Évangélisation et pratique holistique de conversion

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Évangélisation et pratique holistique de conversion
Ethics
Theses
14
14
ISBN 978-2-88931-058-6
Ethics
Theses
L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982
Alexis Lékpéa Dea
est né le 1er janvier 1980 à Zouan-Hounien (Côte d'Ivoire).
Il est titulaire d’un doctorat unique en Histoire des religions
de l’Université Félix Houphouët Boigny et d’un CAP / PL en
Connaissance du monde contemporain (CMC) de l’Institut
Pédagogique National de l’Enseignement Technique et Professionnel (IPNETP) d’Abidjan. Il est professeur certifié de C.M.C et
enseignant-chercheur à l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa. Alexis Dea est
auteur d’un livre et de plusieurs articles sur la rencontre occident chrétien-Afrique
noire animiste.
Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Évangélisation et pratique holistique
de conversion en Afrique
Évangélisation et pratique
holistique de conversion
en Afrique
L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres
de Côte d’Ivoire 1927-1982
Alexis Lékpéa Dea
Évangélisation | Évangile Holistique | Autonomisatio
Rivalités Dan et Wê | Leadership | La Côte
Alexis Lékpéa Dea
Qu’est-ce que l’évangélisme ? À quoi reconnait-on une Église évangélique ?
Cette thèse veut rendre compte d’une rencontre et d’un changement global qui
se produit dans les croyances, les pratiques religieuses, voire la vie tout court des
populations Bété, Néyo, Kroumen, Guéré, Wobè et Dan de l’ouest ivoirien qui ont
embrassé le christianisme.
Il s’agit pour nous, dans un premier temps, de décrire leur conversion et de montrer
comment les missionnaires, étrangers pour la plupart, ont entrepris l’implantation
du christianisme, et dans un deuxième temps de montrer la manière dont ces conversions ont été perçues et vécues par les populations elles-mêmes.
Formation | Mouvement pentecôtiste | La vie
Le peuple de Dieu | La crise doctrina
l’UEESO-CI | Le message chrétien | Persécutio
Mission | l’implantation de l’Ég
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Évangélisation et pratique holistique
de conversion en Afrique
L’Union des Églises Évangéliques Services
et Œuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982
Évangélisation et pratique holistique
de conversion en Afrique
L’Union des Églises Évangéliques Services
et Œuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982
Alexis Lékpéa Déa
Globethics.net Theses No. 14
Globethics.net Theses
Éditeur de la série : Christoph Stückelberger. Fondateur et Directeur de
Globethics.net et Professeur d’Ethique à l’Université de Bâle/Suisse
Globethics.net Theses 14
Alexis Lékpéa Dea, Évangélisation et pratique holistique de conversion
en Afrique. L’Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres
de Côte d’Ivoire 1927-1982
Genève: Globethics.net, 2015
ISBN 978-2-88931-057-9 (version numérique)
ISNB 978-2-88931-058-6 (version imprimée)
© 2015 Globethics.net
Éditeur : Ignace Haaz
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TABLE DES MATIÈRES
Sigles et abréviations ........................................................................... 13
Introduction ......................................................................................... 21
Première partie
1 Phases et méthodes d’implantation de l’UEESO-CI
(1913-1982) ........................................................................................... 55
2 La phase missionnaire 1913-1962.................................................... 57
2.1 Les pionniers (1913-1927)....................................................... 58
2.2 Les précurseurs (1913-1925) ................................................... 59
2.3 Christian Mark HAYFORD (1919-1925) ................................ 71
2.4 Le couple RICHARD, premiers missionnaires français, et la
naissance de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (1925-1927) ... 84
2.5 La naissance de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire (1927) 92
3 L’implantation de l’Église : méthode et ampleur (1927-1962) ..... 97
3.1 Méthodes d’implantation ......................................................... 97
3.2 L’évangélisation .................................................................... 113
3.3 Un évangile holistique ........................................................... 122
3.4 François BONGA premier vecteur ivoirien d’exportation
de l’évangile en pays dan (1941) ................................................. 131
3.5 Bilan de l’implantation pendant cette première phase :
étude comparée entre auditeurs et baptistes ................................. 136
3.6 Implantation régionale de la MBCI ....................................... 143
4 Le passage de la MBCI a l’UEESO-CI (1962-1982) .................... 155
4.1 Les causes de l’autonomisation ............................................. 155
4.2 Jacques BLOCHER, principal acteur de l’autonomisation de
l’UEESO-CI ................................................................................ 165
4.3 Les principales étapes de l’autonomisation de l’UEESO-CI . 173
4.4 L’UEESO-CI, sa naissance, sa doctrine et son organisation . 176
4.5 Principes généraux................................................................. 187
4.6 Les services et œuvres ........................................................... 189
4.7 L’œuvre d’implantation au temps de l’Église autonome ....... 193
4.8 De nouveaux facteurs de conversion ..................................... 204
4.9 Évolution numérique de l’Église autonome .......................... 215
4.10 Une première phase de croissance moins accélérée
1962-1972 ................................................................................... 216
4.11 Une seconde phase de croissance très accélérée
1972-1982 ................................................................................... 217
4.12 Une chute brusque en 1982 ................................................. 218
4.13 Conclusion partielle ............................................................. 219
Deuxième partie
La rencontre entre religions locales et christianisme
dans le sud-ouest ivoirien .................................................................. 223
5 Croyances locales et message chrétien.......................................... 225
5.1 Religions et croyances traditionnelles du sud-ouest ivoirien
au moment de l’implantation de la mission biblique en 1927 ..... 226
5.2 Le culte des ancêtres divinisés .............................................. 226
5.3 Le fétichisme ou le culte des divinités du terroir ................... 233
6 Le message chrétien: contenu, obstacles et propagation
en pays krou et dan ........................................................................... 251
6.1 Le contenu du message chrétien ............................................ 252
6.2 Les obstacles à la réception de l’évangile ............................. 255
6.3 La contradiction entre message chrétien et croyances locales,
un autre obstacle à la réception de l’évangile .............................. 259
6.4 Les éléments facilitateurs de la pénétration de l’évangile
en pays krou et dan ...................................................................... 263
6.5 La cohérence du message chrétien et l’efficacité des appâts
missionnaires ............................................................................... 274
7 Rejet et persécution des convertis par leur milieu d’origine ...... 279
7.1 Le chrétien vu comme un traître ............................................ 280
7.2 Les pressions coutumières et les persécutions ....................... 281
8 L’encadrement du peuple de Dieu ................................................ 291
8.1 Les programmes annuels de formation collective ................. 292
8.2 Les programmes de formation ............................................... 295
8.3 Le contenu de la formation du peuple de Dieu ...................... 298
9 La formation des responsables pour renforcer l’encadrement .. 301
9.1 Les structures de formation ................................................... 302
9.2 Les critères de sélection ......................................................... 306
9.3 Le contenu de la formation .................................................... 311
9.4 Conclusion partielle ............................................................... 313
Troisième partie
La vie nouvelle du peuple de Dieu, la nouvelle naissance
et le schisme dans l’Église ................................................................. 317
10 Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église
UEESO-CI.......................................................................................... 319
10.1 L’engouement des chrétiens pour les séances de formation 320
10.2 L’assiduité aux cultes .......................................................... 322
11 Les relations avec les autres......................................................... 329
11.1 La vie de sanctification des chrétiens UEESO-CI ............... 329
11.2 L’homme nouveau chez les chrétiens UEESO-CI .............. 335
11.3 Les libéralités....................................................................... 339
12 Sanctions et retrogradations dans l’Église ................................. 345
12.1 La discipline chrétienne ....................................................... 345
12.2 La rétrogradation à l’UEESO-CI ......................................... 349
13 Rivalités dan et wê : lutte de leadership
ou échec de la conversion ................................................................. 353
13.1 Les causes profondes ........................................................... 354
13.2 Les causes immédiates......................................................... 360
13.3 Les manifestations des rivalités entre les Dan et les Wê ..... 363
14 Les rivalités dan et wê : insuffisance de la conversion
ou échec de la christianisation .......................................................... 367
14.1 Les rivalités entre les Dan et les Wê,
un échec de la christianisation ..................................................... 367
14.2 Une insuffisance de la conversion ....................................... 371
Quatrième partie
De la crise doctrinale latente de 1974 à la rupture de 1982 ........... 375
15 L’accueil mitigé du mouvement pentecôtiste en Côte d’Ivoire. 377
15.1 Le mouvement pentecôtiste et son implantation
en Côte d’Ivoire ........................................................................... 377
15.2 Le succès du pasteur GIRAUD et la naissance
d’une fraction divergente à l’UEESO-CI : 1974-1980 ................ 386
15.3 Le jubilé de 1977 et le début des tensions entre l’Union
et les charismatiques .................................................................... 389
16 L’impossible rapprochement entre l’Union
et les charismatiques et le schisme de 1982 ..................................... 395
16.1 Le point de départ, la fin du mandat de Jean GLAO
en 1978 ........................................................................................ 395
16.2 L’Assemblée Générale de 1982 à Man consacre la rupture 405
16.3 Le dénouement honteux de la crise ..................................... 409
16.4 Conclusion partielle ............................................................. 411
17 Conclusion..................................................................................... 415
Annexes .............................................................................................. 427
Sources et références ......................................................................... 555
Bibliographie ..................................................................................... 565
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Les Églises du pasteur Mark Christian HAYFORD dans la
Colonie de Côte d’Ivoire et leurs responsables en 1921. ...................... 82
Tableau 2 : Tableau présentant l’évolution du nombre d’auditeurs
et de Baptistes à la MBCI de 1927 à 1962 .......................................... 136
Tableau 3 : Tableau présentant l’évolution du nombre de
lieux de culte à la MBCI de 1927 à 1962 ............................................ 141
Tableau 4 : Tableau récapitulatif du nombre d’auditeurs
à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 ............................ 148
Tableau 5 : Tableau récapulatif du nombre de baptisés
à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 ............................ 148
Tableau 6 : Tableau récapitulatif du nombre de lieux de culte
à la MBCI en fonction des aires ethniques en 1962 ............................ 149
Tableau 7 : Évolution du nombre d’évangélistes
à la MBCI de 1927 à 1959 .................................................................. 174
Tableau 8 : Ampleur des conversions à la suite de la
croisade GIRAUD ............................................................................... 213
Tableau 9 : Quelques tabous et leçons en Afrique .............................. 240
Tableau 10 : Quelques lieux sacrés en pays Dan ................................ 247
Tableau 11 : Quelques kohing (fétiches) gueres selon Jean-Baptiste
TEGBAO.............................................................................................. 248
Tableau 12 : Croissance du nombre de missionnaires et
d’évangélistes de 1927 a 1982 ............................................................ 305
Tableau 13: Noms, niveau et région de quelques proposants
à l’école biblique de Man en 1969 ...................................................... 309
LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1 : Évolution des conversions et des baptêmes à la
mission de 1927 à 1962 ................................................ 137
Graphique 2 : Évolution du nombre de lieux de culte à la MBCI
de 1927 à 1962 ............................................................. 142
Graphique 3 : Répartition des auditeurs à la mission biblique
par ethnie en 1962 ........................................................ 148
Graphique 4 : Répartition des baptisés à la MBCI par
ethnie en 1962 .............................................................. 149
Graphique 5 : Évolution du nombre d’évangélistes à la MBCI de
1927 à 1957 .................................................................. 175
Graphique 6 : Répartition des conversions suite à la croisade
de Giraud...................................................................... 214
Graphique 7 : Évolution du nombre des baptises a l'UEESO de
1962 a 1984 .................................................................. 215
Graphique 8 : Évolution du nombre des évangelistes et des pasteurs
l'UESSO de 1927 a 1982 ............................................. 306
TABLE DES PHOTOS
Photo 1 : Williams Wade HARRIS un pionnier du christianisme
ivoirien.................................................................................. 60
Photo 2 : Laure et Daniel RICHARD, premiers missionnaires MBCI .. 85
Photo 3 : Premiers contacts avec les habitants de la région de
Sassandra ............................................................................ 101
Photo 4 : Première visite de DANIEL chez les Yacoubas en 1928 ...... 103
Photo 5 : Station missionnaire de Batelebre (Sassandra), crée
en 1928 : première station missionnaire de la MBCI .......... 108
Photo 6 : Premier pied à terre à Man en 1930.................................... 109
Photo 7 : Un bâtiment du motel de la station missionnaire de Daloa . 110
Photo 8 : Chapelle de la station missionnaire de Daloa ..................... 110
Photo 9 : Quelque premiers évangélistes, évangélistes ayant
contribué à la propagation de l’évangile dans les
années 1950 ........................................................................ 120
Photo 10 : Quelques pensionnaires de la pouponnière de Man .......... 123
Photo 11 : Le SERTEECI de Daloa, créé en 1964 .............................. 125
Photo 12 : La Direction de l’enseignement protestante de Daloa ...... 126
Photo 13 : Un bâtiment du cours secondaire protestant de Daloa ..... 127
Photo 14 : François BONGA .............................................................. 131
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
A.D
: Assemblées de Dieu
A.E.F
: Alliance Évangélique Française
A.E.O
: Africa Evangelical Office
A.M.E.Z.C
: African Methodist Episcopal Zion
Church
A.N.C.I
: Archives Nationales de Côte d’Ivoire
A.O.F
: Afrique Occidentale Française
A.R.P.S
: Aborigines' Rights Protection Society
B.C.M
: Baptist and church mission
C.E.P.E
: Certificat d’Etudes Primaires et
Elémentaires
C.E.R.A.P
: Centre de Recherche et d’Action Pour la
Paix
C.E.T.A
: Conférence des Églises de Toute
l’Afrique
CF
: Confer
C.F.B.M.S
: Conservative Baptist Foreign Mission
Society
C.I
: Côte d’Ivoire
C.IT.A.V.E
: Centre Ivoirien Technique d’Audiovisuel
C.M.A
: Christian and Missionary Alliance
C.M.S
: Church Missionary Society
C.S.P
: Cours Secondaire Protestant
D.E.A
: Diplôme d’Etudes Approfondies
E.L.W.A
: Eternal Love Winning Africa
FA.T.E.A.C
: Faculté de Théologie Évangélique de
l’Alliance Chrétienne
F.L.A.S.H
: Faculté des Lettres Arts et Sciences
Humaines
FWBM
: Free Will Baptist Mission
G.B.C
: Groupe Bibliques Collégien
G.B.U
: Groupes Bibliques Universitaires
I.B.T.M
: Institut Biblique et Théologique de Man
J.A.C.A
: Jeunes Ambassadeurs de Christ à
Abidjan
M.B.C.I
: Mission Biblique en Côte d’Ivoire
P.D.C.I-R.D.A
: Parti Démocratique de Côte d’Ivoire Rassemblement Démocratique Africain
R.N.G
: Royal Niger Company
S.B.B
: Société Biblique Britannique
S.C.O.A
: Société Commerciale de l’Ouest Africain
S.E.R.T.E.E.C.I
: Service technique des Églises
Évangéliques de Côte d’Ivoire
S.I.M
: Mission à l’Intérieur du Soudan
S.P.C.K
: Society for Promoting Christian
Knowledge
U.C.A.O
: Université Catholique d’Afrique de
l’Ouest
UEESO-CI
: Union des Églises Évangéliques Services
et Œuvres de Côte d’Ivoire
V.N.P.T
: Vie Nouvelle Pour Tous
W.E.C
: Worldwide Evangelization Crusade
W.H.S
: Wesleyan High School
W.M.M.S
: Wesleyan Methodist Missionary Society
W.M.S
: Wesleyan Methodist School Abreviations
DÉDICACE
À Dieu Tout-puissant
« Je puis tout par celui qui me fortifie »
À la mémoire de Victorine DEA ma petite sœur.
À la mémoire du Dr. Jacques TOKPA, le bien-aimé, le bien-nommé.
À mon épouse Séphora, à nos enfants le Roi Salomon, Marie, Blessing
et Sagesse DEA et à mes nièces Espérance, Priscilla et Miléna
À tous ceux qui croient encore en une Église africaine forte et unie au
sein de laquelle il n’y a ni orthodoxe, ni protestant, ni catholique, ni
harriste, ni Yacouba, ni Sénoufo, ni Guéré.
REMERCIEMENTS
« On n'oublie jamais l'arbuste derrière lequel on se cache pour
tirer sur un éléphant » (Dicton bambara).
Même si je suis le seul responsable des conclusions de cette thèse de
doctorat, il est pour moi un impératif de reconnaitre que son achèvement
est le résultat d’une dynamique collective. C’est pourquoi, avant
d’ouvrir les résultats de mes recherches aux lecteurs, je voudrais
témoigner ma reconnaissance à tous ceux qui ont su m’apporter le
soutien dont j’avais besoin pour mener à bien les recherches
scientifiques et achever cette thèse de doctorat.
Mes remerciements les plus distingués vont d’abord à l’endroit de
mon maître, le Professeur KOUAME Aka, Professeur Titulaire
d’Histoire et Directeur scientifique de la Filière des Sciences Historiques
de l’Université Félix HOUPHOUËT Boigny d’Abidjan Cocody. Sa
grande humilité ; sa disponibilité ; sa passion pour le travail bien fait et
sa confiance en moi ont constitué des garanties de succès. Ses
orientations bibliographiques et recadrages thématiques m’ont permis
d’avancer sereinement. « Vos qualités humaines font de vous un homme
impressionnant et admiré de tous vos étudiants. » (Pascal GNAMBA)
Je veux aussi témoigner ma reconnaissance à tous mes maîtres de la
filière des Sciences Historiques de l’Université F.H.B. Pendant mes
années de formation dans cette filière, ils ont supporté avec patience
toutes mes faiblesses et m’ont donné, dans un amour paternel, le savoir
dont la recherche m’avait conduit jusqu’à eux. Il s’agit notamment des
Professeur Simon-Pierre EKANZA, ALLOU Kouamé René et du
docteur Ernest YAO BI Gnangoran. Au-delà du travail scientifique,
c’est tout un savoir-être que j’ai acquis auprès de mes maîtres. « Que
18 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
suis-je et que puis-je sans vous? En arrivant j'étais dans vos mains. En
m'en allant, je serai dans vos mains. » (Dicton Bambara).
Je remercie aussi très sincèrement le docteur Guy THOMAS, Maître
de Conférences à l’Université de Bâle et responsable des archives à la
Mission 21. Ses conseils avisés et ses encouragements m’ont beaucoup
marqué : « La gorge n'oublie pas la personne qui a versé en elle quelque
chose de doux quand elle était amère.» (Dicton Toucouleur).
J’exprime toute ma gratitude au Professeur Tite Tienou, théologien
de renommée internationale et à madame Martine Audeoud, enseignante
au Bakke Graduate University (USA) et à l’université internationale de
grand Bassam (CI), par ailleurs responsable du département holistique
de la faculté de Théologie Évangélique de l’Alliance Chrétienne
d’Abidjan. Malgré leur emploi du temps très chargé, ils ont accepté
d’instruire cette thèse et de faire partie du jury. Les nombreux moments
d’échange à la FATEAC, par téléphone et par email m’ont permis de
mieux
comprendre
et
exploiter
les
approches
théologique
et
sociologique, indispensables à la réalisation de ce travail.
J’exprime aussi toute ma reconnaissance au Professeur Salvador
Eyezo’o, de l’Ecole Normale Supérieur de Yaoundé (Cameroun) pour
ses encouragements.
Je remercie très sincèrement Monsieur Jean-François Mayer,
historien franco-suisse et fondateur de Religioscope, institut d’Histoire
des religions. En acceptant de publier mon article dans sa revue en ligne
études et analyses, il m’a permis de satisfaire la nouvelle exigence du
CAMES selon laquelle toute soutenance devra être précédée de
publication préalable d’articles. J’ai par ailleurs bénéficié de ses
nombreux conseils et encouragements.
J’adresse également tous mes remerciements aux docteurs Célestin
KOUASSI et Rubin POHOR. Le premier, Directeur académique de la
Faculté de Théologie Évangélique de l’Alliance Chrétienne (FATEAC),
fut l’un des tout-premiers chercheurs à m’encourager à entreprendre
Remerciements 19
cette étude en m’offrant une quantité considérable de sources auxquelles
je n’aurais jamais eu accès. Le second, sociologue à l’Université de
Bouaké, en plus de ses conseils avisés, a consacré du temps pour la
lecture et la correction de ce travail et ses remarques très pertinentes
m’ont permis d’en améliorer la qualité. Peut-être que « Ceux qui
donnent ne doivent pas se rappeler, mais ceux qui reçoivent ne doivent
jamais l’oublier. » (Proverbe juif).
Je veux dire aussi « merci infiniment » au docteur Henri Michel
YERE, mon responsable de stage au Centre Suisse de Recherches
Scientifiques (CSRS). Pendant tout ce travail, il fut pour moi un ami, un
conseiller et ses soutiens matériel, moral et financier ne m’ont jamais
fait défaut : « Il est tellement grand le plaisir de rencontrer quelqu’un
gentil qu’il vaut la peine risquer de ne pas être ingrat ». (SENEQUE)
Messieurs Jean-François KOUAME, professeur de Techniques
d’expression au Centre de Formation Professionnelle d’Agnibilékro et
Juvénal Nesmond DOUE, professeur de Français au Lycée Moderne de
Tengrela ont accepté de lire et corriger gratuitement ce travail. Cela a
permis de réduire le nombre de fautes et de coquilles. Qu’ils reçoivent
ici l’expression de toute ma reconnaissance.
Je n’oublierai pas mes amis : VAH Achille, OUATTARA Piè, Reine
Elodie KOUAPEU, Laurent ASSOUANGA pour leur soutien : « Ce
n’est pas tant l’intervention de nos amis qui nous aide mais le fait de
savoir que nous pourrons toujours compter sur eux. » (Epicure).
Par ailleurs, dans la collecte des informations, plusieurs personnes
m’ont aidé. Qu’elles reçoivent ici l’expression de toute ma
reconnaissance. Je pense particulièrement au comité de la Mission
Biblique de Paris, avec à sa tête M. Jean-Claude REYNAUD qui m’a
fourni des documents importants sur la MBCI. Je remercie tous les
pasteurs de l’UEESO-CI. Je remercie très sincèrement le pasteur KAYA
Rodrigues, pasteur central de l’Église UEESO-CI de Daloa. Merci
20 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
également à l’Église UEESO-CI de Bingerville et à ses responsables : le
pasteur BLIBO et le missionnaire DIDIA.
Je ne peux clore cette série de remerciements sans penser à ma
famille. A tous les niveaux, mon père Paul DEA et ma mère Sisson
Apolline GLOUGBE, qui nous a trop vite précédé dans la félicité du
Père, m’ont été d’un vrai soutien. Que de sacrifices consentis ! Mes
oncles, tantes, cousins, cousines, neveux et nièces m’ont soutenu chacun
selon ses moyens. Je pense particulièrement à l’apôtre Louan Etienne
WOUEHI, à Maman Odette GBOTO, à Sylvain OHI, à Sévérin
MABEA, à Vivien BOUMI, à GONKANOU, à GONTI Achille, à
Hervé GBOTO : « L’écureuil ne peut remercier le palmier » (Dicton Dan)
Mon épouse Séphora DEA, femme de conviction, a su chaque fois
trouver les mots et attitudes justes pour m’encourager à aller jusqu’au
bout de ce travail. Elle a supporté avec amour mes longs moments
d’absence, assumant seule et dans l’amour l’éducation des enfants que
Dieu nous a confiés : « Merci Maman pour tout ce sacrifice ». Merci
aussi à ma belle famille, la grande famille KPAIN dont le soutien ne m’a
jamais fait défaut.
À tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce travail et que je
n’ai pu nommément citer, qu’ils trouvent ici l’expression de mon infinie
reconnaissance.
1
INTRODUCTION
Avant d’entrer dans le vif de ce sujet, il serait intéressant de définir
les termes qui le composent afin de le rendre plus accessible au lecteur.
D’emblée, notons que l’Union des Églises Évangéliques Services et
Oeuvres du sud ouest de la Côte d’Ivoire a ceci de particulier qu’elle se
démarque des autres Églises évangéliques en Côte d’Ivoire tant par son
processus d’implantation que par sa composition sociologique. En effet,
si la plupart des Églises évangéliques en côte d’Ivoire sont « une
représentation nationale » des Églises évangéliques historiques déjà
solidement implantées en Europe ou en Amérique, l’UEESO-CI est une
communauté née d’une société missionnaire qui se définit avant tout
comme une Faith Mission, même si elle a bénéficié par la suite du
soutien d’une Église baptiste en France, et qui, par conséquent a ses
propres base doctrinale et organisation interne. À cela s’ajoute la
composition sociologique qui est l’une des exceptions dans le processus
d’implantation des Églises évangéliques en Côte d’Ivoire, voire en
Afrique 1. L’UEESO-CI est la seule Église évangélique en Côte d’Ivoire,
1
Comme le remarque Daniel Bourdanne, responsable mondial des Groupes
Bibliques Universitaires, « la plupart des dénominations en Afrique sont de type
ethnique ou tribal. La base missiologique orientée vers l’homogénéisation et la
stratégie missionnaire de l’époque en vue d’une cohabitation pacifique entre les
missions qui se répartissent le pays en zones géographiques ont développé des
églises ethniques. (…) On s’est retrouvé devant des églises fortement ethnicisées
et exclusivistes ». En Côte d’Ivoire par exemple la CMA est lié à l’ethnie baoulé
22 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
qui, avant l’essor du pentecôtisme, regroupe une diversité ethnique et
culturelle aussi importante, avec près d’une dizaine d’ethnies reparties
en deux grandes aires culturelles.
L’UEESO-CI est une association d’Églises protestantes locales
implantées par la Mission Biblique en Côte d’Ivoire et qui revendiquent
toutes une identité évangélique et par conséquent se définissent comme
tel.
Mais qu’est ce que l’évangélisme ? A quoi reconnait-on une Église
évangélique ?
En allemand, evangelisch est historiquement un synonyme de
protestant 2. Il arrive, en France, que le terme d'évangélique soit utilisé
dans ce sens-là 3. Mais, depuis la fin des années 1960, s'impose de plus
en plus le sens anglo-saxon, qui introduit une différenciation interne au
protestantisme entre un courant qui serait « évangélique » et d'autres qui,
du point de vue des premiers, le seraient un peu moins. En GrandeBretagne, « the Evangelical Movement » a d'abord désigné, à la fin
du XVIIIè siècle,
le
groupement
informel
qui
réunissait
des
e
« dissidents » et des anglicans « pieux ». Au XIX siècle, evangelical va
de plus en plus désigner l'ensemble de ceux qui prônent un réveil
religieux, notamment face aux tendances rationalisantes issues des
Lumières, puis face au libéralisme théologique issu de la philosophie
allemande et de l'école historico-critique. La création de l'évangélisme
moderne peut être datée de la fondation, en 1846, de l'Alliance
évangélique aujourd'hui divisée en deux organismes, l'un européen et
l'autre mondial.
L'histoire des Églises évangéliques s'inscrit dans le grand
mouvement de la Réforme protestante du XVIe siècle en Europe avec
et la WEC à l’ethnie gouro. Au Tchad, les Assemblées Chrétiennes (ACT) sont
liées à l’ethnie M’baye et l’Église Évangélique au Tchad à l’ethnie Gambaye.
2
cf. Evangelische Kirche Deutschlands, créée en 1948.
3
« Église évangélique luthérienne de France », par exemple.
Introduction 23
Martin Luther et Jean Calvin qui demeurent les deux figures
emblématiques de cette période.
Par la suite, d'autres réformateurs se sont levés pour contester ce
qu'ils considéraient alors comme une dérive libérale du protestantisme
de leur temps. Dans cette « Réforme radicale », ces chrétiens sont en
accord avec Martin Luther et Jean Calvin sur certains points essentiels
de la doctrine évangélique, mais ne se considèrent pas pour autant
comme leurs successeurs et encore moins leurs disciples. Au fil des
siècles, ces « dissidents » de la mouvance protestante se sont assemblés
dans différentes communautés dites évangéliques, plus autonomes, plus
conservatrices et plus piétistes que les Églises réformées traditionnelles.
Actuellement,
les
Églises
évangéliques
qui
s'organisent
reconnaissent comme fondamentaux les quatre principes suivants :
• Le biblicisme : la Bible est infaillible et source unique d'autorité.
Dans leur approche de l'Écriture, les protestants évangéliques
font preuve d'une certaine orthodoxie, c'est-à-dire qu'ils sont
attachés à une lecture de la Bible confiante dans l'historicité
fondamentale de la révélation.
• La centralité du thème de la Croix : grâce au sacrifice du Christ
sur la croix, les péchés de l'homme sont expiés une fois pour
toutes.
• La conversion ou « nouvelle naissance » : On devient chrétien à
la suite d'une rencontre personnelle avec Jésus-Christ. Les
évangéliques s'efforcent de limiter les intermédiaires entre le
texte et le lecteur. On adhère à une Église, non par la naissance,
mais par une profession de foi. Les évangéliques insistent donc
sur la liberté de conscience et l'aspect personnel de la conversion.
Par ailleurs, les protestants évangéliques se donnent pour mission de
témoigner, de propager le message de l'Évangile. Leur identité est
fondée sur leur foi commune, ils entendent constituer une Église de
24 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« professants ». Les mouvements et associations évangéliques sont très
actifs dans le domaine social.
En 1921 est créé l'Institut Biblique de Nogent-sur-Marne. Il s'agit là
d'une étape importante : c'est la première fois que les Églises
protestantes évangéliques se dotent d'une structure de formation interévangélique durable. De plus, cet institut entretient des liens avec les
protestants évangéliques d'autres pays : Suisse, Pays-Bas, Angleterre,
États-Unis. C’est de cet institut que sont partis Laure et Daniel Richard
en 1927 pour la Côte d’Ivoire pour implanter des Églises dont
l’association en 1962 donnera naissance à l’UEESO-CI, objet de cette
étude.
L’autre terme de ce sujet est le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Dans le
cadre de cette étude, ce cadre géographique ne répond à aucune réalité
administrative. Il doit être compris dans le processus d’occupation de la
Côte d’Ivoire par les missions protestantes pendant la période coloniale.
Face au vaste champ missionnaire que représentait la colonie, et pour
éviter les chevauchements, les missions protestantes décidèrent de se le
partager en cinq régions 4. Le sud, le centre, le sud-ouest, le nord et le
nord-est 5. Le sud-ouest s’étend du littoral en pays Godié, Neyo et
Kroumen à l’ouest montagneux en passant par le pays bété.
La population est caractérisée par la diversité ethnique. En effet,
cette région regroupe plusieurs ethnies dont les plus importantes sont :
les Kroumen dans la région de Tabou, les Néyo à Sassandra, les Godié à
Fresco et dans la région de Sassandra, les Bété à Daloa, Gagnoa et Issia,
les Wobé dans les régions de Man et de Facobly, les Guéré à Toulépleu,
4
Ce partage est dû, selon Tite TIENOU, à une philosophie missiologique
appelée le « Comity Agreement », un essai de pratique d’œcuménisme
protestant. Cette pratique a malheureusement donné naissance au régionalisme
ecclésiastique protestant en Afrique comme en Asie et ailleurs dans le monde.
5
La région du sud était évangélisée par la mission méthodiste Wesleyenne, le
centre par la CMA et la WEC, le sud-ouest par la Mission Biblique en Côte
d’Ivoire (MBCI) première Mission d’origine française en AOF et le Nord et le
nord est par les missionnaires baptistes.
Introduction 25
Guiglo et Bloléquin et les Dan (Yacouba, Touras) dans les régions de
Man, Biankouma et Danané 6.
Il est important de noter que la foi chrétienne n’est pas indifférente à
ces sociétés qui sont fort diverses et parfois différentes dans leurs
structures, leur organisation, les coutumes et les croyances. Depuis le
début du XXè siècle, de nombreux prédicateurs, se désignant comme
prophètes ont émergé au sein de ces sociétés. D’autres, en provenance
du Libéria voisin y ont exercé un ministère prophétique plus ou moins
florissant. C’est dans ce cadre que s’inscrit la brillante randonnée
missionnaire du prophète libérien William Wade Harris de 1913 à 1915
qui a ouvert les portes de la colonie de Côte d’Ivoire aux missionnaires
protestants.
Les dates 1927 et 1982 sont les limites chronologiques de cette
étude. L’année 1927 marque l’arrivée en Côte d’Ivoire des premiers
missionnaires de la Mission Biblique : le couple Laure et Daniel
RICHARD. Ces missionnaires français dépêchés en Côte d’Ivoire par
l’Église du Tabernacle à la suite de la demande du Docteur Marck
HAYFORD 7 sont considérés comme les pionniers de l’UEESO-CI 8.
1927 est donc considéré de manière générale comme l’année de la
naissance de cette Église. 1982 est l’année du premier schisme qui
secoue l’Église. Cet éclatement survient à la suite d’une crise doctrinale
6
Classification de Ernest ZIHI dans James KRABILL (Dir.), Nos racines
racontées, Récit historique sur l’Église en Afrique de l’Ouest, Abidjan : PBA,
1996, p.174.
7
Marck Christian HAYFORD est descendant d’une grande famille de la Gold
Coast (Ghana actuel). Il a fait des études de Théologie sanctionnées par un
doctorat et était de la Société royale anglaise de Géographie. En 1903, il écrit un
ouvrage intitulé « West Africa and Christianity » dans lequel il énonce que ce
sont les Africains qui doivent apporter l’évangile à l’Afrique. C’est lui qui
engagea les missionnaires RICHARD en Côte d’Ivoire après avoir effectué des
voyages d’évangélisation sur ce territoire.
8
Certains soutiennent plutôt qu’il serait plus juste de considérer l’année 1962
comme celle de la naissance de l’UEESO-CI puisque c’est à cette date
qu’apparait cette appellation et surtout que les textes fondateurs sont élaborés et
adoptés.
26 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
empirée par de nombreux problèmes d’ordre existentiel. La crise
économique des années 1980 qui affaiblit sérieusement l’économie
ivoirienne n’épargne pas l’Église UEESO-CI. La baisse considérable de
ses recettes entraine des difficultés financières. Au début des années
1980, l’Église ne parvient plus à honorer la totalité de ses engagements
surtout vis-à-vis des enseignants, et, les pasteurs vivent dans des
conditions de plus en plus misérables. C’est dans ce contexte déjà fragile
que réapparait la vieille rivalité entre les ethnies Wê et Dan majoritaires
à l’UEESO-CI. Le resurgissement de la crise doctrinale en 1982 va être
la goûte d’eau qui déborde le vase lorsque la tendance pentecôtiste
décide de se séparer de l’Union pour créer l’Église Évangélique de
Réveil de Côte d’Ivoire (EERCI).
Le dynamisme d’implantation est l’ensemble des moyens et
méthodes utilisés par les missionnaires en vue de convertir les
populations de leur champ de mission.
L’autre terme à définir est pratique religieuse. Par pratique
religieuse, l’on peut entendre, selon le Dictionnaire Universel,
observance d’une règle de conduite, d’un ensemble de prescriptions
morales ou philosophiques. La pratique religieuse est l’ensemble des
actes extérieurs de soumission aux actes liturgiques c’est aussi
l’ensemble des actes de piété. En un mot, c’est le comportement du
chrétien vis-à-vis des saintes Ecritures. En effet, la maturité spirituelle
d’une Église ne peut se mesurer de manière objective que par la qualité
de la vie communautaire de ses membres et leur relation avec
l’extérieur 9. Il est donc question ici de faire une analyse critique du
rapport entre le prescrit et le vécu : le premier étant l’ensemble des lois
bibliques ; la doctrine de l’Église, donc un ensemble de règles à observer
par le chrétien pour être en harmonie avec sa communauté et avec Dieu ;
et le deuxième, la manière dont le chrétien vit sa foi et mène sa vie
chrétienne. Il s’agit, en définitive, de mettre en relation la vie du chrétien
9
Voir l’épitre de Paul aux Galates.
Introduction 27
ou de la communauté vis-à-vis des prescriptions bibliques ou
doctrinales.
A cette étape préliminaire qui est la définition des termes du sujet,
succède celle de la justification de son choix. Il s’agit de présenter les
motivations objectives et scientifiques qui nous ont poussé à traiter ce
sujet dans le cadre de cette thèse.
Deux convictions essentielles nous ont conforté dans le choix du
sujet dans le cadre de notre thèse de doctorat : la première émane de
l’intérêt que présente l’UEESO-CI, première Église baptiste d’origine
française en Côte d’Ivoire. Cette communauté dont la contribution dans
le développement social de ce pays fut déterminante traverse,
malheureusement depuis trois décennies, un épisode assez sombre de
son histoire ; marqué par une succession de crises. Cette importante
institution est inconnue du grand public, souvent de ses propres fidèles,
faute d’écrits. C’est donc dans un premier temps pour aider à résoudre
ce problème crucial que nous entreprenons ce travail de recherche.
Les
crises
intempestives
auxquelles
l’Union
des
Églises
Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire est confrontée depuis le
début des années 1980, nous interpellent. Elles nous obligent à passer en
revue ses 85 ans d’existence, et surtout d’analyser la portée de 37 années
d’actions missionnaires de la MBCI dans le sud-ouest ivoirien, mais
aussi d’apprécier les 22 premières années d’autonomie de l’UEESO-CI.
Pour des questions de rigueur disciplinaire et surtout pour aborder plus
en détail le sujet, nous nous sommes arrêtés à l’année 1982, l’année du
premier grand schisme.
Il convient de noter que 5 années seulement après l’effacement
définitif 10 de la mission fondatrice, la Mission Biblique en Côte
10
De 1962 à 1976, bien que le comité de l’UEESO fût composé de frères
Ivoiriens, la Mission Biblique existait encore en Côte d’Ivoire en tant qu’organe
distinct de l’UEESO. Les missionnaires se chargeaient de la formation et de la
gestion des biens qui leur appartenaient encore. C’est en 1976, suite à la
demande de l’Union que la Mission Biblique s’efface définitivement au profit de
28 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
d’Ivoire, effacement vivement souhaitée et saluée par les responsables
d’alors, et seulement deux années après le grandissime jubilé de 1977,
l’UEESO-CI plonge dans une « période sombre ». Cette période est
marquée par une crise profonde qui provoque le départ d’un nombre
important de pasteurs et de fidèles sous la houlette de Jean GLAO, l’un
des tout-premiers pasteurs et grand dirigeant de l’UEESO-CI.
Quelques années avant cette date, précisément en 1970, le Pasteur
Jean GLAO, alors président national de l’Union, lançait un appel
pressant au retour des missionnaires :
« L’Église africaine a encore grandement besoin de missionnaires…
C’est avec le cœur serré et les larmes aux yeux que nous constatons la
rareté des vocations missionnaires pour la Côte d’Ivoire…le temps vient
où l’on ne pourra plus rien faire » 11.
Trois années plus tard, à la suite de la croisade du Pasteur Jaques
GIRAUD - invité par l’Église ivoirienne des Assemblées de Dieu - une
incompréhension s’installe au sein de l’UEESO-CI. Ce malentendu
provoque la naissance de deux tendances aux convictions doctrinales
divergentes : les progressistes qui s’inscrivent dans la vision pentecôtiste
et les conservateurs opposés aux « prières houleuses et aux parlers en
langues ». Cette situation aggravée par les problèmes ethniques et de
leadership dégénère à partir des années 1980 provoquant un schisme en
1982.
Dès lors, des crises qui ternissent l’image de l’Église et fragilisent la
communion fraternelle n’ont cessé de se multiplier. Face à l’urgence de
cette situation, il nous est apparu nécessaire de rechercher les raisons
fondamentales de ces problèmes afin que des solutions efficaces
puissent être trouvées. C’est donc, dans un premier temps, le souci
l’UEESO qui devient propriétaires de tous les biens de cette mission. Cf. la
convention de 1976.
11
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, Nogent sur marne 2ème édition
revue et augmentée, 1977, p.249.
Introduction 29
d’aider l’UEESO-CI à sortir de cette situation de crises intempestives
qui nous pousse à entreprendre ce travail de recherche.
La seconde motivation de ce travail est d’ordre purement
scientifique. Il s’agit du souci d’apporter une contribution à l’écriture de
l’histoire religieuse de la Côte d’Ivoire, une histoire à la fois très riche et
très peu connue, à travers l’étude d’un cas : celui de l’UEESO-CI. En
jetant un regard sur l’historiographie religieuse de la Côte d’Ivoire on est
frappé par l’absence d’écrits spécifiques sur l’UEESO-CI, Église bientôt
centenaire qui a joué un rôle important dans l’édification du
protestantisme en Côte d’Ivoire. Ce problème d’ailleurs commun au
protestantisme en Côte d’Ivoire mérite une attention particulière.
L’historiographie de la Côte d’Ivoire révèle un grand déséquilibre
entre les différents domaines de recherche. Si les domaines du
peuplement, de la colonisation et des Relations Internationales ont fait
l’objet de plusieurs travaux scientifiques, le domaine du religieux reste
quasiment inexploité, surtout l’histoire du protestantisme. Une étude sur
l’historiographie religieuse de la Côte d’Ivoire en DEA a permis de
montrer que le protestantisme est la religion la moins étudiée 12. Il
n’existe que très peu d’écrits qui se limitent dans la plupart des cas à des
mémoires de maîtrise 13. Ce même constat a été fait par Célestin
KOUASSI qui remarque que « les travaux publiés à ce jour ont
l’inconvénient d’avoir un caractère trop général et ne sont pas le
produit d’une véritable recherche sur le terrain » 14. D’où leur incapacité
à rendre compte de façon précise de « ce qui s’est réellement passé dans
12
Cette étude révèle que les ouvrages sur le protestantisme représentent environ
3% des écrits sur la religion en Côte d’Ivoire contre 87% pour le catholicisme,
7% pour l’Islam, 0.2% pour les églises syncrétiques et 3% pour les ouvrages
traitant de manière générale toutes ces religions. Cf. ADOUBI Thierry, DEA L.
Alexis et TANOH Jean-Claude, Exposé D.E.A, séminaire doctoral, 2009.
13
Il existe certes quelques thèses telles que celle de Célestin KOUASSI, sur la
dynamique d’une mission chrétienne : la CMA en pays baoulé de 1919 à 1960,
soutenue en 2006 au département d’Histoire du département de Cocody.
14
Célestin KOUASSI, op.cit, pp. 2-3.
30 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’Église africaine sous ses différents aspects. » 15 Cette situation est un
véritable défi pour la recherche historique. Elle interpelle et invite les
chercheurs à se tourner vers ce champ à la fois vaste et fertile.
Ce sont donc ces différentes raisons qui ont motivé notre choix de
travailler sur le protestantisme en Côte d’Ivoire en abordant ce sujet sur
la première communauté protestante d’origine française. Cette histoire,
bien que récente, est très mal connue à cause de sa complexité. Très peu
d’historiens en ont fait leur objet d’étude et la plupart des travaux
existants émanent de théologiens dont la démarche n’est pas toujours
celle de l’historien. Notre initiative découle donc de notre volonté
d’aborder sous un angle entièrement historique un aspect précis du
protestantisme en Côte d’Ivoire. Tel devra être notre apport au vaste
projet d’écriture de l’histoire du christianisme ivoirien.
Pour mieux cerner les contours de notre sujet et comprendre
l’évolution de la recherche sur notre domaine d’investigation, il est
nécessaire de passer en revue les travaux antérieurs pour comprendre ce
qui a été fait, ce qui ne l’a pas encore été en vue de proposer notre
apport.
Notre sujet entre dans le cadre général des questions qui reviennent
au cœur des débats de la rencontre entre l’Occident chrétien et l’Afrique
noire dite animiste. Dans ce vaste débat des rencontres, l’aspect
religieux retient notre attention. Ici, il s’agit plus précisément de la
rencontre entre christianisme et croyances traditionnelles africaines 16 qui
a fait couler tant d’encre et de salive.
En dehors de l'Egypte et de l'Ethiopie, qui, en raison de leur
proximité géographique avec la Palestine, ont pu être touchés par le
message du Christ, ce n'est qu'au XVe siècle que le christianisme entre
en contact avec l’Afrique noire. Mais c'est à la faveur du renouveau
missionnaire du XIXe siècle que l'Evangile pénètre véritablement dans
15
Idem.
Ces croyances souvent désignées sous les vocables de fétichisme, animisme,
culte des ancêtres, culte des esprits…
16
Introduction 31
cette partie du continent. Jusque là l’évangélisation était cantonnée en
Asie et en Amérique ; les populations noires étant considérées comme
primitives et incapables de recevoir le message chrétien. L’Afrique était
présentée comme un monde de mystères, d’hostilité et de peur avec ses
coutumes sanglantes de sacrifices humains. À cela s’ajoute la honte de
l’esclavage.
Comme le remarque LAVERDIERE 17, ces aspects firent l’objet
d’une forte contestation de la part des missionnaires, venus remplacer le
fétichisme porteur de superstitions par la « vraie religion », évincer
l’Islam et répandre les lumières de la civilisation européenne empreinte
de christianisme 18. L’idéologie civilisatrice a même nié l’existence de
cultures en Afrique et a établi une hiérarchie des valeurs dans laquelle
celles de l’Afrique occupent le bas de l’échelle.
Il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu'un véritable intérêt
pour les populations africaines commençât à se manifester au sein de
certaines congrégations missionnaires. La nature ingrate de l'Afrique,
particulièrement hostile à l’Européen, devait jouer un rôle paradoxal
dans le processus de christianisation du continent. En effet, le taux de
mortalité très élevé des premiers missionnaires témoigne de cet obstacle
à la mission en même temps qu'il la grandit, en ce qu'il confère à
l'apostolat un caractère de pénitence, quasi-mystique, et fonde un
martyrologe propre au continent. Pour le cas précis de la Côte d’Ivoire,
la thèse du docteur Ernest G. YAO BI 19 renseignent davantage sur
l’ampleur des difficultés rencontrées par les premiers missionnaires
catholiques dans cette colonie en mettant un accent particulier sur le fort
taux de mortalité enregistré parmi ces « hommes de Dieu ». De même,
17
LAVERDIERE, Lucien, 1987, L’Africain et le missionnaire : l’image du
missionnaire dans la littérature d’expression française, Montréal, Bellarmin,
608 pages.
18
Idem, p. 70 ss.
19
Ernest Gnangoran YAO BI, Côte d’Ivoire, un siècle de catholicisme, Abidjan,
CERAP, 2009.
32 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Jeanne DECORVET 20, dans son ouvrage apologétique sur la Mission
Biblique en Côte d’Ivoire, insiste sur la précarité des conditions de vie
des premiers missionnaires, entrainant souvent de graves maladies.
Le développement du mouvement missionnaire coïncide avec la
naissance de l'impérialisme français 21. Une relation étroite sera tissée
entre ces deux activités qui se trouvent souvent imbriquées 22. La
colonisation, telle qu'elle fut présentée et défendue par les partisans de
l'expansion coloniale, ne pouvait pas se passer de la religion chrétienne,
vecteur de la propagation de la civilisation occidentale. De même, les
missionnaires ont nécessairement besoin de l'appui de l'État pour faire
face à des situations qui leur sont délicates. Au Tonkin, un des centres
d'impulsion qui stimule l'élan missionnaire, les premières communautés
chrétiennes se trouvent en butes à d'incessantes et sanglantes
persécutions. Devant un tel état de fait, le vicaire apostolique du Tonkin
méridional, Mgr Gauthier sollicite, l'intervention directe de la France :
« Du reste dans ce beau pays d'Annam, le drapeau français a une
vertu merveilleuse, à sa vue les mandarins les plus farouches deviennent
doux comme des agneaux. Puisse-t-il paraitre plus souvent sur nos côtes
ou plutôt s'y fixer pour toujours ! Après la terrible épreuve qui
renouvellera notre France, espérons qu'elle reviendra encore,
l'instrument des miséricordes de Dieu dans le monde... » 23
L'archevêque d'Alger, le cardinal Lavigerie (1802-1892), illustre ce
rôle du christianisme au delà des mers, rôle qui conforte l'œuvre de la
colonisation. Convaincu que l'Église est la vraie source de la civilisation,
du bonheur des hommes et de la paix parmi les peuples, Lavigerie est
20
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, Nogent sur marne 2ème édition
revue et augmentée, 1977, p.249.
21
Raoul GIRARDET, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, p. 33 à 37.
22
Cette imbrication n'exclut certainement pas des difficultés de coopération.
Entre colonisateur « armé » et colonisateur de « l'esprit » les relations ne sont
pas toujours paisibles. Le livre de Claude Prud'homme, Missions chrétiennes et
colonisation XVIe-XXe siècle, est particulièrement éclairant sur cette question.
23
Cité par GIRARDET, Raoul, Op. cit. p. 35.
Introduction 33
persuadé comme beaucoup de ses contemporains que « l'Afrique où se
déclarent les ambitions européennes a besoin de cette civilisation qui
apporte à l'humanité un supplément d'âme. » 24
Le missionnaire, envoyé de Dieu et de son pays, est parti pour
apporter la lumière de l'Evangile à l'Afrique « ténébreuse » et
« barbare » nécessitant d'être « civilisée ». Théâtre de la manifestation
de l'œuvre du diable, l'Afrique a impérieusement besoin du « secours »
de l'Occident chrétien. Au total, cette Afrique sans religion, avait plus
que jamais besoin de la lumière du christianisme.
Pour les Européens, la religiosité africaine est dominée par le « culte
des esprits » qui est le moteur des religions dites traditionnelles. Régis
DEBRAY déclarait récemment dans un mensuel connu pour justifier
l’étude du fait religieux : « Comment pouvez-vous comprendre l’histoire
de l’Europe en ignorant le christianisme ? L’Inde, sans parler de
l’hindouisme ? La Chine, sans le Tao et Confucius ? L’Afrique sans le
culte des esprits ? Haïti sans le vaudou?» 25. Une première difficulté se
signale déjà au niveau même de l’identification ou de la définition de la
religion dans le contexte africain. Jusqu’aujourd’hui, ces religions sont
désignées sous les vocables d’animisme, fétichisme, culte des esprits ou
des ancêtres.
Ces appellations, toutes issues des catégories élaborées par les
ethnologues de l’Europe du XIXème ont été naturellement adoptées par
les populations africaines et encore aujourd’hui les États modernes
d’Afrique retiennent dans leur statistique, à côté de l’Islam ou du
Christianisme, la catégorie des « animistes » 26. Ces termes recouvrent
un ensemble de croyances fragmentaires et de pratiques dispersées qui a
24
J. LOEW et M. MESLIN, Histoire de l'Église par elle-même, cité par
Fouelefak KANA, op.cit p. 10.
25
Le Monde des Religions, Mars – Avril 2004.
26
André MARY, compte-rendu de la conférence du CCEFR sur « les religions
contemporaines de l’Afrique à l’épreuve de l’Europe » 28 avril 2004.
34 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
pu conduire les missionnaires mais aussi les ethnologues à contester
l’idée que l’on puisse parler à ce sujet de « religion ».
L'intervention bienfaitrice de l'Europe constitue le « droit-devoir de
l'homme blanc » ; d'autres la conçoivent comme le « fardeau de l'homme
blanc 27 ». C'est donc à la fois un droit et un devoir qui incombent à la
race blanche, prototype de l'humanité, de répandre la Civilisation, les
bienfaits de la Science, de la Raison, de la Liberté, partout où leur
absence brille. Dans cette œuvre d'émancipation, le missionnaire n'est
pas l'acteur unique.
Militaires et marchands se joignent à cette activité pour assurer son
efficacité. Ce trio de « M » illustre l'équation souvent admise selon
laquelle la Colonisation = Civilisation + Commerce + Christianisme.
L'ensemble formé par la triade militaire-marchand-missionnaire
correspond parfaitement à la doctrine ferryste 28. Le trinôme résume en
lui toutes les convoitises européennes sur le continent noir.
La rencontre entre l'Occident et l'Afrique en tant que confrontation
de deux cultures, de deux mondes, intéresse les sciences humaines et
sociales. Historiens, Anthropologues, sociologues, ethnologues et
théologiens en font leur objet d'étude. L'histoire des mentalités se
montre particulièrement interpellée par cette question. Elle s'interroge,
entre autre, sur l’impact qu’exercent l'un sur l'autre les deux groupes
humains
(missionnaires
et
populations
locales)
que
l'aventure
missionnaire a mis en présence. Par une approche pluridisciplinaire, les
historiens rendent compte de ce passé en s’appuyant généralement sur
les relations de voyage laissées par les explorateurs ainsi que les
27
En 1899, l'écrivain britannique, Rudyard KIPLING, publie un poème, The
White Man's Burden, dans lequel il conçoit le devoir de civiliser, de subvenir
aux besoins et d'administrer les populations colonisées comme un « fardeau »
pour l'homme blanc. U Thant lors de son discours d'introduction comme
secrétaire général des Nations Unies inversa cette approche, en parlant du
« fardeau de l'homme blanc, que les peuples colonisés ont porté jusqu'alors ».
28
En effet, la doctrine officielle de l'impérialisme colonial français, telle que
Jules Ferry l'avait élaborée, était constituée autour d'une triple argumentation :
d'ordre humanitaire, d'ordre économique et d'ordre politique.
Introduction 35
correspondances des missionnaires. C’est ainsi que le livre de Jeanne
DECORVET 29 retrace dans une perspective apologétique, l’aventure
missionnaire de la MBCI dans le Sud-ouest ivoirien. Cette auteure tente
de décrire la manière dont les missionnaires sont parvenus à surmonter
les dangers d’une nature hostile à l’homme blanc pour apporter
l’évangile et le progrès à des populations au départ ancrées dans
l’alcoolisme, le fétichisme et la sorcellerie.
A l’opposé de cette vision apologétique de la mission s’est
développée dans la littérature sur les missionnaires une nouvelle
approche qui marque une rupture à la manière traditionnelle de
s'intéresser à ces hommes de Dieu. On assiste de plus en plus à un rejet
des écrits dithyrambiques qui montrent le caractère trop pieux de ces
hommes et femmes qui ont consacré leur vie à la conquête des âmes
pour Dieu. Désormais, l'œuvre missionnaire est appréhendée à travers
une démarche scientifique et plurielle 30. Le livre d'André PICCIOLA 31,
de Bernard SALVAING 32 et celui de Fouelefak KANA 33 s'inscrivent
dans cette perspective. Pour PICCIOLA l'action missionnaire est la
facette culturelle de la colonisation. Le missionnaire entretient un
rapport fait de connivence et de désaccord avec le soldat et le
commerçant. C'est au travers de cette relation ambiguë qui se tisse entre
les acteurs coloniaux que l'auteur étudie la mise en place de l'action
missionnaire, ses succès et ses échecs à travers les Missions de Lyon, les
Pères du Saint-Esprit et les Pères blancs.
29
DECORVET Jeanne, Les matins de Dieu, Nogent sur marne 2ème édition
revue et augmentée, 1977.
30
Cette pluralité concerne à la fois le sujet abordé et la méthode utilisée.
31
PICCIOLA, André, Missionnaires en Afrique (1840-1940), L'aventure
coloniale de la France, Denoël, Paris, 1987.
32
SALVAING, Bernard, Les missionnaires à la rencontre de l'Afrique au XIXème
siècle, L'Harmattan, 1995.
33
KANA Fouelefak, Le christianisme occidental à l’épreuve des valeurs
religieuses africaines : cas du catholicisme en pays bamiléké au Cameroun
(1906-1995), thèse de doctorat d’Histoire, Université Lyon 2, 2005.
36 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le livre de Bernard SALVAING explore de façon analytique trois
aspects importants des missions chrétiennes : d'abord, leur doctrine et
leur implantation, la vie quotidienne des missionnaires et leur vision de
l'Afrique. L'auteur procède par une analyse comparatiste qui confronte la
mentalité, les principes et les méthodes de trois sociétés missionnaires,
différentes aussi bien du point de vue de leur provenance que de leur
confession : la Church Missionary Society (anglicane), la Wesleyan
Methodist Missionnary Society et la Mission Africaine de Lyon.
SALVAING
montre
que
malgré
les
différences
théologiques,
doctrinales et méthodiques, il existe une certaine cohérence dans la
vision des missionnaires sur le monde noir. Toutes ces missions
considèrent les mœurs africaines comme l'expression du « mal »,
« l'œuvre du diable ». Elles présentent le christianisme comme moyen
indispensable et suffisant pour sauver l'Afrique.
La thèse de Fouelefak KANA explique la rencontre entre le
christianisme et les valeurs traditionnelles africaines à travers le cas des
Bamilékés du Cameroun. Elle présente dans un premier temps l’univers
traditionnel des Bamilékés comme un monde fortement structuré dans
lequel le culte des ancêtres occupe une place de choix. Ensuite elle
montre que la rencontre entre le christianisme et les valeurs culturelles
traditionnelles des Bamilékés s’est posée en termes de conflit dont les
conséquences furent importantes sur l’univers religieux et politique.
Enfin, elle remarque une revalorisation des cultures africaines et une
prise en compte du vécu quotidien. Pour elle, le phénomène de repli
identitaire en Afrique est en partie lié à une acculturation dont l’un des
moteurs aura été le christianisme.
D’autres travaux concernant la dynamique des missions protestantes
et le vécu quotidien des chrétiens en Afrique ont été réalisés. On peut
citer la thèse de Célestin KOUASSI 34 qui présente le contexte
34
KOUASSI (K.C.), Evolution sociopolitique et dynamique de la Mission
Chrétienne : La CMA en pays baoulé de 1919 à 1960, thèse unique de doctorat
d’Histoire, Abidjan, Université de Cocody, 2006, 443 p.
Introduction 37
d’implantation des missions protestantes en Côte d’Ivoire, les difficultés
rencontrées, les facteurs de succès et l’ampleur de leur expansion à
partir du cas de la C.M.A en pays baoulé. Pour l’auteur, l’implantation
des missions protestantes en Côte d’Ivoire s’est faite avec beaucoup de
difficultés à cause de l’hostilité de l’administration coloniale. Il a fallu
attendre le protocole de Saint-Germain en 1922 pour assister à un
véritable démarrage de leurs activités. Il montre aussi que l’évolution
sociopolitique dans les colonies a fortement influencé la dynamique des
sociétés missionnaires.
Nous avons aussi la thèse de Rubin POHOR 35 qui s’intéresse aux
écoles protestantes en Côte d’Ivoire. Dans un premier temps, l’auteur
fait une étude historique de l’enseignement protestant, souligne le
système d’interactions observables entre Mission-Église-Ecole, fait
ressortir la relation historique existant entre l’émergence et le
développement des missions et Églises protestantes et la constitution
progressive d’un réseau d’établissements scolaires protestants en Côte
d’Ivoire. Cette étude montre aussi que les écoles ont été à la fois un
moyen de reproduction de la mission évangélisatrice de leurs institutions
fondatrices, et qu’elles se présentent comme un outil au cœur même de
celles-ci et ont permis aux néophytes de connaitre le monde de leurs
partenaires et adversaires.
Le pasteur Mwari Rodrigue KAYA, dans son mémoire de maîtrise
de théologie, fait une étude critique des crises récurrentes constatées à
l’UEESO-CI. C’est un regard critique que l’auteur jette sur la vie de
cette communauté à la lumière des prescriptions bibliques. En
s’appuyant sur une péricope (1 corinthiens 1 verset 10 à 17) l’auteur
montre que les divisions dans l’Église sont une déviation. Pour lui cette
déviation dont la responsabilité incombe à la fois aux leaders qu’aux
fidèles peut et doit trouver sa solution dans l’unité par l’unicité c’est-à
35
POHOR (R.), La contribution des églises évangéliques au développement de
la Côte d’Ivoire, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Thèse unique de
sociologie, 1999, 443 p.
38 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
dire comprendre et vivre la croix, la compréhension du baptême comme
lieu de composition d’une communauté nouvelle pour Christ et la
fidélité à la vocation et à l’exercice d’un leadership spirituel.
Le révérend Gilbert GOUENTOUEU 36 a étudié les conflits tribaux
dans les Églises africaines dans son mémoire de maîtrise. Ce mémoire
traite précisément le cas de l’UEESO-CI. D’abord l’auteur présente
l’enseignement biblique sur les conflits en général et les conflits tribaux
en particulier. Ensuite il fait une étude détaillée des conflits ethniques
entre les peuples Wê et Dan en dehors et dans l’Église en présentant les
causes, les manifestations, les conséquences et les tentatives de
pacification. Enfin il fait des interpellations et suggestions pratiques aux
fidèles et aux responsables des Églises. A ces conflits, GOUENTOUEU
attribue des causes historiques, financières, doctrinales, socioculturelles
et psychologiques. Il remarque que ces conflits ont créé une telle
inimitié à l’UEESO-CI et dans les Églises africaines que les chrétiens
appelés à vivre ensemble se haïssent de jour en jour.
Toutes ces questions concernent le grand débat sur le vécu quotidien
du peuple de Dieu et restent un sujet de discussions qui continue de
susciter des réactions. C’est dans cette perspective que s’inscrit notre
travail. Nous pensons que tenir les chrétiens Africains pour seuls
responsables des problèmes de l’Église africaine, c’est oublier une vérité
historique récente et évidente. De même, l’on ne peut imputer aux seuls
missionnaires toute la responsabilité des crises constatées dans les
Églises Africaines. Soutenir l’un ou l’autre de ces extrêmes, conduirait à
un unilatéralisme dangéreux et stérile. Pour nous, il faut aller au-delà de
l’événementiel pour analyser tous les contours de la rencontre de la
mission chrétienne et des populations africaines en vue de mieux
comprendre le vécu quotidien du peuple chrétien en Afrique.
36
Gilbert GOUENTOUEU, Les conflits tribaux dans les Églises africaines, cas
de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, mémoire
de maîtrise en théologie, FATEB, 1993, 112 p.
Introduction 39
Cette thèse veut rendre compte d’une rencontre et d’un changement
global qui se produit dans les croyances, les pratiques religieuses, voire
la vie tout court des populations Bété, Néyo, Kroumen, Guéré, Wobè et
Dan de l’ouest ivoirien qui ont embrassé le christianisme.
Il s’agit pour nous, dans un premier temps, de décrire leur
conversion et de montrer comment les missionnaires, étrangers pour la
plupart, ont entrepris l’implantation du christianisme, et dans un
deuxième temps de montrer la manière dont ces conversions ont été
perçues et vécues par les populations elles-mêmes. Quels sont les
moyens et stratégies mis en œuvre par les missionnaires pour amener ces
populations à la conversion et que pensent et disent les convertis euxmêmes de leur conversion ? Le point de vue du missionnaire en appelle
un autre, celui des convertis. Il est important de saisir le sens qu’ils
donnent de leur conversion ou de leur refus de conversion, la manière
dont ils mesurent les étapes de leur conversion et comprennent les
conflits extérieurs mais aussi intérieurs auxquels ils ont dû faire face,
durant toutes les étapes de leur vie. D’où la problématique: la rencontre
entre le christianisme et les populations du sud ouest ivoirien dans ses
différentes étapes, mais aussi la transformation des mentalités, des
croyances, qui aura pour effet de transformer, à son tour, la manière
d’être, de se comporter et de vivre désormais.
Cette problématique, pour plus de clarté, peut être décomposée en
trois questions subsidiaires : la première est de comprendre l’historique
de l’UEESO-CI à travers une étude critique des conceptions et choix
missionnaires. N’y a-t-il pas une contradiction entre la propagande
dépaganisatrice 37 des missionnaires et de leurs aides locales et leur
conception de l’Église, ce qui pose naturellement la question du choix
37
Ce mot n’existe pas dans le dictionnaire. C’est une création personnelle que
nous utilisons pour traduire l’ensemble des techniques utilisées par les
missionnaires pour amener les populations cibles à rejeter leurs propres valeurs
au profit d’autres valeurs notamment occidentales et chrétiennes considérées
comme les meilleures.
40 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
entre l’unanimité et la liberté ? Les hommes sont-ils eux-mêmes
parfaitement aptes à remplir leur rôle et les méthodes utilisées sont-elles
les plus appropriées pour faire de bons chrétiens ?
Pour répondre à cette question, Nous identifierons les différentes
phases de l’implantation, en présentant pour chacune d’elles, les acteurs,
les stratégies adoptés et le bilan.
La seconde interrogation nous amènera à étudier la manière dont
s’est faite la rencontre entre le christianisme et les croyances et religions
traditionnelles des peuples cible. Dans ce projet de christianisation, le
modèle religieux proposé par la Mission Biblique pouvait-il vraiment
déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au
tribalisme pour former le peuple de Dieu ? Quelle fut l’attitude des
populations face au message chrétien ? Quelles sont les véritables
motivations des conversions malgré les divergences ?
La troisième et dernière question est de savoir comment le chrétien
UEESO-CI vit sa foi. Les prescriptions bibliques sont-elles vraiment
intégrées à sa vie quotidienne ? S’il y a des tensions ethniques et une
lutte de leadership dans l’Église, n’est-ce pas à cause d’une
christianisation moins profonde ; insuffisance de la formation religieuse
ou entière ignorance des fidèles des principes de base de leur religion ?
L’objectif principal poursuivi par cette thèse est de rendre compte de
l’impact du changement de vie des nouveaux convertis sur leur
environnement social. Il est donc question de rendre compte de leurs
réactions : en quoi ces réactions sont-elles révélatrices des différences
fondamentales entre deux conceptions du monde, de l’homme et de la
conversion ?
Parvenir à la rédaction de cette thèse nous a imposé une démarche
méthodologique qu’il convient à présent d’exposer. Il sera donc question
de présenter dans un premier temps les outils utilisés, sources et
ouvrages de bibliographie, avec pour chacun la méthode de collecte et
Introduction 41
dans un second temps, la façon dont nous avons traité les informations
issues de ces documents pour en tirer la vérité historique.
Comme le note M. JOHANN, « L’expérience personnelle est une
source importante pour le récipiendaire. » 38 Cette citation nous permet
d’annoncer que ce travail repose en grande partie sur notre expérience
personnelle et sur une enquête orale approfondie auprès des pionniers et
des responsables de l’Église à travers toute la région du sud-ouest et de
l’ouest montagneux.
Notre appartenance à l’UEESO-CI nous a permis de vivre de
l’intérieur certaines réalités propres à cette Église. Nous avons fréquenté
les écoles UEESO-CI, habité chez des responsables pendant plusieurs
années, participé à des programmes, suivi des débats. Toute cette
expérience
personnelle
constitue
une
des
sources
importantes
d’informations. Cependant, notre propre point de vue a été soumis aux
exigences d’une critique objective, si bien que chaque fois qu’il a été
exprimé, il a été soutenu par d’autres preuves plus authentiques.
Les observations directes sur le terrain nous ont permis d’identifier
quelques lieux sacrés des peuples concernés par cette étude. Des forêts
sacrées ont été visitées en 2010, notamment celles de Gahapleu et de
Gbinta dans la sous-préfecture de Danané. Des lacs, rivières, et arbres
sacrées ont été observés. Il s’agit entre autres du lac sacré de Batélébré à
Sassandra visité en 2012 et du « Kpoë », arbre protecteur de la ville de
Zouan-Hounien. Ces différents lieux sont la demeure des divinités, le
lieu de contact avec celles-ci. Ces observations nous ont aussi permis de
répertorier les édifices religieux mis en place par la Mission Biblique
puis par l’UEESO-CI, parmi lesquels les chapelles des stations
missionnaires de Man, Gagnoa, Daloa, Danané, Sassandra, Abidjan,
San-Pedro, Adiaké, visités entre 2009 et 2010.
38
M. JOHANN, How to succeed in your master’s and doctoral studies, Pretoria,
2001, Van SCHAIK, p. 63.
42 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Nous avons aussi répertorié les œuvres socio éducatives et caritatives
de la Mission Biblique : la pouponnière de Man ; des écoles primaires
dont celles de Daloa, Man, Abidjan, Danané, Duékoué visitées entre
2010 et 2012 ; du Collège Protestant de Daloa (COPRO) et du
SERTEECI 39 de Daloa visités en 2010 et 2012. Des structures de
formation des serviteurs de Dieu ont aussi été visitées, notamment
l’Institut Biblique et Théologique de Man et l’école biblique de
Sassandra. A l’aide d’un appareil numérique de type canon, nous avons
fixé les images qui accompagnent nos informations 40.
Par ailleurs, nous avons contacté la Mission Biblique pour voir dans
quelle mesure il nous serait possible d’accéder à ses fonds d’archives.
La réponse a été simple : « La mission biblique n’a pas de fonds
d’archives et les archives de l’UEESO-CI se trouvent à l’UEESO-CI. La
plupart des missionnaires ayant servi en Côte d’Ivoire sont morts et il
est difficile, voire impossible d’avoir de la documentation auprès des
missionnaires ». Nous avons dès lors compris la nécessité de privilégier
les enquêtes orales. Notre directeur nous y a vivement encouragé.
Nous avons effectué une enquête par échantillonnage au jugé ou
raisonné. Deux raisons expliquent ce choix. D’abord, bien que
l’échantillonnage ait ses limites, il s’est révélé comme la seule voie pour
atteindre les objectifs fixés. Car les chrétiens UEESO-CI n’étant pas
tous témoins oculaires des évènements de notre période d’étude (19271982), il fallait faire une sélection préalable des plus vieux convertis.
Enfin, étant donné que les chrétiens n’étaient pas tous en mesure de
répondre convenablement à nos questions, l’échantillonnage aléatoire
n’était pas envisageable. Nous avons donc sélectionné les plus vieux
chrétiens dont des anciens pasteurs et responsables d’œuvres en tant que
premiers acteurs de la vie de l’Église.
39
40
Service Technique des Églises Évangéliques de Côte d’Ivoire.
Voir Annexe IV.
Introduction 43
Nous avons alors sillonné les différentes régions de l’UEESO-CI à la
recherche de ces vieillards qui constituent les témoins des deux grandes
périodes : période missionnaire et période de l’Église autonome. Ces
vieillards ont presque tous disparu et seulement une dizaine 41 a pu être
interrogée à Abidjan 42, Daloa, Sassandra et Yamoussoukro entre 20092013 43. Les questions ont porté sur l’histoire de leur vie (enfance,
formation, famille…), leur conversion, leurs rapports avec les
missionnaires, leurs relations avec le monde et leur regard sur
l’évolution de l’UEESO-CI.
Cette première liste composée uniquement de pionniers nous ayant
paru insuffisante, nous y avons joint une autre comprenant les plus
anciens chrétiens de l’UEESO-CI avec au moins trente années de
conversion. Nous avons interrogé une vingtaine de personnes, dont 10
pasteurs 44, capables de fournir les informations sur les deux périodes de
l’étude.
Vu la délicatesse du contexte dans lequel ce travail a été entrepris, il
nous a fallu rassurer dans un premier temps nos informateurs en nouant
des relations amicales avec des fils ou petits-fils de certains
informateurs, qui ont pu nous introduire sans difficulté auprès de leurs
parents. Une fois la confiance installée, les échanges se sont effectués
plus sereinement. Les entretiens ont souvent duré plusieurs heures au
41
Il s’agit entre autres de LOH Philippes (décédé deux mois après notre
entretien), MOUY Gaston, DEROU Benjamin, l’Ancien YAO de Cocody, DAN
Marie, GUENAMAN Jean Colbert, Madame SAHI Jonathan, Madame Badé…
42
A cause de la guerre civile qui a éclaté en Côte d’Ivoire en 2002, ces vieillards
ont pour la plupart trouvé refuge à Abidjan où ils vivent désormais avec leurs
enfants.
43
Il est important de noter les pionniers que nous avons interrogés ont signalé
tous leur inquiétude face aux nombreuses crises qui secouent l’UEESO-CI. Pour
certains, ce travail de recherche est d’inspiration divine. Lors de notre entretien
avec MOUY Gaston, le pionnier, priant pour nous, adresse ces paroles à Dieu :
« Je te demande de le bénir, bénis aussi le travail que tu lui as confié, qu’il
puisse vraiment l’accomplir par ton Saint Esprit ». Cf. Entretien avec MOUY
Gaston 2010.
44
Pour les recenser, nous avons administré un questionnaire dans lequel nous
avons exigé l’âge des informateurs. Voir Annexe I-2, p. 313.
44 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
cours desquelles les vieillards ont étalé l’essentiel de leur connaissance
sur l’UEESO-CI 45.
Notre démarche de départ était de procéder par un entretien direct,
c'est-à-dire à partir d’un questionnaire préétabli, recueillir les
informations recherchées 46. Mais dans la plupart des cas nous avons dû
virer à l’entretien non-directif quand nous avons senti chez nos
informateurs la volonté de dire un peu plus. Alors, les échanges se
développèrent autour des différents thèmes tels que leur enfance, leur
formation, leur vie familiale, leurs croyances traditionnelles 47.
Dans une dernière partie semi-directive nous avons demandé aux
interviewés de nous parler en détail de leur conversion et de leur service
dans l’Église. Ce type d’entretien nous a permis d’avoir des réponses
plus libres et plus développées à nos questions. Ce fut à notre sens, le
méthode la mieux adaptée parce qu’elle nous a permis d’avoir des
informations auxquelles nous n’avions pas pensé au départ 48. Les
informateurs avaient tellement de choses à révéler sur leur vie
chrétienne que les formes narratives ne tardèrent pas à faire leur
apparition. Ces récits leur ont permis de décrire leur vie dans le
christianisme mais aussi les conditions dans lesquelles ils se sont
convertis.
Ainsi, l’effectif relativement restreint de ces informateurs n’a
nullement affecté la qualité des informations fournies. Les chrétiens
choisis ont été représentatifs de toute la communauté sur la période
45
Cf. Voir guide d’entretien Annexe I-1, p. 306.
Cf. Annexe I-2. Voir guide d’entretien Annexe I-1, p. 306.
47
Voir Guide d’entretien, Annexe I-1, p. 306.
48
Comme le remarque F. de SINALY, La différence fondamentale entre
l’entretien semi-directif et le questionnaire se situe dans les façons de procéder
au double mouvement de conservation/élimination. Dans l’entretien, c’est
surtout la personne interrogée qui est maîtresse de ce choix alors que, dans le
questionnaire, l’individu qui répond le fait dans un cadre fixé à l’avance par le
spécialiste. L’entretien a d’abord pour fonction de reconstruire le sens
« subjectif », le sens vécu des comportements des acteurs sociaux ; le
questionnaire a pour ambition première de saisir le sens «objectif» des conduites
en les croisant avec des indicateurs des déterminants sociaux.
46
Introduction 45
d’étude. Ce type d’échantillonnage nous a été d’ailleurs très fructueux
car il aura permis à l’étude d’atteindre efficacement ses objectifs
puisqu’avec peu de données de bonne qualité nous étions dans
l’obligation de mieux les utiliser et d’en tirer toutes les informations,
d’être suffisamment motivé pour aller le plus loin possible.
Des entretiens réalisés par nos devanciers nous ont aussi servi. Il
s’agit notamment de ceux de Charles Daniel MAIRE réalisés en 1974
auprès d’une cinquantaine de chrétiens protestants de la Côte d’Ivoire.
Plusieurs
pionniers
UEESO-CI
avaient
été
interrogés
par
ce
missionnaire de la MBCI. Certains de ces entretiens ont été
intégralement reportés dans son livre 49 qui nous a beaucoup aidé dans la
recherche d’informations sur les pionniers de l’UEESO-CI.
Il y a aussi des entretiens réalisés par Rubin POHOR dans le cadre
de sa thèse sur la contribution des écoles protestantes au développement
de la Côte d’Ivoire. C’est quelques extraits de ces entretiens que nous
avons pu consulter.
Dans nos enquêtes nous nous sommes aussi intéressés à des non
chrétiens mais détenteurs d’informations utiles à notre travail. C’est
ainsi que nous avons interrogé un tradipraticien dans la région de
Danané.
Toutes ces démarches nous ont permis de comprendre les différentes
méthodes d’installation de la Mission, les relations entre les
missionnaires et les indigènes, et les raisons possibles des conversions.
Le rôle des détenteurs de pouvoirs traditionnels a été surtout de nous
éclairer sur la conception du monde selon les religions et croyances
traditionnelles.
Les données issues de ces enquêtes sont de deux ordres. Il s’agit de
données quantitatives et de données qualitatives. Les données
quantitatives concernent les informations numériques ou statistiques
49
Charles-Daniel MAIRE, Dynamique sociale des mutations religieuses :
expansion des protestantismes en CI, mémoire de maîtrise Sorbonne école
pratique des hautes études, Paris, 1975, 276 p..
46 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
provenant des enquêtes. Leur analyse nous a permis de faire un bon
portrait global de la population 50, de la région géographique et du
phénomène étudié. Elle a aussi permis de faire des descriptions de lieux,
des portraits de personnes et des précisions de dates. Les données
qualitatives consistent en une description détaillée de situations,
d’événements, d’interactions, de citations directes de personnes à propos
de leurs expériences, leurs attitudes, leurs convictions et leurs opinions,
et d’extraits ou de passages intégraux de documents, de correspondance,
de dossier et d’exemples. Les données qualitatives sont recueillies à titre
de narrations libres. Une analyse qualitative de ces données nous a
permis d’apprécier efficacement les différentes opinions et les
convictions des interrogés.
En plus des enquêtes, nous avons effectué des lectures dans plusieurs
bibliothèques et archives. Nous avons lu et exploité plusieurs travaux :
thèses, journaux, ouvrages, mémoires, sans oublier les archives. Nous
avons passé des jours et des jours dans les bibliothèques publiques
d’Abidjan : bibliothèque centrale de l’Université de Cocody 51,
bibliothèque de l’ex-flash 52, celles du CERAP 53, du Centre Culturel
Français, de la FATEAC (Faculté de théologie de l’alliance chrétienne),
du CAC, les bibliothèques catholiques de l’UCAO, de la paroisse de
Korhogo et de Tengrela 54…
Nous avons aussi effectué des lectures dans des bibliothèques
privées dont celle de Daniel BOURDANE où nous avons trouvé des
ouvrages intéressants d’histoire de l’Église et de la Mission. Dans celle
50
Il s’agit surtout de l’appartenance ethnique des chrétiens UEESO-CI.
C’est le plus important centre de documentation de l’Université de Cocody CI.
Mais ces derniers temps, il est en état de dégradation très avancé.
52
Dans cette bibliothèque se trouvent la plupart des mémoires et thèses soutenue
dans les départements de l’ex-flash (faculté des lettres arts et sciences
humaines).
53
C’est l’un des centres de documentation les plus riches et les plus complets
d’Abidjan.
54
Dans les bibliothèques catholiques de Korhogo et de Tengrela, nous avons
trouvé des documents très importants. Ce fut une belle surprise.
