont proposé que la prière simultanée soit supprimée dans les Églises de l’Union à cause des divisions qu’elle suscite. Après la lecture du rapport de la commission, un débat s’engage : Dah Sébastien : Y a-t-il un article dans les statuts de l’Union qui définit les conditions de retrait d’une Église ? Le secrétaire Bleukehoua. lit l’article 17 qui définit les modalités de retrait d’une Église de l’Union. (Une Église qui se retire de l’Union doit laisser les meubles immeubles et les véhicules). Ipoté Jean-André. Selon le rapport de la commission, il y a des régions ou des Églises où la prière simultanée ne pose pas de problème. Pourquoi ne pose-t-elle pas de problème ? Z. Raphaël : il faudrait demander à Jaques Blocher de nous donner les conclusions de la rencontre des charismatiques et non-charismatiques en Europe. Kousso Doua Jean : pour beaucoup, la séparation est déjà consommée. C’est avec amertume que j’exprime ma pensée. Nous sommes tous charismatiques sinon nous ne serions pas chrétiens. L’Esprit de Dieu n’est pas un esprit de division. Diehi Jean : je remercie la commission qui a travaillé en vain parce qu’il n’y a pas de concession de et d’autre. Le problème qui se pose est celui de savoir le devoir de ceux qui partent. Mr. Jaques Blocher : Le problème charismatique en Europe est tout à fait différent de celui qui se pose en Afrique. Ensuite M. Blocher lit les Annexes 519 conclusions de la rencontre des charismatiques et non charismatiques d’Europe. Bleukehoua : je demande à M. Blocher de nous dire si les charismatiques et non charismatiques peuvent cohabiter dans une même Église. M. Blocher : Le cas de l’Afrique est différent de celui de l’Europe. Les Églises d’Europe sont vieilles et le phénomène charismatique se manifeste dans les Églises endormies. Les charismatiques sont toujours restés dans leurs Églises. Rares sont ceux qui sont constitués en Églises indépendantes. Elie Tomékpa : Si les charismatiques vont à droite, nous irons à gauche, et s’ils vont à gauche nous irons à droite parce que le phénomène introduit par Giraud avec la bénédiction de Glao nous a vraiment divisés. Dan Joseph : je ne suis pas au courant de l’affaire de Kouambla Celestin. Vé N. Nous allons assister à une opération chirurgicale. Elle est douloureuse, mais elle est nécessaire dans certains cas pour la survie du corps. Il est vrai que nous serons amputés d’un membre que nous (ne) retrouverons plus jamais. Nous serons même infirmes. Mais il faut forcément en arriver là. Toute institution a une doctrine sans laquelle elle ne peut pas fonctionner correctement. Ceux qui souscrivent à notre base doctrinale peuvent rester avec nous ; et ceux qui ne le veulent pas, peuvent s’en aller en paix. Dagou Justin : Je n’aime pas la division ; mais il faut être sincère. Les gens ont peur du règlement de compte. Il faut avoir le courage de dire que nous allons.la coexistence n’est pas possible parce qu’il y a trop de contradictions dans l’enseignement. 520 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Gué Victor : l’amendement de l’article 17 relatif, aux biens de l’Union n’a pas été ratifié par les Assemblées régionales. Il faut que les principes jouent clairement pour nous aider. Vé N. : Aucun amendement n’est fait sans consulter les assemblées régionales. L’Assemblée Générale ne fait que statuer sur les décisions des assemblées régionales. Husser : Il faut nommer une commission paritaire, partager les biens après le divorce qui est déjà consommé. Un vote suit pour se prononcer sur le divorce. Pour la base doctrinale dans sa totalité 122. Pour l’amendement de la base doctrinale (en d’autres termes) contre 18. Abstention 12. Tia Diéty Lazare : Si nous avions déjà des cachets et tout comme vous le dites, nous ne serions pas venus ici pour dormir dans des conditions que l’on sait. Il y a seulement une petite partie de la base doctrinale que nous rejetons. Et nous croyons pouvoir travailler parallèlement avec l’Union. Guénaman : je n’ai rien compris dans l’explication de Tia Diety Lazare. Dion Lami : Il faut vous déterminer. L’union ne veut pas travailler parallèlement avec vous. Seyo : Nous voulons travailler sous le chapeau de l’union mais sous forme de fédération. Tia Dety L. : Nous voulons avoir du temps pour nous organiser. Bah Samuel : Et les 8 élèves envoyés au Nigéria par les charismatiques, qu’en dites-vous ? Seyo : Ce sont là les problèmes de personnes. Je ne suis pas au courant des 8 élèves envoyés au Nigeria. Je ne sais rien du cachet des charismatiques. Annexes 521 Vé N. : Citant Amos 3/3 deux hommes marchent-ils ensemble sans s’être concertés ? Peut-on travailler avec l’union sans même base doctrinale ? M. Husser : Le problème charismatique a été comme un grain de sable qui entrant dans l’œil l’a irrité. Laissez maintenant le temps faire son œuvre pour que l’ordre et sérénité reviennent. Arrêtons- nous là pour le moment. Vé.N. : Il faut arrêter de discuter sur question comme l’a dit M. Husser. Blai Laurent : Ce que le vote a décidé doit être respecté sans discussion. Tia Déty L. : Nous avons voté sur l’amendement de la base doctrinale. Gaou M. : Je regrette le temps perdu. Le vote à décidé la séparation. Oué Victor : Il faut retenir la proposition de M. Husser qui consiste à former une commission paritaire pour étudier le problème des locaux. Luc : Je ne comprends pas le Français, mais je comprends la voix de Jésus. J’accuse Déty Lazare et Gao qui ont introduit la prière simultanée et qui continuent de nous fatiguer. Glao Jean : Je prends la parole entant que serviteur de Dieu depuis 1957 et non pas en tant que charismatique. J’ai demandé une assemblée générale extraordinaire en Août 1981 pour trancher une question très importante, mais cela n’a pas été possible. Après le passage du comité de l’Union, à Abidjan, j’ai décidé de rendre ma démission des Églises de l’Union. À partir d’aujourd’hui, ne me comptez plus parmi les serviteurs de l’Union. Je vous dis au revoir. Mon temps avec l’Union est arrivé à son terme. Je n’ai pas préavis à demander qu’on reste des frères. Si un jour il y a possibilité de former une fédération avec l’Union alors je serai présent. S’il ya encore des questions en suspens sur les pagnes du jubilé, posez-les moi et je donnerai des éclaircissements. 522 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Guénaman : Je souhaite que les autres charismatiques interviennent dans le même sens que Glao. Prononcez-vous sur la séparation. C’est trop tôt de parler de Fédération. Tomé Victor : Nous avons trop souffert de cette situation à Abidjan. Il n’est plus question de demander à l’Assemblée Générale de se déterminer ; Vous vous êtes déjà déterminés avec une lecture à l’appui. Kapeu Anatole : que ceux qui sont pour la formation de la commission paritaire ou pas se prononcent. Il ne faut plus revenir sur la même question de détermination. Guédé : Nous voulons travailler avec vous malgré le divorce. Qu’en dites-vous ? Hans Dietter : la lumière est faite sur la question des pagnes du Jubilé. Bine que certaines interrogations sur les pagnes restent encore sans réponse, dans l’ensemble Glao a réglé ses dettes. Vé. N. : Si les charismatiques veulent rester avec l’Union, qu’ils se soumettent à elle. Et s’ils veulent rester en gardant leur position, nous les rendons responsables de tous troubles qui se produiraient dans nos Églises. Jean Paul : Il faut voir au-delà des immeubles des hommes. Le problème humain doit être pris en compte dans cette affaire. Que deviendrons demain ceux à qui l’accès de la chapelle sera interdit ? Seance du 23/7 /82 (Après la méditation de M. Maré). Dagou Justin : Il faut maintenant former cette commission qui doit régler le problème des locaux. Elie Tomékpa : Je ne veux pas de cette commission paritaire. Olivier de Tarragon : Nous avons rejeté hier la fausse doctrine des charismatiques par 122 voix contre 18 et vous voulez faire des concessions alors que les charismatiques n’en font pas du tout. Si le Annexes 523 désordre continue, nous quitterons l’Union jusqu'à ce que l’ordre revienne. Blé Lami : Faire des concessions avec les charismatiques c’est ouvrir des vannes au désordre. Je réfute catégoriquement ces concessions et je demande un pasteur pour l’Église d’Adjamé pour le dimanche prochain. Vé.N. : Notre frère Glao part comme l’enfant prodigue. Deux frères parmi nous peuvent prier pour lui puisque nous ne pouvons pas le retenir. Guehi Etienne : Vé est en contradiction avec lui-même. Peut-on prier pour quelqu’un qui va à sa porte ? Zoué Joseph : Ne pouvons pas demander au moins pourquoi Glao s’en va ? Vé. N. : Le fils prodique est majeur et nous n’avons jamais entendu dans que son père l’avait retenu. Gbaou M : Glao a rendu sa démission à l’Assemblée Générale c’est à elle de se prononcer et pas au Président Vé. N. Bleukehoua A : Je ne suis pas d’accord de prier pour Glao. Il a enseigné sa doctrine en cachette, elle fait des ravages et il n’a pas eu le courage de présenter des excuses à l’Assemblée Générale. Finalement Mouy Gaston et Vé.N. prient pour Glao. Seyo : Il ne faut pas rattacher le problème charismatique à celui de Glao. Définissez notre position avant notre départ. Valet Pascal : Les charismatiques ne sont pas une Église. Il faut considérer le problème séparément. Zion Joseph : Vous les présidents de séance, vous êtes peureux. Vous n’écoutez les instruits et vous nous réduisez au silence nous les vieux. 