51
Introduction 47
du pasteur GOUENTOUEU, nous avons exploité des livres de
théologie et plusieurs rédactions de fin de formation des pasteurs
UEESO-CI. La bibliothèque privée du pasteur KAYA Rodrigue nous a
fourni des ouvrages de théologie et de sociologie et celles du pasteur
KEO Kognon 55 et du pasteur Jean-Claude TANOH nous ont permis
d’avoir accès à d’importants documents de méthodologie.
Une autre source de nos informations est constituée des documents
d’archives pour compléter les enquêtes et les lectures d’ouvrages. Nous
avons donc consulté des archives publiques et privées. Par archives
publiques nous entendons les documents des Archives nationales de
Côte d’Ivoire. Les séries EE (affaires politiques) et G (affaires
administratives) ont permis de réunir des informations sur les pionniers
africains tels que HARRIS et HAYFORD, précurseurs de la Mission
Biblique et de comprendre les relations entre l’administration coloniale
et ces prédicateurs sujets britanniques 56.
Le docteur Célestin KOUASSI nous a aussi prêté de nombreux
documents des Archives de l’AOF et du DEFAP. Ces documents
composés de décrets, de lettres, de confidences etc., nous ont permis de
mieux comprendre les rapports entre les missionnaires protestants et
l’administration, mais surtout de comprendre les rapports entres les
différentes missions elles-mêmes.
M. Jean-Claude REYNAUD, président du comité de la M.B.C.I,
nous a fait parvenir par voie électronique des documents importants
notamment le numéro spécial de « l’appel de Côte d’Ivoire Haïti »
d’octobre 2003 qui fait l’historique des rapports entre la Mission
Biblique et l’UEESO-CI. Il nous a aussi recommandé le site de la
Faculté Libre de Théologie Évangélique sur lequel nous avons découvert
une documentation très riche sur l’Histoire de la Mission. Tous les
55
Dans cette bibliothèque privée, nous avons trouvé des ouvrages de
méthodologie d’histoire et surtout des documents d’histoire de la Mission.
56
C’est grâce à ces derniers que le protestantisme a pu s’implanter en Côte
d’Ivoire.
48 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
numéros de la revue Fac-Réflexion y sont téléchargés et constituent une
base importante de sources imprimées.
Nous avons aussi consulté les archives nationales de l’UEESO-CI et
celles de la région de Daloa. Dans ces archives nous avons découvert
des procès verbaux des Assemblées générales et autres rencontres de
comités, des lettres, des décisions et beaucoup d’autres documents qui
nous ont fourni des informations sur la période de l’Église autonome.
Les archives personnelles du pasteur GOUENTOUEU permettent de
découvrir des documents relatifs à la pratique religieuse à l’UEESO-CI.
Celles du pasteur LOH Michel renseignent sur le processus
d’implantation de l’UEESO-CI.
Au total, les documents consultés sont de diverse nature. Cela nous
amène à les regrouper en deux catégories. Les sources fondamentales et
les documents d’intérêt général. Les sources fondamentales sont
constituées des documents traitant typiquement de la Mission Biblique
en Côte d’Ivoire ou de l’UEESO-CI ou encore des deux. Elles sont
souvent d’origine missionnaire ou émanant des pasteurs et responsables
UEESO-CI. Les documents d’intérêt général sont constitués des
ouvrages traitant de l’histoire des religions.
Mais qu’en est-il du traitement des informations récoltées ? Cette
question nous parait capitale en ce sens que la clarté et la crédibilité d’un
travail scientifique et de surcroit d’histoire dépend de la bonne
utilisation des informations fournies par les sources. En Histoire, il est
avéré que nos constructions sont des reconstructions et pour cela, seul
l’esprit critique peut permettre à l’historien de reconstituer au mieux, le
passé.
Dans le cas de cette étude, les données sont constituées en grande
partie de sources orales. Elles ont été recensées auprès des acteurs aux
origines et convictions diverses et souvent divergentes. Chaque
information fournie traduit un point de vue, un jugement, une prise de
position. Face à cette subjectivité favorisée par l’atmosphère de crise et
Introduction 49
de méfiance qui prévalait à l’UEESO-CI au moment de l’enquête, il
nous fallu adopter une méthode de traitement cohérente en vue d’obtenir
la vérité recherchée. Etant donné que ce sont les mêmes questions qui
étaient posées à tous les informateurs, nous avons croisé les réponses
fournies en tenant compte de la sensibilité idéologique, du niveau
d’instruction et de l’appartenance ethnique de chaque informateur. Tous
ces éléments étaient nécessaires pour la validité d’une information.
A côté des sources orales nous avons utilisé des sources d’archives.
Comme nous l’avons précisé plus haut, ces informations proviennent de
fonds d’archives divers : archives publiques 57, archives d’origine
missionnaires et archives de l’UEESO-CI. Les informations issues des
archives publiques ont été confrontées à celles fournies par les archives
missionnaires pour comprendre les rapports entre mission chrétienne et
administration coloniale et aussi éclairer le contexte historique dans
lequel s’est faite la naissance de la MBCI. Les sources missionnaires ont
la particularité de fournir des informations très souvent subjectives :
regard dépréciatif sur les noirs, apologie de la mission, mutations
sociales grâce à l’œuvre missionnaire. Pour mieux évaluer ces
informations, il nous a fallu replacer chaque événement rapporté dans
son contexte historique.
Les sources provenant des archives de l’UEESO-CI traitent le plus
souvent de deux questions essentielles : projet d’expansion de l’évangile
et crise. Les procès verbaux des rencontres sur les crises rapportent des
débats houleux qui n’offrent souvent aucune possibilité de règlement.
Pour en savoir plus sur les crises, il nous a fallu confronter les
différentes positions des protagonistes et apprécier les questions au cœur
des débats tout en considérant les réalités sociales et économiques de la
période concernée.
57
Nous faisons allusions aux Archives d’AOF et aux Archives nationales de
Côte d’ivoire.
50 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Les données issues des lectures nous ont surtout permis de
comprendre et d’éclairer certaines thématiques, de fournir des
informations générales sur l’histoire de l’Église dans sa généralité, et de
traiter toute autre question entrant dans le cadre de cette étude. Quant
aux images faites au cours de nos recherches et annexées pour la plupart
à ce document, elles sont la preuve que nous avons fait une étude de
terrain et permettent de rapprocher le lecteur de ce qui lui est décrit.
Notre sujet est complexe. Par conséquent, il touche forcément
d’autres
disciplines
telles
que
la
théologie,
la
sociologie,
l’anthropologie, la géographie… Cette configuration nous impose une
démarche
interdisciplinaire.
Ainsi,
empruntons-nous
différentes
techniques utilisées en sciences humaines. Nous avons consulté des
travaux de théologiens, de sociologues et d’anthropologues.
Au niveau de la théologie par exemple, l’approche missiologique
nous a permis de comprendre l’évolution de la dynamique de la mission
chrétienne depuis ses origines jusqu’à nos jours et de comprendre les
grands changements de paradigmes intervenus. Cela nous a permis de
mieux comprendre que la MBCI était avant tout une « Faith Mission » 58,
ce qui explique ses difficultés à ses débuts. Cette approche nous a aussi
permis de comprendre que le processus d’occupation de la Côte d’Ivoire
par les missions protestantes était lié à une philosophie missionnaire
dont les effets n’ont pas été toujours positifs pour l’Église Africaine. A
ce sujet, le travail remarquable du théologien sud-africain David
BOSCH (La dynamique de la Mission chrétienne) et le plus récent
ouvrage du Malgache SOLOMON Andria 59 constituent des outils
importants pour l’historien des religions. Par ailleurs, la théologie tente
de raisonner devant le « fait Dieu » entrevu de façon interne, subjective,
engagée, soit en tant que sujet croyant et à partir d’un texte référent
donné et établi. Cette subjectivité dont jouit le théologien s’est imposée
58
Expression empruntée à SOLOMON Andria.
SOLOMON (A.), Église et mission à l’époque contemporaine, Yaoundé,
éditions Clé, 159 p.
59
Introduction 51
à nous lorsqu’à certains moments nous avons dû nous dépouiller de
notre manteau d’historien pour plonger au plus profond de la mentalité
chrétienne
pour
en
retirer
les
éléments
nécessaires
pour
la
compréhension de certains aspects de notre sujet.
A la géographie, nous avons emprunté les techniques de
représentation, notamment les graphiques et des informations sur le
milieu naturel de notre champ d’étude. En effet, les données statistiques
issues des recherches en archives, pour être plus expressives, ont été
converties en graphiques qui ont pour vocation de faciliter une meilleure
lisibilité de l’évolution d’un phénomène.
L’Anthropologie religieuse a permis de comprendre les croyances
des peuples de notre champ d’étude et leurs réactions face au message
chrétien.
La
compréhension
des
notions
telles
que
religions
traditionnelles, fétichisme, ancêtres, notions utilisées généralement en
Anthropologie et en Théologie, a été rendue possible grâce au
dictionnaire propre aux deux sciences. Nous avons apprécié le sens
donné à chacune d’elles et quand cela s’imposait, procédé à une
redéfinition
qui
nous
paraissait
plus
adaptée.
Des
travaux
60
d’anthropologues ivoiriens tels que Raphaël GNALY , ont éclairé
plusieurs aspects des religions traditionnelles des peuples concernés par
cette étude.
A la sociologie, nous avons emprunté les techniques d’enquête et les
méthodes de traitement des données issues de ces enquêtes. Des travaux
de sociologues, tel que celui de Laurent Amiotte-Suchet 61, qui exposent
clairement les différentes étapes d’une enquête en milieu religieux
restent une référence en la matière.
60
GNALY (R.), Anthropologie religieuse africaine, le cas du Gluzile bhete de la
Côte d’Ivoire, Man, juillet 1985, 226 p..
61
AMIOTTE-SUCHET (L), Pratiques pentecôtistes et dévotion mariale :
Analyse comparée des modes de mise en présence du divin, Thèse de Doctorat
en sociologie des religions, Paris, E.P.H.E, 2006, 843 p.
52 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
L’analyse de ces documents lus et consultés nous a permis de bâtir
notre raisonnement autour de trois axes essentiels. Le premier axe
intitulé « Phases et méthodes d’implantation 1913-1982 » traite du
processus d’implantation de cette Église. Elle aborde en deux chapitres
la pénétration du christianisme et particulièrement du protestantisme
dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Le premier chapitre qui couvre la
période missionnaire (1913-1962), présente d’abord les acteurs, à savoir,
les pionniers typiquement africains, William Wade HARRIS et Marck
Christian HAYFORD, les missionnaires européens et les évangélistes
constitués d’auxiliaires indigènes. Ensuite, il analyse les méthodes
employées pour atteindre cet objectif, et enfin il en présente un bilan. Il
s’agit de voir le nombre de convertis et l’expansion géographique de
l’Église. Le second chapitre fait une analyse critique de la période post
missionnaire en évaluant les efforts de continuation de l’œuvre
d’expansion, notamment les stratégies d’évangélisation et tout autre
facteur ayant contribué à accroitre de manière significative les effectifs
des fidèles.
Le deuxième axe intitulé « La rencontre entre religions locales et
christianisme dans le sud-ouest ivoirien » analyse profondément la
rencontre entre le christianisme et les valeurs traditionnelles locales. Il
comprend lui aussi deux chapitres dont le premier insiste sur cette
rencontre en présentant l’univers religieux traditionnel en y identifiant
les éléments qui constituent des pierres d’attente ou d’achoppement au
succès de l’évangile. Etant donné que les croyances locales qui
constituent le « ciment social » de la société traditionnelle sont
présentées par les missionnaires comme des superstitions qu’il faut
nécessairement bannir et remplacer par l’évangile, quelle attitude les
populations adoptent-elles face à ces missionnaires et aux convertis ?
Ensuite, il est question de relever les raisons des conversions malgré
tout. Pourquoi les populations autochtones adhèrent-elles à la nouvelle
Introduction 53
religion malgré les divergences ? Quels appâts les missionnaires
utilisent-ils pour attirer ces populations ?
Le second chapitre essaie d’identifier les moyens mis en place pour
édifier le peuple de Dieu. Il s’agit notamment d’identifier les différents
programmes de formation destinés au peuple de Dieu et aux pasteurs
locaux. Le troisième et dernier axe a pour titre « La vie nouvelle du
peuple de Dieu : la difficile nouvelle naissance des croyants Dan et Wê
et schisme dans l’Église ». Cette partie comporte trois chapitres
consacrés à une analyse critique de la pratique religieuse des chrétiens
UEESO-CI. Le premier aborde le degré d’engagement des chrétiens
UEESO-CI dans la vie de leur Église. Le deuxième chapitre révèle
l’existence d’une grave rivalité entre les Dan et les Wê au sein de
l’Église, traduisant une insuffisance de la conversion des membres de
ces deux ethnies. Le dernier chapitre présente la grave crise doctrinale
survenue à l’UEESO-CI et qui a provoqué le schisme de 1982. Il essaie
d’en identifier les causes, les manifestations et son impact sur l’unité de
l’Église.
PREMIÈRE PARTIE
1
PHASES ET MÉTHODES D’IMPLANTATION
DE L’UEESO-CI (1913-1982)
L’implantation de l’UEESO-CI a été le résultat final d’un long
processus qui a débuté en 1913 et s’est étendu sur deux périodes. La
première est la phase missionnaire qui part de 1913 à 1962. Elle est née
de l’aventure missionnaire de deux prédicateurs africains : William
Wade HARRIS et Marck Christian HAYFORD, dans la colonie de Côte
d’Ivoire. Cette aventure a eu pour conséquence l’arrivée d’un couple de
missionnaires protestants qui s’installe dans le sud-ouest de la colonie.
Aidés par les premiers convertis, ils mettent en place des stations
missionnaires et des Églises dans les différentes localités de leur zone de
juridiction. En 1962, la fusion de ces différentes Églises donne naissance
à l’UEESO-CI, marquant ainsi la fin de cette première phase.
Qui sont les principaux acteurs de cette période et quelles méthodes
ont-ils adopté pour parvenir à implanter cette communauté ?
La seconde phase démarre vers la fin de la première moitié du
XXème siècle. A cette période, le vent d’émancipation qui souffle sur
les colonies n’épargne pas l’Église. Ainsi, après les indépendances
politiques, il était désormais question de l’indépendance de l’Église. A
partir de 1962, la M.B.C.I se trouve alors dans l’obligation de passer le
relai aux pasteurs et évangélistes locaux appelés désormais à gérer
56 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’Église et à poursuivre l’œuvre d’évangélisation entamée par les
missionnaires. Cette phase se poursuit jusqu’en 1982, date à laquelle
éclate une crise doctrinale qui occasionne le premier grand schisme dans
l’Église. Quels sont les facteurs de cette responsabilisation des frères
Africains ? Comment l’œuvre d’évangélisation évolue-t-elle sur cette
période ?
Telles sont les différentes questions auxquelles nous essaierons de
répondre dans cette première partie de notre travail.
2
LA PHASE MISSIONNAIRE 1913-1962
Pour atteindre ces pays dont le Christ est absent, dont le Christ
est parti, il faut prendre la route. Il n'y a pas de mission sans
départ, pas de mission sans franchir la frontière chrétienne où
nous sommes. Il faut partir de l'endroit où est Dieu pour aller là
où Dieu n'est pas. Il faut partir aussi authentiquement que pour
aller au Gabon ou aux Indes. Les pays où il nous faut aller ont
leurs langues, leurs coutumes, leurs idoles. Pour y pénétrer nous
devons laisser chez nous : la langue, la coutume, les idoles de
notre pays.
C'est toujours le départ du chrétien que nous sommes, hors de
lui-même. Il y a un lieu qu'il faut toujours quitter, c'est notre lieu
chrétien : qu'il soit seulement nous ou tout un noyau social. Ce
départ est à la fois un départ de tout nous-mêmes et une adoption
de tout nous-mêmes par le milieu qui va nous recevoir ou par ce
milieu dont nous faisons partie sans une réelle fusion. C'est
pourquoi il y aura pour nous des routes de toutes les longueurs et
62
de tous les genres .
Comme son nom l’indique, cette phase est caractérisée par l’action
missionnaire. Au cours de cette période, l’œuvre d’évangélisation est
62
Soirée œcuménique « Un témoin de foi », Chatou, 1 décembre 2005. M.
DELBREL présenté par le père Dominique BARNERIAS.
58 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
entreprise et menée par les missionnaires blancs
63
qui arrivent sur les
traces de précurseurs africains. Ils sont aidés dans leur tâche par des
évangélistes ivoiriens. Ce chapitre de notre travail a pour but de
présenter les principaux acteurs de cette période tout en indiquant pour
chacun le rôle joué. Il envisage aussi analyser les différentes méthodes
d’implantation d’Églises puis d’en évaluer les résultats.
2.1 Les pionniers (1913-1927)
Il s’agit de ceux qui ont commencé l’œuvre d’implantation de
l’UEESO-CI. Il est certes vrai que plusieurs missionnaires et
évangélistes ont contribué avec dévouement à l’action missionnaire à la
base de la naissance de l’UEESO-CI, mais nous nous intéresserons ici à
ceux qui furent les premiers à s’engager dans l’œuvre et dont le
témoignage a attiré les autres. Nous présenterons dans un premier temps
les précurseurs, dans un deuxième temps les premiers missionnaires
blancs et dans un troisième temps le premier vecteur d’exportation de
l’évangile dans l’arrière pays.
63
Il est nécessaire de souligner que l’évangélisation de l’Afrique et
particulièrement de l’Afrique noire n’a pas vite constitué une véritable
préoccupation pour les missionnaires. Cette négligence a poussé Marion De
BRESILLAC à lancer cet appel : « Depuis trois siècles les missionnaires de
l’Europe passent devant l’Afrique, la contournent presque en entier pour se
rendre aux Indes, en Chine, au Japon et aucun d’entre eux n’a songé aux
pauvres Noirs. L’Europe ne leur a envoyé jusqu’ici que l’odieux négrier, le
marchand rapace et le soldat obligé de les châtier, elle leur doit le missionnaire,
ministre de charité et de bonté. » Monseigneur De Marion BRESILLAC, cité
par GUILCHER, in Qu’est ce qu’un prêtre des Missions Africaines de Lyon ?
1994, p. 4. Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, il faudra noter que les
missionnaires catholiques avaient entrepris une première tentative
d’évangélisation à partir de 1637 qui s’était soldée par un échec. C’est
véritablement à partir de 1895 que l’action missionnaire prendra forme avec
l’arrivée des Pères des Missions africaines (voir à cet effet, Ernest Gnangoran
YAO BI, Côte d’Ivoire, un siècle de catholicisme, Abidjan, CERAP, 2009, p.
15). Quant aux missions protestantes elles s’implanteront plus tardivement après
la brillante croisade du prophète libérien William Wade HARRIS (1914-1915).
La phase missionaire 1913-1962 59
2.2 Les précurseurs (1913-1925)
2.2.1 William WADE HARRIS (1913-1915)64
William WADE HARRIS peut être considéré comme le pionnier
voire le père du protestantisme en Côte d’Ivoire. Il est l’épicentre de
toutes les missions protestantes
65
qui se sont installées dans cette
colonie et a favorisé d’une manière ou d’une autre l’implantation ou
l’extension de chacune d’elles. Sa mission qui s’étend sur 18 mois va
bouleverser considérablement l’univers politique, économique
66
et
religieux de la jeune colonie de Côte d’Ivoire à tel point que
l’administrateur colonial, le Capitaine Paul MARTY l’identifie à un :
« (…) fait religieux presque incroyable qui a bouleversé toutes
les idées qu’on se faisait sur les sociétés noires si primitives si
rustiques de la Côte et qui sera (…) l’événement politique et
social le plus considérable de dix siècles d’histoire passée
présente ou future de la Côte d’Ivoire maritime. 67 »
Qui est Wade HARRIS et comment a-t-il favorisé la naissance de la
Mission Biblique qui fait objet de notre étude ?
64
Cf. Annexe II-1, p. 317.
Il a aussi joué un rôle très important dans l’expansion du catholicisme en Côte
d’Ivoire.
66
L’impact politique et religieux du mouvement harriste est relevé par JeanPierre DOZON. Pour lui HARRIS un : « … personnage-événement qui bouscule
l’histoire et la victoire des conquérants en substituant à un affaiblissement
généralisé du monde indigène les rudiments d’un espace publique ivoirien. A lui
seul il investit une époque passablement troublée par une productivité inespérée
c’est-à-dire un grand miracle de grande envergure dont on peut dire qu’il
anticipe de quelques décennies une Côte-Ivoire prospère devenant dès les
années 1930-1940 le fleuron de Afrique Occidentale Française ». Cf. JeanPierre DOZON, La Cause des prophètes Politique et religion en Afrique
contemporaine, Paris, Seuil, 1995, 74.
67
Paul MARTY, Etudes sur l’Islam en Côte Ivoire, Paris, Leroux, 1922, p. 13.
65
60 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Photo 1 : Williams Wade HARRIS un pionnier du christianisme
ivoirien
Source : Jeanne DECORVET, Les Matins de Dieu, Paris, la Mission
Biblique en Côte d’Ivoire, 1977, p. 19.
La phase missionaire 1913-1962 61
Le prophète 68 William Wade HARRIS est né vers 1860 dans le
village Glebo Nyomoye de Globale à Cape Palmas au sud-est du
Libéria, et est mort en 1929 69. Sa mère était probablement chrétienne
(méthodiste) et son père « païen » selon HARRIS lui-même 70.
Jusqu’à 1873, il passe son enfance à Globale, Cape Palmas, où il est
témoin de plusieurs faits marquants : disputes entre divers groupes
Glébo, tensions et guerres entre les habitants de la colonie Grebo,
conflits entre modèles religieux chrétien et traditionnel, entre le village
et la « civilisation » nouvellement apportée des États-Unis par les
71
Américo-libériens . En 1873, HARRIS, part pour Sinoe (Grennville)
pour résider chez son oncle John Lowrie, un chef de district, maître
d’école et serviteur de Dieu méthodiste. Wade fréquente l’école locale et
apprend à lire en G’debo et en Anglais. Il est baptisé par son oncle.
C’est à partir de ce moment qu’apparaissent les noms de William et
72
HARRIS .
A partir de 1879, HARRIS travaille en qualité de « kruboy » et
effectue des voyages en mer comme ouvrier sur le bateau. Deux années
plus tard il revient à Cape Palmas où il est converti suite à l’appel du
révérend Thompson qui prêchait à partir d’apocalypse 2 v 5. A ce
moment, « le Saint Esprit vint sur moi » et « l’année même de ma
68
Le titre de « prophète » appliqué à William Wade HARRIS vient du fait que
comme la plupart des personnages charismatiques fondateurs d’Église, il se
reconnaît comme « envoyé de Dieu » et dit avoir reçu sa mission de Dieu. Il
s’appuie ensuite sur la Bible dans son enseignement. La persécution dont il est
victime dans son parcours ainsi que les miracles et divers prodiges accomplis
viennent confirmer enfin cette vocation prophétique dans laquelle il s’inscrit.
69
David SHANK, Prophet HARRIS, « the black Elijah », cité par James
KRABILL, Nos racines racontées, Abidjan, PBA, 1996, p. 148.
70
Idem.
71
David SHANK, Prophet HARRIS, « the black Elijah », cité par James
KRABILL, Nos racines racontées, Ibid.
72
Il est important de souligner que l’origine de ces noms reste incertaine. Ibid.
62 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
73
conversion, je me mis à prêcher » . En 1885, il marie Rose Bedo
Wledo FARR, fille d’un maître d’école épiscopalien.
En 1888, il est confirmé comme membre de l’Église et devient
employé de la mission. De 1892 à 1899, il joue les rôles de moniteur
adjoint, catéchiste, prédicateur laïc etc. Il devient aussi interprète des
74
Glebo auprès des autorités politiques du pays .
En 1909, accusé d’avoir participé à un coup d’État manqué, il est
condamné à deux ans de prison et à une amende de 500 dollars. Son
amende payée, il ne fait pas la prison. Mais en 1910, suite à l’éclatement
de la guerre entre le gouvernement et les Glebo, HARRIS est
75
emprisonné .
Là-bas, il passe beaucoup de temps à lire la Bible et à prier. C’est
alors qu’il reçoit une vision : Un « homme debout derrière lui »,
l’Archange Gabriel selon lui-même, lui ordonnant d’aller « évangéliser
ses frères sur la côte », le revêtant de l’Esprit et d’une grande puissance
contre les fétiches. Le récit de cette vocation nous est connu grâce à ses
témoignages et notamment à un entretien avec le Père Joseph HARTZ,
76
supérieur intérimaire de Bingerville . Il décrit ainsi sa vision :
« Je suis prophète, au-dessus de toute religion et affranchi du
contrôle des hommes. Je ne relève que de Dieu par
l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Il y a quatre ans – c’est-à-dire
en 1910 –, je fus éveillé brusquement durant la nuit. Je vis l’ange
protecteur sous une forme sensible au-dessus de mon lit. Par
73
Propos d’HARRIS rapporté par David SHANK et cité par James KRABILL
Nos racines Racontées, Abidjan, 1995, p. 149. HARRIS réalise un ministère de
prédication bénévole rendu possible par son propre travail de maçon et par un
travail journalier en tant qu’ouvrier dans les mines d’or de l’ouest de la Gold
Coast.
74
Voir James KRABILL, op.cit, p. 149.
75
David SHANK, cité par James KRABILL, op.cit, pp. 148-150.
76
La Guerre de 1914-1918 a, en fait, mobilisé un grand nombre de prêtres en
service en Côte d’Ivoire. Le Père Joseph HARTZ alors supérieur de GrandBassam sera ainsi appelé à venir assumer l’intérim du supérieur de Bingerville.
C’est ce qui lui vaudra de recevoir la visite de Harris vers octobre 1914.
La phase missionaire 1913-1962 63
trois fois il me frappa le sommet de la tête et me dit : "Je te
demande le sacrifice de ta femme. Elle mourra mais je t’en
donnerai d’autres qui t’aideront dans l’œuvre que tu dois fonder.
Ta femme te remettra, avant sa mort, six shillings ; ce sera ta
fortune ; tu passeras partout. Ils ne te manqueront jamais. Je
t’accompagnerai partout et te révélerai la mission à laquelle te
destine Dieu, le Maître de l’univers que les hommes ne respectent
plus" » 77.
En 1912, après sa libération, WADE HARRIS s’est mis à
évangéliser ses compatriotes. Mais sa mission parmi les siens ne connut
pas un grand succès. En 1913, il alla dans la colonie de Côte d’Ivoire
78
où il exerça un charisme prophétique conformément à sa vision. Ni les
aléas de la nature encore très hostile dans cette région de l’Afrique, ni
les pouvoirs mystiques qui exerçaient une domination sans partage, ne
purent l’empêcher de proclamer le message chrétien dans cette colonie
française en pleine période de pacification. Voici comment J.
GNALEGA peint l’univers qui accueille le prophète HARRIS en Côte
d’Ivoire :
« Le manque de voies et de moyens de communication, les
épidémies meurtrières des maladies tropicales, la nature
sauvage, mystérieuse, partout maîtresse et écrasante, maintenant
l’homme sous l’esclavage et dans la peur perpétuelle des esprits
mauvais, le règne des sorciers par la terreur, le secret, le poison,
la magie noire. (…) C’est dans un tel monde abandonné de Dieu
qui s’est retiré bien haut dans le ciel, (...) qu’intervient un
77
René BUREAU, Le prophète de la lagune. Les harristes de Côte d’Ivoire,
Paris : Karthala, 1996, p. 10-11.
78
Notons que le contact de HARRIS avec les côtes ivoiriennes ne date pas du
temps de son ministère prophétique. Bien longtemps avant, pendant qu’il
travaillait comme kruboy, il a effectué des voyages au Gabon avec des escales
en Côte d’Ivoire et en Gold Coast dans les points suivants : Half Jack, Grand
Bassam, Assinie, Adaffia, Cape Coast, Winnebah, Accra. Cf. James KRABILL,
Nos racines racontées, op.cit. p. 149.
64 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
homme comme HARRIS, Jean-Baptiste annonciateur des temps
nouveaux, ceux des missions et de Jésus-Christ » 79.
Son action qui s’étendait tout le long de la côte ivoirienne était une
révolution religieuse. HARRIS sillonna successivement presque tous les
peuples côtiers de la Côte d’Ivoire.
Carte 1 : Itinéraire du prophète Harris en Côte-d’Ivoire et en Gold
Coast 1913-1915
Source : Hippolyte MEL GBADJA, « Le Harrisme en France », in
L’arbre à Palabres n°13 - Mai 2003, pp 14-27. p26.
C’est d’abord parmi les Krou, précisément les Kroumen qu’HARRIS
commence son ministère. Par la suite, il visite les pays Neyo, Brignan,
Ahizi, Alladjan, Adioukrou, Nzima et Ebrié avant d’aller en Gold Coast
79
Jeanne DECORVET, Les Matins de Dieu, Paris, la Mission Biblique en Côte
d’Ivoire, 1977 ; Préface de J. GNALEGA, p. 5.
La phase missionaire 1913-1962 65
où il évangélise les Fanti. Le surgissement d’un évangéliste d’une telle
envergure était d’autant plus étonnant qu’il ignorait aussi bien le
français que les langues locales et devait être traduit de l’anglais
« Pidgin ». L’administrateur français Gaston Joseph a écrit à son sujet :
« Le prophète incitait les indigènes au travail, à l’obéissance
envers l’autorité. Il défendait l’abus de l’alcool. Il tolérait la
polygamie et s’élevait contre l’adultère. Il interdisait le vol. Il
demandait de considérer le dimanche comme jour de repos et de
recueillement 80. Il promettait un au-delà merveilleux à ceux qui
suivaient ses préceptes, et, par le baptême, assurait à ses
prosélytes qu’il les purifiait 81… »
Le prophète HARRIS se gardait de toute ingérence politique et était
très désintéressé par le bien matériel. En effet, selon André Roux :
« Tous les témoignages concordent sur un point : c’est qu’il n’a
jamais cherché à tirer un profit personnel quelconque en argent
ou en prestige. Acceptant seulement l’accueil que l’Africain offre
toujours à ses hôtes, nourriture et logement en particulier, il s’est
montré d’une simplicité, d’une discrétion totale. Jamais chez lui
la moindre trace de syncrétisme, ni de complexe radical 82. »
Du Temps de la prédication harriste, nombreux furent ses adeptes
qui se rendirent coupables de faire payer en espèces leurs services
religieux :
« Un homme prenait 50 centimes par baptême : HARRIS l’a
maudit et il est parti vers la mer sans jamais revenir ». Lorsque
80
HARRIS avait énormément insisté sur le repos du dimanche au point que son
insistance avait indisposé les employeurs européens et avait hâté en partie son
expulsion. Cf. Bureau René, Le prophète Harris de la lagune. Les harristes de
Côte d’Ivoire, Paris-Karthala, 1996, p. 97.
81
Joseph GASTON a étudié le prophète HARRIS dans son livre, La Côte
d’Ivoire, le pays, les habitants, Paris, Larose, 1917, p. 160ss.
82
André ROUX, A l’ombre de la grande forêt, Paris, le cerf, 1971, p. 31.
66 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
le prophète fut emprisonné à Bingerville pour la première fois, le
commandant reconnut son erreur ; il lui dit : "Combien veux-tu
être payé ?" HARRIS répondit : "Ce n’est pas la peine, Dieu me
donne tout." On raconte que lors de la visite de DAGRI et de
AHUI à HARRIS en 1928, le prophète leur aurait dit : "J’ai vu le
pasteur Benoit, mais je crains les problèmes d’argent : c’est du
commerce, Dieu ne le veut pas 83." »
HARRIS aurait dit souvent également : « Celui qui connait les
84
plantes doit soigner gratuitement sans demander un sou » .
Un père catholique qui l’avait particulièrement connu écrivit :
« Il ne demandait rien, n’acceptait rien. Il refusa de ne
s’attacher à aucune secte ou église, mais avec autant de force
que d’insistance, il demandait à ses adeptes de s’affilier à une
85
église pourvue qu’elle soit chrétienne . »
Il prêchait le monothéisme, le jugement et la repentance, à la
manière des prophètes de l’Ancien Testament. Beaucoup ont gardé,
longtemps après, le souvenir de sa voix tonnante qui commandait aux
gens de jeter leurs fétiches, à la façon d’Elie au Carmel, menaçant les
récalcitrants du feu du ciel. Il était un orateur-né, s’exprimant dans un
langage rude et heurté. Il commençait par proclamer la toute-puissance
de Dieu puis invitait ses auditeurs à brûleurs leurs fétiches.
Voici un de ses messages, livré à Kraffy en 1913 :
« Le Grand Dieu qui a créé le ciel et la terre, Celui dont vos
pères vous ont appris le nom, que vos ancêtres adoraient avant
que les fétiches diaboliques les aient rendus aveugles et sourds,
83
René BUREAU, Le prophète Harris de la lagune. Les harristes de Côte
d’Ivoire, Paris-Karthala, 1996, p. 99.
84
Idem.
85
Echos des missions africaines, février 1930, cité par Pierre. TRICHET, Côte
d’Ivoire, les premiers pas d’une Église, Tome 2, 1914-1940, Editions la
Nouvelle, Abidjan, 1995, p. 13.
La phase missionaire 1913-1962 67
ce Dieu m’a envoyé pour dire que le temps est venu où il veut
vous délivrer de la puissance du diable qui vous ruine, vous rend
fous et vous tue.
Le temps est révolu, le diable est vaincu ici aussi, brulez donc
tous vos fétiches, tous vos gris-gris et vos amulettes, et je vous
baptiserai au nom de ce Dieu qui est votre père, de son fils Jésus
Christ qui est mort pour vos péchés et du Saint-Esprit qui
changera vos cœurs.
Dans vos villages, on détruira tout ce qui rappelle vos cultes
diaboliques, on abattra les arbres sacrés, on détruira les pierres
ensorcelées et on adorera Dieu seul, on élèvera des églises où
vous vous réunirez pour le prier et recevoir sa loi ; dans chaque
église, douze vieillards appelés apôtres veilleront à ce que le
village serve Dieu saintement, selon la doctrine contenue dans la
Bible et que les prédicateurs laïques enseigneront. Dieu a en
abomination l’idolâtrie, l’adultère, le vol, le meurtre, le
mensonge et l’ivrognerie. Obéissez au décalogue. Le septième
jour, tout la monde observera le repos en l’honneur de Dieu ; en
souvenir de l’achèvement de la création et de la résurrection de
son fils, notre sauveur, vous prierez Dieu dans vos églises et vous
chanterez sa gloire trois fois en ce jour. Tout ce que Dieu, depuis
le commencement, a dit aux hommes pour qu’ils obtiennent la
justification à ses yeux et la vie éternelle, est écrit dans ce livre,
la Bible : c’est là que vous trouverez les enseignements de ses
prophètes et de son fils Jésus Christ.
Si quelqu’un tombe malade, qu’il confesse ses péchés aux
apôtres de son église, lesquels prieront ensuite Dieu pour
implorer la guérison.
Ayez la foi, ne doutez pas, je parle au nom du Dieu vivant.
68 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Malheur à ceux qui refusent de m’écouter, aux féticheurs et aux
païens qui endurcissent leur cœur, à ceux qui raidissent leur cou
pour ne point s’humilier ! Malheur à ceux qui sont aveugles
parce qu’ils ne veulent pas entendre ! Malheur aux hypocrites,
aux menteurs, aux orgueilleux ! Dieu connait les secrets des
cœurs et des âmes, il sonde les reins et les entrailles de l’homme,
et c’est à lui qu’appartient la vengeance.
Choisissez ! Devant vous s’ouvre le chemin de la vie si vous
écoutez l’appel du Dieu Tout-Puissant, ou bien les abîmes de la
mort et de l’enfer si vous résistez, si vous vous révoltez ! » 86
Il semble qu’avec ces quelques mots, il apportait des solutions au
problème omniprésent provoqué par les sorciers et les féticheurs et
87
balayait au loin les esprits traditionnels . La neutralité ecclésiastique
d’HARRIS ne dura pas longtemps. Très vite, il se mit à annoncer
l’arrivée des « blancs de la Bible » (c'est-à-dire les missionnaires blancs
surtout protestants) en avertissant que seule la prédication de ces
derniers devrait être écoutée.
L’enseignement du prophète était centré sur la Bonne nouvelle du
Salut en Jésus Christ, l’Amour de Dieu manifesté par le don de son fils
pour sauver l’humanité de son péché. Il précisait que sa grande canne en
forme de croix n’avait aucun pouvoir mais n’était simplement qu’un
symbole du message du salut en Jésus Christ. Ainsi, la brisait-il souvent
86
Edmond DE BENOIST, En Côte d’Ivoire, missions protestantes d’AOF, Paris,
Société des Missions évangéliques, 1931, pp. 15-16.
87
Cette méthode d’évangélisation emprunte beaucoup à celle de Boniface, au
VIIIème siècle. En effet, la méthode de Boniface, prêtre anglais, qui a prêché
parmi les germaniques, consistait à utiliser des tactiques agressives pour défier
les germaniques de leurs dieux. Il détruisait leurs arbres sacrés, démolissait leurs
sanctuaires, défiait leurs croyances. Il a construit des monastères et a converti la
population locale et les a initié à enseigner la doctrine chrétienne. Cf. Georges
Pirwoth ADITO, La problématique du discipolat dans le contexte des stations
missionnaires d’Afrique, Université Shalom de Bunia (s/d), République
Démocratique du Congo, p. 3-4.
La phase missionaire 1913-1962 69
pour prouver qu’elle n’était rien d’autre qu’un simple objet. Il insistait
sur l’importance de la Bible qu’il présentait comme parole de Dieu. Sans
complaisance, HARRIS, prophète noir en période coloniale, avait
concentré tous ses efforts sur la "défétichisation" de la société.
Après un an de ministère en Côte d’Ivoire, HARRIS se rendit dans la
colonie anglaise voisine de Gold coast
88
où il prêcha pendant quatre
mois. En septembre 1914, HARRIS revient en Côte d’Ivoire où il est
accueilli par de grandes foules. Mais au début de l’année 1915, à la
faveur de la guerre, HARRIS est expulsé de la Côte d’Ivoire par les
autorités coloniales, par crainte de soulèvements pouvant être provoqués
par ses grands rassemblements et aussi à cause de son usage de la langue
89
anglaise . A huit reprises au moins, HARRIS tente de revenir en Côte
d’Ivoire mais il est chaque fois refoulé.
Alors qu’il prêchait le long de la côte, de nombreux appels
parvenaient de l’intérieur l’y invitant à aller porter l’évangile. Ne
pouvant pas s’y rendre lui-même, il envoyait des prophètes mineurs qui
90
ne réalisaient malheureusement pas assez de succès .
Des résultats extraordinaires couronnèrent l’action du prophète. Cela
inquiéta même le clergé catholique. Voici ce qu’en écrit le père GORJU,
dans un bulletin des missions catholiques :
« Son influence, fondée sur une remarquable puissance
hypnotique et un système d’intimidation effrontée, fut immense.
(…) Cet halluciné, doublé d’un charlatan, effectua en quelques
mois, ce que nous, prêtres de Jésus-Christ, n’avons pas même pu
88
Actuel Ghana
Kéo KOGNON, op.cit, p. 20.
90
La force de la prédication de ces derniers n’égalait pas celle d’HARRIS luimême et les effets n’étaient pas les mêmes pour plusieurs raisons : en effet, ces
prophètes mineurs n’avaient pas tous une bonne connaissance de la Bible et
n’avaient pas aussi un désintéressement pareil à celui du prophète.
89
70 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
ébaucher en vingt ans, car les moyens qu’il employa, nous
étaient à nous, interdits 91 ».
Au total, plus de 100000 Ivoiriens brûlèrent leurs fétiches,
92
conséquence de la prédication d’HARRIS ou de ses disciples . Dans
toutes les localités évangélisées par le prophète, malgré la brièveté de
93
son ministère, l’évangile est implanté . D’innombrables villages
érigèrent de grandes cases de prière en attendant les « Blancs de Dieu ».
En 1919, lors de son voyage en Côte d’Ivoire, le Dr. Mark Christian
HAYFORD – dont nous parlerons un peu plus bas - se rend compte de
l’ampleur du mouvement Harriste et de l’espoir des adeptes dans
91
Cité en partie dans J. BIANQUIS, Le prophète HARRIS, SMEPT, 1924, p. 9,
et en partie dans p. TRICHET, op.cit, p. 20.
Il est toutefois important de signaler que ce jugement très négatif du père Gorju
n’était pas partagé par l’ensemble du clergé catholique. En effet, après le
passage du prophète, certains prêtres virent leurs églises se remplir. Une
religieuse catholique de Jacqueville, sœur Polyane, raconte en ces termes son
expérience : « Il y a trois ou quatre mois à peine, nos populations indigènes
étaient encore toutes plongées dans le plus profond paganisme. (…) Tout cet
appareil de mensonge vient de s’ébranler sur la parole d’un seul homme se
disant prophète, envoyé de Dieu, et prédisant toutes sortes de malheurs à qui ne
se rendrait pas à sa voix. Tous les fétiches ont été brûlés ou jetés à la mer. (…)
On nous raconte que partout, c’est un changement complet des esprits ! Cela
durera-t-il ? L’avenir nous l’apprendra, voilà du moins à quoi nous en
sommes ». Cité par p. TRICHET, op.cit, p.9.
L’opposition des points de vue de Gorju et de Trichet s’explique par leur attitude
respective vis-à-vis du protestantisme. Selon Trichet, Gorju était habité par un
anti-protestantisme viscéral. Or le prophète HARRIS était de formation
protestante.
92
David SHANK, « Le pentecôtisme du prophète William Wade HARRIS », in
Archives des sciences sociales des religions, n°105, 1999, pp. 51- 90.
93
L’étonnant succès de la méthode d’évangélisation d’HARRIS illustre
parfaitement la pensée de L. S. Senghor selon laquelle « l’émotion est nègre ».
En effet, face au problème à la fois angoissant et stressant de la sorcellerie,
problème auquel, les actions des féticheurs n’apportaient point de solution
satisfaisante, HARRIS, par la stratégie de la défiance, avait présenté la solution
définitive d’autant plus qu’il résistait à la puissance des fétiches qu’il brûlait ou
jetait à l’eau. Aussi, la posture étrange du prophète noir ; grand boubou blanc,
longue croix de bambou, une grosse Bible en main, la tonalité du message…
créaient une grande émotion chez les populations les amenant ainsi à placer une
grande confiance en celui-ci.
La phase missionaire 1913-1962 71
l’arrivée des « Blancs de Dieu » dont la venue a été prédite par le
94
prophète . Plusieurs Églises laissées par ce dernier étant sans guide, et
par conséquent, menacées par un retour au fétichisme. Il parvint à relier
quatorze de ces Églises à sa Mission, La Baptist and Church Mission
(B.C.M).
Mais l’administration coloniale de plus en plus tatillonne ne
permettait pas que les cultes soient célébrés en Anglais. Face à l’urgence
de la situation et son incapacité à y faire face lui-même, HAYFORD se
rend à Paris pour solliciter des missionnaires français.
Même si les Églises du Docteur HAYFORD seront très vite
récupérées par la mission méthodiste, les zones qui seront plus tard
confiées à la MBCI regorgent de nombreux lieux de culte laissés après
le passage du prophète HARRIS. Dès leur installation dans le sud-ouest
ivoirien, Daniel RICHARD, premier missionnaire de la MBCI, décrit
l’état dans lequel ils découvrent ces lieux de culte :
« Avec quelle tristesse, je découvre dans plusieurs villages les
ruines abandonnées de quelques chapelles qu’avaient abandonné
les Neyo (après le passage d’HARRIS)… Des centaines d’idoles
avaient été jetées à la mer, des temples en pisée avaient été
construits. Hélas !…abandonnés sans conducteurs, menacés du
poison des sorciers. 95 »
2.3 Christian Mark HAYFORD (1919-1925)
Christian Mark HAYFORD est sans polémique l’un des pionniers du
protestantisme en Afrique occidentale. De famille aisée, Mark
94
En 1914, Casel HAYFORD (1866-1930), le frère du pasteur HAYFORD,
avocat et homme politique en vue, avait rencontré HARRIS, et, enthousiasmé
par le ministère de ce prophète, avait publié une brochure à son sujet : William
Wade HARRIS, The West african reformer : the man and his message (C.M.
Philips, Londres, 1915)
95
Jeanne DECORVET, les matins de Dieu, La croisade du livre chrétien, La
bégude du Mazenc, 2ème édition, 1977, p. 51.
72 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
HAYFORD consacra une partie importante de sa vie à l’évangélisation
de cette région de l’Afrique. Basé dans la colonie de la Gold coast où il
fonda une mission, il étendit son action à la colonie voisine de Côte
d’Ivoire d’où il lança le projet de la création de ce qui deviendra plus
tard la Mission biblique en Côte d’Ivoire.
Mark C. HAYFORD naquit le 18 août 1864 à Anamabu dans une
période
assez
mouvementée
pour
96
toute
l’Afrique
et
plus
particulièrement pour la Gold Coast . Sa mère s’appelait Mary
Ewuraba Brew. Son nom européen provenait de son arrière-arrièregrand-père RICHARD Brew, un commerçant irlandais qui s’était établi
en 1745 à Anamabu.
97
Le père de Mark C. HAYFORD était Joseph de Graft HAYFORD
(1840-1919). Ce dernier avait hérité le nom « HAYFORD » de son père
et « de Graft » de sa mère. D’après l’usage britannique, Mark Christian
98
HAYFORD portait deux prénoms . Ces noms reflètent également la foi
96
La période à laquelle naquit Christian Mark HAYFORD correspond à la
douloureuse période de la création par les Européens des colonies en Afrique. Si
avant le XIXe siècle les contacts entre les Européens et les Africains se limitaient
à des relations commerciales sur la côte, à partir de la seconde moitié du XIXe
siècle, avec la conférence de Berlin, les Européens entreprennent la conquête de
l’arrière-pays et procèdent à la création des colonies. Ils nomment la région du
Ghana actuel « Côte d’Or » puisqu’ils s’y intéressaient surtout à l’or. Les
Portugais, Hollandais, Danois, Britanniques et Brandebourgeois y possédaient
leurs propres lieux de commerce qu’ils fortifièrent en « forts ». En 1831, les
Britanniques commencèrent à conclure des contrats de protection avec les
Fantis, le plus important peuple côtier établi à l’ouest de la Côte d’Or. En 1850,
l’administration britannique de la Côte d’Or fut souveraine et Cape Coast devint
le siège de « l’administration britannique pour la protection de la Côte d’Or ».
Les Britanniques acquirent les lieux de commerce des Danois et Hollandais et en
1874, la Côte d’Or devint officiellement une colonie anglaise avec Accra comme
capitale. Tous ces bouleversements politiques, sociaux et culturels se firent sans
le consentement des Ghanéens. N’est-ce peut-être pas ce qui va guider
l’engagement politique et religieux qui caractérise la vie de HAYFORD ? Cf.
Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire
pionnier de l’Afrique de l’ouest, Mémoire de maîtrise de théologie, Bonn, 1999,
p. 17.
97
Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 16.
98
Idem.
La phase missionaire 1913-1962 73
chrétienne de ses parents. Personnellement, il ne se désignait jamais par
un nom africain, ce qui est étonnant puisque de nombreux
contemporains de la fin du XIXe siècle reprirent leurs noms africains
99
pour souligner la valeur de leur propre culture .
Le père de Mark C. HAYFORD appartenait à une famille royale,
Mais étant chrétien, celui-ci renonça à cette dignité traditionnelle. Par
contre, il était très actif politiquement. En tant que membre de la
Confédération Fanti, il lutta pour la promotion de l’instruction des
Africains. A ses propres enfants, il donna la possibilité d’une bonne
instruction. Ainsi Mark C. HAYFORD fréquenta-t-il la W.M.S
« Wesleyan Methodist School » et la W.H.S « Wesleyan High School »
à Cape Coast.
La famille HAYFORD faisait partie de l’élite intellectuelle de la
Côte d’Or qui vivait au contact avec les Européens, mais gardait une
attitude critique à leur égard. Les HAYFORD cultivaient des relations
d’amitié avec de nombreux nationalistes africains, comme par exemple
Edward Wilmot Blyden et Mojola Agbebi. Casely HAYFORD, le frère
de Mark HAYFORD, lui-même écrivit plusieurs livres critiques
100
.
Selon DECORVET, ce dernier, juriste, ancien étudiant de Cambridge et
membre du barreau depuis 1897, était un partisan acharné de
l’africanisation des cadres, un précurseur du mouvement « l’Afrique aux
Africains »
101
. Il n’était donc pas étonnant que Mark C. HAYFORD
participât au mouvement nationaliste et s’engageât au niveau politique.
Il était membre fondateur de l’ARPS et accompagna le 28 juin 1912 la
délégation de l’ARPS
102
auprès du Secrétaire d’État à Londres. En mars
1920, il assista à la fondation du NCBWA et devint un membre actif de
la section d’Accra
99
103
.
Ibidem.
Stefan SCHMIDT, Mark C. HAYFORD, « un fantôme devint réalité », in les
nouvelles d’Emmaüs, n°23, décembre 1998.
101
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 22.
102
Aborigines' Rights Protection Society
103
Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 14.
100
74 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
La vocation de Mark Christian HAYFORD a certainement été
favorisée par l’atmosphère familiale. Il est issu d’une famille convertie
au christianisme depuis plusieurs générations
104
. Depuis plusieurs
siècles, il y avait des chapelains au sein des forts européens de la Côte
d’Or. Au début du XVIIIe siècle, Philip Quaque, l’arrière-arrière-grandoncle de Mark C. HAYFORD fut emmené en Angleterre par l’un
d’entre d’eux. Après avoir étudié la théologie à Oxford, Philip Quaque
fut le premier Africain ordonné pasteur anglican. En 1766, il retourna à
Cape Coast et y resta pendant une cinquantaine d’années chapelain et
enseignant à l’école du fort
105
.
Déjà dans les années 20 du XIXe siècle, la SBB « Société Biblique
Britannique » et la « Society for Promoting Christian Knowledge »
(SPCK) envoyèrent des Bibles à Cape Coast. Par là naquirent des
groupes bibliques parmi les élèves à Cape Coast, Anamabu et Dixcove.
Deux grands-oncles de Mark C. HAYFORD participaient activement au
groupe biblique SPCK de Cape Coast, William de Graft et Henry Brew.
William de Graft acquit en 1833 des Bibles auprès du capitaine
britannique Potter qui lui fit même la proposition de faire venir un
missionnaire d’Angleterre
106
. Par l’intermédiaire de ce capitaine, la
« Wesleyan Methodist Missionary Society » envoya en 1835 son
premier missionnaire à Cape Coast. A Anamabu, la ville natale de Mark
C. HAYFORD, la première Église méthodiste fut inaugurée déjà en
1839
107
.
De nombreux parents de Mark C HAYFORD devinrent pasteurs de
la Mission Méthodiste ; son grand-oncle William de Graft, son grandpère James HAYFORD et son oncle Isaac HAYFORD. Son père, Joseph
de Graft HAYFORD, fut également pasteur de 1873 à 1888, de même
104
Idem. p. 16.
Idem. p. 19.
106
Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 19.
107
Idem.
105
La phase missionaire 1913-1962 75
que deux de ses frères, Ernest James HAYFORD de 1880 à 1882 et
Ibinijah H. HAYFORD de 1886 à 1922.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’Église Méthodiste en Côte
d’Or s’agrandit considérablement. En 1887, le père de Mark C.
HAYFORD était l’unique pasteur à prendre soin de ce district avec 54
lieux de culte totalisant presque 8000 auditeurs.
En 1888 Mark C. HAYFORD s’établit à Asaba sur le Niger, à 360
km à l’Est de Lagos où il travailla à la « Royal Niger Company »,
société à qui le Gouvernement britannique avait confié l’administration
du Delta du Niger et du cours inférieur du fleuve. Employé de bureau
auprès du tribunal supérieur de cette compagnie, Mark C. HAYFORD
fit carrière et arriva au salaire prestigieux de £ 250 par an
108
.
Etant donné qu’il n’existait aucune Église méthodiste dans cette
région, Mark C. HAYFORD se joignit à la mission anglicane, la
« Church Missionary Society » (CMS) et devint dirigeant de culte puis
prédicateur. Il profitait de sa situation influente pour aider des chrétiens
persécutés. C’est dans cette période que son intérêt pour le ministère
pastoral s’accrut considérablement.
Pendant son séjour à Asaba, Mark C. HAYFORD maintint le contact
avec la Côte d’Or. Quatre années plus tard, il postula auprès de la
Mission Méthodiste de la Côte d’Or pour un poste de pasteur. Le
Synode annuel du district de la Côte d’Or accepta sa candidature en
février 1893. Il résilia alors son engagement auprès de la « Royal Niger
Company ». Les trois mois de préavis révolus, il quitta Asaba et resta
plusieurs semaines à Lagos où il voulait marier une institutrice. Le 11
septembre 1893, arrivé en Côte d’Or il se rendit à Chama pour diriger
l’Église méthodiste
109
.
En février 1894 il réussit son examen de candidat et fut accepté par
le Synode de District comme vicaire. Pour satisfaire ses exigences
108
109
Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 20.
Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 21.
76 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
salariales, le directeur de la Mission méthodiste de la Côte d’Or se
déclara prêt à chercher des donateurs privés. Ainsi, Mark C. HAYFORD
aurait touché en plus des £ 50/an encore £ 25
110
. Mais comme ses
exigences salariales n’étaient pas couvertes, Mark C. HAYFORD porta
plainte à l’organe supérieur, la Conférence Missionnaire à Londres.
De 1894 à 1897, Mark C. HAYFORD fut le premier pasteur
méthodiste dans les mines d’or de Prestea et Tarkwa à environ 60 km au
Nord d’Axim
111
. Durant ce temps du vicariat, il passa plusieurs
examens de théologie. Pour cela, il dut entre autre étudier les chapitres
1-3 de l’Evangile de Jean en langue grecque.
Les fréquents maux de dents lui donnèrent une raison pour se rendre
en Europe. Cependant, Dennis Kemp s’y opposait, entre autre à cause du
voyage en Angleterre du père de Mark C. HAYFORD en 1888 et qui, à
la suite, quitta le ministère de pasteur
112
. Mais Mark C. HAYFORD
s’imposa, exigea son salaire durant son absence et partit le 17 juin 1895
pour trois mois en Angleterre. Une des raisons majeures de ce voyage
était sûrement le prestige qui en résultait.
En 1897, le Synode affecta Mark C. HAYFORD à Appam (entre
Cape Coast et Accra) et le proposa comme candidat à l’ordination
prévue pour février 1898. Six mois après son affectation, HAYFORD
est accusé d’impudicité. Du 02 au 09 décembre un synode extraordinaire
fut convoqué pour traiter le problème. Des 87 pages du protocole ressort
que Mark C. HAYFORD avait été faussement accusé. Le Synode en vint
à la conclusion suivante :
« Les frères ont examiné soigneusement la plainte d’impudicité
déposée contre vous par Elizabeth Enice et sont venus à la
110
HAYFORD bénéficia de cette faveur pour deux raisons : dans un premier
temps parce qu’il avait bénéficié auparavant d’un salaire bien plus élevé et dans
un second temps pour apaiser l’ambiance anti-européenne qui prévalait parmi les
pasteurs africains. Idem.
111
Ibidem.
112
Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 21.
La phase missionaire 1913-1962 77
conclusion unanime qu’elle n’a pas pu corroborer les
déclarations extrêmement graves qu’elle avait faites, c’est
pourquoi notre sentence doit être non coupable » 113.
Lors de ce synode extraordinaire, les membres de l’Église firent
d’autres reproches à Mark C. HAYFORD : il aurait par exemple confié
des responsabilités à des personnes qui étaient sous discipline
ecclésiastique ou n’étaient pas mariées légalement. Mais ce qui avait le
plus choqué les délégués du Synode était le fait que Mark C.
HAYFORD avait porté plainte contre Elizabeth Enice auprès du
commissariat du district. Elle fut arrêtée durant les délibérations. Dès
lors, le Synode en vint finalement au verdict suivant : « Nous décidons
d’affecter M. HAYFORD immédiatement au district de Cape Coast, de
prolonger son stage d’une année et de reporter son ordination en
conséquence.
114
»
N’étant pas pleinement acquitté, Mark C. HAYFORD fit appel au
Synode annuel de Cape Coast. De plus, il encouragea les lieux de cultes
environnants à s’investir par écrit en sa faveur auprès de la Mission.
Ainsi, les Églises d’Appam et de Mumford prièrent la Mission de ne pas
déplacer leur pasteur et de ne pas ajourner son ordination
115
.
Une semaine avant le Synode de 1898, Mark C. HAYFORD sollicita
la permission pour un deuxième voyage en Angleterre pour des soins
dentaires. Toutefois, quelques semaines auparavant, il avait présenté la
raison de ce voyage différemment : « J’ai décidé de quitter mon travail
et de partir en Angleterre pour trouver une autre Église. »
116
Mark C. HAYFORD espérait toujours qu’on donnerait suite à son
appel et qu’il serait ordonné pendant ce Synode. Le 23 février 1898, le
113
Résolutions du synode du 02 au 09 décembre 1897, cité par Stefan
SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire pionnier
de l’Afrique de l’ouest, op.cit, p. 22.
114
Idem.
115
Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire
pionnier de l’Afrique de l’ouest, op.cit, p. 22.
116
Cité par Stefan SCHMIDT, op.cit, p. 22.
78 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Synode de Cape Coast traita l’ordination de Mark C. HAYFORD, mais
la rejeta. Immédiatement, il annonça qu’il ferait appel de cette décision
auprès de la Conférence Missionnaire à Londres. Le soir suivant, la
cérémonie annuelle d’ordination eut lieu mais sans Mark C.
HAYFORD.
Du 1er au 4 mars 1898 d’autres reproches contre Mark C.
HAYFORD furent examinés. La grande question fut surtout de savoir
s’il avait lui-même incité les Églises à prendre sa défense. De plus, des
rumeurs disaient qu’il voulait fonder une nouvelle dénomination.
Finalement on comprit qu’il avait déjà pris contact en 1895 avec la
« African Methodist Episcopal Zion Church » lors de son voyage en
Angleterre Il devint clair que déjà en ce temps-là, il proposait le
schisme. Le synode en vint finalement aux conclusions suivantes :
"Plusieurs déclarations du frère HAYFORD au Synode ont été
insatisfaisantes et nous regrettons de dire que quelques-unes ont
été des mensonges. Décision : Nous recommandons de suspendre
le frère HAYFORD pendant deux ans de ses fonctions sous la
surveillance de président qui présentera chaque année un
rapport spécial." 117
Suite à cette décision HAYFORD annonça trois semaines plus tard
sa démission
118
. Il devint prédicateur indépendant et collabora avec
d’autres missions sœurs jusqu’en 1913 où il créa sa propre mission, la
Baptist and Church Mission.
117
Stefan SCHMIDT, Mark Christian HAYFORD (1864-1935) un missionnaire
pionnier de l’Afrique de l’ouest, op.cit, p. 23.
118
Selon Stefan SCHMIDT « Ces cinq années de pastorat de HAYFORD au
sein de l’Église méthodiste étaient remplies de conflits causés par ses exigences
financières qu’il voulait faire passer à tout prix. Sur l’arrière-plan de l’esprit
nationaliste d’alors, on comprend mieux sa manière de faire. De plus, son frère
Casely était avocat et lui-même avait travaillé pendant cinq ans comme
secrétaire de tribunal. De ce fait, il luttait avec tous les moyens légaux pour
défendre ses droits. Mais ainsi, les valeurs chrétiennes de l’amour du prochain,
de l’altruisme et de la vérité n’ont pas joué. Après cette période tendue, il fonda
sa propre dénomination où il était son propre chef. »Idem.
La phase missionaire 1913-1962 79
En 1919, informé du grand succès réalisé par le prophète HARRIS
dans la colonie voisine de Côte d’Ivoire, il s’y rendit pour entreprendre
l’encadrement des fidèles et l’organisation des communautés réparties le
long de la côte. Une autre de ses intentions était de poursuivre l’œuvre
d’implantation du protestantisme dans la colonie. Le 05 juillet 1919, le
lieutenant- gouverneur de la colonie de Côte d’Ivoire adresse un
télégramme officiel aux administrateurs de la Basse Côte, autorisant
HAYFORD à parcourir certaines régions plus particulièrement la région
du sud :
« Administrateurs Basse Côte et Ligne. Bassam, Assinie,
Lagunes, Lahou, Sassandra, Tabou, Agnéby, N’zi Comoé,
Baoulé.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que M. Mark. C.
HAYFORD, (…), fondateur et général superintendant de la
"Baptist Church and Mission", membre de la Société royale de
Géographie de Londres s’est récemment présenté à moi et m’a
informé de son intention de parcourir des visiteurs, en vue de se
documenter sur les milieux indigènes, la région de la Basse-Côte
et de la voie ferrée. » 119
Mais les conditions d’activités définies par le Lieutenant-gouverneur
sont très sévères et peu favorables à l’œuvre d’évangélisation envisagée
par le docteur HAYFORD :
« M. Mark C HAYFORD, sollicitant, en même temps,
l’autorisation de prêcher l’évangile dans les villages qu’il
traverserait, je n’ai pas cru devoir lui accorder cette
autorisation, en raison du trouble que la prédication d’un
étranger, même animé des intentions les meilleurs et se
119
A.N.C.I. 3EE7 (2), Lettre du Lieutenant-gouverneur de la colonie de Côte
d’Ivoire aux administrateurs de la Basse côte et Ligne.
80 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
maintenant strictement sur le terrain religieux risquerait de jeter
dans l’esprit de nos sujets.
Je vous serai reconnaissant de vouloir bien, tout en facilitant
dans la mesure du possible, les déplacements de ce sujet
britannique, exercer une surveillance attentive et discrète sur ses
agissements et vous assurer qu’il respecte l’engagement de ne
point prêcher en public qu’il a pris en ma présence » 120
En conséquence de cette disposition, il sera rapidement confronté
aux mêmes difficultés rencontrées par HARRIS. Les exigences de
l’administration coloniale à l’endroit des prédicateurs d’origine anglaise
devenaient de plus en plus nombreuses et insupportables. En effet, à
cette période, pour des motifs politiques et surtout pour mieux contrôler
les activités des indigènes, l’administration coloniale avait décidé que
les messes soient célébrées uniquement en Français.
Le 08 juin 1921, dans une note du Lieutenant-gouverneur de la
colonie de Côte d’Ivoire transmettant celle du Gouverneur de la Gold
Coast relative à une demande du Révérend M. Christian HAYFORD,
sollicitant un séjour en Côte d’Ivoire pour visiter les Églises de sa
mission, il précise ses intentions à l’égard des pasteurs étrangers :
« Je compte n’autoriser l’ouverture d’églises ou d’écoles que si
le pasteur, au cas où il serait étranger, parlera et écrira
couramment le français et ne tolérera dans les cérémonies du
culte que la langue française ou latine (avec) la certitude de (se)
servir du dialecte du pays si l’officiant est un autochtone. Je
prescrirai en outre aux commandants de cercle de continuer à
exercer sur ces prophètes et pasteurs la surveillance la plus
120
Idem
La phase missionaire 1913-1962 81
vigilante et la plus active en faisant emploi de tous les moyens
légaux pour réprimer leurs abus » 121.
En plus des nombreuses exigences de l’administration coloniale, les
Églises protestantes et plus particulièrement celles de HAYFORD ont
aussi été confrontées aux persécutions de la part des populations
indigènes. Le 02 janvier 1920, face à la menace du chef du village de
Jacqueville de détruire le lieu de culte de la Mission de HAYFORD, ce
dernier lui écrivit une lettre dans laquelle il le mettait en garde tout en se
réservant le droit de recourir à l’administration coloniale :
« J’ai été très surpris cette après-midi de recevoir une lettre des
membres de notre Église protestante (baptiste de Jacqueville)
d’une menace que vous leur avez faite.
Vous n’avez aucun droit de menacer de détruire leur église parce
qu’ils ont aussi de l’argent pour payer le passage d’un pasteur
convenable (ayant une famille, chargée de prendre soin d’eux)
contre argent en retour. Vous êtes catholiques romains et ils sont
protestants mais vous n’avez aucun droit ou autorité de les
soustraire ou de les persécuter directement ou indirectement » 122.
Au total, en dépit de toutes les pressions, HAYFORD parvint tout de
même à rallier à sa « Baptist and Church Mission » des Églises issues de
l’œuvre d’HARRIS et probablement à en créer d’autres. En Avril 1921,
dans une demande adressée au Lieutenant-gouverneur de la Côte
d’Ivoire, il dresse la liste de ses Églises comme le présente le tableau cidessous.
121
A.N.C.I. 3EE7 (3), Lettre N°30 du 08 juin 1921 du Lieutenant-gouverneur de
la colonie de Côte d’Ivoire au Gouverneur général de l’AOF.
122
Lettre de Christian HAYFORD adressée au chef de Jacqueville le 02 février
1920. Cf, ANCI 3EE7(3).
82 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Tableau 1 : Les Églises du Pasteur Mark Christian Hayford dans la
Colonie de Côte d’Ivoire et leurs responsables en 1921.
Églises
Responsables
Pas (Adjoukrou)
YADA Ayensa
Débrimon (Adjoukrou)
Ishmael Bennet
Chacha
Walter W. HARRIS
Jacqueville (Avikam)
MENUBA Guissercha
Grand-Lahou (Avikam)
Sans pasteur
Ewie
Sans pasteur
Adje
Sans pasteur
Bokru
Sans pasteur
Ajakutu
Sans pasteur
Petit Bassam (Ebrié)
Sans pasteur
Kruegida
Kpekra Koata
Fresco (Godié)
Kpan Dan Dun
Kut Lahou (Dashogo)
DUDU Plamay
Grand Drewin (Néyo)
Kay
La phase missionaire 1913-1962 83
Source : Tableau élaboré sur la base de renseignements collectés dans
divers documents de la série 3EE7 des A.N.C.I.
Ce tableau révèle deux constats : d’abord, ces Églises sont localisées
uniquement dans le sud de la colonie, au sein des peuples Adjoukrou,
Avikam, Ebrié et Godié. Il s’agit effectivement de la zone sillonnée par
le prophète HARRIS entre 1913 et 1915. Cela justifie que HAYFORD
est arrivé en Côte d’Ivoire dans l’intention de poursuivre l’œuvre
entamée par HARRIS, son prédécesseur. Elles sont aussi situées dans la
zone d’influence de la Mission méthodiste, installée en Côte d’Ivoire à
partir de 1924
123
, qui les a sans doute récupérées après le départ de
HAYFORD, si bien que les missionnaires français engagés par celui-ci
les trouvèrent occupées par cette dernière.
Aussi, constate-t-on que beaucoup de ces Églises sont sans
conducteurs ou sont conduites par des anglophones. Sur les 14 Églises, 6
sont sans conducteurs. Sans disposer de plus de détails sur leur identité,
la résonnance des noms des conducteurs porte à croire qu’environ 6 sur
les 7 Églises sont conduites par des anglophones.
Autour des années 1920, il était devenu difficile, voire impossible
pour des pasteurs et prophètes, sujets britanniques d’exercer leur
fonction dans la colonie de Côte d’Ivoire. Les nombreuses restrictions et
exactions de l’administration avaient fini par freiner les actions du
pasteur HAYFORD.
Celui-ci, soucieux du suivi de ses fidèles, décida alors d’aller
chercher des missionnaires français pour s’occuper des Églises qu’il a
établies dans la Basse Côte d’Ivoire. Il se rendit ainsi, au cours de
l’année scolaire 1925-1926 en France, à l’institut Biblique de Nogent où
il avait déjà quelques relations.
Là, face à l’éloquence de son discours, deux jeunes missionnaires
français, fiancés, Laure MARZOLF et Daniel RICHARD, acceptèrent la
123
Kéo KOGNON, op.cit, p. 98.
84 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
proposition de ce pasteur africain devenant ainsi les tout-premiers
missionnaires protestants français en Côte d’Ivoire.
Tout en nous abstenant des commentaires, nous pouvons simplement
remarquer que la MBCI ne serait pas née en 1927 si le pasteur
HAYFORD ne s’était pas soucié du salut et du suivi des convertis
d’HARRIS pour se rendre à Paris à la recherche de missionnaires
français.
Il est donc important de relever que les évolués africains ont joué un
rôle primordial dans l’évangélisation de l’Afrique. Malgré la moralité
souvent remise en cause, à tort ou à raison, par les missions et
missionnaires français, il est intéressant de retenir qu’il a joué un rôle
déterminant dans le processus de création de l’UEESO-CI ; que le
prophète et le pasteur africains, HARRIS et HAYFORD, sans forcément
l’envisager, ont jeté les bases de ce qui deviendra plus tard l’Union des
Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Mais l’œuvre
amorcée par ces précurseurs n’aurait jamais connu ce "remarquable"
succès si d’autres personnes n’avaient pas compris et partagé le projet
d’évangélisation dans cette région. D’où, l’intérêt de présenter le rôle
joué par les premiers missionnaires blancs et des premiers convertis.
2.4 Le couple RICHARD, premiers missionnaires
français, et la naissance de la Mission Biblique en
Côte d’Ivoire (1925-1927) 124
Malgré le travail accompli par le prophète HARRIS et le Docteur
HAYFORD, l’œuvre d’évangélisation qui aboutira à la naissance de
l’UEESO-CI ne prendra véritablement forme qu’à partir de 1927 avec
l’arrivée du couple missionnaire français, Laure et Daniel RICHARD.
Qui sont-ils ? Quel est leur parcours et quelles sont les motivations qui
124
Annexe II-2, p. 318.
La phase missionaire 1913-1962 85
les ont poussés à s’engager dans une aventure missionnaire en Côte
d’Ivoire et comment parviennent-ils à s’y installer effectivement ?
Photo 2 : Laure et Daniel RICHARD, premiers missionnaires MBCI
Source : Jean-Colbert
indestructible, inédit.
GUENAMAN,
L’Église
une
citadelle
2.4.1 Le couple et sa vocation missionnaire
Daniel RICHARD est né en 1901 à Madagascar d’un couple de
missionnaires français. Ses parents, Paul et Pauline RICHARD, y
avaient débarqué en 1900 comme missionnaires de la Mission de Paris.
Chrétiens militants de l’Église Réformée, ils s'étaient adressés à cette
Société de Mission du protestantisme français.
En 1900, au moment où les RICHARD quittèrent leur exploitation
agricole pour s'embarquer à Madagascar, la Mission de Paris existait
depuis un peu plus de 75 ans. Les convictions évangéliques de Paul
RICHARD face à l’émergence des influences libérales au sein de la
mission l’amenèrent à se rapprocher de Ruben SAILLENS
125
125
avec qui il
Ruben SAILLENS est l’un des pionniers du baptisme en France. Né en 1855,
il sera converti en au christianisme en 1871 par la prédication de l’évangéliste
Eck. De 1873 à 1874, il suit des études bibliques à Londres (East London
Institute) auprès de Henry GRATTAN Guinness. Pendant cette même période, il
entre au service de MacAll. Ruben SAILLENS écrit, adapte ou traduit ses
premiers cantiques pour la Mission.
86 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
partageait la même foi orthodoxe. C’est ainsi que de fil en aiguille
Daniel entra à l’Institut Biblique de Nogent créé par Saillens où il
rencontra Laure MARZOLF qui devint sa fiancée.
Laure MARZOLF était française d’origine algérienne. Elle
fréquentait l’Église méthodiste d’Oran avec laquelle elle dû rompre à
cause de l’influence moderniste qui s’y était manifestée. Elle entra donc
à Nogent en 1921 dans un institut biblique à peine inauguré où elle
étudia et travailla jusqu’en 1925.
Les motivations du couple peuvent donc, en partie, s’expliquer dans
un premier temps par l’influence des parents de Daniel qui étaient euxmêmes missionnaires, et dans un second temps par une connaissance
relativement bonne du monde africain, d’autant plus que Daniel et Laure
y étaient nés et y avaient grandi.
La troisième motivation pourrait être l’influence de M. Artur
BLOCHER, professeur d’histoire de la mission et pasteur de l’Église du
Tabernacle, qui caressait l’idée de créer une mission en Afrique de
l’ouest, plus particulièrement dans la colonie de Côte d’Ivoire. Dans son
Fondateur de la Mission de Marseille et du Littoral En octobre 1878, il est
consacré pasteur, l’année suivante, sous les auspices des Églises Libres, par le
pasteur Louis GUIBAL, à Saint-Jean-du-Gard. Deux années plus tard, il fonde
l'École pratique d'évangélisation Félix NEFF. En 1883 Ruben SAILLENS
rejoint la Mission Mac All dont il devient à Paris l'un des directeurs adjoints. Il
fusionne sa Mission de Marseille avec l’œuvre de Mac All pour former la
mission populaire. En juillet 1888 Ruben SAILLENS signe avec ADONIRAM
J. Gordon (1836-1895) et Robert W. Mac All le protocole de constitution d'une
Église baptiste dont il sera le pasteur. De 1895 à 1907 se met en place de
manière progressive l'Association baptiste franco-suisse, dont Ruben
SAILLENS est le représentant auprès des instances baptistes américaines.
SAILLENS refuse le pastorat sédentaire et continue ses campagnes
d’évangélisation et voyages d’étude. Il a, à cet effet, à son actif plusieurs
voyages en Suisse et en Amérique où il sera présenté en 1916 comme « the
Spurgeon of France ». En 1921, il crée un institut biblique à Nogent sur Marne à
Paris d’où partiront plus tard les premiers missionnaires français pour la colonie
de Côte d’Ivoire.
SAILLENS est par ailleurs auteur de plusieurs écrits dont le célèbre recueil de
cantiques sur les ailes de la foi, recueil de référence aujourd’hui pour de
nombreuses églises protestantes.
La phase missionaire 1913-1962 87
enseignement, il revenait sans cesse sur les succès réalisés par le
prophète HARRIS dans cette colonie d’où il fut malheureusement
expulsé pour des motifs politiques. Il encourageait ses étudiants à une
aventure missionnaire dans ce territoire.
Si la formation de Laure et Daniel RICHARD les disposait à être
missionnaires, rien cependant n’augurait la manière dont ils entreraient
de manière effective dans l’exercice de cette fonction et quelles réalités
les y attendaient.
L’appel arriva d’une manière brusque, et seuls des cœurs pleins de
zèle et de foi pouvaient l’accepter
126
. En effet, pendant l’année scolaire
1925-1926, un docteur en théologie du nom de Christian Marck
HAYFORD, effectua une visite à l’institut biblique de Nogent. Jeanne
DECORVET le présente comme un personnage impressionnant :
« Ses lettres d’introduction et ses titres sont impressionnants : il
est docteur en théologie, membre de la société royale de
géographie, recommandé par les plus hautes personnalités :
L’Archevêque de Canterbury, le Président des États-Unis, le roi
d’Angleterre » 127.
Africain de haute stature portant redingote et lunettes cerclées d'or, il
fit le voyage de Londres à Nogent pour rencontrer le directeur de
l'Institut Biblique, sur recommandation d'amis communs dans les cercles
baptistes anglais
128
.
Le Dr HAYFORD était un ressortissant de l'une des plus riches
colonies de la Couronne britannique en Afrique de l'ouest, la Gold
Coast. Il arriva à Nogent en tant que Directeur de la Baptist Church and
Mission, qui est d’Accra, une mission très importante et porteur d’une
demande. Le souci de HAYFORD était de voir des missionnaires
126
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, Paris, Ed. Mission biblique Côte
d’Ivoire, 1972, p. 21.
127
Idem. p. 22.
128
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 22.
88 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
français venir se charger des Églises que sa mission avait fondées à
l'ouest de la Gold Coast, en Côte d’Ivoire car l'administration coloniale,
progressivement mise en place depuis une trentaine d'années, était de
plus en plus tatillonne pour les non-francophones
129
.
L'envoi de missionnaires français était devenu un impératif, la
langue française étant la seule autorisée pour les activités cultuelles
130
.
Concernant le choix de l’institut biblique de Nogent comme destination,
voici ce qu’en dit Jacques BLOCHER, ancien responsable de la Mission
biblique en Côte d’Ivoire et professeur d’histoire de la mission à
l’institut biblique de Nogent :
« Il existe à Londres un comité actif qui soutient à la fois
l'Institut que Ruben Saillens a fondé en 1921 et l'Église du
Tabernacle, dont il est devenu le pasteur honoraire depuis que
son gendre, Arthur BLOCHER, lui a succédé au pastorat en
1905. Les amis qui composent ce comité sont des représentants
de l'aile “spurgeonienne” d'un baptisme anglais marqué par un
certain pluralisme théologique. Il n'est pas surprenant qu'avec
des amis du même cercle – les bénéficiaires de la générosité des
baptistes anglais forment une famille répartie sur tous les
champs de mission – HAYFORD songe à s'adresser à Saillens.
Cette remarque peut être complétée par un constat : pour celui
qui vient en 1925 recruter en France des missionnaires de
convictions baptistes, le choix n'est pas caractérisé par
l'abondance. Il n'existe guère aucun autre établissement de
formation biblique qui affiche les couleurs de l'orthodoxie.
Pourtant, tout baptiste que soit Saillens, l'œuvre qu'il a fondée en
129
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 22.
Comme nous l’avons évoqué plus haut, avec la première Guerre mondiale,
l’administration coloniale observe une grande méfiance à l’endroit des
missionnaires étrangers. C’est en 1915, que le prophète HARRIS est expulsé de
la colonie de Côte d’Ivoire parce qu’il ne parle pas le français.
130
La phase missionaire 1913-1962 89
1921 l'a été sur une base évangélique non-dénominationnelle,
avec une confession de foi neutre sur la question du baptême.
Lorsque HAYFORD arrive à Nogent, l'Institut Biblique a tout
juste, quatre années d'existence. R. SAILLENS est depuis une
trentaine d'années l'un des chefs de file du baptisme français, et
certainement son représentant le mieux connu du monde anglosaxon. Il est aussi, au sein du protestantisme francophone, l'un
des porte-parole de la ligne orthodoxe. Pour les chrétiens
évangéliques, il s'agit de mener le combat spirituellement
stratégique contre les vues “modernistes”, alors nombre
croissant à prédire la victoire finale de la théologie nouvelle.
Dans les mois qui avaient précédé la constitution de l'Institut
Biblique, les Églises baptistes françaises avaient traversé une
crise dans laquelle la question du libéralisme théologique avait
lourdement pesé. Pour les Églises les plus soucieuses de la
défense de l'orthodoxie, qui avaient parfois divergé sur la
conduite à tenir dans cette crise, la priorité était à leur propre
réorganisation. Cette situation créait pour Ruben SAILLENS la
nécessité pratique d'asseoir l'école qu'il projetait sur la plateforme d'œcuménisme évangélique à laquelle il consacrait
l'essentiel de son activité depuis 1905. L'Institut se plaçait donc
au service des chrétiens évangéliques de toutes appartenances,
unis dans la profession des “fondements” de la foi biblique. Le
recrutement de l'Institut, où sont représentés les divers fragments
du kaléidoscope évangélique francophone, laissera lui aussi son
empreinte sur les débuts de la Mission Biblique.
On comprend mieux pourquoi les amis de HAYFORD lui
indiquent SAILLIENS comme interlocuteur possible. On peut
même imaginer que HAYFORD ait établi lui-même le lien avec
SAILLIENS par une information directe sur le baptisme français,
90 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
puisque les vicissitudes de ses composantes avaient pu être
suivies “en léger différé” dans la presse chrétienne britannique.
Tel est, au moment où HAYFORD le découvre 1925-1926, le
contexte de l'Institut de Nogent, dont plusieurs traits marqueront
à long terme l'œuvre en Côte d’Ivoire » 131.
L’appel du docteur HAYFORD a été bien entendu par les
responsables de l’Institut. Jacques BLOCHER, lors d’un cours
d’Histoire de la mission, profite pour lancer l’appel à candidature à ses
étudiants parmi lesquels se trouvaient évidemment Daniel RICHARD et
sa fiancée Laure. Ceux-ci, avaient nourri chacun, depuis longtemps le
vœu d’aller apporter l’évangile en Afrique. En plus du fait qu’ils
connaissaient l’Afrique depuis leur enfance, ils avaient la volonté et
aussi des aptitudes à se lancer dans un tel projet.
Laure avait des connaissances dans le domaine de la santé tandis que
Daniel avait les facultés d’un bon enseignant. L’appel lancé par
HAYFORD et transmis par le professeur BLOCHER les avait touchés
tout particulièrement. Ils décidèrent alors d’y répondre favorablement.
Daniel et Laure venaient ainsi de s’engager dans une aventure encore
très loin de livrer ses réalités. Cependant, la décision prise, il fallait
maintenant passer aux préparatifs de la mission. Ayant pris
l’engagement de partir pour la colonie de Côte d’Ivoire, ils devaient
prendre un certain nombre de dispositions.
D’abord, les deux fiancés devaient concrétiser leur engagement, l’un
envers l’autre. Ils se marièrent en juillet 1926 à Oran, après s’être fait
baptiser quatre mois plus tôt précisément le 18 avril 1926 à l’Église du
Tabernacle
132
à laquelle ils ont décidé d’appartenir désormais.
131
Jacques BLOCHER, « Pourquoi la mission biblique est-elle née en 1927 ? »,
in Fac-réflexions, n°44, 1998
132
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 23. Concernant l’Église du Tabernacle, c’est
une église baptiste créée en 1921 à Paris. Elle est née de l’activité déployée par
Ruben SAILLENS au sein de la mission populaire évangélique créée en 1883
par la fusion de la mission fondée par Mac All en 1872 (la mission aux ouvriers
de Paris) et celle fondée en 1878 par SAILLENS à Marseille.
La phase missionaire 1913-1962 91
Etant engagés par une mission anglaise, ils devraient en connaitre la
langue. C’est pourquoi ils durent partir en Angleterre, en cette année
1926, pour apprendre l’anglais
133
. Après ce stage qui prit fin en février
1927, le docteur HAYFORD confirma le départ du couple pour la
colonie de Côte d’Ivoire, mais sans lui, comme prévu, car il devait aller
aux États-Unis pour tenter d’y récolter des fonds.
Il paya alors leur titre de voyage, fixa le montant mensuel de leur
traitement
134
avec la garantie nécessaire quant à leur réception et leur
installation en Côte d’Ivoire :
« A Dabou, mon ami, M. Edwards, de la société King, vous
attend. Voilà une lettre de lui qui vous servira d’introduction.
Vous irez visiter les postes missionnaires que j’ai créés à Pass, à
Chaba et dans plusieurs villages. Vous choisirez vous-mêmes le
meilleur emplacement pour votre maison. Les chrétiens vous
aideront à la construire. » 135
Le jeune couple partit en février 1927, et débarqua à Grand-Bassam
le 21 mars. Mais à leur arrivée, Daniel et Laure RICHARD constatèrent
avec tristesse que, premièrement, la société King qui devait les recevoir
a fermé depuis longtemps et le souvenir de son responsable M. Edwards
avait disparu même des mémoires ; deuxièmement, que les Églises du
docteur HAYFORD pour lesquelles les deux jeunes missionnaires
133
Ils étaient allés se former au All Nations Bible College, un établissement qui
venait à peine d’être construit.
134
Il convient toutefois de relever que la relation qui liait HAYFORD au jeune
couple missionnaire était un contrat. Il serait donc exagéré de soutenir que les
missionnaires partent en Côte d’Ivoire parce que simplement touchés par l’appel
du Seigneur. Il y avait donc à côté de cette vocation que l’on ne saurait leur nier,
la recherche d’un mieux être d’autant plus que la période de l’entre-deux-guerres
a été en Europe et particulièrement en France une période de difficultés
économiques.
135
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 24. Avant leur départ, HAYFORD avait remis
au couple missionnaire deux lettres qui devraient faciliter leur insertion. L’une
était destinée à Edwards de la société King, qui devait les recevoir à Dabou et
l’autre au gouverneur de l’AOF à Dakar.
92 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
étaient engagés étaient introuvables
136
et le champ missionnaire décrit
par ce dernier est occupé par une autre mission. C’est M. FLETCHER,
un missionnaire de la Mission méthodiste sur place depuis 1925 qui les
hébergea et le comble, leur employeur, le docteur Mark HAYFORD ne
donnait aucun signe de vie.
Laure et Daniel RICHARD se retrouvèrent sans aucune Église où
commencer l’œuvre. Sans aucun champ missionnaire et sans aucun
soutien dans la colonie où l’hostilité de la nature était le premier ennemi
de l’homme blanc. Comment peut-on expliquer une situation aussi triste
que choquante ? Mauvaise foi ou trahison de HAYFORD ? Un
renversement de situations après le passage de celui-ci
?
Une chose était certaine, Laure et son époux devraient désormais
faire face à d’autres réalités.
2.5 La naissance de la Mission Biblique en Côte
d’Ivoire (1927)
Face à cette situation de confusion totale, ils décidèrent de solliciter
le soutien de leur Église d’origine, l’Église du Tabernacle. Celle-ci, sans
tenir compte des nombreux défis auxquels elle devait faire face, accepta
d’épauler ces missionnaires en créant une « mission biblique » en Côte
d’Ivoire, avec pour pionniers, le couple RICHARD.
J.E. BLOCHER rappelle ici les circonstances de la création de cette
mission :
« Il est utile (…) de tenter une rapide esquisse de la relation qui
unit le Tabernacle de Paris aux Églises de Côte d’Ivoire. Trois
étapes, me semble-t-il, peuvent être délimitées dans ces soixante
quinze ans (dépassés) d’histoire commune et communautaire. La
première de ces étapes est le temps de l’Église pionnière, qui
136
Dans le prospectus donné par HAYFORD, il était fait mention de 14 Églises
créées par la « Baptist Church and Mission » qui attendaient impatiemment le
couple missionnaire.
La phase missionaire 1913-1962 93
s’ouvre en 1927 et se poursuit jusqu’à la guerre. C’est le temps
de la fondation, par le Tabernacle juste implanté rue Belliard, à
travers des circonstances d’apparence rocambolesques mais
conduites par le Seigneur en réalité, d’une œuvre de mission
étrangère et lointaine, à la Côte d’Ivoire.
Le fait déclencheur de l’engagement missionnaire a été déjà un
fait de solidarité, la solidarité du Tabernacle avec un couple de
ses membres à peine débarqué sur la côte ivoirienne : on sait que
Daniel et Laure RICHARD, jeunes diplômés de l’Institut Biblique
de Nogent, au lieu d’être accueillis par la mission qui les avait
recrutés, se sont retrouvés dépourvus de tout employeur. Les
Églises vers lesquelles on les avait envoyés avaient disparu ou
étaient déjà prises en charge par d’autres. C’est ainsi que le
Tabernacle est entré en 1927 dans l’aventure missionnaire en
Côte d’Ivoire par deux de ses membres déjà sur place. Cette
initiative était celle d’une Église populaire, qui ne comptait pas
de “riches”, et qui était indépendante – isolée aussi ! – de toute
organisation. Cet effort d’abord si fragile, porté par un groupe
de chrétiens d’à peine plus de deux cents membres, reçoit assez
tôt du Seigneur ses premières confirmations, et tout d’abord dans
les capacités à l’œuvre que démontrent aussitôt les pionniers.
C’est pour toute l’Église un temps d’engagement total. L’œuvre
en Côte d’Ivoire, aussi connue dans le monde anglo-saxon
comme la "Paris Tabernacle Mission", est dirigée par le seul
Conseil de l’Église. Il n’est pas exagéré de considérer que
l’Église accomplit alors une œuvre pionnière collective.
C’est encore de son sein que sortiront, dès le début des années
1930, les premiers renforts. Ce sont des années d’attente
impatiente du courrier qui à l’époque, met trois semaines pour
parvenir de Côte d’Ivoire jusqu’en France, et deux fois par mois
seulement... Ce courrier apporte, mois après mois, l’écho
94 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
circonstancié
des
premières
explorations,
des
premières
conversions, des premiers collaborateurs africains, des premiers
baptêmes… » 137.
Ce fut donc pour l’Église du Tabernacle, une période de véritable
engagement missionnaire marquée par un fort soutien de tous les
membres aux missionnaires engagés sur le champ missionnaire de la
Côte d’Ivoire.
En 1927 donc, après l’accord de l’Église pour épauler le couple
missionnaire, accord concrétisé par la naissance de la Mission Biblique
de Côte d’Ivoire, Arthur BLOCHER entreprit les premières démarches
pour délimiter le domaine d’action de la mission. Pour éviter les
chevauchements avec la Mission Méthodiste déjà installée, ce dernier se
rendit à Londres pour délimiter avec celle-ci, les terrains d’action
respectifs de chacune des œuvres
138
.
La charge revint alors à la Mission Biblique de Côte d’Ivoire, de
s’occuper de l’évangélisation des populations du sud-ouest, précisément
à partir de la région de Sassandra où les appels des populations à
l’endroit des missionnaires devenaient de plus en plus pressants
139
.
Au total, la naissance de la mission biblique en Côte d’Ivoire est le
fruit de plusieurs années de sacrifices consentis par de nombreux
serviteurs de Dieu aux itinéraires souvent différents. Cette œuvre fut
entamée par des précurseurs Africains, William Wade HARRIS et
Marck Christian HAYFORD, relayés par des missionnaires français,
notamment le couple Laure et Daniel RICHARD. HARRIS, pionnier des
pionniers du protestantisme ivoirien serait parvenu certainement à créer
l’une des plus grandes communautés protestantes au monde si
137
Retranscription de l’historique des relations entre l’Église du Tabernacle et
l’UEESO fait par JACQUES Etienne BLOCHER. Cf. L’appel Côte d’Ivoire
Haïti, N°spécial, Solidarité Côte d’Ivoire 2003, p. 5.
138
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 31.
139
Idem.
La phase missionaire 1913-1962 95
l’administration coloniale française n’avait pas manifesté à son égard
une hostilité troublante.
La relève assurée par le célèbre Docteur africain Christian Mark
HAYFORD ne connut pas de véritable succès compte tenu de l’attitude
de la même administration coloniale française. L’hostilité de la France
vis-à-vis des protestants, particulièrement d’origine anglaise constitua
un véritable frein à l’essor du protestantisme en Côte d’Ivoire.
Le racisme anti nègre joua aussi contre le progrès de l’Evangile dans
la colonie. En effet, les premiers évangélistes et prophètes africains qui
affluèrent en Côte d’Ivoire dès le début du XXe siècle, ont tous été
réprimés.
La décision de HAYFORD de recourir à des missionnaires français
en 1925 fut enfin la voie la mieux indiquée pour asseoir sereinement une
mission protestante. Plusieurs facteurs militaient en faveur d’une facilité
de recrutement. Laure et Daniel RICHARD acceptèrent de se rendre en
Côte d’Ivoire pour s’occuper des convertis de HARRIS et de
HAYFORD. Mais très vite la réalité du terrain contrasta avec la
description faite par le révérend HAYFORD et surtout, contre toute
attente, le couple missionnaire perdit toutes traces de son employeur.
C’était désormais par la foi que Laure et Daniel RICHARD décidèrent
de rester dans la colonie où la nature était le premier ennemi de l’homme
blanc. Leur recours à l’Église du Tabernacle de Paris favorisa la
naissance de la toute première mission protestante d’origine française en
AOF.
Nous pouvons donc retenir que la naissance de la MBCI est le
résultat final d’actions conjuguées de prophètes noirs et de missionnaires
français. Ni la répression de l’administration coloniale, ni la déception
du couple de missionnaires français, ni l’hostilité de la nature ne purent
empêcher la naissance de cette mission.
Mais après la naissance de la mission, il était désormais question
d’implanter l’Église, c’est-à-dire faire des convertis et créer une
96 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
communauté de chrétiens. Quelles stratégies la MBCI a-t-elle mis en
place pour atteindre cet objectif ? Ces stratégies ont-elles permis
d’obtenir les résultats escomptés ?
3
L’IMPLANTATION DE L’ÉGLISE :
MÉTHODES ET AMPLEUR (1927-1962)
La période missionnaire (1927-1962) peut être considérée comme la
période de l’implantation de l’Église. Au cours de cette période, la
mission travailla à la création d’une Église autonome forte et capable de
s’autogérer.
Comment la MBCI parvint-elle à atteindre cet objectif ?
Répondre à cette question nous amènera, dans cette partie, à étudier
dans un premier temps les méthodes d’implantation et d’extension de la
mission et dans un second temps les techniques d’évangélisation.
3.1 Méthodes d’implantation
En 1927, après des moments de difficultés liées à la « mauvaise
piste » tracée par Mark HAYFORD
140
, le couple RICHARD avait fini
par avoir le soutien de l’Église du Tabernacle. Dès lors commence une
période d’intenses activités missionnaires marquée d’abord par la
découverte du champ missionnaire et les efforts d’adaptation aux réalités
du terrain.
Lorsque le couple RICHARD débarqua en Côte d’Ivoire en 1927, il
était prévu qu’il s’installât dans le sud, où HAYFORD, leur employeur
aurait implanté des Églises. Mais quand ils découvrirent que cette zone
140
Cela n’était tout de même pas son intention.
98 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
était déjà occupée par la mission méthodiste, ils s’installèrent dans la
région du sud-ouest, sur proposition de M. FLETCHER, le missionnaire
méthodiste qui les avait reçus :
« Notre mission a reçu un appel venant des villes de la côte
ouest. Plusieurs villages là-bas, vers Sassandra et Tabou
demandent des évangélistes. Notre champ est déjà trop étendu
pour nous. Nous ne pouvons envoyer personne là-bas. M. PLATT
pense que vous pourriez y aller. » 141
Par cet accord tacite, le couple RICHARD eut la responsabilité
d’évangéliser les peuples du sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Cette même
année, M. BLOCHER se rendit à Londres, auprès du comité directeur de
cette mission, pour délimiter avec lui le champ de travail du Tabernacle.
La frontière en fut fixée à l’ouest du petit port de Fresco, jusqu’à la
République du Libéria.
142
C’est de cette même manière que se fit l’installation de toutes les
missions évangéliques en Côte d’Ivoire pendant la période coloniale,
occasionnant un partage de ce territoire. C’est ce que présente la carte
ci-dessous. L’objectif d’un tel partage fut d’éviter les chevauchements et
les concurrences fâcheuses entre ces missions
143
. Ainsi s’installèrent
successivement, la Mission méthodiste anglaise dans le sud de la colonie
en 1924, la Mission Biblique française dans le sud-ouest en 1927, la
CMA américaine en pays baoulé en 1930, la WEC anglaise en pays
Gouro en 1934, la CBFMS dans le nord en 1947 et la FWBM dans le
nord est en 1958
144
.
Le champ missionnaire attribué à la Mission Biblique s’étendait, au
sud, des régions de Fresco et Sassandra jusqu’à celle de Tabou à la
frontière du Libéria. Si les limites est, ouest et sud furent plus ou moins
141
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 31.
R. BLANC, J. BLOCHER et E. KRUGER, Histoire des missions
protestantes françaises, Paris, Flavion, 1970, p. 359.
143
Kognon KÉO, op.cit, p. 66.
144
Idem.
142
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 99
définies, cela ne fut pas le cas pour la frontière septentrionale. A l’est, la
mission faisait frontière avec la mission méthodiste à partir de Fresco
jusqu’au niveau de Lakota comme indiqué sur la carte
145
. Au sud,
l’océan Atlantique constituait une frontière naturelle et à l’ouest la
mission devait se limiter à la frontière avec le Libéria
146
. Mais vers le
nord, aucune limite ne fut déterminée au départ. Cela s’explique par le
fait qu’en 1927, il n’y avait seulement que deux sociétés de mission en
Côte d’Ivoire et le champ étant si vaste, il n’y avait aucun risque de
chevauchement ou de concurrence. La Mission Biblique avait donc la
possibilité de s’étendre le plus loin possible vers l’inter land et c’est ce
qu’elle fit en s’étendant jusqu’à l’ouest montagneux. Son champ
comprenait ainsi une mosaïque de peuples constitués de Krou et de
Mande
Dida
147
148
. Il s’agit précisément des Kroumen, Neyo, Godyé, Bété,
, ensuite les peuples Dan et Wê. Il faut à cette liste ajouter les
Baoulé qui se sont retrouvés dans ces régions forestières du sud-ouest
comme exploitants des richesses agricoles
145
149
.
Kognon KEO, op.cit, p. 96.
R. BLANC, Jacques. BLOCHER et E. KRUGER, op.cit, p. 359.
147
Il est intéressant de rappeler qu’au départ, c’était la région côtière qui devait
être évangélisées par la MBCI. Mais c’est à la suite des voyages d’exploration et
des premiers contacts avec les populations que la mission a opté pour une
intensification de ses activités dans l’ouest montagneux qui semblait très
favorable à l’activité missionnaire.
148
Classification de Ernest ZIHI dans James KRABILL (Dir.) Nos racines
racontées, Récit historique sur l’Église en Afrique de l’Ouest, Abidjan : PBA,
1996, p.174.
149
Rodrigues Mwari KAYA. op.cit, p. 65.
146
100 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Carte 2 : Repartition des Champs de Mission Entre les Missions
Protestantes en Côte d’Ivoire Coloniale
Source : Kognon KEO, op.cit, p. 96
Après la délimitation de leur champ d’activité, les missionnaires de
la MBCI entreprirent une série de voyages d’exploration pour en
découvrir les limites exactes et établir le contact avec les populations
locales.
Déjà au début de l’année 1928, RICHARD effectua une visite aux
anciens groupes Harristes de la région de Sassandra en pays Neyo. Cette
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 101
visite lui permit de découvrir avec émotion les ruines de la mission de
HARRIS :
« Avec quelle tristesse, je découvre dans plusieurs autres
villages, les ruines abandonnées de quelques chapelles
qu’avaient bâties les Neyo »
150
.
Photo 3 : Premiers contacts avec les habitants de la région de Sassandra
Source : Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p101.
RICHARD éprouve aussi une véritable déception face à l’attitude
des populations vis-à-vis du message divin
151
: « Hélas ! Ils sont tout
aussi païens que les autres et ne s’intéressent pas à notre message. »
150
152
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 51.
Cette attitude de ces populations à l’égard des missionnaires blancs suscite
des interrogations qui méritent bien d’être soulevées. L’on peut déjà se
demander pourquoi là où le prophète HARRIS a fait tant d’exploits en si peu de
temps, les « blancs de Dieu » ont du mal à s’installer. Ce prophète libérien avaitil été plus concret et plus convaincant que ces missionnaires français ? Comment
peut-on expliquer la réticence des populations vis-à-vis du message porté par les
151
102 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Au cours de cette même année 1928, RICHARD fit un autre voyage
à Buyo. Car l’année précédente des chrétiens installés dans cette localité
avaient envoyé une délégation auprès des missionnaires les invitant à
leur rendre visite :
« Trois hommes drapés dans de beaux pagnes bariolés se
présentèrent à la maison Kong. Ils voulaient voir le "blanc de
Dieu". Ils déclarèrent venir de loin, de la grande forêt. (…)
"D’où venez-vous exactement ? Demanda le jeune missionnaire".
RICHARD ? Pour notre part, nous pensons que deux facteurs différents, mais
complémentaires peuvent expliquer ce fait :
- Dans un premier temps, il convient de relever la différence des méthodes
d’approche. En effet, pour HARRIS, il faut répondre directement aux aspirations
des populations en proposant des solutions concrètes à leurs problèmes. Le
« prophète noir » s’est ainsi particulièrement intéressé aux problèmes angoissant
de la sorcellerie et des féticheurs. Défiant sorciers et féticheurs, HARRIS se
livrait publiquement à la profanation puis à la destruction des fétiches. A travers
le baptême qui s’ensuivait le plus souvent immédiatement, le prophète mettait
ainsi ses fidèles en confiance, les rassurant de la protection divine.
Aussi, l’apparence étrange que présentait le prophète a dû avoir un impact
psychologique sur les populations. En fait, les populations africaines sont plus
sensibles à tout ce qui paraît extraordinaire et émotionnel. Le prophète, luimême africain, connaissait bien les siens et avait ainsi trouvé les moyens
nécessaires pour les convaincre.
A l’inverse, la méthode classique d’évangélisation adoptée par les missionnaires
français – annoncer l’amour Dieu et laisser le Saint-Esprit agir- puis la
simplicité avec laquelle ce message est véhiculé ne retiennent pas assez
l’attention des populations, qui, pour l’essentiel sont en quête d’une solution
immédiate et spectaculaire.
- Dans un second temps, nous croyons que l’identité africaine du prophète a
contribué énormément à son succès. En effet, le passage du prophète dans la
colonie de Côte d’Ivoire s’est fait à une période assez difficile pour les
populations indigènes. C’est la période de la pacification où le colonisateur
procède déjà à la soumission des populations locales et à l’implantation des
éléments de la civilisation occidentale. Dans cette période particulièrement
douloureuse, l’arrivée d’un prophète africain semble un motif de satisfaction et
un facteur de résistance religieuse à la colonisation française. Or, les RICHARD,
eux-mêmes français, n’avaient pas les mêmes chances d’être écoutés.
152
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 51.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 103
"De Buyo, au bord du grand fleuve Sassandra. Nous t’avons déjà
envoyé quelqu’un et tu as promis de venir jusqu’à nous" ». 153
C’est donc pour répondre à cet appel pressant que RICHARD
entreprit ce voyage très périlleux à cause des mauvaises conditions de
déplacement. Il y découvrit une dizaine de familles de chrétiens
anglophones voulant être instruits.
L’année suivante RICHARD y effectua un second voyage au cours
duquel il baptisa deux nouvelles personnes.
En octobre de cette même année, il visita l’arrière pays. En effet,
profitant d’un camion de la SCOA qui ramenait les ouvriers Yacoubas et
Guérés chez eux, il effectua sa première visite vers le nord
154
,
accompagné de BONGUE, un Yacouba de Man dont il avait fait la
connaissance en Basse-Côte.
Photo 4 : Première visite de DANIEL chez les Yacoubas en 1928.
Source : Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p101.
153
Idem. p. 57.
Il s’agit de la partie septentrionale de son champ mission et ne correspond
donc pas au nord de la colonie.
154
104 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Parti de Sassandra, il traversa Daloa avant d’atteindre Man. Dans
cette dernière région, il se trouva en présence de populations très
ouvertes à l’évangile, mais manquant de missionnaires. Voici ce qu’écrit
Jeanne DECORVET à propos de l’intérêt accordé par les populations de
Man au message de Daniel lors de son premier voyage :
« A mesure que BONGUE traduit, Daniel voit les visages de ses
auditeurs exprimer l’étonnement et la joie. Un vieillard
s’approche lui prend les mains et les serre avec effusion.
Encouragé, Daniel annonce la venue du sauveur et montre un
évangile en Bambara, langue que comprennent les Dioulas.
Un vieux le prend, avec respect, l’examine minutieusement, le
tourne et le retourne.
"Moi et mon peuple, affirme le chef, nous sommes prêts à te
recevoir et à t’écouter. Tes paroles sont bonnes et vraies. Quand
reviendras-tu ?" Il fait un signe et deux poulets sont offerts au
jeune blanc stupéfait qui s’en retourne émerveillé de l’accueil
fait à son message. » 155
C’est l’un des plus grands défis de la mission d’autant plus que les
Malinké du nord, peuple quasiment musulman, exercent une forte
influence sur les Yacoubas et plus particulièrement ceux de Man
155
156
.
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 67.
Depuis plus d’un siècle, les Dan entretiennent des rapports « ambigus » avec
les Malinké, leurs voisins du Nord qui ont longtemps détenu le monopole de
l’économie de marché. Les Dan n’ont jusqu’à la période coloniale connu qu’une
économie de subsistance basée essentiellement sur les cultures vivrières et
particulièrement le manioc et le riz d’altitude. Les Malinké achetaient ou
échangeaient le surplus de la production au moment de la récolte, les stockaient
et les revendaient aux mêmes Dan au moment de la soudure. Le plus souvent,
les Dan étaient endettés à l’égard des Malinké. Ces derniers encourageaient ce
genre d’endettement. Il arrivait souvent que les jeunes filles servent de monnaie
d’échange. Beaucoup de dettes ont donc été épongées à l’occasion de mariage.
Les enfants issus de ces unions, se sentent à la fois Dan et Malinké. En effet, ils
parlent la langue dan et épousent les habitudes commerciales des Malinké et
sont pour la plus part musulmans. Ceux-ci ont contribué à favoriser le
156
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 105
Le mois suivant, RICHARD entreprit un second voyage, plus long
avec plusieurs étapes, au terme duquel il se rendit en France. Au cours
de ce dernier voyage, il visita les localités de Gagnoa, Divo, Dabou,
Yamoussoukro, Daloa, Man, Touba avant de rejoindre la Guinée d’où il
embarqua pour la France. Dans toutes les localités sillonnées, le constat
était le même : population assoiffée d’évangile et manque de
missionnaires protestants.
En 1931, revenu de son voyage en métropole, Daniel RICHARD fit
une autre visite dans le nord, qui lui permit de découvrir la localité de
Guiglo et de recenser les besoins des populations de Man. Ce même
voyage le conduisit dans la localité de Danané où la population était
fortement ancrée dans le paganisme. Cet extrait du rapport du chef de
subdivision de ladite localité insiste sur cette réalité :
« Plutôt arriérés, leurs coutumes, leurs meurtres rituels se
pratiquent encore et j’ai pu faire la preuve qu’une victime a été
cuite et mangée. (…) Voici les pièces du procès, c’est un cas qui
se passe en ce moment devant le tribunal. Vous le voyez, une
fillette de six ans a été tuée à coups de bâton et de machette par
un sorcier nommé Do et une femme appelée Nan, elle a fait cuire
le corps avec du sel et du piment » 157.
L’année suivante, en 1932, c’est le tour de Rabo-Tiboto de recevoir
le missionnaire répondant à l’appel d’Ibadio Iyé, un prédicateur converti
au Ghana et fondateur d’une Église dans son village dès son retour de la
Gold Coast. Les autorités villageoises menaçant de détruire cette Église,
Ibadio se rendit à Sassandra pour solliciter le soutien des RICHARD.
prosélytisme musulman chez les Dan. Combattre donc cette forte influence
musulmane et surtout la freiner était l’un des défis peut être inavoué de la
Mission Biblique.
157
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 105.
106 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Carte 3 : Les Voyages d’Exploration de Daniel Richard (1928-1931) 158
Source : Carte élaborée par nos soins sur la base de la synthèse de nos
enquêtes.
Ces voyages d’exploration effectués par Daniel RICHARD
permirent d’identifier les différents problèmes liés à l’œuvre
d’évangélisation.
Le
plus
grand
problème
était
celui
de
la
communication du fait de la diversité des peuples et la multiplicité des
langues vernaculaires.
159
Daniel RICHARD dû apprendre le malinké,
langue commerciale utilisée dans la colonie de Côte d’Ivoire.
158
Nous avons réalisé cette carte sur la base de la synthèse de nos informations
sur les activités de la M.B.C.I.
159
Le champ missionnaire de la MBCI qui s’étendait du sud-ouest côtier à
l’ouest montagneux regroupait deux grands groupes linguistiques, les Mandé et
les Krou, comprenant les ethnies suivantes :
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 107
Une fois arrivés en terre africaine, l’opération immédiate consistait à
trouver une concession, généralement en milieu rural pour construire la
maison du missionnaire. Dans cette concession qui comportait en
général plusieurs hectares, se développait progressivement une chapelle,
une école, un centre de santé, un orphelinat, une imprimerie… Et très
vite quelques éléments de la technologie occidentale : électricité,
véhicules, tracteurs, piste d’aviation (….). « C’est là que, à l’instar des
habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de tout le pays des environs
du Jourdain, des gens venaient voir le blanc de Dieu. »
160
La station missionnaire était d’abord la résidence des missionnaires,
ensuite celle du personnel de la station et des convertis qui acceptaient
de se soumettre aux régulations de la mission. C’était une ville
chrétienne, généralement en milieux rural, une « ville rurale » qui offrait
beaucoup d’avantages pour la vie
161
. On y trouvait des possibilités de
travail, quelquefois l’exemption d’impôt et surtout de contact avec le
monde civilisé de l’occident, la clé du bien être social et du
« développement »
162
.
Les premiers missionnaires de la Mission Biblique en Côte d’Ivoire,
s’attelèrent dès leur arrivée, à trouver un espace pour la construction de
la première station.
« Daniel
avait
repéré,
au-delà
de
Guéssigo,
un
joli
emplacement couvert de brousse et de palmiers. Il dominait une
Pour le groupe Krou : les Kroumen, les Neyo, les Godié, les Dida, les Bété, les
Guéré et les Wobé.
Pour le groupe Mandé : Les Mandefu constitués surtout de Yacouba et de Toura.
160
André Kouadio KOUASSI, Les méthodes d’évangélisation utilisées par les
missions évangéliques en Côte d’Ivoire, Veaux-Sur-Seine, 1975, Mémoire de
Licence, p. 28.
161
Il faut tout de même signaler que, même si la station missionnaire était
généralement en marge de la Société indigène, les relations des missionnaires
avec la communauté villageoise étaient toujours entièrement exclusives. A
Daloa, par exemple, le missionnaire HUSSER était considéré par les convertis
comme leur papa.
162
Georges Pirwoth ATIDO, op.cit, p. 7-8.
108 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
petite baie enserrée entre deux promontoires rocheux. La vue sur
l’océan s’étendait à l’infini. On voyait les vagues se briser, en
grandes gerbes d’écumes, sur les rochers de granit noir. Au fond
de la baie, derrière sa palissade de bambous, se blottissait le
village de Batélébré, C’était, à deux km de Sassandra, un endroit
idéal pour une station missionnaire. Le pionnier y délimita un
terrain d’environ 3000m2 et déposa une demande de concession
auprès de l’administrateur. » 163
Installés, au départ dans un campement, les missionnaires
construisirent leur première concession officielle à Sassandra au début
de l’année 1928. En 1934, d’autres stations missionnaires furent
ouvertes à Man et à Daloa.
Photo 5 : Station missionnaire de Batelebre (Sassandra), crée en 1928 :
première station missionnaire de la MBCI
Source : Photo Alexis DEA -28 septembre 2012
163
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 54.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 109
Photo 6 : Premier pied à terre à Man en 1930
Source : Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p101.
Particulièrement, les stations missionnaires de la MBCI installées
dans les centres urbains constituaient la base de l’activité missionnaire.
Lieux de vie des missionnaires à l’image du poste pour l’administration
coloniale, la station était le centre administratif de la mission : lieux de
formation des évangélistes et des responsables locaux, la station
regroupe ainsi les différentes structures d’encadrement et de formation.
Celle de Daloa abritait une chapelle (1934), un collège (1947), une école
primaire et plus récemment un centre de formation professionnel (1964).
Celle de Man, l’institut biblique et théologique fondé en 1957.
La station est aussi le lieu où fonctionnent les œuvres sociales de la
Mission : la pouponnière de Man créée en 1947 est logée dans l’enceinte
de la station missionnaire. Le missionnaire, personnage principal de la
station était généralement perçu comme un homme fort. Il jouissait d’un
standing de vie supérieur. Seule personne à rouler en véhicule, il était
aussi perçu comme un homme riche.
110 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Photo 7 : Un bâtiment du motel de la station missionnaire de Daloa
Source : Photo Alexis DEA – 08/07/2012
Photo 8 : Chapelle de la station missionnaire de Daloa
Source : Alexis DEA – 08/07/2012
A la fois, prédicateur, employeur, gestionnaire, trésorier, donateur,
« maire » de la station, juge… il était craint, respecté et très écouté. Cela
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 111
lui valait souvent l’appellation « Blanc de Dieu ». Sa décision sur la
station était souvent irrévocable
164
164
.
Le principe de fonctionnement des stations missionnaires est fortement
critiqué par Georges P.A., pour qui les insuffisances liées au fonctionnement des
stations missionnaires se retrouvent à plusieurs niveaux. En premier,
l’organisation de la vie, autour du seul missionnaire, place celui-ci dans une
situation de supériorité absolue. « Il est l’homme fort, le monde vient vers lui, le
monde a besoin de lui, pour bien l’approcher, il faut connaître sa culture, sa
langue, son tempérament, ses lois, ses principes…. Ainsi on peut avoir accès à
ce qu’il a de précieux, qui souvent est le matériel et rarement le spirituel. »
Il relève ensuite les différents problèmes liés aux stations missionnaires, plus
particulièrement en Afrique. Il s’agit :
Du légalisme, c'est-à-dire essayer de d’atteindre la Justice exigée de Dieu et
de Lui plaire en observant un système de lois, de règles ; voire en ajoutant des
nouvelles exigences à ce qu’Il a établi.
Le sécularisme : La structure et les besoins de la mission s’étant accrus,
l’administration de la station missionnaire a conduit à une organisation du type
séculier avec beaucoup de départements. La station missionnaire a ainsi déraillé
de son fonctionnement comme entité ecclésiale pour fonctionner comme toute
autre organisation séculière avec des régulations professionnelles. Dans cette
mesure, la dimension spirituelle a été léguée au second plan, ce qui a fait que
l’Église a fonctionné plus comme une institution que comme Corps du Christ.
Le syncrétisme : Dans la stratégie des stations missionnaires, l’évangélisé
devait chercher l’évangélisant, ce qui est contraire au principe sacrosaint de la
mission (La mission consiste essentiellement à « aller vers », par ex. Dieu vers
Adam et Eve, Jésus vers la nation d’Israël, les disciples vers les autres nations
du monde, etc.), l’Africain s’est retrouvé dans l’obligation de s’adapter ou de
feindre de s’adopter à la vision du monde occidentale tout en gardant aussi sa
vision du monde. Et dans la vie quotidienne, le besoin de relation avec le monde
des esprits est resté intact. D’où, il fallait chercher à aménager le christianisme
du Blanc et l’animisme du Nègre.
Le dualisme : Sous les pressions du leadership de la mission, les convertis se
sont retrouvés dans l’obligation d’avoir une double personnalité. Sur le plan
culturel, ils sont restés des Africains mais devraient se comporter comme des
occidentaux étant dans une « cité occidentale » en Afrique. La manière d’adorer,
les instruments musicaux, les protocoles de mariage, les vêtements, les noms, les
règles de politesse, le mode de vie…, tout devait être plus ou moins
occidentalisée en vue d’harmoniser les violons. Beaucoup ne sont ainsi pas
parvenus à établir la ligne de démarcation entre le christianisme et
l’occidentalisme. Dans la confusion, la solution était d’avoir une double
personnalité cultuelle : un peu Africain, un peu Européen.
Le paternalisme : La relation entre les missionnaires et les églises se sont
malheureusement développées dans la direction paternaliste et ceci surtout sur
l’aspect matériel et organisationnel. Ceci a fini par avoir des répercutions même
sur le spirituel. La maturation des Chrétiens a été dans une large mesure
112 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le programme du discipolat qui se déroulait au sein de la station
était généralement centré sur le culte dominical. Le catéchuménat,
l’école du dimanche, l’étude biblique, des camps bibliques, etc., sont
d’autres ingrédients qui s’ajoutaient parfois à ce programme.
Un autre critère important justifiant le choix de l’emplacement de la
station était les besoins de l’activité missionnaire. Ainsi, Man était
choisie comme quartier général de la Mission Biblique à cause de
l’intérêt des populations locales pour l’évangile et de l’absence de
missionnaires
protestants
dans
la
région.
C’était
aussi
la
recommandation de M. ROOSEBERRY, responsable de la C.M.A, au
couple RICHARD : « C’est Man qui devrait être le quartier général de
votre mission, la tâche ici est immense… »
165
Le choix de la partie ouest de la colonie était lié à un partage tacite
du territoire entre les différentes missions évangéliques. Ces missions,
pour éviter les chevauchements source inévitable de conflits, avaient
opté pour ce type de partage. Ainsi, la Mission Méthodiste s’installa
dans le sud, la Mission Biblique, dans le sud-ouest, la CMA, dans le
pays baoulé, la WEC, en pays Gouro, la CBFMS, dans le nord et la
FWBM, dans le nord-est.
Pour prévenir les conflits de coexistence entre convertis et non
convertis, les missionnaires trouvèrent nécessaire de regrouper les
quelques chrétiens dans des campements à côté de certains villages
pénétrés par l’évangile. Ce sont les autorités de ces villages qui, pour
perturbée par ce phénomène. L’effet le plus frappant aujourd’hui est celui de la
faible prise de responsabilité des Africain dans la propagation de l’Évangile. En
effet, les Chrétiens Africains se sont considérés comme des receveurs universels
: le financement de la propagation de l’évangile n’est pas leur affaire mais plutôt
celui du monde occidental. Ainsi l’Africain est passé à Côte de la Grande
Commission, celle d’aller dans le monde entier et de faire de toutes les nations
des disciples (Matt 28 : 18 à 20) pour se considérer comme perpétuel champ de
mission.
Le Nominalisme, c'est-à-dire le fait d’avoir un grand nombre de personnes
qui se disent Chrétiens mais ne confessent pas Christ dans leurs actes et
conduites.
165
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 73.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 113
éviter les altercations entre non convertis et convertis ne respectant plus
les interdits collectifs, leur accordaient ces lopins de terres, pour
construire le lieu de culte et le village chrétien. C’est ainsi que naquirent
dans les années 1950 ces petits villages chrétiens tels Bethlehem à
Goutro à une vingtaine de kilomètres de Danané et Béthanie à Yelleu
dans la région de Zouan-Hounien.
3.2 L’évangélisation
3.2.1 La méthode d’évangélisation : le contact direct et le rôle
des évangélistes locaux
Dès leur arrivée dans la colonie de Côte d’Ivoire, les missionnaires
comprirent la nécessité de s’appuyer sur les fils du pays pour la
« conquête des âmes ». Leurs premiers efforts consistèrent donc à nouer
des contacts avec des ressortissants des régions cibles qui leur
serviraient de porte-paroles ou d’interprètes. Ces derniers jouèrent un
rôle très important dans l’évangélisation du pays. En effet convertis pour
la plupart en Basse-côte, ils s’érigèrent en véritables évangélistes ou
servirent de guide aux missionnaires.
C’est ainsi que pour évangéliser, Daniel RICHARD procédait
souvent par un contact direct avec la population en s’appuyant sur un
natif du pays. Leur peau blanche qui attirait l’attention facilitait le
contact avec les autochtones dans les villages, sur les marchés et
partout.
166
Pour pouvoir parler dans un village, il suffisait d’en
demander la permission au chef du village qui mettait à leur disposition,
soit la place publique du village sous un arbre, soit la cour intérieure
même du chef. L’accueil spontané était un facteur favorable ; la place
publique était tout de suite noire de monde. Tout le village se réunissait
à l’invitation du chef ou attiré par les chants religieux
166
167
.
J. RIEDER, lettre-réponse du 24.8.1973.
André Kouadio KOUASSI, Les méthodes d’évangélisation utilisées par les
missions évangéliques en Côte d’Ivoire, op.cit, pp. 29-30.
167
114 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Généralement Daniel RICHARD accompagnait ou se faisait
accompagner d’un fils de la région ou du village à évangéliser. La
présence du fils de la région et l’hospitalité de l’Africain suffisait pour
lui réserver un bon accueil et surtout écouter son message. Les débuts de
son ministère dans la région de Man relatés par le pasteur OULAÏ
Zacharie permettent de bien cerner cette méthode :
« En 1934, les premiers missionnaires, M. et Mme Daniel
RICHARD arrivent à Man au milieu des Yacouba et des Wobé.
A Sassandra, Daniel fit la connaissance d’un ouvrier Yacouba du
nom de BONGUE qui travaillait dans une huilerie de cette ville.
Son contrat ayant pris fin, il décida de renter dans sa ville natale.
Daniel jugea bon d’effectuer ce voyage avec lui (…). Cette
région se trouvait être peu touchée par la civilisation
occidentale. (…). Dès leur arrivée, Monsieur BONGUE proposa
qu’il rende visite à un chef de canton qui se trouvait être son
parent. C’est ce qu’il fit et fut bien reçu, en particulier son ami,
en raison de son caractère étrange, a été traité avec beaucoup
d’égards. Après les salutations, le chef du canton donna la
parole à Daniel comme le veut la coutume des Yacoubas. Ce
contact marqua le début de l’évangélisation de Man et de sa
région. Tout le village était impressionné par le message de paix
et d’amour de RICHARD. Cet accueil favorable est dû à trois
facteurs principaux :
Comme nous l’avons dit plus haut, les Yacoubas étaient peu
touchés par la civilisation occidentale. Pour la grande partie de
l’auditoire, c’était la première fois de voir un blanc.
Un fils de la région est venu de la Basse-côte avec un ami et cela
n’est pas à prendre à la légère chez les Yacoubas.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 115
Les habitants de cette région avaient un caractère de type
sanguin, si bien qu’ils réagissent spontanément.
Voici donc le premier séjour, bref mais fructueux que M.
RICHARD a fait à Man avant de partir à Sassandra. » 168
Jeanne DECORVET consacre elle aussi quelques lignes de son livre
à l’arrivée du missionnaire et de son guide dans cette région de Man
169
:
« Leur arrivée fit sensation, les blancs sont rares à Man et ne se
rendent guère dans les villages. La foule grossissait autour d’eux
au fur et à mesure qu’ils approchaient. Il y avait les Yacoubas et
les Dioulas reconnaissables à leurs gandouras. Ils arrivèrent à la
case du chef (…). Daniel est reçu avec beaucoup d’égards, il est
invité à parler » 170
Si l’évangélisation était à ses début, l’œuvre des missionnaires, elle
ne connut un véritable succès qu’avec les premiers convertis qui,
prenant le relai, deviennent de véritables propagateurs de l’évangile. La
Mission Biblique en Côte d’Ivoire n’aurait jamais réalisé de véritables
succès si elle n’avait pas compris l’importance de s’appuyer sur les
indigènes pour l’œuvre d’évangélisation.
Le contexte même de l’installation, les difficultés de communication
et d’adaptation des missionnaires à leur champ de mission constituaient
déjà de véritables barrières à leur activité. Les difficultés rencontrés par
168
Zacharie OULAI, « Histoire de la Mission Biblique et de l’UEESO-CI dans
la région de Man », in s /d James KRABILL, Nos racines racontées, Abidjan,
PBA, 1995, p. 183.
169
Particulièrement remarquables dans la littérature missionnaires sont les
passages relatifs à la première rencontre entre le Blanc et le Noir, où
apparaissent toujours émouvants les rapports entre deux mondes qui se
découvrent ; ainsi Gollmer remarque qu’au marché de Poka « ceux qui n’avaient
jamais vu l’homme blanc accouraient de toutes les directions pour apercevoir
l’étranger merveilleux ». Cf. Gollmer, CMS, Journal, 1845, cité par
SALVAING, op.cit, p. 176.
170
Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 66-67.
116 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Daniel RICHARD lors d’une visite d’évangélisation à Guéssigo dans le
région de Sassandra illustre bien le constat :
« Mais comment se faire comprendre ? Ils appartenaient à
quatre tribus différentes. chaque phrase devrait être traduite
quatre fois : en fanti, en appolonien, en alladjan, en néyo.
Quelle était
la qualité de la traduction ? Chacun de ses
interprètes improvisés comprenait si mal le français ou l’anglais.
Le jeune pionnier touchait du doigt le principal obstacle à
l’évangélisation : la multiplicité des langues dans cette
région. » 171
Le message chrétien paraissait aussi aux yeux des autochtones
comme un message étrange porté par des étrangers. Le fait colonial avec
son corrolaire de violence, d’injustice, de discriminations, de domination
etc., avait sérieusement terni l’image des missions chrétiennes si bien
que la méfiance des populations à l’égard des missionnaires était grande.
Pour réussir à atteindre la masse des indigènes, il fallait s’appuyer sur
d’autres indigènes
172
.
Au risque de nous repéter, il convient de rappeler que ce fut d’abord
des africains noirs des pays et colonie voisins qui avaient posé les bases
de ce qui deviendra plus tard la Mission Biblique en Côte d’Ivoire
171
Idem. p. 53.
Les textes de Jean-Jacques ROUSSEAU, de CHATEAUBRIAND, de
BERNADIN de Saint-Pierre, le romantisme des débuts du XXè siècle, avec leur
exaltation de la nature et du « bon sauvage », offraient aux missionnaires une
toile de fond sur laquelle spontanéité, générosité, s’épanouissaient librement.
Le temps des conquêtes coloniales a été, lui, celui d’une volonté de puissance
qui, pour justifier la conquête elle-même et son cortège de violences, la rudesse
avec laquelle elle imposait un « ordre nouveau », exaltait au contraire le mythe
d’une civilisation occidentale supérieure à toutes celles qu’elle pouvait
rencontrer, quand elle ne niait pas seulement leur existence. Cf. A. ROUX,
Mission des églises mission de l’Église, Paris, Les éditions du Cerf, 1984, 341
p., pp. 88-89. Le ton des relations humaines en a été si radicalement transformé
que les missionnaires, baignant dans cette nouvelle atmosphère, en ont subi plus
ou moins les effets.
172
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 117
(M.B.C.I)
173
. Dès leur installation en 1928 et les premiers contacts avec
les populations et les chrétiens des régions de Sassandra et de Tabou
(1930-1934), le couple missionnaire responsabilisa M. Jones, converti à
Sassandra en lui confiant la région de Tabou précisément Tiboto et le
pays des Ropos.
« La vie transformée de Charles Jones était un témoignge
extraordinaire, tellement que Daniel se demandait si ce n’était
pas l’évangéliste qu’il demandait à Dieu.
Aimeriez-vous travailler entièrement dans l’œuvre du Seigneur ?
Lui demanda un jour Daniel.
Que ferai-je, sinon cela ? répondit Jones, je ne vis maintenant
que pour Dieu ! (…).
Il se révéla un évangéliste très efficace. Il affirmait avec une
chaleur communicative que seul Jésus peut libérer du péché et ne
craignait pas, pour le prouver, d’évoquer son ancienne vie
d’esclave. Les Néyo l’écoutaient avec une attention profonde,
émouvante. » 174
Il avait pour tâche d’accentuer l’évangélisation de cette région et
l’encadrement des âmes déjà gagnées à Christ.
173
Comme nous l’avons démontré plus haut, Mission biblique ne s’est pas
installée sur un champ missionnaire totalement vierge. D’abord, lors de sa
brillante mission effectuée en Côte d’Ivoire en 1913 puis en 1914-1915, William
WADE HARRIS avait sillonné toute la région côtière de la Côte d’Ivoire en
amenant plus de 100.000 personnes à la foi chrétienne. Il avait aussi annoncé
l’arrivée des missionnaires blancs qu’il désignait sous le nom de « blancs de
Dieu ». Dans la région de Tabou et de Sassandra, des communautés HARRIS
s’étaient ainsi constituées. Quelques années plus tard, ce fut le docteur Mark
HAYFORD qui effectue un voyage missionnaire dans la colonie de Côte
d’Ivoire où il crée des églises pour le compte de sa Baptist and Mission Church.
C’est ce dernier qui sollicite l’envoi de missionnaires français dans cette colonie.
Quand Daniel RICHARD et son épouse arrivent en Côte d’Ivoire, leur premier
souci est de rassembler les chrétiens issus de l’évangélisation effectuée par
HARRIS. Nous l’avons déjà développé plus haut.
174
Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 112-113.
118 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
En 1932, c’est Koffi Donko, un ressortissant de la Gold Coast, qui
décide de se consacrer à l’oeuvre d’évangéliste :
« "Ma vie appartient à Dieu , et c’est ma plus grande joie de le
servir", confia-t-il à Daniel RICHARD. Il est achanti, parle
parfaitement bété et dioula. Le couple missionnaire le propose
pour la station de Daloa où il y a un groupe d’ashantis très
engagés et où l’administrateur se montre favorable à
l’installation de la mission 175. »
Déjà, lors de son premier voyage à Buyo, Daniel RICHARD avait
rencontré dans le village de Bokogoué un homme instruit, Gaston Dodo,
qui avait bâti un temple dans son village et qui sollicita une formation
auprès du missionnaire por pouvoir mieux encadrer ses convertis. A
Buyo, Kofi Sam, un jeune chrétien de la Gold Cost, dirigeait déjà une
communauté en plein essor. Il joua un rôle très important dans
l’enadrement des convertis de cette région
176
.
Plus au nord, dans l’ouest montagneux la pénétration de l’évangile et
l’implantation des Églises ne fut possible que grâce à des autochtones
convertis qui avaient décidé de consacrer leur vie à l’évangélisation en
faisant office de missionnaires parmi leur peuple. A Danané, c’est
François BONGA, un
« Dan, également gagné à l’évangile en Basse côte qui va
devenir le pionnier de la région. Conscients de l’importance de
pénétrer cette région nouvelle par un autochtone, les
missionnaires décident d’y envoyer ce ressortissant. François
BONGA est originaire de Danané où son père est très
considéré » 177.
175
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 116.
Idem, p. 75.
177
Charles Daniel MAIRE, dynamique sociale des mutations religieuses :
expansion des protestantismes en CI, mémoire de maîtrise Sorbonne école
pratique des hautes études, Paris, 1975, 276 p.., p. 180.
176
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 119
De nombreux autres évangélistes tels que LOH Philippe,
TOMEKPA Suzanne, GBEADA Joseph, TOUEU Jean, GOMPOU
Elisée,
TOMEKPA
Elie,
WOUEHI
Jean,
KOUAZEU
Isaac,
BLEUKEUWA Albert se joignirent à lui aux débuts des années 1950
pour sillonner les nombreux villages et hameaux du pays dan pour
annoncer l’évangile. C’est grâce à Nathanaël TOKPA VE que l’évangile
put atteindre la région toura au début des années 1950. C’est donc à
juste titre qu’à sa mort en 2004, Jacques RICHARD, son condisciple lui
rende ce vibrant hommage:
« Dieu dans sa grâce s’est servi de lui comme il peut le faire
pour nous, pour exhalter sa gloire et avancer les affaires de son
royaume. Concluons par ce qui, je le crois, est la chose la plus
remarquable dans sa vie : il a été évangéliste, grand évangéliste,
aussi avec…les pieds ! comme Jésus. Comme l’apôtre Paul et
bien d’autres encore. Il passait toutes ses vacances à semer le
bon grain dans cette contrée du nord-ouest, accompagné de
quelques uns de ses élèves (il fut aussi enseignant et directeur
des écoles) qu’il entrainait dans l’aventure. Car c’en était une, je
vous l’ai dit, sur les pistes et les méchants sentiers de montagnes.
Assez souvent, après une longue journée, les villageois refusaient
de l’accueillir. Mais c’est grâce à lui, et à plusieurs autres aussi
dont il faudrait pouvoir évoquer l’obéissance que cette contrée
s’est ouverte à l’Église. Ah ! Seigneur donne nous encore des
hommes comme celui-là ! » 178
Ce témoignage de Jacques RICHARD
179
nous permet de
comprendre sans ambigüité, le rôle de ce pionnier dans la propagation
de l’évangile dans l’ouest montagneux. En pays Wè, de nombreux
178
Cf. L’appel Côte d’Ivoire Haïti, 2004.
Jacques RICHARD est le fils de Daniel RICHARD, premier missionnaire et
pionnier blanc de la MBCI. Il a entretenu d’étroites relations avec l’évangéliste
Tokpa VE qui était pour lui presqu’un ami personnel.
179
120 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
évangélistes comme GUEHI Étienne, DEROU Binjamin, MOUY
Gaston furent de véritables fers de lance de la Mission Biblique dans la
réalisation de son projet d’évangélisation
180
.
Photo 9 : Quelque premiers évangélistes, évangélistes ayant contribué à
la propagation de l’évangile dans les années 1950
De gauche à droite, BAH Samuel et MOUY Gaston : évangélistes et
pionniers en pays Wê.
180
Voir annexe I-4, p. 320.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 121
De gauche à droite GUEHI Étienne et VE Tokpa Nathanaël,
évangélistes et pionniers en pays toura et guéré.
De gauche à droite God is King et DJIBOUDJOU Joseph, évangélistes
dans la région de Tabou.
Source : Jean-Colbert
indestructible, inédit.
GUENAMAN,
L’Église
une
citadelle
122 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Si la méthode d’évangélisation - le contact direct employé par les
missionnaires et les premiers évangélistes noirs - a permis les premières
conversions, la qualité de l’évangile annoncé et les moyens qui l’ont
accompagné furent d’autres facteurs de succès.
3.3 Un évangile holistique
La parole du Christ « allez et faites de toutes les nations des
disciples »
implique
de
nombreuses
responsabilités.
Rogers
GREENWAY en relève ici quelques unes :
• Appeler les hommes de toutes races, de toutes tribus et de toutes
nations à se repentir et à suivre le Christ ;
• Prendre soin des pauvres, des malades et des opprimés ;
• Implanter et faire grandir des Églises qui enseignent la parole en
toute fidélité, en annonçant l’évangile à ceux qui sont perdus, au
près comme au loin ;
• Encourager les croyants à soumettre leur vie à l’autorité du Christ
Seigneur et de sa parole ;
• Promouvoir la pratique de la vérité, de la justice et de la
réconciliation, et combattre le mensonge, le mal et les divisions ;
• Prendre soin de la création dans son ensemble – l’eau, la terre,
l’air, et les arbres – que Dieu a établis pour sa gloire et le bien
des hommes, et que les hommes ont tant défigurée.
À l’analyse, il ressort clairement que l’évangile, pour être complet,
doit investir tous les domaines de la vie des populations concernées. Car
la vie chrétienne pour être le reflet terrestre de la gloire céleste de Dieu
doit être une vie débarrassée de toute misère, de toute injustice et
discrimination. Pour ce faire, les missionnaires doivent combiner
harmonieusement Parole (évangile) et actes (actions sociales et
caritatives).
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 123
Ce principe, les missions évangéliques en Côte d’Ivoire et plus
particulièrement la Mission Biblique l’avaient si bien compris qu’elles
firent des actions sociales l’une de leurs priorités. La MBCI a ainsi
entrepris la réalisation de plusieurs actions à caractère sociale.
La pouponnière de Man
181
, fondée en 1947, « a pour double objectif
d’apporter un témoignage d’amour et de mettre en valeur la vie
182
. Elle
procure aux bébés et aux jeunes enfants, soins et éducation pendant
quelques années avant qu’ils ne retournent en famille. »
183
Photo 10 : Quelques pensionnaires de la pouponnière de Man
Source : Jeanne DECORVET, op.cit, p194.
181
Cf. Annexe V-8. p. 445.
Dans les traditions wè et dan, lorsqu’une femme décède à la suite d’un
accouchement, son enfant est victime de toutes sortes de préjugés. Il est
considéré comme sorcier ou porteur de malheur. Il est généralement négligé
jusqu’à mourir lui aussi. La mise en place de cette pouponnière à Man, zone de
rencontre entre dan et Wè, et l’emploi da jeunes filles pour y travailler visait à
combattre cet élément de tradition considéré comme un préjugé.
183
Appel Côte d’Ivoire Haïti, octobre 2003, p. 6.
182
124 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Source : www.avenue225.com
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 125
En 1965 est créé à Daloa le Service Technique des Églises
Évangéliques de Côte d’Ivoire
184
(SERTEECI). Initialement atelier de
menuiserie, ce centre forme aujourd’hui aux métiers de mécanique auto.
Ce service qui aide les Églises dans la construction des maisons (portes,
fenêtres, charpentes, etc.) et dans la réparation des véhicules, contribue à
la formation des jeunes.
Photo 11 : Le SERTEECI de Daloa, créé en 1964
Source : Alexis DEA – 08/07/2012
La Mission Biblique crée dans son champ de mission de nombreuses
écoles primaires
185
dans l’optique de participer à l’évangélisation, à
l’éducation et à l’effort de développement socio-économique, moral et
184
Cf. Annexe V-7. p. 444.
L’UEESO dispose aujourd’hui de 34 écoles primaires dont plusieurs ont été
mises en place par la MBCI.
185
126 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
spirituel de la Côte d’Ivoire
186
. Elle fonda en 1947 un excellent
établissement secondaire privé au quartier Tazibouo I de Daloa, le Cours
Secondaire Protestant
Calvin.
188
187
(CSP) devenu aujourd’hui Collège Jean
Photo 12 : La Direction de l’enseignement protestante de Daloa
Source : Alexis DEA – 08/07/2012
186
La direction des écoles protestantes UEESO-CI se trouve à Daloa sur la
station missionnaire de Tazibouo I. Cf. Annexe IV-3, p. 423.
187
Cf. Annexe V-6. p. 443.
188
Ces différentes actions seront complétées plus tard par d’autres structures
mises en place par l’UEESO-CI avec la collaboration d’autres missions. Il s’agit
notamment du Centre de santé « El Rapha » construite en 2003 par la Mission
Conférence Baptiste à Abobo (Abidjan) sur 4000 m2 (Il est composé d’un bloc
administratif, d’une maternité, d’un dispensaire et d’une salle de formation, le
Centre a pour vocation d’assurer les soins de santé primaires et d’être au plus
proche des populations démunies. C’est un travail à la fois d’évangélisation et
d’édification) et du Service d’Animation Rurale (SAR) implanté à Danané en
1983 dans le but d’apporter aux chrétiens l’autosuffisance alimentaire par : des
élevages de volailles (races locales et métissées) et d’agoutis ; la plantation de
centaines d’arbres fruitiers greffés ou sélectionnés ; la culture de jardins
maraîchers, des sessions de sensibilisation et de formation dans les villages en
matière d’hygiène, de protection maternelle et infantile et de nutrition.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 127
Photo 13 : Un bâtiment du cours secondaire protestant de Daloa
Source : Cspdaloa.com/index.php
Toutes ces actions manifestaient la vie de miséricorde et d’amour, se
proclamant en parole et se manifestant en actes. L’évangile englobe
donc l’entièreté de la vie.
Témoignage d’amour et d’égalité des hommes en Christ, ces actions
sociales qui traduisirent la volonté de la mission biblique de réduire
l’écart
189
« total » entre l’homme blanc et l’indigène à l’époque
coloniale, permirent à celle-ci de gagner l’estime et la confiance d’une
population au départ hostile.
Les actions sociales de l’Église constituèrent un véritable appât et un
puissant instrument d’évangélisation. La contribution des écoles dans
l’action d’évangélisation de la MBCI fut très déterminante. Face aux
difficultés éprouvées par les missionnaires et évangélistes d’atteindre
189
Cet écart grandissant entre les sociétés occidentales et les peuples du sud a
été durement critiqué par le Pape Jean Paul II avant d’inviter les chrétiens à être
de véritables acteurs de réduction voire de suppression de ce fossé puisque
lumière du monde, c’est à cela que Dieu les appelle. Il encourage donc l’Église à
aller au secours de la société. Cf. Jean Paul II, Sollicitudo Rei Socialis.
128 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
directement les personnes âgées très ancrées dans leur tradition, et qui
considéraient les évangélistes comme des traîtres et des déracinés, le
seul moyen pour les atteindre fut de leur parler par l’intermédiaire de
leurs enfants qui fréquentaient les écoles protestantes.
Le témoignage du « plus vieux des convertis », M. Nicolas, recueilli
par Charles Daniel MAIRE pour son travail de recherche est édifiant à
cet égard. Laissons le raconter lui-même.
« Quand j’étais à Daloa, les musulmans m’ont parlé de
Mahomet, que, quand on est musulman, on a le pardon de ses
péchés et que, surtout chaque année il faut faire le carême d’un
mois. Ils m’ont parlé du jugement qui devait venir, alors, quand
j’ai compris ça, alors j’ai dit "moi aussi je veux avoir le pardon
de mes péchés", et tout de suite j’ai décidé de devenir musulman.
Avant que les dioulas me parlent, il y avait aussi les prêtres qui
m’avaient parlé. La mère de la mission me parlait aussi de Jésus
mais j’ai hésité. J’ai dit "mais comment faire ? Question de
papier, comment il faut comprendre ? Comment il faut se
conduire ? Tout passe par le papier !" le papier français m’a fait
reculer alors que le papier musulman, on le voit rarement, on le
voit avec les marabouts, donc c’est ce qui m’a décidé à devenir
musulman.
Alors je faisais le carême mais dans ma vie rien ne changeait, je
me conduisais exactement comme auparavant. On prie, mais
quand on vient on est de nouveau dans le péché. J’ai continué
comme ça pendant onze ans. Ici à Man, il y a eu l’assemblée
générale des missionnaires qui a eu lieu ici à la station. Une
soirée,
j’étais
en
promenade,
je
voyais
beaucoup
de
missionnaires. Alors je me suis approché de M. RICHARD et je
lui ai demandé : "mais pourquoi y a beaucoup de blancs comme
ça ?" Il m’a expliqué un peu ce que c’était. Alors j’ai dit : "Si on
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 129
veut confier un enfant à l’un d’entre eux, est-ce qu’il peut
accepter ?" Il est allé voir et M. Brehm a accepté de prendre
Thérèse. Rosalie est partie avec M. Chapman à Oumé. Edouard
est parti avec M. AIGREZ à Gagnoa. Ma famille et moi nous
sommes restés musulmans. Pendant les vacances, quand les
enfants sont venus, Thérèse est venue nous parler de Jésus. Elle a
dit "Ah papa, il faut se faire chrétien, sinon il y a un jugement qui
va venir". Rosalie aussi a parlé ainsi. J’ai dit : "je veux voir". Je
n’ai pas voulu décider tout de suite. Un ou deux ans plus tard
Rosalie est encore revenue d’Oumé. Elle devait passer le CEPE.
Alors, nous musulmans, on a toujours l’habitude de faire des
sacrifices. Alors on a fait des sacrifices pour les enfants qui vont
passer le CEPE. Mais Rosalie, elle, elle a dit non : "Jésus a déjà
fait un sacrifice pour nous." J’ai dit : "on va voir ; si on ne fait
pas les sacrifices que les musulmans ont montré, si Jésus t’a
aidée et que tu es admise, ce que tu dis, c’est la vérité". Et
effectivement elle a réussi. J’ai dit : "ça c’est vrai". Alors, je me
suis décidé et je suis devenu un chrétien. C’est le point de
départ ».
Un bref commentaire de ce témoignage permet de relever deux
éléments essentiels ayant soutenu effectivement l’évangélisation de la
MBCI. Le premier élément est la disponibilité sans conditions des
missionnaires à servir la population. Dans ce témoignage l’acceptation
des enfants du concerné a été immédiate. Aucune condition ne fut posée.
Les missionnaires ne faisaient aucune discrimination dans l’exercice de
leur fonction
190
. Ils étaient des missionnaires pour tous ; pour les
croyants, les non-croyants et les musulmans. Cette générosité assez
particulière témoignait leur intérêt des missionnaires pour la population,
signe de l’amour universel de Dieu. Elle a souvent servi d’appât très
attrayant pour leur cible.
190
Selon ce témoignage surtout.
130 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« Ces missionnaires sont des hommes et des femmes de grandes
qualités spirituelles. À les voir, on se rend compte combien
l’amour du Seigneur les presse. L’amour des Ivoiriens est un
corollaire du précédent. L’attitude des missionnaires à leur
égard permet de reconnaitre en eux de vrais envoyés de
Dieu. » 191
Le second élément est le rôle joué par les enfants fréquentant l’école
de la mission.
C’est que les écoles protestantes, en accordant 1 heure par semaine
aux activités religieuses telles que prière et méditation, se donnaient
pour vocation d’évangéliser ces enfants, qui, à leur tour se chargeraient
d’évangéliser leurs parents. Au cours de l’année scolaire, de nombreux
enfants ayant accepté l’évangile, participaient effectivement à la vie
spirituelle des communautés chrétiennes des missions qui les
accueillaient. Par ailleurs, le même site abritant l’école et l’Église, les
enseignants devenaient les encadreurs ou guides spirituels des élèves.
Les enfants qui sortaient de ces écoles avaient souvent une foi solide
qu’ils essayaient de communiquer à leurs parents. Plus tard, ayant grandi
dans la foi chrétienne, loin des influences coutumières, ils devenaient
des responsables d’Église.
Simon Pierre EKANZA, parlant de l’Église à la période coloniale
n’écrit-il pas : « Les convertis au christianisme se recrutent surtout
parmi les jeunes scolarisés, les moins intégrés à la société ancienne et les
plus accessibles à une idéologie de promotion vers le monde blanc,
symbole de puissance et de culture
191
192
.»?
André Kouadio KOUASSI, op.cit, pp. 29-106.
Simon-Pierre EKANZA, L’Afrique au temps des blancs (1850-1935),
Abidjan CERAP, 2005, pp. 142-143.
192
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 131
3.4 François BONGA premier vecteur ivoirien
d’exportation de l’évangile en pays dan (1941) 193
Photo 14 : François BONGA
Source : Jean-Colbert
indestructible, inédit.
GUENAMAN,
L’Église
une
citadelle
François BONGA, un contractuel dan converti à Sassandra en 1937
par la prédication de Daniel va jouer un rôle très important dans
l’exportation de l’évangile dans l’arrière pays et plus particulièrement en
pays dan, qui deviendra plus tard l’un des fiefs de la mission. En 1931,
193
Cf. Annexe II-3, p. 333.
132 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Daniel RICHARD avait effectué une première tournée dans les régions
situées plus au nord de Sassandra
194
. Cette visite lui permit de découvrir
les Dan, au nombre d’environ 42000 regroupés dans 280 villages de la
subdivision Danané dans le cercle de Man
195
. Lors de cette visite,
Daniel fut bien reçu par le chef, mais très tôt, les oppositions se
signalèrent : « Le vieux sorcier lançait des plaisanteries pour tourner les
paroles du "blanc de Dieu" en dérision »
196
.
Une seule femme de Zéalé, Ma, convertie en Basse Côte, à Tabou,
par le ministère de Jones, collaborateur des RICHARD était l’unique
chrétienne.
197
En 1937, après sa conversion, François BONGA ne
voulant garder l’évangile pour lui seul, décida de se rendre auprès des
siens pour leur annoncer l’évangile. La Mission Biblique qui avait vite
compris la nécessité de pénétrer cette région par un autochtone, soutient
ce projet en l’envoyant comme premier évangéliste en pays dan.
François BONGA livre ici ses souvenirs de cette période, où, lui, fils de
chef, destiné à être garant de la tradition, revint au bercail avec une
religion dont les principes s’opposent diamétralement aux croyances
traditionnelles
198
.
« J’avais été à l’école de 1920 à 1926. A ce moment, on passait
le CEPE à Séguéla. Les notables ne voulaient pas envoyer leurs
enfants à l’école. Mon grand-père était chef du canton Wa.
L’administrateur Godefroy avait obligé mon père à m’envoyer à
l’école. Quand j’ai quitté l’école, il n’y avait que deux Européens
commerçants. J’ai été admis pour aller dans le commerce. Après
194
En 1928, un tout premier voyage avait permis à Daniel de découvrir la région
de Man, mais sans y établir de véritables contacts. C’est la tournée de 1931 qui
fut la plus importante, tant par la durée que par les activités menées.
195
Cf. Archives personnelles du pasteur Michel LOH, Secrétaire Général de
l’UEESO.
196
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 165.
197
Idem
198
Nous précisons que l’intégralité de cet entretien accordé à Charles Daniel
Maire se trouve dans la seconde partie de ce travail. Nous en présentons ici
quelques extraits qui nous permettent de mieux développer ce présent chapitre.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 133
un an et demi j’ai été embauché par un autre. En 1927, je suis
allé à Man.
J’ai quitté Danané avant ma conversion pour aller à Tabou en
1929. Il y avait la société Pierre Morgan qui était venue à
Danané pour recruter des travailleurs. J’ai été pris comme
pointeur de billes de bois et mon grand frère comme commis de
chantier. Nous n’étions pas habitués à travailler sous la pluie ;
après quelques mois, nous avons quitté pour retourner à Tabou
ville. Je me suis engagé pour naviguer et mon grand frère comme
commis de dactylo. J’ai navigué de 1930 à 1932 jusqu’à
Libreville, Pointe Noire, etc.
Mais ce travail ne me convient pas. Je suis retourné à Tabou. Il y
avait un Allemand à 12 Km de Tabou, à Agouébo. Il m’a
embauché comme gérant de sa boutique pendant 1933, 34, 35.
En 1936, j’ai appris la parole de Dieu par Jones 199. J’étais un
peu perplexe dans le commerce. Mon patron me demandait :
"Pourquoi as-tu la Bible ?". Il était catholique, ce n’était pas son
livre.
Donc mon patron était vraiment opposé. A son insu, j’ai
beaucoup étudié. J’étais dans sa boutique de Tiboto. J’ai été 6
mois sans toucher d’argent. On touchait normalement 60 francs
par mois, 30 F. pour la nourriture et 30 F. pour le salaire, moi je
touchais 75 F. par mois par boutique, ce qui faisait 225 (il y
avait 5 boutiques). Après 6 mois, l’inventaire a été fait. Il aurait
manqué 6000 F. alors qu’il manquait 5 F. Mon patron est allé
voir l’administrateur à Tabou. Cet allemand était méchant. Il y a
eu un jugement. J’ai dit : "C’est faux, faux." Chaque boy qui
199
Originaire de Sierra Léone, protestant d’origine, lettré, ayant fait deux séjours
en Angleterre, Jones était devenu alcoolique. Converti par le ministère des
RICHARD, il devient l’un des tout premiers évangélistes. Cf. Jeanne
DECORVET, Les matins de Dieu, pp. 110 SS.
134 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
surveillait une boutique avait 1 F par jour. En effet, après 6
mois, il ne manquait que 5 F. L’affaire a été finie. J’ai donc
cherché à quitter ce travail. Le patron voulait se plaindre, mais
ça a été fini.
En 1937, je me suis converti. J’ai été baptisé en 1938 par MM.
CORNAZ et BREHM à Tabou. M. Jones m’a gardé pour
enseigner les enfants ; parmi eux il y avait David NEMLIN. Puis
M. Jones m’a envoyé à Olodio pour enseigner les enfants et tenir
les cultes.
J’ai fait 9 mois à Olodio. De retour à Tabou en 1939, mon fils
Jones est né. Je me suis installé à Tabou ville. Le mai 1941, je
suis parti pour Danané. Il n’y avait encore rien. D’abord, j’ai
fait un stage d’un an avec M. RICHARD à Man. Le 1er février
1942, M. RICHARD m’a installé ici dans la maison de Gono
Lambert. Il nous avait cédé une maison en attendant de trouver
le terrain nous avait attribué.
J’étais inconnu partout. Même dans mon village, on me
reconnaissait par le nom de mon père. C’était un temps très
difficile. Avant moi, il y avait une femme convertie. Elle
témoignait en 1936 mais elle n’a pas eu de conversion. J’ai
beaucoup parlé. J’ai commencé par l’école avec un moniteur
Wobé de Man, Lanciné Diallo. Il n’y avait qu’un petit nombre
d’enfants en 1944-1945. Depuis 1945, nous parlions aux enfants
de l’école surtout.
Un jour, j’ai appris que les chrétiens du Libéria ont la Bible dans
leur langue. J’ai parlé à mon beau-père qui était autrefois
musulman polygame et à Paul TOKPA qui avait été à Tabou où il
a entendu (l’évangile). Comme on se connaissait, il m’a reconnu.
Il était du village de Bleupleu où il a abandonné le peu qu’il
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 135
savait. Il s’est converti, mon beau-père WANGOLO aussi.
Il avait hérité les femmes de son frère. Il en avait au moins 10.
Comment faire ? Il a répudié toutes ses femmes. Ce sont les
premiers avec Daniel. Le temps était difficile, il fallait trouver
beaucoup de caoutchouc. Le commandant empêchait les gens de
se promener. Il maltraitait les gens dans le pays. Il était difficile
de venir à Danané à cause des travaux forcés. Je devais aller
trouver le responsable pour être autorisé à voyager… »
Dès son retour au pays natal, BONGA multiplia ainsi les efforts,
souvent même au risque de sa vie, pour annoncer l’Evangile. Profanant
les lieux sacrés et les interdits, attaquant ouvertement et parfois
violemment certaines pratiques traditionnelles aux conséquences
dangereuses telles que la société secrète Ninhin, il présentait l’Evangile
comme la seule solution aux différents problèmes qui minaient la
société. Premier évangéliste, il joua ainsi un rôle déterminant dans
l’avancée de l’Evangile dans l’arrière-pays dan. Il va même servir plus
tard de modèle pour plusieurs autres convertis qui s’engageront dans le
ministère d’évangéliste.
Au total, l’évangélisation du sud-ouest ivoirien de 1927 à 1962
exigea de la Mission Biblique beaucoup de volonté, d’engagement et
surtout de savoir-faire. Les missionnaires durent ranger les costumes
européens, la gloire de l’européen en colonie, renoncer à de nombreux
privilèges pour se faire « indigènes », acceptant ainsi toutes les misères,
consentant du coup tous les sacrifices pour témoigner de l’amour de
Dieu. La très récente mais ambitieuse Église du Tabernacle, en dépit,
des nombreux autres défis auxquels elle devait faire face, a pourvu à la
mise en place de nombreuses actions sociales en Côte d’Ivoire dans le
but d’apporter aux peuples, à travers l’assistance, le message de l’amour
de Dieu. Véritables appâts missionnaires, ces œuvres avaient pour rôle
parfois inavoué, d’attirer le maximum de personnes à la conversion. A
cela s’ajoute le rôle joué par François BONGA, premier évangéliste
136 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
ivoirien dont la foi, le témoignage et les œuvres constituèrent de
véritables facteurs de conversions. Au terme de cette première période
qui fut la période missionnaire, quel bilan dresser des activités de la
MBCI dans le sud-ouest ivoirien ? Les objectifs visés ont-ils été
atteints ? Dans quelle proportion ?
3.5 Bilan de l’implantation pendant cette première
phase : étude comparée entre auditeurs et baptistes
Il sera question, dans cette dernière partie de ce chapitre
préliminaire, de déterminer l’ampleur de l’implantation de la MBCI
dans son champ de mission. L’analyse portera donc sur l’évolution
qualitative et quantitative des conversions, le degré d’extension du
champ missionnaire et l’implantation régionale de la mission. L’objectif
étant de comprendre si les stratégies adoptées par les missionnaires ont
vraiment porté du fruit parmi les différents peuples de son champ
d’activités.
3.5.1 Evolution des conversions et multiplication des lieux de
culte
Tableau 2 : Tableau présentant l’évolution du nombre d’auditeurs
et de Baptistes à la MBCI de 1927 à 1962
Années
1927
1937
1947
1957
1961
1962
Auditeurs
0
300
600
3176
4755
5830
Baptisés
0
30
70
377
1095
1304
Source : L’appel de la Côte d’Ivoire (1961-1969).
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 137
Graphique 1
ÉVOLUTION DES CONVERSIONS ET DES BAPTÊMES
À LA MISSION BIBLIQUE DE 1927 À 1962
5830
6000
4755
5000
4000
3176
3000
2000
1000
0
0 0
30030
600
70
1
2
3
377
4
1304
1095
5
6
Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du
tableau ci-dessus.
Les données du tableau et du graphique sont d’origine missionnaire.
Elles sont tirées de L’appel, organe d’information de la Mission
Biblique en Côte d’Ivoire. Elles ont été collectées par Charles Daniel
Maire, dans les parutions de 1961 à 1969. Etant d’origine missionnaire,
ces données peuvent être considérées authentiques et crédibles.
L’observation du graphique révèle deux grands constats : deux
grandes phases d’évolution sont très perceptibles. La croissance des
nombres d’auditeurs et de baptisés de la MBCI de 1927 à 1962 s’est
faite en deux grands mouvements, une croissance très lente entre 1927 et
1947 et une croissance très accélérée de 1947 à 1962.
La période allant de l’installation en 1927 de la MBCI à 1947 est
caractérisée par une croissance très lente des conversions. Durant le
décennie 1927-1937, la Mission enregistre trois cents conversions. De
1937 à 1947, 300 autres conversions sont enregistrées, ce qui porte à
600 le nombre total des auditeurs réguliers. Une précision s’impose ; à la
138 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Mission Biblique, être auditeurs ne signifie pas être chrétien. Sont
considérées comme chrétiens et membres de l’Églises, les personnes qui
sont passées par le baptême. En 1937, il n’y a seulement que 30 baptisés
soit 10% des auditeurs. En 1947, ils sont 70 soit 40 nouveaux baptisés
durant la décennie. Le bilan des 20 premières années est marqué par
une faible croissance du nombre d’auditeurs et de baptisés. Plusieurs
raisons expliquent cette difficulté de décollage. Ce sont d’abord les
problèmes d’installation et d’adaptation au champ missionnaire. Dès
leur arrivée en Côte d’Ivoire, le couple RICHARD était d’abbord
préoccupé par la recherche d’un site de lancement de l’œuvre
missionnaire. Arrivé en 1927, ce n’est qu’en 1928 qu’il put intégrer sa
première concession missionnaire à Batélébré, près de Sassandra.
Ensuite s’ajoute la nécessaire connaissance du champ d’action.