524 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique C’est nous qui avons souffert pour ces Églises. Je demande qu’on sépare nettement les charismatiques d’avec les non charismatiques. Vé.N. Si charismatiques pensent qu’on leur doit quelque chose, qu’ils en face un calcul exact pour qu’on le leur rende. Ipoté J.A : Je propose qu’une commission soit nommée pour informer les Églises des décisions prises par L’A .G. Proposition appuyée et soumise au vote. Pour 128, contre 0, abstention 13. Vote : pour 134, contre 1, abstention 5. Vé .N : Président sortant soumet au vote la conférence de foi de l’union et propose que postulant au service de l’union doit nécessairement la signer. Vé.N. : Tous ceux qui ne signeront pas cette confession foi seront considérés comme démissionnaires. Point : 2 : Rapports des régions (statistique) et ceux des œuvres (voir ces rapports en annexes). Point 4 : révision des statuts (reporté) Point 5 : convention générale (reporté) Point 6 : Finance de l’union : (voir compte en annexes) Hans Dietter brosse un tableau assez sombre des finances de l’union. Plusieurs régions n’ont pas payé leurs cotisations. Point 7 : Proposants : Daloa présente 2 proposants Gagnoa présente 1 proposant Tabou présente 1 proposant Annexes Man 525 présente 5 proposants Danané présente 3 proposants Après les témoignages des régions qui ont présenté ces jeunes serviteurs de Dieu quelques observations ont été faites par l’assemblée. Ensuite un vote a été organisé. Procès-verbal de la rencontre des responsables UEESO-CI avec le Ministre Léon Konan Koffi en vue d’un dénouement définitif de la crise de 1982 Sur convocation et sous la présidence effective de Léon Konan Koffi, Ministre de l’Intérieur, une réunion de synthèse s’est tenue au cabinet ministériel le mercredi 03 novembre 1982 à 16 h. Elle a eu pour objectif de régler définitivement le différend opposant l’Union des Églises évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire UEESO-CI) à quelques uns de ses propres adeptes qui sont constitués en un groupe dénommé charismatique. En raison du caractère ultime de cette réunion, le Ministre Léon Koffi était assisté de : SORO Mamadou, Préfet d’Abidjan AHOUA Kangha Michel, Directeur de Cabinet du Ministre de L’Intérieur Ipaud LAGO Michel, Directeur Général de l’Administration Territoriale. Quant à VE, Président de l’UEESO-CI, il n’a pas manqué d’inviter les grands dignitaires des Églises évangéliques et méthodistes de la place : Pasteur DIEKE Koffi Joseph, président des Églises protestantes C.M.A. de Bouaké. Pasteur YANDO Emmanuel, président des Églises Méthodistes de Côte d’Ivoire. 526 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Dr. KOUADIO André, pasteur, professeur à l’Institut biblique de Yamoussoukro. Pasteur Coulibaly APONY, président des Églises Baptistes du Nord. Pasteur BOSSERT Charles, missionnaire, directeur de l’Institut Biblique de Yamoussoukro. Pasteur Jean ALAO, président des Églises AEECI de Bouaflé Les représentants de l’UEESO-CI : Pasteur VE, président de l’UEESO-CICI, Pasteur BAH Samuel de Duékoué B. P. 16 GUENAMAN Jean B. P. V 93 Abidjan Pasteur DAN Joseph 13 BP. 30 Abidjan13 BLE Lami, UEESO-CI Pasteur Jean DAKOURY, 03 BP 806 Abidjan 03 TOME Victor MONGUEI Paul Michel Pasteur BLEUKEHOUA Mahan Albert, secrétaire général de l’UEESO-CI Le groupe charismatique, lui, sans chef, selon ses propres déclarations, a été représenté par : MAHAN Seyo Anatole, instituteur à l’école des sourds-muets de Yopougon TIA Deti Lazare, instituteur à l’école des sourds-muets de Yopougon Oué Victor, université nationale de Côte d’Ivoire GUEHI Gnenena Etienne, b. p. v 124 Abidjan Jean GLAO, pasteur, 08 b. p. 20 Abidjan 08 TOGUEI Kpai Laurent, b. p. 215 Duékoué Annexes 527 Ouvrant la séance, Léon Konan Koffi a souhaité la bienvenue aux participants et les a remerciés de leur présence effective. Après avoir déploré le comportement de certaines communautés religieuses du pays et surtout celui qui prévaut actuellement au sein de l’UEESO-CI, le ministre de l’Intérieur a exprimé ses vœux de voir cette réunion être la dernière des séries de rencontres qui ont vainement tenté de régler l’affaire charismatique, aussi a-t-il demandé aux ayant -droit à la parole d’être brefs et clairs. Vé, président de l’UEESO-CI, sur un ton calme, a fait la présentation des dignitaires invités, puis il a dit en substance au ministre de l’Intérieur : « malgré les suggestions de vos collaborateurs qui nous ont déjà reçus dans cette salle les 15 Septembre et 15 octobre derniers, nous n’avons pu nous entendre, nous revenons vous saisir du même problème, comme arbitre, car nous croyons que Dieu vous donnera la compétence nécessaire pour le résoudre ». TIA Deti Lazare, porte-parole du groupe charismatique, après avoir fait l’historique et défini les divergences fondamentales du différend qui oppose charismatiques et l’UEESO-CI, a déclaré que les charismatiques veulent former une église à part. Après cette réponse claire, le Ministre de l’Intérieur passe la parole aux invités : Pasteur COULIBALY : « leur schisme est consommé. Donc nous les reconnaissons comme tels » Pasteur YANDO : « c’est une chance que nous soyons dans un État qui n’est pas païen. Et je me permets de déclarer que dans un État qui se réconcilie, les chrétiens qui se divisent ne sauraient être ni Ivoiriens ni chrétiens. » Pasteur DIEKE Koffi : « Je suis venu en observateur. Pour moi les Églises devraient être les prometteuses de la paix. J’avais souhaité que ce différend fût réglé entre nous chrétiens. J’ai honte. Par ailleurs, ce 528 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique qui m’intrigue, c’est le silence de Jean GLAO à toutes les réunions alors que c’est lui le meneur du groupe charismatique. Vraiment j’ai honte ». Le ministre de l’Intérieur, après avoir remercié les invités et les représentants de l’UEESO-CI et du groupe charismatique a décidé ce qui suit : Désormais seule l’UEESO-CI, agréée par l’État, est mandatée à exercer son culte. Les charismatiques sont libres de fonder leur religion. Mais en attendant l’agrément de leurs statuts, il leur est formellement interdit d’exercer un culte public. D’ailleurs, je ne connais que Jean GLAO, le seul à avoir rendu sa démission de l’UEESO-CI. Les autres non ! Je demande à l’UEESO-CI de me faire dans les meilleurs délais l’inventaire et me fournir la liste des éventuels biens des charismatiques. Désormais, j’entends vous rencontrer en termes de Légalité. Puis, séance tenante, le ministre de l’intérieur lit les deux lettres adressées à ses collègues de la défense et de la Sécurité Intérieure pour leur demander de fermer le temple charismatique d’Adjamé, puis il lit une autre lettre adressée à Monsieur Jean GLAO pour lui notifier la fermeture de ce même temple et l’interdiction formelle d’exercer tout culte public 776. 776 Procès-verbal du règlement définitif du différend entre UEESO-CI et charismatiques. Cité par Jean Colbert, GUENAMAN, op.cit, pp.173-176. Annexes 529 Annexe 3 : Récits de conversions Sept récits ont été retenus pour être présentés dans leur intégralité. L’insuffisance du nombre des tout-premiers chrétiens nous a poussé à recourir à des récits récoltés par des devanciers. En outre, concernant, les récits recueillis par nous-mêmes, lorsque l’abondance des critères de sélection étouffait une récolte qui ne se signalait pas par sa quantité, l’arbitraire a finalement tranché. Les sept récits sélectionnés, à l’issue de nos dépouillements, nous semblent, refléter l’ensemble. Pour garder leur authenticité, nous avons opté de rapporter ces récits sous la forme orale. J’ai entendu la voix de Dieu (MOUY Gaston) Né vers 1928 d’une famille assez modeste, GOHO Mouy Gaston a reçu l’appel de Dieu vers les années 1947-1950 au cours d’un rêve. Après plusieurs moments d’hésitation, il finit par être convaincu que Dieu l’avait choisi pour porter le message du salut aux peuples Guéré et Wobé de Côte d’Ivoire. Il fait partie des tout premiers élèves de l’école biblique de Man, et a cumulé plusieurs postes de responsabilités. Dans un entretien qu’il a accepté de nous accordé en 2010 à sa résidence de deux plateaux (Abidjan), il nous relate sa rencontre et sa vie avec Jésus Christ. « D’abord, je fréquentais l’école de la mission. J’étais déjà grand. J’ai été à l’école mais je n’ai pas duré à l’école parce que je n’avais personne pour me soutenir, mon père étant décédé. Puis je suis venu à Abidjan, en Basse Côte. J’ai servi en tant que boy chez les blancs. Puis je suis retourné au village pour me marier. J’ai reçu l’appel lorsque j’étais encore au village. Nous étions deux ; mon grand-frère et moi. Un jour, j’ai fait un rêve et il y a quelqu’un qui m’a réveillé dans le sommeil et m’a dit : vas prêcher dans la région de Bangolo où il y a de un grand nombre là-bas il y a assez de fétiches. Et lorsque je me suis réveillé, j’ai expliqué cela à mon grand-frère. Mais, en ce moment, 530 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique j’avais un seul souci, comment faire pour devenir riche. J’avais réalisé des plantations de cacaoyers et de colatiers. C’est à ce moment que Dieu m’a appelé. J’en ai parlé à mon frère. Mon frère lui-aussi a eu l’appel de Dieu. J’ai dit : mais pourquoi Dieu m’appelle puis appelle mon frère aussi ? Puis j’ai dit : puisque nous sommes deux frères, si Dieu veut que je le serve, alors qu’il fasse revenir mon frère. Et un an après, mon frère qui était allé à l’aventure est revenu effectivement au village. Avec le retour de mon frère, j’ai compris que Dieu m’avait vraiment appelé pour le servir. Et je me suis rendu à Man pour expliquer cela aux missionnaires. Il y avait un évangéliste sur la station missionnaire à qui j’ai expliqué la situation et lui il l’a dit à son tour aux missionnaires. Dès ce moment, chaque fois que je me rendais à Man, les missionnaires me disaient : Dieu t’a appelé et tu ne veux pas venir. J’étais donc embarrassé, et quand j’allais maintenant à Man, je prenais soin faisais l’effort d’éviter les missionnaires. C’est dans cette situation que nous étions quand le Seigneur a repris mon frère. Après cela, j’ai décidé de répondre à l’appel de Dieu et je suis allé à Man, j’ai dit : Dieu m’a appelé donc je vais aller à son service. C’est ainsi qu’on m’a pris et on m’a envoyé sur le terrain à Bangolo précisément dans le village de Gouénié. C’est là-bas que j’ai commencé l’évangélisation. C’est moi qui ai commencé l’évangélisation dans la grande région de Bangolo. C’est à ce moment qu’on a ouvert l’école biblique à Man. Et après le service, on nous a dit d’aller à l’école pour être formés. Après deux années de formation, on m’a réaffecté à mon même poste. Lorsque nous sommes allés à l’Assemblée régionale de Man, j’ai été élu président. C’est vers 1957 que nous avons fait cette formation. A cette époque, c’était encore l’idolâtrie, il y avait des fétiches, il y avait des masques très puissants. Ce n’était pas facile pour que l’évangile s’implante dans la région. Dans notre village, Souakpé, il y Annexes 531 avait huit (8) masques puissants. Quand nous avons accepté l’évangile dans ce village, nous étions haïs, méprisés, repoussées par les gens du village. Vous voyez, la mission qui est à Souakpé là, quand l’évangile est arrivé, Dieu se manifestait beaucoup en notre faveur, cela gênait beaucoup les masques. Ils ont dit : "bon voyez, prenez cet espace là, à côté du village, vous pouvez y faire votre culte, vous pourrez y faire tout ce que vous voulez." C’est comme cela qu’est née la mission à Souakpé, et l’école qui y est implantée. Lorsque l’évangile est arrivé, nous les premiers chrétiens étions persécutés parce que ceux qui ne connaissaient pas le Seigneur, disaient que ces chrétiens là, s’opposent à la coutume. A l’époque, on nous a convoqués à Man, chez le blanc parce que selon eux, nous sommes venus détruire la tradition, les masques. Quand l’évangile s’est implanté, les gens du village ont dit au missionnaire : "Dans ce cas, il faut nous envoyer aussi l’instruction, il faut nous envoyer l’école". C’est ainsi, que dans la région de Facobly, l’école est partie de Souakpé. Mais ce qui est intéressant, c’est que ceux qui ne croyaient pas en l’évangile, mais qui ont quand même envoyé leurs enfants à l’école, ont vu l’évolution de ces enfants et certains se sont donnés au Seigneur. C’est ce qui a bouleversé le village et beaucoup ont commencé à se tourner vers l’évangile. Et les villages dans lesquels on a annoncé l’évangile, on a aussi amené l’école y a été aussi amenée dans ces villages là. Et tous les enfants qui partaient à l’école confessionnelle réussissaient et tout le monde voulait y envoyer son enfant pour qu’il reçoive une bonne instruction. C’est de là l’évangile est parti. Donc, l’école et l’évangile étaient liés. Ça a été un tremplin, c’est Dieu qui les a liés, ça a été un tremplin. Ça a été un moyen pour développer l’Église et puis développer aussi l’enseignement. 