Ainsi, les premières années furent quasiment consacrées aux voyages
d’exploration missionnaire. Ces voyages souvent longs et périlleux,
permirent aux RICHARD de découvrir les peuples parmi lesquels ils
étaient appelés à travailler. Daniel RICHARD et son épouse devaient
aussi apprendre à connaître les coutumes des populations cibles. Dans
une lettre adressée à la Mission Biblique au début des années trente,
Daniel relate les difficultés du missionnaire et les stratégies pour
annoncer l’évangile à ces peuples dont les caractéristiques majeures sont
la diversité et le fort attachement à l’idolatrie :
« Il est toujours embarrasant de commencer à évangéliser des
tribus que l’on ne connait pas : leurs habitudes, leurs idoles,
leurs croyances peuvent être différentes. Le missionnaire doit
sans cesse s’instruire et ne perdre aucune des leçons qu’est pour
lui chaque corps à corps avec la réalité et, au cours de
l’entretien, saisir l’occasion qu’il guette pour découvrir une
vérité ou une portion de vérité qui lui servira de base pour faire
connaître le Dieu vivant et son amour infini révélé par son fils.
La prédication du sacrifice sanglant, du sang versé qui réconcilie
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 139
avec Dieu, est celle qui trouve toujours échos dans le cœur du
fétichiste le plus endurci ; car c’est une coutume qu’il pratique,
celle du sacrifice sanglant. » 200
Une troisième raison qui permet d’expliquer la lenteur dans la
croissance numérique de l’Église au début de la période missionnaire
c’est que le champ missionnaire était à ses débuts restreint et difficile à
parcourir. En effet, dès leur arrivée, les missionnaires avaient concentré
leur action sur la zone côtière, précisément chez les Kroumen et les
Neyo. L’objectif premier qui consistait à récupérer les chrétiens laissés
par le prophète HARRIS et à rassembler les petites communautés déjà
en place avant d’étendre le champ missionnaire était
freiné par la
résistance reigieuse conduite par le prophète GRAH. Ce prophète noir,
solidement installé à Batélébré
201
et conquérant avec brio les villages
alentours, constitua aussitôt le plus grand obstacle à l’évangélisation de
la région de Sassandra. Daniel relève aussi l’incrédulité et l’instabilité de
la foi chez les Neyo. Pour lui, ce sont des gens qui après le culte de Noël
peuvent se retrouver le même jour dans un état d’ivresse inadmissible :
« Et pourtant, ce même jour, personne ne vint à la fête
soigneusement préparée : en route, les auditeurs avaient cédé au
formidable attrait de l’orchestre néyo avec son rythme endiablé
et ses flots d’alcool. C’était une concurrence irrésistible (...) Les
contacts avec les Néyo étaient décevants, le chef de Batélébré
était amical, mais trop attaché à l’alcool et aux fétiches pour
s’intéresser à l’évangile» 202.
Ce comportement des populations autochtones n’est pas observé
chez les seuls Néyo. Il semble même être l’un des plus grands problèmes
rencontrés par les missionnaires en Afrique noire. Souvent, pour faire
200
Lettre de Daniel RICHARD citée par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 100.
Ce messianisme indigène a longtemps constitué un blocage à l’avancée de
l’évangile en pays Krou comme nous l’avons montré plus haut. Cf. supra, p. 67.
202
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 54.
201
140 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
plaisir aux missionnaires, les indigènes répondent à leurs appels,
écoutent leur message mais refusent de le mettre en pratique. Bernard
SALVAING le remarque aussi en pays Yorouba: « Souvent les
missionnaires sont frappés par la différence entre le bon accueil et la
gentillesse des Africains et leur indifférence tranquille face à leur
prédication »
203
.
La dernière raison pour laquelle la croissance des conversions a été
lente au début de l’ère missionnaire était l’insuffisance du personnel
missionnaire. De 1927 à 1934, la mission ne comptait que deux
missionnaires, Daniel et Laure RICHARD. Le couple devait à lui tout
seul explorer le champ missionnaire, s’occuper de l’évangélisation,
encadrer les néophytes et faire face à tous les autres défis de l’activité
missionnaire. Leurs collaborateurs qui étaient constitués des premiers
convertis étaient pour la plupart analphabètes.
Les différents problèmes relevés ci-dessus expliquent donc la lenteur
dans la croissance du nombre de convertis de la MBCI à ses débuts.
A partir de 1940-1945, l’effectif des auditeurs et des chrétiens
baptisés amorce une croissance très accélerée. Entre 1947 et 1957, le
nombre d’auditeurs réguliers et de chrétiens baptisés a quintuplé. Le
nombre d’auditeurs réguliers est passé de 600 à 3176 et et celui des
chrétiens baptisés de 70 à 377, soit une croissance de 537,57% de 1957 à
1961.
En moins de 6 ans plus tard, de 1957 à 1962, le nombre d’auditeurs
réguliers augmente de moitié passant de 3176 à 5830. Celui de chrétiens
baptisés a presque triplé passant de 377 à 1095. Plusieurs raisons
expliquent cette croissance exceptionnelle des années 1950 à 1963. Ce
sont : le rôle important joué par les évangilistes africains, l’impact de
l’enseignement devéloppée par les missionnaires
œuvres caritatives.
203
204
Bernard SALVAING, op.cit. p. 185.
Voir supra, p. 75.
204
et l’impact des
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 141
Le second constat est l’écart considérable entre le nombre
d’auditeurs et celui de baptisés. En 1930, seulement 10 sur les 300
auditeurs sont baptisés, soit 10%. En 1947, les 70 baptisés représentent
11,66% des 600 auditeurs. En 1957, les baptisés représentent 11, 87%
des auditeurs réguliers. En 1962, ils constituent 22.30% du nombre total
des auditeurs réguliers. Sur toute cette période, le nombre de baptisés est
resté nettement inférieur à celui des auditeurs réguliers. Cela s’explique
par le fait qu’à la Mission Biblique, aller à l’Église n’est pas forcément
synonyme de conversion et que le baptême qui se présente comme la
concrétisation d’une décision ne s’effectue que lorsque le chrétien a
suffisamment fait preuve de sa conversion. Or les premiers peuples qui
accueilirent la Mission faisaient montre d’une foi instable : « Ils se
montraient décevants
205
». Dans un tel contexte, les baptêmes ne
pouvaient pas se multiplier aussi rapidement. Au fur et à mesure que
s’étendait le champ missionnaire, le taux de baptêmes augmentait. Cela
justifie en partie l’ouverture à l’évangile des peuples Dan et Wê parmi
lesquels la mission s’était finalement implantée
206
.
Parallèlement à l’évolution du nombre d’auditeurs et des baptisés, le
nombre de lieux de culte connut deux grandes phases avec une
répartition disproportionnelle entre les différentes régions du champ
missionnaire.
Tableau 3 : Tableau présentant l’évolution du nombre de lieux de
culte à la MBCI de 1927 à 1962
Années
Lieux
culte
de
1927
0
1937
13
1947
13
1957
57
1961
109
1962
125
Source : L’appel de la Côte d’Ivoire (1961-1969), cité par Charles
Daniel Maire, op.cit, Annexe I b.
205
206
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 51.
Jeanne DECORVET, op.cit., pp. 66-69.
142 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Graphique 2
140
Evolution du nombre de lieux de culte à la MBCI
125
de 1927 à 1962
109
120
100
80
57
60
40
20
0
0
1
13
13
2
3
4
5
6
Source : Réalisé par nos soins (à partir de Microsoft Excel) sur la base
du tableau ci-dessus
L’évolution du nombre de lieux de culte de la Mission Biblique s’est
faite proportionnellement à celle du nombre des conversions. Ainsi
observe-t-on durant les deux premières décennies, une première phase
de croissance très lente. De 1927 à 1937, seulement 13 lieux de culte
ont été ouverts. Durant la décennie 1937 - 1947, aucun nouveau lieu de
culte ne semble avoir été ouvert
207
. Cela s’explique par le fait que cette
période a été celle de l’exploration missionnaire pendant laquelle tous
les efforts ont été consacrés à la découverte et à l’étude des populations
cibles. Aussi, pendant cette période, très peu de personnes étaient-elles
engagées dans l’œuvre d’évangélisation.
Mais, de 1947 à 1957, parralèllement à l’évolution du nombre de
conversions, le nombre de lieux de culte allait plus que tripler passant de
13 à 57. En 1961 on en dénombre 109 ; et deux années plus tard, 33
nouveaux lieux sont ouverts portant à environ 140 le nombre total de
lieux de culte de la période missionnaire. Cette évolution est logique car
207
En 1937, le nombre de lieux de culte était de 13. 10 années plus tard, ce
nombre n’a pas évolué. Cf. L’appel de Côte d’Ivoire, 1961-1969.
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 143
l’augmentation du nombre d’auditeurs entraine nécessairement la
multiplication des lieux de culte.
3.6 Implantation régionale de la MBCI
En 1962, date à laquelle les missionnaires passent le flambeau aux
responsables ivoiriens, la Mission est solidement implantée dans le sudouest avec une présence très marquée en pays dan et wê. Cela lui
conféra un caractère régionaliste à l’instar de toutes les missions
évangéliques de l’époque.
Le régionalisme reste l’une des caractéristiques essentielles du
protestantisme africain. Par régionalisme protestant, nous entendons le
partage des différentes régions d’un même pays ou d’une même colonie
entre diverses missions protestantes. Comme le constate Samuel ZADI,
« pour évangéliser les pays africains, les missions occidentales se sont
organisées pour occuper chacune une région spécifique »
208
. Cela a fait
du protestantisme africain un protestantisme « dispersé en multiples
dénominations indépendantes. Il s’agit souvent d’Églises locales
dérivées par scission des missions protestantes et pentecôtistes, mais on
dénombre aussi des milliers d'Églises indigènes fondées par des
prophètes autochtones »
209
.
En Côte d’Ivoire, c’est à la suite du ministère prophétique de
William Wade HARRIS de 1913 à 1915 que va naître l’intérêt des
missions protestantes pour cette colonie
210
. Cet engouement sera
accentué par la signature du protocole de Saint-Germain en Laye qui
208
Samuel ZADI, Le tribalisme, un poison pour l’Église africaine, Abidjan,
CPE, 2000, p. 18.
209
Jean-Claude BARBIER, Les forces religieuses en Afrique noire : un état des
lieux, O.R.S.T.O.M./C.N.R.S. Citadins et religions en Afrique noire N Dép. Sud,
U.R. Enjeux de l’urbanisation, Université Paris IV, p. 122.
210
Célestin KOUASSI, La CMA en pays baoulé, 1919-1960, dynamique d’une
mission chrétienne et évolution du contexte sociopolitique, Abidjan, ETAF,
2006, 189 p., pp. 17-18.
144 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
vient ouvrir les portes de la Côte d’Ivoire aux différentes missions
protestantes. Avant la signature de cette convention, les conditions
d’installation des missionnaires dans les colonies françaises étaient des
plus difficiles
211
: « Le ministère des colonies ne toléra jamais la
présence des missionnaires qui fussent à ses yeux indésirables. A de
rares exceptions près (…) seuls des missionnaires français furent
acceptés dans les colonies »
212
.
Le protocole de Saint-Germain avait pour une des clauses principales
de :
« favoriser sans distinction de nationalité, ni de culte, les
institutions et les entreprises religieuses, scientifiques et
charitables créées et organisées par les ressortissants des autres
puissances signataires et des États membres de la Société des
Nation qui adhèreront à la convention et qui tendront à conduire
les indigènes dans la voie du progrès et de la civilisation » 213.
A la suite de cette signature, de nombreuses missions protestantes
s’installèrent dans les colonies, favorisant la naissance de plusieurs
Églises protestantes.
« Dans les années 1950, toutes les grandes confessions
protestantes étaient déjà représentées dans la majorité des pays
africains : les missions luthériennes, les missions calvinistes, les
missions épiscopaliennes, puritaines, méthodistes ou baptistes.
En marge de ces courants traditionnels, se sont implantées de
nombreuses mouvances dissidentes comme les pentecôtistes et les
adventistes parmi tant d’autres.
211
Célestin Kouadio KOUASSI, op.cit., p. 12.
Jean SUCHET-CANAL, Afrique noire, l’ère coloniale 1900-1945, Paris,
Editions sociales, 1962, pp. 448-449.
213
Célestin Kouadio KOUASSI, op.cit., p. 12.
212
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 145
Enfin, émergèrent des églises prophétiques d’origine africaine
comme l’Église Harriste, également appelée Église du Christ,
fondée au début du 20ème siècle au Libéria, l’Église
kimbanguiste, fondée dans les années 1920 au Congo belge
(l’actuelle République Démocratique du Congo) par le prophète
Simon Kimbangu, ou encore l’Église du Christianisme Céleste,
créée en 1947 au Bénin. Signalons que les missionnaires
encourageaient
indigène ».
la
création
de
missions
protestantes
214
Dans la colonie de Côte d’Ivoire, les effets, du protocole de SaintGermain, se sont manifestés par l’arrivée et l’installation à partir de
1925, de plusieurs missions d’origine différentes. Il s’agit de :
• La mission méthodiste wesleyenne (anglaise) en 1924
• La Mission Biblique (française) en 1927
216
215
;
,
• L’Alliance Missionnaire Chrétienne (américaine) en 1930
• La Worldwide Evangelization Crusade (anglaise) en 1934
217
218
;
,
• La Conservative Baptist Foreign Mission Society en 1947 ;
• La Free Will Baptist Mission en 1958
219
.
Pour l’occupation du territoire ivoirien, ces différentes missions
effectuèrent un partage tacite comme le constate KEO Kognon :
214
Jérémie Kroubo DAGNINI, Dictatures et protestantisme en Afrique noire
depuis la décolonisation : le résultat d’une politique françafricaine et d’une
influence américaine certaine, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3,
France. HAOL, N°. 17 octobre 2008, pp. 122-123.
215
Kognon KEO, op.cit, p. 20.
216
L’aventure missionnaire de cette société de mission a été relatée dans le livre
de Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, paru en 1977.
217
Célestin Kouadio KOUASSI, La CMA en pays baoulé, 1919-1960,
dynamique d’une mission chrétienne et évolution du contexte sociopolitique,
Abidjan, ETAF, 2006, 189 p.
218
Voir à cet effet, le mémoire de maîtrise de TANOH Jean Claude sur la WEC
en pays Gouro soutenue à la FATEAC en 2007.
219
Kognon KEO, op.cit, pp. 37-41.
146 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« Sans plan de partage établi, les missions protestantes se sont
établies sur toute l’étendue du territoire ivoirien afin d’éviter les
chevauchements dans les champs d’activités respectifs. Ce
partage s’est fait de façon tacite suivant l’ordre d’arrivée des
missions et aussi suivant le découpage administratif et
géographique de la Côte d’Ivoire de l’époque » 220.
La première mission, la mission méthodiste s’installa d’abord le long
de la côte. Ne pouvant pas couvrir toute la zone du littoral, ses
responsables conseillèrent à la Mission Biblique de s’installer dans le
sud-ouest d’où ils recevaient des appels pressants de la population
221
.
Alors, M. BLOCHER, responsable de la Mission Biblique se rendit à
Londres auprès du comité directeur de cette mission pour délimiter avec
lui le champ de travail du Tabernacle. La frontière en fut fixée à l’ouest
du petit port de Fresco jusqu’à la République du Libéria
222
.
De même, lorsque la CMA arriva quelques années plus tard,
POWELL prit le soin d’informer le 14 juillet 1930 les missionnaires de
la Mission Biblique que la CMA « prenait en charge les tribus des
Baoulé jusqu’à Dimbokro et Lakota et tâcherait même d’atteindre les
Gouro »
223
. Ce fut la même méthode qui régula l’installation de toutes
les missions évangéliques. Cette méthode d’installation suppose que
pour l’harmonie entre les différentes missions opérant dans la même
colonie, chacune d’elles devra se contenter de sa zone d’influence et
laisser les autres sur leurs territoires.
Du coup, la Mission Biblique qui deviendra plus tard l’UEESO-CI
est appelée à rester dans le sud-ouest ivoirien où elle fondera une Église
pour les populations locales.
220
Kognon KEO, op.cit, p. 66.
Kognon KEO, op.cit, pp. 37-41.
222
Jacques BLOCHER, Roger BLANC, et E. KRUGER, Histoire des missions
protestantes française, Flavion le Phare, 1970, p. 359.
223
Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 109-110.
221
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 147
Du mode d’occupation du territoire ivoirien par les missions
protestantes a découlé la coloration ethnique des Églises issues de ces
missions. Ainsi l’Église méthodiste est quasiment composée des
populations du sud, la CMA est composée en majorité de Baoulé, la
WEC est l’Église des Gouro, les baptistes du nord sont quasiment
composés de Sénoufo, ceux de l’est de Lobi et de Lorhon.
Cette situation qui caractérise les Églises protestantes ivoiriennes
semble quelque peu différente à l’UEESO-CI. Conformément à
l’étendue de son champ missionnaire, l’UEESO-CI regroupe plusieurs
groupes ethniques allant des Mandé du sud aux Krou. Le pasteur Kaya
Rodrigues le relève bien dans son mémoire de maîtrise :
« Le socle d’expression de l’œuvre missionnaire a été le sudouest de la Côte d’Ivoire, Ceci a placé l’église face aux ethnies
suivantes : Kroumen, Neyo, Godyé, Bété, Dida
224
, ensuite les
peuples Dan et Wê. Il faut à cette liste ajouter les Baoulé qui se
sont retrouvés dans ces régions forestières du sud-ouest comme
exploitants des richesses agricoles »
225
.
D’abord implantée parmi les Kroumen et les Néyos, la Mission
Biblique finira par s’établir dans l’ouest montagneux au détriment de la
région côtière. Les raisons de ce déplacement de la mission sont
présentées par DECORVET comme suit : « Laure fut enthousiasmé par
la ville (Man, ville centrale des peules Wê et Dan), son cadre de
montagnes, son climat plus sain que celui de Sassandra, la cordialité de
ses habitants et leur zèle pour entendre l’évangile.
226
»
Toutes les activités seront concentrées dans cette région, ce qui va
entrainer une adhésion massive des Wê et des Dan à cette Église.
224
Classification de Ernest ZIHI dans James KRABILL (s/d) Nos racines
racontées, Récit historique sur l’Église en Afrique de l’Ouest, Abidjan : PBA,
1996, p.174.
225
Rodrigues Mwari KAYA, op.cit, p. 65.
226
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 91.
148 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Tableau 4 : Tableau récapitulatif du nombre d’auditeurs à la MBCI
227
en fonction des aires ethniques en 1962
Pays Dan et
Wobé
3280
Auditeurs
Pays
Guéré
640
Pays
Kroumen
500
Pays Bété et
Néyo
810
Graphique 3
Pays bété et
Néyo
Pays
kroumen
Pays dan et
wobé
Pays guéré
répartition des auditeurs à la Mission biblique par ethnie
en 1962
Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du
tableau ci-dessus.
Tableau 5 : Tableau récapulatif du nombre de Baptisés à la MBCI
en fonction des aires ethniques en 1962
Aires
ethniques
Baptisés
227
Pays Dan et
Wobé
1023
Pays
Guéré
150
Appel de Côte d’Ivoire 1961-1969.
Pays
Kroumen
33
Pays Bété
et Néyo
96
total
1302
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 149
Graphique 4
Répartition des baptisés à la MBCI par ethnie en 1962
Pays guéré
Pays Pays bété et
kroumen Néyo
Pays dan et
wobé
Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du
tableau ci-dessus.
Tableau 6 : Tableau Récapitulatif du nombre de lieux de culte à la
MBCI en fonction des aires ethniques en 1962
Aires
ethniques
Lieux
de
culte
Pays Dan et
Wobé
74
Pays
Guéré
18
Pays
Kroumen
13
Pays Bété
et Néyo
30
Source : Appel de Côte d’Ivoire 1961-1969.
L’observation de ces graphiques révèle un certain nombre de
constats : les régions de Man et de Danané concentrent à elles seules
3280 des 5230 auditeurs, soit 62,71%. La proportion des baptisés en est
de 78,57% avec 74 des 125 lieux de culte, soit plus de 57%. Les régions
de Guiglo, Toulépleu et Duékoué en pays guéré regroupent 640
auditeurs réguliers soit 12,23% et 11,52% des chrétiens baptisés. Elles
enregistrent 22 lieux de culte soit 17%. Pour l’ouest montagneux, le
nombre total d’auditeurs est de 3920 soit 74, 95%. Elle enregistre 1173
baptisés sur 1302 soit 90.09%. le nombre total de lieux de culte en est de
96 soit 76,8%.
150 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Quant aux régions de Daloa, Gagnoa, Tabou et Sassandra, elles ne
totalisent que 1310 auditeurs soit 25.04%. La proportion des baptisés
n’est que de 9, 90% et ne comptent en tout que 33 lieux de culte soit
26%.
De ces constats il ressort que bien que la mission ait commencé en
pays Néyo, c’est finalement parmi les Wê et surtout les Dan qu’elle s’est
établie effectivement. Elle y a concentré tous ses efforts si bien que les
pays Dan et Wê constituent les véritables bastions de l’UEESO-CI.
La forte concentration dans l’ouest montagneux s’explique d’une
part, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, par le déplacement de
la Mission Biblique dans cette région et la concentration de tous les
efforts sur les peuples wê et dan au détriment des autres peuples de la
zone d’action.
D’autre part, l’exportation de l’évangile par les autochtones dans
l’arrière pays et son incompatibilté avec les coutumes locales ont
favorisé la création et l’expansion des lieux de culte. En effet, les
premiers convertis à l’évangile étaient animés d’un zèle si fervent qu’ils
s’étaient érigés en véritables missionnaires parmi les leurs. Mais les
prescriptions bibliques et la manière de vivre des convertis portait
véritablement atteinte aux us et coutumes locaux ; violation d’interdits,
opposition au pouvoir local.
Pour éviter des accrochages aux conséquences pouvant être graves,
les chefs de villages préféraient octroyer aux chrétiens une portion de
terre décalée de quelques centaines de mètres du villages. Très tôt, ces
espaces prirent l’aspect de véritables stations missionnaires sur
lesquelles sont bâties les domiciles des responsables et un lieu de culte.
Mouy Gaston, un pionnier de l’Église en pays Wobé, donne ici son
témoignage :
« Quand j’ai accepté le Seigneur et répondu à l’appel d’aller le
servir, je me suis rendu avec mon frère au village pour
évangéliser. Mais les responsables du village nous considéraient
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 151
comme une menace pour la tradition. Parce que nous ne
respections plus le pouvoir des masques, et les totems n’avaient
plus d’importance pour nous. Alors le chef du village de Soakpé
a demandé qu’on nous donne un espace à côté du village. C’est
cet espace qui abrite l’église aujourd’hui. » 228
Les chrétiens donnent à ces espaces, le nom de cité biblique. Ces
noms prophétiques étaient l’expression de l’espérance en Dieu et
l’espoir de voir grandir ces petits espaces pour devenir de véritables
cités chrétiennes. Donc, dans de nombreux villages, la mise en place
d’un lieu de culte n’était pas forcément fonction du nombre de
chrétiens ; la présence de convertis suffisait pour le faire
229
.
Dans les régions situées plus au sud, le degré d’implication de la
population locale dans l’évangélisation étant moindre. La mission se
contenta d’entretenir les lieux de culte déjà existant dans les grands
centres urbains. C’est ce qui explique le fait que la présence de la MBCI
dans ces régions est moins marquée.
En somme, l’analyse statistique du nombre de conversions et de
celui des lieux de culte de la MBCI nous a permis de comprendre
l’ampleur et les facteurs de l’évolution numérique et qualitative de la
MBCI pendant la période missionnaire. Elle nous a aussi permis
d’évaluer les résultats des activités de la mission biblique depuis son
implantation jusqu’à la responsabilisation des frères ivoiriens.
228
Entretien réalisé en août 2010 à Abidjan.
Il est donc important de comprendre que les lieux de culte qui font ici l’objet
d’étude ne sont pas forcément de véritables églises, mais souvent de petits
endroits où se réunissent les chrétiens pour célébrer le culte. L’importance du
nombre de lieux de culte ne traduit pas forcément une importante adhésion de la
population locale mais parfois l’expression d’un rejet, d’une opposition
manifestée par des difficultés de cohabitation. Malheureusement, cette seconde
hypothèse n’a jamais été émise puis analysée par les responsables de l’Église,
qui, se basant sur la gloire des chiffres, sont tombés dans un véritable satisfecit,
faisant aujourd’hui de l’UEESO, l’une des Églises les moins missionnaires du
pays, voire d’Afrique.
229
152 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dans un premier temps, nous remarquons que la croissance des
effectifs et des zones d’influence de la Mission Biblique s’est faite en
deux temps ; une période de croissance lente marquée par l’exploration
missionnaire et les efforts d’adaptation aux réalités du champ de
mission. Cette période est aussi caractérisée par la faiblesse du nombre
de missionnaires et d’évangélistes. Durant cette période, les efforts
étaient concentrés dans les régions situées plus au sud, parmi les peuples
Neyo et Kroumen qui seront jugés plus tard par les missionnaires
comme étant hostiles à l’évangile. Durant cette période qui part de 1927
aux environs de1940, le nombre d’adhérents à la MBCI n’excède pas
300 membres et le nombre total de lieux de culte n’est que de 13.
A cette première période de croissance très lente succède une
seconde marquée par une croissance très rapide, voire vertigineuse. Les
facteurs de cette évolution exceptionnelle sont l’implication des
autochtones dans l’évangélisation et l’influence des actions sociales
entreprises par la Mission. Les évangélistes, forts de la maîtrise du
champ missionnaire, sillonnèrent les nombreux villages du sud-ouest
ivoirien pour porter le message du Christ. Ils contribuèrent à la
disparition de certaines pratiques aux conséquences terribles pour la
population. Aussi, l’école protestante, pour avoir formé des intellectuels
et des responsables chrétiens, participa à la propagation de l’évangile
dans le sud-ouest ivoirien.
L’on remarque aussi que l’implantation de la MBCI n’est pas la
même dans les différentes régions de sa juridiction. S’étant très tôt
déplacée dans l’ouest montagneux, elle consacra tous ses efforts sur
cette zone au détriment des autres régions.
Au terme de ce chapitre préliminaire, nous pouvons affirmer qu’à
l’origine de la Mission Biblique se trouvent deux prédicateurs africains,
sujets anglais : William Wade HARRIS qui peut être considéré comme
le pionnier des pionniers du protestantisme en Côte d’Ivoire, et Mark
Christian HAYFORD dont la démarche a permis l’arrivée des premiers
L’implantation de l’Église : méthodes et ampleur (1927-1962) 153
missionnaires qui vont fonder la MBCI. L’ampleur du mouvement
harriste qui s’étendait le long de la côte, de 1913 à 1915, a provoqué une
ruée des sociétés missionnaires protestantes vers la colonie ivoirienne.
Marck HAYHORD, théologien et fondateur d’une société missionnaire
en Gold Coast, arrive sur les traces d’HARRIS entre 1919 et 1921, dans
le but de perpétuer cette œuvre d’évangélisation et parvient à fonder 14
Églises sur lesquels il établir des responsables indigènes.
Mais face à l’hostilité manifeste de l’administration coloniale, il se
rend en France pour chercher, dans les milieux baptistes, des
missionnaires capable de poursuivre l’œuvre. Les difficultés financières
auxquelles il sera confronté par la suite vont l’obliger à abandonner
Laure et Daniel RICHARD qu’il avait recrutés à l’institut Biblique de
Nogent. Ces derniers, avec l’accord de l’Église du Tabernacle, créent en
1927 la Mission Biblique en Côte d’Ivoire. Fort du soutien de leur
Église, ces premiers missionnaires multiplient les actions d’exploration
et d’évangélisation. Les premiers convertis jouent un rôle prépondérant
dans ce projet d’évangélisation. Au début des années 1940, François
BONGA entreprend, tout seul, l’évangélisation du pays Dan. Pour faire
beaucoup de convertis, la Mission se met à l’écoute de la population en
mettant en place de nombreuses œuvres à caractère social et caritatif.
Cette stratégie s’avère efficace si bien qu’entre 1947 et 1957 le nombre
d’auditeurs quintuple. Parallèlement le nombre de baptisés et celui des
lieux de culte augmente de façon vertigineuse. Les missionnaires,
estimant que les peuples Wê et Dan sont plus ouverts à l’évangile par
rapport aux peuples côtiers, décident d’en faire leurs priorité, ce qui
conférer plus tard à L’UEESO-CI un caractère régionaliste ou ethnique.
La période missionnaire, malgré ses succès remarquables, comporte
un certain nombre de faiblesses dont les conséquences se feront sentir
plus tard sur l’Église autonome. Il s’agit par exemple de la mise d’un
accent particulier sur les œuvres sociales et caritatives comme moyen
154 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
d’évangélisation, et, la priorité accordée à certains peuples au détriment
d’autres.
A cette première phase qui est la phase missionnaire, succède la
phase de l’Église autonome qui couvre la période allant de 1962 à 1982.
L’analyse
des
principales
caractéristiques
phase constituera la trame du prochain chapitre.
de
cette
seconde
4
LE PASSAGE DE LA MBCI A L’UEESO-CI
(1962-1982)
En 1962, toutes les Églises issues de l’action missionnaire de la
MBCI, se regroupent en une communauté qui prend le nom d’UEESOCI (Union des Église Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire).
Quelles sont les raisons qui expliquent cette Union ? Quelles sont les
différentes étapes de sa constitution et comment l’œuvre d’implantation
évolue-t-elle sur cette période ?
« Après l’indépendance politique, s’agissait-il de l’indépendance
de l’Église ? Ni les missionnaires, ni les chrétiens africains ne
voulaient employer ce terme. L’Église est soumise à Christ, son
divin chef qui l’a rachetée par son sang et la conduit par son
Esprit. Il s’agissait d’une prise en charge, par l’Église africaine
des principales responsabilités : organisation, discipline, culte,
enseignement de la parole, ministères, évangélisation, diaconat,
nomination des pasteurs et des proposants » 230.
4.1 Les causes de l’autonomisation
La naissance de l’UEESO-CI en 1962 peut s’expliquer par une
conjugaison de facteurs endogènes et exogènes. L’analyse de ces
facteurs nous permet de dégager trois éléments essentiels.
230
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 237.
156 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
4.1.1 L’autonomisation, une exigence missionnaire
L’objectif principal, mieux, la raison d’être même de toute mission
chrétienne est d’obéir à l’ordre du Christ : « Allez et faites de toutes les
nations des disciples, baptisez les au nom du père, du Fils et du SaintEsprit »
231
. Le missionnaire a donc pour vocation principale de
propager l’évangile, de porter le message du salut dans toutes les
contrées du monde. Il a donc un rôle d’informateur, d’annonciateur de
bonne nouvelle et de formateur. Il se doit d’amener l’homme non
converti à la foi chrétienne, de l’édifier jusqu’à en faire un disciple de
Jésus-Christ. Cette activité doit être couronnée par le baptême du
nouveau converti et la constitution d’une Église locale forte et
indépendante.
Dès lors, le missionnaire doit évoluer vers d’autres horizons, laissant
la tâche de la gestion de la nouvelle communauté aux pasteurs, diacres et
autres responsables locaux.
L’histoire de la mission nous révèle que les premiers missionnaires
étaient de grands voyageurs en vue de répandre l’évangile le plus loin
possible. Dans « Les Actes des Apôtres », le médecin Luc décrit
l’itinéraire des premiers missionnaires :
« Barnabas et Saint Paul, envoyés par le Saint Esprit,
descendirent à Séleucie et de là ils s’embarquèrent pour l’île de
Chypre. Arrivés à Salamine, ils annoncèrent la parole de Dieu
dans les synagogues des Juifs. (…) Ayant ensuite traversé l’île
jusqu’à Paphos, se rendirent à Perge en Pamphilie (…) De
Perge, ils poursuivirent leur route, et arrivèrent à Antioche de
Pisidie. .. » 232.
Le missionnaire est donc un homme ambulant et c’est ce qui le
différencie du pasteur chargé de paître le troupeau.
231
232
Mathieu 11v28.
Actes des Apôtres, chapitre 13, verset 4 à chapitre 14 verset 27.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
157
Lorsqu’une mission ou un missionnaire, pour une raison quelconque
décide de s’établir définitivement sur une communauté, il perd sa
vocation missionnaire. Le missionnaire n’est donc pas un pasteur. La
Mission Biblique en Côte d’Ivoire voulait créer des Églises autonomes
conformément à l’ordre du Christ. Cette volonté s’est traduite par la
responsabilisation lente et progressive des frères Ivoiriens.
En 1958, Jacques BLOCHER, Président du comité de la MBCI,
demandait, dans L’appel de la Côte d’Ivoire
233
, que « le plus
rapidement possible, toutes les responsabilités soient confiées aux
chrétiens africains » et que les missionnaires se consacrent avant tout à
la formation des cadres. Dans ce même journal, le missionnaire
HUSSER fait remarquer que le but des apôtres fut la formation rapide de
l’Église locale.
Le but de la mission, écrit-il,
« C’est la formation d’une Église majeure, fondée sur la Bible,
conduite par le Saint-Esprit et qui rayonne le témoignage de
l’évangile... Nous qui avons vu naître cet enfant (l’Église
ivoirienne), il nous faut lui apprendre à être adulte. La tâche du
missionnaire est la formation de ses frères dans le service, des
frères à mettre au courant afin qu’ils puissent eux-mêmes
prendre l’œuvre en main pour bâtir l’Église du Seigneur » 234.
Cette responsabilisation des frères ivoiriens débuta déjà dès
l’installation de la MBCI, avec la nomination d’évangélistes locaux
chargés de l’encadrement des convertis. En 1934, trois évangélistes
formés se mirent à l’œuvre aux côtés des missionnaires. Ce nombre
s’accroit très rapidement au cours des décennies qui suivent. En 1947,
on dénombre 10 évangélistes ; en 1954, 32 et deux ans plus tard, 38
233
235
Organe d’information de la Mission biblique, qui paraît trimestriellement.
L’appel 1958 cité par Jeanne DECORVET op.cit, p. 226.
235
Kéo KOGNON, op.cit, p. 75.
234
.
158 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Cette responsabilisation va s’accentuer à partir de 1947 avec
l’arrivée de M. BLOCHER au Secrétariat de cette mission.
L’autonomisation des communautés locales est une exigence
missionnaire, et donc s’impose à toutes les sociétés missionnaires, la
rapidité avec laquelle elle s’effectua au sein des missions protestantes et
particulièrement au sein de la MBCI au lendemain du second conflit
mondial, nous amène à rechercher d’autres motifs qui y ont
probablement contribué.
4.1.2 Le contexte sociopolitique en Côte d’Ivoire au lendemain
du second conflit mondial
L’évolution du contexte sociopolitique dans les colonies françaises
au lendemain du second conflit mondial eut un impact important sur
l’activité
des
sociétés
missionnaires.
En
Côte
d’Ivoire
plus
particulièrement, elle joua un rôle déterminant dans la naissance d’une
Église ivoirienne.
D’abord, la deuxième Guerre Mondiale fut, dans toutes ses
dimensions, un facteur de prise de conscience générale et de quête
d’indépendance chez les indigènes. Car, ce conflit, plus que le premier,
avait étalé toutes les faiblesses du colonisateur et, par extension, de
l’homme blanc. Des Africains participèrent à l’effort de guerre ;
accompagnèrent les blancs sur les champs de batailles et même les
secoururent. Cette expérience leur permit de se rendre compte que le
blanc était aussi vulnérable que tout autre personne. Cette découverte
engendra une prise de conscience de la part des indigènes qui ne
voyaient plus en l’homme blanc un modèle parfait de civilisé mais plutôt
un homme violent et barbare dont il faut coûte que coûte sortir de la
domination
236
.
A cela s’ajoute le rôle joué par les évolués africains qui s’étaient
érigés en véritables éveilleurs de conscience. Le rôle de ces évolués fut
très déterminant dans le processus de décolonisation. En Côte d’Ivoire
236
C’était la mort du mythe du colon invincible.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
159
par exemple, c’est sous la houlette de Félix Houphouët BOIGNY que la
lutte émancipatrice fut menée. En Gold Coast, on a le souvenir encore
vivant de Kwamé NKRUMAH. A ces leaders s’ajoutent les intellectuels
tels qu’Aimé CESAIRE, Léopold Sédar SENGHOR et bien d’autres qui
luttaient pour revendiquer la valorisation de la culture noire. Leur action
consista à dresser les masses populaires contre l’administration coloniale
à travers des marches et des boycotts.
Cette volonté d’autogouvernance qui caractérisait les populations
ivoiriennes au lendemain de la seconde guerre mondiale gagna les
Églises dont celles de la Mission Biblique. Benjamin DEROU est l’un
des pionniers de l’UEESO-CI. Il fut le premier Secrétaire national de
cette Église à partir de 1962. Dans un entretien qu’il nous a accordé en
septembre 2010, il révèle ceci : « A l’approche des indépendances
nationales, (c’était une période de contestation généralisée) nous
voulions nous aussi diriger nous-mêmes l’Église. Sans avoir grandchose à reprocher aux missionnaires, nous leur avons exprimé le vœu de
gérer nous-mêmes l’Église »
237
.
Ensuite, la volonté du colonisateur d’accorder plus de liberté et
d’autonomie aux colonisés atteignit les sociétés missionnaires ellesmêmes de sorte que quand l’administration coloniale prenait des
mesures en vue de témoigner sa reconnaissance aux Indigènes, la
mission se croyait obligée de responsabiliser les frères Ivoiriens car elle
ne voulait pas rester en marge du vaste mouvement d’émancipation de
l’Afrique noire.
La volonté du colonisateur d’accorder aux colonisés une partie de
leur autonomie fut annoncée pour la première fois lors de la conférence
de Brazzaville où le général De Gaulle, alors Président de la République
française, fit de nombreuses promesses. Entre autre :
• La suppression du travail forcé ;
• La représentation des indigènes aux assemblées françaises ;
237
Entretien réalisé avec DEROU Benjamin, le 09 septembre 2010 de 10h à 12h.
160 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
• La création d’une Assemblée locale élue ;
• L’accès des Africains à tous les emplois ;
• La liberté d’association.
Même si ces promesses ne furent d’abord que théoriques et
rencontrèrent assez de difficultés dans leur application, elles eurent le
mérite de faire comprendre à tous que les Africains avaient aussi des
droits et étaient capables de raisonner. Cette conférence rehaussa
l’image de l’Africain en le rétablissant en partie dans ses droits.
Deux années plus tard, la citoyenneté française fut accordée à tous
les Indigènes avec la loi Lamine GUEYE. Au cours de cette même
année 1946, une nouvelle constitution fut votée en France instituant
l’Union Française, accordant aux Indigènes les mêmes droits que les
citoyens français (suppression du code de l’indigénat), et la promesse de
la création de l’Assemblée locale élue devint une réalité. De nombreux
mouvements syndicaux et partis politiques virent le jour marquant le
début d’une période de fortes contestations émaillées de grandes
violences.
A l’intérieur des sociétés missionnaires, la vigilance et le réalisme
s’imposaient, consciente que le temps était proche pour l’Afrique de
tourner la page de la servitude et de la domination, que l’accession à
l’indépendance devenait de plus en plus imminente. Jacques
BLOCHER, alors président du comité de la Mission Biblique prit alors
la résolution de favoriser l’autonomisation de l’Église ivoirienne en
prenant soin de ne pas choquer les missionnaires qui travaillaient sur le
terrain. Michel EVAN résume ici la conception de l’évolution de
l’activité missionnaire selon BLOCHER :
« “Les difficultés du travail missionnaire proviennent souvent de
ce que les ouvriers en place n’ont pas le recul nécessaire et sont
absorbés par les détails de leur tâche immédiate. Quelques fois
ils se laissent aller à une certaine routine et ne sentent pas que
des changements s’imposent. Cela provoque des réactions
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
161
pénibles chez les autochtones qui supportent malaisément d’être
maintenus en tutelle. Les comités sont embarrassés pour prendre
des décisions, car la distance les empêche de se rendre compte
de la situation exacte.”
Jacques BLOCHER avait à la fois la vision à long terme et le
contact immédiat. Sans brusquer ni les uns ni les autres, il a su
orienter l’œuvre dans la bonne direction. Ce n’était pas facile. Il
lui a fallu beaucoup de patience et de persévérance pour
convaincre les intéressés sans leur faire de peine » 238.
Aussi en 1958, avec la naissance de la Communauté Francoafricaine
239
, l’ambiance politique connaît-elle une nouvelle évolution
dont l’influence sur les missions chrétiennes fut une intensification des
activités religieuses, signe d’une prise de conscience.
Rappelons brièvement le contenu de la nouvelle constitution :
238
Michel EVAN, BLOCHER, J’ai cru et j’ai parlé, Paris, Editions de l’Institut
Biblique, 1989, 187 p., p. 16.
239
L’année 1958 marque la naissance de la Communauté Franco-Africaine. Les
origines de cette communauté remontent à l’instabilité des gouvernements de la
quatrième République et au putsch d’Alger (13 mai 1958). Le gouvernement de
Pierre Pflimlin fut obligé de faire appel au symbole de la Résistance Française.
Le premier juin 1958, le Général De Gaulle se présenta devant l’Assemblée
Nationale pour demander l’investiture de son gouvernement. La loi du 13 juin
1958 qui en découla prévoyait que la constitution serait révisée par le
gouvernement et que le texte définitif serait soumis à Référendum. Un avantprojet de constitution adopté par le gouvernement le 28 juillet fut remis au
comité consultatif constitutionnel qui se réunit pour la première fois le 29 juillet
sous la présidence de M. Paul REYNAUD (1878-1966).
Du 20 au 27 août, le général De Gaulle visita plusieurs capitales africaines pour
faire connaître la nouvelle politique de la France et faire campagne en faveur des
dispositions de la constitution en élaboration. C’est le 04 septembre 1958 que le
texte définitif de la constitution fut présenté, sur la place de la République à
Paris. Un mois plus tard, précisément le 04 octobre 1958, la nouvelle
constitution fut promulguée. Elle avait pour objectif non seulement la refonte
des institutions de la République française, mais aussi le raffermissement des
relations avec l’Afrique.
162 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
• Les États de la Communauté jouissent de l’autonomie interne
complète, c'est-à-dire qu’ils s’administrent eux-mêmes, gèrent
démocratiquement et librement leurs propres affaires
240
;
• Pour cela, la loi fondamentale détermine les compétences
communes : la politique étrangère, la défense, la monnaie, la
politique économique, et financière,…
241
Les institutions de la Communauté selon la Constitution de 1958
sont les suivantes :
• Le Président de la Communauté ;
• Le conseil exécutif ;
• Le Sénat et la cour arbitrale.
A partir de novembre 1958, les territoires d’A.O.F deviennent des
États : Soudan (24 novembre), Sénégal (25 novembre), Mauritanie (28
novembre). La proclamation de la République de Côte d’Ivoire le 04
décembre 1958 vint couronner cette année d’intenses activités
politiques.
On enregistrait parallèlement une intense activité au sein des
missions chrétiennes en A.O.F. Deux activités majeures réalisées au
cours de cette année retiendront notre attention : la conférence des
Églises et missions protestantes d’Afrique et le voyage du délégué
général de la Fédération Évangélique d’A.O.F-Togo aux États-Unis et
en Europe. La conférence des Églises et missions protestantes d’Afrique
qui se tint à Ibadan du 10 au 20 janvier 1958
242
avait pour thème :
« L’Église dans une Afrique en pleine transformation ». Les points
suivants furent analysés :
240
Article 78 de la constitution de 1958
Article 78 de la constitution de 1958
242
Une seconde assemblée, tenue à Kampala (du 20 au 30 avril 1963), mit sur
pied un organisme permanent appelé Conférence des Églises de Toute l’Afrique
(C.E.T.A). Cf. Marc-André, « Missions et églises évangéliques en Afrique et à
Madagascar », in Afrique contemporaine, n°27 septembre-octobre 1966, p. 19.
241
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
163
• L’éducation de la jeunesse et la constitution des familles
chrétiennes ;
• Les difficultés économiques et la répartition des terres ;
• L’évolution politique, la formation civique des membres, la
culture africaine et l’Islam.
Charles BONZON résume ici les travaux de la conférence d’Ibadan
tout en indiquant leur importance pour les Églises d’Afrique :
« Tous les problèmes étudiés menaient en définitive au dur
combat que les églises de Jésus Christ en Afrique doivent mener
pour répondre à sa vocation dans un environnement immédiat.
L’expérience de l’unité en Christ : les délégués à Ibadan ont
mesuré la tâche immense qui attend leur église. Cette tâche leur
est apparue partout la même. Devant elles, ils se sont sentis très
proches dans une même foi en Dieu et aussi dans une commune
appartenance à l’Afrique. L’existence de liens si profonds, par
delà toutes les différences linguistiques, coutumières, politiques
et même ecclésiastiques, a été l’une des découvertes les plus
émouvantes de cette conférence. » 243
Quant au voyage du délégué général de la Fédération Évangélique
d’A.O.F-Togo, Georges MABILLE, il eut lieu durant le dernier
trimestre de l’année 1958 aux États-Unis et en Europe. Il s’effectua au
moment crucial du référendum
244
en AOF à l’initiative de
l’administration coloniale française par l’intermédiaire des hauts
commissaires Victor COUSIN et Pierre MESSMER. A travers ce
voyage, l’administration poursuivait les buts suivants :
243
Charles BONZON, Accra-Ibadan : « deux grandes conférences africaines »,
in Journal des missions évangéliques, 1958, pp. 98-93.
244
Georges MABILLE, Rapport du délégué au conseil de la fédération
évangélique, Bobo-Dioulasso, juin 1959, 6 p..
164 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
•
exprimer la profonde gratitude du gouvernement français pour le
remarquable travail accompli par les missions au cours des
années en AOF ;
• exhorter les Églises et les directions des missions à continuer cet
effort ;
• intensifier cet effort partout où ce serait possible.
Le message de Georges MABILLE aux missions d’Amérique et
d’Europe peut se résumer aux points suivants :
• une description de la courtoisie et de l’amabilité des autorités
françaises envers le délégué de la fédération ;
• une description de la cordialité des nouvelles autorités africaines
mêmes musulmanes envers les représentants des missions ;
• une démonstration de l’ouverture des portes encore pour le
témoignage chrétien dans l’ouest africain de culture française.
A travers ces deux activités, il était donc question pour l’Église en
Afrique de prendre conscience des nouveaux défis qui s’annonçaient et
aussi pour l’administration de faire comprendre aux missions
européennes et américaines que l’évolution politique ne devait en rien
entraver leur présence mais plutôt, un facteur d’intensification de leurs
activités. L’Église en A.O.F bougeait au rythme de l’évolution politique
et la question essentielle au cœur des missions était : comment préparer
la relève ? Pour la Mission Biblique, cette période d’après guerre fut
marquée par une série de rencontres avec au cœur des débats, la
responsabilisation des frères Africains.
4.1.3 Acteur et étapes de l’Autonomisation
La Naissance de l’UEESO-CI en tant qu’institution et son
autonomisation définitive ont été les étapes finales d’un long processus.
Ce fut aussi la réalisation d’un rêve longtemps caressé par Jacques
BLOCHER. Qui est Jacques BLOCHER et quel rôle déterminant joua-til dans l’autonomisation de l’UEESO-CI ?
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
4.2 Jacques BLOCHER, principal
l’autonomisation de l’UEESO-CI
acteur
165
de
Né à Asnières en 1909, Jacques BLOCHER était le troisième des
cinq enfants d’Arthur BLOCHER et de Madeleine née SAILLENS. Fils,
petit-fils et arrière petit-fils de pasteur, il grandit dans une atmosphère
chrétienne caractérisée par la crainte de Dieu et l’amour de Sa parole. Il
subit aussi une forte influence de sa belle famille notamment de son
beau père Van NES
245
, un éminent missiologue.
Jacques BLOCHER avait beaucoup d’estime et de respect pour ses
beaux-parents. Ce contact suscita en lui un intérêt particulier d’autant
plus que son propre père, Arthur BLOCHER, était lui aussi professeur
de missiologie à l’institut biblique de Nogent. Ce dernier, un des
pionniers et membre influent du baptisme français, quitta l’Union
baptiste pour des raisons doctrinales, pour créer sa propre Église en
1921, l’Église du Tabernacle.
Au cours d’un bombardement sur Paris au cours de la Première
Guerre Mondiale, il prit la décision à huit ans de devenir chrétien :
« Il a été saisi par la crainte d’une mort soudaine à envisager ;
il s’est ouvert à la grâce de Dieu en Jésus Christ et il a reçu
l’assurance du pardon de ses fautes ainsi que la vie
éternelle
246
».
Plus tard, cette conversion enfantine fut confirmée par la vocation
pour le service chrétien à plein temps. En 1926, après son baccalauréat
ès-lettres, il entre à l’institut biblique de Nogent, créé par Ruben
SAILLENS. Parallèlement à ses études à Nogent, BLOCHER prépara
une licence ès-lettres à la Sorbonne. En 1928, il embarqua pour
l’Amérique afin de poursuivre sa formation théologique à Minneapolis.
245
Le professeur Hendrik VAN NES était un éminent missiologue. Il dirigeait
l’institut de missiologie à Oegstgeest et il enseignait la théologie dogmatique à
la faculté de Leyde.
246
Michel EVAN, op.cit. p. 10.
166 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
En 1930, suite au décès brusque de son père et surtout pour seconder sa
mère dans la gestion de l’Église du Tabernacle, il rentra précipitamment
pour occuper en 1932, un poste de professeur à l’institut de Nogent où il
maria trois années plus tard Elisabeth VAN NES. Il passa en fait par
plusieurs étapes : d’abord évangéliste chargé du travail parmi les jeunes,
pasteur secondaire, professeur, puis pasteur titulaire.
Dès lors, commença pour lui un ministère chrétien très riche en
actions et en témoignages. Sur la scène internationale, BLOCHER fut
l’une des grandes figures du protestantisme et organisateur de grandes
croisades avec Billy Graham dont il était souvent le traducteur.
Dans sa préface du livre de Michel EVAN consacré à la vie de
BLOCHER, Billy GRAHAM en effet, fait le témoignage suivant :
« Le professeur Jacques BLOCHER était l’un des dirigeants les
plus consacrés que j’ai eu le privilège de connaitre. En diverses
circonstances, il a été pour moi comme un frère ainé ou comme
un père. La vie qu’il menait, le message qu’il proclamait et
l’influence qu’il exerçait m’ont marqué dans ma personne et
dans ma vie d’une façon durable.
Depuis le début de mon ministère en Europe en 1946, il a été un
collaborateur précieux. Non seulement il m’a traduit avec
enthousiasme lors de toutes mes campagnes et rencontres en
Europe francophones, mais il m’a beaucoup aidé dans
l’adaptation du message au public » 247.
En 1940, BLOCHER qui servait comme officier (lieutenant) dans
l’armée française, fut fait prisonnier et déporté à l’Oflag XB de
Nienbourg an der Wiser (Hanovre), un camp de 4500 officiers français.
Il y joua un rôle pastoral très important de 1941 à 1945. En août 1941,
suite au départ des deux officiers aumôniers français, il resta le seul à
247
Michel EVAN, BLOCHER, J’ai cru et j’ai parlé, préface de Billy
GRAHAM, p. 5.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
167
assurer avec zèle cette fonction de pasteur et d’évangéliste au sein du
groupe protestant du camp jusqu’à la libération en 1945.
Le résultat fut à la hauteur de son engagement. Puisqu’à la fin de la
captivité le nombre de protestants du camp oscillait entre 45 et 80. Ce
brillant ministère parmi les protestants de milieux variés et surtout dans
la communion fraternelle avec les catholiques développa chez lui un
sens de l’œcuménisme aigu.
Comme évangéliste, il organisa au lendemain de la seconde guerre
mondiale,
avec
Billy
GRAHAM
deux
grandes
campagnes
d’évangélisation qui marquèrent profondément le monde évangélique en
France.
La première qui débuta assez difficilement à cause de l’hostilité de la
presse française
248
, se solda par un grand succès. Débutée le 05 juin
1955, elle enregistrait en moyenne 8000 personnes chaque soir. Plus de
2000 décisions
249
furent prises à la fin de la campagne.
La seconde était une initiative du comité de l’Alliance Évangélique
Française qui chargea Jacques BLOCHER d’inviter personnellement
Billy GRAHAM dont il avait une estime particulière. Cette campagne, à
la différence de la première, était éclatée puisqu’elle se déroula dans
plusieurs villes en mai 1963.
248
L’hostilité de la presse française à l’égard de cette campagne de Billy Graham
a ses origines dans le discours tenu par celui-ci à Francfort trois jours plutôt. En
effet, la presse française avait déjà publié des extraits de ce massage avec
commentaire avant l’arrivée de M. Graham. Voici comment Le Monde du 30
juin 1954 a résumé ce sermon : « A Francfort, le pasteur itinérant a su trouver
les mots qu’il fallait. Il s’est livré à un parallèle convaincant entre la France et
l’Allemagne. "L’Allemagne a-t-il dit, dépasse le reste de l’Europe de la tâte et de
l’Europe…la France, en revanche, a perdu la foi…c’est une montre dont le
ressort est cassé. Deux guerres mondiales ont épuisé ce pays et le matérialisme
s’en est emparé…Allemands, a-t-il ajouté, bien que mon pays ait mené contre le
votre deux guerres, nous vous considérons comme nos meilleurs amis." » La
phrase offensante : C’est une montre dont le ressort est cassé a beaucoup choqué
les journalistes si bien que les explications données par le pasteur étaient loin de
les satisfaire, d’où la grande hostilité à l’égard de la campagne.
249
Conversions, réaffirmation de la foi, consécration…
168 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Débutée dans des conditions difficiles à Paris, cette campagne
connut un succès au-delà des espérances aux dires Jacques BLOCHER
lui-même :
« A Paris, la campagne s’annonçait difficile. La tente convenait
mal à de telles réunions. Trop longue, elle ne permettait qu’à peu
de gens de voir l’orateur et la chorale, les bancs étaient
inconfortables, il faisait froid, sans parler de l’humidité et des
rats…Avec cela, la presse dans sa quasi unanimité était hostile,
méchante, menteuse ou gardait un silence méprisant (…) Dieu a
pourtant répondu à notre appel (…) 25000 personnes différentes
ont été atteintes. Le chiffre total des auditeurs approchait 45000.
Près de 12000 personnes ont donné leur nom et adresse (…) Une
proportion remarquable d’intellectuels, professeur, instituteurs,
étudiants, artistes ont été touché par le message élémentaire de
Billy Graham (…). L’immense palais des sports dont Lyon
s’enorgueillit était pratiquement comble (11500 auditeurs dont
9000 lyonnais parmi lesquels 3000 protestants au plus). A
Toulouse, près de 7000 et à Mulhouse plus de 11000
personnes » 250 .
Au cours de cette croisade à laquelle BLOCHER a pris une part
active, plus de 60000 personnes ont été évangélisées dont 3000
s’avancèrent pour manifester leur décision de mieux connaitre Jésus
Christ.
A la fin de son rapport, BLOCHER présente le défi auquel doivent
faire face les chrétiens en France de manière générale et en particulier
les protestants :
« Nous pensons que cette croisade n’a été qu’un commencement,
qu’elle nous engage à continuer dans cette voie. En France, Il
existe une masse de gens qui contrairement à ce qu’affirment les
250
Michel EVAN, op.cit, pp. 90-93.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
169
experts, sont toujours préoccupés par les problèmes éternels du
mal, du péché, de la souffrance, de la mort, de la destinée de
l’homme 251 ».
De nombreuses autres activités d’évangélisation et initiatives
œcuméniques sont à son actif.
En dépit des lourdes responsabilités qu’il assumait au sein du
protestantisme français et mondial, BLOCHER avait un amour
particulier pour l’Église africaine qu’il voulait à tout prix voir
s’épanouir. Car l’œuvre missionnaire, telle que menée, n’était pas
favorable à la naissance d’une Église africaine. Les différents champs
missionnaires à l’intérieur d’un même pays, étaient repartis entre
différentes sociétés missionnaires pour éviter la concurrence fâcheuse.
Cette manière de travailler conduisait à l’isolement des Églises, au
manque de coordination dans le domaine social et même doctrinal alors
que les Églises africaines avaient besoin d’un cadre d’échange et surtout
de coopération.
En 1964, BLOCHER entreprend à la demande de l’Office
Évangélique Africain, un périple de presque deux mois dans une
douzaine de pays africains. Il était accompagné de Ken DOWING
secrétaire de l’AEO (Africa Evangelical Office) et d’ASANI, président
du conseil protestant du Congo. Cette tournée leur avait permis de
donner 15 conférences réunissant environ 540 responsables d’Églises et
200 missionnaires. Ils avaient traités différents thèmes :
• Base biblique de l’Unité ;
• Autorité de la parole de Dieu ;
• Histoire et danger du mouvement œcuménique ;
• Formation et but d’une alliance évangélique pour l’Afrique.
251
Idem.
170 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Cette tournée qui permit de dissiper de nombreux malentendus à
propos de l’œcuménisme et de l’autorité de la Bible contribua à stimuler
le désir d’une plus grande collaboration entre évangéliques en Afrique.
Une des retombées de ce marathon fut l’organisation d’une grande
conférence à Limuru au Kenya du 29 janvier au 06 février 1966 sous
l’égide de l’Office Évangélique pour l’Afrique. Ce congrès qui avait
réuni 180 délégués représentant 24 pays d’Afrique portait sur
« L’évangélisation de l’Afrique ». BLOCHER était l’un des principaux
orateurs.
Au sortir de Limuru, la collaboration entre les Églises des différents
pays d’Afrique s’avéra de toute première importance. C’est donc à
l’unanimité que les délégués votèrent pour la création de l’Association
des Évangéliques d’Afrique et de Madagascar.
Jacques BLOCHER en donne un témoignage saisissant :
« Les délégués de ce congrès n’oublieront sans doute jamais la
joie profonde qu’ils ont éprouvé dans la communion fraternelle,
tandis qu’ils se découvraient tous unis dans une même foi au
seigneur Jésus-Christ et dans un même désir de rester fidèles aux
Saintes Ecritures, seule Parole de Dieu. Ils savent tous que
Limuru est désormais, plus qu’un village au climat printanier.
Limuru 1966 est un événement très important dans l’histoire de
l’Afrique et dans l’histoire de l’Église puisque des églises
comprenant
sans
doute
plusieurs
millions
de
chrétiens
évangéliques s’y sont trouvées d’accord pour marcher désormais
ensemble. » 252
Son amour pour les Églises d’Afrique se mesure aussi par le nombre
de voyages qu’il effectua sur le continent : ce sont 18 voyages au total
pour donner des conférences et pour encourager les chrétiens africains à
vivre, sans complexe et dans la communion fraternelle, la vie chrétienne.
252
Michel EVAN, op.cit., p. 131.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
171
BLOCHER fut à toutes les étapes de la croissance de l’UEESO-CI.
D’abord en arrière plan et encourageant les missionnaires sur le champ
de la MBCI, il finit par devenir le président du comité de cette mission
en 1952. Depuis la France, il exerçait beaucoup d’influence sur le
développement de la mission en Côte d’Ivoire en donnant les grandes
orientations, et surtout s’intéressant à tout. Michel EVAN révèle en
effet :
« Il entretenait une correspondance personnelle régulière avec
les missionnaires sur le champ et c’est en la lisant que nous
pouvons constater sa curiosité naturelle et sa préoccupation du
travail.
Il
pose
des
questions
concernant
la
situation
géographique et le climat des stations inconnues. Il veut
connaitre le nombre de villages évangélisés, le nombre de
participants aux cultes de chaque station, il se renseigne sur les
conditions de vie des missionnaires, leur logement, leur santé,
leurs finances, il fait tout pour les aider sur le plan pratiques
allant jusqu’à s’occuper de certains outils d’évangélisation tels
les traités, les livres…Il prend à cœur tout ce qui concerne la
mission. » 253
Secrétaire de la mission en 1947, il lui fit connaitre un essor
remarquable à travers la création du journal « L’appel de la Côte
d’Ivoire » et le développement de nombreuses œuvres sociales telles que
le prestigieux collège Jean CALVIN de Daloa en 1947, la pouponnière
de Man, l’école biblique de Man en 1957, l’institut biblique
intermissionnaire de Yamoussoukro en 1960…
En 1952, en tant que président du comité de la Mission biblique en
Côte d’Ivoire, sa priorité était la responsabilisation des frères ivoiriens.
Son attitude à l’égard de ces derniers démontre toute la confiance qu’il
plaçait en eux et surtout la considération qu’il avait pour chacun d’eux.
253
Michel EVAN, op.cit., p. 128.
172 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
BLEUKEUHOUA Albert, alors secrétaire général de l’UEESO-CI,
rapporte ici un témoignage de Paul GUEHI, doyen des anciens de
l’Église Wobé :
« Je n’oublierai jamais Monsieur BLOCHER car c’est lui qui
m’a baptisé d’eau et après cela, je l’ai reçu chez moi pendant
trois jours. Enfin, lui et moi avons passé la nuit sur une même
natte dans un village où il prêchait l’évangile »
254
Dans une colonie de Côte d’Ivoire où l’Européen exerçait une
domination sans partage, dormir sur une même natte qu’un blanc était
une chose exceptionnelle. BLOCHER ne méprisait pas ses frères
Africains, au contraire, il se mettait à leur niveau partageant leurs
conditions de vie.
BLOCHER était aussi un homme qui savait lire dans le temps. Il
comprit très tôt que les Églises en Afrique devaient être considérées
comme responsables. Il avait lu un document d’un pasteur africain, le
pasteur
MAKANZU :
« Les
murmures
des
Africains
sur
les
missionnaires » qui l’avait beaucoup impressionné.
C’est donc lui qui entama le processus d’autonomisation de
l’UEESO-CI dès 1953 lors de son premier voyage sur le champ
missionnaire de la MBCI en Côte d’Ivoire. Il décida à cette occasion de
réunir évangélistes africains et missionnaires blancs autour d’une même
table de discussion. Pour les évangélistes africains cet événement
historique était une grande marque de confiance. Pour le pasteur VE
Tokpa Natanaël en effet, « C’est à cette occasion que pour la première
fois les délégués ou représentants africains ont pu se réunir avec les
missionnaires lors de leur conférence annuelle sous la présidence
effective de Monsieur Jacques BLOCHER. »
254
Michel EVAN, op.cit., p. 128.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
173
BLOCHER venait ainsi d’ouvrir la porte à une série de rencontres
devant aboutir en 1962 à la naissance de l’UEESO-CI en tant qu’Église
autonome.
4.3 Les principales étapes de l’autonomisation de
l’UEESO-CI
L’année 1962 marque la naissance de l’UEESO-CI. Cette naissance
est favorisée par deux facteurs essentiels : le développement qualitatif et
quantitatif de l’Église entre 1945 et 1960 et la responsabilisation des
frères Ivoiriens.
4.3.1 Le développement de l’Église de 1945 à 1960
Le champ de la Mission Biblique s’étend de manière considérable à
partir de 1945 avec :
• La pénétration de l’évangile chez les Toura grâce à VE
Tokpa ;
• La pénétration de l’évangile en pays Wobé avec les
évangélistes GUEHI Etienne et MOUY Gaston ;
• L’augmentation massive des auditeurs dans la région de
Danané grâce, en partie, à la lutte menée par les évangélistes
contre la secte d’origine libérienne « Ninhin » ;
• Le développement de l’alphabétisation et la traduction du
Nouveau Testament en Yacouba par Mme FUNE ;
• L’ouverture de la région de Toulépleu à l’évangile ;
• La création et le développement de la pouponnière de
Man.
255
Parallèlement à la croissance rapide du nombre d’auditeurs et de
celui
255
des
Cf. Supra.
lieux
de
culte
256
,
le
nombre
de
serviteurs
croit
174 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
considérablement grâce à une responsabilisation accélérée des frères
ivoiriens. Ce progrès important de l’évangile dans le sud-ouest et surtout
l’engouement de nombreux ivoiriens pour le service à plein temps
interpelait de plus en plus les missionnaires et l’autonomisation devenait
ainsi une exigence.
4.3.2 La responsabilisation des frères ivoiriens
La seconde moitié de la décennie 1950-1960 fut marquée par un
accent particulier sur la formation des serviteurs. Le Cours Secondaire
Protestant de Daloa est ouvert en 1947 pour la formation des
instituteurs, et en 1957 ce fut l’ouverture de l’École Biblique de Man
pour la formation des évangélistes, enfin en 1960 l’Institut Biblique
Africain de Daloa pour la formation des pasteurs
257
. En conséquence, le
nombre d’évangélistes s’était considérablement accru comme le montre
la courbe ci-dessous.
Tableau 7 : Évolution du nombre d’évangélistes à la MBCI de 1927
à 1959
Années
1927
1947
1954
1956
1957
1959
Evangélistes
0
10
32
38
38
34
Source : Appel Côte d’Ivoire Haïti, 1961-1969.
256
Entre 1947 et 1951 le nombre d’auditeurs passe de 600 à 4755 dont 1095
baptisés et le nombre de lieux de culte passe de 13 à 109.
257
Archives personnelles du pasteur LOH Michel, Secrétaire National de
l’UEESO.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
175
Graphique 5
1927
1947
1954
1956
Source : Réalisé par nos soins sur la base du tableau ci-dessus.
Cette
accélération
de
la
formation
s’accompagnait
de
la
responsabilisation des frères Ivoiriens. En 1953, pour la première fois
les représentants des évangélistes africains participent à l’Assemblée
Générale annuelle des missionnaires. L’année suivante, une caisse fut
créée pour le salaire des évangélistes et sa gestion fut confiée aux frères
ivoiriens. Cette même année, le choix des prédicateurs laïcs fut laissé à
l’Église.
En 1960, la Côte d’Ivoire accède à l’indépendance. Ce changement
de statut politique du pays amène un changement de statut dans l’Église.
La Mission Biblique (française) pouvait jusque là représenter les Églises
devant l’administration coloniale. Désormais, l’Église ivoirienne devra
se représenter elle-même devant le Gouvernement ivoirien d’où
l’élaboration en octobre 1960 du statut de l’Union des Églises
Évangéliques du sud-ouest de la Côte d’Ivoire.
176 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
4.4 L’UEESO-CI, sa naissance, sa doctrine et son
organisation
L’année 1962 marque de manière officielle la naissance de
l’UEESO-CI. Deux années en arrière, précisément les 25 et 26 octobre
1960, les délégués désignés par les Églises issues de la MBCI s’étaient
réunis à Man pour former une Union légalement déclarée. Des statuts
très complets furent élaborés pour être ensuite soumises aux Églises
constituantes
258
. Les 2, 3 et 4 janvier 1962 fut tenue la première
Assemblée Générale des délégués desdites Églises à Man sous la
présidence du missionnaire Paul FUNE. Cette Assemblée adopta à
l’unanimité les statuts précédemment élaborés et soumis aux Églises
locales
259
. Puis on procéda à l’élection d’un comité de l’Union formé
uniquement d’Africains et dont le Président fut M. François BONGA et
DEROU Benjamin le premier secrétaire. L’UEESO-CI venait ainsi de
naître
260
. Dès sa création, l’UEESO-CI se dote d’un journal
« Construire ».
4.4.1 La confession de foi de l’UEESO-CI
L’UEESO-CI, à l’instar de l’Église du tabernacle d’où sont partis les
premiers missionnaires de la MBCI, est une Église baptiste. L’on
pourrait même dire que c’est la toute première branche ouest-africaine
du baptisme français. Elle adopte en conséquence la confession de foi
des Églises baptistes dont voici le contenu
261
:
« Du Vrai Dieu
Nous croyons qu´il y a un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit,
Créateur de toutes choses, Infini, Eternel, Tout-Puissant et
258
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 233.
L’intégralité de ces textes est annexée à ce document. Voir annexe II-1.
260
Idem.
261
Cette confession de foi est annexée aux statuts de l’Union.
259
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
177
méritant au plus haut degré, confiance, amour, louange et
adoration.
Des Saintes Ecritures
Nous croyons que les écrits canoniques de l’Ancien et du
Nouveau Testament sont la parole de Dieu et doivent être la seule
infaillible règle de foi et de vie chrétienne par laquelle nous
seront jugés, et la seule pierre de touche pour éprouver toute
tradition, toute doctrine et tout système religieux.
De la chute de l´homme et des suites du péché
Nous croyons que Adam notre premier père fut créé innocent et
bon, mais qu´ayant volontairement violé le commandement de
son créateur, il perdit son état primitif, de sorte que tous ses
descendants, héritant de sa nature, sont enclins du mal. Nous
croyons aussi que tous ceux qui ont transgressé la loi de Dieu
sont justement exposés à la mort éternelle.
De Jésus-Christ et de son œuvre.
Nous croyons que Jésus-Christ, le verbe fait chair, né d´une
vierge, conçu par la vertu du Très-Haut, est le Fils de Dieu, et
qu´après avoir été tenté comme nous en toutes choses, il est resté
saint, innocent, sans souillures ; qu’il a souffert et qu’il est mort
sur la croix pour expier nos péchés ; qu’il est ressuscité, qu´il est
monté au ciel où il est seul médiateur entre Dieu et les hommes,
et d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts.
Du salut par la foi en Jésus-Christ
Nous croyons que pour être sauvé, le pécheur doit se repentir de
ses péchés, accepter l´œuvre de Jésus-Christ et s’unir à Lui par la
foi. Cette union produit la justification, la régénération et la
sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur. Nous
croyons aussi que la vraie foi se manifeste toujours par des
œuvres agréables.
178 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
De l´œuvre du Saint–Esprit
Nous croyons que c’est le Saint-Esprit qui, appliquant au cœur
les vérités de l´Ecriture, produit en ceux qui sont élus selon la
préscience de Dieu, la vie chrétienne dans son principe et dans
ses effets, et les rend capables d´y persévérer jusqu´à la fin.
Du ministère de la parole
Nous croyons que Dieu a institué un ministère de la parole
composée dans l’origine, de prophètes, d´apôtres, d´évangélistes,
d´anciens ou pasteurs et docteurs, dans le but d´amener les
pécheurs à la conversion et de les diriger dans la vie
chrétienne. Ce ministère doit se perpétuer jusqu´au retour du
Christ.
Des Églises locales
Nous croyons qu´une Église locale constituée selon la parole de
Dieu est une assemblée de croyants baptisés, indépendants de
toute autorité autre que celle de Jésus-Christ, le seul Chef de
l´Église universelle, qui est son corps. Les membres de l´Église
locale gouvernés par les lois de Christ, exercent, dans l´intérêt
général, les devoirs qui leur sont imposés suivant les dons qu´ils
ont reçus. Les chrétiens qui ont une charge spéciale dans l´Église
sont les pasteurs, les diacres et les diaconesses, dont les devoirs
sont indiqués dans le Nouveau Testament.
Du baptême
Nous croyons que le baptême est, pour les chrétiens
volontairement morts au péché, l’emblème frappant et solennel
de l’ensevelissement et de la résurrection avec Christ, à qui ils
sont unis par la foi, pour vivre en lui d´une vie nouvelle et sainte.
Nous croyons, d’après l´ordre du Christ, son exemple et celui des
apôtres, que l´immersion des croyants doit précéder l’admission
dans l’Église locale et la participation à la Sainte Cène.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
179
De la Cène
Nous croyons que la Cène instituée par notre Seigneur JésusChrist doit être observée dans les Églises jusqu’à ce qu’il
revienne ; que le pain et le vin, auxquels tous les membres de
l’Église participent, sont les symboles du corps et du sang de
notre Sauveur ; que, par cette communion, les membres en y
participant, professent former un même corps avec Christ, et être
unis les uns aux autres dans un même esprit.
Du retour de christ et de la résurrection
Nous croyons que le Seigneur Jésus-Christ reviendra du ciel
comme il y est monté, conformément à la déclaration de
l´Ecriture. Nous croyons à la résurrection des morts, tant des
justes que des injustes, et au jugement final, où aura lieu la
séparation éternelle des bons et des méchants, ceux-ci allant à la
punition éternelle, et les justes à la vie éternelle.
De la sanctification du dimanche
Nous croyons que, conformément à l´exemple des apôtres et des
premiers chrétiens, le premier jour de la semaine doit être
considéré comme le jour du Seigneur, en mémoire de la
résurrection de Jésus-Christ et que, en conséquence, nous devons
employer le dimanche à l´édification de nos âmes dans nos
saintes assemblées et à des œuvres de charité, nous préparant
ainsi au repos éternel.
Du gouvernement civil
Nous croyons que le gouvernement civil est ordonné de Dieu
pour les intérêts et le bon ordre de la société, et qu´il faut prier
pour les magistrats et les autorités constituées, les honorer et leur
obéir dans toutes les choses qui ne sont pas contraires aux
enseignements des Saintes Ecritures, selon cette parole du
180 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Seigneur : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui
est à Dieu ». (Math.22 :21).
L’analyse de cette confession de foi met à jour un certain nombre de
constats. Il s’agit dans un premier temps de la ferme croyance en Dieu et
en sa Parole. L’UEESO-CI croit que Dieu est Un. Il est l’auteur de toute
la création. La Bible est considérée comme la parole de Dieu, ce qui lui
confère un caractère infaillible, faisant d’elle la seule règle de foi et de
vie chrétienne.
L’UEESO-CI croit aussi à l’amour de Dieu et à la chute de l’Homme
qui le sépare de son créateur. Jésus-Christ est reconnu comme le seul
moyen pour renouer le lien avec Dieu rompu par le péché. L’Union
insiste aussi sur le baptême par immersion qui constitue la condition sine
qua non pour devenir membre de l’Église. La communion y est
pratiquée sous ses deux formes, le pain et le vain, symbole du corps
brisé du Christ et de son sang versé. Cette communion doit aussi
caractériser les relations entre les frères en Christ, témoignage de
l’amour du Christ.
Cette confession met aussi l’accent sur l’espérance dans le retour du
Christ. Enfin, un accent est mis sur les relations avec le pouvoir
temporel qui est considéré comme une autorité établie par Dieu et qui en
conséquence mérite d’être honoré.
4.4.2 Les organes de l’UEESO-CI en 1962
Pour son bon fonctionnement en tant qu’institution spirituelle et
humaine, l’Union avait prévu dans ses textes une structure et un mode
de fonctionnement précis. Ses organes sont les suivants :
4.4.2.1 L’Assemblée Générale
L’Union délibère en Assemblée Générale suivant Les règles établies
par les Règlements Intérieurs de l’Union. Les décisions sont prises à la
majorité absolue des votants sauf exceptions prévues aux différents
Chapitres. La présence des deux tiers des délégués est nécessaire pour
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
181
délibérer. L'Assemblée Générale se compose de délégués choisis au sein
des Assemblées Régionales et nommés par celles-ci.
• Des observateurs peuvent être invités, ils n'ont pas voix
délibérative.
• Seuls les délégués ont droit de vote.
• Le mandat des délégués expire à la fin de la session pour laquelle
ils ont été nommés.
L'Assemblée Générale se réunit régulièrement tous les deux ans ;
elle peut être convoquée en session extraordinaire par le Comité de
l’Union ; d'autre part, celui-ci devra la convoquer à la demande du tiers
au moins des Églises. L'Assemblée Générale délibère sur les sujets
d'intérêts généraux des Églises et des Œuvres qui s’y rattachent. Elle
prend toutes décisions utiles pour le bon ordre et la sauvegarde de
l’Union.
Elle vote sur l’admission de nouvelles Églises après avis du comité
de l’Union ; cette décision est prise à la majorité des deux tiers des voix
des membres présents. Elle décide de l’adhésion à des Unions ou
Fédérations Évangéliques-ayant le même objet. Cette décision est prise à
la majorité des deux tiers des voix des délégués présents, après avis du
Comité de l'Union. En cas de vote favorable. Afin de garantir son
autonomie, les présents Statuts continueront de régir l'Union elle-même.
L'Assemblée délimite géographiquement les Régions.
Elle se prononce sur les difficultés et les questions que lui présentent
volontairement les Églises ou Œuvres intéressées. Elle élit, au scrutin
secret, les membres du comité de l’Union, parmi les candidats présentés
par les Assemblées Régionales.
262
262
Statuts de l’UEESO adoptés en 1962, Articles 8 à 11.
182 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
4.4.2.2 Le comité de l’Union
Organe de direction, ce Comité est composé de sept à quinze
membres ; il y a en outre trois suppléants. Son Bureau comprend un
président, un vice-président, un secrétaire et un trésorier élus au sein du
Comité et par lui pour quatre ans.
Le Bureau ainsi composé forme le « Conseil d'Administration »
officiel de l'Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest. Le Bureau
peut être renouvelé totalement ou partiellement si les deux tiers des
délégués à l’Assemblée Générale le demandent. Les autres membres du
Comité sont renouvelables à chaque session de l'Assemblée Générale
régulière. Ce Comité se réunit au minimum une fois par an sur
convocation du président en exercice ou, en bas d‘empêchement, du
vice-président.
Il ne siège valablement que si les deux tiers de ses membres sont
présents.
Les attributions du Comité de l’Union sont les suivantes :
Il administre toutes les affaires concernant l'Union gère les biens,
meubles et immeubles.
Il représente l'Union vis à vis des Autorités de la République, et peut
déléguer un de ses membres pour remplir et signer Valablement toutes
les formalités administratives édictées par les Lois et règlements,
entreprendre toutes démarches d fixées par l'Assemblée et représenter
l’Union devant les tribunaux.
Il veille à l'exécution des décisions prises par l'Assemblée Générale.
Il convoque l’Assemblée Générale en session ordinaire ou
extraordinaire et en prépare les travaux.
Il reçoit et examine les demandes d'admission et de réadmission
d’Églises.
Entre les sessions de 1’Assemblée Générale ; il a qualité pour
prendre les décisions urgentes qui s'imposent.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
183
Il est responsable devant 1'Assemblée Générale à laquelle il fait un
rapport de la gestion.
4.4.2.3 Les Assemblées Régionales
Entre les sessions de l'Assemblée Générale, des Assemblées
réunissent les délégués des Églises et des œuvres, par-Région, au
minimum une fois par an.
Le nombre des délégués à ces rencontres est proportionnel à celui
des membres des Églises constituées. La proportion est à déterminer par
chaque Assemblée Régionale.
Les délégués sont élus par l'assemblée de l'Église locale en se
conformant aux conditions énumérées au Paragraphe 23 du présent
règlement.
Les-postes d'Évangélisation sont assimilés aux Églises pour leur
représentation aux Assemblées Régionales.
L'Assemblée Régionale détermine le nombre des délégués des
Œuvres particulières dépendant de l'Église ou de la Région.
Le responsable de chaque Église et de chaque Œuvre particulière
dépendant de l'Église ou de la Région est délégué de plein droit.
Dans un but purement fraternel, des Observateurs peuvent être
invités, ils n’ont pas voix délibérative.
L’Assemblée choisit le mode de scrutin qu'elle désire. Les délégués
présents élisent parmi les Serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes,
un Président, un Vice-président et indifféremment un secrétaire et un
trésorier. Ceux-ci sont nommés pour deux ans ; ils sont immédiatement
rééligibles. Ils forment le bureau de l'Assemblée Régionale.
Outre ses fonctions au sein des Commissions Financières, le bureau
convoque et organise les Assemblées Régionales.
Entre les sessions, le Bureau peut prendre les décisions d'intérêt
général qui s’imposent. Dans certains cas, avec l'accord de l'Assemblée
Régionale, il peut s'adjoindre au maximum trois membres choisis de
184 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
préférence parmi les Serviteurs de Dieu pour former une Commission
chargée principalement des cas de discipline.
L’Assemblée Régionale désigne deux vérificateurs des Comptes.
Elle nomme ses délégués à l’Assemblée Générale parmi les membres
présents à raison de 01 pour cinquante ou fraction de cinquante chrétiens
baptisés résidant dans la région. La majorité des délégués est choisie
parmi les serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes.
Elle peut désigner des Observateurs à l'Assemblée Générale ; leur
nombre ne doit pas être supérieur au tiers de celui de ses propres
délégués.
L'Assemblée Régionale établit la liste de ses Candidats au Comité de
l'Union dans un ordre de préférence.
Les déglués examinent l'ordre du jour proposé par le Comité de
l'Union et étudient les questions qu'ils veulent y inscrire. Ils délibèrent
sur les sujets particuliers qui leur sont présentés et prennent toutes
décisions dans l'intérêt général des Églises et des Œuvres de la Région.
L’Assemblée Régionale encourage et contrôle toute œuvre ayant
pour but l'exécution du Commandement du Seigneur : Matthieu 28/I920.
Elle présente au Comité de l'Union ses Candidats au Saint ministère.
Elle peut intervenir dans le placement des proposants. Elle s'occupe du
placement des Pasteurs, Evangélistes, Proposants et autres Serviteurs
que Dieu lui envoie. Dans le cadre de la Région, elle se prononce sur
toute demande de déplacement présentée par les Églises, les Œuvres ou
les Serviteurs de Dieu eux-mêmes. Elle peut demander un déplacement
chaque fois que l'intérêt de l'œuvre de recommande. Concernant le
déplacement en faveur d'une autre Région, l’Assemblé se prononce :
d'une part, sur toute demande présentée par un serviteur de Dieu, d'autre
part sur toute proposition du Comité de l’Union ; la décision requiert
l'accord de l'intéressé et s'il y a lieu, celui de l’Église ou de l'œuvre dans
laquelle il exerce son ministère.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
185
L'Assemblée peut soumettre au Comité de l'Union les sujets
particuliers qui la préoccupent.
Un compte rendu des séances de l’Assemblée Régionale est envoyé
au président du Comité de l'Union.
Concernant les Serviteurs de Dieu en activité dans les Églises ou
Œuvres dépendant de 1'Église ou de la Région, la discipline est exercée
par l'Assemblée Régionale ou par une commission agrée par elle dans le
cas des fautes graves suivantes :
• Négligence persistante dans l'accomplissement de sa tâche ;
• Conduite en contradiction avec l'enseignement des Ecritures ;
• Enseignement contraire au principe de la Parole de Dieu et de
l'Église.
Un Compte rendu est envoyé sans retard au Président du Comité de
l'Union. Si elle le désire, l'Assemblée Régionale ou la Commission peut
faire appel au Comité de l'Union pour juger certains cas particuliers.
L'intéressé peut demander l'arbitrage du Comité de l'Union.
Concernant les serviteurs de Dieu en activité dans une Œuvre
particulière dépendant de l'Union, la discipline est exercée par le comité
de l'Union.
Le Bureau de l’Assemblée Régionale peut convoquer les Serviteurs
de Dieu en activité dans la Région pour des rencontres particulières.
Des
Assemblées
groupant
plusieurs
Régions
peuvent
être
convoquées sur la demande du Comité de l’Union chaque fois que
l'intérêt général de l’œuvre l’exige.
Dans un esprit de collaboration fraternelle, le Comité de l’Union
ainsi que les Églises et Œuvres de l’Église peuvent faire appel à la
Mission pour toute aide spirituelle et technique afin d’assurer la bonne
marche des différentes activités de l’Union.
186 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Les missionnaires appelés comme conseillers sont admis au Comité
comme aux différentes Assemblées avec voix consultative.
263
4.4.2.4 L’Église locale
L’UEESO-CI est une association d’Églises baptistes et respecte par
conséquent tous les principes du baptisme. Les Églises baptistes tiennent
leur origine des anabaptistes du XVIe siècle. D'une manière générale,
ces Églises ont la particularité de ne reconnaître comme membres que
celles et ceux qui, en demandant le baptême, font un acte volontaire et
personnel de repentance et de foi. Pour cette raison, les Églises baptistes
ne pratiquent pas le baptême des petits enfants. Ce sont des Églises de
professants. L'Église locale est donc composée uniquement de croyants
baptisés après avoir confessé leur foi.
Chaque Église locale est autonome mais reconnaît le besoin de
s'associer avec d'autres Églises locales identiques afin de manifester la
solidarité chrétienne qui l’unit à elles, pour agir en commun, donner ou
recevoir de 1’aide, et pour avoir une même représentation auprès des
pouvoirs publics. L'Église locale est tenue d’adhérer à la Confession de
Foi et aux Statuts de l’Union.
Pour être constituée, une Église doit remplir les conditions
suivantes :
• avoir au minimum I5 membres,
• avoir parmi ses membres des hommes capables de former un
conseil,
• pouvoir couvrir ses propres besoins financiers.
L'Église reconnaît à chacun de ses membres une complète égalité de
droit, quelque soit son sexe ou sa nationalité.
L’Église locale, loyale à l'État, s'interdit tout but politique.
Pour être admis comme membre de l’Église locale (c’est-à-dire être
baptisé), les candidats doivent remplir un certain nombre de conditions :
263
Article 27 à 31 des statuts de l’UEESO 1962.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
187
• donner des preuves satisfaisantes de leur conversion,
• être instruits des vérités chrétiennes par des cours spécialement
appropriés à leurs besoins,
• adhérer à la Confession de Foi et aux principes de l'Église,
• avoir 18 ans révolus, sauf décision particulière du Conseil,
• fréquenter l’Église, ou une Église de l’Union depuis au moins un
an.
Le Candidat au baptême est présenté à l'Église par le pasteur ou un
autre conducteur spirituel sur avis favorable du Conseil. Il rend
témoignage de sa Foi et répond publiquement aux questions qui
pourront lui être posées lors d'une réunion ordinaire du Dimanche ou
une Assemblée d'Église. Si après un délai de deux semaines, il n’est fait
aucune opposition, le Candidat sera baptisé et reçu dans l’Église.
Un membre d’une autre Église locale peut être admis sur
présentation d’une lettre de recommandation de moins de six mois. Des
personnes membres d'Églises n'appartenant pas à l'Union, munies ou
non de lettre de congé et de recommandation, peuvent devenir membres
d'une Église de l'Union à condition d'adhérer à la Confession de Foi et
aux principes de l'Église, de donner des preuves de leur conversion et de
rendre témoignage de leur Foi. Les Admissions sont proposées à
l’Assemblée de l'Église par le pasteur ou autre conducteur spirituel sur
avis favorable du Conseil.
En tout temps et sur simple déclaration, chaque membre est libre de
se retirer de l'Église
264
.
4.5 Principes généraux
Les Églises du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire sont composées de
membres qui font profession individuelle de la Foi. Elles ne connaissent
en matière religieuse aucune Autorité que celle de Jésus-Christ, l'unique
264
Article 1à 15 du règlement intérieur de l’UEESO-CI, 1962.
188 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
et Souverain Chef de l'Église. Ces Églises s'unissent entre elles pour
glorifier Dieu en manifestant l’Union de ses Enfants, pour travailler à
l'édification du Corps de Christ et pour s’occuper ensemble de
l'extension du Règne de Dieu
Dans
le
cadre
de
265
.
l’Union,
des
Régions
sont
délimitées
géographiquement par l'Assemblée Générale. Leurs limites et leur
nombre peuvent être modifiés pour le bon fonctionnement des
Assemblées Régionales
266
.
Les Églises locales, les Régions ou l'Union elle-même peuvent avoir
la responsabilité d'une ou plusieurs œuvres particulières
267
.
On entend par œuvre particulière, soit l'œuvre d'évangélisation, soit
l'œuvre scolaire, soit l'œuvre médicale, soit une toute œuvre semblable
dépendant d'une Église, d'une Région ou de l'Union.
Chaque Église règle ses propres affaires intérieures et considère les
Églises de l'Union comme des Églises sœurs, leurs membres jouissant
indifféremment des mêmes avantages
268
.
La règle est que chaque Église doit pourvoir à ses propres besoins
par les contributions volontaires de ses nombres et amis
269
.
Elle ne compte sur aucune aide de l'État.
Chaque Serviteur de Dieu accepte le principe de la vie par la Foi.
Dans les régions ou les ressources locales sont insuffisantes, aucun
travailleur ne sera rétribué sans l’assentiment du Comité de l'Union
Les postes d'Évangélisation
270
.
et autres Œuvres s'efforceront de
contribuer le plus possible aux traitements de leurs Evangélistes et
autres responsables.
Toute Œuvre particulière est rattachée soit à une Église locale, soit à
une Région, soit à l'Union elle-même.
265
Paragraphe 14 des statuts de l’UEESO, 1962.
Paragraphe 15 des statuts de l’UEESO, 1962.
267
Paragraphe 16 des statuts de l’UEESO, 1962.
268
Paragraphe 17 des statuts de l’UEESO, 1962.
269
Paragraphe 18 des statuts de l’UEESO, 1962.
270
Paragraphe 19 des statuts de l’UEESO, 1962.
266
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
189
Pour faciliter la tâche des Églises et des Œuvres qu'elles décident de
faire en commun et aussi longtemps qu'elles le désirent, des
commissions financières régionales gèrent les fonds provenant des dons,
dîmes et collectes qui leur sont confiées.
Elles comprennent les membres du Bureau de l’Assemblée
Régionale, le conducteur spirituel et au minimum un membre du Conseil
de chaque Église.
Elles s'organisent et délibèrent sous la responsabilité du Bureau.
Le trésorier tient à jour les Comptes et les communique aux Églises
et Œuvres intéressées
271
.
Avec le consentement des Églises et des œuvres qu'elles font en
commun, pour faciliter leur tâche et manifester leur solidarité, une caisse
centrale d'entraide alimentée par leurs contributions volontaires aidera
s'il y a lieu les Églises et Œuvres ne pouvant supporter la totalité de leurs
dépenses locales.
Le trésorier de l'Union gère cette Caisse et assure la répartition des
fonds selon les directives du Comité d'après les besoins présentés par les
présidents des Assemblées Régionales.
Selon les disponibilités, la Caisse pourra en outre faire des dépenses
d'intérêt général.
Le trésorier enverra périodiquement les Comptes dans chaque
Région
272
.
4.6 Les services et œuvres
L’article 51 des statuts
273
de l’UEESO-CI définit les services
comme :
271
Paragraphe 20 des statuts de l’UEESO, 1962.
Paragraphe 21 des statuts de l’UEESO, 1962.
273
Il s’agit des statuts révisés étant donnés que les textes fondateurs de 1962 ne
définissent pas clairement ces œuvres.
272
190 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« Toute organisation, tout regroupement, tout mouvement de
membres des églises de l’Union ayant pour objectif d’accomplir
un ministère spécial à caractère évangélique ou social au sein
d’une église, d’une région, d’une œuvre de l’Union ou dans tout
le champ de l’Union en direction d’une frange définie des
membres des églises de l’Union ou de tous les membres des
églises de l’Union ».
On entend par œuvre, tout établissement ou toute autre formation
créés ou acquis par l'Union, ou dont la gestion lui est confiée et qui a au
moins deux des quatre buts suivants :
a. répandre la Parole de Dieu,
b. contribuer à la croissance spirituelle des chrétiens,
c. soutenir matériellement ou financièrement l'Union ou les Églises
dans leurs missions,
d. contribuer au bien-être social des chrétiens et des populations.
Les services et œuvres de l’UEESO-CI sont :
• L'Institut Biblique de Man :
Fondé en 1957, l'Institut Biblique de Man est au service de l'Église pour
la formation des serviteurs et servantes de Dieu. Il est une œuvre de
l’UEESO-CI dont il dépend entièrement. Mais il reste ouvert et reçoit
des étudiants et étudiantes extérieurs à l’UEESO-CI. Il est situé à Man
(ZLANWOPLEU). L'Institut à une capacité d'accueil de plus de 30
étudiants. Les cours se déroulent sur une durée de 3 ans. Ces étudiants
sont encadrés par des professeurs ivoiriens membres de l’UEESO-CI et
des enseignants missionnaires. L'accès à l'IB de Man est ouvert à tout
chrétien engagé qui a la vocation de servir Dieu à plein temps. Mais
l'entrée est soumise aux contraintes financières dues à l'augmentation du
coût de la vie en Côte d’Ivoire. Pour un étudiant célibataire, les frais de
scolarité s'élèvent aujourd’hui à 375 000 F.CFA et pour les étudiants
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
191
mariés, ces frais sont de 530 000 F.CFA. C’est au total, plus d’une
centaines de pasteurs qui y ont été déjà formés.
• La pouponnière :
C’est une œuvre pour les bébés en difficultés. Elle a été fondée depuis
1947 à Man
274
. Elle apporte soins et éducation à ces enfants pendant
quelques années avant de retourner dans leur famille. La pouponnière est
reconnue officiellement par le Ministère chargé des affaires sociales.
C’est au total plus de 1500 orphelins qui ont été reçus dans ce centre
depuis sa création.
• Le Cours Secondaire Protestant de Daloa :
Le Cours Secondaire Protestant de Daloa fut fondé en 1947. C'est un
établissement privé d'enseignement général du second degré. Le Collège
applique le programme officiel en vigueur dans le pays. Le collège a
aujourd’hui un effectif de 1000 élèves inscrits régulièrement de la
sixième à la terminale
275
.
• Les écoles primaires :
Elles sont au nombre de 34 aujourd’hui concentrées dans l’ouest du pays
puis à Abidjan. Elles participent à l'évangélisation, à l'éducation et
contribuent à l'effort de développement socio-économique, moral et
spirituel de la Côte d’Ivoire.
• Le centre de santé de l’UEESO-CI :
Cette une structure sanitaire construite avec la collaboration de la
Mission de la Conférence Baptiste (CGB) dans la commune d'Abobo
(Abidjan) sur un terrain de 4000 m². Le centre est composé d'un bloc
administratif,
d'une
maternité,
d'un
dispensaire,
d'un
service
d'ophtalmologie, d'un cabinet dentaire, d'une dermatologie, d'un service
de nutrition, d'une gynécologie et d'une salle de formation.
274
275
Cf. supra p. 60.
Cf. supra p. 60.
192 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le Service d'Animation Rurale (SAR) :
•
Le Service d'Animation Rurale ou SAR a été implanté à Danané depuis
1983. Il vise à apporter aux chrétiens l'autosuffisance alimentaire. On y
réalise :
-
L'élevage de volailles de races locales et métissées,
-
La plantation de centaines d'arbres fruitiers greffés ou sélectionnés
-
La culture de jardins maraîchers,
-
Des sessions de sensibilisation et de formation dans les villages en
matière d'hygiène, de protection maternelle et infantile et de
nutrition.
• Le service technique des Églises Évangéliques de Côte d’Ivoire :
SERTEECI :
C'est un important atelier de menuiserie qui a ouvert ses portes en 1965.
Aujourd'hui, ce service fait également de la mécanique auto 276.
• Le centre de formation biblique de Sassandra :
Ce centre a pour vocation de former et recycler les chrétiens engagés et
les prédicateurs dans la Parole de Dieu. Le programme des matières et
des cours est semblable à celui des écoles bibliques. C'est par période de
trois mois de formation que les cours sont dispensés pour les
prédicateurs et deux semaines pour les fonctionnaires.
• Les servantes de Béthanie :
C’est le mouvement de toutes les femmes de l’UEESO-CI.
• Les disciples d'Emmaüs :
C’est le mouvement de toute la jeunesse de l’UEESO-CI.
276
Cf. supra p. 60.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
193
4.7 L’œuvre d’implantation au temps de l’Église
autonome
L’autonomisation de l’UEESO-CI en 1962 a été ressentie par les
nouvelles autorités comme un défi pour la continuité de la mission. A
partir de 1963, de nouvelles stratégies d’évangélisation sont mises en
œuvre et les résultats sont fort reluisants. Des concours de circonstance
viennent appuyer ces stratégies, engendrant une croissance très accélérée
du nombre des fidèles de l’UEESO-CI.
4.7.1 L’évangélisation
La période post-missionnaire a été marquée à l’UEESO-CI par une
intensification des activités d’évangélisation. On a assisté à une
multiplication des campagnes d’évangélisation et surtout à l’utilisation
des moyens modernes de communication.
En 1960, après l’indépendance politique de la Côte d’Ivoire,
Abidjan, capitale de la colonie depuis 1934, est maintenue comme
capitale de la République de Côte d’Ivoire. Vu sa position stratégique et
l’attraction qu’elle exerce sur les populations
277
, Abidjan devient un
centre incontournable.
De ce fait, en 1964, la fédération protestante de Côte d’Ivoire déclare
« Abidjan ville ouverte à toutes les missions »
278
. Cette même année,
l’UEESO-CI y ouvre sa première Église. Cette jeune communauté
connut une croissance très rapide et devint un point stratégique dans la
politique d’expansion de l’Église. Sept années après sa constitution, soit
277
Abidjan, située au large de l’océan atlantique est la ville la plus importante du
pays (environ 5 millions d’habitants aujourd’hui). Elle dispose du plus grand
aéroport et du plus grand port du pays. Elle est à priori la première destination
des immigrants avant de se diriger vers l’intérieur du pays. C’est à Abidjan que
se concentre l’essentiel des services du pays. Elle regorge à elle seule plus de
75% des unités industrielles du pays, faisant d’elle le centre de prédilection des
jeunes candidats à l’exode rural. Il est difficile de trouver en Côte d’Ivoire une
famille qui n’ait pas de représentant à Abidjan.
278
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 243.
194 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
en 1971, l’Église d’Abidjan comptait cinq lieux de culte : Cocody,
Adjamé, Abobo-gare, Banco et Bondoukou-Adiaké
279
. Cette expansion
rapide est due en partie à un travail magnifique exercé par un groupe de
jeunes de l’Église spécialisés dans l’évangélisation. Ce groupe Baptisé
J.A.C.A (Jeunes Ambassadeurs de Christ à Abidjan), s’est donnée pour
mission l’évangélisation d’Abidjan et ses environs
280
.
À l’intérieur du pays, surtout dans la zone d’influence de l’Union, les
efforts d’évangélisation se sont multipliés. Au cours de l’Assemblée
Générale de 1972, plusieurs méthodes d’évangélisation employées
efficacement dans certaines régions sont énoncées et analysées. A
l’issue des débats, trois possibilités sont retenues :
• Évangélisation par groupe ;
• Évangélisation par le un à un ;
• Évangélisation par des invitations à la veille de chaque réunion.
Le révérend BLOCHER, invité à cette réunion évoque une stratégie
qui porte beaucoup de fruits au Togo : « Les chrétiens se rendent dans
un village où tout en travaillant pour les habitants, témoignent de leur
foi »
281
.
Cette méthode sera plus tard expérimentée au sein des Églises de
l’Union et connaitra beaucoup de succès.
Dans le rapport sur la marche générale de l’Église de 1971, les
succès dans le domaine de l’évangélisation sont relevés dans plusieurs
régions. Voici un extrait de ce rapport présenté par les responsables de
régions :
279
Village situé dans la région d’Adiaké.
Archives de l’UEESO-CI (non classées), rapport sur la marche de l’Église,
1972.
281
Archives de l’UEESO-CI (non classées), rapport sur la marche de l’Église,
1972.
280
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
195
Daloa :
« La sous-préfecture de Zoukougbeu fait partie de notre district.
Les frères Niaboua sont très zélés et actifs dans le travail
spirituel. Le travail dans cette région est au début de son
développement. Nous nous sommes organisés en groupes et ainsi,
accompagnés par les chants religieux, nous avons fait plusieurs
réunions d’évangélisation dans les villages. Les gens viennent
nombreux écouter l’évangile. En juin 1971, une convention a
rassemblé soixante seize (76) personnes à Guéssabo. Elle fut
particulièrement bénie. 5 baptêmes ont été à la suite de cette
convention (…). Dans le mois d’octobre a eu lieu la réunion
conventionnelle à Zoukougbeu ; c’est une réunion de prise de
contact avec les gens de la paroisse ; là encore le Seigneur nous
a richement bénis (…)
Dans l’ensemble, il y a 200 membres baptisés et une seule église
constituée. Dans un proche avenir, nous comptons en organiser
deux en plus, l’une dans le pays bété et l’autre chez les Niaboua.
L’Église compte 19 lieux de culte, 19 prédicateurs, et 5 serviteurs
de Dieu à plein temps. »
Danané :
« Rendons grâce à Dieu pour le progrès dans certains domaines.
Il y a un peu longtemps les églises constituées étaient au nombre
de 7, mais l’an dernier deux nouvelles se sont ajoutées.
Danané est devenue préfecture. Les deux sous-préfectures
Zouan-Hounien et Bin-Hounien dépendent d’elle.
Lieux de culte : 32 y compris 9 églises locales et 5 postes
d’évangélisation importants par leur nombre d’auditeurs.
Nombre
d’auditeurs :
évangélistes : 10
1500
environs
(…).
Pasteurs
et
196 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le personnel se rajeunit sensiblement par des renforts qui
viennent de l’institut biblique de Yamoussoukro. 25 prédicateurs
laïcs actifs épaulent le personnel très insuffisant pour cette
région. Les groupes de jeunes sont formés dans plusieurs églises
locales. Ils sont en bénédiction pour nos églises. Par les jeunes,
l’évangile est souvent prêché dans plusieurs villages.
L’école du dimanche se fait continuellement par nos maîtres
d’école. Les écoles primaires publiques sont grandement
ouvertes et nous avons de bons contacts avec des élèves et les
instituteurs.
Sujet de prière : La sous-préfecture de Bin-Hounien où est
installé notre jeune pasteur Célestin a un urgent besoin d’une
chapelle. Notre frère aurait en plus besoin d’un électrophone
pour évangéliser les enfants dans les écoles ».
Duékoué :
« Depuis le mois d’août 1970 jusqu’à maintenant les cours
bibliques et les visites en brousse sont pratiquement arrêtés à
cause de la santé du pasteur Jean Taud. Par contre,
l’évangélisation se poursuit à l’hôpital, dans les maisons par
quelques chrétiens. Un groupe de femmes visite régulièrement la
maternité. Une infirmière s’est convertie à la suite de ces visites.
Une classe de couture groupe chaque jeudi plusieurs femmes et
jeunes filles.
7 villages dans la région de Tawaké reçoivent la visite de
l’évangéliste GUEHI Joseph. Nous y avons trouvé trois lieux de
culte.
Le canton de Zérébaou composé de 15 villages reste encore
fermé à l’évangile à cause des masques qui règnent en maîtres.
Seul un prédicateur laïc et un petit groupe de chrétiens rendent
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
197
un bon témoignage dans ce vaste canton. Nous pensons
constituer une église à Gbahapleu où la petite chapelle se remplit
de plus de 110 auditeurs.
Personnel : un pasteur, 2 évangélistes, 6 prédicateurs bénévoles,
les baptisés sont au nombre de 183. »
Gagnoa :
« Il y a de nouveaux lieux de culte. La vente de littérature marche
à merveille. Issia Manque d’ouvriers, de conducteurs malgré les
100 auditeurs. Sassandra a un pasteur en la personne de Jean
Dakouri. Il manque des missionnaires partout : Issia, Gagnoa,
Ouragahio, Guibéroua, San-Pedro, Soubré… ». 282
Les témoignages rendus dans leur entourage par les chrétiens et les
grandes sorties d’évangélisation dans les villages se sont multipliés à
partir des années 1960. S’il est difficile d’en dresser le nombre exact
faute d’archives dans plusieurs Églises locales, les souvenirs restent
cependant vivants dans l’esprit des premiers convertis. L’œuvre devait
s’étendre aux régions non encore atteintes. Les responsables y
déployèrent autant d’efforts que cela nécessita.
La pénétration de l’évangile en pays Gouroussé relaté par le pasteur
POUSSI Manga Abel dans Nos racines racontées de James KRABILL
en est une parfaite illustration. Voici l’intégralité de son récit :
« Le canton Gouroussé est situé sur l’axe Danané Sipilou. Il est
composé de 23 villages. Zoupleu est à 56 km de Danané. L’accès
au Gouroussé est difficile à cause du relief. Pendant la saison
pluvieuse, les rivières barrent complètement la route. Les côtes
sont difficiles à gravir. Tous ces obstacles n’ont cependant pas
empêché l’évangile de pénétrer jusqu’au cœur du canton.
282
Archives de l’UEESO-CI (non classées), Assemblée Générale de 1971-1972,
rapport sur la marche de l’Église, 1971.
198 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dans les années 1960 à 1970, des prédicateurs dévoués tels que
Jean Ouohi, pasteur à Yorodougou et Gomun Gabriel,
évangéliste à Beupleu, prêchent l’évangile dans le canton. De
1970 à 1975, Yaleugbeu Abraham de Semampleu s/p de Sipilou
évangélise Zoupleu et ses alentours. Mais ces prédicateurs
récoltent plutôt des persécutions que des conversions. On note un
faible début du catholicisme mais un catholicisme confondu au
paganisme. En 1976, l’Assemblée des pasteurs de Danané décide
d’installer un évangéliste à Daleu dans le Gouroussé pour
implanter des églises dans ce canton hostile à l’évangile. M. et
Mme Toueu Jean sont donc affectés à Daleu pour commencer
cette œuvre assez difficile.
Les deux évangélistes, Toueu Jean et Woplé Joseph, en service
dans le canton Kalé en ce temps là, font alors un tour
d’exploration pour mieux connaitre le canton. M. Toueu Jean se
rend seul à Daleu vers la fin de l’année 1976 pour prendre
contact avec la population et demander un terrain pour
construire sa maison. Le chef le loge dans une maison où l’on
avait déposé cinq cadavres la nuit précédant son arrivée. La nuit,
il voit des mains semblables à des flambeaux allumés descendant
vers lui. Il entendit des voix dire : "Le voici ! Le voici !". Ce n’est
qu’un rêve, se réveillant en sursaut il dit : "Seigneur, tu veux que
je lise ta parole." Il fait une méditation, puis il prie. Après cela, il
s’endort paisiblement jusqu’au matin. Très tôt le matin, le chef
vient taper à sa porte et lui demande : "Tu es là ? Tu as bien
dormi ? Ton Dieu est fort !" Suite à cela après quatre jours de
discussions, les responsables du village lui donnent un terrain.
En 1977, Jean et sa femme s’installent à Daleu, mais un
monsieur du nom de TIEMOKO Antoine, profitant de l’absence
du pasteur Jean, construit avec la complicité des villageois,
construit une maison sur le terrain réservé à celui-ci.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
199
Devant cette situation, le couple se rappelle la lettre d’un
fonctionnaire de Zoupleu qui leur demandait de s’installer dans
son village. Après un moment de prière, ils décident d’aller à
Zoupleu. M. et Mme Jean quittent donc Daleu au milieu des
pleurs car certaines personnes les aiment. Leur poste est
désormais Zoupleu à 25 km de Daleu.
Arrivé à Zoupleu, le couple se présente à la famille de leur
correspondant,
GUEUGBEU
Jean,
le
jeune
frère
du
fonctionnaire chrétien résidant à Abidjan qui les reçoit à bras
ouverts et leur donne une maison. Sans perdre de temps, ils
demandent une place aux responsables du village en vue de
construire leur maison.
Le chef convoque une assemblée extraordinaire pour examiner
leur demande. Les gens du village leur demandent des précisions
sur la relation entre eux et les divinités païennes. Avant que le
pasteur ne réponde, un débat houleux s’engage entre ces mêmes
villageois. Ce débat allait aboutir à un refus lorsqu’un monsieur,
étranger dans ce village fit cette remarque : "vous savez, ces
chrétiens ne se soumettent pas à nos masques. Les gens ont tué
l’un d’eux au canton Blouno, dans la sous préfecture de Man."
Monsieur Jean intervint d’un ton sage et élevé et dit : "Chef, j’ai
découvert l’assassin du regretté frère qui réside à Blouno ! Il
vient de l’avouer publiquement. Cette affaire sera poursuivie
jusqu’au tribunal. Il est sous votre surveillance." Cette
déclaration provoqua un silence de mort dans toute l’assemblée.
Après quoi, le chef suspend et convoque une concertation au
cours de laquelle l’on décide d’attribuer un terrain au pasteur.
C’était un moyen pour la population d’apaiser les gens au sujet
du meurtre.
200 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
De retour de leur concertation, le chef déclare : "nous attribuons
le terrain près de l’entrée du village." Ce lieu est appelé
communément dans la tradition "Danga taha", ce qui se traduit
"le lieu de la malédiction". C’est dans ce lieu qu’on enterre les
personnes de mauvaise vie et les criminels. C’est aussi le lieu
réservé à ceux ou celles qui sont atteints d’une maladie incurable
et qui sont entre la vie et la mort. C’était une manière pour eux
de livrer le pasteur aux mauvais esprits. Le pasteur accepte le
terrain et dit : "Je pardonne cette faute (le meurtre), mais si un
chrétien est outragé, je ferai revenir cette affaire sur le tapis."
Dans l’exécution de ses travaux, les jeunes villageois venaient
l’aider en cachette et il les récompensait. Ainsi, celui qui abattait
un gros arbre recevait 1500 francs. Le terrain était fertile. Tout
ce qu’on y semait réussissait au grand étonnement des villageois.
Vers la fin de l’année 1977, le pasteur achève la construction de
sa maison en papots. »
Récit d’un miracle
« Cette évolution des choses n’est pas pour plaire aux villageois.
Aussi, les anciens du village se réunirent dans la case sacrée
pour trouver un moyen de se débarrasser de ce couple rebelle à
la tradition. Ils s’accordèrent pour utiliser le plus puissant
poison.
C’est à travers la cola qu’on transmet le poison à l’intéressé
(concerné). Un après midi, pendant que le pasteur et sa femme
allèrent faire la lessive à la rivière, une femme les suivit avec des
cuvettes sur la tête. Elle tomba à leurs pieds en disant :
"Renoncez à votre Dieu ! Sinon vous allez mourir. Les anciens
ont déployé un puissant poison contre vous." Le couple répondit :
"Nous sommes les envoyés de Dieu. Si telle est sa volonté, ils
réussiront. Autrement, Dieu est avec nous."
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
201
A leur retour de la rivière, un vieux les appela pour leur offrir la
cola en signe d’amitié. Le pasteur remercia le vieil homme et lui
fit comprendre qu’il ne mange pas la cola. Or la convention avec
le poison est la suivante : si la personne visée ne touche pas la
cola, c’est le porteur qui meurt. Le pasteur n’ayant pas touché la
cola, le lendemain matin, le porteur de la cola, DJEOULE
mourut. Sur ce, le chef de la case sacrée nommé GUEDE Iba
Gbeu se convertit et cette conversion a bouleversé l’ordre
sacerdotal jusqu’à nos jours.
Le couple évangélisait de porte en porte chaque soir. Il exerçait
la libéralité envers les pauvres et pourvoyait les vieux en
nourriture, en, habits et en argent dans certains cas. Des groupes
de chrétiens venaient du canton Blossé et de Danané pour de
grandes campagnes d’évangélisation.
Voici les noms des premiers convertis : GUEGBE Jean, KOUITY
David, GUEDE Jeannot et sa femme, DOUA Honoré » 283.
Tout ceci démontre que dans leur volonté d’étendre l’Église, les
chrétiens n’hésitaient pas à risquer leur vie. Les nombreux miracles qui
accompagnaient leurs actions constituaient de véritables facteurs
d’encouragement.
Agrandir l’Église à travers la croissance numérique des membres
était un défi permanent pour les responsables de l’UEESO-CI. Jean
GLAO, élu Président de l’Union en 1970, en a fait son cheval de
bataille. Lors d’une visite effectuée en France après son élection, il entre
en contact avec une équipe d’évangélisation dont il est intéressé par les
méthodes, comme il le dit lui-même :
283
Abel POUSSI, « Histoire de l’implantation de l’Église UEESO-CI à Zoupleu
canton Gourousé », in s /d James KRABILL. Nos racines racontées, op.cit, pp.
185-188.
202 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« J’ai eu le privilège, lors de mon séjour en Europe, de faire la
connaissance du Quator Joie. Très intéressé par leur méthode
d’évangélisation, j’ai formulé que Monsieur Somerville et son
équipe fassent une tournée en Côte d’Ivoire pour donner la
vision à nos jeunes » 284.
En janvier 1973, à son invitation, l’équipe de Quator Joie effectue
une tournée d’évangélisation en Côte d’Ivoire, à Abidjan et dans les
villes de l’intérieur. Leur méthode qui consiste à évangéliser à travers
les chants et les témoignages. Leur passage a été très fructueux pour
l’Union d’autant plus que de nombreuses conversions
enregistrées dans ses Églises.
286
285
ont été
Le 21 février 1973, le comité de
l’Union, très impressionné par les succès réalisés par Quator Joie,
organise
une
rencontre
spéciale
pour
étudier
les
possibilités
d’exploitation de sa stratégie. A l’issue des discussions qui ont duré une
journée entière, il est décidé de créer à Abidjan un centre de formation
pour les équipes d’évangélisation. En vue de sa bonne organisation, on
trouva nécessaire de nommer à sa tête des responsables. Plusieurs noms
sont proposés : Charles Daniel MAIRE, Albert BLEUKEUHOUA, Jean
GLAO, KOULAÏ, Jonas GBEADA
287
.
Déjà en 1969, une nouvelle méthode dénommée V.N.P.T (Vie
Nouvelle Pour Tous) avait été expérimentée avec succès dans toutes les
régions de l’Union. Au cours de l’assemblée générale de cette année, les
284
Propos du Pasteur Jean GLAO, lors de la réunion du comité du 21 février
1973.
285
Il est difficile de donner avec exactitude le nombre de conversions faute de
statistiques disponibles.
286
Le Quator joie, jeune et dynamique, répondait aux aspirations de son
auditoire composé en majorité de jeunes. Il y eut ainsi foule aux réunions tant à
Abidjan qu’à l’intérieur, à Daloa, Gagnoa, et Man. Dans la capitale, les auditeurs
atteignaient 600 personnes, au collège protestant de Daloa, les résultats
dépassèrent toute attente : 57 élèves décidèrent de donner leur vie à Jésus-Christ
et dans plusieurs Églises des chorales se formèrent pour aller à leur tour
évangéliser par le chant. Cf. Jeanne DECORVET, op.cit. p. 253.
287
Archives de l’UEESO-CI (non classées), compte rendu de la rencontre du
comité du 21 février 1973.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
203
missionnaires GRANDJAN et VARIDEL expliquèrent que V.N.P.T a
pour but d’engager chaque Église à témoigner de Jésus Christ afin que
tout le monde soit gagné par l’évangile, que cette méthode a eu un
succès remarquable au Congo
288
.
L’UEESO-CI utilise aussi des méthodes modernes plus efficaces
d’évangélisation. En effet, au début des années 1960, elle a recours aux
médias pour diffuser l’évangile. En plus de son journal « Construire »,
elle collabore avec la radio ELWA, basée au Libéria, et qui émet dans
plusieurs langues africaines. Cette station, proche de Monrovia, émet
depuis 1954. C’est la première station de postes émetteurs évangéliques
en Afrique.
Depuis plusieurs années, Radio ELWA collaborait à l’évangélisation
de la Côte d’Ivoire par des émissions en français et en langues locales de
l’ouest et du centre. Aux environs de 1977, elle diffusait en une
quarantaine de langues en raison de 280 heures par semaines dans toute
l’Afrique, au moyen de cinq émetteurs et d’une dizaine d’antennes.
Située au bord de l’océan, ELWA est la voie de la SIM, Mission à
l’Intérieur du Soudan, qui compte environs 1300 missionnaires à
l’œuvre du Libéria à l’Ethiopie
289
.
Les chants et les messages enregistrés par le Centre Ivoirien
Technique d’Audiovisuel (CITAVE)
288
290
dans ces différentes langues
Archives de l’UEESO-CI (non classées) compte rendu de l’Assemblée
Générale de 1969.
289
Jeanne DECORVET, op.cit., p. 243
290
Dès l’installation du centre culturel biblique en 1965, un studio
d’enregistrement y fut improvisé, bientôt remplacé par un bâtiment érigé sur la
concession. en 1967, les premiers programmes en français, entièrement réalisés
par les Ivoiriens étaient enregistrés dans les locaux tout neufs du Centre Ivoirien
de Techniques Audiovisuelles pour l’évangélisation. (CITAVE). On projetait, en
effet, de produire, outre les émissions de radio, de s films fixes, des disques…
Dès 1969, CITAVE devenait trop petit et ELWA décidait d’envoyer à Abidjan
le responsable de la production des programmes en français. L’implantation de
cette œuvre en pays francophone s’imposait depuis longtemps. Aussi, à peine les
VOLTZ étaient-ils arrivés qu’on devait envisager le déménagement de tout le
département francophone d’ELWA à Abidjan. A partir de 1972, tout le
département français d’ELWA est transféré à Abidjan pour donner naissance à
204 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
sont diffusés dans toute la Côte d’Ivoire. Ces émissions constituent un
moyen d’édification des familles chrétiennes isolées et un véritable outil
d’évangélisation. A cet effet, le témoignage rendu par David GUEI, un
des délégués à l’Assemblée Générale de 1969 est très révélateur : « Je
peux dire que plusieurs personnes écoutent les émissions D’ELWA par
mon poste radio et me demandent souvent de leur parler de la parole de
Dieu. »
C’est en raison de son rôle dans la diffusion de l’Evangile que
l’Assemblée Générale de 1969 décide de lui apporter son soutien
291
.
En 1972, « Radio ELWA » installe à Abidjan son département de
langue française, aujourd’hui « Fréquence Vie », qui joue un rôle très
important dans l’expansion du protestantisme français en Côte d’Ivoire.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la période de l’Église
autonome se caractérise par une ferme volonté des responsables de
concentrer leurs efforts sur l’évangélisation. Ces responsables faisaient
ainsi preuve de leur maturité et de leur capacité de poursuivre l’œuvre
d’implantation entamée par les missionnaires. Ils avaient aussi compris
que pour une implantation et une croissance efficace de l’Église,
l’évangélisation était un élément capital.
Aux différents efforts déployés par l’Union sont venus s’ajouter des
facteurs externes engendrant de nombreuses conversions.
4.8 De nouveaux facteurs de conversion
En
1973,
trois
événements
vont
marquer
l’histoire
de
l’évangélisation protestante en Côte d’Ivoire. Ces événements ont, à
divers degrés, entrainé des conversions massives au protestantisme.
ce qui est devenu aujourd’hui Fréquence Vie. CITAVE se replie alors sur Man
où, installé à Zlanwopleu, il se consacre à la production de cassettes. Cf. Jeanne
DECORVET, op.cit, pp.-243-245.
291
Il convient de noter que la nature de ce soutien n’a pas été précisée dans le
rapport.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
205
4.8.1 Le passage d’Arthur BLESSIT et la campagne Abidjan
Pour Christ
4.8.1.1 Le passage de Arthur BLESSIT ou la croix dans la rue
en avril 1973
En 1973, Arthur BLESSIT, un homme portant une lourde croix
d’environs 45 kilogrammes, arrive à Abidjan
292
. Ce personnage
singulier sillonne la ville durant tout le mois d’août. L’escale d’Abidjan
s’inscrit dans son programme de tour du monde pour annoncer
l’évangile. En arrivant à Abidjan, il avait déjà parcouru 12000 km. Son
apparence attire l’attention des passants qui s’attroupent souvent autour
de lui et lui, en profite pour prêcher l’évangile et opérer des miracles,
notamment des guérisons. Il est même invité par des Églises pour
donner des messages et procéder à des guérisons.
4.8.1.2 La campagne Abidjan Pour Christ de septembre 1973
à Pâques 1974
Elle fut organisée et animée par une dizaine de jeunes venus de Côte
d’Ivoire, du Sénégal et du Burkina Faso et décidés à consacrer une
année à l’évangélisation de la ville. Leur méthode consiste à « annoncer
le Christ » par des chants, des témoignages, la distribution de
prospectus, la projection de films et par une campagne d’affichage. Ils
sont accompagnés par l’orchestre « Les Sentinelles de Moussa Diakité ».
Le film « Suzanne », réalisé en Côte d’Ivoire, est projeté à plusieurs
reprises dans tous les quartiers d’Abidjan. C’est un événement de taille
qui pousse la télévision ivoirienne à projeter le vendredi saint précédant
Pâques, le film « Suzanne » et le lundi de Pâques à accorder 40 minutes
d’évangélisation sur ses antennes à l’équipe d’Abidjan pour Christ avant
les informations de 14h
292
293
.
Archives personnelles du pasteur Michel LOH. Il convient de signaler que
ces archives restent muettes sur leurs origines.
293
Archives personnelles du pasteur Michel LOH, Secrétaire général de
l’UEESO.
206 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le passage de BLESSIT et la campagne Abidjan Pour Christ ont
constitué de véritables stratégies d’évangélisation ayant certainement
entrainé de nombreuses conversions.
Cependant, l’événement le plus important qui a entrainé des
conversions de masses à travers tout le pays et qui a bouleversé le
rythme d’évolution de plusieurs Églises protestantes en Côte d’Ivoire,
est la campagne de Jacques GIRAUD.
4.8.2 La croisade de Jacques GIRAUD en 1973, un facteur de
conversion des masses au protestantisme
Ce fut la plus grande croisade du protestantisme en Côte d’Ivoire
après le passage d’HARRIS 294. Elle eut lieu en 1973 et entraîna de
nombreuses conversions aussi bien dans les villes qu’en milieu rural.
Jacques GIRAUD, né en 1931 dans le midi de la France, a travaillé
un moment dans l’hôtellerie
295
. C’est à 19 ans qu’il se convertit au
protestantisme dans les circonstances qu’il décrit lui-même :
« Lorsque j’étais enfant, ma piété catholique n’a jamais été très
forte. Je peux même dire qu’à 18 ans, je n’avais ni Dieu, ni
Maître. Puis je suis tombé gravement malade. Je faisais de la
dépression et de la décalcification osseuse. Alors, au lit,
quelqu’un est venu me parler de Dieu en termes simples ; j’ai
découvert la foi et j’ai été guéri à 19 ans. Cela a opéré un tel
bouleversement en moi que j’ai réalisé quelle était ma voie et j’ai
donné ma vie à Dieu…après avoir été 10 ans missionnaire en
Algérie que j’ai quitté lors de son indépendance, j’ai parcouru
25 pays différents. » 296
294
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 218.
J. KOUAME, Ivoire Dimanche, N°119 du 20 mai 1973, p. 6
296
Fraternité matin des 5 et 6 mai 1973
295
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
207
C’est de la Guadeloupe où il était missionnaire des Assemblées de
Dieu en 1973 qu’il est venu en Afrique. Après la Côte d’Ivoire il devait
se rendre au Gabon.
Charles Daniel Maire le présente comme un homme, petit mais de
forte carrure, (…) qui n’avait rien du physique d’un prophète. Assez
gauche dans ses relations sociales, la fougue de sa prédication étonne
ceux qui le rencontrent en particulier.
C’était à l’occasion de l’inauguration de leur chapelle d’Adjamé que
l’Église Évangélique des Assemblées de Dieu, profitant du passage de
GIRAUD en Côte d’Ivoire, organise une semaine d’évangélisation avec
lui
297
. Au bout de 4 à 5 jours, la foule était telle qu’il fallu se réunir dans
la cour de la chapelle et la semaine suivante, les autorités annulaient les
manifestations sportives prévues pour mettre à la disposition de
GIRAUD le stade Champroux de Marcory pendant plus de trois
semaines à raisons de deux réunions par jour. GIRAUD prêcha à plus de
25000 personnes dont plusieurs centaines ne quittaient pas le stade
298
:
« Tout ce qu’Abidjan comptait de boiteux, de paralytiques,
d’aveugles, de sourds, de tout âge et de toutes conditions gisaient
sur la pelouse. Les curieux et les nombreuses personnalités de
"Tout Abidjan" occupaient les gradins ».
pas mais se vit ! »
300
299
« Cela ne se décrit
Des marchands ambulants ponctuaient
leurs annonces d’Halleluia retentissants ; un peu plus loin, des
campeurs faisaient leur lessive. Un folklore inimaginable
entourait les réunions. »
301
« Impossible d’entrer dans un
magasin, un bureau ou un café sans entendre parler de GIRAUD.
297
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 219.
Selon Charles Daniel-Maire, les réunions du matin réunissaient entre 5000 et
10000 auditeurs celles du soir (17h). Ces chiffres ont permis d’estimer plusieurs
fois plus de 30000 auditeurs.
299
J. KOUAME, op.cit, p. 19.
300
Idem
301
Ibidem.
298
208 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Plus de quatre personnes ne pouvaient se réunir sans que la
discussion ne s’oriente vers le guérisseur. »
302
GIRAUD fut invité à la présidence où il dîna avec le Président
HOUPHOUËT Boigny. Des ministres, des députés, des maires
l’invitèrent dans leurs régions. En juin, il prêcha à Bouaké, Toumodi,
Dimbokro où il fit stade comble
303
.
En juillet, exténué, GIRAUD retourne en France et revint en octobre
avec une équipe de collaborateurs. La croisade continua à Saïoua, Man,
Daloa, Duékoué, Tiassalé, N’douci, Divo, et Motobé jusqu’au 10
décembre 1973
304
.
Le message de GIRAUD était simple, mais son effet bouleversant. Il
avait une connaissance très limitée de l’Afrique noire
305
. Mais l’accent
mis dans ses prêches sur la possession des fétiches et les offrandes des
sacrifices, deux éléments essentiels des Religions Traditionnelles
Africaines allait grandement servir son succès. GIRAUD résume son
message comme suit :
« Je prêche le retour au christianisme primitif en me conformant
à la Bible. Or la Bible ordonne de prêcher à travers le monde les
évangiles aux malades. Le but de mes prêches, c’est de faire
rencontrer Dieu aux hommes, qu’ils deviennent autres en
conformant leur vie à la parole divine.
Les miracles qu’opère Dieu ne sont qu’un moyen, une
confirmation de son pouvoir. Pour beaucoup d’hommes, il y a un
désintéressement de la guérison de l’âme, la guérison physique
n’est que le premier pas pour faire sentir aux hommes la
présence de Dieu… » 306
302
Ibid.
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 219.
304
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 220.
305
Idem.
306
Fraternité matin des 5 et 6 mai 1973.
303
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
209
Pour GIRAUD, il ne peut y avoir guérison véritable de l’âme sans
guérison du corps. Ainsi, à plusieurs reprises, dans les stades ou à la
chapelle des Assemblées de Dieu, il invectivait les Églises et missions
évangéliques qui prêchaient la conversion des âmes et ne croyaient pas à
la guérison du corps. La guérison du corps traduit ou justifie la foi du
miraculé.
C’est Dieu Lui-même qui guérit et non lui GIRAUD. D’ailleurs,
compte tenu du nombre élevé de ses auditeurs, il lui était impossible de
pratiquer l’imposition des mains. GIRAUD cite Romains 10v17 : « La
foi vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend vient de la parole de
Dieu ». Il prêchait souvent pendant une heure, traduit en Bambara à
Abidjan et dans les différentes langues locales à l’intérieur du pays
307
.
« Son message était constamment entrecoupé d’amen et
d’halleluia que la foule scandait après lui. Souvent il faisait
répéter plusieurs fois des phrases, interrogeant la foule, il lui
faisait souligner par des oui ou des non des constatations
absolument indispensables à sa démonstration » 308.
« Souvent, le sermon était interrompu mais pas pour longtemps,
par un malade qui se mettait à courir et à crier sa joie. D’autres
fois, ce sont des trublions qui essayaient d’attirer l’attention.
GIRAUD enjoint gravement au démon de sortir au nom de
Jésus » 309.
Le silence se rétablit, le prédicateur achève ses prêches par une
longue prière et des chants accompagnés par un orchestre très peu
africain, étaient repris en chœur par la foule avec force gestes :
« Jésus s’est levé
Satan terrassé (bis)
307
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 220.
Idem.
309
Ibidem.
308
210 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Halleluia, halleluia (8x) » 310
Des tonnerres d’applaudissements acclamaient les guérisons ou
servaient d’approbation aux déclarations bien senties du prédicateur.
Vers la fin de la prière, juste avant la prière finale, « le prédicateur
impose le silence à la foule, demandant aux malades de lever les bras au
ciel et de prier. Puis, dans un recueillement total, les malades posaient
leurs mains sur la partie malade du corps, pendant que le pasteur
invoquait le Christ. Le pasteur libérait ensuite la foule en criant : "Vous
êtes guéris si vous avez la foi ! Satan, éloigne-toi de ces
malheureux". »
311
Puis d’une voix encore plus grave et persuasive, il ajoutait : « Mes
frères, priez le Christ, lâchez vos béquilles, marchez vous êtes délivrés
de votre mal. »
« Une sorte de frénésie se saisissait alors de la foule. Certains
malades en transe se détachaient des autres et se mettaient à
tourner sur eux-mêmes. D’autres les imitaient bientôt dans une
sorte de tourbillon contagieux qui s’accompagnait de cris.
Quelques infirmes se débarrassaient alors de leurs béquilles et
essayaient de marcher ». 312
Des efforts émouvants et souvent désespérés faisaient remuer tous
ces invalides qui n’avaient jamais déployé pareille volonté de guérir. La
foule de ceux pour qui rien ne s’était passé s’apprêtait à attendre la
séance prochaine tandis que les autres ajoutaient leurs béquilles - s’ils
étaient boiteux - à la pile imposante rassemblée sur le podium
313
. Selon
le Pasteur LARQUERE des Assemblées de Dieu, 1500 cannes et bâtons
furent abandonnés.
310
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 222.
Fraternité Matin des 5 et 6 mai 1973.
312
J. KOUAME, op.cit, p. 4.
313
Idem.
311
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
211
Les guérisons miraculeuses au cours de la croisade de GIRAUD
étaient très nombreuses et authentifiées. Deux cas de guérison
miraculeuse marquèrent les esprits.
Le premier concerne Monsieur HUSSEIN, ancien entraîneur au
boxing club de Treichville :
« L’homme (…) a eu les jambes paralysées. Les médecins,
affirme-t-on, n’avaient pas réussi à le soigner. Il a également
consulté des guérisseurs de très grande notoriété, tant à Abidjan
qu’à l’intérieur du pays. Tous se sont montrés impuissants à
guérir le mal. Un jour enfin ses parents décidèrent de le
transporter à une réunion publique du pasteur GIRAUD. » 314
Le soir de sa guérison, on l’amena, alors que la réunion, déjà
commencée, avait rassemblé une foule telle qu’il n’y avait plus dans le
temple aucune place disponible. Porté sur un brancard on l’amena
devant la chaire. Tout le monde pouvait le voir et le reconnaitre. Alors
qu’on avait prié pour les malades, Madame LARQUERE, épouse du
Pasteur des Assemblées de Dieu à Abidjan, s’approcha de lui et
l’enjoignit de se lever au nom de Jésus. Et devant tous, le paralytique se
leva et marcha. Cette guérison s’avéra définitive. Un an après, ce
libanais fréquentait toujours les Assemblées de Dieu
315
.
Le second cas fut celui de la petite Marie Noëlle dont voici le
témoignage rendu par le père :
« Ma fille est née le 24 décembre 1968 (…) Depuis sa naissance,
elle n’est jamais parvenue à s’alimenter normalement. Elle
rejetait par les narines, lait, bouillie, ou tout autre aliment
qu’elle absorbait. Au 19è jour de sa naissance, on s’est aperçu
qu’elle souffrait d’un retard psychomoteur important qui lui valu
314
315
Ibidem.
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 223.
212 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
trois mois d’hospitalisation. Son état était trop faible pour
supporter une intervention chirurgicale pour redresser le palais.
Elle a été examinée régulièrement par des pédiatres qualifiés.
Ma femme est assistante sociale, c’est dire qu’elle est un peu du
corps médical. A trois ans quand elle avait pesé 9 kilos, le
professeur Cornet s’est occupé d’elle dans son service de
pédiatrie. En deux mois elle a pris un kilo supplémentaire. Elle a
alors été admise en chirurgie (c’était en 1971) pour y subir une
opération qui n’a jamais réussi (…). Son mal a été jugé incurable
par tous. Elle ne parlait pas encore, marchait très mal. La
troisième intervention devait avoir lieu en avril de cette année.
Mais quand nous avons appris l’arrivée du pasteur GIRAUD,
nous avons amené l’enfant au temple des Assemblées de Dieu où
il tenait ses premières réunions. Après deux semaines de prière,
les douleurs de Marie Noëlle ont disparu comme par
enchantement. Elle mange et s’amuse actuellement comme toutes
les filles de son âge » 316.
La nouvelle de ces guérisons se répandit à Abidjan et dans l’intérieur
du pays. De nombreux convois déversaient sur la ville des foules de
malades en quête de guérison
317
.
Cette croisade permit que l’évangile soit prêché à un plus grand
nombre de personnes. Comme nous l’avons déjà relevé plus haut, les
réunions de GIRAUD à Abidjan rassemblaient entre 5000 et 10000
personnes. L’évangile était accompagné de délivrance et de guérisons
miraculeuses.
La tournée de GIRAUD et de son équipe à l’intérieur du pays permit
aux plus démunis de recevoir l’évangile sur place et de bénéficier des
316
J. KOUAME, op.cit, p. 6,
En fait, la méthode de GIRAUD s’adaptait parfaitement à la mentalité
africaine selon laquelle chaque maladie est le résultat de l’action d’un agent
occulte. C’est ce qui explique ce grand succès que GIRAUD n’aurait jamais
réalisé en Europe.
317
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
213
« grâces de Dieu ». Plusieurs personnes tant à Abidjan que dans les
villes de l’intérieur du pays purent ainsi entendre l’évangile.
Une autre preuve de la propagation de l’évangile lors de la croisade
GIRAUD fut l’ampleur de la commercialisation de la littérature
chrétienne dans le pays. Jamais on n’avait vendu tant de Bibles et de
Nouveaux Testaments. La Société Biblique était à bout de stock. Sur
10.000 Nouveaux Testaments en français courant reçus en mars 1973,
3000 avaient été achetés par l’Église catholique. Les 7000 restants
étaient épuisés fin avril. Plus de 2000 Nouveaux Testaments Second
révisés, 2000 Bibles, 20.000 évangiles furent vendus.
Le fait le plus marquant de la croisade de Jacques GIRAUD fut
l’importance du nombre de conversions dans plusieurs villages de
l’intérieur du pays. En moins de six mois, plus de 300 villages jusque là
réfractaires au prosélytisme protestant firent appel aux responsables
débordés des Églises évangéliques du centre et du sud-ouest du pays.
318
Il y aurait eu plus de 10.000 conversions et près de 4500 baptêmes dans
tout le pays à la suite de la croisade. Plus que pendant les dix années
précédentes, 15.000 lettres furent envoyées aux Assemblées de Dieu.
Bien que GIRAUD soit venu en Côte d’Ivoire pour le compte des
Assemblées de Dieu, c’est finalement l’UEESO-CI qui bénéficia le plus
de son ministère.
Tableau 8 : Ampleur des conversions à la suite de la croisade
GIRAUD
CMA
318
Régions
touchées
Toumodi
Bouaké
Yamoussoukro
Nouveaux
villages
81
72
26
Conversions
Baptêmes
677
2500
800
250
646
355
Il s’agit de l’AEECI, de la CMA et de l’UEESO. Nous tenons à préciser que
tous ces villages n’ont pas envoyé une lettre ou délégué quelqu’un mais ont
clairement manifesté le désir d’être visités et de construire une chapelle.
214 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dimbokro
Total CMA
Daloa
Man
UEESO- Danané
CI
Guiglo-Duékoué
Saïoua
75
254
12
21
10
475
4452
1500
2000
900
250
400
375
1626
829
Total UEESO-CI
AD
Abidjan
Lakota-DivoN’douci
Total Assemblées de Dieu
WEC
ZuénoulaVavoua
TOTAL GENERAL
TOTAL PRESUME
43
5050
3000
829
3000
50
297
320
12552
16000
3955
6000
Source : Chiffres transmis par les responsables des Églises concernées
Graphique 6
REPARTITION DES CONVERSIONS SUITE A LA CROISADE DE
GIRAUD
WEC
ASSEMBLEE
S DE DIEU
CMA
UEESO
Source : Réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel) sur la base du
tableau ci-dessus.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
215
Comme le montre ce tableau, l’UEESO-CI enregistra 5050 des
12552 conversions soit 40,23% contre 4452 pour la CMA, 35,46%,
3000 pour les Assemblées de Dieu, 23,89% et 50 pour la WEC soit
0,39%.
Ce qu’il convient de retenir, c’est que dès l’autonomisation de
l’UEESO-CI, les responsables étaient animés par un profond désir de
faire croître quantitativement et qualitativement leur Église. De
nombreuses stratégies ont été exploitées avec plus ou moins de succès.
En 1973, trois facteurs externes apportèrent un concours considérable à
ces efforts. Mais, c’est surtout la croisade de GIRAUD qui déclencha un
vaste mouvement de conversions dans les Églises UEESO-CI au cours
de cette période post-missionnaire.
4.9 Évolution numérique de l’Église autonome
Relativement aux différentes circonstances, l’on peut identifier trois
phases de croissance de l’UEESO-CI de 1962 à 1982.
Graphique 7
EVOLUTION DU NOMBRE DE BAPTISES A L'UEESO DE 1962
A 1984
8000
6000
4000
2000
0
Series1
1
2
3
4
1304
2772
6999
6187
216 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Source : Graphique réalisé (à partir de microsoft excel) sur la base de
données collectée dans l’Appel Côte d’Ivoire Haïti 1961-1969.
4.10 Une première phase de croissance moins
accélérée 1962-1972
Elle est caractérisée par une croissance peu accélérée. Durant cette
période, le nombre de chrétiens baptisés passe de 1304 à 2772 soit une
augmentation de 1468 membres. La moyenne annuelle du nombre de
baptisés qui était de 82 est passée à 147 soit une croissance de 179%.
Deux phénomènes permettent d’expliquer cette croissance au dessus de
la moyenne.
Le premier est la priorité donnée à l’évangélisation au lendemain de
l’autonomisation. Les archives du Secrétariat de l’Union révèlent que de
nombreux efforts ont été déployés par les responsables dans le domaine
de l’évangélisation. La multiplication des stratégies d’évangélisation, et
plus
particulièrement
l’utilisation
des
moyens
communication ont permis de nombreuses conversions
modernes
319
de
.
Certes, les archives ne fournissent pas de chiffres liés à chaque
stratégie, mais la tendance générale de la croissance sur cette période
peut, en partie, s’expliquer par ce fait.
Cette croissance est aussi le résultat à moyen terme de
l’évangélisation à travers l’école, entamée au lendemain de la seconde
Guerre Mondiale. Car les premiers élèves ayant fréquenté les écoles
UEESO-CI sont devenus, pour certains évangélistes, et, pour d’autres,
enseignants et membres de l’Église UEESO-CI.
319
Déjà en 1968, on expérimente la méthode VNPT (Vie Nouvelle Pour tous)
qui fut un véritable succès dans les différentes régions. Le recours à Radio
ELWA qui transmettait les messages dans les différentes langues nationales a
aussi permis une forte propagation de l’évangile.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
217
4.11 Une seconde phase de croissance très accélérée
1972-1982
C’est la décennie 1972-1982, que nous pouvons nommer à juste titre,
« la décennie de gloire de l’UEESO-CI ». Sur cette période, les effectifs
ont connu une croissance sans précédent. Le nombre de baptisés a
presque triplé passant de 2772 à 6999 soit une augmentation de 4227
membres. Le nombre moyen annuel de baptisés passe de 147 entre 1962
et 1972 à 423 soit une croissance de 287,75%. Cette croissance
spectaculaire est liée à des facteurs externes que sont le passage
d’Arthur BLESSIT, la campagne Abidjan Pour Christ et surtout la
croisade GIRAUD. Si les deux premiers facteurs cités ont concerné la
ville d’Abidjan, la croisade de GIRAUD en revanche, a atteint toutes les
régions de l’UEESO-CI et plus particulièrement les villages.
L’exemple du village de Mantongouiné permet de mieux cerner cette
réalité. Avant 1973, Mantongouiné était l’un des villages les plus fermés
à l’évangile. Moins d’une vingtaine de personnes se réunissaient les
dimanches pour prier depuis 1950. C’était les membres d’une même
famille
320
.
Après le passage de GIRAUD, c’est plus d’une centaine de chrétiens
qu’on enregistre pendant les cultes.
La décennie 1972-1982 fut également une période de prospérité et de
gloire sans précédent pour l’Union. En 1976, L’UEESO-CI devient
propriétaire de tous les biens acquis par la Mission Biblique en Côte
d’Ivoire (écoles primaires, collèges, instituts, pouponnières, centre de
formation…).
En 1977, un grand jubilé est organisé pour fêter le cinquantenaire de
l’UEESO-CI qui n’est en réalité que celui de la M.B.C.I, puisque
l’UEESO-CI n’avait en fait que 14 ans.
320
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 220.
218 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
4.12 Une chute brusque en 1982
Le graphique qui se prolonge jusqu’à 1984 permet de mieux
visualiser la chute de 1982. En effet, entre 1982 et 1984, on remarque
une forte baisse du nombre de baptisés. Ce nombre passe de 6999 à
6187 soit une chute de -812. Le taux de croissance chute gravement à 191%. Cette chute est exclusivement liée au schisme de 1982, qui a vu
la naissance de l’Église du Réveil. La croisade de GIRAUD, en effet,
bien qu’elle fut un facteur de conversions massives, allait jeter les
graines d’une division qui, d’abord latente, va s’empirer avec des
conflits ethniques et de leadership provoquant en 1982 le premier grand
schisme dans l’Union. Avec cette crise de nombreux fidèles et serviteurs
de Dieu quittent l’Union
321
.
Ce second chapitre de notre travail, consacré au processus
d’autonomisation de l’UESSO-CI, nous a permis de déterminer les
raisons de cette ivoirisation de l’Église, d’en présenter le principal acteur
et d’apprécier la poursuite de l’œuvre d’implantation pendant les 20
premières années d’autonomie de l’UEESO-CI.
A la veille de l’indépendance politique de la Côte d’Ivoire, une
certaine pression morale semblait peser sur les missionnaires au point de
les pousser à accorder aux frères ivoiriens leur
autonomie.
L’autonomisation est certes une exigence missionnaire et pour cela
aucune mission ni aucun missionnaire ne doivent s’éterniser à la tête
d’une communauté chrétienne. Mais à cela il faut ajoute l’atmosphère
d’indépendance ou d’émancipation qui prévalait à cette époque et qui se
faisait sentir au sein de toutes les sociétés missionnaires en place.
En 1947, Jacques BLOCHER, grand défenseur de l’Église africaine,
devient Secrétaire de la MBCI et lance un vaste programme de la
formation des responsables locaux. En 1950, il se voit confier la
321
Nous y reviendrons dans la troisième partie du travail.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
219
présidence de cette mission. Il concentra ses efforts à la réalisation de
son rêve de voir émerger une Église ivoirienne.
A partir de 1962, la gestion de l’Église est entièrement aux mains des
frères Ivoiriens et les missionnaires sont affectés désormais à la
formation et à la gestion des œuvres. La MBCI devient alors UEESO-CI
et l’Église marque sa reconnaissance juridique par l’adoption de textes
fondateurs. Les nouvelles autorités, pour rester dans la dynamique
missionnaire, multiplient les stratégies d’évangélisation qui donnent des
résultats de plus en plus remarquables. En 1973, la conquête pentecôtiste
de la Côte d’Ivoire, à travers la croisade du pasteur GIRAUD, entraine
des conversions de masses à l’UEESO, qui voit son effectif tripler en
moins d’une décennie. Mais en 1982, cette croissance est freinée à cause
de la crise doctrinale qui provoque un schisme dans l’Église.
Si l’autonomisation est la finalité de toute mission Chrétienne, celle
de l’UEESO-CI semble ne pas avoir été suffisamment préparée. On
pourrait même dire qu’elle a été précipitée, voire bâclée. La
précipitation avec laquelle cette autonomisation s’est faite laisse des
doutes quant à la capacité de cette communauté de s’autogérer aussi bien
spirituellement que physiquement matériellement.
4.13 Conclusion partielle
Au terme de cette première partie on peut retenir que le processus
d’implantation de l’UEESO-CI comprend deux grandes phases
parallèlement à l’évolution de la situation politique de la Côte d’Ivoire.
La première, dite phase missionnaire ou pionnière, est celle pendant
laquelle une succession d’évènements a occasionné la naissance de la
première mission protestante d’origine française en Côte d’Ivoire.
Le ministère prophétique de William Wade HARRIS en Côte
d’Ivoire a ouvert les voies aux missions protestantes dans cette colonie.
Mark Christian HAYFORD, ressortissant de la Gold Coast, avait décidé
220 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
de continuer l’œuvre entreprise par HARRIS après l’expulsion de celuici. Mais en tant que sujet britannique il ne sera pas le bienvenu,
l’administration étant très tatillonne à l’égard des anglophones. Toujours
freiné dans ses activités, HAYFORD fait appel à des missionnaires
français qui arrivent en mai 1927.
HAYFORD disparait après avoir reçu l’accord du couple
RICHARD. Le couple arrive dans cette colonie sans trouver la moindre
trace de son employeur, ce qui l’oblige à solliciter le soutien de son
Église d’origine, l’Église du Tabernacle. Naît alors la chargée de
l’évangélisation du sud-ouest de la colonie. Face à la multiplicité des
langues
vernaculaires
et
aux
difficultés
de
déplacement,
les
missionnaires choisissent de s’appuyer sur des autochtones pour mener
l’évangélisation.
Les
premiers
convertis
devenus
à
leur
tour
évangélistes, jouent un rôle prépondérant dans la propagation de
l’évangile qui prend un caractère holistique avec la mise en place d’un
certain
nombre
d’infrastructures
socioéducatives
telles
que
la
pouponnière, les écoles primaires et secondaire.
Cette stratégie missionnaire va entrainer de nombreuses conversions.
Les populations en quête de mieux-être social et économique verront
dans les œuvres sociales des missionnaires la solution à leurs différents
problèmes. Cela nous amène à affirmer déjà que les conversions pendant
la période missionnaires étaient plus dues au caractère très attractif des
appâts missionnaires qu’à une véritable conviction interne des
convertis
322
.
La croissance de l’Église, d’abord très lente à ses débuts, va
connaître une accélération très marquée à partir des années 1950. Cette
croissance et l’évolution de la situation politique dans la colonie
amènent les missionnaires à responsabiliser les frères ivoiriens qui
322
Cela s’explique d’ailleurs clairement par la croissance de l’Église qui ne
connut une véritable accélération qu’à partir du début des années 1950 avec le
développement des œuvres sociales et caritatives.
Le passage de la MBCI à l’UEESO-CI (1962-1982)
221
prennent la relève au lendemain de l’indépendance politique : c’est le
début de la seconde période, celle de l’Église autonome marquée par la
naissance de l’UEESO-CI, association de toutes les Églises issues de
l’œuvre de la Mission Biblique. Pendant cette période, l’effort
d’évangélisation est accentué à travers l’utilisation de nouvelles
méthodes. La croisade de Giraud, menée en 1973 et caractérisée par des
guérisons spectaculaires et des prières de délivrances, va entrainer de
nombreuses conversions à tel point que les responsables de l’UEESO-CI
seront débordés. Là encore, le constat est que la majeure partie des
conversions enregistrées pendant la période de l’Église autonome
naissante a été motivée par la recherche de solutions aux problèmes
toujours angoissants de la maladie et de la sorcellerie.
La question de départ de cette partie était de savoir si les principaux
acteurs (missionnaires et évangélistes) de la MBCI étaient aptes à
remplir leurs rôles et les méthodes utilisées étaient les pus appropriées
pour faire de bons chrétiens. A ce stade de notre raisonnement nous
sommes à mesure d’affirmer que, malgré leur dévouement, les méthodes
employées par les missionnaires et évangélistes n’étaient pas les plus
appropriés pour de faire de bons chrétiens. En basant l’évangile sur la
prospérité et la sécurité sociales, les responsables favorisaient ainsi la
politique du nombre au détriment de celle de la qualité
323
.
Par ailleurs, comme indiqué plus haut, notre sujet s’inscrit au cœur
des débats de la rencontre entre christianisme et religions traditionnelles
locales. L’objectif de la mission, s’il faut le rappeler, est d’amener les
peuples à la conversion. Or la conversion implique un rejet de l’univers
religieux local considéré par les missionnaires comme un domaine
diabolique. Cette situation place déjà cette rencontre sous le sceau de la
confrontation voire de l’affrontement. Dans ce projet de christianisation,
le modèle religieux proposé par la Mission Biblique pouvait-il vraiment
323
Nous verrons plus bas comment un tel choix va influencer la pratique
religieuse des convertis.
222 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au
tribalisme pour former le peuple de Dieu ? Quelle fut l’attitude des
populations face au message chrétien ? Quelles furent les véritables
motivations des conversions malgré les divergences et de quels moyens
les convertis disposent-ils pour affermir leur foi ?
DEUXIÈME PARTIE
LA RENCONTRE ENTRE RELIGIONS
LOCALES ET CHRISTIANISME
DANS LE SUD-OUEST IVOIRIEN
Le but principal de l’évangile, c’est d’amener l’homme à la
conversion
324
. Celle-ci étant le passage d’une vie à une autre, d’une
conception de la vie à une autre, comme le note Saint Augustin « se
détourner de pour se tourner vers »
325
. Les peuples auxquels le message
du Christ est annoncé, ont leurs coutumes, leurs dieux, leurs croyances,
bref, ils ont leur religion. Or, comme le constate Martin BERNAL,
« Toutes les cultures, quelles qu’elles soient, et à des degrés divers
manifestent des préjugés pour, et plus souvent contre, les gens dont
l’apparence est inhabituelle. »326
Se pose alors un certain nombre de problèmes. Le premier est celui
de la rencontre entre le christianisme et la civilisation locale. Comment
se fait cette rencontre ? Y a-t-il compatibilité entre ces deux visions du
324
« Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Mathieu 28v19.
325
Saint-Augustin, les conversions, cité par Géraldine Mossière, la conversion
religieuse : approches épistémologiques et polysémie d’un concept, Groupe de
recherche Diversité urbaine (GRDU), Working Paper Centre d’études ethniques
des universités montréalaises, Université de Montréal, Septembre 2007, pp.6-7.
326
Martin BERNAL, Black Athena, les racines afro-asiatiques de la civilisation,
t1, Paris, PUF, 1996, p. 247.
224 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
monde ? Si non, pourquoi malgré les différences, l’évangile parvient-il à
s’implanter ?
Le deuxième problème est celui de l’encadrement des néophytes. Car
s’il y a différences, c’est qu’il y a opposition. Comment les premiers
convertis vivent-ils l’expérience de la vie chrétienne et quelles sont les
stratégies mises en place pour les maintenir dans l’Église et édifier leur
foi ?
Telles sont les différentes préoccupations auxquelles nous nous
intéresserons dans cette partie de notre travail.
5
CROYANCES LOCALES ET
MESSAGE CHRÉTIEN
C’est en pleine période coloniale que la MBCI décida d’entreprendre
l’évangélisation du sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Cette période
particulièrement délicate fut caractérisée par une véritable méfiance des
populations vis-à-vis de tout ce qui venait d’Europe. En plus de la
soumission politique et économique, les indigènes sentaient la menace
d’une soumission religieuse et culturelle. Le succès de la Mission se
trouvait alors comme conditionné par le contenu de son discours sur
l’univers religieux local. Le contenu du message chrétien basé sur la
négation des valeurs et croyances traditionnelles sera alors confronté à
de nombreuses barrières. Mais malgré tout, il connaîtra des succès
importants.
Ce chapitre essaiera de présenter dans un premier temps les
croyances et les cultes du terroir qui peuvent constituer des facteurs de
blocage de l’expansion du christianisme comme des facteurs de
facilitation de cette expansion. Ensuite, il s’agira de présenter le contenu
du message chrétien, les oppositions qu’elle rencontre de la part des
adeptes des croyances locales et des religions syncrétiques implantées
dans le territoire de mission mais aussi, les éléments qui, dans les
croyances locales, constituent les pierres d’attente pour le succès de
l’évangile et, dans un troisième temps, les rapports des premiers
convertis avec leur milieu d’origine.
226 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
5.1 Religions et croyances traditionnelles du sud-ouest
ivoirien au moment de l’implantation de la mission
biblique en 1927
La religion occupe une place centrale chez les peuples du sud-ouest
ivoirien. Aucun aspect de la vie sociale n’échappe au contrôle des
divinités qui, dans leur grande diversité demeurent les maitres
incontestables de l’univers qu’elles dirigent, chacune selon ses domaines
de compétence. Il est donc question ici de présenter de façon générale
ces différentes divinités afin de déterminer leur impact sur l’organisation
et le fonctionnement de la société.
D’emblée, relevons que malgré la diversité des peuples du sud-ouest
ivoirien, ils semblent avoir un panthéon identique, malgré quelques
spécificités. A l’analyse, ce panthéon pourrait être composé de deux
grandes entités divines actives : les ancêtres et les divinités du terroir
(révélées ou créées).
5.2 Le culte des ancêtres divinisés
En Afrique,
« L’homme a (…) admis depuis longtemps que la mort n’était pas
une fin, mais un passage, que les défunts vivaient une autre vie
dans
un
autre
monde
invisible
mais
proche,
qu’une
communication existait toujours entre les vivants et les morts,
que les voyants pouvaient les voir et que certains spécialistes
pouvaient connaître leurs désirs et capter leur message, bref que
les morts vivaient invisibles mais, présents à côté des vivants. 327»
Karl GREBE et Wilfried FON n’en disent pas le contraire :
327
J.C FROELICH, Animisme, les religions païennes de l’Afrique de l’ouest,
Paris, Orente, 1964, p. 165.
Croyances locales et message chrétien
« La
plupart
des
Africains
entretiennent
des
227
rapports
permanents, non seulement avec les membres vivants de leurs
familles, mais aussi avec certains membres défunts, les
ancêtres »
328
.
Cette conviction de la vie après la mort est une évidence pour les
peuples du sud-ouest ivoirien. Mais qui sont ces ancêtres et quelle place
occupent-ils dans la société ? Cette analyse de Zunon nous en donne une
idée brève mais suffisante :
« Les ancêtres divinisés sont des morts accomplis. Qui est
ancêtre ? La qualité d’ancêtre n’est pas donnée à tous les
défunts. Il y a une relation entre l’ancestralité et le statut social
et juridique. Les femmes, les défunts sans enfants, les mineurs,
les gouwan (anéantisseurs ou sorciers)… sont exclus de ce
privilège. A tout prendre, les personnes qui ont joué un rôle
éminent dans la société accèdent au rang d’ancêtre. Une seconde
approche établit la hiérarchie des ancêtres. On distingue les
ancêtres immédiats ou personnalisés avec qui l’on a des rapports
généalogiques précis et que l’on peut invoquer nominalement.
Puis les ancêtres lointains fondateurs de lignage qui sont
presque anonymes. Il faut faire appel aux zirignon (devins) pour
les connaitre » 329.
Les ancêtres sont donc constitués des parents défunts ayant de leur
vivant participé à l’édification ou à l’épanouissement de la famille, de la
tribu ou du clan qu’ils protègent désormais depuis la félicité de l’au-delà
où ils disposent désormais d’un savoir et d’un pouvoir plus grand que
celui des vivants et des mauvais esprits.
328
Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, p. 5.
ZUNON (G.J), La religion Bété traditionnelle, in Annales de l’Université
d’Abidjan, Série I, Histoire, N°7, pp.-5-28, p. 5
329
228 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Il ressort de cette analyse que l’accès au statut d’ancêtre est un
phénomène social. Et l’on peut conclure avec F. KANA que « C’est la
société qui dirige vers ce paradis des morts, ceux qui remplissent
certaines conditions bien déterminées »
330
. L’ancestralité est donc un
grade dans l’au-delà.
Chaque Africain naît dans une famille qui est plus grande qu’une
famille nucléaire. Par naissance, l’homme devient membre d’un groupe
plus vaste appelé famille étendue ou élargie. Ce groupe est formé de
parents qui sont tous issus d’un ancêtre commun. L’Africain a un sens
profond d’appartenance à cette famille étendue plutôt qu’à une famille
nucléaire. Cela se voit clairement dans les langues qui, habituellement,
ne font pas de distinction entre les frères de mêmes parents et frères
d’une famille étendue. Ils sont désignés par le même terme
331
.
Ces choses montrent que la famille étendue est très chère à
l’Africain. Elle est l’unité sociale à laquelle tous appartiennent, celle qui
contrôle tout le monde et de laquelle provient le rang de chacun dans la
société. On peut ne pas être une personne importante en tant qu’un
individu, mais en se présentant comme l’enfant d’une concession qui est
importante, on devient par conséquent considéré comme sa famille
étendue
332
.
Mais la famille étendue est plus qu’une unité consistant de parents
qui sont actuellement vivants. La famille est ce que les aïeux en ont fait.
La plupart des Africains croient qu’au moins quelques-uns de leurs
ancêtres sont encore en contact avec les membres de la famille qu’ils ont
fondée ; et qu’ils jouent un rôle plus important dans les affaires de la
famille que les membres qui sont actuellement vivants.
330
K. FOUELLEFAK, Le christianisme occidental à l’épreuve des valeurs
religieuses africaines : le cas du catholicisme en pays bamiléké au Cameroun,
1906-1995, thèse de doctorat d’histoire, Université Lumière, Lyon 2, 2005, 349
p., p. 76.
331
Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, p. 5.
332
Idem.