532 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Et les premiers enseignants, avant de commencer les cours, enseignaient d’abord la parole de Dieu. Voilà comment l’évangile a été développé chez nous. Et aujourd’hui, la plupart de ces enfants sont de grandes autorités dans ce pays. Comme l’évangile rencontrait de grandes oppositions dans les villages, nous avons décidé d’utiliser l’école, en implantant les écoles dans les villages les plus difficiles ; et quand les enfants partaient à l’école, on leur enseignait la parole de Dieu. Puisque cela fait partie du programme, les parents ne pouvaient pas s’opposer. Ces enfants qui fréquentaient l’école, à leur tour évangélisaient leurs parents, et c’est ainsi que, l’évangile a pénétré nos régions qui étaient très hostiles au départ. Et à la mission aussi, les premiers enseignants étaient vraiment bien, ils enseignaient vraiment bien et avaient un bon témoignage. Voilà pourquoi l’évangile a pu gagner du terrain. Concernant les persécutions, lorsque quelqu’un devenait chrétien, on le persécutait. Par exemple, il y a un jeune qui faisait masque et quand il est devenu chrétien, il a abandonné. Il a été frappé, châtié. Mais, ce qui nous réjouissait dans cette persécution, c’est que les effets de l’évangélisation étaient là et fermaient souvent même la bouche à ceux qui nous maltraitaient. Les enfants qui fréquentaient l’école de la mission allaient de succès en succès, ils réussissaient. Il existe un masque royal puissant de chez nous dont le porteur qui s’appelait Yoro a accepté l’évangile. Quand il a accepté l’évangile, on l’a frappé. En fait, après sa conversion, il a profané le grand fétiche qui était installé dans un palmier, donc les gens l’ont frappé. A Kiriao, lorsque Yoro s’est converti et profané le fétiche, il a été frappé, puis les masques ont empoisonné par deux fois la source que les chrétiens buvaient avec la bile de caïman. Ils ont bu et rien ne s’est passé. Et c’est comme ça que l’évangile est entré à Kiriao. Annexes 533 (De manière particulière, ajoute l’interprète, le vieux a été persécuté. Il a une Bible qui date de cette période et qui a encore les traces de la persécution, elle est gardée au village.) Quand je me suis converti, il y avait quelques chrétiens. Je partais avec un ou deux chrétiens dans les villages pour annoncer l’évangile. A cette époque aussi, les femmes qui étaient converties étaient remplies de l’Esprit Saint, elles chantaient et elles nous accompagnaient pour faire l’évangélisation. J’ai enseigné l’évangile à Gouéné dans la souspréfecture de Bangolo et les gens ont été convaincus. Vous connaissez M. Sohou Maurice qui a été ex directeur du collège protestant de Daloa, c’est là-bas qu’il l’a évangélisé. Ils ont été convertis, eux et leurs enfants, ils ont envoyé ces enfants là à l’école et aujourd’hui sont devenus tous des cadres. Lorsque nous avons évangélisé à Gouéné, les gens nous ont donné l’autorisation de construire notre lieu de culte. Nous avons donc construit notre premier lieu de culte en bois et en banco puis nous l’avons coiffé de papots. Au début, quand l’évangile est arrivé dans notre village, on tenait les réunions de prière dans nos cases, c’est après que nous avons commencé à construire des hangars en papots. Quand je n’étais pas encore converti, je croyais en la puissance de la sorcellerie, mais quand je suis devenu chrétien, je sais que la puissance de Dieu dépasse celle de la sorcellerie. Quand je n’étais pas encore chrétien, je croyais à la puissance de la sorcellerie, on nous attachait des choses aux reins pour nous protéger contre les sorciers, mais quand je suis devenu chrétien, je ne crois plus au pouvoir de la sorcellerie. Quand l’évangile n’était pas encore venu, c’était les fétiches, on plantait les fétiches partout, autour des cases, sur les pistes des champs, des toilettes… Mais quand l’évangile est arrivé, on a vu que tout cela n’était rien. » 777 777 Entretien avec Mouy Gaston, septembre 2010. 534 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique J’ai été effrayé par l’annonce du retour de Jésus-Christ Voici le récit de la conversion de J. WANGOLO, sans doute le tout premier converti de BONGA à Danané 778. « On s’est servi de moi au temps des travaux forcés. On m’a ligoté avec de grosses cordes jusqu’à Logoualé où l’on m’a enlevé les cordes et habillé. Nous sommes partis à pieds jusqu’à Dimbokro pour couper les rôniers pour construire de grands bâtiments. Ils entouraient les maisons de palissades. Après je suis allé comme militaire en France, puis à Dakar où j’ai passé 7 mois. Puis à Marseille en1921. J’étais du 3e bataillon de la 9e compagnie. Après 3 ans, retour à Danané en 1923, départ pour la France par Guiglo et l’Algérie. J’ai fait la bataille du Maroc en 1925. Le roi du Maroc a été saisi et envoyé comme esclave en France. Puis, après avoir fait 6 ans dans l’armée, j’ai eu un congé et je suis retourné au village. Un commandant m’a appelé chez lui pour devenir son clairon. J’ai été à son service pendant 4 ans pour un salaire de 25 F. par mois. Puis comme la guerre recommençait, je suis retourné dans l’armée. Quand j’étais clairon, quand quelqu’un fuyait (les travaux forcés), il mettait une feuille à l’entrée de son campement, une feuille verte, n’importe laquelle, et personne ne pouvait poursuivre le fuyard. Les gens venaient chez moi de tous les cantons et construisaient une case derrière chez moi. Même en chemin il suffisait de dire : “c’est pour Wangolo” et on laissait passer. J’étais connu dans tout le pays, même jusqu’à maintenant. Si je me déplace, on m’accueille. Après, au temps du commandant Metesty, il était là où est la gendarmerie actuelle, un jour François Bonga est venu le voir là-bas pour lui parler de l’évangile. Il a dit : “il a compris”. Paul Tokpa, qui était cuisinier, est venu et F. Bonga lui a parlé de l’évangile, il avait 778 WANGOLO deviendra le beau-père de BONGA. Ce récit a été recueilli en juillet 74 des lèvres de W. par Charles Daniel Maire. Annexes 535 dans la main un Nouveau Testament. J’ai demandé : “qui est JésusChrist?” Il m’a dit : “c’est le fils de Dieu qui va revenir”. M’a répondu Paul Tokpa. Autrefois, j’étais musulman, mais soudain j’ai été effrayé à cause du retour de Jésus. En 1944, je me suis converti réellement. J’ai été baptisé en 1946. En ce temps, j’avais 9 femmes. F. Bonga m’a dit : “tu as trop de femmes”. Comme j’aimais beaucoup la parole de Dieu, j’ai dit, je vais renvoyer quelques-unes. Ma femme actuelle était au champ ; je l’ai fait venir et je n’ai gardé que celle-là parce que je l’aimais et qu’elle avait une bonne conduite. C’était la troisième. J’ai décidé de devenir évangéliste. On m’a demandé pourquoi. J’ai beaucoup travaillé pour les français. Je veux aussi travailler pour Dieu, J’ai répondu. M. Dupont, Fané et Bonga m’ont enseigné. Je ne pensais pas à l’argent ; je ne pensais pas qu’on puisse m’en donner. Nous étions 16 nouveaux évangélistes. Parmi nous, plusieurs ne comprenaient pas bien. J’ai été évangéliste pendant 20 ans. J’ai évangélisé le canton calé, Koulialou, puis du côté de du Libéria et Zouan-Hounien, le canton Blolou. J’ai terminé dans le canton Wa. Quand j’étais évangéliste, c’est mon grand frère qui était devenu chef de mon campement : Glanlou (sous le palmier). C’est quand j’étais clairon que je suis devenu chrétien. J’avais autrefois entendu l’évangile, mais c’était chez les catholiques. Je ne l’avais pas compris. Beaucoup de ceux qui s’étaient joints à moi dans mon campement s’étaient convertis, au moins 10 sur des centaines, une vraie tribu. Mais ils ont abandonné. Après mon départ, le campement s’est vidé, la colonisation devenait moins dure. Après, je suis devenu malade, ça m’empêchait de continuer. J’ai dit à M. Funé et Bonga : “je ne peux plus continuer.” “Si Bonga n’était pas venu, ils n’auraient pas entendu l’évangile”. Presque tous les convertis sont devenus évangélistes ou prédicateurs laïcs. Tous ceux qui sont mentionnés à cette époque vivent à l’extérieur du milieu familial et ont 536 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique déjà passablement voyagé comme Bonga lui-même. Wangolo avait été résistant avant de devenir militaire et s’était converti à l’islam. Immédiatement après eux ce sont les membres de leur famille. La mère et la sœur Bonga dont il dit d’ailleurs : “c’était pour m’encourager à ne pas retourner en basse-côte”. Wangolo eut une influence passagère sur les réfugiés qui profitaient de son immunité de clairon du commandant. Ce furent ses fils et ses frères qui suivirent sérieusement. IL n’y avait qu’une poignée de convertis en 1946. C’est elle qui allait ouvrir le “nouveau chemin” à la religion.C’est la réaction à la société Nè qui va déclencher le mouvement. F. Bonga dira : “Nè, c’est Dieu qui a permis ce truclà !” 