Croyances locales et message chrétien
229
« Alors que les vivants s’intéressent à la vie qu’ils mènent ici sur
la terre avec toutes ces luttes et tentations, les ancêtres qui, eux,
sont libérés des luttes de la vie physique, s’occupent de garder la
famille sur la bonne voie. Cela signifie qu’ils veillent à ce que la
famille honore les traditions de la culture et observent toutes les
stipulations et les règlements qu’ils avaient établis pour leurs
familles lorsqu’ils étaient encore vivants. » 333
Voici ce que disent les Dan :
« Nos ancêtres sont toujours avec nous ; ils nous voient et
suivent nos actes. Ce sont eux qui nous protègent contre certains
fléaux de la vie. C’est pourquoi nous offrons des sacrifices afin
qu’ils renouvellent chaque jour leur bonté envers nous » 334
Les membres vivants de la famille étendue ont un lien direct avec les
ancêtres. Ce lien est établi différemment selon les peuples. Chez les
Bhete de Côte d’Ivoire, les esprits de ces ancêtres sont désignés sous le
nom de Kwia.
Les ancêtres ont leur représentant, une sorte de délégué chargé
officiellement d’établir le contact avec les vivants. C’est souvent le chef
de terre ou chef de tribu. Chez les Dan, il est connu sous le nom de
« SEDË
335
». C’est un personnage honoré de toute la tribu. Il est chargé
de régler les litiges qui dépassent les compétences des différents chefs
de villages. Lors des grandes cérémonies, il est chargé de faire les
libations pour invoquer l’esprit des ancêtres.
Chez les Bhete, il semble que c’est le « Krogbonyo
333
336
».
Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, p. 7.
SADIA, cite par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 79.
335
Littéralement, ce nom signifie « père de la terre ».
336
Le Krogbonyo est le chef politique, il est le personnage le plus important du
village. Tous les villageois le respectent, l’honorent et lui obéissent. C’est
l’honoré, le respecté, l’élu, le respecté, le réservé, le mis à part, le sacré. Raphaël
GNALY, op.cit, pp. 63-64
334
230 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« Il est le lieutenant des ancêtres. Il est comme le maillon de la
chaîne qui relie les habitants du village terrestre aux ancêtres de
l’au-delà 337. Il est "Ato : père" de la famille-lignage et du village
visible. C’est pourquoi quand il prend la parole en public, il dit
toujours : "Atow a nweguemee bhilelele" signifiant "c’est dans la
bouche (au nom) de nos ancêtres que je parle". Ceux que nous
appelons "Atow" (nos pères ou ancêtres), dans la société
villageoise Bhete, ce sont bien ceux qui ont été des responsables
de famille – lignage et du village 338. »
Par l’intermédiaire de leurs représentants, les ancêtres interviennent
pour régler les affaires du village, de la tribu ou du lignage. Ils apportent
la bénédiction et assurent la protection. Chez les Dida, peuple du sud
ouest ivoirien « les ancêtres sont invoqués à la veille des entreprises
importantes ; ils sont pris à témoin dans certains serments, et les vieux
font appel à eux dans les malédictions, mais il n’y a pas de culte des
ancêtres au sens propre du terme »
339
.
Le représentant est le guide, le conducteur de la famille étendue
340
.
Il tire son pouvoir du fait qu’il a été choisi comme le successeur du
défunt chef de la concession et il est en contact direct avec lui et avec
d’autres ancêtres importants de la famille. Le pouvoir qu’il exerce sur la
famille ne provient d’aucune richesse qu’il puisse posséder
341
.
En fait, beaucoup de ses sujets peuvent être plus riches que lui, et
pourtant ils se soumettent à ses décisions en ce qui concerne les affaires
de la famille. La plus grande valeur morale que le chef de la famille
essaie de maintenir à l’intérieur de la famille est l’unité. Dans la société,
chaque famille étendue s’oppose aux autres. Les rapports entre les
337
Idem.
Ibidem.
339
TERRAY (E), L’organisation sociale des Dida de Côte d’Ivoire, Abidjan,
Université d’Abidjan, 1996, 376 p..
340
Ibidem.
341
Ibidem.
338
Croyances locales et message chrétien
231
familles sont réglés par l’influence qu’une famille donnée exerce dans la
société. Plus une famille est étendue, plus elle fait sentir son influence.
Mais si les membres de la famille ne sont pas unis, le groupe est affaibli.
Aussi le chef de la famille luttera-t-il toujours pour obtenir deux choses :
(1) accroître le nombre des membres de sa famille, et (2) unir sa famille.
Cette unité est souvent exprimée par l’expression être « d’une bouche ».
Pour obtenir ces deux choses, le chef de la famille compte sur les
ancêtres
342
.
Favoriser les mariages et la procréation, ramener à la maison un
enfant qui s’égare, assurer la protection générale de la famille… tels
sont les rôles essentiels assignés au représentant des ancêtres.
Toutefois, les contacts entre les humains et les morts ne se limitent
pas seulement au niveau des chefs politiques. Plusieurs autres acteurs
interviennent rendant ainsi ces contacts plus dynamiques et plus
imminents. Nous pouvons identifier entre autres, les prêtres, les
nécromanciens, les masques, les devins
343
. Le rôle des prêtres est plus
large. Ils sont chargés d’apaiser ou de solliciter aussi bien les ancêtres
que les esprits protecteurs. Concernant les masques, notons qu’ils jouent
un rôle très important dans les relations entre les vivants et les morts.
Chez les Dan et les Wê :
« Le (…) masque ne s’identifie pas avec l’ancêtre, le génie, le
dieu. Il ne se confond pas avec la force vitale qui lui est
communiquée, il se sent lié à elle vers la vie universelle. Le
danseur est à la fois la voix des dieux et la voix que ceux-ci
choisissent pour établir une relation » 344.
Chez ces peuples, il existe une diversité de masques aux fonctions
particulières et distinctes. En pays dan, c’est « Gôh Glö » ou masque
342
Ibid.
Nous tenons à préciser que cette liste n’est pas exhaustive et peut varier d’un
peuple à l’autre.
344
Anne SADIA op.cit, p. 18.
343
232 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
royal ou encore masque de chefferie qui joue le rôle d’interprètes auprès
des ancêtres. Il sort assez rarement à l’occasion de la gestion de conflits
entre villages ou entre tribus. Le masque révèle au peuple la volonté des
ancêtres et transmet aux ancêtres les vœux du peuple
345
.
En ce qui concerne les nécromanciens, on les retrouve un peu partout
en Afrique. Ils ont pour rôle d’entrer en contact avec les morts. La
différence entre les masques et les nécromanciens réside dans le fait que
les masques agissent, tout comme les prêtres et les chefs politiques, dans
l’intérêt public, c'est-à-dire celui de toute la communauté tandis que les
nécromanciens travaillent pour des particuliers
346
.
L’étude de Raphaël GNALY nous révèle que ceux-ci jouent un rôle
très important dans la société Bhete. Là, ils sont désignés sous le nom de
« Zirinya » ou « Zirinyô » au singulier.
« C’est l’homme qui a le "Ziri", si c’est une femme on l’appelle
"zirinyonô"… Le "ziri", c’est le "Kwio", signifiant le mort,
l’esprit de mort, le défunt. Le "zirinyon" est en contact avec les
esprits des défunts (…) Il leur parle, ceux-ci lui parlent. Il fait
venir les esprits des morts dans une chambre (..) au cas où
quelqu’un voudrait parler ou demander des choses, des
renseignements, la cause de leur mort etc.…, à ses parents
défunts ». 347"
Les
« Zirinya » ont aussi la réputation d’être de
guérisseurs
348
grands
.
Ce rôle d’intermédiaire entre les hommes et Dieu joué par les
ancêtres est aussi perceptible chez les Bamiléké du Cameroun. A cet
effet, voici ce que remarque Fouelefak KANA :
345
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, pp.86-87.
Raphaël GNALY, op.cit, p. 83
347
Idem.
348
Ibidem.
346
Croyances locales et message chrétien
233
« Et chez les Bamiléké, la référence aux ancêtres dans la relation
avec Dieu constitue un atout incontournable. Aussi, pour éviter
les déconvenues (maladies, échecs, morts précoces…) le
Bamiléké doit-il assouvir ses ancêtres par les funérailles, les
sacrifices, les prières et autres rites. L’ancêtre est pour ainsi dire
un membre organique de la communauté des vivants, il en est un
chaînon. C’est pourquoi tant que le groupe n’a pas accompli
certains rites traditionnels vis-à-vis de ceux-ci, ils restent
indifférents à ses problèmes » 349.
Les ancêtres, comme nous venons de le voir sont bel et bien présents
dans la vie des africains et plus particulièrement des peuples du sudouest ivoirien. Ils entretiennent des contacts très étroits avec les vivants
par l’intermédiaire d’une catégorie de personnes. Ils assurent la
protection, l’extension et l’épanouissement physique, moral et spirituel
des vivants. Les ancêtres sont les plus hautes divinités après Dieu. Dieu
étant inaccessible selon ces Religions Traditionnelles, l’adoration, la
prière et toutes sortes de bonnes œuvres sont destinées aux ancêtres.
Chez les Dan et les Krou, plusieurs autres divinités sont sollicitées
de manière régulière pour procurer la stabilité sociale et morale. Ce qui
ne rencontre pas l’adhésion de la foi chrétienne.
5.3 Le fétichisme ou le culte des divinités du terroir
Les divinités du terroir sont constituées de toutes les représentations
spirituelles ou matérielles, dotées d’un pouvoir et qui font l’objet de
culte ou d’adoration. Ces dieux locaux sont associés à divers
phénomènes naturels : cours d’eau, rochers, forêts, arbre…Ils sont
bienfaisants, ou malfaisant. Leur pouvoir est limité
349
350
Fouellefak KANA, op.cit, p. 75.
ZUNON (G.J), op.cit, p. 13.
350
.
234 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Si les relations entre les vivants et les ancêtres sont fondées sur le
principe de la révélation
351
, les autres divinités quant à elles, peuvent en
plus de la révélation, être « créées
352
», et leurs relations avec les
humains sont souvent de l’ordre du contrat. L’histoire de ces divinités
est partie intégrante de celle de l’humanité elle-même. Ces divinités qui
occupent une place importante dans les religions traditionnelles
africaines constituent une abomination pour la religion chrétienne
353
.
Parmi ces divinités, nous retrouvons, les lieux et objets sacrés, les
totems et interdits et les fétiches. Derrière chacune d’elles se trouvent
des esprits.
5.3.1 Les lieux et objets sacrés
En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, la plupart des
villages ont leurs lieux sacrés. Ces lieux sont parfois des endroits de
rencontre entre les vivants et les morts, mais aussi et surtout entre les
humains et les divinités protectrices. Chez les Dan, les lieux sacrés sont
désignés sous le nom de « Dhègbadhè », lieu d’adoration. Il en existe
plusieurs. Gilbert GOUENTOUEU en a recensé trois dans son village.
351
Nous tenons à relativiser cette notion de révélation. En effet, à travers les
masques, les nécromanciens (…), les ancêtres les morts se révèlent aux humains.
Cette forme de révélation est bien différente de la Révélation de Dieu dans la
tradition judéo-chrétienne.
352
Nous pensons que c’est ici que l’expression divinités créées de Lafargue
trouve toute sa signification. Cf. Fernand LAFARGUE, Op.cit p. 2.
353
« Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, les pères de l’Église hésitaient
entre deux positions face aux religions païennes : ou bien penser que les idoles
sont sans valeur et donc facile à combattre, parce que l’idolâtrie ne vient que de
l’ignorance de la vraie religion ; ou bien dans une deuxième optique, dire que les
idoles sont fort redoutables parce qu’habitées par l’esprit du mal qui leur donne
une véritable puissance ; dans cette perspective les missionnaires penseront que
Satan est présent dans les phénomènes participant du fétichisme, et inspire
personnellement le culte des fétiches, à l’origine des maux de l’Afrique. Ils
adoptent le plus souvent une troisième attitude, intermédiaire : ils affirment
l’impuissance radicale des idoles, tout en voyant dans les pratiques qui
accompagnent le culte fétichiste une marque de l’apostasie des fils de Cham,
d’inspiration évidemment satanique. » Voir Bernard SALVAING, op.cit, p. 262.
Croyances locales et message chrétien
235
« Le premier est situé au centre du village, le deuxième est une forêt, et
le troisième est un arbre sacré »
354
Chez les Bhete, le lieu sacré est désigné sous le nom de Gluzilé355.
Il est à la fois un sanctuaire et une résidence des ancêtres356.
Notons toutefois que ce ne sont pas tous les lieux ni tous les arbres
de la forêt, ni tous les objets qui sont sacrés. Ne sont sacrés que ceux qui
sont en contact permanent avec les esprits et la puissance spirituelle.
C’est donc un abus de langage d’affirmer que « dans la dynamique de la
culture africaine, il n’y a pas de séparation entre le sacré et le
profane »357.
Les lieux sacrés sont des endroits de culte pour toute la communauté
villageoise. Lors de leur adoration, tout le monde prend des dispositions
pour y participer. Les prêtres offrent des sacrifices aux esprits,
s’assurent que ceux-ci les ont agréés, transmettent par la suite les vœux
des villageois. Avant de sortir du lieu sacré, surtout lorsqu’il s’agit d’une
forêt ou d’un marigot, chacun en emporte quelque chose, signe de
bénédiction.
Les esprits des lieux sacrés, lorsqu’ils sont bien adorés, procurent
aux villageois de nombreuses bénédictions (enfants, pluies, bonne
récolte, victoire en temps de guerre…). C’est ce que relève Raphaël
GNALY sur l’univers Bhété à travers ce témoignage :
« Au village, les anciens nous racontent avec conviction,
qu’autrefois, le voyant rentrait dans le trou profond du "Gluzile"
pour ramener des enfants, c'est-à-dire pour ramener des herbes
médicinales, du kaolin qui rendent féconds les couples » 358.
354
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 60.
Raphaël GNALY, op.cit, p. 26.
356
Raphaël GNALY, op.cit, p. 26.
357
Abieng N. BIOTOTO, « Echec des efforts d’inculturation du christianisme en
Afrique », In concilium 231, 1990, p. 120.
358
Raphaël GNALY, op.cit, p. 29.
355
236 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
5.3.2 Les totems et les interdits
Les totems
Le totem est un terme difficile à expliquer, surtout dans le contexte
des religions traditionnelles africaines. L’exemple suivant nous
permettra de comprendre cette notion dans la mentalité traditionnelle
africaine. Il s’agit d’une légende racontée par GBOTO Narcisse,
tradipraticien à Danané 359 : Gbahapleu est une tribu dan. Elle est
composée de quatre villages dont trois situés sur l’axe Danané-ZouanHounien 360 et le quatrième sur l’axe Danané-Gbinta 361. Le village
central de cette tribu est Gba-kanta.
« Gba et son frère Bohoun sont originaires de Sipleu. 362 Il y a
très longtemps de cela, ils ont décidé de quitter le village pour
aller fonder leur propre village. Lors de ce départ, Bohoun fut
guidé par ZÔ les abeilles tandis que Gba fut guidé par DOUEU
le buffle. Arrivés à l’emplacement actuel de Kanta 363, Gba décida
de s’y installer. Bohoun continua son chemin jusqu’à
l’emplacement actuel de Bohounta 364. A cause de cette
séparation, les habitants de Kanta font alliance avec ceux de
Bohounta parce qu’ils sont avant tout des frères et ne doivent pas
se faire la guerre. Les gens de Kanta ont pour totem le buffle
tandis que ceux de Bohounta ne mangent pas le miel. Vamo,
notre aïeul de Gba-kanta était un grand guerrier. Sa renommée
359
Ville située à l’ouest de la Côte d’Ivoire, au cœur du pays dan.
Il s’agit des villages de Gba-Kanta, (Kanta), Gba-kédéré (Kédéré) et GbaYota (Yota)
361
Il s’agit du village de Béhipleu situé à vingt et un kilomètres de Danané et à
six kilomètres de Gbinta.
362
Il s’agit de Sipilou.
363
Kanta est situé à quelques 15 kilomètres de Danané sur l’axe Danané-Gbinta.
364
Village portant le nom de Bohoun, son fondateur. Il est situé à quelques cinq
kilomètres de Gbakanta ou Kanta.
360
Croyances locales et message chrétien
237
était si grande qu’elle se répandit dans tout le pays dan. Cette
puissance, il la devait au buffle, l’animal totem de la famille.
À cause de cette relation de Gba avec le buffle, les descendants
de celui-ci ont pour totem le buffle. En retour, le buffle, leur
donne le pouvoir d’être des guerriers puissants 365. Quant aux
descendants de Bohoun, ils ne consomment pas le miel car c’est
grâce aux abeilles qu’ils ont pu avoir un village» 366.
Cet exemple traduit plus ou moins clairement la conception africaine
de la notion de totem. La relation entre DOUEU le buffle et les
descendants de Gba est bien perceptible dans le schéma ci-dessous :
365
366
Idem.
Ibidem.
238 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
SCHÉMA I : SITUATION DU TOTEM DANS UN ARBRE
GENEALOGIQUE
- Tribu des Gbahanon environ 6 villages
- Chef : VAMO
- Caractéristiques : Tribu guerrière et
peuplée
- Totem : Buffle
GBAPLEU
- Tribu des Gbahanon village central
- Ancêtre : VAMO
- Caractéristiques : village guerrier et
peuplé
- Totem : Buffle
Gba-kanta
- Tribu des Zanon village de refuge fondé
par Béhi, un Gbanun de Gba-Kanta
- Ancêtre : VAMO ; Fondateurs : Béhi et
frères
- Caractéristiques : village guerrier et
peuplé, présence de ressortissants Gblan et
Yo
- Totem : Buffle, mouton
Béhipleu
- Tribu des Zanon village de refuge fondé
par Béhi, un Gbanun de Gba-Kanta, Famille
Gba
- Ancêtre : VAMO ; Fondateurs : Béhi et
frères
- Caractéristiques : famille guerrière et
peuplée,
- Totem : Buffle,
Gbaapleugoun
Béhi-koli
- Tribu des Zanon
village de refuge
fondé par Béhi, un
Gbanun de GbaKanta, Famille Gba
- Ancêtre :
VAMO ; chef: Béhi
- Caractéristiques :
maison guerrière
peuplée,
- Totem : Buffle,
Woyi-koli
- Tribu des Zanon
village de refuge
fondé par Béhi, un
Gbanun de GbaKanta, Famille Gba
- Ancêtre :
VAMO ; chef: Béhi
- Caractéristiques :
maison guerrière
peuplée,
- Totem : Buffle,
Gboto-koli
- Tribu des Zanon
village de refuge
fondé par Béhi, un
Gbanun de GbaKanta, Famille Gba
- Ancêtre :
VAMO ; chef: Béhi
- Caractéristiques :
maison guerrière
peuplée,
- Totem : Buffle,
Source : Schéma réalisé sur la base de nos enquêtes orales
Croyances locales et message chrétien
239
Dans ce schéma, l’on se rend compte que le lien entre le Buffle et
Gba s’étend à toute la descendance. Aussi longtemps que les Gbanon
sont restés attachés à la tradition, le Buffle a continué de constituer leur
protecteur, leur totem. Même la mobilité géographique de certains
membres de la tribu n’a pu rompre ce lien.
Le totem apparait ici comme un contrat passé entre la famille, la
tribu, et l’esprit d’un élément de la nature. La nature est personnifiée.
L’animal et la plante sont considérés comme des parents de l’homme.
Les peuples du sud-ouest ivoirien et particulièrement le Bété attribue
surtout à l’animal la plupart des caractères humains : sensibilité,
mémoire, principe spirituel, langage…
367
. Dans les religions et
croyances traditionnelles de ces peuples, chaque élément de la nature
peut être doté d’un esprit. Il s’agit d’une sorte de protectorat que l’esprit
exerce sur les membres de l’unité sociale concernée. L’animal totem est
vénéré et protégé. Il est par conséquent docile, aimable et tendre. Dans
certains villages, l’animal entre dans le village, pénètre dans les cases et
partage la nourriture avec les occupants. Cela est souvent perçu comme
un signe de grandes bénédictions. L’animal est même assimilé à
l’homme au point que lorsqu’on le prend au piège, il est enterré
dignement avec des pleurs.
« Dans le canton Zalé, à Danané, l’animal totem vient de la
brousse les nuits et entre dans les cases, soupe avec les gens et
retourne »
368
C’est donc à juste titre que Lafargue affirme, à
propos des interdits que : « Les interdits alimentaires sont
souvent édictés par les génies ou sont liés à un pacte avec un
animal bienfaiteur
367
369
. ».
ZUNON (G.J), op.cit, p. 6.
Entretien avec GBOTO Narcisse, tradipraticien, à Béhipleu, sous-préfecture
de Danané. le 29-12-2011 de 09h10 à 10h25min.
369
Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 2.
368
240 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
C’est surtout la définition de Jean Baptiste TEGBAO qui nous parait
la plus complète : « Le totem, c’est le respect qu’a une personne, une
famille ou une tribu pour un être ou un objet qui incarne un ancêtre, un
génie ou un animal. »
370
A côté des totems, se trouvent aussi les interdits. Il en existe deux
sortes : les interdits liés aux cultes des divinités et les tabous.
Les premiers sont instaurés pour le respect des divinités ou des lieux
sacrés. Par exemple, on ne cultive pas dans une forêt sacré ; On ne
mange pas du poisson d’une rivière sacrée…
Les seconds, c'est-à-dire les tabous, ont une valeur éducative et
harmonisatrice comme le montre le tableau suivant.
Tableau 9 : quelques tabous et leçons en Afrique
Tabou
Leçon
Si tu chantes en mangeant, ta
maman meurt
On ne se cure pas les dents la nuit
sinon on perd son mari
On ne verse pas l’eau dehors la
nuit sinon on risque d’être grondé
par les ancêtres
On ne garde pas longtemps l’eau
usée, ça bloque le bonheur
Éviter d’avaler la nourriture de
travers
Le cure-dent peut blesser le mari
avec qui on est couché
C’est surtout pour éviter de
mouiller celui qui passe dans la
nuit et qu’on ne peut voir
Question d’hygiène. L’eau usée
est désagréable à la vue et peut
entrainer des maladies
La nuit, il y a assez de reptiles
dehors, on risque de se faire piquer
par un serpent par exemple
On ne se lave pas dehors la nuit
sinon le sorcier met la main dans
l’eau
Source : Synthèse de nos enquêtes orales
Les tabous sont donc des interdits portant sur la conduite humaine et
la protection de la nature
371
. Les totems et les tabous ont pour but de
maintenir la cohésion et la discipline. Car à chaque tabou et à chaque
370
371
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 39.
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 39.
Croyances locales et message chrétien
241
totem est toujours attachée une sanction grave mettant en péril la vie de
l’individu ou de la société
372
.
5.3.3 Les fétiches
Le terme de fétiche est assez difficile à définir dans le contexte des
réalités religieuses africaines. Il est nécessaire de le remplacer par des
termes plus africains qui expriment mieux la réalité du phénomène
concerné
373
.
Esquisse de définition :
Il existe plusieurs approches sociologiques et théologiques quant au
sens du mot fétiche. D’après Pierre DUPREY, le fétiche :
« Désigne confusément toutes les matérialisations (amulettes,
statues, masques, tissus, peau, poils, terre, ou poterie, bague de
métal, collier, végétaux), chargé prétendument d’un pouvoir
surnaturel, est employé en Côte d’Ivoire pour nommer le
talisman ou le protecteur particulier d’un animiste. » 374
Trois observations importantes découlent de cette définition selon
Jean Baptiste TEGBAO :
Dans un premier temps, on constate qu’il s’agit d’une énumération
d’objets hétéroclites pouvant entrer dans la conception du fétiche
375
.
Dans un second temps, on se rend compte que les fétiches sont étrangers
à l’univers culturel de l’auteur
376
. Dans un troisième et dernier temps,
on remarque que l’auteur porte un jugement dépréciatif et péjoratif sur
372
Idem.
Ibidem.
374
Pierre DUPREY, L’encyclopédie en miniature de l’univers culturel éburnéen,
cité par Jean-Baptiste TEGBAO, Fétichisme et christianisme, Abidjan,
Imprimerie nationale, 56 p.., p. 8.
375
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 9.
376
Idem.
373
242 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
les fétiches
377
. Dans ce même esprit, J. RHODES réduit les religions
africaines et particulièrement le fétichisme à une simple adoration
d’objet :
« Les idoles de terre et de boue » :
« Les gens prennent de l’argile, de la terre, l’amassent en un tas,
font une balle qu’ils placent au sommet en guise de tête, mettent
dessus deux cauris pour les yeux et des vieilles dents pour
représenter une bouche, tombent par terre e l’adorent. » 378
Dans le Prolégomènes de l’histoire des religions, d’après Réville,
« Le mot fétiche vient du portugais feitiço, amulette, talisman »
379
.
Toutes ces définitions tendent à présenter le fétiche comme un objet,
quelque chose de purement matériel auquel l’on attribue des pouvoirs.
En vérité, le fétiche, tel qu’on le trouve chez la plupart des peuples
africains est bien différent d’une simple amulette, d’un talisman. Il est
certes vrai que le fétiche peut apparaitre parfois sous la forme d’un objet
fabriqué, mais son état et sa fonction ne se limitent pas à ce stade. Chez
les Guéré et les Dan de l’ouest de la Côte d’Ivoire, le fétiche est une
réalité plus vaste et plus complexe que la définition qui lui est donnée.
Chez les Guéré, il est désigné sous le nom de Kohoun
380
. Les Dan le
nomment « Dhè ». Ces termes correspondent aux mêmes réalités. JeanBaptiste TEGBAO nous donne ici une définition du terme kohoun en
Guéré :
« Kohoun désigne d’abord tout remède utilisé pour obtenir la
guérison des maladies physiques. D’où l’on déduit l’idée de
protection, c’est la protection de la vie purement physique.
377
Ibidem.
J. RHODES, W.M.S, lettre du 10 octobre 1871 (Porto-Nono) G.C.C, Box
262.
379
REVILLE, cité par Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 9.
380
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 11.
378
Croyances locales et message chrétien
243
L’existence et l’efficacité de ces remèdes dans le monde
traditionnel et moderne sont sans conteste. Pour certaines
maladies (épilepsie, jaunisse) les guérisseurs procurent la santé
en un temps record. Les délais de guérisons aussi bien que les
méthodes employés font le plus souvent penser à des procédés
d’ordre magique » 381 ;
« Dans un deuxième sens, kohoun désigne aussi tout objet chargé
de pouvoir spécial selon la définition du terme fétiche que nous
avons donné plus haut. Mais dans bien des cas, il n’est pas facile
d’établir les frontières entre l’intervention de la pharmacopée
physique et le procédé magique. il est préférable de dire que le
kohoun est chargé de protéger la vie sous toutes ses formes,
physique, intellectuel, moral, spirituel.
Le kohoun Guéré est destiné à protéger la vie de l’homme sous
toutes ses formes en éloignant de lui toutes les formes de maux et
de malheurs influençant favorablement l’être et l’avoir de
l’homme. La mission de kohoun est de donner à l’homme une vie
plus forte et plus ample. Le kohoun prend sa source dans le désir
de sécurité et d’expansion vitale de l’homme. » 382
Cette description du fétiche est identique à la réalité en pays dan. En
effet, le terme « Dhè » ou « lüdhè » signifie littéralement soin ou feuille
d’arbre. La première intention du ‘dhè est de soigner les maladies
physiques. On dira par exemple de quelqu’un qui est allé chercher à se
soigner quelque part que « Ya dho ‘dhè piö » 383, il est allé chez ‘dhè
différents de Dè le charlatan. Pour dire que les soins d’un guérisseur
sont efficaces, on dira, « a bha ‘dhè gbéé ». Il existe en pays dan des
spécialistes de la guérison. Leur savoir est un savoir révélé. Ils ont le
381
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 10.
Jean Baptiste TEGBAO, op.cit, pp.10-11.
383
Certains membres de notre famille sont des tradipraticiens. Et ces expressions
nous sont familières.
382
244 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
pouvoir d’annuler les effets d’un poison, d’un venin ou l’effet d’un
envoûtement en très peu de temps.
L’autre dimension de Dhè, c’est la protection. Cette protection a un
caractère préventif et défensif. C’est cette dimension qui correspond
effectivement à la définition donnée plus haut. Pour quelqu’un qui
« prend » un fétiche, on dira « Ya ‘dhè sü ». Il a pris fétiche. Le fétiche
contre les balles est nommé Bougadhè ou Bousiö.
Toutefois, tous les ‘dhè n’ont pas une fonction positive. On dira
d’une personne envoutée « Wa ‘dhè kë a ‘ka ».
Comme nous l’avons vu plus haut, le fétiche, version africaine, a
pour but de protéger sa vie et de l’épanouir. Ainsi, c’est dans des
circonstances graves où vivent un homme, une famille ou une tribu que
l’ancêtre dont l’influence tutélaire s’étend sur les vivants donne le
fétiche en indiquant comment il faut le fabriquer afin de trouver le
salut
384
. En effet, c’est bien souvent dans les songes que les Dhè ou
Kohing les plus importants sont donnés aux vivants.
En voici un exemple recueilli par J-Baptiste TEGBAO :
« Quant à moi, j’étais autrefois en Basse-côte. Un jour, mon père
mort au village est venu me voir en songe et m’a dit : prends
cette dent de panthère et rentre au village. Tu auras des cheveux
blancs dans notre village. Tiens cette dent de panthère. Elle a
appartenu à ton grand-père que tu n’as jamais vu de tes yeux. Il
m’a chargé de te le remettre. C’est en songe que les Kohing sont
révélés aux hommes. Ton ancêtre te dit : demain, va à tel endroit,
tu trouveras un tel objet, un serpent par exemple, tu le prendras
dans ta main et il se transformera en kohoun de telle espèce. Tu
obéis, tu prends le serpent et il se transforme en kohoun » 385.
384
385
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 11
Idem.
Croyances locales et message chrétien
245
Chez les Dan, lorsqu’il s’agit de cette forme de fétiche, on le désigne
par Kwiga.
La révélation ne se limite pas seulement au niveau des fétiches
protecteurs. La médecine africaine en général est une médecine révélée.
Un ancêtre ou un génie vient en songe révéler les traitements pour un
mal que personne ne parvient à guérir. Il est aussi important de relever
que la révélation n’est pas seulement faite par les morts ou les génies.
Des vivants viennent souvent en songe révéler des soins. Voici ce que
nous dit, à cet effet, GBOTO Narcisse, tradipraticien à Béhipleu, souspréfecture de Danané :
« Les soins que je fais, me sont pour l’essentiel révélés. Des fois,
ce sont nos parents défunts qui viennent en songe et me
demandent de les accompagner. Là ils me montrent les remèdes
pour certaines maladies. Parfois aussi, ce sont des vivants. Par
exemple, le remède de la rage m’a été révélé en songe par un
homme encore vivant. 386 Le remède de la syrose de foie m’a été
révélé comme suit : un jour, en songe, Private, la fille de Pascal
a été atteinte de cette maladie. Pascal, mon grand-frère
m’envoya chercher le remède chez un homme vivant à Yieupleu.
C’est à Yieupleu que GBA 387 a été envouté de cette maladie et il
en est décédé. Certainement, dans ce village, se trouve le remède
à cette maladie. Je me rendis dans le village. L’homme indiqué
était au champ. Je le rejoignis la bas et le trouvai en train de
racler le champ. Lorsque je lui ai exposé l’objet de ma visite, il
m’a dit ceci : " Tu vois, je suis en train de travailler, et je ne peux
pas aller chercher les médicaments. Je ne sais pas si tu peux bien
retenir le remède que je vais t’indiquer". Puis, il me révéla le
386
387
Il a voulu taire le nom.
Il s’agit du cousin de Pascal
246 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
médicament. C’est un médicament qui s’est avéré efficace
jusqu’aujourd’hui. » 388
Espèces de fétiches :
Il existe plusieurs espèces de fétiches. On peut les classer selon
qu’ils ont un rôle curatif, préventif et de protection ou
d’attraction et d’expression.
• Les fétiches curatifs : dans cette catégorie, nous pouvons ranger
tous les fétiches qui ont pour rôle de guérir.
• Les fétiches préventifs : chez les Dan, ils sont connus sous le
nom de pësiö 389. Lorsqu’une épidémie se signale dans une
région, le siö est révélé à un guérisseur qui l’applique sur toute la
population villageoise ou de la famille. Il peut s’agir d’une potion
à boire ou d’un kaolin à appliquer. Quand on veut se préserver
des attaques des sorciers, on porte sur soi le dü siö ou l’anti
sorcellerie. Il est généralement conçu à partir de l’écorce d’un
arbre appelé Glü en Dan et Djourou en Guéré 390.
Il existe une variété d’antidotes. Par exemple, en période de
guerre, on a une prolifération des Boussiö (anti-fusils) ou piösiô
(anti-fer). On peut avoir Minhinsiö (anti-serpent) qui rend inactif
le venin du serpent. Les fétiches préventifs sont les plus
nombreux du fait que l’africain vit dans une angoisse perpétuelle
caractérisée par l’influence des sorciers et des mauvais esprits
capables d’agir à tout moment.
• Les fétiches d’attraction et d’expression : les fétiches d’attraction
sont désignés en dan sous le nom de Guiohn ou Slapë. En Guéré,
388
Entretien avec GBOTO Narcisse, tradipraticien, à Béhipleu, sous-préfecture
de Danané, le 29-12-2011 de 09h10 à 10h25min.
389
Littéralement, cette expression signifie antidote.
390
Jean Baptiste TEGBAO, op. cit, p. 13.
Croyances locales et message chrétien
247
c’est le Djohou 391. Il a pour spécialité de capter, mieux, de
détourner l’amour d’un être aimé vers soi. On le met
généralement dans les aliments ou dans la main pour saluer la
cible. Ce que nous désignons par fétiches d’expression sont
constitués de tous les fétiches servant à l’homme à se faire valoir
et considérer parmi les autres. Chez les Dan, on les appelle
souvent Kwiga. Ainsi, on pourrait avoir le Doakwi (fétiche de
l’abattage des arbres) 392 le Gbekwi (fétiche de la machette), Mlun
(amulette généralement utilisé par les laboureurs dan et qui leur
permet de travailler tout une journée sans sentir la fatigue) 393. Le
lutteur peut avoir son fétiche (un cobra par exemple qui rend son
corps glissant et insaisissable).
Comme nous venons de le voir, le fétiche occupe presque tous les
aspects de la vie des peuples du sud-ouest ivoirien. Ce sont des divinités
créées et dotées de pouvoirs. Ils sont incontournables. Il en existe
plusieurs types. C’est d’eux que dépend en grande partie la vie des
humains puisqu’ils sont visibles, et facilement utilisables. C’est une
« divinité portable » c’est à dire qu’on peut le porter sur soi pour sa
protection. Il procure le succès, la santé, la paix, le pouvoir, l’estime, la
force, la considération, la protection, la sécurité, bref, il permet à
l’homme d’assouvir ses besoins.
5.3.4 Identification de quelques divinités en pays dan et krou
Tableau 10 : Quelques lieux sacrés en pays Dan
Les lieux sacrés en pays dan ne constituent pas des divinités, mais la
résidence de celles-ci. Ces divinités sont constituées des ancêtres
incarnées en d’autres éléments de la nature (poissons, arbre…).
391
Jean-Baptiste TEGBAO, op.cit, p. 13.
Ce fétiche a existé à Béhipleu, un village situé sur l’axe Danané-Gbinta. Les
propriétaires, la famille Mahan n’avait pont d’égal dans l’abattage des arbres.
393
Nous l’avons déjà vu en 1997 et avons aidé à libérer celui qui en était
possédé.
392
248 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Villages
Souample
u
Tronhouin
Banneu
Lieux
Goungl
ö
Troin
Villages
Gbéapieu
Lieux
Sèè
Natures
Rivière
Lonneu
Yitii
Rivière
Bohou
Natures
Case
sacrée
Montagn
e
Rivière
Ganleu
Zaton
Zouanhounien
Saleu
Kpoeu
Arbre
Za
Gouè
Arbre
Souample
u
Gbélü
Arbre
Toueuple
u
Souample
u
Souample
u
Montagn
e
Montagn
e
Forêt
Diessambl
ii
Flinkpoblii
Forêt
Source : Synthèses de nos enquêtes orales
Tableau 11 : Quelques kohing (fetiches) gueres selon jean-baptiste
tegbao
Kohing
Forme
Blagmon
Corne de bélier
Yoho
Mixture sous forme de boulettes sèches
Kohing poh
Sous forme de poudre
Yaé
Canari, préparation contenue dans un canari
Gboa
Sauce spéciale de kohing
Bilè
Queue d’animaux
Djibéou
Peau de chat
San kohoung
Ensemble d’objets liés par de la ficelle
Source : Jean-Baptiste TEGBAO, Fétichisme et christianisme, Abidjan,
Imprimerie nationale, p. 8.
5.3.5 Quelques lieux sacrés en pays bhété
•
Le
Gagbotro
(du
village
de
Bludume,
sous-préfecture
d’Ouragahio) :
Une énorme colline rocheuse, entourée de forêt vierge. Autrefois, il
avait un trou profond où le voyant pouvait entrer pour en ramener des
Croyances locales et message chrétien
249
remèdes, du kaolin, qu’il remettait ensuite à ceux qui en avaient besoin.
La trace de ce trou profond est toujours là. Mais il existe maintenant un
autre pas trop profond, ni trop large. (…). Ce trou est la bouche du
Gakpotro
394
.
• Le « Batawlè » (du village de gbodosokou, sous-préfecture
d’Ouragahio), situé entre deux collines très voisines (…) 395
• Le « zoyoro » (du village de menedutabre), un arbre appelé
« jeje ». Cet arbre se fait voir, se manifeste, se révèle à un voyant
comme réceptacle d’esprits. (…) une puissance s’y manifeste et
l’arbre devient sur l’ordre du voyant, l’objet de culte spécial 396.
• Le « kpelokoi » (du village de Menekle, sous-préfecture de
Gagnoa), c’est une rivière qui coule dans une portion de forêt
vierge. C’est là que les gens de Menekle font leurs cultes
communautaires villageois 397.
Au regard de tout ce qui précède, l’on se rend compte qu’il existe
une multiplicité de divinités chez les peuples du sud-ouest ivoirien.
Chaque village, chaque famille voire chaque individu à son dieu.
Ce polythéisme qui caractérise ces peuples est en véritable
contradiction avec les principes du christianisme qui les considère
comme abomination.
394
Raphaël GNALY, op.cit, pp.26-27.
Idem.
396
Raphaël GNALY, op.cit, pp.26-27.
397
Idem.
395
6
LE MESSAGE CHRÉTIEN:
CONTENU, OBSTACLES ET ÉLÉMENTS
FACILITATEURS DE SA PROPAGATION
EN PAYS KROU ET DAN
L’évangile annoncé par les missionnaires aux peuples du sud-ouest
ivoirien est un message centré sur l’Unicité de Dieu et la nécessité du
rejet des croyances religieuses traditionnelles considérées par le
christianisme comme une abomination
398
. Il existe alors une véritable
contradiction entre le contenu de ce message et les pratiques religieuses
des populations concernées. Cette contradiction bloquait d’office le
succès de l’évangile malgré tout, l’évangile se propage dans cette
localité du pays.
398
L’attitude des missionnaires vis-à-vis des croyances traditionnelles africaines
était parfois mitigée. Pour certains missionnaires catholiques plus modérés, le
message chrétien ne devrait pas s’opposer aveuglément aux croyances locales
des peuples africains mais plutôt devait les peser pour en garder ce qui n’est pas
contraire à l’évangile. C’est ainsi que dans l’Instruction de la Congrégation de la
Propagande, l’on pouvait lire la recommandation suivante :
« Ne mettez aucun zèle, n’avancez aucun argument pour convaincre les peuples
de changer leurs rites, à moins qu’il ne soient évidemment contraire à la
religion et à la morale. Quoi de plus absurde que de transporter chez les
Chinois la France, l’Espagne ou l’Italie, ou quelque autre pays d’Europe.
N’introduisez pas chez eux nos pays mais la foi. » Cf. Instruction de la
congrégation de la Propagande, cité par Bernard SALVAING, Les missionnaires
à la rencontre de l'Afrique au XIXème siècle, L'Harmattan, 1995, p. 60.
252 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
6.1 Le contenu du message chrétien
Pendant la période missionnaire, le message chrétien comportait
deux volets essentiels ; l’édification des communautés existantes et
l’évangélisation.
D’abord,
lorsque
les
missionnaires
rendaient
visite
aux
communautés déjà en place, ils leur donnaient des formations plus
approfondies sur la doctrine chrétienne. En effet, ces premières
communautés étant dirigés par des indigènes peu instruits, il était
nécessaire de leur enseigner, plus en détails, les fondements de la vie
chrétienne. Ainsi comme le remarque Jeanne DECORVET, lors d’une
visite, « Daniel resta six jours à Buyo, six jours bien remplis. Chaque
matin et chaque midi la cloche appelait les Ashantis, leurs femmes,
quelques enfants, des voisins, la chapelle se remplissait. Toutes les
grandes doctrines bibliques furent passées en revue »
399
.
Lorsqu’il était question d’annoncer l’Evangile à des non croyants, les
missionnaires insistaient sur des thèmes essentiels. Il s’agit du péché, de
la mort, du salut en Jésus-Christ, de l’amour de Dieu. Pour
GUENAMAN J.C.,
« Les missionnaires insistaient beaucoup sur le péché et ses
conséquences. Ils parlaient de l’enfer qu’ils désignaient comme
le lieu où vont les pécheurs après la mort. Ils disaient aussi que
l’adoration les fétiches était un péché et qu’il fallait s’en
détourner. Les missionnaires annonçaient aussi que c’est Jésus
seul qui peut sauver » 400.
En 1930, au cours d’une visite chez les Yacoubas, « Daniel annonce
la venue du Sauveur et montre un évangile en Bambara »
399
401
. Suite à
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 76.
Entretien réalisé à Daloa, à la station missionnaire de Tazibouo en septembre
2012.
401
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 67.
400
Le message chrétien
253
cette bonne nouvelle, GONDO, un de ses interlocuteurs éprouve un vif
désir de se convertir :
« Que faut-il que je fasse pour que mon cœur change ? » 402
« D’abord, demander pardon à Dieu pour le péché que tu as
commis. Et alors, il t’accueillera » 403
répondit RICHARD avant de lire la parabole de l’enfant prodigue et
de conclure « ma plus grande joie serait que toi aussi tu deviennes enfant
de Dieu »404. « Laisse-moi la parole de Dieu, supplie GONDO. Daniel
n’a que sa Bible. Mais il transcrit Jean 3 v 16 et d’autres versets
appropriés »405.
Pour les missionnaires, toutes les occasions étaient bonnes pour
annoncer l’évangile : à Buyo, Daniel RICHARD assista à une scène qui
lui offrit l’occasion de prêcher l’évangile. Un homme tentant d’attraper
le diable avait passé toute une nuit à ses trousses sous les cacaoyers sans
succès. « Le diable n’est pas entre les cacaoyers affirma le missionnaire,
il est dans vos cœurs. C’est lui qui inspire les mauvaises pensées, la
cruauté, le mensonge et l’injustice et personne ne peut le déloger. Mais
Dieu le peut, il peut changer votre cœur. »406
A Batélébré, chaque dimanche, un groupe important d’hommes et de
femmes se réunissaient sous un apatam qu’ils avaient dressé sur la
plage. Daniel essayait d’éveiller leur conscience : le péché ce n’est pas
seulement le fétichisme. Il y aussi la boisson qui ruine le corps et l’âme
et tant d’autres choses que Dieu défend. Puis il parlait du sauveur et de
la vie nouvelle qu’il donne à ceux qui viennent à lui407.
402
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 68.
Idem.
404
Ibidem.
405
Ibidem.
406
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 77.
407
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 82.
403
254 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Au pays des Ropos, dans la région de Sassandra, Daniel arrive en
1933. Son hôte, après lui avoir raconté l’histoire de ce peuple conclue en
disant que les Ropos n’ont plus de roi. Daniel profite pour lancer :
« C’est Jésus qui doit être votre Roi. Voulez-vous le servir lui seul et
abandonner les fétiches ? 408 »
Les messages des missionnaires prenaient parfois un caractère
menaçant comme le montre cette adresse de Laure à Jones ; un ivrogne
endurcit : « Vous n’êtes qu’un esclave, un esclave de l’alcool, il vous
domine et vous mènera à votre perte. Vous savez qu’il y aura un
jugement. » 409
Au temps de l’Église autonome, le message est resté le même, mais
avec la conquête pentecôtiste, de
nombreuses démonstrations,
notamment les guérisons miraculeuses accompagnaient le message et lui
donnaient plus d’efficacité. Cela a favorisé de nombreuses conversions.
En définitive, le message chrétien annoncé avait pour objectif de
dénoncer le péché qui conduit à la mort et d’inviter à accepter le Christ,
seul chemin qui conduit à la vie éternelle. Toutefois, par son contenu,
l’évangile s’oppose aux croyances et pratiques des populations cibles
qui sont pour la plus part fétichistes et idolâtres. Ces populations
maintiennent des contacts permanents avec leurs morts à qui ils vouent
régulièrement des cultes. Cette rencontre de ces deux conceptions
opposées va entrainer un choc, qui à son tour, va engendrer des
résistances à la propagation du message chrétien tel qu’enseigné par les
missionnaires. Naissent alors des Églises syncrétiques qui s’efforcent
d’adapter les prescriptions bibliques aux réalités du terroir. Celles des
populations qui rejettent à la fois « le christianisme des missionnaires »
et les Églises syncrétiques s’attachent fortement aux croyances et
pratiques religieuses locales, freinant ainsi le succès de l’évangile.
408
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 127.
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 110. Il est à noter que Jones changea de vie et
devint un grand évangéliste.
409
Le message chrétien
255
6.2 Les obstacles à la réception de l’évangile
6.2.1 Les Églises syncrétiques locales ou les messianismes
indigènes comme barrière à la propagation du message
chrétien
C’est en pays krou qu’émergèrent le plus les Églises syncrétiques
pour constituer un énorme blocage à l’avancée de l’évangile annoncé
par les missionnaires. Ce phénomène avait pour but de contribuer à la
résistance à la colonisation. Cette résistance à la fois politique, culturelle
et religieuse, n’a pas eu la même ampleur dans toutes les régions.
Si chez les Dan et les Wê cette résistance fut de moindre envergure
et limitée à la lutte pour la conservation et la survie des sociétés secrètes
anciennes telles que les sociétés de masques et les bois sacrés, plus au
sud, elle était véritablement organisée et courageusement exprimée.
Cette résistance s’organisa en pays krou sous forme de messianisme
religieux. En effet, pour combattre le christianisme tel qu’enseigné par
les missionnaires soupçonnées à juste raison d’ailleurs, d’être à la solde
du colonisateur, de nombreuses Églises syncrétiques furent mises en
place, empruntant au Christianisme et à l’Islam certaines de leurs
valeurs tout en promouvant fortement les valeurs traditionnelles des
peuples autochtones.
Cette forme de religions mi-traditionnelles et mi-chrétiennes
connurent un véritable succès chez les peuples Neyo, Godié, Dida et
Bété.
Déjà en 1928, Daniel RICHARD dénonçait les actions d’un faux
prophète, du nom de GRAH, fondateur d’un mouvement syncrétique à
Batélébré non loin de Sassandra.
410
En 1930, dans son rapport annuel,
l’administrateur de Sassandra le signale comme une personne « se disant
envoyé par Dieu le Père », prêchant et reprochant aux jeunes gens de ne
plus respecter les vieillards et les chefs, de se vautrer dans l’ivrognerie et
410
Jeanne DECORVET, op.cit, pp.81-84.
256 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
de s’abrutir dans l’adoration des fétiches
411
. Deux années plus tard, sa
religion comptait environ 150 adeptes. Des temples de fortune édifiés
dans les différents villages rassemblaient régulièrement des populations
en quête de protection et de salut.
Vers 1927, au moment même où la Mission Biblique s’installait sur
les traces du prophète HARRIS, nombre des adeptes de ce dernier
avaient été récupérés par la religion de Togba GRAH qui constitua
pendant longtemps un véritable obstacle à l’évolution de la MBCI dans
la région de Sassandra :
« Daniel découvrit peu après, que le soi-disant prophète, n’avait
fait détruire les fétiches que pour se faire servir à leur place. Il
invente des rites répugnants qui humilient ses serviteurs. (…) Ses
adeptes continuent à vivre dans l’ivrognerie, la paresse et
l’adultère, personne ne veut plus écouter l’évangile » 412
En pays Godié, Dida et Bété, la religion Déhima
413
constitua un
véritable obstacle à l’avancée du protestantisme baptiste enseignée par la
MBCI. Sur le site Internet officiel de cette Église Déhima, les
circonstances de sa création, démontrent clairement sa vocation de
religion de la contestation :
« C'est à la faveur des visées impérialistes et colonialistes, que
les missionnaires européens vont faire connaître Jésus-Christ
aux Africains par la bible. Pour exploiter ce livre de vie, il faut
savoir lire et écrire. Ce qui n’était pas le cas de la quasi-totalité
411
Archives ex AOF 2G30-9, rapport annuel, 26 p..
Rapport de Daniel RICHARD, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p. 83.
413
L’Église Déhima a été créée pendant la période coloniale par, Bagué Honoyo
(Guigba Dawlon à l'état civil) née à Gagoué vers 1892. Combattue à ses débuts
par l’administration coloniale, elle sera reconnue finalement par arrêté général
N° 2541 AP/D du 20 août 1945 en application du décret du 14 février 1922
réglementant l'enseignement et la propagande confessionnelle en Afrique
occidentale française.
412
Le message chrétien
257
des Africains de l’époque. Et pis, la bible était même interdite
aux mains noires. Les Africains n’avaient seulement droit qu’à
des brochures qui traitent d’un Enseignement partiel et
insuffisant.
"Ainsi, l'enseignement de la parole de Dieu qui devrait être
accessible à tous, a-t-il été vicié, étant donné que les
missionnaires étaient là pour le compte des intérêts de leur
métropole, ils ne pouvaient qu'enseigner des parties de la Bible
qui pouvaient leurs permettre de mieux exploiter les noirs et
asseoir leur suprématie sur le Continent. Entre-temps, la
sorcellerie et le fétichisme continuaient de régner en maîtres
absolus".
"La prophétesse Bagué Wlonyo, dans sa révélation de fonder
l'Église Déhima, va formellement proscrire la pratique de la
sorcellerie et du fétichisme. Elle recevra de Dieu, mission de
restituer la parole de Jésus-Christ à ses contemporains par
l'oralité, moyen par excellence de la transmission du savoir et de
la connaissance en Afrique. Elle a reçu de Dieu, par la parole et
par des chants, tout le contenu de la bible. Elle va enseigner à
ses frères noirs, la reconnaissance d’un Dieu unique, l’amour et
l’égalité entre les races. "Ton ton bakadi bakadi baladin" ! Tous
les frères sont égaux. Le Déhima de ce point de vue a libéré
l’homme noir de l'emprise de la sorcellerie et du fétichisme. » 414
Cette
religion,
reconnue
en
1945
415
,
est
présentée
par
l’administration coloniale comme une forme de fétichisme avec des
414
http://Églisedehimaversionmoderne.net/
La religion Déhima a été officiellement reconnue en 1945 par arrêté général
N° 2541 AP/D du 20 août 1945 en application du décret du 14 février 1922
réglementant l'enseignement et la propagande confessionnelle en Afrique
occidentale française.
415
258 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
réminiscences de catholicisme ou de protestantisme
416
. Elle est
caractérisée par le pouvoir de chasser les mauvais esprits au moyen
d’une eau miraculeuse puisée par ses adeptes dans un canari mis à leur
disposition par la prophétesse.
Déhima était soupçonnée d’avoir des visées politiques. En 19461947, la prophétesse Marie LALOU aurait prédit à Houphouët BOIGNY
sa destinée politique et reçut le soutien de ce dernier dans sa lutte pour la
promotion des valeurs traditionnelles et contre l’aliénation religieuse.
C’était le 15 novembre 1948 à Divo, alors que celui-ci se battait pour
l’indépendance de la Côte d’Ivoire. « C’est dans cette ville qu’elle a
prédit à Houphouët qu’il sera le président de la République d’une Côte
d’Ivoire libre, affranchie du joug colonial, selon la volonté de Dieu.
Mais à condition qu’il fasse de la paix son credo », dévoile AGOUMO
Gbogbou, Chef du Village de Gagoué, fidèle Déhima lui aussi
417
. Et
d’ajouter : « C’est elle qui a révélé à Houphouët sa vocation d’homme
de paix. Et il n’a fallu que deux ans après, pour que la prophétie de la
fondatrice de l’Église Déhima se réalise
418
. » L’expansion remarquable
du Déhima s’explique par ses affinités avec le PDCI-RDA. Les évolués
et les élites qui adhérèrent massivement jouaient de toute leur influence
pour favoriser une adhésion massive de la population.
416
Cf. rapport politique annuel 1948, Archives ex AOF, 2G48-108CI, 54 p.Cette
période, s’il faut le rappeler, est marquée en Côte d’Ivoire par la remise en cause
de tout le système colonial et par conséquent est le début de la lutte
émancipatrice. Dans un tel contexte, l’émergence d’un culte indigène ne pouvait
qu’indisposer le colonisateur qui devrait tout mettre en œuvre pour l’étouffer. Si
l’on en croit les dignitaires Déhima, leur prophétesse était combattue sur deux
fronts. En même temps qu’elle livrait un farouche combat contre les féticheurs
réfractaires à l’évangile, elle était perçue par le colonisateur comme une
éveilleuse de conscience.
417
Enquête réalisée par Alexandre Lebel Ilboudo, Paru dans le Patriote du 29
septembre 2010.
418
Idem.
Le message chrétien
259
Le Déhima, en raison de son opposition à la religion chrétienne
importée, constitua un véritable obstacle à l’action de la Mission
Biblique dans le Sud-ouest, région d’origine de la prophétesse LALOU.
6.3 La contradiction entre message chrétien et
croyances locales, un autre obstacle à la réception de
l’évangile
Le polythéisme qui caractérise les peuples du Sud-ouest est en
contradiction avec les principes du christianisme qui les considère
comme une abomination.
C’est d’abord au niveau de la conception de la mort et de l’au-delà
que se trouve la contradiction. Dans les religions locales, le culte des
ancêtres qui suppose la présence des morts parmi les vivants et leur
capacité d’influencer le cours des évènements est perçue dans le
christianisme comme une abomination. Selon la conception chrétienne
du monde, l’Homme, après sa mort, est admis dans le séjour des morts.
D’après l’Ancien Testament, la poussière retourne à la poussière et
l’esprit retourne à Dieu
419
. « Les morts vont au schéol ou séjour des
morts, appelé aussi abîme, ou fosse ou gouffre »
420
. Il est toutefois
important de noter que la Bible ne donne pas une localisation précise de
ce lieu. « Les défunts y mènent une existence au ralenti, ils sont appelés
les rephaïm, les affaiblis. Pourtant, ils ne sont pas présentés comme
inconscients »
421
.
A l’arrivée du roi de Babylone dans l’au-delà, les autres souverains
décédés l’accueillent d’une manière sarcastique.
419
422
Ecclésiaste 12 v 7.
Jules Marcel NICOLE, op.cit, p. 319.
421
Idem.
422
« Tous prennent la parole pour te dire : "toi aussi, tu es sans force comme
nous, tu es devenu semblable à nous ! Ta magnificence est descendue dans le
séjour des morts, avec le son de tes luths ; sous toi est une couche de vers, et les
vers sont ta couverture" ». Esaïe 14v11.
420
260 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le séjour des morts apparait comme la résidence des croyants aussi
bien que des réprouvés. Toutefois, tous n’y subissent pas le même sort.
Dans le passage de Luc 16 v 19 à 31, Jésus raconte l’histoire de deux
personnes mortes et dont l’existence dans le séjour des morts était bien
différente. L’un, Lazare, s’est retrouvé dans le sein d’Abraham, tandis
que, l’autre, le riche, était dans l’enfer. Un autre élément caractéristique
dans la conception chrétienne de l’au-delà est que les morts n’ont plus
de contact avec les vivants.
Dans l’histoire du riche et de Lazare, le riche ayant souhaité entrer
en contact avec ses cinq frères, par l’intermédiaire de Lazare, n’en a pas
reçu l’autorisation. Les morts ne reviennent plus sur la terre
plus part à tout ce qui se fait sous le soleil
424
423
et n’ont
.
Il est tout de même important de faire remarquer qu’avec la mort et
la résurrection de Jésus-Christ, il y eut une évolution dans la condition
des trépassés. En effet, dans le Nouveau Testament, les rachetés, après
leur morts, semblent admis directement dans le paradis auprès de Jésus
Christ le rédempteur. Déjà, sur la croix, Jésus dit au brigand crucifié à
côté de lui : « Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis. »
425
L’apôtre
Paul affirme que : « En quittant ce monde, nous sommes absents du
corps, et présents auprès du Seigneur. »
426
Si les rachetés entrent dans la félicité après leur mort, la situation est
tout à fait différente pour les réprouvés. Ceux-ci demeurent dans le
423
« Car le nombre de mes années touche à son terme, et je m’en irai par un
sentier d’où je ne reviendrai pas. » Job 16 v22.
424
« Les vivants en effet, savent qu’ils mourront ; mais les morts ne savent rien,
et il n’y a pour eux plus de salaire, puisque leur mémoire est oubliée. Et leur
amour, et leur haine, et leur envie, ont déjà péri ; ils n’auront plus jamais aucune
part à tout ce qui se fait sous le soleil. » Ecclésiaste 9 v5 à 6.
425
Luc 23 v43.
426
« Nous sommes toujours pleins de confiance, et nous savons qu’en
demeurant dans ce corps nous demeurons loin du Seigneur, car nous marchons
par la foi et non par la vue, nous sommes pleins de confiance et nous aimons
mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. » 2 Corinthiens 5v6 à 8.
Le message chrétien
Hadès jusqu’au jour du jugement où il devra les rendre
l’issu de ce jugement
jetés dans la géhenne
éternel
431
428
429
427
261
. Leur sort à
est suffisamment décrit dans la Bible. Ils seront
, dans l’étang de feu et de soufre
430
, dans le feu
, des ténèbres du dehors... Ils seront séparés d’avec Dieu. « Ils
auront pour juste châtiment une ruine éternelle, loin de la face du
Seigneur et de la gloire de sa force »
432
.
Il est donc tout à fait inconcevable en christianisme que les morts
détiennent des pouvoirs et soient capables d’entretenir des relations avec
les vivants. L’importante place accordée aux morts par les Dan et les
Krou va constituer une barrière au message chrétien, qui reste avant tout
un message contradictoire.
Par ailleurs, le fétichisme qui se caractérise par l’adoration des
divinités créées constitue un autre point d’acoppement au le succès du
christianisme. Dans la conception Judéo-chrétienne, les relations de
l’homme avec son créateur doivent être marquées par l’adoration. Dieu
seul mérite toute l’adoration. L’univers tout entier adore Dieu. Le
psalmiste David déclare que : «Les cieux racontent la gloire de Dieu et
l’étendue céleste annonce l’œuvre de ses mains. » 433
Dans le ciel, les anges ont pour activité principale l’adoration et la
louange de Dieu. « Bénissez l’Eternel, vous ses anges. » 434 Des millions
d’entre eux sont regroupés autour du trône céleste, glorifiant l’agneau
immolé :
427
Hébreux 12v23.
La Bible déclare que Jésus est assis à la droite du Père d’où il viendra juger
les vivants et les morts. Jules-Marcel, dans son précis de doctrine chrétienne, a
suffisamment développé la manière dont se fera ce retour du Christ et comment
se fera ce jugement.
429
Mathieu 5v22.
430
Apocalypse 19 v20.
431
Esaïe 33v14.
432
2 Thessaloniciens 1v9.
433
Psaume 19 v2.
434
Psaume 103 v 20.
428
262 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« Je regardai et j’entendis la voix de beaucoup d’anges autour
du trône et des êtres vivants et des vieillards, et leur nombre était
des myriades de myriades et des milliers de milliers. Ils disaient
d’une voix forte : L’agneau qui a été immolé est digne de
recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur,
la gloire et la louange. Et toutes les créatures qui sont dans le
ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer, et tout ce qui s’y
trouve, je les entendis qui disaient : A celui qui est assis sur le
trône, et à l’agneau, soient la louange, l’honneur, la gloire, et la
force, aux siècles des siècles ! Et les quatre êtres vivants
disaient :
Amen !
adorèrent. »
Et les vieillards se
prosternèrent et
435
Pour l’homme, adorer Dieu est plus qu’un devoir. David lance
l’invitation suivante :
« Chantez à l’Eternel un cantique nouveau ! Chantez à l’Eternel,
vous tous, habitants de la terre ! Chantez à l’Eternel, bénissez
son nom, annoncez de jour en jour son salut ! Racontez parmi les
nations sa gloire, parmi tous les peuples, ses merveilles. Car
l’Eternel est grand et très digne de louange, il est redoutable
par-dessus tous les dieux » 436.
Et de continuer : « notre secours est dans le nom de l’Eternel qui a
fait les cieux et la terre »
437
.
La louange et l’adoration sont, dans la conception chrétienne,
réservées à Dieu seul. Il est le créateur et toute la création lui doit
honneur et adoration et le chrétien est appelé à se détourner du culte des
ancêtres et des divinités créées qui ne sont que « vanités et (se) convertir
435
Apocalypse 5 v 11 à 14.
Psaume 96 v1 à4.
437
Psaume 124v8.
436
Le message chrétien
263
au Dieu vivant qui a fait les cieux et la terre, la mer et tout ce qui s’y
trouve »
438
.
N’est-ce d’ailleurs pas pour cette raison que le prophète Esaïe les
menace en ces termes : « Les dieux qui n’ont pas fait les cieux et la terre
disparaitront de la terre et des cieux.
439
»?
Cette permanente opposition entre les pratiques religieuses locales et
la foi chrétienne a constitué un réel frein à l’avancée du christianisme
parmi les Dan et les Krou.
La question que nous nous posons maintenant est de savoir si ces
différentes barrières ont pu empêcher l’implantation de l’Église dans le
sud-ouest ivoirien. Si non, quels sont les facteurs du succès de cette
mission malgré les oppositions ?
6.4 Les éléments facilitateurs de la pénétration de
l’évangile en pays Krou et Dan
Les divergences entre les croyances des peuples du sud-ouest
ivoirien et la religion chrétienne sont très grandes. Cela rend le dialogue
difficile voire impossible. Malgré tout cela, la Mission Biblique parvient
à enregistrer plusieurs conversions parmi ces peuples. Nous essaierons
ici d’identifier les facteurs à la base de ce succès. Il s’agit surtout du
caractère limité des croyances traditionnelles qui sont souvent source de
peur et d’esclavage et de l’efficacité de la stratégie missionnaire adoptée
par la MBCI.
6.4.1 Les multiples contraintes dans les religions
traditionnelles, un élément facilitateur des conversions
L’une des caractéristiques essentielles des croyances traditionnelles
africaines est de produire la peur en permanence 440. Dans ces croyances,
438
Actes 14v15.
Jérémie 10v11.
440
Karl GREBE et Wilfried FON, op.cit, pp.14-15.
439
264 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’homme entretient des relations permanentes avec les esprits. L’homme
est ainsi soumis à toutes les forces de la nature dont il doit rechercher la
protection ou s’en défendre.
« La relation que "l’homme" entretient avec ces esprits est
déterminée par-dessus tout par la peur. N’importe quel esprit
peut provoquer le malheur dans la vie de l’individu, de la famille
ou de la tribu dans son ensemble. Les ancêtres apportent souvent
la maladie, les enchanteurs et les sorciers en veulent à la vie des
gens, soit par vengeance, soit par jalousie, ou encore par soif
d’acquérir des richesses » 441.
Lors de leur première visite missionnaire chez les Yacouba de
Danané en 1934, le couple RICHARD est surpris de découvrir l’ampleur
des activités des sorciers, particulièrement des hommes panthères.
« (…) Les sorciers ont le pouvoir de se changer la nuit en
panthères pour aller tuer leurs victimes, mais j’ai appris qu’il
s’agit d’un déguisement sinistre. Revêtus d’une peau de
panthère, et les doigts armés de griffes de fer, ils se tiennent en
embuscade à la nuit tombante, près du chemin qui mène au point
d’eau. Une fillette attardée en revient, le canari sur la tête, et le
sorcier se met à rugir comme une panthère. L’enfant épouvantée
se sauve, éperdue, abandonnant son canari ; il se jette sur elle, la
déchire de ses griffes et l’emporte dans la montagne, son lieu
sacré » 442.
Même les divinités qui constituent les protecteurs de l’homme
peuvent provoquer sa chute voire sa mort s’ils ne sont pas honorés dans
les normes.
441
443
Idem
Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 105-106.
443
Idem.
442
Le message chrétien
265
L’individu qui a de la magie cherche à manipuler les forces
spirituelles pour son propre avancement et enrichissement, mais il vit
dans la peur à cause des autres magiciens qui le testent constamment
avec leurs propres puissances
444
. Il est important de noter que les
fétiches maintiennent l’homme dans un état d’esclavage permanent au
lieu de lui proposer des garanties suffisantes de sécurité. En examinant
l’histoire captivante de Wangrin, le héros illustre d’Hampaté Bâ, on
comprend aisément cette aliénation dans laquelle les fétiches
maintiennent leurs possesseurs.
« Wangrin, plein d’astuces, alors au summum de la prospérité,
consulte un jour un géomancien Ahoussa qui lui prédit qu’il
connaitrait une chute irréparable. Le mauvais présage ne fit que
remplir l’intrépide Wangrin d’une inquiétude de plus en plus
grandissante. C’est un premier avertissement. A partir de ce
moment, le héros perdit son assurance. Sur ces entrefaits, il alla
rendre visite dans son village natal. Arrivé à destination, il
oublia d’adorer le bois sacré avant de recevoir les honneurs de
sa famille. C’était une faute grave. En plus il avait oublié
d’apporter la pierre sacrée sans laquelle il ne quittait jamais son
domicile. C’est alors qu’un vieil oncle lui fit cette déclaration
énigmatique et pleine de menace : "Quand l’homme, pour
éconduire son destin part incognito en voyage, il trouvera que le
destin l’a précédé et même qu’il a retenu un gite pour deux"
445
».
Puis le vieux d’ajouter : « Mon petit Wagrin, à partir de maintenant
il faut t’attendre à recevoir les grands coups du sort. Sois fort et ferme.
Le poids du plus grand malheur s’allège quand on use de patience pour
le porter
444
446
».
Jeanne DECORVET, op.cit, pp. 105-106.
Résumé de l’œuvre présenté par Jean-Baptiste TEGBAO, in Fétichisme et
christianisme en Afrique, op.cit. , p. 14.
446
Idem.
445
266 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Pouvait-il y avoir de prédiction plus déprimante ? Cette pensée le
distrayait au volant de sa voiture quand il amorça une pente glissante.
Pour mettre le comble à son malheur, il tua dans un accident
spectaculaire le serpent python de son totem. Désormais, il pouvait être
considéré comme un suicidé en sursis. Cette faute aussi involontaire
avait sonné le glas de son destin. Perte irréparable, la dame blanche qui
le servait avait fait jeter son fétiche protecteur dans une poubelle. Il ne
devait plus le retrouver.
Après la perte du borofing, il fallait s’attendre à une issue fatale.
C’en était fait de Wagrin. Il ne chercha plus à résister aux évènements. Il
perdit tout courage. Impuissant, il vit s’effriter et disparaitre toute sa
fortune comme dans un conte de fée. Malheureux, misérable et refusant
d’être aidé et secouru, Wagrin mourut dans le torrent d’une pluie
diluvienne par une nuit sombre. Ainsi se termina la vie de ce puissant,
riche et astucieux Wagrin
447
.
En face de ce destin aussi implacable et inexorable, l’on peut faire
les constats suivants.
Primo, si le borofing reçu à sa naissance est à l’origine du succès de
Wagrin, il est alors clair que le fétiche bafoue la liberté et la dignité
humaine. Il a suffi d’une erreur involontaire pour hâter la fin du héros.
Avec le fétiche, l’homme est trop exposé. Malgré sa bonne volonté, il
arrive toujours des moments d’inattention dan la vie de l’homme. « Le
petit instant d’inattention provoque alors la catastrophe du destin
humain »
448
.
Secundo, le fétiche n’a qu’une efficacité psychologique, donnant une
assurance provisoire à celui qui le tient. Dans ce cas, le fétiche à un effet
dangereux pour la liberté humaine. « L’homme se guide sur une illusion.
Sa liberté est très conditionnée. Il suffit d’un choc psychologique et c’est
447
Résumé de l’œuvre présenté par Jean-Baptiste TEGBAO, in Fétichisme et
christianisme en Afrique, op.cit. , p. 14.
448
Jean-Baptiste TEGBAO, op.cit. , p. 14.
Le message chrétien
267
la catastrophe. L’homme est très fragile et n’a pas les rênes de son
action »
449
.
Les croyances traditionnelles africaines sont donc souvent facteur
d’aliénation et de peur perpétuelle. La peur des sorciers et des ennemis
de toutes sortes obligent souvent les hommes à amasser plusieurs
fétiches aux exigences diverses. L’homme est alors soumis à un
esclavage imposé dont il lui est difficile de sortir. LOH Philippe l’un des
pionniers de l’UEESO-CI à Danané affirme avoir pris plus de sept
fétiches différents au début de l’ère coloniale. « Mais les trouvant trop
encombrant et exigeant, pourtant très peu efficaces, (il) a dû les
abandonner pour se donner au Seigneur qui avait les vrais
solutions »
450
.
Plusieurs personnes se sont converties au christianisme parce qu’ils
trouvaient dans les pratiques religieuses africaines une véritable
aliénation et un non respect de la dignité humaine. Le cas de la société
secrète Nè apparue dans la région de Danané en 1950 est la plus
révélatrice.
Danané est une région de l’ouest montagneux. C’est l’une des
dernières régions de la colonie à entrer en contact avec les Européens.
Par conséquent, l’évangélisation dans cette région a été assez tardive
451
.
C’est aux alentours de 1938 que Daniel RICHARD découvre cette
région peuplée d’environs 42000 habitants regroupés dans 280
villages
452
.
Seule une femme nommée Mama, vivant à Zéaleu, était convertie
depuis Tabou, par la prédication de Jones
449
453
. Malgré son témoignage et
Idem
Entretien réalisé avec LOH Philippe Novembre 2010.
451
Il est important de noter que le contact de la région de Danané avec le
christianisme était déjà établi un peu plutôt par le contact des Libériens, qui
étaient souvent protestants. Quelques uns des premiers évangélistes tels que Elie
TOMEKPA ont été convertis au Libéria.
452
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 163.
453
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 163.
450
268 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
tous ses efforts d’évangélisation, elle n’était parvenue à amener
personne à la foi chrétienne. C’est véritablement aux environs de 19441945 que l’évangélisation de la région de Danané a amorcé un véritable
essor, sous la houlette de François BONGA nommé évangéliste
quelques années plus tôt
454
.
Les débuts de cette mission parmi les Dan de Danané étaient très
difficiles. En effet, sur le plan religieux, ils étaient très attachés au culte
des ancêtres et à la société des masques. De plus, leur proximité et leurs
liens naturels avec les Gio du Libéria redoutés pour leur fétichisme,
avaient fini par faire d’eux un peuple très fétichiste.
LOH Philippe, ancien évangéliste et pionnier de l’Église en pays
dan, révèle qu’avant sa conversion, il avait importé près de sept fétiches
du Libéria
455
. Pendant la période coloniale, ces fétiches importés de ce
pays voisin par les Dan étaient censés les protétéger contre les abus du
colonisateur. Dan et Gio partagent la même culture et parlent la même
langue ; c’est un même peuple séparé par le colonisateur.
Dans un tel contexte, l’Evangile apporté par les Européens ne
pouvait pas trouver aussitôt un terrain fertile. De vives oppositions
furent observées. En conséquence, la croissance du nombre des
convertis est assez lente jusqu’aux années 1948. C’est donc avec
persévérance et une foi inébranlable que François BONGA poursuivait
l’évangélisation.
Entre 1948 et1950, un évènement imprévu survenu de manière
miraculeuse et paradoxale, entraina de nombreuses conversions à la foi
chrétienne. C’était la « société secrète » Ninhin dont la popularité
atteignit toutes les extrémités des pays Gio et Dan.
454
C’est en 1941 que François BONGA est accepté comme évangéliste. Le 06
mai de la même année, il part de Tabou à Danané, effectuant ainsi des centaines
de kilomètres à pieds pour aller porter l’évangile parmi les siens. Cf. récits de
François BONGA, recueilli par le missionnaire Charles Daniel Maire, en juillet
1974.
455
Entretien réalisé avec LOH Philippe, novembre 2010.
Le message chrétien
269
Chez les Gio et les Dan de Danané, Ninhin signifie rasoir ou lame à
raser. Il est important de relever que cet instrument a connu une
évolution dans le temps. Si aujourd’hui, ce rasoir est constitué d’une
manche portant une lame à son bout et très peu dangéreux pour servir
d’arme, ce n’était pas le cas à l’origine. En effet, malgré sa taille il avait
les qualités d’une arme.
Ninhin est morceau de fer d’environs cinq centimètres, bâtu d’un
côté et bien arrondi de l’autre, avec un bout pointu. Le côté bâtu était
bien aiguisé et avait l’aspect de la lame d’un couteau. Il servait au rasage
et à l’entretien des ongles mais il faisait partie de ces petits objets
auquels on attribuait facilement des pouvoirs surnaturels.
456
Car Ninhin
était une société secrète, une organisation bien structurée avec ses règles
de fonctionnement. Une société bâtie autour d’un fétiche sérieusement
conçu et transporté par Dehunun, « une femme de roi », depuis le
Libéria. Dehunun était la femme de Toueuzaman, un homme de renom,
très riche et très populaire, et chef à Ban’neu en pays Gio village situé
non loin de la frontière avec la Côte d’Ivcoire du côté de Deinneu
457
.
Dehunun avait acquis ce fétiche protecteur dans son village natal.
Elle réussit à l’imposer à ses coépouses et aux autres femmes, pour se
mettre à l’abri de tout mauvais œil. Convaincue de son efficacité, elle
décida, avec le soutien de son mari, de l’exporter dans les localités
voisines dont le pays dan, de l’autre côté de la rivière Nuon
458
.
Pour installer Ninhin dans un village, on faisait appel à une femme
déjà initiée dans un village où le fétiche existait déjà. Elle prend le titre
456
Nous avons déjà assisté à des traitements à base de Ninhin. Gueu ZALE, un
tradipraticien dans la région de Danané, précisément dans le canton Lollé nord,
utilise encore cet objet pour le traitement de certaines maladies respiratoires
telles que la bronchite et la tuberculose.
457
Entretien avec Dan Marie 24 avril 2010 de 17h à 18h. Pour lire l’intégralité
de cet entretien voir Annexe IV-3 p. 391.
458
Idem.
270 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
de Ninhin-Zoolé
459
, c’est-à-dire la maîtresse du Ninhin. C’est elle qui
jugeait des compétences et distribuait les rôles et était au centre de toute
la cérémonie. Ninhin-zoolé coordonnait et veillait au bon déroulement
des rituels. Elle détient le Ninhin Dhaha nun c’est-à-dire le petit van du
Ninhin qui est l’instrument central de la cerémonie.
Elle est suivie de Gbakun, le second personnage important de
l’équipe
460
. Gbakun
461
signifie celle qui attrape ou capture les biches.
Elle est chargée de s’occuper des nouvelles adhérentes, favoriser leur
insertion, animer les cérémonies et préparer les repas du rituel. Il y a
aussi Ninhin Dhahadhieu, c’est-à-dire celle qui marche devant le van du
Ninhin. Elle est chargée de transporter le van du Ninhin, du village au
sanctuaire et du sanctuaire au village. De nombreux autres rôles sont
distribués en fonction des compétences. La cérémonie a lieu en brousse,
dans un endroit clos ; de préférence dans un lieu sacré, interdit aux
hommes.
Le rite du Ninhin se résume à la conception et au partage d’un repas
symbolique mais rempli de pouvoir. A priori, la date choisie pour
l’évènement est un jour de rassemblement, généralement les jours de
marché où on est sûr de pouvoir rassembler le maximum de femmes. Ce
jour là, comme nous le relate Dan Marie, ex Ninhin Dhaadieu et
aujourd’hui chrétienne à l’UEESO-CI,
« toutes les femmes du village se rendent au petit matin au lieu
minutieusement apprété pour la circonstance. Mais avant,
chacune d’elles apporte les rasoirs de son mari qui sont tous
459
Le terme zoolê provenant lui-même de zoo signifie « être maître ». C’est un
terme religieux. Ainsi, celui qui initie les jeunes gens pendant la circoncision est
appelé zoova c'est-à-dire grand-maître. Les porteurs de masques sont les zoomi
et ont le pouvoir de chasser les sorciers. Les matrones sont désignées sous le
terme de zoolé, c’et à dire maîtresses.
460
Entretien avec Dan Marie 24 avril 2010 de 17h à 18h.
461
Gbakun est composé de la racine Gba qui signifie biche et du suffixe kun qui
veut dire « attraper ou capturer ».
Le message chrétien
271
recueillis dans un van. On s’arrange à collecter le maximum de
rasoirs puisque cela conditionne l’efficacité de l’opération. Le
van est porté par Dhahadieu escortée par tous les autres
membres du groupe. Après avoir passé les barrières, les femmes
se dévêtent entièrement.
Le premier rite consiste à laver les rasoirs dont l’eau de lavage
servira à préparer le riz du Ninhin. On prépare par la suite une
substance à base de la poudre d’un arbre du nom de Glü 462. La
substance obtenue sera par la suite mélangée à l’eau qui a servi
à laver les Ninhin. C’est ce mélange qui servira à cuire le riz du
Ninhin.
Une fois le repas prêt, toutes les femmes présentes sur les lieux
prêtent serment en ces termes : « que celles qui, après avoir
mangé ce repas s’adonneront à nouveau à la sorcellerie soient
frappées par Ninhin. Que la puissance de Ninhin emporte celles
qui ont le cœur sâle » 463.
Puis le riz est partagé et consommé par toutes les femmes présentes
dans le sanctuaire.
Le Ninhin, à l’origine régulateur de tensions socioreligieuses,
464
engendra d’énormes conséquences dont la maîtrise échappa très vite au
pouvoir traditionnel. En effet, en plus de la psychose et du manque de
462
Glü est l’arbre utilisé en pays dan pour préparer les ordalies.