779. » Il fallait sortir de cette emprise (Dan Marie) Dan Marie est une femme centenaire. Pionnière de l’Église UEESOCI de Yéleu en 1953, elle s’est convertie au christianisme à la suite de la lutte menée par les évangélistes contre la société secrète Nè. Pour Dan Marie, ancienne praticienne et responsable de cette société, Nè ou Ninhin est une forme d’esclavage à laquelle le diable soumettait les femmes. Ayant pris conscience de la « laideur » de cette pratique, elle n’avait que Christ pour la sortir de cette prison. Laissons Dan Marie elle-même, nous relater les circonstances de sa conversion. « Concernant l’arrivée de Ninhin, il faut dire que Ninhin est venu du Libéria. C’était la femme d’un roi, comme les Gbagbo aujourd’hui, qui a apporté Ninhin. Elle s’appelle Dheunun et son mari Toueuzama était un grand chef en pays dan au Libéria. Un jour, de retour d’une visite chez les siens au pays de Sanhan, elle rapporta le fétiche. Elle décida de faire connaitre le fétiche dans tout le pays. C’est ainsi qu’elle forma une équipe de femmes qu’elle dirigea elle-même. Le jour où Ninhin arriva 779 Ce récit a été recueilli en juillet 74 des lèvres de W. par Charles Daniel Maire. Annexes 537 chez nous à Boutoueu, quelle occasion pour celles qui aiment se faire voir. On demanda qu’une femme marche devant Ninhin. Je répondis : "c’est moi qui marcherai devant Ninhin". Il s’agit des rasoirs traditionnels. Les rasoirs des ancêtres. Toutes les femmes apportent les rasoirs de leur mari. Tous les rasoirs du village sont ainsi réceptionnés dans un van porté par Ninhindhaadhieu jusqu’au lieu de la cérémonie. Une fois sur les lieux, le van rempli de rasoirs est placé au milieu de toutes les femmes. Celles-ci se mettent toutes nues et s’assoient les pieds tendus comme des excisées. Celles qui doivent prendre Ninhin posent, à tour de rôle, la main sur les rasoirs dans le van. Puis on commence à maudire en disant : "Si tu es sorcière et que tu le caches à Ninhin, que ton cœur plonge dans le Ninhin ; mais si tu n’es pas sorcière, que tu sois bien portante et que tu t’épanouisses." Puis, elle bouge les mains et on reprend les mêmes paroles. C’était une ruse du diable pour maintenir l’homme dans l’esclavage. C’est lorsque la parole de Dieu est arrivée que j’ai abandonné. Aujourd’hui, Ninhin est devenu rare voire inexistant dans nos régions. C’est maintenant l’évangile qui a gagné du terrain. Une fois qu’une femme finit l’étape cruciale de la pose des mains sur le rasoir, on dit qu’elle à pris Ninhin. Lorsque toutes les femmes concernées finissent cette étape, on passe au repas. On apprête du riz qu’on fait cuire avec de l’eau dans laquelle toutes les femmes, une centaine environ, se lavent les mains au préalable. C’est pourquoi j’ai dit que c’était vraiment une ruse du diable. A ce riz qui cuit mal, on ajoute une poudre de bois qui accompagne toujours le fétiche. Selon les anciens, cette poudre provient de l’écorce de l’arbre dont on se sert pour faire les ordalies. Une fois le repas prêt, chaque femme tend la main et reçoit sa part. Ce repas est pris avec des chants. Après quoi, toutes les femmes 538 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique s’habillent. On pose le van sur la tête d’une jeune femme après l’avoir recouvert de pagnes. Puis on retourne au village en chantant. Toutes les femmes sont obligées de prendre Ninhin, on n’attend pas d’être accusée ou soupçonnée avant de le prendre. C’est obligatoire, toutes les femmes à l’exception de celles qui sont enceintes le prennent obligatoirement. Et c’est quand une femme prend le fétiche qu’on peut savoir si elle est sorcière ou non. Quand elle est sorcière, Ninhin l’attrape. A l’époque, il n’y avait pas encore de chrétiens. Peut-être qu’il y en avait quelques uns mais, c’était rare. Mais, c’est lorsque l’évangile est arrivé, que Ninhin a disparu. L’arrivée de Ninhin était surtout due à la recherche de sécurité de la femme du roi. La femme de Toueuzama craignait d’être attaquée mystiquement par ses rivales. Lorsque l’évangile est arrivé, des onze femmes d’un roi que nous étions, j’étais la seule à accepter l’évangile. Toute petite, j’ai été donnée au chef Wongbé pour être sa femme et il a payé ma dot. Avant, à cause de la pauvreté, on mariait les filles très jeunes. Il arrivait même qu’on prenne la dot d’un enfant encore dans le sein de sa mère. Dans ce cas, on précisait que si à la naissance, l’enfant est une femme, il devient immédiatement la femme de celui qui en a payé la dot. Au cas où il était garçon, il devenait l’allié de ce dernier. » 780 GBEGBEHI Guédé François : D’une carrière de footballeur à celle de moniteur d’école du dimanche, puis de pasteur GBEGBEHI Guédé François est l’un des premiers responsables formés au temps de l’Église autonome. Amoureux du football dont il rêvait d’en devenir un spécialiste, Guédé François est l’un des enfants d’une famille qui veut que ses progénitures soient des serviteurs de Dieu. Partagé entre le vœu personnel d’une carrière footballistique et la prière d’une mère qui veut voir son fils servir Dieu à plein temps, il finit 780 Entretien avec Dan Marie (24 avril 2010 de 17h à 18h) à Bingerville (Berlin) Annexes 539 par céder à l’appel du Seigneur qu’il reçoit pendant un rêve. Il devient alors l’un des tout premiers responsables dans le ministère parmi les enfants avant de devenir pasteur à plein temps. Voici son récit : « Pour ce qui me concerne, à propos du travail des enfants, on peut oublier beaucoup de choses, j’ai commencé là, ma vocation est partie de là. Et aujourd’hui je suis pasteur à plein temps. Tout à commencé à partir de 1975. D’abord je m’appelle GBEGBEHI Guédé François. C’est ma mère qui était chrétienne. Elle a prié pour nous, mon frère et moi. Nous avons suivi sa foi. En ce qui me concerne, j’étais d’abord footballeur. J’envisageais une carrière footballistique. A cause du football, les études ne m’intéressaient pas trop. Pour moi, ma vie était là. Depuis le village, et puis mon objectif était d’aller à l’Africa. J’avais l’amour de ces deux grandes équipes : l’USC Bassam et l’Africa sport. Mais le Seigneur m’a fait suivre une autre route. Donc quand je me suis converti en 75, lors d’une visité d’un prédicateur de chez moi. C’était un soir ; et ce même soir, j’ai accepté. C’était après un entrainement. J’ai accepté l’évangile, ce même soir, je ne m’étais même pas déshabillé, j’avais encore ma père de magre, et la conversation a commencé. Et, vu tout ce qu’il avait dit, je me suis converti. Parce que notre maman, je l’entendais toujours prier pour nous. Et puis, j’ai continué à jouer au football. En novembre 1976, j’ai été baptisé. Mais avant, bien sûr, il faut retenir qu’avant, on nous amenait à l’école du dimanche. Les missionnaires, là, j’ai retenu le nom du vieux HUSSER, qui était professeur au collège qu’on appelle aujourd’hui CSP, je pense que c’est lui-même qui a créé ce collège. Et les dimanches, Il avait une voiture, une 304. Il nous prenait dans une bâchée, on nous amenait dans notre village, on rassemblait les enfants, on nous parlait de Dieu, Jésus, et c’est là qu’après, la petite graine qui a été semée a porté. Mais comme je disais tout à l’heure, après ma conversion, pas assez longtemps, 75, 76 j’ai été baptisé. Et déjà, à l’Église, quand le vieux 540 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Jonathan, prêchait, on nous demandait de l’interpréter. Parce que nos parents, en ce temps là, ils voulaient vraiment que nous soyons des serviteurs de Dieu. C’est ainsi que petit à petit, le Seigneur nous a touchés, il m’a touché et en 1977, j’ai quitté le village pour continuer ma carrière footballistique à Bouaké, à l’AC Bouaké. J’ai été accepté, mais nous les nouveaux, on a eu du mal à nous intégrer avec l’entraineur qui était là, Mamadou Kéita. Et les anciens joueurs, les Kobénan Kouma, les Abé Séka, les Diallo Mamadou, tout ce monde là, vraiment, ce n’était pas facile. Mais quand même, on s’entrainait. Mon objectif était d’aller à l’alliance, puis aller à l’Africa pour devenir un grand joueur. Mais en 1977, à la fin du championnat, je n’étais pas encore qualifié, mais j’étais connu. Lors d’un entrainement, j’ai eu une grave blessure au genou. C’était là la fin de cette carrière footballistique. Et c’est là que le Seigneur m’a parlé une nuit ; qu’il faut que je le serve ; qu’il a besoin de moi pour son service. C’était vraiment difficile. Après une résistance qui a duré trois années, alors je me suis décidé à le servir, à partir de quatre années. Bien avant ça, quand je suis revenu de Bouaké, il y a un missionnaire, du nom de Von Rashestein, il a donc organisé, un cours de formation pour les moniteurs. Il fallait qu’à l’UEESO-CI, les enfants soient pris à part et soient particulièrement enseignés dans la parole de Dieu. Et c’est moi qui ai été désigné. Donc j’ai suivi la formation, je me rappelle encore les Yao André qui sont là, Pasteur Ipoté Jean Lambert, Pasteur Kouya Gonto Jacob, et puis il y a le Pasteur Kuiah Mardochée, tous les serviteurs de Dieu, ces grands hommes de Dieu que je respecte aujourd’hui, c’est là que je les ai connus. Nous avons suivi la formation ensemble. J’ai donc commencé d’abord à l’école du dimanche, c’était encore l’AEE. C’était à partir de 1976 que le missionnaire est arrivé.1978, il va organiser la première formation qui réunissait tous les jeunes à l’UEESO-CI qui avaient cette Annexes 541 vocation là. Bien sûr, bien avant, il y avait eu quelques cours de base mais, après, c’est cette formation qui allait réunir toutes les Églises UEESO-CI. C’est à partir de là que je suis devenu l’un des premiers moniteurs de l’école du dimanche, à Daloa, et après, j’ai commencé à étendre l’œuvre dans les autres Églises où il n’y en avait pas. J’étais de Digbapia, après, Sébrégué, les autres aussi ont reçu la formation, je les encadrais. On a eu à créer pas mal d’écoles de dimanche à la suite desquelles certaines Églises sont nées dans le secteur. Et de moniteur, je suis passé à un formateur de l’école, en attendant, parce que le missionnaire ayant vu mes capacités, il m’a confié cette partie de l’enseignement, c'est-à-dire la formation des moniteurs. Je pouvais aider certains parce que j’avais la qualification avant mon entrée à l’institut biblique de Man en 1980. Et c’est là ma formation a été décelée, et recevoir cette formation théologique pour être vraiment qualifié pour cette œuvre parmi les enfants spécialement. Donc trois années après, on a reçu une autre formation de trois mois qui réunissait en quelque sorte beaucoup de pays