Entretien avec Dan Marie 24 avril 2010 de 17h à 18h.
464
Le Ninhin, en pays dan, doit son exploit à son objectif essentiel qui est
d’empêcher la pratique de la sorcellerie dans les villages. En effet, chez les dans,
la sorcellerie est considérée comme la source de tous les déséquilibres que l’on
peut constater dans la société. La maladie, les querelles, la famine et tout autre
fléau sont généralement considérés comme l’action des sorciers. Abolir la
sorcellerie chez les dans conduirait indiscutablement à un monde meilleur, un
monde parfait. En conséquence, plus que tout autre fétiche, Ninhin connu un
succès exceptionnel en pays dan.
463
272 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
pudeur
465
qui caractérisaient sa pratique, cette société secrète avait
sérieusement endommagé la santé des pratiquantes engendrant des
situations profitèrent aux évangélistes de la MBCI.
Charles Daniel Maire, parlant du rite du Nè affirme ceci :
« Il y aura lieu d’examiner le symbolisme des rites dont la
richesse et la cohérence sont rares. La nudité totale provoque
l’exposition du groupe à la toute puissance du sexe féminin
toujours considéré comme renfermant un pouvoir dangereux. La
première réaction des néophytes est d’être effrayées par cette
nudité. Tous les gestes et toutes les pratiques relèvent de la
sorcellerie ; usage de la main gauche, association de tout ce qui
est piquant, tranchant, chaud etc. » 466
Le caractère quelque peu contraignant de cette société secrète et le
lourd soupçon de pratique de sorcellerie qu’elle fait peser sur les
femmes reticentes favorisa
l’accroissement vertigineux du nombre
d’adhérentes. Presque tous les cantons de Danané étaient touchés par le
465
Les conditions dans lesquelles se pratiquent Ninhin sont très loin d’être
rassurantes pour les néophytes. En effet, la nudité de toutes les femmes dans le
sanctuaire provoque la peur chez celles-ci. Tous les gestes et toutes les pratiques
relèvent de la sorcellerie : usage de la main gauche, association de tout ce qui est
amer, piquant tranchant et chaud, prononciation de malédiction... Aussi, la
société Ninhin reste-t-elle une société au sein de laquelle le respect de la pudeur
reste un sujet tabou. Les pratiquantes du Ninhin lorsqu’elles se déplacent d’un
village à autre dans le cadre des activités de la société secrète, peuvent passer la
nuit avec n’importe quel homme du village. « Elles doivent simplement donner
100f cfa à Ninhin Zolé en lui disant : tu seras le coq. Très tôt avant le chant du
coq, elle se charge de réveiller à travers un chant les femmes concernées qui
regagnent très tôt le lieu de rassemblement. Et lorsque l’homme avec qui elles
passent la nuit est le mari de l’un des membres, celle-là a la possibilité de se
venger d’autant plus que c’est là la seule alternative qui s’offre à elle pour sa
vengeance ». Le Ninhin a ainsi entraîné un véritable désordre sexuel dans les
villages concernés engendrant ainsi de nombreuses frustrations chez les hommes
qui, pour finir avaient du mal à maîtriser leur femme.
466
Charles Daniel MAIRE, op.cit. p. 198.
Le message chrétien
273
phénomène. Dans le canton blossé, la société avaient enrolé toutes les
femmes en moins de deux ans. Selon Dan Marie : « C’était une ruse du
diable pour maintenir l’homme dans l’esclavage. C’est lorsque la
parole de Dieu est arrivée que j’ai abandonné. Aujourd’hui, Ninhin est
devenu rare voire inexistant dan nos régions. C’est maintenant
l’évangile qui a gagné du terrain »
467
.
Bien qu’à l’origine les pratiques de sorcellerie provoquaient des
troubles aux symptômes précis : mal au cœur ou sensation d’un poids
sur le cœur et des démangeaisons de tout le corps, très rapidement,
presque tous les maux furent attribués à la punition du Ninhin.
Dans certains villages, des dizaines de femmes, accablées par des
maux plus ou moins similaires succombaient à la maladie. Entre 1950 et
1951, les traitements administrés au dispensaire de Danané demeuraient
sans résultat et le personnel médical, impuissant, refusait même de les
soigner.
468
Face à cette situation de plus en plus confuse et insupportable, les
évangélistes dan, plus particulièrement François BONGA décidèrent
d’attaquer ouvertement Ninhin. François BONGA envoyait des
chrétiens dans les villages où sévissait Ninhin pour annoncer l’évangile
et la libération que donne le Seigneur Jésus Christ. Parmi les
nombreuses victimes conduites à
la station missionnaire, plusieurs
furent guéries miraculeusement. Quelques mois plus tard, « dans 70
villages de la brousse, des gens s’étaient tournées vers Dieu et
suppliaient qu’on les instruise ; 1800 personnes avaient renoncé aux
fétiches »
469
.
La période 1948-1941 fut une période de gloire pour la mission et le
point de départ d’une croissance qualitative et quantitative de l’Église en
pays dan.
467
Entretien avec DAN Marie (24 avril 2010 de 17h à 18h) à Bingerville
(Berlin)
468
Charles Daniel MAIRE, op.cit, pp.200-201.
469
Jeanne DECORVET, Les matins de Dieu, op.cit, p. 200.
274 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Si d’un côté les faiblesses des religions et croyances traditionnelles
africaines ont favorisé des conversions au christianisme dans le sudouest ivoirien, de l’autre côté, la cohérence du message chrétien et
l’efficacité des appâts utilisés par les missionnaires ont fortement
contribué à l’expansion de l’évangile dans cette partie du territoire.
6.5 La cohérence du message chrétien et l’efficacité
des appâts missionnaires
L’une des raisons qui ont favorisé les conversions au christianisme
en Afrique et particulièrement dans l’ouest de la Côte d’Ivoire a été la
cohérence du message chrétien. A cela peut aussi s’ajouter l’impact
important des appâts utilisés par les missionnaires.
La caractéristique majeure de l’évangile consiste dans le fait qu’il
est, à priori, un message cohérent. C'est-à-dire que le contenu est
raisonnable et accessible à tous. L’essentiel du message chrétien se
résume à l’amour de Dieu, pour l’homme, exprimé en Jésus Christ.
Selon la doctrine chrétienne, l’Homme est originellement pécheur, et
cette situation le prive de la Gloire de Dieu
470
. Cette séparation qui
vient de la désobéissance de l’Homme à son créateur est reconnue dans
la plupart des religions traditionnelles africaines, comme le note Fernand
Lafargue :
« Les traditions mentionnent que ce Dieu qui, dans les temps
primordiaux, vivait auprès des hommes, s'en est séparé à la suite
de la rupture d'un interdit, rupture perpétrée le plus souvent par
une femme. Dieu est alors parti avec son habitation, le ciel, dans
les hauteurs, loin des hommes qui n'ont donc plus de relations
avec lui et ne lui rendent plus directement de culte » 471.
470
471
« Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » Romains 3v23.
Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 1.
Le message chrétien
275
Si ce fossé créé par l’homme, entre lui et son créateur ne peut être
comblé selon les traditions africaines, ce qui, d’ailleurs, pousse les
Africains à recourir aux divinités créées
472
, le christianisme quant à lui
propose une solution plus cohérente : la révélation en Jésus-Christ.
« Et le verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous
avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils
unique, plein de grâce et de vérité » 473
« C'est là le grand mystère de notre foi et de plus totalement
imprévisible, car résultant uniquement de la volonté absolument
libre de Dieu, comme l'avait été le choix d'Abraham » 474.
Mais ce qu'il y a de plus insondable, c'est que ce Messie n'est pas
simplement un prophète supérieur aux autres, il est le Verbe de Dieu, sa
Parole toute-puissante qui s'est librement faite homme. Il n'a pas pris
simplement l'apparence de l'homme (ceci est à la portée de n'importe
quel génie) mais, tout en restant Dieu, il s'est fait homme, né d'une
femme. Il est passé de l'autre côté de la barrière, il est devenu BenAdam
475
le Fils de l'Homme.
Il est le nouvel Adam sans péché comme Adam à l'origine. Il peut
donc prendre sur lui le péché d'Adam, ce qui lui aurait été impossible s'il
n'avait été simplement qu'un homme. Tout homme doit en effet subir
pour lui-même les conséquences du premier péché, de la séparation
d'Adam d'avec Dieu dont la conséquence est la mort : « Car le salaire
du péché, c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle
en Jésus-Christ »
476
.
La religion chrétienne, par ce principe, se veut une religion d’espoir
pour l’Homme car elle offre la possibilité à celui-ci d’accéder de
472
Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 1.
Jean 14v1.
474
Fernand LAFARGUE, op.cit, p. 4.
475
Psaume 8v5.
476
Romains 6v23.
473
276 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
nouveau à Dieu. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils
unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu’il ait la
vie éternelle »
477
.
Jésus offre le chemin du salut, il est lui-même « le chemin, la vérité
et la vie ». Croire à lui permet d’accéder immédiatement à Dieu. En
cela, la religion chrétienne donne des solutions aux nombreux problèmes
auxquels les Africains sont confrontés : Il est l’agneau immolé, dont le
sang est versé pour le pardon des péchés
478
; cela remplace valablement
en supprimant tous les sacrifices aux divinités. Il a tout pouvoir, c’est
une assurance. Il conduit à la vie, c’est une garantie.
Annoncé fidèlement dans l’ouest ivoirien, ce message a favorisé de
nombreuses conversions. En 1928, lors de son premier voyage
missionnaire dans le cercle de Man, voici comment ce message est
transmis par Daniel RICHARD :
« Le créateur du ciel et de la terre n’a pas abandonné les
hommes, il les aime et il veut les sauver (…) Daniel annonce la
venue du sauveur et leur montre un évangile en Bambara. » 479
« Un vieux le prend avec respect, l’examine minutieusement, le
tourne et le retourne. Moi et mon peuple affirme le chef, nous
sommes prêts à te recevoir et à t’écouter. Tes paroles sont
bonnes et vraies. » 480
Cette cohérence du message chrétien a été soutenue par une certaine
stratégie qui a favorisé son expansion.
Dès son installation dans le sud-ouest ivoirien, la MBCI a été très tôt
confrontée à un manque d’intérêt, voire à une opposition des populations
autochtones. Déjà en 1927, dans une lettre adressée à M. BLOCHER,
477
Jean 3v16.
Romains 3v25.
479
Jeanne DECORVET, op.cit., p. 67.
480
Idem.
478
Le message chrétien
277
Daniel RICHARD expose toute sa tristesse face à l’attitude des
populations de la région de Sassandra :
« Avec quelle tristesse je découvre dans plusieurs autres villages
les ruines abandonnées de quelques chapelles qu’avaient bâties
les Néyos…Hélas ... abandonnés, sans conducteurs, menacés du
poison des sorciers, ceux de ces Néyos qui ne sont pas morts sont
retournés au fétichisme…ils sont aussi païens que les autres et ne
s’intéressent pas à notre message » 481.
A Danané, c’était « le vieux sorcier qui tournait en dérision les
paroles du blanc de Dieu ».
Face à cette réticence, ou à ce désintéressement, les missionnaires
ont trouvé des moyens pour intéresser les populations. Il s’agissait de la
mise en place de structures à caractère social telles que les écoles et une
pouponnière.
482
En définitive, malgré les divergences entre la religion chrétienne et
les croyances traditionnelles des peuples du sud-ouest ivoirien, plusieurs
personnes ont adhéré au message porté par la Mission Biblique. Cela est
dû, d’une part, aux faiblesses contenues dans les croyances
traditionnelles à savoir la production de la peur en permanence, le
manque d’une garantie de salut et d’une stabilité psychologique. D’autre
part, l’assurance du salut en Jésus Christ prônée par les missionnaires et
la mise en place de plusieurs structures d’aide aux populations ont
favorisé le succès de l’évangile dans cette région de la colonie.
La conversion au christianisme exige le renoncement aux croyances
traditionnelles. Donc une rupture avec la communauté d’origine source
de rejet et de conflits ouverts.
481
482
Jeanne DECORVET, op.cit.p. 51.
Cf. supra 60.
7
REJET ET PERSÉCUTION DES CONVERTIS
PAR LEUR MILIEU D’ORIGINE
La conversion au christianisme implique avant tout un renoncement
à soi ou à ses origines. Dans « les conversions » de Saint-Augustin, le
concept de conversion est décrit comme une expérience spirituelle
et transcendante, mais aussi fortement subjective et intime, un
mouvement intérieur qui fait qu’on « se détourne de » pour « se
tourner vers »
483
. En fait, il s’agit de se détourner d’une vie de péché
pour se tourner vers une vie de sanctification à l’image de Jésus-Christ.
Dans le contexte africain, il est souvent question de se détourner de
sa tradition d’origine, de ses croyances et de toutes autres valeurs qui
constituent son univers culturel. Ce divorce d’avec le milieu originel
n’est pas sans conséquences. Il entraine un rejet systématique du
nouveau converti qui est désormais perçu comme un traître. Ce rejet est
très souvent exprimé par des persécutions allant des tortures jusqu’au
meurtre.
483
Saint-Augustin, les conversions, cité par Géraldine MOSSIERE, la
conversion religieuse : approches épistémologiques et polysémie d’un concept,
Groupe de recherche Diversité urbaine (GRDU), Working Paper Centre d’études
ethniques des universités montréalaises, Université de Montréal, Septembre
2007, pp.6-7.
280 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
7.1 Le chrétien vu comme un traître
L’attitude des missionnaires à l’égard des traditions locales est
caractérisée par un mépris, voire un rejet catégorique. Leurs activités
étaient marquées à tous les niveaux par un eurocentrisme, c’est-à-dire un
transfert des modes d’éducation, de vie liturgique, de constructions
d’Églises, etc. dans un sens qui contrariait directement les traditions qui
faisaient l’unité communautaire des peuples, des diverses ethnies
africaines
484
. Des stratégies se sont même appliquées à favoriser telle
ethnie par rapport à telle autre, contribuant ainsi à ébranler une
coexistence séculaire
485
. De là, est née plus généralement cette
« conscience ambiguë », qu’exprimait le personnage du « Chef des
Dialobé » du fameux roman de Cheikh Hamidou KANE, répliquant à
ceux qui prônaient le départ de son petit-fils à la grande école des
Blancs : « Si je leur demande d’aller à l’école nouvelle, ils iront en
masse, mais ce qu’ils y apprendront vaut-il ce qu’ils oublieront ? » Plus
durablement encore, devait se développer cette « théomachie », ce choc
entre deux visions du monde, dont parle Mgr SANON
486
. Il interroge :
« Qu’était le retour des ancêtres par rapport au Ciel des chrétiens ? »
Cette diversité de vision du monde va entrainer de véritables conflits
entre les convertis et leurs milieux d’origine d’autant plus que ceux-ci
sont appelés désormais à renoncer à tout ce qui concerne la tradition.
Considérés comme des traitres, des égarés, voire des déracinés, ils
seront soumis à des persécutions allant souvent jusqu’au martyr.
484
Jacques GADILLE, « Comment le christianisme a rencontré l’Afrique », in
L’Afrique en direct, octobre 1999, p. 70.
485
Dans le cas de la MBCI, par exemple, les missionnaires soutiennent que les
Yacoubas et les Wobé sont plus courageux et plus ouverts à l’évangile par
rapport aux Néyos et aux Kroumen.
486
Anselme SANON, Religion et spiritualité africaine, la quête spirituelle de
l’humanité africaine, Kinshasa, Facultés catholiques, 1990.
Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine
281
7.2 Les pressions coutumières et les persécutions
Le rejet des convertis par leur milieu d’origine entraine chez ceux-ci
de fortes pressions. Il y a d’abord le sentiment de culpabilité, c'est-à-dire
l’impression d’avoir ou d’être effectivement entrain de trahir. Cela
entraine une envie irrésistible de retourner aux anciennes habitudes. Le
Père ADOUKONOU dans ses investigations dans le domaine de
l'inculturation, note que, dans le vécu de l'africain devenu chrétien, une
sorte de mauvaise conscience et de honte de soi planaient. L'être noir en
Église sent un malaise qui pousse à la honte de sa culture et se voit
obligé d'être « chrétien de jour et africain de nuit ». Il préconise une
harmonisation du rapport Église en Afrique et culture africaine dans le
souci d'aider l'africain à ne pas se livrer la nuit aux pratiques
traditionnelles destinées à défendre la vie, à guérir de la maladie, à
favoriser la fécondité, pour éviter la tension et la violence structurelle
entre sa propre culture et l'accès à la foi chrétienne.
limite
pas
seulement
au
niveau
des
487
Ce combat ne se
croyances
et
pratiques
traditionnelles. Tous les comportements de la vie courante en
inadéquation avec la foi chrétienne entrent aussi dans ce conflit et le
converti est toujours confronté à la nostalgie de la vie passée, qui,
comme une corde aux pieds, continuent d’empêcher sa bonne marche.
Ce témoignage de DIE Mamadou Zobel, ancien Secrétaire de l’Union
des jeunes chrétiens du sud-ouest illustre bien cette réalité :
« Tout a commencé en 1958. Là, j’ai pris contact avec l’évangile
au moyen de mon oncle paternel qui était instituteur. Mes
parents étaient à la campagne. J’ai fais quatre années d’étude
primaire chez cet oncle. Il était un peu difficile de dire si j’ai
487
Barthélemy ADOUKONOU, Vodun, Sacré ou Violence? Le Sillon noir
(Mewihwêndo) et la question éthique au coeur du Sacré Vodun. T1,
Introduction.
282 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
compris quelque chose quand j’allais à l’école du dimanche.
Mais l’âge ne me permettait pas de saisir grand-chose.
En 1962, mon oncle était affecté ailleurs. Là encore, des
difficultés. Je comprenais quelque chose de l’évangile, mais il y
avait encore beaucoup de points noirs dans ma vie à cause de la
faiblesse dans mon caractère. Il y avait des semaines, à la suite
de bons messages, je devenais un parfait jeune homme et des
moments, surtout pendant les grandes vacances, où je tombais au
bas de l’échelle à cause de mes parents, surtout mes frères et
cousins et amis du village qui ne connaissaient pas l’évangile et
qui m’influençaient beaucoup. Cependant, j’observais les grands
commandements, à savoir : ne pas manger la viande sacrifiée
aux idoles, ne pas adorer les fétiches, etc. etc.
En 1965, j’obtins le C.E.P.E. et passai mon concours d’entrée
en 6e. Je rentrai au lycée municipal de Bouaké. On me confia de
nouveau à un tuteur qui n’était pas chrétien et qui habitait très
loin de l’école. Nous étions 14 jeunes élèves dans la maison, chez
ce tuteur qui avait deux femmes et six enfants. Ce qui était un peu
grave, c’est que le tuteur ne gagnait que 14000 frs par mois, avec
tout ce grand nombre à charge. D’où une souffrance très pénible
et qui a détruit en nous tout ce que nous avions compris. Car
nous étions livrés à nous-mêmes, pour pouvoir manger et même
dormir. Mes parents sont très pauvres et ne pouvaient pas
m’envoyer de l’argent. Voyez-vous déjà quelles sont les
conséquences que cela pouvait avoir sur moi ?
En 1967, alors que j’étais en 4e, j’ai été admis à l’internat. Je
rencontrai là une nouvelle société, avec de nouveaux
comportements. L’affrontement fut un peu difficile, mais j’eus la
chance de rencontrer un nouveau groupe, le GBC. C’est là aussi
qu’a commencé pour moi une réelle vie chrétienne. Le GBC,
groupe dans lequel je suis vraiment épanoui, m’a fait beaucoup
Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine
283
de bien pour ma croissance spirituelle. Un an plus tard, je devais
être le responsable de ce groupe. L’aumônier, Jean-Claude
Schwab, fut un vrai conseiller pour moi, car il avait beaucoup
d’estime pour le sérieux de mon travail et surtout pour ma
personne. C’est aussi le moment où j’ai passé par de nombreuses
expériences dans la vie, où le Seigneur m’a réellement montré
qu’il me voulait à son service.
L’exemple le plus typique est un jour, alors que j’étais le
responsable de ce GBC, l’aumônier Schwab nous demanda 100
frs chacun pour essayer d’imprimer les ″chœurs joyeux″ qui
serviront au GBC de recueil de chants. C’était trois mois après
ma rencontre avec le GBC, si bien que j’avais des amitiés avec
un club de la ville auquel j’étais affilé.
Le club, à la même date, nous demanda à chacun 200 frs
pour une soirée dansante. Là, j’étais partagé. J’allai à la maison
et je demandai à mon tuteur s’il pouvait me prêter 200 frs pour
envoyer à mon aumônier pour l’impression de ces cantiques.
Mon tuteur qui, d’ordinaire, était très sévère, sans trop discuter,
me donna ces 200 frs. Au retour, j’étais très partagé, où envoyer
les 200 frs ? Au club ou au GBC ? Une lutte interne commença
en moi. Le soir venu, je me suis couché sur mon lit, mais c’était
vraiment difficile de résister. Deux voix combattaient, une me
disait d’envoyer les 200 frs à M. Schwab, parce que cet argent
servirait à l’œuvre du Seigneur, une autre me disait : ″Ecoute,
Zobel, tes idées sont souvent appréciées dans le club, si tu
n’envoies pas ces 200 frs, tu seras bien malheureux″.
Alors, de 20 h. jusqu’à 23 h. je me débattais et lorsque mes
camarades venaient autour de moi pour m’inviter pour le repas,
je leur répondais : ″Ce soir, ça suffit, je ne suis pas de bonne
humeur″. Vers les 23h30, la voix de la ville l’emportait : je pris
les 200 frs, je m’habillai et je pris le chemin de la ville. Arrivé au
284 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
beau milieu du chemin (ça, il faut bien le noter, je fus pris par un
vertige dont je ne savais même pas la provenance). Je croisai les
bras, m’arrêtai pendant au moins 15 minutes en fermant
complètement les yeux, pour voir ce qui devait arriver. Au bout
de 15 minutes, j’ouvris les yeux et le premier geste que je fis, fut
de mettre la main dans ma poche pour voir si les 200 frs. Etaient
toujours là. Mais… une grosse surprise : les 200 frs étaient
égarés. Alors j’ai commencé à trembler ; j’ai vraiment eu peur.
Et j’ai compris que vraiment le Seigneur ne voulait plus que
j’aille sur ce chemin. Le dimanche matin, j’en ai parlé à tous les
camarades du GBC et à l’aumônier Schwab.
Je vous raconte ça parce que cette année là j’ai eu beaucoup
d’expériences de ce genre qui m’ont vraiment aidé et montré que
le Seigneur ne voulait plus que je continue sur l’ancien chemin.
Jusque là nous allions dans les autres villes, comme Korhogo,
Bouaflé, Yamoussoukro, etc. pour la formation des autres
groupes de GBC. Cela m’aidait beaucoup, parce que chaque fois
que nous sortions, on me confiait des responsabilités pour
lesquelles il fallait beaucoup de sérieux, beaucoup de prière, afin
de faire face. En dehors donc de tout cela et de mes études,
j’aidais Mme J.-Cl. Schwab à donner des cours aux enfants, dans
les écoles primaires de la ville. J’apprenais à prendre contact
avec les enfants et surtout à annoncer l’évangile au un autre.
C’est cette année là que j’eu le BEPC, je rentrais donc à Man
pour les grandes vacances. C’était l’année où il dut y avoir dans
ma vie le coup final de la rupture avec tout le passé. Car il y eu
un soir où J.-P. Voltz nous prêchait sur la traversée du fleuve
Jourdain par les enfants d’Israël. Là je compris que ma vie était
comme celle des israélites et que je ne devais plus retourner à
mon passé. Après le message, très tard la nuit, je le rencontrai et
lui confiai toutes mes erreurs de la vie. Après le camp, je rentrai
Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine
285
à Logoualé où je passai une année car il manquait d’enseignants
à L. et je trouvai bon de consacrer cette année à l’église. On
m’utilisait comme prédicateur dans les villages et pour la
présidence au culte de la ville. A la fin de l’année, je pris congé
des responsables de l’église, car je voulais aller à Abidjan
poursuivre mes études. » 488
Si en amont le combat est intérieur parce qu’opposant le néophyte à
lui-même, en aval, c’est l’extérieur qui combat le nouveau converti. Il
est haï, rejeté et soumis à toutes les formes de persécutions, en vue soit
de le ramener à un renoncement, soit de se débarrasser de lui. Dans un
rapport de 1950, Daniel RICHARD écrit à cet effet :
« Il n’y a pas de jour où nos évangélistes ne soient menacés, mis
à la porte de certains villages. Réjouissons-nous de ce que nous
soyons jugés dignes d’être persécutés pour le Seigneur » 489.
« Un jour, un vieil évangéliste, Jacques Gouamoua, arriva sur la
station de Danané en piteux état, couvert de sang et de boue. Il
avait été menacé, battu, trainé sur le sol ; le chef de canton
s’était joint à ses persécuteurs. Cela ne fit qu’aviver son zèle.
Sitôt remis, il repartit » 490.
La vie des premiers convertis est bien riche d’expériences
douloureuses.
« On vit des femmes trainées à terre, insultées, battues par leurs
maris qui venaient les chercher jusque sur les bancs de l’église.
A Zérégouiné, un homme se mit à rosser sa femme si
488
Récit de Mamadou Zobel, recueilli en 1974 par Charles Daniel Maire, cf.
Charles Daniel MAIRE, dynamique sociale des mutations religieuses :
expansion des protestantismes en CI, op.cit. pp.253-255.
489
Rapport de Daniel RICHARD, 1950, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p.
200.
490
Idem.
286 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
sauvagement que les chrétiens s’interposèrent. La malheureuse
se releva ensanglantée et déclara fermement : ″Même si tu me
tues, j’irai à l’Église″ et elle alla incontinent s’agenouiller avec
les autres. Abasourdi par tant de courage, le mari s’éloigna sans
rien dire » 491.
« Le 05 août 1952, une éclipse de lune vint assombrir la nuit
tropicale. Les païens de Guriao saisirent l’occasion : la coutume
veut que cette nuit là, femmes et filles dansent nues à travers le
village, poursuivant les hommes d’injures et d’obscénités. Ceuxci s’enferment dans les cases. Aucun d’eux n’ose se montrer. Le
vieux Yoro, lui, ne voulut pas céder à la coutume. Qu’avait-il à
craindre de l’éclipse de lune ? Il se tint donc tranquillement assis
sous sa véranda, comme d’habitude.
Les femmes s’ameutèrent, crièrent des injures en lançant des
pierres. Voyant qu’il ne bougeait pas, elles appelèrent les
hommes et bientôt une foule hurlante contraignit Yoro à
s’enfermer chez lui. Mais les grosses pierres crevaient le toit,
traversaient les fenêtres. On ne sait ce qui serait arrivé si
l’évangéliste Etienne Guéhi n’était survenu. Il venait par sa
fermeté et sa prudence d’arrêter un mouvement semblable à
Soakpé. Ici encore, il rassembla les chrétiens et parvint avec leur
aide, à calmer la foule. Mais le chef du village porta plainte
devant le juge de paix de Man, accusant Yoro d’avoir provoqué
la bagarre. Le vieillard ne troubla pas : ″Plus que jamais,
affirma t-il, je suis décidé à marcher avec Jésus″ » 492.
« Puis ce furent les masques. Klanbolably est un des centres de
la société redoutables des masques sacrés. Personne n’oserait
désobéir aux masques. Tous redoutent la puissante et
491
Rapport de Daniel RICHARD, 1950, cité par Jeanne DECORVET, op.cit, p.
200.
492
Idem. p. 204.
Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine
287
mystérieuse confrérie, tous, sauf les chrétiens. La société des
masques décida d’agir.
Chassons les chrétiens ! S’ils restent ici, c’est fini avec nos
masques et qui nous protégera ? Les masques sont nos pères et
nos mères. Allez-vous les abandonner ? Ainsi clamaient les
féticheurs. Les violences se multipliaient, la vie des chrétiens
était en danger, Etienne Guéhi alla chercher le missionnaire. A
sa demande, le chef du village réunit ses notables et rassembla la
foule. Une quarantaine de chrétiens entoura les hommes de Dieu
et la discussion commença. Elle dura une partie de la nuit, de
plus en plus violente :
- Vous avez dévoilé le secret de nos masques
- Nous ne voulons pas de votre Dieu !
- Vous avez insulté nos pères et nos mères !
La foule hurlante se mit à lancer des mottes de terre, multipliant
les gestes menaçants, mais le missionnaire restait calme et ne
cessait de réclamer, pour les chrétiens, le droit d’adorer Dieu
seul.
Qu’est-ce qui empêcha cette foule déchainé de se ruer sur les
chrétiens ? Qu’est ce qui retint sa violence ? Le missionnaire
sentit tout à coup que la victoire était gagnée, il se leva au milieu
des hurlements, rassembla sa petite troupe de fidèles et se mit en
marche en chantant à pleine voix : ″A po Kéa sè″ Salut ô notre
Dieu).
La foule s’ouvrit pour les laisser passer. Dieu avait vaincu. Le
lendemain, l’affaire fut réglée à la confusion des masques : le
chef de canton leur interdit d’inquiéter les chrétiens. Mais ils ne
désarmaient pas, à Fransobly, la petite communauté construisait
une chapelle. Dès qu’elle fut terminée, les masques la
démolirent.
288 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Cette fois, c’en était trop. L’administrateur de Man convoqua le
chef du lointain village et le mit en demeure de reconstruire luimême le lieu de culte des chrétiens. Les masques, dès lors,
n’osèrent plus ouvertement les persécuter. L’Église sortait
affermie et fortifié de l’épreuve, et le Réveil continua de
s’étendre » 493.
Vers 1952, la MBCI, commence véritablement à gagner du terrain
dans l’ouest de la colonie. Comme le note DECORVET, il n’ ya « plus
de crainte des fétiches, plus de peur des esprits ni des troublantes
cérémonies païennes. Certains malades refusent des remèdes magiques.
Les devins sentent que leur clientèle leur échappe et que leur puissance
est contestée »
494
.
La réaction fut violente et cruelle : certains chefs coutumiers, les
féticheurs, les masques et ceux qui ne voulaient pas abandonner le
chemin des ancêtres essayèrent de s’opposer par la force à ces
révolutionnaires
495
:
« C’est moi qui commande ! s’écria le chef du canton de Zéalé, et
j’empêcherai mes gens d’être plongés dans l’eau de la rivière, je
chasserai le blanc de Dieu qui est à Danané, je ferai mettre en
prison les hommes qui gâtent mon pays et j’écraserai les
chrétiens» 496.
Les amendes et les peines sévères se mirent à pleuvoir sous le
moindre prétexte. Les chrétiens furent accusés de pêcher dans les
493 493
Rapport de Daniel RICHARD, 1950, cité par Jeanne DECORVET, op.cit,
p. 200.p. 205.
494
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 203. (Il est tout de même important de
prendre ces propos missionnaires avec beaucoup de réserves étant donné que le
sud-ouest ivoirien reste jusqu’ici l’une des régions où l’animisme est la religion
la plus pratiquée) selon l’Institut National de Statistiques.
495
Idem.
496
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 203.
Rejet et persecution des convertis par leur milieu d’origine
289
rivières sacrées, de faire des plantations dans les forêts réservées aux
esprits. On expulsa de leurs villages ceux qui refusaient de suivre la
coutume et de sacrifier aux fétiches. C’est ainsi que furent fondés en
pays Yacouba, des villages aux noms inattendus : Bethléem et
Jérusalem. Les habitants n’en paraissaient pas malheureux. Au contraire,
dès le lever du jour, les chants de louange retentissaient
497
.
Les témoignages de persécutions infligées aux premiers chrétiens
sont légion. Mais face à toutes ces oppressions, ces derniers semblent
être restés inébranlables. L’Église était née et incontestablement devait
continuer sa marche. Il fallait affermir le chrétien à travers des
programmes adaptés de formation.
Ce chapitre nous a permis d’expliciter la rencontre entre le
christianisme et les croyances traditionnelles des peuples du sud-ouest
ivoirien. Il convient de noter que cette rencontre s’est posée en termes de
conflit en ce sens que le message porté par les missionnaires était
souvent en contradiction avec les croyances locales. Pour les
missionnaires, il était question d’inviter les populations à abandonner
leurs divinités « qui ne sont en réalité que de l’idolâtrie », pour épouser
le christianisme qu’ils présentent comme la seule voie pour parvenir au
salut.
Mais en face, les populations qui voient derrière un tel message une
volonté d’aliénation culturelle et religieuse, posent des résistances de
plus en plus farouches. Des prophétisme émergent et essaient un
métissage de pratiques chrétiennes et de croyances locales. Finalement,
grâce à son caractère holistique et à sa dimension caritative, la mission
parvient à convaincre les populations qui ne trouvaient pas toujours des
solutions à leurs problèmes auprès des divinités locales.
497
Idem.
8
L’ENCADREMENT DU PEUPLE DE DIEU
Dès sa conversion le chrétien est admis en tant qu’auditeur dans la
grande famille à la fois physique et spirituelle qu’est l’Église. Dès lors
commence pour lui une série de formations devant aboutir au baptême.
Parallèlement aux autres programmes de l’Église, un cours de baptême
est organisé pour les nouveaux convertis désireux de devenir membres
de l’Église
498
. C’est seulement après le baptême qu’on devient membre
de l’Église, comme le stipule l’article 7 du règlement intérieur de
l’UEESO-CI : « Pour être membre de l’Église locale, les candidats
doivent :
• donner des preuves satisfaisantes de leur conversion ;
• être baptisés par immersion ;
• adhérer à a la confession de foi et aux principes de l’Église ;
• fréquenter l’Église depuis au moins un an… »
499
Généralement, après sa conversion, le chrétien est appelé à intégrer
un groupe afin de faciliter sa formation. S’il s’agit d’un enfant, il est
reçu à l’école du dimanche ; s’il est jeune, il intègre le groupe des
disciples d’Emmaüs, anciennement UJESO
498
500
; lorsqu’il s’agit d’une
Les cours de baptêmes à l’UEESO durent environ 6 mois.
Article 7 des statuts et règlement intérieur de l’UEESO.
500
Union des jeunesses Évangéliques du sud-ouest. Voir PV de la réunion du
comité de l’Union 1974.
499
292 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
femme, elle est reçue par les servantes de Béthanie
501
. Le néophyte est
ainsi invité à participer activement aux activités du groupe au sein
duquel il est admis. A l’UEESO-CI, deux grands programmes sont
consacrés chaque année à la formation des fidèles : les conventions et
les camps. A cela s’ajoute un programme de formation hebdomadaire.
Pour mieux encadrer le peuple de Dieu, l’UEESO-CI met aussi un
accent particulier sur la formation des conducteurs.
8.1 Les programmes annuels de formation collective
Il s’agit de deux grands programmes d’une durée d’une semaine
chacun : les conventions et les camps. Les conventions sont ouvertes à
tous les fidèles d’une même région et les camps, réservées aux
différentes couches de l’Église. Le camp peut être régional ou national.
8.1.1 Les conventions
Les conventions sont les plus grands programmes de formation du
peuple de Dieu à l’UEESO-CI. Vers les années 1950, vue l’ampleur de
la croissance des membres de l’Église, il est apparu nécessaire de créer
des occasions de formation de masse. L’origine de ces rassemblements
remonte à 1954, avec l’organisation de cours bibliques à Danané à
l’intention des chrétiens des villages environnants
502
.
Mais c’est véritablement en 1960, que la première convention de
l’Union est organisée à Danané
503
. Ce fut un très grand rassemblement,
au-delà des espérances, comme le note ce rapport de M. FUNE,
missionnaire en charge de ladite station :
« Les gens étaient très occupés par leur café, nous pensions que
nous ne serions pas nombreux. Cependant, le premier jour, nous
501
Voir « Les groupes constitués », annexé aux statuts et règlement intérieur de
l’Union.
502
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 234.
503
Idem.
L’encadrement du Peuple de Dieu
293
étions trois cent cinquante et le dernier quatre cent
cinquante » 504.
« On voyait arriver sur la station des taxis, incroyablement
chargés jusque sur le toit. Les gens s’y étaient entassés avec tous
leurs bagages : cuvettes, fagots, marmites, seaux, nattes,
nourriture, des poulets caquetaient, tout le monde criait,
chantait, manifestait sa joie. » 505
Ce fut, conformément à l’objectif, une semaine de formation
spirituelle intense pour les participants. Pour DECORVET, ce fut une
« semaine inoubliable pour tous les participants. L’Esprit de Dieu était
à l’œuvre et appelait à la repentance, à la consécration et au
service »
506
.
Les conventions sont aussi des occasions de sacrement et de
communion. Le rapport de cette première convention, révèle que :
« Le dernier jour, il y eut treize baptêmes puis deux cents
personnes se levèrent dans l’adoration et le recueillement pour le
repas du Seigneur. Il semblait impossible de se séparer, l’amour
fraternel avait créé des liens si réels. On ne s’arrêtait pas de
chanter ces chants Yacoubas si rudes, si rythmés et si beaux!» 507.
Le succès de la première convention entraina l’organisation de
plusieurs autres, les années suivantes. Celle de 1961 réunit 500
personnes à Danané. Le contenu des programmes était bien chargé.
Quatre réunions par jour et plusieurs rencontres la nuit
508
. En 1962,
c’est environs 800 personnes qui prirent part à la convention de Danané.
Celle de 1965 rassembla 1000 chrétiens et en 1967, 1400 personnes
affluèrent sur la station pour s’instruire à la parole de Dieu.
504
Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 234.
Idem.
506
Ibidem.
507
Ibid.
508
Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 235.
505
294 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
L’expérience de Danané suscita l’organisation des conventions dans les
autres régions de l’Union, à Olodio et Duékoué
509
, en 1971, dans la
toute naissante Église de Guessabo. Cette convention rassembla 76
personnes. « Elle a été particulièrement bénie, souligne le rapport de
Daloa, 5 baptêmes ont été à la suite de cette convention »
510
.
Les conventions sont des programmes assez généraux qui
rassemblent sans exception, tous les chrétiens d’une région. C’est une
occasion de formation collective. Enfants, jeunes et personnes âgées y
prennent tous part. Mais en plus de ces rencontres élargies, sont
organisées des rencontres plus spécifiques à l’intention d’une catégorie
de chrétien ou d’un groupe constitué. Ce sont les camps.
8.1.2 Les camps
Les camps sont des programmes spécifiques réservés à une catégorie
de membres de l’Église. C’est en 1960 qu’on se rendit compte de
l’importance du camp et plus particulièrement celui de la jeunesse.
DECORVET résume ici les raisons qui concouru à l’instauration de
cette activité :
« La République de Côte d’Ivoire est jeune à tous les points de
vue : le pourcentage des moins de vingt ans est impressionnant.
Dans les églises aussi, les enfants et les adolescents sont
extrêmement nombreux et leurs problèmes ne sont pas tout à fait
ceux des adultes » 511.
Le premier camp fut organisé par M. et Mme FUNE en 1960 à
Yeleu. Pour cette première expérience, ils avaient limité le nombre de
campeurs à soixante-dix
509
512
. Les activités étaient constituées d’études
Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 234.
Rapport sur la marche générale de l’Église, Cf. archives de l’UEESO, non
classées.
511
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 236.
512
Idem.
510
L’encadrement du Peuple de Dieu
295
bibliques, de débats, de jeux, de concours bibliques, du feu de camp,
d’une série de mimes de la vie païenne :
« Les Africains ont un réel art du mime et il fallait les voir, à la
lueur du feu, faire vivre les scènes caractéristiques de la vie au
village : les simagrées du charlatan-sorcier pour guérir un
malade, la démarche hésitante du mendiant-aveugle ou la fierté
du Dioula revenant de la Mecque » 513.
Le bilan du premier camp fut très positif : « des cœurs s’étaient
donnés à Christ, des problèmes avaient été résolus, des doutes dissipés et
des vies s’étaient offertes pour le service »
514
. Dès lors, il fallut
organiser des camps de jeunes et d’enfants dans toutes les parties du
champ. Les camps sont par excellence, des occasions de rencontre,
d’échanges entre jeunes et aussi de rencontre avec le Christ.
8.1.3
L’édification au quotidien du peuple de Dieu a
l’UEESO-CI
En plus des programmes annuels de formation, qui constituent les
plus grandes occasions de rassemblement du peuple de Dieu, il existe
des programmes de formation permanente. Ceux-ci occupent une place
de choix dans les églises locales car étant à la fois des programmes
d’édification et de suivi du peuple de Dieu.
8.2 Les programmes de formation
On peut les regrouper en deux grandes catégories : les rencontres
hebdomadaires et les programmes spéciaux.
513
514
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 236.
Idem.
296 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
8.2.1 Les rencontres hebdomadaires : les cultes dominicaux et
les cellules de prière
Conformément à sa confession de foi, l’UEESO-CI croit qu’à
l´exemple des apôtres et des premiers chrétiens, le premier jour de la
semaine doit être considéré comme le jour du Seigneur, en mémoire de
la résurrection de Jésus-Christ et que, en conséquence, ses fidèles
doivent employer le dimanche à l´édification des âmes dans les saintes
assemblées et à des œuvres de charité, préparant ainsi au repos
éternel
515
.
Ainsi tous les dimanches des cultes d’adoration et d’édification sont
organisés dans tous les lieux de cultes. Le programme de ces cultes
s’établit
généralement
comme
suit :
prière
d’introduction
dite
généralement par un responsable ou un ancien d’Église, moment
d’adoration et de louange, informations, prédication de la parole,
offrandes et la prière finale. Le dimanche est aussi le jour de réunions de
la plupart des groupes constitués (jeunesse, servantes de Béthanie…).
A côté des cultes dominicaux se trouvent les programmes en
semaine. Ce sont les cellules de prière et les réunions du soir. La
programmation de ces cellules varie selon les zones d’habitation. En
milieu urbain, les cellules ont lieu généralement une fois dans la
semaine et regroupent quelques familles habitant le même quartier. On y
distingue également deux grandes réunion hebdomadaires ; les réunions
d’études bibliques et les réunions de prière
516
. Le choix des dates varie
selon les lieux de culte, mais généralement, ce sont les jeudis et les
vendredis qui sont choisis pour ces activités. Les réunions d’études
bibliques ont pour objectif de permettre d’inculquer aux chrétiens une
culture biblique afin de l’armer pour résister aux ruses du Diable.
Dans les villages, ces programmes sont surtout constitués de culte du
matin ou du soir. Au cours de ces rencontres, une méditation conduite
515
516
Cf. Base doctrinale de l’UEESO.
Entretien avec le pasteur TOBO Bernard à Abidjan, octobre 2011.
L’encadrement du Peuple de Dieu
297
par un responsable précède la prière. La particularité de ces programmes
réside dans la permanence. Ce sont des réunions qui se tiennent tous les
matins ou tous les soirs.
8.2.2 Les programmes spéciaux : la préparation au baptême et
les moments de jeûne collectif
Les programmes spéciaux sont des programmes organisés à
l’attention d’une catégorie de fidèles ou dans une circonstance précise.
Les cours de baptêmes sont constitués d’enseignements destinés aux
nouveaux convertis désireux de devenir membres de l’Église. Pour être
membre de l’Église UEESO-CI, l’auditeur régulier doit témoigner
publiquement de sa foi à travers le baptême par immersion
517
. Mais ce
baptême est l’aboutissement d’un processus de formation qui peut durer
de trois à six mois.
Selon M. GUENAMAN, pionnier de l’Église UEESO-CI, lorsqu’un
chrétien manifeste la volonté de se faire baptiser, il suit avec tous les
autres candidats, un cours de baptême à l’issu duquel il est soumis à un
examen pour savoir s’il a vraiment assimilé les enseignements. Après
quoi, une enquête est menée dans son entourage pour savoir connaître
son témoignage
518
. Puis, il est présenté à tous les membres de l’Église
invités à se prononcer pour ou contre son baptême. C’est seulement
après toutes ces étapes qu’il peut passer par les eaux du baptême et
devenir membre de l’Église.
Ce long processus a pour objectif d’éprouver le degré de
persévérance de l’auditeur avant de l’accepter dans l’Église. Cela permet
aussi d’éviter les rétrogradations récurrentes dans l’Église.
Parmi les programmes spéciaux figurent aussi les moments de jeûne.
A travers le jeûne, le chrétien se prive des plaisirs du corps pour s’élever
vers son créateur. Les jeûnes sont rares à l’UEESO-CI et ne sont
organisées que dans des circonstances particulières, car dans cette
517
518
Cf. Statuts et règlement intérieur de l’Église UEESO.
Entretien avec GUENAMAN Jean Colbert le 24 septembre 2012 à Daloa.
298 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Église, on croit que ce ne sont pas les œuvres qui sauvent, mais la grâce
de Dieu.
8.3 Le contenu de la formation du peuple de Dieu
Pendant les cultes dominicaux, l’orateur prêche suivant l’inspiration
du Saint-Esprit. Au cours des réunions d’études bibliques, des débats
sont organisés autour des thèmes spécifiques tels que le salut, le péché,
les dons spirituels (…), sous la direction d’un responsable. L’on peut
aussi décider d’étudier des livres ou des personnages bibliques. Pendant
les réunions de prière, les chrétiens, conduits par un guide, prient pour
divers sujets. Les sujets de prière peuvent être d’ordre général (prière
pour le pays, pour les autorités…) ; ils peuvent aussi concerner l’Église
(sa croissance, l’évangélisation, les projets de construction…) ou des
sujets personnels.
Concernant les cours de baptême, il convient de noter qu’à
l’UEESO-CI, il n’en existe pas un programme homogène. Chaque
Église ou chaque région conçoit un cours de baptême sur les bases de la
doctrine chrétienne et la connaissance de l’UEESO-CI. Dans l’Église
locale de Sassandra par exemple, les cours de baptême sont inspirés de
l’ouvrage Connaitre Dieu pour mieux le servir du missionnaire Charles
Daniel Maire
519
. Les grandes thématiques abordées sont les suivantes.
Les grandes doctrines (la révélation, la doctrine de Dieu, la doctrine
du Fils, la doctrine du Saint-Esprit, la doctrine de l’homme, la doctrine
de l’Église, la doctrine du baptême et de la sainte Cène, la doctrine des
choses dernières, la doctrine des anges).
Comment devenir chrétien (l’homme ne peut rien faire pour son
salut, la foi, la conversion et la repentance, la nouvelle naissance).
519
Entretien avec GNEPA Oberlin, pasteur et directeur de l’école biblique de
Sassandra.
L’encadrement du Peuple de Dieu
299
La pratique de la vie chrétienne (qu’est-ce que la vie chrétienne, le
chrétien devant Dieu : la prière du chrétien, le chrétien et son prochain,
le chrétien et les choses matérielles, le chrétien et le monde, le chrétien
et l’État, le chrétien et l’Église locale).
Ces différents cours permettent au chrétien d’avoir une bonne
connaissance de la doctrine chrétienne et une maîtrise des prescriptions
bibliques.
9
LA FORMATION DES RESPONSABLES
POUR RENFORCER L’ENCADREMENT
La formation de conducteurs locaux a constitué de tous les temps la
priorité des missions chrétiennes même si dans certains cas elle démarre
tardivement à cause de certains préjugés négatifs. Depuis le XVIIIe
siècle qui marque véritablement le début de l’activité missionnaire en
Afrique, les missions catholiques comme protestantes ont encouragé
leurs
missionnaires
à
préparer
des
indispensables à la réussite de la mission
520
leaders
chrétiens
locaux
.
La formation des responsables a constitué pour la MBCI l’un des
défis les plus immédiats. Cette formation avait un triple objectif. Etablir
efficacement la conversation avec les peuples aux langues diverses en
leur portant l’évangile dans leur propre langue
521
, pourvoir en guide
spirituels les communautés du champ missionnaire qui ne faisait que
520
A ce sujet, cette recommandation faite par Marion de BRESILLAC aux
missionnaires de la S.M.A est très révélateur : « Aussitôt que vous le pourrez,
établissez des séminaires en mission. Mais n’attendez pas que vous le puissiez
pour faire des prêtres (…). Il vaut encore mieux pour un peuple avoir beaucoup
de prêtres nationaux, dont plusieurs sont mauvais, que de n’en avoir pas du
tout, et même que de n’avoir que des missionnaires étrangers. » Cf.
Monseigneur Marrion de BRÉSILLAC, cité par SALVAING, op.cit, p. 60.
521
Comme le note bien DECORVET, « Les meilleurs évangélistes des
Africains, ce sont les Africains eux-mêmes ». Cf. Jeanne DECORVET, op.cit, p.
113.
302 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
s’étendre, et préparer la relève pour une Église locale entièrement
africaine
522
.
Dès le début de leur mission parmi les Néyo, Daniel RICHARD
sollicita l’appui de Jones l’un des premiers convertis à qui il demanda de
devenir évangéliste. Ce dernier
« se révéla un évangéliste très efficace. Il affirmait avec une
chaleur communicative que seul Jésus peut libérer du péché, et
ne craignait pas, pour le prouver, d’évoquer son ancienne vie
d’esclave. Les Néyo l’écoutaient avec une attention profonde,
émouvante. Et Daniel RICHARD constata que la solution était
là : les meilleurs évangélistes des Africains, ce sont les Africains
eux-mêmes » 523.
Très lente à ses débuts, la formation des évangélistes prit une allure
importante à partir de 1947 avec la mise en place de plusieurs structures
de formation.
9.1 Les structures de formation
9.1.1 Les écoles de catéchistes
Les écoles de catéchistes étaient les premières structures éducatives
missionnaires en Côte d’Ivoire. Ouvertes d’abord dans les chapelles
protestantes à partir de 1928 pour la MBCI elles furent ensuite installées
sur les stations missionnaires
524
à partir des années 1950.
La MBCI avait ses écoles de catéchistes à Sassandra, Man, Daloa
525
.
De manière générale, chaque école de catéchiste était dirigée par un
missionnaire, et dans certains cas, par des pasteurs-catéchistes.
522
« Former les cadres instruits, donner à l’Église naissante des pasteurs et des
instituteurs qualifiés, tel est l’objectif n°1 de la mission ». Idem, p. 213.
523
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 113.
524
Rubin POHOR, op.cit. p. 64.
525
Idem.
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
303
L’enseignement était dispensé en langues locales. Le français n’était
utilisé que pour la lecture de la Bible. C’était un enseignement
élémentaire qui visait la formation religieuse des premiers chrétiens ou
catéchistes, appelés à assumer généralement la tâche de conducteurs, de
prédicateurs laïcs et de moniteurs des écoles du dimanche
526
.
9.1.2 Les écoles bibliques
Les écoles bibliques sont créées un peu plus tard à partir de 1957.
Ces établissements d’enseignement biblique formaient les candidats aux
ministères dans les Églises tels que pasteurs ou évangélistes. La plupart
des candidats étaient des élèves issus des écoles de catéchistes.
Dans le champ missionnaire de la MBCI, le couple RICHARD
commença une école biblique à Man le 02 avril 1957 avec huit élèves
dont quatre ne savaient pas lire et comprenaient mal le français (…). La
seule langue qu’ils comprenaient tous étaient le dioula, c’est dans cette
langue qu’il fallut donc les instruire
527
. La formation était saisonnière et
chaque session durait entre quatre et cinq mois
528
. Mais vu l’évolution
générale de l’instruction en Côte d’Ivoire, la nécessité se fit sentir de
créer un institut biblique qui formerait des responsables à un niveau plus
élevé. Le 20 novembre 1960, l’Institut Biblique Africain fut fondé à cet
effet à Daloa
529
.
Le cours secondaire de Daloa créé en 1947 avait une double
mission : former les cadres du pays, mais surtout des cadres qui
serviront dans les écoles de la mission ou pour jouer le rôle
d’évangélistes
526
530
.
Rubin POHOR, op.cit. p. 64.
Jeanne DECORVET, cité par KEO KOGNON, op.cit., p. 58.
528
Idem.
529
Ibidem.
530
A toutes ces structures, il convient d’ajouter le récent centre de formation
biblique de Sassandra. (1988). Voir Annexe IV-2, p. 422.
527
304 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
La présence des écoles bibliques était nécessaire, d’abord parce qu’il
était important « d’améliorer le développement spirituel et culturel des
jeunes
et
d’assurer
une
formation
approfondie
des
premiers
catéchistes ». L’enseignement dans les écoles bibliques était dispensé en
locales ou vernaculaires. Notamment le dioula, langue commerciale
531
.
Cette langue avait été choisie et enseignée pour permettre à ceux qui
la pratiquent d’acquérir une certaine maîtrise par la lecture et
l’écriture
532
.
Parallèlement à l’encadrement des adultes et des études bibliques, les
élèves des écoles bibliques enseignaient aussi les langues locales aux
enfants et aux adolescents
533
.
L’importance des écoles bibliques réside dans le fait que la plupart
fut le point de départ de la politique de formation missionnaire. Elles
avaient une valeur symbolique : « Avoir une école biblique pour la
mission, représentait pour la mission avoir les moyens nécessaires pour
le combat spirituel », elles s’offraient aux missionnaires à la fois comme
une arme offensive et défensive
534
.
« Une arme offensive par les hommes et femmes qu’elle formait
et que les missionnaires lançaient dans toutes les directions pour
la conquête des néophytes. Mais une arme défensive aussi par la
doctrine dont ces hommes et femmes sont investis et dont, à leur
tour, ils vont armer les nouveaux convertis » 535.
C’est ce que souligne Nathanaël VE Tokpa, ancien élève des écoles
bibliques UEESO-CI et ancien pasteur de cette Église :
« L’enseignement que nous recevons dans les écoles de
catéchisme nous permet non seulement de nous défendre contre
531
Rubin POHOR, op.cit. p. 65.
Idem.
533
Ibidem.
534
Ibid.
535
Ibidem.
532
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
305
les avances et les attaques du diable, souvent des catholiques,
mais aussi contre les assauts sans cesse renouvelés des
croyances traditionnelles avec lesquelles, en fait, la rupture n’est
jamais définitivement consommée » 536.
La création de ces structures de formation à favorisé l’accroissement
rapide du nombre des responsables locaux, comme le montre le tableau
ci-dessous.
Tableau 12 : Croissance du
d’évangélistes de 1927 a 1982
nombre
de
missionnaires
Années
19
27
19
47
19
54
19
56
19
57
19
59
19
62
19
65
19
66
19
77
Mission
naires
2
9
26
23
32
40
48
58
65
53
Pasteurs
évangéli
stes
0
10
32
38
38
34
34
43
42
61
et
19
82
63
Source : tableau effectué à partir d’informations collectées dans Jeanne
DECORVET, les matins de Dieu (annexes non paginées) et des
informations tirées des archives de l’UEESO-CI.
536
Pasteur Nathanaël VE Tokpa. (Décédé) il a été le premier enseignant des
écoles protestantes à réussir le concours d’instituteur. Il a été nommé directeur
régional des écoles des églises UEESO de 1960 à 1969. Entretien réalisé à Man
le 07 janvier 1998 par Rubin Pohor. Cf. Rubin POHOR, op.cit, p. 65.
306 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Graphique 8:
EVOLUTION DU NOMBRE D'EVANGELISTES ET DE
PASTEURS L'UEESO DE 1927 A 1982
61
32
38
38
43
34
34
63
42
10
0
1927
1 1947
2 1954
3 1956
4 1957
5 1959
6
1962
7
1965
1966
8
9
101977111982
Source : Graphique réalisé par nos soins (à partir de microsoft excel)
sur la base du tableau ci-dessus.
9.2 Les critères de sélection
A l’époque missionnaire, l’accès aux écoles de catéchistes n’était
soumis à aucune condition. Tout le monde pouvait y aller ou envoyer
son enfant selon qu’il le désirait
537
. Créée souvent à l’intention des
enfants qui fréquentent la station, l’école était ouverte à tous et sa
fréquentation
était
encouragée
538
,
car
elle
était
un
moyen
incontournable pour la diffusion de l’évangile.
C’est le cas de ce pionnier de l’UEESO-CI :
« Mon père m’avait toujours dit de me méfier des écoles de
missionnaires. Je m’étais rendu clandestinement à l’école qui se
537
538
Jeanne DECORVET., op.cit. p. 61.
Idem.
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
307
tenait dans le temple de l’autre côté du village. Nous étions cinq
auditeurs : MOUY Gaston, TOHOU Victor, OULAÏ François,
GUEHI Paul et moi. Après la prière et la lecture de la Bible, le
missionnaire dit : "Jésus m’a envoyé vers vous dans ce village,
dit-il pour le faire connaitre et pour vous conduire à lui".
Ensuite, après un long commentaire, il dit : Tous ceux qui
croiront en lui sont des frères. Celui qui croit en lui et devient
son frère, devient du même coup fils de Dieu…." Comme tous les
autres étaient déjà des adeptes des frères de M. RICHARD, je me
suis senti interpelé par les regards fixés sur moi. Je dis ceci au
missionnaire : moi aussi, je veux être le frère de Jésus comme
vous. Je savais ce soir là que ce n’était pas un engagement dans
la foi mais être le frère du missionnaire » 539.
Avec la création de l’école biblique de Man, de l’institut Biblique de
Daloa et du cours secondaire protestant, on assiste à quelques
changements. D’abord, des conditions sont exigées désormais pour
accéder à ces écoles. Au Cours Protestant de Daloa, dès le départ, les
coûts de la formation étaient assurés par la Mission qui les élèves à la fin
leur formation. Puis on demanda aux Églises de recommander des
enfants et de prendre en charge de leur formation.
Les élèves ainsi formés devraient servir dans les écoles de la Mission
en qualité d’instituteurs ou d’évangélistes. Mais dans la plupart des cas,
les Églises n’honoraient pas leurs engagements vis-à-vis de l’école,
occasionnant ainsi des problèmes de fonctionnement. En 1964, lors de
l’Assemblée générale de l’Union, M. HUSSER, responsable du cours
secondaire protestant de Daloa, évoque cette situation avec beaucoup de
peines :
539
Notable à Soakpé-Douêdy, fondateur de l’école protestante dudit village (non
nommé). Entretien réalisé le 09 janvier 1997 par POHOR. Cf. Rubin POHOR,
op.cit, p. 66.
308 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« Nos subventions ne suffisent plus pour tous les élèves que nous
recevons chaque année. Si tous les élèves qui nous ont quittés
avaient remboursé leurs frais d’études, nous aurions en caisse au
moins 1 million de francs et cela arrangerait la situation. Je vais
vous dire ici que c’est l’Église qui est responsable de la rentrée
de cette somme. Puisque c’est elle qui a recommandé ces enfants.
Mais l’Église peut rappeler aux jeunes gens leur promesse et de
les décider à rembourser » 540.
C’est pourquoi pour M. NOUGUIER cet engagement des Églises
était une anomalie : « Il y a quelque chose d’anormal qu’il faut
souligner : comment l’Église peut-être prendre la responsabilité des
normaliens, étant donné que la plupart d’entre eux, n’ont jamais eu
d’intérêt pour la parole et pour le service de Dieu ? »
541
D’où la
nécessité de nouvelles décisions : « pour la bonne marche du cours
normal, chaque boursier de la mission paye 12.500 francs par an et que
l’engagement de servir à la mission soit de 5 ans au lieu de 10 »
542
.
A l’école biblique et à l’institut, la formation qui est payante varie
selon le statut matrimonial des candidats
543
.
En 1964 d’après M. LOPPIN Missionnaire en charge de cette école :
« La nouvelle session commencera vers fin février, début mars : 5 mois
de classe, deux mois d’activité, et 5 nouveaux mois de classe. Les
conditions d’accès sont :
-
Si on est marié, avoir une femme convertie et intéressée au travail de
Dieu.
-
Frais : 1500 francs par mois pour un célibataire ;
2000 francs pour un marié 544 ».
540
Intervention de M. HUSSER à l’A.G de 1964, Cf.
Idem.
542
Intervention de M. HUSSER à l’A.G de 1964, Cf
543
Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1964. Cf, archives de
l’Union, non classées.
541
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
309
L’école ne pouvait recevoir en tout que 5 à 7 couples et 4
célibataires.
545
L’accès qui se fait sur proposition d’une Église ou d’une région
proposition est soumis à l’appréciation de l’Assemblée générale. En
1964, sur six proposants, quatre sont retenus : Abraham FALE de Daloa
(marié), DAGOU Justin et ZADI Benoit de Gagnoa (mariés) et GOUE
Philippe de Man (Man)
546
.
Aucun niveau scolaire n’est exigé pour les candidats. Voici la liste
des candidats avec leur niveau, pour l’année 1969
547
:
Tableau 13: Noms, niveau et région de quelques proposants à l’école
biblique de Man en 1969
Noms et
prénoms
Baba
Tiémoko
Régions
Niveau
Man
CM2
Dilé
François
Dion
Pierre
Bah
Tiemoko
Guéhi
Dorcas
Sadia
Maurice
Séa Emile
Man
CM2
Man
CM2
Man
?
Man
?
Man
?
Man
?
Gaha Paul
Duékoué
CM2
Mahé
Duékoué
CE2
544
Noms et
prénoms
Vrairon
Emmanuel
régions
niveau
Duékoué
CEPE
Kemga
Elisabeth
Bah
Samuel
Zouama
David
Blé
Solange
Falia Felix
Danané
?
Toulépleu
?
Toulépleu
?
Toulépleu
?
Guiglo
?
David
Nemlin
Niepa
Odette
Tabou
CM2
Tabou
CEPE
Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1964. Cf, archives de
l’Union, non classées
545
Idem.
546
Ibidem.
547
Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1969. Cf, archives de
l’Union, non classées.
310 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Benoit
Source : Rapports des AG de l’UEESO-CI, archives de l’Union, non
classées.
Ce tableau révèle les constats suivants : Dans un premier temps, on
se rend compte du caractère régionaliste des responsables en formation.
La plupart d’entre eux se recrute parmi les Dan et les Wê. Sur 17
proposants, 7 sont de Man, 1 de Danané, soit 47.05% de Dan et de
Wobé. En pays Guéré, on a 8 proposants soit 41.23%. Le pays Kroumen
n’enregistre que 2 proposants, soit 11.76%. Au total, des 17 proposants,
15 sont Wê ou Dan soit 88.23% contre 2 kroumen soit 11.76%. On
remarque donc que l’essentiel des pasteurs se recrute parmi les Dan et
les Wê. Dans un second temps, on se rend compte que le niveau des
proposants est très bas. Seulement 2 sur 17 ont le CEPE soit 11.76%. 5
ont le niveau CM2 soit 29.41%. 1 a le niveau CE2 soit 5.88%. Pour le
reste, le niveau d’étude n’est pas indiqué mais ce que l’on remarque,
c’est que tous les proposants n’ont que le niveau primaire et le CEPE
reste le niveau le plus élevé. Dans un dernier temps on se rend compte
d’une inégalité au niveau de la répartition par sexe. Sur les 17
proposants on dénombre seulement 4 femmes soit 23.52% contre 13
hommes soit 76.47%.
Le niveau exigé pour accéder à l’institut biblique de Daloa était le
CEP (Certificat d’études primaires). En 1968, L’Assemblée Générale
décide que les nouveaux candidats aient au moins le niveau Brevet
548
.
Au cours de cette même assemblée, il est décidé que les élèves de
l’institut donnent des cours à l’école biblique en vue de palier le déficit
d’enseignants.
L’UEESO-CI collabore aussi avec la mission biblique pour la
formation des pasteurs dans des instituts en France. En 1964, dans le
cadre de cette collaboration, Jones BONGA, évangéliste, est proposé
pour aller suivre la formation pastorale à Paris. Les frais de la formation
et le prix du transport sont pris en charge par la Mission. Il est tout de
548
Compte rendu Assemblée Générales 1968.
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
311
même demandé aux différentes régions de l’UEESO-CI d’apporter
chacune une contribution pour soutenir la mission
549
. A l’Assemblée de
1970, les responsables de l’UEESO-CI déterminent les raisons pour
lesquelles des pasteurs peuvent être envoyés en Europe et comment
mobiliser les frais pour ces déplacements. A l’issue des débats, il est
arrêté que tout départ en France se fasse à la suite d’une invitation
personnelle ou suite d’une décision prise par les membres du comité. Le
comité encourage l’Église à assurer les frais de voyage et d’études
550
.
La mise en place des différentes structures de formation et la rigueur
dans leur gestion a permis à l’Union de se doter de responsables locaux
capables de diriger l’Église. Cependant quel est le contenu de la
formation dispensée à ces conducteurs ?
9.3 Le contenu de la formation
Le contenu de la formation des serviteurs de Dieu est assez dense.
Les thématiques développées sont nombreuses :
• L’Ancien Testament : il s’agit d’une étude introductive aux
différents groupes de livres que sont le pentateuque, les livres
historiques, les livres poétiques et les livres prophétiques.
• Nouveau Testament : dans cette thématique, sont enseignées la
lecture, la grammaire grecque et une introduction aux 27 livres
qui composent le Nouveau Testament.
• Doctrine chrétienne : il s’agit d’une étude initiatique des notions
théologiques de Dieu, de Création, de Christologie, de
Sotériologie, de pneumatologie, d’Ecclésiologie, d’eschatologie
et de théologie contemporaine.
549
Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1964. Cf, archives de
l’Union, non classées.
550
Rapport de l’Assemblée générale de l’UEESO de 1970. Cf, archives de
l’Union, non classées.
312 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
• Histoire de l’Église : une étude historique de l’évolution de
l’Église : Église primitive, Église médiévale, la réforme.
• Missiologie : dans cette thématique sont développés les sous
thèmes suivants : histoire de la mission, Islam, les sectes, les
religions traditionnelles africaines, l’évangélisation.
• Théologie pratique : Elle aborde la théologie pastorale, la
relation
d’aide
l’homilétique,
l’herméneutique
et
la
communication.
• Culture générale : cette partie va au-delà des limites de la
théologie pour aborder des disciplines d’ordre général telles que
les techniques d’expression, la philosophie, l’étique, le droit,
l’informatique, l’agriculture et l’élevage.
Au regard de la densité de ce programme et vue le niveau des
proposants, l’on est tenté de se demander si cette formation est vraiment
adaptée. Les pasteurs parviennent-ils à assimiler le contenu de toutes ces
thématiques ? Se pose dès lors l’épineux problème de la qualification
des guides spirituels dont l’influence reste importante sur le peuple de
Dieu. Les questions doctrinales au cœur des crises à l’UEESO-CI
semblent être engendrées par la non maîtrise ou la mauvaise
interprétation de la doctrine.
Au total, le souci d’édification du peuple de Dieu explique la
multiplication des programmes de formation et leur extension à toutes
les couches de la communauté chrétienne. Les programmes annuels sont
les plus grands moments de rassemblement des chrétiens au cours
desquels des thèmes spécifiques sont développés par des spécialistes.
Même si leur organisation se fait souvent dans les conditions difficiles,
ces programmes restent les plus grandes occasions d’enseignement
destinés au peuple de Dieu. Des programmes quotidiens de formation
viennent compléter ces formations d’ordre général. Deux à trois fois par
semaine,
les
chrétiens
se
retrouvent
pour
prier
et
recevoir
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
313
l’enseignement biblique visant à édifier leur foi et à leur inculquer une
culture chrétienne.
Dans le souci d’accélérer le processus d’autonomisation et surtout
pour répondre au besoin d’encadrement des chrétiens dont le nombre ne
cesse d’augmenter, la mission met en place de structures de formation
de pasteurs et évangélistes. Malheureusement, les candidats au ministère
pastoral n’ont pas le niveau nécessaire pour appréhender aisément le
contenu de la formation. Ce problème crucial constituera plus tard l’un
des motifs de la crise doctrinale qui provoque le schisme de 1982.
9.4 Conclusion partielle
Au terme de cette seconde partie de notre travail, nous pouvons
retenir que la rencontre entre christianisme et croyances traditionnelles
des peuples du sud-ouest ivoirien s’est posée en termes de conflits. En
effet, les missionnaires apportent l’évangile dans un monde déjà
fortement ancré dans la religion. Cette religion caractérisée par le culte
des ancêtres et le recours aux divinités créées est en contradiction avec
les principes de la religion chrétienne. En dépit de quelques points de
ressemblance, les différences sont énormes et le succès de l’évangile
exige la négation des croyances locales.
Pour la Mission Biblique, il n’est pas question d’inculturation. A en
croire les témoignages, c’est le radicalisme protestant qui est enseigné.
Quant aux populations locales, conscientes de la menace que représente
l’évangile pour la survie de leurs croyances, elles résistent de diverses
manières à la nouvelle religion ; tout ceci rend difficile, voire impossible
un éventuel dialogue.
Mais les faiblesses des croyances locales, la cohérence du message
chrétien et surtout l’efficacité des différents appâts utilisés par les
missionnaires permettent au christianisme protestant de s’implanter
solidement dans le sud-ouest ivoirien et surtout d’enregistrer de
nombreuses conversions.
314 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Toutefois, cette implantation ne s’est pas faite sans difficultés.
L’Africain devenu chrétien doit faire face à un certain nombre de
situations. Ayant librement choisi de changer d’itinéraire, il est appelé à
assumer ses responsabilités. Il les assume d’abord face à lui-même
d’autant plus qu’il s’agit de renoncer à sa vieille nature. S’engage alors
un conflit interne, « le conflit de soi contre soi ». Ensuite, c’est face à
son milieu d’origine qu’il doit assumer ses responsabilités. Ayant rejeté
les coutumes de ses ancêtres, il est désormais perçu comme un rebelle
par sa communauté d’origine. Il est aussi une menace parce que ne
croyant plus à la tradition, il ne la respecte plus et cherche même à la
détruire. Il sera alors soumis à toutes sortes de persécutions dans le but
de l’amener à un renoncement ou de lui imposer le respect ou la
reconnaissance de la tradition.
Pour permettre à celui-ci de surmonter avec succès toutes ces
épreuves et asseoir une foi solide, l’Église organise à son intention
plusieurs programmes de formation tout en essayant de lui créer une
nouvelle société en compensation de celle qu’il a abandonnée. La
formation des leaders locaux s’inscrit bien dans ce cadre. En lieu et
place des autorités religieuses traditionnelles, ce sont les évangélistes et
pasteurs africains formés dans les écoles pastorales qui constituent des
guides religieux. Mais le niveau d’étude souvent très bas de ces guides
religieux et la densité des programmes dans ces écoles posent le
problème d’une bonne compréhension de la doctrine et d’une maîtrise
de la pédagogie visant à transmettre correctement aux néophytes les
principes de la vie chrétienne.
Après cette brève synthèse de ce deuxième volet de notre travail,
revenons sur la question de départ pour savoir si nous y avons répondu.
Il s’agissait en fait de savoir si dans le projet de christianisation entrepris
par la Mission Biblique, le modèle religieux proposé pouvait vraiment
déboucher sur des chrétiens ayant tourné le dos aux superstitions et au
tribalisme pour former le peuple de Dieu.
La formation des résponsables pour renforcer l’encadrement
315
La réponse à cette question est partagée entre l’affirmatif et le
négatif. Elle est d’abord affirmative en ce sens que cette partie nous a
révélé que les convertis à la MBCI avaient vraiment tourné le dos aux
croyances traditionnelles. N’y trouvant pas de solutions à leurs
problèmes, ils ont abandonné la religion de leurs ancêtres au prix de leur
dignité sociale et parfois même de leur intégrité physique, pour épouser
la religion chrétienne. Les nombreuses persécutions qu’ils endurèrent à
cause de leur conversion en est une preuve incontestable. La réponse est
par ailleurs négative parce que le niveau d’étude très bas des guides
religieux n’est pas favorable à une bonne compréhension des principes
bibliques devant être enseignés aux convertis.
La question de la formation des guides religieux (pasteurs et
évangélistes) UEESO-CI demeure ainsi un problème crucial car c’est de
la vie et des enseignements de ces derniers que dépend la qualité de la
pratique religieuse des chrétiens, qui fera l’objet de la troisième partie de
notre raisonnement. Etant donné que la plupart des conversions
s’expliquent par la recherche d’un mieux-être social et moral, les guides
spirituels parviennent-ils à substituer à cette motivation de départ la
nécessité d’une réelle conversion fondée sur l’acceptation de
l’évangile ? S’il y a des tensions ethniques et une lutte de leadership
dans l’Église, n’est-ce pas à cause d’une christianisation moins
profonde ; insuffisance de la formation religieuse ou entière ignorance
des fidèles des principes de base de leur religion ?
TROISIÈME PARTIE
LA VIE NOUVELLE DU PEUPLE DE DIEU,
LA DIFFICILE NOUVELLE NAISSANCE ET
LE SCHISME DANS L’ÉGLISE
Comme nous l’avons montré dans les parties précédentes, la
naissance de l’UEESO-CI est le résultat de plusieurs années d’efforts
d’évangélisation consentis par les missionnaires et évangélistes dans le
sud-ouest ivoirien, au milieu de populations au départ très réticentes au
message chrétien. Pour les atteindre, les missionnaires ont dû utiliser des
moyens très attractifs. Le résultat fut remarquable, car les solutions
matérielles et morales proposées par les missionnaires cadraient bien
avec les aspirations des populations qui ne trouvaient pas toujours des
solutions cohérentes dans les croyances locales.
Mais le message chrétien étant opposé aux croyances traditionnelles
des
populations
locales,
d’énormes
pressions
individuelles
et
communautaires vont s’abattre sur les convertis en vue de les amener au
renoncement. C’est pour leur permettre d’y résister et devenir des vrais
disciples de Jésus-Christ que plusieurs programmes de formations sont
organisés à leur intention. Les chrétiens UEESO-CI parviendront-ils à
intégrer suffisamment les principes bibliques et passer d’une conversion
souvent intéressée à une foi véritable ?
C’est à cette question que ce troisième volet de notre travail tentera
de répondre. Il s’agira d’abord de chercher à comprendre à quel degré
les chrétiens UEESO-CI parviennent-ils à se dépouiller de leur vieille
318 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
nature, c'est-à-dire la nature pécheresse (les anciennes habitudes
considérées par la Bible comme mauvaises), et ensuite à savoir si les
enseignements reçus sont vraiment suffisants pour leur permettre de
maîtriser la doctrine de leur Église puis dépasser les considérations
ethniques et former le peuple de Dieu. Enfin, une étude des crises
intempestives qui jalonnent l’histoire de cette Église permettra de
comprendre s’il ne s’agit pas là d’une mauvaise interprétation de la
parole conséquence d’une formation insuffisante.
10
LES CHRÉTIENS ET LA NOUVELLE RÈGLE
DE VIE DE L’ÉGLISE UEESO-CI
Après sa conversion, le chrétien est appelé à marcher dans une
nouveauté de vie. Les « choses anciennes » étant passées, il doit épouser
complètement les principes de la vie chrétienne. Cela doit être
perceptible dans ses relations avec son Dieu et avec ses frères. Il est tenu
de manifester un grand intérêt pour les choses de Dieu ; témoignage
d’une véritable ferveur chrétienne. Il doit aussi manifester de l’amour
pour son prochain afin de vivre pleinement la communion fraternelle
dans l’Église et témoigner au monde de l’amour divin.
Le chrétien UEESO-CI parvient-il à se dépouiller véritablement du
« vieil-homme » et à se conformer à cette nouvelle donne ?
Après sa conversion, le chrétien est appelé à accorder une place de
choix aux choses de Dieu. Son implication dans les différentes activités
de l’Église doit être la preuve visible de sa conversion. Comment ce zèle
se manifeste-t-il chez le chrétien UEESO-CI ? Accorde-t-il de
l’importance aux séances de formation organisées à son intention en y
participant régulièrement ? Quelle place occupe le culte dans la vie du
chrétien UEESO-CI ?
320 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
10.1 L’engouement des chrétiens pour les séances de
formation
Dans le cas précis de notre étude, il est difficile de déterminer avec
exactitude la fréquence de la participation des chrétiens UEESO-CI aux
programmes de formation, faute de statistiques disponibles. La question
des archives dans les Églises locales et même dans les régions de
l’UEESO-CI reste la plus grande difficulté à laquelle reste confronté
quiconque entreprend des recherches sur cette communauté. Seulement,
quelques vieux chrétiens détiennent des informations qu’ils oublient au
fur et à mesure que le temps avance
551
. Durant toutes nos recherches,
nous n’avons pu découvrir de documents relatifs à la présence aux
programmes de formation et aux cultes dominicaux pour la période
1927-1982. Nos sources d’information se limitent donc aux témoignages
des plus anciens convertis et à des rapports de missionnaires. Toutefois,
bien que peu nombreuses, l’origine et l’authenticité de ces sources
garantissent leur crédibilité.
Les programmes de formation dont il est question ici sont constitués
des camps et des conventions. Ils se tiennent une fois l’an pendant une
semaine et ont pour objectif d’affermir la foi des fidèles en leur
inculquant une culture chrétienne. Vu leur importance, ces séances
constituent les plus grandes occasions de rassemblement du peuple de
Dieu.
Ce qui nous a été donné de noter à l’issu de nos investigations, c’est
que les chrétiens UEESO-CI, dans leur ensemble, manifestent un
véritable engouement pour ces programmes de formation même s’ils
sont souvent confrontés à des difficultés de divers ordres. Les
témoignages des pionniers et la documentation missionnaire témoignent
551
C’est ici que se trouve l’une des plus grandes difficultés de l’écriture de
l’Histoire africaine. L’oralité qui la caractérise, la dégrade et la fait perdre au fil
des temps. N’est-ce d’ailleurs pas à juste titre que Hampaté Ba affirme qu’en
Afrique, lorsqu’un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle ?
Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI
321
unanimement de cette ferveur. En 1960, lors de la première convention
organisée à Danané, la participation fut au-delà des attentes
552
.
Même ferveur du côté de la jeunesse. Les camps de formations sont
les plus grandes occasions de rassemblements des jeunes. Tous les
jeunes se mobilisent pour y participer et l’on est souvent obligé de
limiter le nombre de participants
553
. Pour le Pasteur TOBO Bernard
« dans ce domaine là, les chrétiens ont un grand zèle, ils sont très
zélés »
554
.
Des conditions de déplacement souvent très difficiles (mauvais état
des routes, manque ou insuffisance de véhicules pouvant assurer le
transport) surtout lorsqu’il s’agit d’aller loin de son village ou de sa ville
natale, l’insuffisance notoire des structures d’accueil qui fait que
pendant les camps et les conventions, les participants sont souvent
obligés de loger dans « les salles de classe, les garages, jusque dans la
chapelle (…) expliquent cependant les absences aux programmes de
formation »
555
.