africains tels que le Bénin, le Togo, le Nigéria, le Congo, le Gabon, le Burkina Faso, le Mali, et sans oublier la Côte d’Ivoire. Et là, c’était une formation psychopédagogique qui a duré trois mois. En on était deux pour la Côte d’Ivoire ; le pasteur Kpan Zoh Bernard et moi. Il y avait aussi des gens qui suivaient la formation à temps libre tel que le frère Gouantouo Jacob. Il y avait d’autres Églises telles que l’Église CMA qui envoyaient quelques candidats. Ils ont été formés pour pouvoir servir dans d’autres Églises mais, en ce qui concerne l’œuvre même, pour le ministère à plein temps, nous étions deux : Kpan Zoh Bernard et moi. Après le stage, j’ai été le seul retenu, et De 1983-1984 j’ai été le premier agent ivoirien. Et après cinq années, donc de 84 jusqu’à 88 (c’est des choses qu’il ne faut plus raconter, il y a eu des malentendus, ça il faut le dire) 542 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique l’incompréhension maintenant entre le missionnaire et moi, et j’ai laissé l’œuvre. J’ai été appelé à l’Église et comme ça, j’ai été affecté comme pasteur stagiaire pour le moment or depuis 83 j’étais le premier formé de la région bété, mais il fallait revenir, parce que l’UEESO-CI a ses principes, il fallait un stage et donc en 90, j’ai été consacré comme pasteur, et c’est là mon ministère est parti, et avec pour premier poste Zoukougbeu. A l’AEE, il y a cette organisation. D’abord il y a des écoles du dimanche. Ça c’est au niveau de l’Église. Les enfants qui ont les parents chrétiens, venaient avec eux les dimanches. On recevait ces enfants dans les classes comme cela se fait à l’école primaire. En tout cas, il y avait un grand nombre d’enfants. Ça c’est les écoles de dimanche. Ensuite, dans les familles, c’est ce qu’on appelle les clubs de la bonne nouvelle. Il y a des enfants dont les parents ne sont pas chrétiens, des enfants dont les parents sont musulmans. Donc tous ceux là, avaient besoin de la parole de Dieu. Donc ils se retrouvaient dans ce club là, et on leur enseignait la parole de Dieu. Et beaucoup sont gagnés. Aujourd’hui, j’en connais beaucoup. On choisissait un ou deux jours dans la semaine, ça dépend, mais avant, les jeudis étaient libres pour les enfants donc on choisissait les jeudis et les samedis après midi, pour recevoir les enfants. Çà c’était les clubs. Et aussi, on a les écoles primaires publiques où on partait dispenser la parole de Dieu avec la permission de l’inspecteur, qui couvrait un certain nombre d’écoles. Alors avec cette permission de l’inspecteur ou du Directeur, et les soirs, après la sortie, les enfants, ceux qui voulaient rester restaient donc pour écouter la parole de Dieu, mais déjà on annonçait en classe qu’on annoncerait la parole de Dieu après les cours. On couvrait toutes les écoles de la ville en ce temps là, entre 1984 et 1988. On était partout et il y avait des moniteurs et des monitrices qui étaient formés pour les clubs de bonne nouvelle et pour les écoles primaires. Annexes 543 Donc, et en ce temps là donc, il y avait un grand nombre d’enfants, un grand nombre d’enfants. Aussi il y avait des camps d’enfants qu’on appelait aussi les rallyes d’enfants. Un samedi soir, on rassemble tous les enfants des clubs, des écoles de dimanches et des écoles en un lieu donné qui est hors de la ville et là on leur donnait aussi la parole de Dieu. Ou bien, ça pouvait s’organiser en club de cinq jours. Donc, pendant cinq jours d’affilée, on les retenait dans un lieu donc à une heure précise, et ça venait de partout, et on leur enseignait la parole de Dieu. Alors c’est comme ça, avec l’AEE. Et puis, pour ce qui concerne la formation des moniteurs, ça dépend, il y a une formation, heu, appropriée pour ceux des écoles de dimanche parce que ce n’est pas le même programme qu’on poursuit. Il y a une série de leçons qu’on enseignait aux enfants de l’école du dimanche qu’on enseignait aux moniteurs. Puis il y a un autre programme pour les moniteurs des clubs de bonne nouvelle. Et ensuite, on pouvait organiser des camps, des camps d’enfants au niveau de la ville. Quand l’œuvre a commencé à s’étendre partout, on a organisé la région secteur. Par exemple, à Daloa, j’avais quatre secteurs. A des dates fixées, pour la même année, on pouvait organiser quatre camps mais pas dans le même mois. Aujourd’hui, j’ai un pincement au cœur, quand je vois ces enfants, je n’ai pas perdu ma vocation. Chez moi, l’Église que je dirige, nous avons deux grandes classes. Si les enfants sont gagnés au Seigneur, ça assure l’avenir de l’Église et ça freine beaucoup de choses parmi la jeunesse. Aujourd’hui, je me réjouis, beaucoup de prédicateurs ou de serviteurs de Dieu viennent des écoles de dimanche comme des clubs de la bonne nouvelle. Si l’Église veut vraiment préparer la relève, il faut 544 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique que l’UEESO-CI à réveiller des gens pour s’intéresser à l’enseignement des enfants 781. » De l’Islam à la foi chrétienne : Récit d’Abel TIEMOKO Dans la quarantaine d’ethnie dan, cet ancien musulman est aussi devenu, par la force des choses, pasteur responsable de la région de Man des Églises dan. Eloquent prédicateur dans la langue, Abel TIEMOKO a consenti à relater son itinéraire dans la langue française 782. « C’est mon oncle paternel qui m’a élevé ; c’est un musulman. Mon père était mort quand j’étais petit. Mon oncle m’a mis à l’école coranique. Je n’est passé là que quelques mois, après j’ai continué à prier à la manière musulmane pendant six ans. Un jour, quand j’étais à Duékoué, j’étais apprenti tailleur à ce moment-là, j’ai été dans un campement où il y avait des chrétiens. L’un d’entre eux qui avait été musulman aussi m’a parlé de l’évangile. Cette nuit-là, j’ai accepté, j’ai brûlé ma peau de prière, c’était un samedi. C’était en 1957. Le chrétien qui m’a parlé m’a dit que, ce qui l’a persuadé de changer de religion, c’est que Mohamed n’est pas ressuscité, alors que Jésus est ressuscité. Moi, j’ai dit : ″mais une personne qui est ressuscitée, qui est vivante, passer par lui pour demander pardon, c’est plus facile que de passer par celui qui n’est pas encore ressuscité″. L’homme m’a dit que Jésus est fils de Dieu, alors que Mohamed est seulement le prophète. Alors j’ai dit : ″mieux vaut passer par le fils que le serviteur″. Après, quand j’ai lu la Bible, j’ai vu que Jésus dit : ″je suis le chemin, la vérité et la vie″. C’est toutes ces choses qui m’ont convaincu que la religion chrétienne est le vrai chemin par lequel passer pour avoir la vie éternelle. Dans l’islam on ne comprend pas ce qu’on dit, on récite ça comme une récitation, n’importe qui a une bonne voix peut réciter. Et puis, 781 Entretien avec le Pasteur GBEGBEHI Guédé François le 30 septembre 2010 de 10h à 11h au motel de l’UEESO-CI Cocody. 782 Charles Daniel MAIRE op.cit, pp.248-250. Annexes 545 quand j’étais musulman, j’avais très peur des esprits, parce chez les musulmans il y a des esprits malfaiteurs ; je craignais cela, je n’avais pas la paix. Bien que je priais 5 fois par jour et que pendant le mois de carême je faisais mon carême du premier jusqu’au 30, jamais je n’avais la paix car je ne savais pas qu’il existait la vraie, vraie paix. C’était comme si je ne priais pas. Je me sentais coupable devant Dieu mais je ne savais pas comment obtenir le pardon de mes péchés. Après que suis retourné au village, j’ai dit à mon père (oncle), j’ai changé de religion, je suis maintenant chrétien. Il n’avait pas cru et un jour il y a eu un décès dans la famille et il a fait venir le charlatan pour qu’on mange le kadi Pour savoir qui a tué celui qui est mort. Le charlatan prépare un certain médicament avec le riz et on mange et celui qui est coupable doit, en peu de jours, tomber malade et doit avouer : ″c’est moi qui est tué la personne″. L’homme est venu et il m’a dit de manger ce kadi. J’ai dit : ″non, maintenant je suis chrétien, je ne mange pas ce kadi″. Mon oncle m’a dit : ″il faut accepter, si tu n’es pas coupable, cela ne peut rien te faire″. J’ai dit : ″moi, je sais que je suis chrétien, si je vais faire le sorcier pour tuer les gens, Dieu va me punir, mais en tant que chrétien je ne peux pas manger ce kadi.″ alors il a dit : ″si tu ne veux pas manger ce kadi, tu n’es plus mon enfant et je ne m’occuperais plus jamais de toi″. J’ai dit : ″bon, si tu ne t’occupes plus de moi, mon Dieu est capable de s’occuper de moi″ et c’est ainsi qu’on s’est séparé en ce jour-là. Pendant quelques années je suis resté seul dans ma famille comme chrétien et un jour j’ai essayé de prêcher l’évangile à mon frère aîné. Lui aussi s’est mis contre moi. On a été aux champs. Lorsqu’on travaillait dans les caféiers, j’ai essayé de lui parler. Il m’a frappé. Il a dit ″pourquoi est-ce que tu fais de la propagande pour ta religion ?″. Alors, nous sommes revenus du travail le soir, j’ai dit à ma maman et elle m’a donné tort : ″tu partir 546 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique faire le travail, tu ne devais pas lui prêcher l’évangile″. Ce qui fait qu’ils étaient tous contre moi. Trois ans après, mon frère qui m’avait frappé s’est converti à l’occasion d’un mariage. Sa première femme qu’il avait l’avait quitté, quand elle est partie, il a essayé de la réclamer, mais c’était impossible. Je lui ai dit de garder patience, si Dieu permet que la femme parte, il n’a qu’à venir, on va prier Dieu. Lui-même à essayé de plusieurs manières en consultant les Kramoko, mais ça n’a pas eu d’effet : on lui a mangé de l’argent et finalement il a dit ″bon, on va prier ton Dieu là, si c’est vrai que ton Dieu existe″. C’est ainsi qu’il a commencé à prier. Un mois après ma mère s’est convertie, elle a dit ″bon, si mes deux enfants prient, moi je vais prier aussi pour ne pas partager la vie dans la maison″. J’avais encore un jeune frère qui a tenu tête, qui ne voulait pas se convertir, il a dit que lui, il veut pratiquer la coutume païenne. On a continué à prier pour ce dernier, et après quelques mois lui aussi s’est converti, c’était dans la même année. 783 » D’autres récits de conversions Récit de YE Samuel premier converti de Bouaglé relatant la pénétration de l’évangile dans son village.. « Notre famille était reconnu dans le village. C’est d’elle que sortait le grand juge Kpéa Zigbé qui jugeait à Danané du temps de la colonisation. Il était chef du groupe de 5 villages qui se trouvent près de Danané. Il avait été choisi à cause de son éloquence (c’est d’ailleurs ainsi que tous les chefs étaient choisis chez les Dan de Danané : c’est leur compétence, leurs faits d’armes, leur éloquence, et leur élégance qui les faisaient choisir). Nous avions aussi une tante qui était très renommée car elle avait été kwibo, c’est-à-dire la femme du Blanc. Quand les colons ont débarqué, la région était dangereuse et ils n’emmenaient pas leurs femmes avec eux. Ils disaient : « cherchez une 783 Charles Daniel MAIRE, op.cit, pp.248-250. Annexes 547 belle fille et envoyez-la ». Comme cette tante était très belle, elle leur a été envoyée, bien qu’elle fût déjà mariée. Elle a été plus renommée que les hommes dans toute la région. A l’époque de ma conversion, il y avait deux fétiches importants dans le village. Le kwiga sin (éléphant), fétiche de force qui venait du canton Goursé à la frontière de la Guinée. Ce fétiche devait nous donner la force de faire de grands champs. Mais ce fétiche avait ruiné beaucoup de gens (à cause du nombre de sacrifices qu’il réclamait). Si quelqu’un le possède et qu’il est sorcier, s’il vient la nuit, il meurt. L’autre kwiga se nomme Ifa. C’est un fétiche de protection. Si quelqu’un veut t’empoisonner ou vient contre toi, ifa te défend. J’avais été malade et j’étais allé à Danané pour être soigné à l’indigénat. C’est pendant mon absence que ifa était entré dans le village. Je n’étais pas au courant. Alors ma tante (celle qui avait été kwibo) m’a dit : ″ce kwiga est très bon, va, mets-toi dedans, sinon tu seras attaqué″. Sur le conseil de mon frère j’ai accepté. J’étais l’avant dernier frère. J’avais un ami chrétien (protestant), Droh Etienne. Il me parlait souvent de l’évangile. Elie Tomokpa (évangéliste) et Yo Paul (laïc du village voisin) venaient aussi pour m’évangéliser. Un jour, j’ai accepté (vers 1958). J’étais bandit ; je n’aimais pas ma femme. Quand je me suis converti, tout le village s’est opposé parce qu’ils disaient : ″il va gâter toutes les coutumes. Ma femme s’est convertie peu après. Un dimanche, tout le village devait nettoyer la route. Je ne voulais pas partir. Ils m’ont frappé et entraîné au lieu de travail, mais je n’ai rien fait. Ils m’ont laissé, mais plus personne ne voulait manger dans ma maison. Seuls les chrétiens des autres villages me soutenaient. Ma conduite avait complètement changé. On m’a appelé pour débrousser un endroit où il y avait tellement d’abeilles, qu’il était impossible de nettoyer la route. J’avais accepté le Seigneur nouvellement, alors les gens m’ont dit : ″comme ton Dieu est puissant, viens nettoyer ici !″. Sans fermer les yeux, je priais le Seigneur 548 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique intérieurement. J’ai nettoyé sans qu’aucune abeille ne me touche. Les gens étaient très étonnés ce jour-là. Après, je suis allé demander à un jeune chrétien qui connaissait beaucoup mieux que moi la parole de Dieu. Il m’a averti : ″pour cette fois, c’est bien, mais il ne faut pas recommencer. C’est jouer avec le diable″. Il y avait près du village une petite rivière. Au lieu appelé Diédi on venait faire des sacrifices. Ce lieu était reconnu par plusieurs cantons. Les poissons y étaient si apprivoisés qu’ils venaient manger dans la main, des grains de riz. On venait sacrifier à ce lieu lors des circonstances comme le mariage, la maladie. On s’aperçut que j’avais tué des poissons en quantité. Je l’avais moi-même dit. J’avais vendu de gros poissons à Danané. On me prit pour un criminel. ″il a tué nos ancêtres″ disaient-ils. On priait ces poissons pour leur donner des enfants, la santé, etc. Les villageois sont allés se plaindre à l’administration : ″celui-ci a tué nos ancêtres″. Le secrétaire qui les recevait leur dit : ″si vous voulez aller devant le juge, dites que vous avez une société pour garder les poissons, mais ne parlez pas d’ancêtres !″ Eux n’ont jamais voulu parler de poissons. Le secrétaire a dit : ″je ne m’en mêle pas″. Alors les villageois sont allés donner de l’argent à un grand féticheur pour surveiller la rivière. Ce dernier leur a dit : ″il faut ‘envoyer’ des brebis ou des moutons car c’est important″. Les villageois n’étaient pas d’accord entre eux. La somme à payer était trop importante. L’un d’entre eux qui avaient formé ce complot s’est converti et m’a tout expliqué. C’était un de mes grands frères même père, même mère. On m’a maudit de toutes sortes de malédictions. ″tu n’auras pas d’enfants, tes enfants périront…″ cette même année ma femme a eu une fille, je l’ai appelée Mékapeu (Me= vous, Kapeu= qui avez dit). J’ai commencé à progresser dans les biens matériels, plantations et santé. C’est mon champ qui donne le plus. Annexes 549 Dès cette époque j’ai pris l’habitude de chanter et de prêcher dans ma maison à 6 heures du matin pendant que les gens étaient encore chez eux et pouvaient m’entendre. Un jour les femmes du Nè m’ont appelé pour leur parler de l’évangile car elles voulaient laisser Nè. Cela est venu d’elles-mêmes. J’ai dit : ″ce n’est pas comme cela″. Mais elles ont tout laissé quand même. Sans devenir chrétiennes. Celle qui s’occupait vraiment de cela : Zolè, avait la maladie dans sa maison. Son mari lui a dit : ″à quoi ça sert ?″ et ils ont tout jeté. Le mari n’a pas encore accepté, mais la femme et les enfants ont accepté au moment du passage de GIRAUD. Elle est allée à Man. Mais elle avait rejeté Nè depuis longtemps.″ (Flan F.) Vers 1960, la famille de mon père (Thieu) avait un couple d’idoles (souba) qui venait du Libéria. Elles devaient apporter la paix et la richesse dans la famille. En réalité elles ne donnaient rien ! Pour les adorer, mon oncle Bah et mon papa Thieu devaient préparer du riz que les femmes ne devaient pas manger. On versait le sang du poulet et le plat était mangé par les hommes. Moi-même –encore enfant—Je devais porter les idoles de la maison vers le soleil levant avec des flambeaux allumés et le jour on leur offrait des noix de colas. Mais c’était l’échec dans la famille. De tous les enfants, aucun ne parvint au CM2. Mon père en a perdu plusieurs (4 ou 5). Deux ans après, mon petit frère est mort et la mère devenait malade. Brusquement elle est entrée en brousse. On disait qu’elle est emportée par les esprits. Le soir, tous les féticheurs sont venus et faisaient tout sur elle pour apporter la santé. ″prières aux idoles en tous sens″( !). Mais sans résultat. La maladie s’est calmée un peu. Elle poussait des cris comme les animaux, puis elle restait couchée sans respirer. Sans fièvre. On disait qu’elle était possédée. Le lendemain elle reconnaissait les gens. Après deux (mois) environ pendant lesquels on restait au village sans travailler, Yé Samuel vint pour parler de la parole de Dieu. Elle a compris, mais elle ne s’est pas décidée. Un dimanche, elle a décidé 550 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique d’aller au culte à Danané avec la femme de son oncle. Un soir, je voyais ma maman fermer les yeux sans comprendre pourquoi. Elle était du côté de Samuel sans en savoir beaucoup. Après un mois, mon papa a fait la même chose. Il a dit : ″ce que fait Yé Samuel, c’est le seul chemin″. Les deux (parents) sont allés à l’Église et ils ont décidé de m’emmener à la Mission Protestante. J’étais élève à la Mission Catholique à Drongouiné. C’était vers 1964. Ma grande sœur se décida. Après la conversion de mon papa, il confia ses fétiches son frère Droh. Il n’a rien brûlé sur le coup. Quand les quatre grands frères ont vu cela, ils se sont mis en colère (l’un d’eux a le même père et la même mère que moi). Ils ont quitté le village. Leurs femmes sont parties aussi à cause de la foi de ma mère qui avait des droits sur elles. Je suis resté seul avec deux sœurs. Jusqu’alors, seule notre famille était chrétienne. En 1967, notre village a été déplacé. Il est maintenant installé au bord de la route. Plusieurs ont refusé de suivre, dont le vieux Kpéa. En 1969 (21/6), mon père Thieu est mort. Avant de mourir, il disait à mon oncle de continuer à prêcher la parole de Dieu. Et quand, Droh, le vieux féticheur, petit frère de mon père est mort, alors mon père a tout brûlé les fétiches qu’il avait laissé chez lui. Quand mon père est mort, sa sœur qui était chrétienne depuis le même temps que Yé Samuel a été avertie en rêve de venir nous consoler. Maintenant, tout le monde pêche dans la rivière où il n’y a plus beaucoup de poissons. Je me suis converti moi aussi parce que j’aimais trop mon papa. Il m’avait donné le conseil de prendre le même chemin, autrement nous serions séparés. Quand il est tombé malade en 1969, il m’a appelé avec ma petite sœur et ma grande sœur pour nous prêcher l’évangile : en Crist, il y a la paix, restez attachés à l’évangile, autrement nous serons séparés. Il m’a dit : occupe-toi de la maison.″ 784 784 Récit recueilli en 1974 par Charles Daniel Maire, op.cit, pp. 209-213. Annexes 551 Récit de conversion de DIE Zobel, ancien secrétaire de l’Union des Jeunes Chrétiens du Sud-ouest « Tout a commencé en 1958. Là, j’ai pris contact avec l’évangile au moyen de mon oncle paternel qui était instituteur.mes parents étaient à la campagne. J’ai fais quatre années d’étude primaire chez cet oncle. Il était un peu difficile de dire si j’ai compris quelque chose quand j’allais à l’école du dimanche. Mais l’âge ne me permettait pas de saisir grandchose. En 1962, mon oncle était affecté ailleurs. Là encore, des difficultés. Je comprenais quelque chose de l’évangile, mais il y avait encore beaucoup de points noirs dans ma vie à cause de la faiblesse dans mon caractère. Il y avait des semaines, à la suite de bons messages, je devenais un parfait jeune homme et des moments, surtout pendant les grandes vacances, où je tombais au bas de l’échelle à cause de mes parents, surtout mes frères et cousins et amis du village qui ne connaissaient pas l’évangile et qui m’influençaient beaucoup. Cependant, j’observais les grands commandements, à savoir : ne pas manger la viande sacrifiée aux idoles, ne pas adorer les fétiches, etc. En 1965, j’obtins le C.E.P.E. et passai mon concours d’entrée en 6e. Je rentrai au lycée municipal de Bouaké. On me confia de nouveau à un tuteur qui n’était pas chrétien et qui habitait très loin de l’école. Nous étions 14 jeunes élèves dans la maison, chez ce tuteur qui avait deux femmes et six enfants. Ce qui était un peu grave, c’est que le tuteur ne gagnait que 14000 frs par mois, avec tout ce grand nombre à charge. D’où une souffrance très pénible et qui a détruit en nous tout ce que nous avions compris. Car nous étions livrés à nous-mêmes, pour pouvoir manger et même dormir. Mes parents sont très pauvres et ne pouvaient pas m’envoyer de l’argent. Voyez-vous déjà quelles sont les conséquences que cela pouvait avoir sur moi ? En 1967, alors que j’étais en 4e, j’ai été admis à l’internat. Je rencontrai là une nouvelle société, avec de nouveaux comportements. L’affrontement fut un peu difficile, mais j’eus la chance de rencontrer 552 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique un nouveau groupe, le GBC. C’est là aussi qu’a commencé pour moi une réelle vie chrétienne. Le GBC, groupe dans lequel je suis vraiment épanoui, m’a fait beaucoup de bien pour ma croissance spirituelle. Un an plus tard, je devais être le responsable de ce groupe. L’aumônier, Jean-Claude Schwab, fut un vrai conseiller pour moi, car il avait beaucoup d’estime pour le sérieux de mon travail et surtout pour ma personne. C’est aussi le moment où j’ai passé par de nombreuses expériences dans la vie, où le Seigneur m’a réellement montré qu’il me voulait à son service. L’exemple le plus typique est un jour, alors que j’étais le responsable de ce GBC, l’aumônier Schwab nous demanda 100 frs chacun pour essayer d’imprimer les ″chœurs joyeux″ qui serviront au GBC de recueil de chants. C’était trois mois après ma rencontre avec le GBC, si bien que j’avais des amitiés avec un club de la ville auquel j’étais affilé. Le club, à la même date, nous demanda à chacun 200 frs pour une soirée dansante. Là, j’étais partagé. J’allai à la maison et je demandai à mon tuteur s’il pouvait me prêter 200 frs pour envoyer à mon aumônier pour l’impression de ces cantiques. Mon tuteur qui, d’ordinaire, était très sévère, sans trop discuter, me donna ces 200 frs. Au retour, j’étais très partagé, où envoyer les 200 frs ? Au club ou au GBC ? Une lutte interne commença en moi. Le soir venu, je me suis couché sur mon lit, mais c’était vraiment difficile de résister. Deux voix combattaient, une me disait d’envoyer les 200 frs à M. Schwab, parce que cet argent servirait à l’œuvre du Seigneur, une autre me disait : ″écoute, Zobel, tes idées sont souvent appréciées dans le club, si tu n’envoies pas ces 200 frs, tu seras bien malheureux″. Alors, de 20 h. jusqu’à 23 h. je me débattais et lorsque mes camarades venaient autour de moi pour m’inviter pour le repas, je leur répondais : ″ce soir, ça suffit, je ne suis pas de bonne humeur″. Vers les 23 h.30, la voix de la ville l’emportait : je pris les 200 frs, je m’habillai et je pris le chemin de la ville. Arrivé au Annexes 553 beau milieu du chemin (ça, il faut bien le noter, je fus pris par un vertige dont je ne savais même pas la provenance. Je croisai les bras, m’arrêtai pendant au moins 15 minutes en fermant complètement les yeux, pour voir ce qui devait arriver. Au bout de 15 minutes, j’ouvris les yeux et le premier geste que je fis, fut de mettre la main dans ma poche pour voir si les 200 frs. Etaient toujours là. Mais… une grosse surprise : les 200 frs étaient égarés. Alors j’ai commencé à trembler ; j’ai vraiment eu peur. Et j’ai compris que vraiment le Seigneur ne voulait plus que j’aille sur ce chemin. Le dimanche matin, j’en ai parlé à tous les camarades du GBC et à l’aumônier Schwab. Je vous raconte ça parce que cette année là j’ai eu beaucoup d’expériences de ce genre qui m’ont vraiment aidé et montré que le Seigneur ne voulait plus que je continue sur l’ancien chemin. Jusque là nous allions dans les autres villes, comme Korhogo, Bouaflé, Yamoussoukro, etc. pour la formation des autres groupes de GBC. Cela m’aidait beaucoup, parce que chaque fois que nous sortions, on me confiait des responsabilités pour lesquelles il fallait beaucoup de sérieux, beaucoup de prière, afin de faire face. En dehors donc de tout cela et de mes études, j’aidais Mme J.-Cl. Schwab à donner des cours aux enfants, dans les écoles primaires de la ville. J’apprenais à prendre contact avec les enfants et surtout à annoncer l’évangile au un autre. C’est cette année là que j’eu le BEPC, je rentrais donc à Man pour les grandes vacances. C’était l’année où il dut y avoir dans ma vie le coup final de la rupture avec tout le passé. Car il y eu un soir où J.-P. Voltz nous prêchait sur la traversée du fleuve Jourdain par les enfants d’Israël. Là je compris que ma vie était comme celle des israélites et que je ne devais plus retourner à mon passé. Après le message, très tard la nuit, je le rencontrai et lui confiai toutes mes erreurs de la vie. Après le camp, je rentrai à Logoualé où je passai une année, car il manquait d’enseignants à L. et je trouvai bon de consacrer cette année à l’Église. On m’utilisait comme prédicateur dans les villages et pour la présidence 554 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique au culte de la ville. A la fin de l’année, je pris congé des responsables de l’Église, car je voulais aller à Abidjan poursuivre mes études ». 785 785 (C. D) MAIRE, op.cit, pp. 53-55. SOURCES ET RÉFÉRENCES Sources Sources orales N ° Noms prénoms Lieux Date Gilbert GOUENTOUEU Abidjan Octobre 2009 2 Dan Marie Bingerville avril 2010 98 ans pionnière 3 LOH Philippe Abidjan Décembr e 2009 Pionnier / évangéliste 4 LOH Michel Abidjan Septemb re 2012 Pasteur et Secrétaire Général actuel 5 GNEPA Oberlin Sassandra Septemb re 2012 Pasteur et Directeur de l’école biblique de Sassandra 6 HOUI Victor Daloa Septemb re 2012 DRH de l’enseigneme nt protestant UEESO-CI 7 TOYE Théodore Daloa Juillet 2012 Directeur du Collège Jean Calvin de Daloa 1 et Observatio ns Président national de l’UEESO-CI Sujets abordés naissance et expansion de l’UEESOCI. La pratique de Ninhin et ses effets. Sa conversion et sa contribution à l’expansion de l’évangile Naissance de l’UEESO-CI et pratique religieuse. Évangélisati on des pays Néyo et kroumen, formation à l’UEESOCI. Les écoles UEESO-CI et leur contribution à l’évangélisation Création et évolution du collège J. Calvin de Daloa 556 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique 8 DRO Joliman Man Août 2012 Directrice de la pouponnière de Man 9 GUEU Siméon Man Septemb re 2012 10 Jean Claude REYNAUD Par le Net 2010 Directeur de l’Institut Biblique et théologique de Man Président du comité de la Mission biblique 11 DEROU Benjamin Abidjan Novemb re 2009 Premier secrétaire national UEESO-CI 12 VE Ebenezer Bingerville Septemb re 2009 Fils pionnier 13 M. YAO Abidjan Septemb re 2009 Ancien 14 Yao André Abidjan Septemb re 2010 Président régional 15 GUEDE François Abidjan Septemb re 2010 16 Kaya Rodrigue Bingerville Septemb re 2010 Pasteur et ancien responsable AEE Pasteur et auteur sur l’UEESO-CI 17 OULAÏ Abel Abidjan Aout 2008 de Ancien Secrétaire général de l’UEESO-CI Croissance du nombre de pensionnaires de la pouponnière de Man Programme de formation à l’IBTM Naissance de la Mission Biblique et ses activités en Côte d’Ivoire Conversion et contribution à la vie de l’Église Echanges sur la vie de Nathanaël VE. Conversion et contribution à la vie de l’Église Conversion, évangélisation du pays guéré, formation et pratique religieuse Conversion, formation des enfants. Pratique religieuse à l’UEESO-CI Naissance de l’UEESO-CI Sources et references 18 MOUY Gaston Abidjan septembr e 2010 Pionnier / évangéliste 19 GBOTO Narcisse Danané Décembr e 2011 Tradipraticie n 20 TOBO Bernard Abidjan octobre 2011 Pasteur 21 TIE Bi Diagoné Daloa juillet 2012. Chrétien 22 Madame SAHI Daloa juillet 2012. Ancienne épouse d’ancien pasteur 23 KOULAI Pascal Daloa Juillet 2012 Chrétien 24 Madame BADE Daloa Juillet 2012 Ancienne d’Église 25 M. NANDO Yamoussou kro Juillet 2012 chrétien 26 M.GUENAMAN Daloa Juillet 2012 Ancien 27 GNAMBRO Léonard Yamoussou kro Juillet 2012 Chrétien 28 DOUMOU YA Moïse Octobre 2012 Ancien Abidjan et 557 Conversion, le temps des missionnaires, le temps de l’Église autonome Le rêve, les fétiches et les totems chez les Dan Conversion, pratique religieuse et formation à l’UEESO-CI Pratique religieuse à l’UEESO-CI La vie des anciens pasteurs UEESO-CI Pratique religieuse à l’UEESO-CI Schisme à l’UEESOCI, pratique religieuse et formation. Pratique religieuse à l’UEESO-CI Période missionnaire, période de l’Église africaine, schisme et pratique religieuse Pratique religieuse à l’UEESO-CI Rétrogradati on à l’UEESO-CI 558 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Sources d’origine missionnaire ALLEGRET (E). et COUVE (D.), Correspondances de 1926 concernant le Rev. Marck HAYFORD d’une Église baptiste de Côte d’Ivoire, 7 p. ALLEGERT (E), Rapport sur son voyage d’enquête en AOF du 10 mai au 30 janv. 1930, 16 p. BEBEY-EYIDI (M.), Responsabilité des églises devant la prise de conscience politique de l’Afrique noire, conférence présentée le 08 nov 1957 à Douala, 12 p. BENIGNUS (P). Les missions protestantes en AOF, in Les Guides Bleus, AOF ; Togo ; Paris, Hachette, 1958, CXXVI-CXXI. BLOCHER (A.S), Lettre du 26 Février 1934 au pasteur Daniel COUVE, directeur de la SMEP, 2 p. BLOCHER (A.S), Lettre du 03 mars 1934 au pasteur Daniel COUVE, directeur de la SMEP, 2 p. BLOCHER (A.S), Lettre du 20 janvier 1944 à M. 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Les sources de l’UEESO-CI Rubrique 1 : Assemblées générales et réunions du comité Procès-verbal de l’assemblée générale à Man les 1er, 2, 3 et 4 janvier 1964 Compte rendu de la réunion du comité de l’Union 03 septembre 1964 Rapport du comité exécutif ; rencontre du 16 juin 1965 à Man Sources et references 561 Procès-verbal de l’assemblée générale de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire à Man du 10 au 13 avril 1968 Compte rendu de la réunion du comité de l’Union ; rencontre du 15 mai 1969 à Daloa Procès-verbal de l’assemblée générale de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire à Man du 30 décembre au 02 janvier 1970 Procès-verbal de l’assemblée générale de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire à Man du 04 au 08 Janvier 1972 Compte rendu de la réunion du comité (très élargi) de l’Union à Daloa le 21 février 1973 Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Daloa du 10 au 12 Septembre 1974 Procès-verbal de la réunion du comité de l’UJESO tenue à Daloa le 02 novembre 1974 GLAO (J.), La campagne de M. 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Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Daloa le 20 août 1974 Compte rendu de la Rencontre du bureau du comité de l’UEESO-CI avec les responsables de Toulépleu avril 1975 Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Man 23 janvier 1976 Compte rendu de la réunion de la commission du cinquantenaire, Man 31 août 1977 562 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Man le 11 juillet 1977 Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Man le 10 mars 1981 Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Man le 06 déc 1982 Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Daloa 24 août 1982 Société ivoirienne de Croix Bleue à Tabou : rapport à l’assemblée générale de l’UEESO-CI (non daté) Procès-verbal de l’assemblée générale de l’UEESO-CI à Man le 24 juillet 1982 Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Man le 06-031983 Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Man 06 juin 1983 Procès-verbal de l’assemblée générale de l’UEESO-CI tenue à Man du 16 au 21 juillet 1984 Pouponnière de Man : rapport pour l’année 1983 ; Assemblée générale de 1984 Compte rendu de la réunion du comité de l’Union : 11-09-1984 Décision portant sanction disciplinaire à l’encontre de M. DEROU Benjamin 14 octobre 1986 Décision portant licenciement de Monsieur Dion Joseph, comptable à la direction régionale de l’enseignement primaire protestant de Man 14 octobre 1986 Sources et references 563 Décision de sanction disciplinaire à l’encontre de Soakié Daniel. 14 octobre 1986 Décision portant réorganisation de la direction régionale de l’enseignement primaire protestant de Man. 14 octobre 1986 Centre de formation biblique de Sassandra ; rapport à l’assemblée générale de l’UEESO-CI (Man, Juillet 1988) Région d’Abidjan ; rapport à l’assemblée de 1988 PV de la réunion de la commission du terrain de Cocody 05/04/1989 Rubrique 2 : Lettres et déclarations Informations aux Églises UEESO-CI suite à la rencontre avec le Ministre de l’Intérieur pour le règlement de la crise 04-11-1982. Lettre de Jonathan SAHI à MOUY Gaston, Président de l’Assemblée Régionale de Man. Lettre de Jonathan SAHI à M. et Mme REAUX, 09-12-1969. Lettre de Jonathan SAHI aux responsables de l’Union 02-09-1970. (Daloa) Lettre de Jonathan SAHI à M. Jules VARIDEL, 24-02-1970. Lettre à M. et Mme BREHM (non signé), Daloa, 14 janvier 1970. Lettre du président des Assemblées de Dieu concernant la radiation d’un de ses membres. 02-02-1972. Lettre du comité de rédaction de "construire" au comité de l’UEESO-CI et aux amis de construire, 01-06-1977. Jean GLAO, lettre de démission, 24 avril 1981. Direction des écoles UEESO-CI, deuxième lettre d’avertissement à M. GUEHI Robert OULAÏ, Man 1983. Tokpa VE Nathanaël, lettre d’avertissement contre le conformisme et le formalisme du siècle présent au sein des Églises dites évangéliques (aux 564 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique responsables des églises et aux membres du comité de l’UEESO-CI, Man le 05-12-1984. 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Pour mener à bien cette réflexion, nous avons étudié le processus d’implantation de l’UEESO-CI pour comprendre si la qualité des acteurs et les méthodes utilisées pouvaient permettre d’avoir de bons chrétiens. Ensuite nous avons étudié, par une approche comparative, la rencontre entre le christianisme et les croyances des peuples du sud-ouest ivoirien pour tenter de comprendre si le modèle religieux proposé par les missionnaires de la MBCI pouvait vraiment déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au tribalisme pour former le peuple de Dieu. Enfin, nous avons fait une analyse critique du vécu des chrétiens UEESO-CI. Il est ressorti de cette investigation que la stratégie missionnaire de la MBCI a que très partiellement favorisé l’émergence d’une communauté chrétienne au sein de laquelle les chrétiens vivent pleinement leur foi. Mots-clés : Mission, Missionnaire, Dan, Wê, Pratique religieuse, Pentecôtisme, Religions traditionnelles. Summary This dissertation covers 55 years of history of the UEESO-CI denomination, the first Baptist Church of French origin in Ivory Coast. Its problematic is the construction of the link between missionary strategy and religious practice of this Christian community. To complete this discussion, we studied the processof implantation of UEESO-CI to understand if the quality ofthe actors and the methods that had been used couldafford to have good Christians. Then we studied the encounter between Christianity and the beliefs of Ivory Coast people, using a comparative approach, to try to understand if the religious model Bibliographie 581 proposed by the missionaries of the MBCI could actually lead Christians, who have rejected superstitions and tribalism to form the people of God. Finally, we made a critical analysis of the experiences of UEESO-CI Christians. It emerged from this investigation that the missionary strategy of the MBCI has favored only very partially the emergence of a Christian community in which Christians live fully their faith. Keywords: Mission, Mission, Pentecostalism, Traditional religions. Dan, Wê, religious practice, Globethics.net is a worldwide ethics network based in Geneva, with an international Board of Foundation of eminent persons, 140,000 participants from 200 countries and regional and national programmes. Globethics.net provides services especially for people in Africa, Asia and Latin-America in order to contribute to more equal access to knowledge resources in the field of applied ethics and to make the voices from the Global South more visible and audible in the global discourse. It provides an electronic platform for dialogue, reflection and action. Its central instrument is the internet site www.globethics.net. Globethics.net has four objectives: Library: Free Access to Online Documents In order to ensure access to knowledge resources in applied ethics, Globethics.net offers its Globethics.net Library, the leading global digital library on ethics with over 1 million full text documents for free download. A second library on Theology and Ecumenism was added and a third library on African Law and Governance is in preparation and will be launched in 2013. Network: Global Online Community The registered participants form a global community of people interested in or specialists in ethics. It offers participants on its website the opportunity to contribute to forum, to upload articles and to join or form electronic working groups for purposes of networking or collaborative international research. Research: Online Workgroups Globethics.net registered participants can join or build online research groups on all topics of their interest whereas Globethics.net Head Office in Geneva concentrates on six research topics: Business/Economic Ethics, Interreligious Ethics, Responsible Leadership, Environmental Ethics, Health Ethics and Ethics of Science and Technology. The results produced through the working groups and research finds their way into online collections and publications in four series (see publications list) which can also be downloaded for free. Services: Conferences, Certification, Consultancy Globethics.net offers services such as the Global Ethics Forum, an international conference on business ethics, customized certification and educational projects, and consultancy on request in a multicultural and multilingual context. www.globethics.net ■ Globethics.net Publications The list below is only a selection of our publications. To view the full collection please visit our website. All volumes can be downloaded for free in PDF form from the Globethics.net library and at www.globethics.net/publications. Bulk print copies can be ordered from [email protected] at special rates from the Global South. The Editor of the different Series of Globethics.net Publications is Prof. Dr. Christoph Stückelberger, Founder and Executive Director of Globethics.net in Geneva and Professor of Ethics at the University of Basel/Switzerland. Contact for manuscripts and suggestions: [email protected]. Global Series Christoph Stückelberger / Jesse N.K. Mugambi (eds.), Responsible Leadership. Global and Contextual Perspectives, 2007, 376pp. ISBN: 978-2-8254-1516-0 Heidi Hadsell/ Christoph Stückelberger (eds.), Overcoming Fundamentalism. Ethical Responses from Five Continents, 2009, 212pp. ISBN: 978-2-94042800-7 Christoph Stückelberger / Reinhold Bernhardt (eds.): Calvin Global. How Faith Influences Societies, 2009, 258pp. ISBN: 978-2-940428-05-2. Ariane Hentsch Cisneros/ Shanta Premawardhana (eds.), Sharing Values. A Hermeneutics for Global Ethics, 2010, 418pp. ISBN: 978-2-940428-25-0. Deon Rossouw/ Christoph Stückelberger (eds.), Global Survey of Business Ethics in Training, Teaching and Research, 2012, 404pp. ISBN: 978-2-94042839-7 Carol Cosgrove Sacks/ Paul H. Dembinski (eds.), Trust and Ethics in Finance. Innovative Ideas from the Robin Cosgrove Prize, 2012, 380pp. ISBN: 978-2940428-41-0 Nicolae Irina / Christoph Stückelberger (eds.), Mining Ethics and Sustainability. Papers from the World Mining Congress 2013, 2014, 195pp, ISBN 978-288931-020-3 Jean-Claude Bastos de Morais / Christoph Stückelberger (eds.), Innovation Ethics. 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Il est professeur certifié de C.M.C et enseignant-chercheur à l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa. Alexis Dea est auteur d’un livre et de plusieurs articles sur la rencontre occident chrétien-Afrique noire animiste. Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982 Alexis Lékpéa Dea Évangélisation | Évangile Holistique | Autonomisatio Rivalités Dan et Wê | Leadership | La Côte Alexis Lékpéa Dea Qu’est-ce que l’évangélisme ? À quoi reconnait-on une Église évangélique ? Cette thèse veut rendre compte d’une rencontre et d’un changement global qui se produit dans les croyances, les pratiques religieuses, voire la vie tout court des populations Bété, Néyo, Kroumen, Guéré, Wobè et Dan de l’ouest ivoirien qui ont embrassé le christianisme. Il s’agit pour nous, dans un premier temps, de décrire leur conversion et de montrer comment les missionnaires, étrangers pour la plupart, ont entrepris l’implantation du christianisme, et dans un deuxième temps de montrer la manière dont ces conversions ont été perçues et vécues par les populations elles-mêmes. Formation | Mouvement pentecôtiste | La vie Le peuple de Dieu | La crise doctrina l’UEESO-CI | Le message chrétien | Persécutio Mission | l’implantation de l’Ég Globethics.net