TIE BI Diagoné, l’un des anciens chrétiens de Daloa, ajoute à cela
« le manque de moyens, la période choisie (souvent période des travaux
champêtres), ou la mobilisation (parfois mal faite) »
556
.
Cela nous permet de comprendre en partie que les nombreuses crises
qui ont agité l’Église ne sont pas forcément dues à un déficit de
formation. Les causes peuvent être recherchées aussi ailleurs. Il faut
aussi comprendre que, malgré la pauvreté, les difficultés liées au
déplacement et à l’accueil dans les centres urbains, le zèle du chrétien
UEESO-CI pour la formation n’a pas baissé depuis les années 1927
jusqu’en 1982, période du schisme. La première convention à Danané en
552
Rapport de Paul FUNE, cité par Jeanne DECORVET, p. 234.
Jeanne DECORVET, op.cit, p. 238.
554
Entretien avec le pasteur Bernard TOBO octobre 2011.
555
Rapport de Paul Funé, cité par Jeanne DECORVET, p. 234
556
Entretien avec TIE Bi Diagoné à Daloa, juillet 2012.
553
322 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
1960 a enregistré plus de 400 participants
557
, celle organisée par la toute
naissante Église de Zoukougbeu en 1972 a réuni plus de 70 fidèles
558
.
10.2 L’assiduité aux cultes
Tout comme les séances de formation, le culte occupe une place de
choix dans la vie du chrétien UEESO-CI. C’est une occasion de
communion avec Dieu et avec les frères. Le culte s’organise sous deux
formes principales avec cependant un contenu identique : le culte
familial ou cellule et le culte collectif dominical.
10.2.1 L’assiduité au culte familial et aux cellules de prière
L’UEESO-CI, Église protestante baptiste, fait partie de la grande
famille des Églises reformées dont elle épouse entièrement les
principes ;
« La religiosité reformée se manifeste à plusieurs niveaux. Le
contact solitaire de l’homme avec son Dieu appartient au
domaine du moi secret même si les poètes et les écrivains lèvent
parfois un coin de voile. Le culte familial élargit le cercle de
cette piété à l’ensemble de la maisonnée, parents, enfants et
domestiques 559 ».
Cette pratique religieuse résulte d’une éducation donnée par les
ministres, les anciens et de l’exemple donné par les élites sociales
560
. Le
culte familial a même été l’un des souhaits les plus ardents du
réformateur Jean CALVIN ainsi qu’il le dit dans un texte adressé aux
jeunes Églises françaises : « Chaque famille particulière doit être une
557
Rapport de Paul Funé, cité par Jeanne DECORVET, p. 234
Archives de l’UEESO, Rapport sur la marche générale de l’Église, 1972
(non classées).
559
Janine GARISSON, Les protestants au XVIème siècle, Paris, Fayard, 1988,
410p., p. 37.
560
Idem.
558
Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI
323
petite église particulière ; un homme pieux étant le chef et le maître de
sa famille doit lui servir de guide et l’instruire selon les talents et
moyens qu’il aura reçus de Dieu
561
».
A l’UEESO-CI, conformément à cette recommandation, chaque
famille chrétienne est une Église en miniature. Ainsi est-elle appelée à
organiser de manière régulière des cultes en vue de s’édifier
mutuellement. Lorsque des familles chrétiennes se retrouvent dans un
même quartier ou village, elles ont la possibilité de s’organiser en
cellule. Les Églises de maison ou les cellules ont pour vocation de
maintenir la flamme de l’Esprit dans le cœur des membres et de servir
de moyens d’évangélisation. Les cellules aboutissent le plus souvent à
des Églises annexes qui deviennent plus tard des Églises constituées.
Dans une Église de maison, généralement, les parents jouent le rôle
de guides spirituels. Ils choisissent des moments dans la semaine pour
organiser un mini-culte à l’occasion duquel des prières sont adressées à
Dieu et des enseignements dispensés. C’est aussi le lieu de révision des
cantiques et des messages entendus pendant le culte dominical. La
participation au culte familial à l’UEESO-CI est en principe obligatoire
pour tous les membres. L’heure choisie, tôt le matin où le soir après le
diner, y est à priori favorable, d’où la présence régulière de tous les
membres.
Quant aux cellules de prière, elles se tiennent généralement une fois
par semaine dans les villes et tous les matins dans les villages. C’est une
assemblée à laquelle tous les chrétiens doivent participer et ils y
participent effectivement
appartenance
à
la
562
; c’est le lieu où l’on affirme le plus son
communauté
chrétienne.
Le
contenu
est
presqu’identique à celui du culte familial ; des moments d’adoration et
de louange, une exhortation et des moments de prière. Les chrétiens sont
561
J. AYMON, Actes ecclésiastiques et civils de tous les synodes des églises
réformées de Franc, La Haye, 171, 2vol., t.I, p. 129, art.19.
562
Entretien avec le pasteur TOBO Bernard, octobre 2011.
324 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
toujours exhortés à la méditation, mais malheureusement, ils sont
confrontés, pour l’essentiel, au problème de l’analphabétisme
563
. La
plupart des chrétiens UEESO-CI, et surtout ceux du milieu rural ne
savent ni lire ni écrire, ni même parler le français. Malgré les efforts de
traduction de la Bible dans les langues nationales, très peu de chrétiens
manifestent un intérêt à l’apprentissage de leur propre langue.
564
10.2.2 L’assiduité aux cultes dominicaux
A l’UEESO-CI, le culte collectif intervient comme une obligation
religieuse de « la plus haute nécessité
565
». Y participer est un devoir
qui permet au chrétien de prouver sa conversion. Le culte dominical se
tient à l’intérieur d’un temple. Partout où il y a une communauté
UEESO-CI, les premiers efforts sont consacrés à la construction ou la
location d’un local devant servir de temple. L’intérêt du culte collectif
pour le chrétien est identifiable à plusieurs niveaux. Le culte est
l’occasion où le chrétien démontre aux yeux de tout le monde son
appartenance à la communauté chrétienne. C’est aussi le lieu
d’expression de la communion avec Dieu et avec les frères.
Les croyants UEESO-CI, conscients de l’importance du rôle du culte
dans leur épanouissement spirituel, y accordent un intérêt particulier. Le
culte se prépare bien avant le dimanche. Les dirigeants du culte,
président et prédicateur sont désignés au moins une semaine avant. Dans
les Églises les plus organisées, un programme mensuel ou trimestriel est
élaboré. Les chrétiens prennent en semaine toutes les dispositions utiles
pour consacrer la journée du dimanche à leur Dieu. Dans les villages, on
fait les provisions ; préparation du bois de chauffe, provision en
nourriture…En milieu urbain, la situation est plus aisée, le dimanche
étant un jour de repos, les travailleurs ne sont soumis à aucune
563
Entretien avec le pasteur TOBO Bernard, octobre 2011.
Idem.
565
Expression empruntée à Janine GARISSON, op.cit, p. 39.
564
Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI
contrainte
566
325
. La participation au culte apparemment libre pour le
chrétien devient en réalité une obligation puisque les responsables
demandent toujours des comptes aux absents ; ils veillent même à ce que
tous les convertis y participent. Ils procèdent par des visites suivies
d’exhortation en semaine.
Le culte a un impact important sur le peuple de Dieu. D’abord son
déroulement comprend trois phases essentielles au cours desquelles le
chrétien se sent très proche de son Dieu. La première est celle de
l’adoration et de la louange. Pendant cette phase, c’est surtout les chants
de louange et d’adoration qui sont chantés à la gloire de Dieu,
conformément aux prescriptions bibliques. Le chant occupe une place
importante dans l’édification du peuple de Dieu. Comme le ramarque
Jean DELUMEAU chez les protestants du XVIème siècle, « plus que
dans les sermons et les écrits dogmatiques, c’est dans le chant religieux
protestant que l’historien des mentalités découvre le message le plus
rassurant » 567.
À l’UEESO-CI, depuis la période missionnaire, le recueil de
cantiques « Sur les ailes de la foi » est utilisé dans les assemblées de
l’Union. Il y existe plusieurs types de chants. Parmi ceux-ci, nous avons
les cantiques d’édification, ceux d’évangélisation, ceux de louange et
d’adoration… Pendant le culte, les cantiques à chanter sont sélectionnés
par le dirigeant. Des recueils sont distribué à ceux des fidèles qui savent
lire et les numéros indiqués, le cantique est entonné par le dirigeant et
repris en cœur par l’assemblée. Les analphabètes sont obligés
d’apprendre par cœur les paroles des cantiques. Etant donné que le
cantique se chante dans un esprit de recueillement total, il est rarement
accompagné d’instruments de musique et le rythme et la longueur des
chants ne permettent pas les battements de mains.
566
Synthèse de nos enquêtes.
Jean DELUMEAU, Rassurer et protéger le sentiment de sécurité dans
l’occident d’autrefois, Paris, Fayard, 1989, 667 p., p. 462.
567
326 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
A côté des cantiques chantés dans les assemblés, se trouvent des
groupes de chants particuliers tels que la chorale et les groupes
musicaux. La chorale est souvent constituée d’une dizaine de membres.
Deux fois par semaine, les choristes révisent sous la direction du maître
de chœur les chants programmés pour le dimanche. Dans le déroulement
du culte, la chorale intervient surtout dans la louange. Son rôle est aussi
de boucher à travers des courts chants les moments creux. Le groupe
musical est quant à lui le groupe le mieux organisé et le plus équipé.
Disposant généralement d’instruments de musique moderne, il interprète
sans difficultés la musique des grands chantres chrétiens, composent des
chants inspirés des psaumes, des évangiles et des épitres.
Dans le souci d’une inculturation réussie, les missionnaires ont
encouragé les louanges dans les langues locales et l’utilisation
d’instruments traditionnels de musique tels que les tam-tams. Cela a
favorisé la naissance d’un autre groupe ; le groupe « Refrain ». Ce
groupe s’inscrit dans le registre de la musique traditionnelle. Les chants
sont généralement en langue et les pas de danse, identiques à ceux de la
musique profane du terroir. La louange, c’est aussi les offrandes qui sont
faites pendant le culte, c’est le témoignage d’une reconnaissance à Dieu
pour ses bienfaits. A travers la louange, c’est dans une unité d’esprit que
les chrétiens s’édifient mutuellement tout en glorifiant Dieu.
La seconde phase du culte est consacrée au prêche. Ici, le prédicateur
du jour est le seul intervenant. Il est le seul maître de la parole. Le
discours est unilatéral et doit être suivi avec attention et respect.
Cependant, le prédicateur et parfois le président du culte ont la
possibilité de choisir des lecteurs dans l’assemblée. Il s’agit
généralement de responsables ou de fidèles capables de faire une lecture
à voix intelligible. Compte tenu du poids de sa tâche, le messager doit
prendre toutes les dispositions pour rendre le sermon accessible au
peuple. Dans les villages, les prêches sont faits en langues locales. Dans
Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI
327
certaines Églises, notamment celles des villes de l’intérieur, le message
est livré en français et traduit en langue locale.
La phase conclusive du culte est marquée par un moment de prière.
Des personnes sont désignées pour prier pour le message et pour la
semaine à venir. Plusieurs autres sujets peuvent être évoqués selon
l’inspiration du dirigeant. Dans certains cas, généralement une fois par
mois, le culte s’achève par la prise de la sainte Cène, repas institué par le
Christ et pris en sa mémoire. L’UEESO-CI accorde une place de choix à
la Cène, comme le note sa confession :
« Nous croyons que la Cène institué par notre Seigneur JésusChrist doit être observée dans les églises jusqu’à ce qu’il
revienne, que le pain et le vin, auquel tous les membres de
l’Église participent sont les symboles du Corps et du Sang de
notre sauveur, que, par cette communion, les membres en y
participant professent former un même corps avec Christ, et être
unis les uns aux autres dans un même esprit »
.
568
La sainte Cène est un « acte à la fois individuel et collectif
hautement significatif 569 » strictement réservée aux chrétiens baptisés.
Le pasteur principal aidé de son second ou d’un ancien sont chargés de
l’organisation de la Cène. Ils prennent toutes les dispositions pour que la
cérémonie se déroule dans l’ordre, le recueillement, la ferveur.
Cette attitude des chrétiens et particulièrement des protestants à
l’égard de la Cène n’est pas récente et semble être un héritage de la
Réforme calvinienne. Comme le remarque GARISSON, déjà au XVIe
siècle, le ministre poète de l’Église saintongeaise de Pons, Yves
ROUSPEAU, suggère la gravité de cet événement et son prix dans la vie
du fidèle :
568
569
Extrait de la confession de foi de l’UEESO-CI.
Jeanine GARISSON, op.cit, p. 45.
328 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« La Cène dont je veux parler présentement
Du sacré pain de l’âme est un Sacrement
Où Jésus-Christ repait nos âmes bien-heurées
De son précieux corps pour nous prendre au bois
De son précieux sang répandu une fois
Pour nous faire jouir des plaines éthérées (…)
Pour connaitre son usage et son prix
Voyons le grand besoin que nous avons d’icelle (…)
Je veux ores blâmer les ingrats malappris
Qui méprisent le Christ, le Banquet délectable. »
La distribution du pain tout comme celle du vin sont précédé d’une
prière de reconnaissance et de la lecture d’un passage biblique relatif à
la Cène. Il peut s’agir d’une exhortation ou d’une mise en garde ou des
deux à la fois.
En somme, concernant la pratique de la ferveur chrétienne, nous
sommes en mesure d’affirmer que le chrétien UEESO-CI manifeste un
intérêt particulier pour les choses de Dieu. Il a une perpétuelle soif de la
parole de Dieu. Toujours présent aux séances de formation et aux cultes,
le chrétien UEESO-CI s’efforce chaque fois de s’élever au-dessus des
choses du monde pour aspirer à celle d’en haut.
11
LES RELATIONS AVEC LES AUTRES
Les exigences de la vie chrétienne imposent au converti une nouvelle
orientation de ses relations avec les autres. Issu d’une société qui a ses
croyances et règles de fonctionnement, il doit désormais se conformer à
la vision chrétienne du monde. Cette nouvelle donne exige souvent une
négation du milieu d’origine. Le chrétien UEESO-CI parvient-il à
rompre véritablement avec la tradition et aspirer à la sanctification ?
Aussi, le chrétien est-il appelé à rendre témoignage de l’amour divin
à travers ses relations avec l’Église et avec son prochain. Avec l’Église,
il doit vivre pleinement la communion fraternelle et soutenir sa
communauté selon ses moyens, tandis qu’avec le monde il est appelé à
témoigner par ses bonnes œuvres. Quelle appréciation porter sur la
qualité des rapports du chrétien UEESO-CI avec sa communauté et avec
son prochain ?
11.1 La vie de sanctification des chrétiens UEESO-CI
La sanctification peut se définir, comme le note Jules Marcel
NICOLE, comme « le développement qui suit la nouvelle naissance » 570.
C’est le cheminement vers la perfection, vers la sainteté. Cette marche
570
Jules-Marcel NICOLE, Précis de doctrine chrétienne, op.cit, p. 207.
330 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
exige du chrétien l’abandon du « vieil homme » 571 c'est-à-dire ses
croyances et pratiques antérieures considéré comme contraires aux
prescriptions bibliques et l’embrassement d’une vie nouvelle, « revêtir
l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que
produit la vérité » 572 . La sanctification est un élément capital de la
pratique religieuse protestante.
11.1.1 La rupture avec la tradition
Le chrétien UEESO-CI est issu d’un milieu fortement ancré dans des
religions et croyances traditionnelles. C’est un univers dominé par une
multiplicité
de
divinités
qui
déterminent
ou
influencent
le
fonctionnement de la société. Mais la religion chrétienne considère
toutes ces divinités comme des idoles dont l’adoration est un péché
grave. La rupture du chrétien d’avec ces croyances traditionnelles
s’avère donc obligatoire.
Chez le chrétien UEESO-CI, cette rupture est totale et parfois
immédiate. C’est même la condition pour son intégration dans la
communauté chrétienne. Les récits de conversion des premiers chrétiens
sont riches en informations prouvant cette vérité.
Le témoignage de YE Samuel, ancien "bandit" converti en 1958, est
édifiant. Après sa conversion, il ne croyait plus au pouvoir de la rivière
sacrée de son village :
« Ce lieu était reconnu par plusieurs cantons. Les poissons y
étaient si apprivoisés qu’ils venaient manger dans la main, des
grains de riz. On venait sacrifier à ce lieu lors des circonstances
comme le mariage, la maladie. On s’aperçut que j’avais tué des
poissons en quantité. Je l’avais moi-même dit. J’avais vendu de
571
Dans son épitre aux Colossiens, l’apôtre Paul utilise ce terme pour désigner
l’État de péché dans lequel vivait le chrétien avant sa conversion et l’oppose à
l’homme nouveau qui est le prototype du chrétien selon les prescriptions
bibliques.
572
Ephésiens 4v24 ; voir aussi Galates 19v21.
Les relations avec les autres
331
gros poissons à Danané. On me prit pour un criminel. ″il a tué
nos ancêtres″ disaient-ils » 573.
L’histoire du vieux Yoro, grand danseur de masque, racontée par
MOUY Gaston, ancien évangéliste montre qu’après sa conversion, il a
profané le grand fétiche du village :
« Il y a un masque royal puissant de chez nous, le porteur qui
s’appelait Yoro a accepté l’évangile. Quand il a accepté
l’évangile, on l’a frappé. En fait, après sa conversion, il a
profané le grand fétiche qui était installé dans un palmier, donc
les gens l’ont frappé » 574
Tous les chrétiens UEESO-CI que nous avons interrogés sont
unanimes sur la question du totem. Depuis leur conversion, ils ne
respectent plus les totems.
La rupture est totale avec l’adoration des lieux sacrés, avec les
divinités et les cérémonies funéraires traditionnelles car selon
GUENAMAN Jean Colbert, « ce sont les œuvres qui glorifient le
diable »
575
. M. NANDO, l’un des anciens de l’Église de Dioulakro à
Yamoussoukro note aussi que : « Toutes cérémonies liées aux esprits
impurs, voire mystique sont à rejeter. »
576
Toutefois, dans sa marche vers la perfection chrétienne, le chrétien
est confronté à un certain nombre de difficultés. Il s’agit surtout des
péchés qu’il a du mal à laisser. Il est certes vrai que la permanence du
péché dans la vie d’un chrétien est relative et dépend surtout de son
degré de conversion. Mais dans les enquêtes, il y a certains péchés sur
lesquels tous les informateurs sont revenus. On peut les considérer
comme ceux qui accablent le plus le chrétien UEESO-CI.
573
Récit recueilli par Charles Daniel MAIRE, déjà cité.
Entretien avec Mouy GASTON, septembre 2010.
575
Entretien avec Génaman J. COLBERT, à Daloa, juillet 2012.
576
Entretien avec M. NANDO à Yamoussoukro juillet 2012.
574
332 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
11.1.2 La permanence du péché sexuel et le manque d’amour
Lors de nos entretiens avec quelques anciens chrétiens, nous avons
posé à diverses personnes et en divers lieux la question suivante : quel
est selon vous le péché qui fatigue le plus les chrétiens UEESO-CI ?
Voici quelques réponses :
• l’impudicité, l’adultère 577 ;
• le manque de pardon 578 ;
• de manière générale, le manque d’amour véritable 579 ;
• le mensonge 580 ;
• les calomnies 581 ;
• les problèmes de femmes, plusieurs pasteurs chutent à cause des
femmes ;
•
la convoitise 582.
A l’observation attentive de ces différentes réponses, on distingue
deux problèmes majeurs. Le premier est le péché sexuel. L’impudicité et
l’adultère sont des péchés sexuels. Si l’impudicité concerne les relations
en dehors du mariage, l’adultère lui est la relation sexuelle dans le
mariage mais avec le conjoint ou la conjointe d’autrui.
Dans l’histoire de l’Église le péché sexuel ou encore péché du corps,
impudicité ou impureté a toujours constitué une gangrène qu’on a
toujours cherché à éradiquer mais sans succès. L’Église longtemps a eu
peur du corps. Dans le sillage d’Innocent III, saint Bernardin de Sienne
enseigne dans sa prédication que le corps « est à ce point fétide qu’il
suffit à défigurer l’âme pure et immaculée qui y est envoyé
577
583
».
Réponse de Tié Bi Diagoné à Daloa.
Anonyme Yamoussoukro.
579
Réponse de GNAMBRO Léonard, Yamoussoukro, entretien de juillet 2012.
580
Réponse de NADO, entretien à Yamoussoukro juillet 2012.
581
Réponse de GUENAMAN, entretien de Daloa, juillet 2012.
582
Réponse de Madame SAHI à Daloa juillet 2012.
583
Bernadin de Sienne, Opera, cité par DELUMEAU, Le péché et la peur, Paris,
Fayard, 1983, p. 486.
578
Les relations avec les autres
333
Dans le Bouquet de la Mission, au chapitre des remèdes contre la
luxure, il est conseillé de « traiter son corps comme son ennemi déclaré
et le mater par le travail, le jeûne, les cilices et autres
mortifications »
584
.
L’impureté est présentée comme la mère de tous les péchés car tout
péché de pensée ou de désir, ou de parole ou d’action, est mortel dès là
qu’il est entièrement consenti. Pour Hyacinthe de MONTARGON,
Aucun doute n’est possible : « L’impureté renferme en elle tous
les péchés…Ce vice… n’est pas seulement un péché comme les
autres, (il) est l’abrégé de tous les péchés ; c’est le péché
même… Le péché est d’autant plus énorme que l’injure qu’il fait
à Dieu est plus outrageante. Or, le péché de luxure est d’autant
plus grand que la chose qu’on préfère à Dieu est plus vile, et plus
méprisable. C’est ce que fait le voluptueux : il préfère à Dieu le
plaisir de son corps, un moment de volupté à une éternité
bienheureuse…Toute la religion du chrétien est profané par
l’impureté » 585
Le Maure, dans les sermons de l’évangile démontre le caractère total
de ce péché :
« Ce crime seul met entre le Seigneur et le pécheur l’intervalle
de toutes les passions qu’il remue puissamment : orgueil, envie,
parjure, cruauté, mensonge, toutes ces malheureuses branches
viennent de cette racine ; les autres vices n’éloignent point si fort
la créature du créateur, n’attaquent point si violemment les
perfections infinies de Dieu, et ne sont pas si opposées aux trois
personnes divines…
584
Bouquet de la Mission, p. 82, cité par DELUMEAU, p. 487.
Hyacinthe de MONTARGON, Dictionnaire apostolique…, III art 2, pp.91100.
585
334 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
L’impudique attaque Dieu dans toutes ses perfections : se livrant
à sa conduite aveugle, il ne veut plus dépendre du Seigneur, voilà
son orgueil ; sensible à ses plaisirs, il est insensible à la misère
des pauvres, voilà sa dureté ; n’ayant des biens et n’en amassant
que pour sa volupté, il ne reconnait plus de providence, voilà son
aveuglement ; emporté dans sa passion, il n’a plus de douceur,
voilà sa vengeance ; il persécute celui qui s’y oppose, voilà sa
haine ; il débauche la personne qu’il veut corrompre, voilà sa
paresse ; s’en prenant à Dieu même s’il trouve des obstacles
dans sa voie, voilà son blasphème ; vivant sans religion, voilà
son impiété ; n’ayant pas de foi, voilà son incrédulité ; ravissant
le bien d’autrui le plus précieux, voilà son envie, son vol et son
injustice 586. »
Les raisons de la prédominance de ce péché aussi dangereux à
l’UEESO-CI sont diverses selon nos informateurs. Pour Madame
BADE, c’est le manque d’enseignements : « Avant, les anciens n’ont
pas insisté sur le mariage, c’est au fur et à mesure que les gens ont
commencé à l’enseigner »
587
.
Madame SAHI note en effet : « Depuis 1956, où mon mari m’a
choisie, il ne m’a jamais mariée. Il est resté célibataire jusqu’à sa
mort »
588
. Elle ajoute aussi que « les jeunes de maintenant ne peuvent
pas se contenir »
589
. Pour Emile K. GOH, le plus souvent, la chute
survient chez les fiancés qui se fréquentent : « C’est pendant cette
période des fiançailles, que beaucoup succombent à cause des
fréquentations répétées et des causeries nocturnes suivies d’amusements
provocateurs »
586
590
.
LE MAURE, Sermons sur les évangiles de l’avent et du carême et sur divers
sujets de morale, cité par DELUMEAU, Le péché et la peur, p. 490.
587
Entretien avec Mme Badé, déjà cité.
588
Entretien avec Mme Sahi déjà cité.
589
Idem.
590
Emile (K.G.), op.cit, p. 23.
Les relations avec les autres
335
Le coût du mariage souvent élevé et dont la mobilisation prend
assez de temps favorise aussi la chute. Mais le péché sexuel à l’UEESOCI n’émane-t-il pas aussi d’un arrière-plan culturel ?
Le second péché le plus pratiqué à l’UEESO-CI est le manque
d’amour. Ce manque d’amour se manifeste par :
l’intolérance, « la vengeance, la haine, le tribalisme le non
respect de la hiérarchie, le manque d’humilité assimilé à
l’orgueil, les frustrations répétées et gardées dans les cœurs
l’esprit de vengeance, la guerre de leadership : la lutte pour être
le premier responsable, la légèreté, le tribalisme qui est réel et
visible » 591.
Ces différents problèmes relevés par les responsables sont de
véritables freins à l’épanouissement spirituel des chrétiens UEESO-CI.
11.2 L’homme
UEESO-CI
nouveau 592
chez
les
chrétiens
La nouvelle communauté à laquelle le néophyte appartient après sa
conversion a ses réalités et ses exigences. N’appartenant plus au monde,
le chrétien est appelé à vivre sur la terre les réalités du ciel, sa future
demeure. Il est appelé à manifester à chaque instant et en toute
circonstance ce que Jésus-Christ son Seigneur a fait pour lui dans tous
les domaines de sa vie. Toutefois, le problème est que tant que le
chrétien est sur la terre, sa volonté propre connaîtra une guerre : les
tendances charnelles contre les tendances spirituelles. Il est tenu de vivre
une vie de communion avec Dieu et avec ses frères.
591
Extrait du Procès-verbal de la réunion du Comité de l’Union, tenu du 23 au
25 janvier 2003 à Abidjan, p.6.
592
L’homme nouveau traduit le modèle de chrétien souhaité par son maître.
336 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Cette communion qui doit réunir les chrétiens en une unité d’esprit
autour de Christ leur Seigneur est-elle vraiment vécue dans l’Église
UEESO-CI ? Les chrétiens ont-ils vraiment abandonné les colères, les
rancunes, les discriminations, la méchanceté pour vivre une vie de
communion fraternelle comme l’exigent les Saintes Ecritures ?
Nos enquêtes révèlent que la notion de communion fraternelle est un
sujet diversement apprécié par les chrétiens. Pour certains, la
communion fraternelle est vraiment bien vécue. Parmi les tenants de
cette thèse, le pasteur TOBO Bernard de l’Église de Niangon, l’un des
plus vieux pasteurs de l’Union. Pour lui, « la communion fraternelle est
vraiment bien vécue à l’UEESO-CI, la solidarité, l’entraide, vraiment
ça va bien !»
593
.
Pour d’autres, la communion fraternelle, telle que vécue avant, n’est
plus la même aujourd’hui. Ainsi, pour Madame SAHI, femme de l’un
des tout-premiers pasteurs de l’UEESO-CI: « UEESO-CI d’avant n’est
la même chose aujourd’hui. »
594
KOULAÏ Pascal abondant dans le
même sens affirme : « L’amour a vraiment diminué, le monde est entré
dans l’Église »
595
Pour d’autres encore, la communion fraternelle n’est pas totale :
« On aime faire des distinctions, souvent les pauvres se fréquentent, les
riches, les responsables, on voit qu’il y a des choses qui clochent »
596
.
Madame KOUA remarque donc que « les mariages se font par
classe, si tu n’es pas engagé dans l’Église on ne te soutient pas. Wobé
marie Wobé, Yacouba marie Yacouba »
597
.
Selon elle la communion fraternelle n’est pas totalement bien vécue
à l’UEESO-CI ; la communion fraternelle est intra clanique ou intra
ethnique. Les faits semblent lui donner raison car il suffit d’écouter les
593
Entretien avec le pasteur Bernard TOBO octobre 2011.
Entretien avec Madame SAHI à Daloa, juillet 2012.
595
Entretien avec Madame KOULAÏ Pascal à Daloa, juillet 2012.
596
Entretien avec Madame BADÉ, née Gueu Josephine, Daloa juillet 2012.
597
Entretien avec Madame KOUA à Daloa, juillet 2012.
594
Les relations avec les autres
337
échanges houleux entre les responsables lors des Assemblées Générales
ou lors des réunions de comité pour se demander si vraiment la
communion fraternelle est vécue pleinement.
Depuis le retrait de la Mission Biblique, la communion fraternelle est
souvent recherchée, mais rarement expérimentée plus particulièrement
parmi les responsables. Pendant les crises, les Bibles sont rangées au
profit des statuts de l’Union autour desquels sont développées toutes
sortes de disputes et de haine.
En milieu rural, les animosités et les discriminations sont moindres,
du fait que les chrétiens sont pratiquement de la même ethnie et de
même condition sociale. Les problèmes sont plus perceptibles en milieu
urbain. A la base de cette insuffisance de communion fraternelle se
trouvent les pasteurs eux-mêmes. Tous nos informateurs sont unanimes
que les pasteurs de l’UEESO-CI ne s’entendent pas. Pourquoi ? Pour le
pasteur TOBO, l’une des causes du schisme de 1982 était « le problème
de leadership entre les GLAO et les VE et aussi parce que GLAO
rejetait la présence des missionnaires »
598
. Pour TIE Bi Diagoné aussi,
« (…). Les mésententes peuvent être dues aux conditions de vie de
certains, les départs à la retraite mal assurés, les problèmes de
leadership. »
599
. GUENAMAN Jean Colbert abonde dans le même sens
quand il cite comme cause : le « leadership, la politique, l’orgueil et le
tribalisme »
600
. En clair, les mésententes sont liées à des questions
souvent personnelles. Le peuple de Dieu est entrainé dans des conflits
dont il ignore les vrais motifs, mais qu’il épouse par solidarité ou par
intoxication. Ainsi quelques moments après la crise de 1982 plusieurs
chrétiens dissidents sont revenus à l’UEESO-CI regrettant de s’être
laissé emballer.
598
Entretien avec le pasteur Bernard TOBO octobre 2011.
Entretien avec TIE Bi Diagoné Juillet 2012.
600
Entretien avec GUENAMAN J.C Juillet 2012.
599
338 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Au lieu d’être des modèles de paix, de cohésion, de communion et
d’unité, les pasteurs sont paradoxalement des diviseurs, des rancuniers,
des
« guerriers ».
Ces
vilains
sentiments
se
répercutent
malheureusement sur la masse des fidèles qui sur la base de préjugés
non maîtrisés, vivent dans une situation de méfiance les uns vis-à-vis
des autres.
Qu’en est-il des relations du chrétien UEESO-CI avec les non
convertis ?
Les rapports entre les chrétiens et les non chrétiens ont connu une
évolution remarquable dans le temps. D’abord, pendant la période
missionnaire, les relations étaient très mauvaises. Les non chrétiens
étaient désignés sous l’appellation de païens par les chrétiens. Cette
dénomination traduisait toute la haine dont ces derniers faisaient l’objet.
Les païens considéraient les chrétiens comme des ennemis et vice-versa.
« C’était une véritable guerre »
601
selon GUENAMAN Jean Colbert.
Les chrétiens profanaient les lieux sacrés qu’ils considéraient comme de
l’abomination, tandis qu’eux-mêmes étaient considérés comme des
traitres, des déracinés. Dans un tel contexte, les relations ne pouvaient
qu’être mauvaises. Le témoignage chrétien rendu par les chrétiens
autochtones n’était pas bon.
Mais plus tard, avec l’Église africaine, la pédagogie de
l’évangélisation connut une évolution. Les chrétiens ivoiriens avaient
compris que pour amener beaucoup de personnes à la conversion il
fallait témoigner de beaucoup d’amour. On inséra dans les stratégies
d’évangélisation des activités d’aide aux non convertis
602
. De même on
cessa de les appeler païens pour les désigner comme les non encore
convertis
601
603
. Dès lors, les relations jadis conflictuelles ont fait place à
Entretien avec GUENAMAN Jean Colbert le 26 septembre 2012 à Daloa.
Entretien avec Pasteur LOH Michel Abidjan en septembre 2012.
603
Entretien avec GUENAMAN Jean Colbert le 26 septembre 2012 à Daloa.
602
Les relations avec les autres
339
un dialogue mutuel et fructueux entre christianisme et croyances locales,
facteur d’évangélisation.
11.3 Les libéralités
La libéralité se définit, selon le dictionnaire universel, comme la
propension à donner, la générosité. Elle désigne aussi un don généreux.
Il s’agit également de toute disposition à titre gratuit. La libéralité est
donc la disposition à donner gratuitement ce que l’on a, sans aucune
pression et sans rien attendre en retour.
La libéralité est une ordonnance divine selon la Bible. Sa pratique
doit se faire dans deux sens à savoir verticalement et horizontalement.
Verticalement, il s’agit pour le chrétien de donner à son Dieu fidèlement
et sans regret les dîmes et les offrandes de ce qu’il gagne.
Horizontalement, la libéralité doit se manifester à travers l’assistance du
chrétien à son prochain. Il s’agit généralement de l’aide aux démunis et
du soutien à toute personne passant par des moments difficiles. La
dimension horizontale de la libéralité ne se limite donc pas aux frères
d’Église, mais s’étend même à ceux qui ne sont pas convertis. Les
offrandes et les dîmes dans l’Église se font de manière libre selon la
volonté du chrétien.
Il est aussi important de noter que la pratique de la libéralité a une
importance capitale dans la vie de l’Église. L’Église en tant
qu’institution divine mais aussi humaine a besoin de moyens pour son
fonctionnement. Comme toute organisation sociale, l’Église a besoin des
biens matériels, dits bien temporels, pour mieux accomplir sa mission.
Le livre V du Code du droit canonique de 1983 en donne le
fondement et l’organisation pour l’Église. Il s’agit bien sûr de l’Église
Catholique. Cependant, la question de la gouvernance financière ne
touche pas seulement l’Église Catholique en tant que Confession
religieuse, mais toutes les Églises, c’est-à-dire toutes les confessions
religieuses qui forment ce qu’on appelle l’Église de Dieu. L’Église a par
340 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
exemple besoin d’argent pour entretenir les pasteurs, pour acquérir et
entretenir les locaux, financer des projets de missions. C’est pourquoi la
libéralité s’impose à tous ses membres.
Dans le cadre de notre étude, nous nous demandons à présent
comment la libéralité, aussi importante pour l’Église est-elle pratiquée à
l’UEESO-CI ? Y a-t-il des handicaps à sa pratique ? De quels ordres
sont-ils ?
Nos informateurs sont d’accord sur le fait que le chrétien UEESO-CI
« n’aime pas donner beaucoup à Dieu ». Pour Madame SAHI, il y a
baisse de la libéralité du fait des contraintes actuelles, de la vie moderne,
du problème du quotidien : « nos parents (les premiers chrétiens) le
faisaient bien, mais maintenant les gens font trop de calculs »
604
. Il
semble que dans les villages, la libéralité est encore mieux pratiquée que
dans les villes. Les dîmes des récoltes sont payées en paddy de riz ou en
argent. Mais dans les villes, on évoque la cherté de la vie et plusieurs se
soustraient à ce don.
Pour Mamadou TOME, la libéralité est recommandée à tous les
chrétiens (il cite Romains 15-25-27.) mais beaucoup de chrétiens
pensent que la collecte n’est qu’un acte symbolique qui ne nécessite pas
de montants élevés. C’est pour quoi nous assistons le plus souvent à des
réclamations de monnaie pour la pièce de 100 francs qu’on a donnée.
D’autres s’esquivent simplement au nom d’une certaine pauvreté.
605
Les raisons de cette insuffisance de la libéralité sont multiples et
remontent à l’origine, à l’époque coloniale qui est aussi la période
missionnaire. Pour J.M ELA, la condition de vie du Noir n’a pas changé
depuis l’époque coloniale. Il est resté toujours pauvre donc il n’a pas de
surplus à donner :
604
Entretien avec Madame SAHI à Daloa, juillet 2012, déjà cité.
Mamadou TOME, Les obstacles au développement de l’Église africaine : cas
de l’UEESO-CI, rédaction de fin de cycle, IBTM, 1997, p. 9.
605
Les relations avec les autres
341
« Les masses populaires africaines sont demeurées égales à
elles-mêmes, objet du paternalisme colonial et de la sollicitude
des évolués africains. Leur situation n’a guère changé. Les
paysans africains étaient pauvres et misérables sous la
colonisation, ils le restent après les indépendances politiques,
dans une conjoncture où la misère des campagnes apparait de
plus en plus comme la conséquence de la colonisation du frère
par le frère. Pour des millions d’Africains les soleils des
indépendances ont aussi leur ombre maléfique » 606.
Pour le pasteur TOBO, il y a le manque d’enseignement sur le sujet,
la pauvreté due au retrait des chrétiens du monde des affaires et au
maintien des femmes dans les activités ménagères non rémunérées :
« Les premiers (les missionnaires) n’ont pas enseigné la
libéralité si bien que les pasteurs UEESO-CI ont vécu dans
l’éternelle pauvreté. Il y a eu une confusion autour de la notion
d’humilité. L’exemple du riche et de Lazare. A cela s’ajoute la
pauvreté, l’avarice, le manque d’enseignement sur le sujet. On
dit que le chrétien ne doit pas faire les affaires pour ne pas qu’il
soit trop riche. Ça nous a mis en retard dans ce côté-là, par
rapport aux églises qui naissent, par rapport aux églises du sud.
On nous a dit aussi, les filles vont pas loin, elles ne vont pas à
l’école sinon elle va pécher, elle n’a qu’à rester au village. » 607
Quant à M. TOME, il y a deux raisons fondamentales :
•
La fainéantise : les gens ne travaillent pas pour gagner de
l’argent, vivant chichement eux-mêmes, ils ne peuvent donner
beaucoup ;
606
607
J-M. ELA, De l’assistance à la libération, Kinshasa, CEP, 1982, p. 71.
Entretien avec le pasteur TOBO, déjà cité.
342 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
• Le discrédit de la richesse et de l’acquisition des biens matériels
par les premiers missionnaires n’a pas développé la libéralité
chez les chrétiens.
À cela s’ajoute un arrière plan culturel de certains peuples réputés
fainéants :
« Certains peuples ou certaines tribus, depuis les temps
ancestraux sont reconnues paresseux. Parmi cette tranche, il y a
ceux qui sont très attachés à l’adoration et à la danse des
masques. Ils y consacrent le plus clair de leur temps et sont peu
laborieux quant aux travaux champêtres. D’autres pratiques
traditionnelles telles que les fêtes de circoncision occupent une
bonne partie de leur temps.
Il y a aussi ceux qui aiment tout simplement vivre en milieu
citadin, quand bien même ils n’y trouvent pas grande chose à
faire » 608.
Pour le chrétien issu d’un tel milieu, il sera difficile de donner
suffisamment à Dieu d’autant plus que lui-même en manque.
« D’autre part, poursuit-il, cette pauvreté des chrétiens
s’explique par l’approche de la missiologie adoptée par la
mission fondatrice. (…) dès le départ, l’accent a été tellement mis
sur le royaume et la justice de Dieu et sur l’imminence du retour
du Seigneur Jésus que même certains chrétiens ont été poussés à
détruire leurs plantations ou à les abandonner ! Ces biens
matériels étaient considérés comme sources de tentation et
d’orgueil pouvant entrainer la chute des chrétiens. C’est
pourquoi force nous est donnée de constater avec réalisme et
608
Mamadou TOME, op.cit, p. 7.
Les relations avec les autres
343
objectivité que l’évangile qu’on nous a apporté n’a pas été
holistique dans toues ses dimensions » 609.
Les montants des libéralités des Églises entre 1927 et 1982 sont
inaccessibles. Mais à partir de ces témoignages, nous savons que cette
insuffisance de la libéralité a pour conséquences logique la précarité des
conditions de vie des pasteurs et l’impossibilité de faire la mission.
Comme le note Tomé Mamadou,
« La vie de dénuement des fidèles a des répercussions inévitables
sur la vie économique et sociale des serviteurs de Dieu que sont
les pasteurs de l’UEESO-CI. Nous avons l’impression de nous
retrouver au temps du prophète Malachie. C’était un temps où, à
cause de l’entêtement et la négligence du peuple, les serviteurs
de Dieu vivaient dans des conditions très difficiles. Le peuple
s’acquittait avec si peu de conscience de leur devoir envers Dieu,
à savoir l’apport des dîmes et des offrandes pour l’entretien des
Lévites. Dans les régions ou secteurs déshérités de l’UEESO-CI,
les pasteurs vivent au pourcentage presque toute l’année, à part
les quelques trois ou quatre mois de vaches grasses. Le problème
se pose avec beaucoup plus d’acuité chez les familles
nombreuses » 610
La libéralité ne concerne pas que les dons faits à l’Église. Elle
concerne aussi le soutien aux personnes en difficultés. Ici, la réalité est
la même. Mais pour y remédier, l’Église organise par moment des
offrandes spéciales en vue d’aider des personnes traversant des
situations très difficiles. C’est surtout le groupe des Servantes de
Béthanie qui est le plus engagé dans l’aide aux démunis. Depuis sa
création en 1982, ce groupe organise chaque année des collectes de dons
en faveur des orphelins de la pouponnière de Man.
609
610
Idem.
Idem, p. 8.
344 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dans les villages aussi, les cérémonies de mariages ou les funérailles
sont des occasions de solidarité entre les chrétiens. Des soutiens très
souvent en nature sont apportés aux concernés en vue de leur permettre
de faire face à la situation.
12
SANCTIONS ET RÉTROGRADATIONS
DANS L’ÉGLISE
L’Église étant avant tout une communauté humaine, a besoin de
règles pour régir sa bonne marche. Ces lois basées sur les principes
bibliques doivent être scrupuleusement appliquées à tout contrevenant
en vue de garantir la sainteté de l’Église. Mais tous les ne sont sont pas à
mesure de supporter cette rigueur chrétienne et se retirent de l’Église.
12.1 La discipline chrétienne
La discipline chrétienne est le moyen par lequel l’Église instaure et
maintient l’ordre en son propre sein. Elle s’applique surtout au chrétien
pris en fragrant délit de péché.
La discipline chrétienne est une pratique aussi vieille que l’Église
elle-même. Déjà dans le Nouveau Testament, au temps de l’Église
primitive, une forme de discipline très sévère avait été appliquée à
Ananias et sa femme Saphira qui, ayant vendu leur terrain, ont apporté à
l’apôtre Pierre une partie du montant perçu, tentant de lui faire croire
que c’est la totalité. Ils moururent à cause de ce péché
611
.
Dans ses épitres, l’apôtre Paul donne plusieurs formes de discipline
et les démarches à suivre, avertir le fautif, s’en éloigner, rompre toute
communion avec lui
611
612
612
.
Actes 5 v1 à 11.
Voir 1 Thessaloniciens 5v14 ; 2 Thessaloniciens 3v 6à15.
346 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dans l’histoire de son extension, l’Église a toujours appliqué la
discipline mais parfois sous diverses formes. Au XIème siècle, face à
l’occupation de la « Terre Sainte » par les musulmans, des croisades
furent organisées pour déloger ces derniers et réinstaurer l’ordre et le
respect de ces lieux saints. Les croisades étaient donc pour les chrétiens,
« la guerre sainte aux infidèles »
613
.
Il y eut aussi l’Inquisition, tribunal ecclésiastique catholique romain
chargée de lutter contre les hérétiques. Avec la Réforme, la discipline
connait une autre dimension. Pour Jean Calvin :
« Comme nulle ville ni village ne peut être sans gouverneur et
sans police, ainsi, l’Église de Dieu a besoin d’une certaine police
spirituelle, laquelle néanmoins est toute différente de la police
terrestre, et tant s’en faut qu’elle l’empêche ou l’amoindrisse,
que plutôt elle, à la conserver et avancer.
Cette puissance de juridiction ne sera donc en somme autre
chose qu’un ordre institué pour conserver la police spirituelle.
Pour cette fin ont été anciennement ordonnées dans les Églises,
certaines compagnies de gouverneurs, lesquels eussent le regard
sur
les
mœurs,
corrigeassent
les
d’excommunication quant il serait besoin. »
vices,
et
usassent
614
Pour lui donc, la discipline est un moyen nécessaire pour détruire le
règne de l’Anti-Christ et restituer derechef le règne de Christ. Calvin
donnait des buts très précis à la discipline, tels que :
• prévenir les scandales et s’il y en a déjà un, l’abolir ;
• ne point profaner l’Église ;
• éviter la corruption des bons ;
• susciter la repentance des pécheurs. Le tout dans l’amour et :
613
A. KAYAYAN, L’Église dans l’Histoire (Polos Heights, 1989, p. 149.
Jean CALVIN, L’institution chrétienne, Génève, Labor et Fides, 1958,
pp.198-199.
614
Sanctions et retrogradations dans l’Église
347
« Il ne faut point oublier que la sévérité de l’Église doit être telle
que toujours ; elle soit conjointe avec la douceur et l’humanité,
car danger est toujours à éviter, que celui qui châtie ne soit
englouti de tristesse. Car par ce moyen, du remède on ferait un
poison » 615.
À l’UEESO-CI, comme dans la plupart des Églises évangéliques, la
discipline obéit à des procédures bien établies. La première étape
concerne les démarches des pasteurs auprès du pécheur :
« Par exemple quand un frère voit un autre dans le péché, il ne
s’approchera pas personnellement de lui, mais s’en remettra au
responsable de l’église qui se chargera d’approcher le pécheur.
Le péché commis et sa réaction le feront passer devant le conseil.
On remarque que les démarches privées sont relatives aux
péchés bénins, des « petits »péchés tels que les rancunes, les
« petits » mensonges, des larcins etc.
616
».
La seconde démarche la démarche la plus pratiquée selon J.B DELI
est, lorsqu’un chrétien est informé de l’état de péché d’un frère, il en
informe le conseil qui convoque le mis en cause. Le dossier est traité au
conseil. « De sa réaction devant ce groupe dépendra sa libération ou sa
punition »
617
. Le conseil de l’Église, en exerçant la discipline, a pour
objectif d’emmener le pécheur à la repentance. Pendant l’interrogatoire,
si le pécheur nie les accusations portées par certains témoins, ou
reconnait son péché mais continue à le pratiquer, cela montre qu’il ne
veut pas se repentir. La sentence qui lui est infligée est sa mise sous
discipline, « ce qui veut dire que tous les droits ecclésiaux lui sont
615
Jean CALVIN, L’institution chrétienne, Génève, Labor et Fides, 1958,
pp.198-199.
616
Jean-Benoît DELI, La discipline dans l’Église africaine, dissertation de fin
de cycle, IBTM, 1998, p. 18.
617
Idem.
348 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
retirés
618
. « Il ne prend pas la Cène, ne participe à aucune réunion de
l’Église ne prie pas dans l’assemblée, ne participe à aucun choix de
responsables, presque tout lui est interdit »
619
.
Lorsqu’un chrétien, après avoir commis un péché vient confesser sa
faute devant un responsable et demande pardon d’une manière sincère,
la faute est immédiatement pardonnée (on prie pour lui)
620
ou les
sanctions lui sont allégées. Si le péché commis a été un scandale pour
l’Église, il est mis sous discipline mais pas pour longtemps
621
. Pour
accélérer le processus de son relèvement, le chrétien mis sous discipline
doit demander pardon aux responsables, individuellement et lors des
réunions
622
. L’objectif de cette discipline est de maintenir l’Église dans
la sainteté et l’ordre au sein de la communauté. L’objectif est aussi
que « les autres chrétiens craignent le Seigneur et ne pratiquent pas le
mauvais exemple du fautif. Aussi pour que les chrétiens évitent le
péché »
623
. Pour le pasteur TAUB Abel de l’Église du Réveil, « le but
de la discipline est d’emmener l’homme à prendre conscience de la
gravité de sa faute et de se repentir »
624
.
La pratique de la discipline, bien qu’ayant pour but de ramener le
chrétien pécheur sur le bon chemin, est souvent confrontée à des
difficultés dans son application car comme le note Stefan SCHMIDT,
« À part le but principal de la discipline dans l’Église qui est
d’appeler le pécheur à la repentance, cette pratique est devenue
un moyen de punition.
618
Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 19.
Jean OUMEPIEU, Pasteur de l’UEESO cité par Jean-Benoît DEDLI, op.cit,
p. 19.
620
Entretien avec le pasteur TOBO Bernard, octobre 2011.
621
Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 19.
622
Idem.
623
GOMMUN Jean cité par Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 20.
624
Abel TAUB, cité par Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 20.
619
Sanctions et retrogradations dans l’Église
349
Les femmes sont les plus concernées que les hommes, surtout
celles qui ont été enceinte hors du mariage. Les buts peuvent être
bien formulés. Cette pratique expose les femmes à la honte
comme les pharisiens dans l’histoire de la femme adultère (Gn
8 :3-5.) plutôt que le pardon de Jésus. (Jn 5-10-11) 625 ».
La discipline devient aussi parfois une occasion de vengeance. On
se base sur des rancunes passées pour juger le fautif. La sanction devient
alors un règlement de compte au lieu d’être une main tendue au fautif
pour le ramener à l’ordre. Jean Benoit DELI relève en effet que :
« Après la faute d’un frère, l’Église devant décider de la sanction
à appliquer, il en suit de vives discussions. La décision prise
ressemble parfois à un règlement de compte qu’à une décision
spirituelle. La sanction vise alors la personne pour d’autres
motifs, la faute n’étant qu’un motif pour contraindre quelqu’un
au silence et à l’humilité » 626.
En somme, dans sa marche vers la perfection, le chrétien UEESOCI, malgré ses efforts pour abandonner certaines pratiques, surtout celles
liées à la tradition, reste confrontée à des problèmes de relations avec
son prochain. Même dans la pratique de la discipline qui devrait être un
moyen pour permettre au chrétien qui chute de se relever, on note des
comportements qui ne peuvent qu’enfoncer ce dernier.
12.2 La rétrogradation à l’UEESO-CI
La rétrogradation peut se définir comme un renoncement à la foi
chrétienne. C’est pour le chrétien, le fait de se retirer de la communauté
chrétienne et de retourner à la vie ancienne. Pour le Pasteur Michel
625
Stefan SCHMIDT, Le problème de la discipline ecclésiastique dans une
autre culture, Werbst semester, 1996, p. 5.
626
Jean-Benoît DELI, op.cit, p. 20.
350 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
LOH, « la rétrogradation peut être considérée comme un revirement.
Cela suppose que le rétrograde avait effectivement été chrétien. Qu’il
avait fait preuve de sa conversion à travers le baptême avant
d’abandonner la foi chrétienne»
627
. Pour Moïse DOUMOUYA, la
notion de rétrograde est difficile à aborder car la fin de chaque homme
est un mystère. On ne peut connaitre la relation finale de l’homme avec
son Dieu et on ne peut savoir s’il est sauvé ou non
628
.
La discipline à l’UEESO-CI entraine rarement les rétrogradations.
Cependant, il en existe quelques cas isolés. Nous avons l’exemple du
pasteur Joseph GBEADA, œuvrant dans la région de Danané dans les
années 1970, qui, après sa mise sous discipline pour infidélité conjugale,
n’est plus retourné à l’Église
629
. A l’UEESO-CI, la discipline provoque
plutôt des changements de communauté. En 1982, GLAO évoqua les
sanctions disciplinaires comme l’un des motifs de son départ de
l’UEESO-CI. Plusieurs pasteurs partageant ce point de vue le suivirent
pour créer l’Église du Réveil
630
. Plus tard, en 2002, la suspension de 19
pasteurs par l’UEESO-CI a entrainé la naissance de l’Église « Torrent de
vie », sous la houlette du pasteur Joachim ORE
631
.
Les rétrogradations sont aussi provoquées par la confusion faite par
certains chrétiens entre vie chrétienne et prospérité matérielle. Pour
ceux-ci, la conversion doit être un abri contre la misère. Ainsi se
convertissent-ils dans l’unique but d’améliorer leurs conditions de vie.
En venant à Christ, ils visent un avantage matériel dont dispose l’Église
ou attendent l’exaucement immédiat de leurs prières. Ils manifestent dès
le départ un intérêt particulier pour les choses de Dieu. Mais lorsque
l’appât qui les a attirés n’existe plus, ou lorsque l’exaucement des
627
Entretien avec le Pasteur LOH Michel, octobre 2012.
Entretien avec Moïse DOUMOUYA, ancien responsable de l’Église de
Cocody.
629
Entretien avec le Pasteur LOH Michel, octobre 2012.
630
Cf. La lettre de démission du pasteur GLAO, 1981.
631
Entretien avec le pasteur LOH Michel, octobre 2012.
628
Sanctions et retrogradations dans l’Église
351
prières tarde, ceux-ci quittent la communauté pour aller tenter leur
chance ailleurs, et cela se traduit généralement par la rétrogradation.
L’un des exemples palpables est celui des enseignants des écoles
UEESO-CI. Certains d’entre eux auraient renié la foi chrétienne
lorsqu’ils
n’avaient
plus
la
possibilité
d’enseigner
dans
ces
établissements. C’est le cas de M. GOKOUI François, qui, entre 1979 et
1980, ne pouvant plus donner des cours dans l’enseignement protestant,
quitta l’Église
632
.
En 1963, Jones BONGA, fils de l’évangéliste François BONGA dit
avoir reçu la vocation pour le service de Dieu. Après sa formation au
Cours Normal de Daloa, il fut envoyé en France pour approfondir ses
études pastorales. Mais à son retour, il se détourna de la vie chrétienne
pour servir à la station Total puis à Air Afrique. A partir de 1973, il ne
partait plus à l’Église
633
. Plusieurs autres élèves s’étaient inscrits dans
les écoles UEESO-CI avec la promesse de devenir serviteurs de Dieu à
la fin de leur formation et ont pour cela bénéficié du soutien de la
Mission et des Églises. Mais après leur formation, ayant découvert les
opportunités qui s’offraient à eux, ils ont quitté l’Église pour éviter la
pression des responsables. C’est même pour cette raison qu’à
l’Assemblée Générale de l’Union de 1964, il fut décidé que chaque
élève assure ses frais de scolarité
634
.
Les chrétiens et la nouvelle règle de vie de l’Église UEESO-CI. Tel
est l’intitulé du premier chapitre sur la pratique religieuse des fidèles de
cette communauté qui fait l’objet de ce travail. Son développement nous
a permis d’explorer les différents aspects du vécu quotidien des
membres de cette Église et de faire un certain nombre de contacts. Les
fidèles UEESO-CI accordent un intérêt très particulier aux séances de
632
Entretien avec le pasteur GNEPA Oberlin.
Entretien avec le pasteur LOH Michel octobre 2012.
634
PV de l’AG de 1964, Archives de l’UEESO, non classées.
633
352 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
formation et sont aptes à abandonner les croyances et pratiques
religieuses de leur milieu d’origine.
Cependant deux problèmes majeurs empêchent beaucoup d’entre eux
de vivre pleinement leur foi chrétienne : La permanence du péché sexuel
et le manque d’amour. La communion fraternelle n’est pas entièrement
vécue et les relations avec les non croyants ne sont pas toujours bonnes.
Par ailleurs à cause de la misère, les chrétiens ont du mal à donner les
offrandes et les dimes et à faire des libéralités.
La discipline chrétienne qui constitue le moyen de correction et de
maintien d’ordre au sein de l’Église fait souvent l’objet de contestation
entrainant chez certains fidèles la rétrogradation ou le changement
d’Église. Les rétrogradations sont aussi liées à la recherche effrénée
d’un bien être social et matériel que l’Église ne peut pas toujours offrir.
A ces difficultés qui constituent déjà un véritable souci pour l’Église,
s’ajoute l’épineux problème des rivalités entre les Wê et les Dan qu’il
convient d’expliquer dans toutes ses dimensions.
13
RIVALITÉS DAN ET WÊ :
LUTTE DE LEADERSHIP OU
ÉCHEC DE LA CONVERSION
La composition sociologique de l’UEESO-CI révèle l’existence en
son sein de deux groupes majoritaires, les Dan et les Wê, peuples
voisins de l’ouest de la Côte d’Ivoire dont les relations ont toujours été
caractérisées par des conflits. Les impératifs de l’évangélisation avaient
imposé aux protestants un partage tacite du territoire, dans lequel les
Dan et les Wê se sont retrouvés sous la juridiction d’une même mission,
la MBCI.
Devenus chrétiens, les Dan et les Wê qui se sont toujours regardés en
ennemis, parviendront-ils à surmonter toutes les oppositions pour former
le peuple de Dieu ? L’histoire de l’Union nous révèle que plusieurs
crises opposant les frères Dan aux frères Wê jalonnent le parcours de
cette Église. Comment doit-on interpréter cette rivalité ethnique dans
l’Église ? Quels en sont les fondements et comment se manifestentelles ? Ne s’agit-il pas là d’un échec de la christianisation de ces
peuples ?
Les causes des rivalités entre les Dan et les Wê à l’UEESO-CI sont
nombreuses et peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Dans
un premier temps, il y a les causes profondes qui relèvent des relations
conflictuelles anciennes entre ces deux peuples. Puis dans un second
354 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
temps, il s’agit des raisons immédiates liées à des soupçons réciproques
des uns envers les autres.
13.1 Les causes profondes
Depuis la période de la mise en place des Dan et des Wê dans l’ouest
de la Côte d’Ivoire, les relations entre ces deux peuples ont toujours été
conflictuelles. Certes, les travaux scientifiques capables de présenter en
détail ces différents conflits sont rares, mais la tradition orale constitue
une source suffisamment fiable pour comprendre les raisons de ces
conflits. Les informations sont donc quasiment tirées des sources orales.
Elles ont été collectées auprès des peuples concernés, à diverses
périodes et par divers auteurs. Le fait le plus marquant est que, tous les
récits convergent quant à la nature des relations entre les peuples Dan et
Wê depuis leur présence dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.
Les Dan sont connus sous l’appellation contestable de Yacouba
635
et
font partie des premiers habitants de l’ouest ivoirien. Ils seraient arrivés
en Côte d’Ivoire en deux phases par la région de la ville de Nzérékoré en
Guinée
636
. Déjà présents vers le VIIIe et IXe siècle dans la région de
Touba, ils seront ensuite refoulés par les Malinkés
637
vers 1550.
Certains s’enfuirent en Guinée pour former ceux qu’on appelle
aujourd’hui Mannon et Gio au Libéria. A la période coloniale,
635
« Le terme lui-même fait l’objet de beaucoup de controverses quant à son
origine, dont la plus plausible semble être le quiproquo intervenu entre le
premier colon à avoir foulé le sol dan, sans doute le capitaine Laurent, et son
hôte. En effet, alors que le premier demandait au second comment s’appelle son
peuple, celui-ci aurait répondu "ya peu bhaa" ce qui signifie "il dit que" ». Cf.
Gilbert GONNIN et René Kouamé ALLOU, Côte d’Ivoire, les premiers
habitants, Abidjan, CERAP, 2006, 122 p., p. 55.
636
Gilbert GOUENTOUEU, Les conflits tribaux dans les Églises africaines, cas
de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, mémoire
de maîtrise en théologie, FATEB, 1993, 112 p., p. 37.
637
Gilbert GONNIN et René Kouamé ALLOU, op.cit, 56.
Rivalités Dan et Wê
355
« foncièrement opposés à la présence française, ils menèrent de durs et
longs combats contre elle avant d’être désarmés en 1921 »
638
En Côte d’Ivoire, l’ethnie Dan se compose de deux sous-groupes :
les Manmennou
Boutyoulemenou
639
640
, au nord dans le massif de Man et les
, qui occupent la partie sud dans les régions de
Danané Zouan-Hounien et Bin-Ouyé.
Au plan socioculturel, les Dan font partie des Mandé sud et sont
organisés sur le système de lignages autonomes qui constituent l’unité
politique de base. La solidarité et la fraternité caractérisent les Dan.
Elles ne reposent pas sur des liens consanguins mais sur l’appartenance
à un même groupe humain
641
.
« Chez les Dan, la religion consiste d’une part en l’adoration des
esprits du terroir, et d’autre part en celle des ancêtres. A ce
niveau, les masques jouent un rôle primordial car, selon les Dan,
ceux-ci incarnent les esprits des ancêtres (…). Très pacifiques,
les dans sont difficiles à calmer quand leur colère éclate »
642
Les Wè ou Wèhon sont les populations communément, mais
improprement, appelées Wobè et Guéré
643
. Elles appartiennent au
groupe krou qui comprend les Bété, les Dida, les Bakoué, les Niaboua,
et les Kroumen. Elles occupent, dans l'ouest de la Côte d’Ivoire, les
sous-préfectures de Facobly, Kouibly, Bangolo, Duékoué, Guiglo, Taï,
638
Raymond BORREMANS, Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte
d’Ivoire, Tome2, Abidjan NEA, 1986, p. 173.
639
Ce qui signifie « les gens de Man »
640
« Les gens de la Forêt »
641
Raymond BORREMANS, op.cit, p. 3.
642
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 39.
643
Le terme « guéré » est la forme altérée de « Gué min » qui signifie en langue
dan : les hommes de Gué. Cf. Capitaine Laurent, Monographie du cercle du
Haut Cavally, 1912, cité par Alfred SCHWARTZ, La mise en place des
populations guéré et wobé, in cahiers ORSTORM, vol4, 1968, pp.7-26. Le
terme wobé quant à lui est une déformation de l’expression « wè bè » qui
signifie dans la langue dioula qui signifie : « là-bas sont les Wê ». Idem, p. 8.
356 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Bloléquin et Toulépleu (situation administrativement 1980)
644
. Selon
les traditions et à l’observation, les Wobé et les Guéré, ne forment en
réalité, qu’un seul peuple, qui se donne le nom de Wè
645
. On retrouve
les mêmes populations, sur la rive droite du fleuve Cavally, au Libéria.
Elles y ont reçu le nom de Khran
646
.
Le peuple Wê a une structure socioculturelle très fragmentée mais
établie sous la forme d’une pyramide. Elle comprend des unités aussi
bien territoriales que familiales qui se composent de groupements
emboités les uns dans les autres. Ces unités sont constituées par
l’ensemble des individus appartenant à un même groupe qui descend du
même ancêtre. Cette descendance est patrilinéaire comme chez leurs
voisins Dan. Par contre, les unités territoriales comprennent une
confédération guerrière, un groupement de guerre ou d’alliance. Les Wê
ont en commun avec les Dan certains aspects socioculturels. Il s’agit de
la religion basée sur le culte des ancêtres et l’adoration des esprits à
travers les masques. Tout comme chez les Dan, l’oralité constitue le plus
important moyen d’éducation du jeune Wê.
Par ailleurs, il convient de noter que les structures socioculturelles
des Wê sont très complexes du fait que les groupes sont plus
fonctionnels qu’institutionnels, plus vécus que pensés. SCHWART écrit
à cet effet que « L’organisation de la vie Wê ne se fait jamais selon un
schéma unique, mais reflète les conditions spécifiques dans lesquelles
s’est développée la communauté ».
Après cette brève présentation de ces deux peuples voisins
présentant plusieurs points culturels communs, interrogeons-nous
maintenant sur les raisons qui les poussent à s’affronter au point que,
même devenus chrétiens, ils ne parviennent pas à s’accepter
mutuellement.
644
L'histoire du peuple Wè fawan.org
Gilbert GONNIN et René Kouamé ALLOU, op.cit, 43.
646
L'histoire du peuple Wè fawan.org.
645
Rivalités Dan et Wê
357
Les causes des conflits entre les Dan et les Wê sont nombreuses et
remontent à la période de leur installation dans l’ouest ivoirien. Une
tradition orale recueillie par Angèle GNONSOA, confirme l’ancienneté
des hostilités entre ces deux peuples :
« Il y a très longtemps, dans une région que l'on peut localiser
dans le sud de l'actuelle République Populaire et Démocratique
de Guinée, vivait un roi puissant et méchant. Ce roi, chaque fois
qu'une de ses femmes donnait naissance à un enfant de sexe
masculin, immolait un de ses notables.
Ce fameux monarque avait pour nom Guila VOGUI. Une des
femmes du monarque était sur le point d'accoucher, et si jamais
elle donnait le jour à un petit prince, c'était le tour du notable
Bhila DJOMI de perdre la vie. Bhila DJOMI, sentant approcher
le jour funeste, prit une décision. Il réunit un conseil de famille et
demanda à tous les siens de se préparer à fuir le roi cruel. Par
une nuit noire, le notable et tous les siens quittèrent le village,
emportant les provisions et les biens qu'ils pouvaient prendre.
Son fils héritier, du nom de WE Gnanpè, conduisait avec lui le
lignage en fuite.
Après plusieurs jours de marche forcée, les provisions étaient
épuisées. Ils étaient au pays du roi Yacouba, DAN Zogoin. Bila
DJOMI a demandé et obtenu l'hospitalité du chef Yacouba. Ce
dernier leur a offert de la place pour s'installer et des terres pour
leurs cultures. Les deux communautés vivaient en si bonne
entente que WE Gnanpè a été nommé chef de l'armée de DAN
Zogoin. Il a conquis des territoires et des biens pour ce roi.
Après la mort de Bhila DJOMI, WE lui a succédé en tant que
chef du lignage.
À la mort de DAN Zogoin, WE voulut s'emparer du pouvoir et
devenir l'unique chef des Yacouba et des siens. Ce fut l'occasion
d'une guerre dont les Yacouba, plus nombreux sortirent
358 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
victorieux. WE Gnanpè fut chassé avec les siens. Ils reprirent
leur migration vers le sud à la recherche de nouvelles terres. Wè
étant leur chef, ils sont alors connus sous le nom de Wègnon :
des gens de Wè ou Wè tout simplement» 647.
Cette tradition orale est d’une grande et d’une véritable valeur
historique d’autant plus qu’elle nous renseigne objectivement sur
l’arrivée des Wê en Côte d’Ivoire et sur l’ancienneté des relations
conflictuelles qu’ils entretiennent avec les Dan.
Les causes des conflits Dan et Wê sont d’abord d’ordre existentiel.
« La lutte pour l’existence est l’une des causes qui met les différents
groupes aux prises. Chaque tribu, outre la lutte qu’elle devait mener
pour son existence contre la nature, devait soutenir une concurrence
contre l’autre »
648
. C’est pourquoi, à la suite des rivalités et des
collisions d’intérêts, de multiples guerres ont éclaté entre les Dan et les
Wè dans les régions des villages de Souampleu, Yèleu et Guiétouo
649
.
La recherche de l’honneur et de la réputation est aussi à la base des
guerres tribales. DAVIE écrit à ce sujet : « la guerre constituait un
procédé instantané pour s’attirer des distinctions, car les vertus
militaires étaient honorées et portées aux nues »
650
.
Les hommes prenaient plaisir aux guerres parce que, dans ces
sociétés, les femmes aimaient les hommes qui ont donné des preuves de
leurs prouesses, et les accueillaient avec les hymnes de louange. C’est
ainsi que deux héros, KPAYON et GANGBEI, issus respectivement de
l’ethnie Wè de Dan, se sont lancés par le passé, des défis qui, ont
647
L'histoire du peuple Wè, Propos formulés par l' Honorable Angèle
GNONSOA, fawan.org.
648
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, 42.
649
Enquête orale réalisée par Gilbert GOUENTOUEU auprès de Mahan
GLOUGBEU, notable, notable à Gouakatouo, Tieu YIANGBEU, notable à
Yeleu et Toueu, planteur à Gouakatouo en 1992.
650
DAVIE, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 42.
Rivalités Dan et Wê
359
finalement abouti à des guerres entre ces deux ethnies dans la région de
Toulépleu à l’ouest de la Côte d’Ivoire
651
.
Les rapts des femmes ou les mauvais traitements infligés aux
ressortissants de l’une de ces ethnies pouvaient occasionner des conflits
entre les deux peuples. La religion se présente aussi comme l’une des
causes des guerres tribales parmi les peuples primitifs dont faisaient
partie certainement les Dan et les Wê ; SUMNER écrit : « A toutes les
époques, la religion a conduit l’homme à la guerre autant qu’a la paix,
et dans les sociétés primitives, elle a exercé une influence très
grande »
652
.
C’est ainsi que les violations des lieux sacrés et de certains interdits
relatifs aux pratiques religieuses, ont toujours engendré des guerres entre
les Dan et les Wê.
Il y a aussi des causes psychosociologiques des guerres parmi les
peuples primitifs. Il est dit que : Chez ces peuples, toute personne d’un
village situé au-delà du sien, était par lui dévisagé comme un étranger, et
par conséquent, un ennemi.
Ces causes expliquent pourquoi il existait d’incessantes luttes armées
entre les Dan et les Wê à cette époque. Chacun des deux peuples
regardait l’autre comme un étranger, et par conséquent, un ennemi à
combattre. Les qualificatifs tels que mangeurs de signe, incirconcis,
grimpeurs de palmiers et d’autre encore, étaient des épithètes de mépris
et d’abomination qui causaient souvent les guerres
653
. Il s’agissait de
véritables affrontements au cours desquels la maxime : « A la guerre
comme en amour tout est permis, est loyal » était suivie à la lettre.
Dans les guerres de subsistance, la collision pouvait être légère et
sans importance si les ressources étaient abondantes pour peu
d’hommes. Mais dans le cas contraire, les deux peuples se livraient un
651
Entretien avec KAKA, planteur à Gouakatouo. Cf. Gilbert GOUENTOUEU,
op.cit, pp.42-43.
652
SUMNER, cité par DAVIE, op.cit, p. 221.
653
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 43.
360 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
combat sans merci. Dans d’autres situations, les attaques se faisaient
sous forme de guérillas au cours desquelles on faisait des prisonniers
parmi les hommes
654
. Ces guerres entre les Dan et les Wê avaient des
conséquences terribles telles que les tueries et les incendies de
villages
655
.
Les guerres avaient créé une telle haine entre les Dan et les Wè
qu’aucun élément de deux ethnies ne pouvait, sans risque, tenter de
visiter le territoire de l’autre. Il fallut attendre la colonisation et l’arrivée
de l’Evangile pour que les guerres ethniques cessent, laissant la place à
la haine et au mépris entre les deux peuples.
13.2 Les causes immédiates
Elles sont en fait le prolongement des causes profondes, tant elles y
sont liées. Même devenus chrétiens, Dan et Wê n’ont pas sincèrement
enterré la hache de guerre. Avec l’arrivée de l’évangile, et surtout la
naissance de l’UEESO-CI, les ethnies Dan et Wê, véritables ennemies
d’autrefois, se retrouvèrent au sein des mêmes communautés. La
structure de regroupement pratiquée par l’UEESO-CI en remplacement
de celle des districts installée par les missionnaires, ne tenait plus
compte des limites ethniques
654
656
. Cette nouvelle cohabitation, malgré
Idem.
Bien que ces guerres aient eu lieu à des périodes reculées où les sciences de
statistiques n’étaient pas encore développées, les traditions orales s’accordent à
dire qu’il y a eu beaucoup de mortalités. Dans le canton de Yoroleu, au Sud de
la ville de Danané, la toute dernière guerre entre les Dan et les Wè a anéanti la
presque totalité des guerriers présents à cette bataille.
A cause des guerres, un village Dan reçut le nouveau nom de Guiétouo, ce qui
signifie « sur brûlis », car ce dernier avait été plusieurs fois incendié par les Wè.
Ce même village fut contraint de se décharger de son titre royal sur un autre clan
de la tribu dan, afin de mieux se consacrer à la guerre.
656
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 50.
655
Rivalités Dan et Wê
361
son fondement biblique, n’a pas toujours pu maîtriser les vieux conflits
endormis.
Les soupçons et la recherche de l’honneur constituent les raisons
essentielles des conflits entre ces deux peuples majoritaires à l’UEESOCI.
D’abord, le vieux sentiment d’ennemi a fini par instaurer un climat
de méfiance entre ces deux groupes. Le moindre geste de l’un est
interprété par l’autre sous un prisme ethnique. Chacun est sur ses gardes
et on attend toujours le moment favorable pour agir.
En 1977, après la fête du cinquantenaire de la MBCI, plusieurs
chrétiens furent informés du détournement par deux pasteurs Wê d’un
fonds d’une valeur d’au moins un million de francs provenant de la
vente des pagnes confectionnés à cette occasion. L’un d’eux fut
remplacé par un autre pasteur Dan. Cette situation provoqua une grave
crise entre les chrétiens de ces deux communautés. Les Dan accusant les
Wê de détourneurs de fonds, et les Wê soupçonnant les Dan de complot
pour leur arracher ce poste important. Des attaques verbales, des
menaces furent proférées de part et d’autre par les chrétiens Dans et
Wê
657
.
De 1980 à 1986, un autre responsable Laïc de la tribu Wè, accusé de
mauvaise gestion du Cours Secondaire Protestant de Daloa, fut licencié,
malgré son dynamisme qui lui avait permis de changer cet établissement
en un lycée de renommée nationale. Il fut frappé par une sanction. Dès
lors, un conflit s’engagea entre lui et les dirigeants de l’UEESO-CI.
Cette décision provoqua beaucoup de troubles, et les chrétiens Wè de
son Église eurent des confrontations avec certains Dan de la même
paroisse
657
658
658
.
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 50.
GBEADA Jonas, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 51.
362 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
En fait, à l’UEESO-CI, le sentiment ethnique est tel que chaque
individu est assimilé à son groupe ethnique, et on soupçonne toujours
l’autre de vouloir faire le mal.
La recherche de l’honneur constitue aussi l’une des causes des
conflits Dan et Wê à l’UEESO-CI. Chacun des deux peuples se croit
supérieur et exige de l’autre le respect. « En se référant aux événements
guerriers qui ont opposé les deux tribus dans le passé, certains chrétiens
Dan et Wè se considèrent les uns et les autres comme d’anciens
esclaves »
659
.
Nantis de ce préjugé, ils adoptent un comportement de supériorité
qui engendre souvent des conflits, car de part et d’autre, aucun d’eux
n’accepte d’être sous l’autorité de ceux qu’ils considèrent comme leurs
anciens esclaves. Aussi, lorsque l’on regarde la composition ethnique
des pasteurs à l’UEESO-CI, on se rend compte d’une forte proportion de
Dan. Gilbert GOUENTOUEU écrit à cet effet : « En retraçant l’histoire
de l’UEESO-CI, nous nous rendons compte que Dieu a suscité beaucoup
d’évangélistes et de pasteurs du milieu Dan. Les Wè étaient orientés
vers l’administration des œuvres médico-scolaires.»
660
Cette majorité Dan dans le ministère postal et dans les organes de
décisions de l’Église est souvent source de conflits. Le mode de
désignation des responsables étant par vote, les Dan cherchent à se
maintenir au pouvoir en jouant sur la supériorité de leurs compatriotes
dans l’Église. Cela crée un malaise chez certains de leurs frères Wè.
« La situation conflictuelle s’accentue quand des responsables Dan se
prennent pour les seuls héritiers de l’Evangile ou des hommes
parfaits »
661
.
Ces différentes raisons expliquent pourquoi les chrétiens Dan et Wê
entretiennent très souvent des relations conflictuelles à l’UEESO-CI.
659
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 53.
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 50.
661
Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 53.
660
Rivalités Dan et Wê
363
Comment ces rivalités se manifestent-elles ?
13.3 Les manifestations des rivalités entre les Dan et
les Wê
Les manifestations des rivalités Dan et Wê à l’UEESO-CI sont
souvent très choquantes. Elles vont des disputes entre fidèles ou
responsables à de véritables affrontements faisant souvent intervenir le
pouvoir temporel. En 1977, suite à l’affaire des pagnes du jubilé, le
pasteur GLAO, un Wê, fut mis sous discipline. De sérieux troubles
éclatèrent dans l’Église de Man poussant le missionnaire HUSSER à
écrire ce qui suit : « Au moment de la mise sous discipline, une véritable
guerre tribale éclata. Le pasteur fautif et les gens de sa tribu accusèrent
violemment les Dan de s’être alliés aux Blancs pour faire complot
injustement » 662.
La situation était tellement tendue que plusieurs voix se firent
entendre, entre autre celle de ce missionnaire :
« Nous avons reçu votre lettre circulaire au sujet de la situation
de l’église de Man et nous vous remercions de nous avoir écrit
ces choses horribles. Que dire de tout cela ? Que dire ? Ce
pasteur est réellement devenu un instrument du diable et s’il
n’est pas freiné, il massacrera l’église de Man, du moins coté
Wê. Une plus forte séparation Wê et Dan sera également
inévitable. Quiconque a un tout petit discernement n’ira plus à la
nouvelle chapelle mais à l’ancienne ou alors quelque part en
brousse pour le culte ... c’est incroyable, absolument fou.
Comment un bon serviteur de Dieu peut devenir en si peu de
662
HUSSER, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 54.
364 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
temps et seulement par orgueil un ouvrier de Satan ! C’est
vraiment le cas de Saül ou pire encore ! » 663
Cette correspondance met à jour la gravité des rapports conflictuels
entre Dan et Wê à l’UEESO-CI.
Une décennie plus tard, une autre crise ethnique survient, affectant la
communion entre les chrétiens de la région de Man. Il s’agit de la
division de la cette région en deux régions distinctes : Man nord et Man
sud. Suite à des incompréhensions et problèmes de leadership, la région
de Man sera divisée en deux
664
. A voir de près, les raisons évoquées ont
une coloration ethnique puisque, cette division met d’un côté les Dan à
Man Nord et les Wè à Man sud
665
. Comme le souligne Gilbert
GOUENTOUEU, « Il s’agit d’une crise ethnique qu’on essaie de
couvrir par d’autres raisons qui ne sont toujours pas fondées ».
Car on évoque le fait que les Yacouba de l’Église de Man accusent
les Wobé d’avares, de gens qui ne donnent rien pour le soutien des
serviteurs de Dieu 666.
La manifestation de ces conflits se voit aussi à l’occasion des
rencontres entre serviteurs de Dieu. Ainsi, comme le souligne le pasteur
Agée de Kouibly :
« Même pendant les Assemblées, lorsque les meilleures
propositions ne viennent pas de notre groupe ethnique, nous les
rejetons simplement parce qu’elles ne viennent pas de nous et
vis-versa. C’est la même réalité avec les partis politiques
663
Correspondance de MIMTZENHEIN, ancien missionnaire à Man, Archives
de l’Union (non classées).
664
Rodrigues KAYA, op.cit p. 70.
665
Les notions de nord et de sud ici ne sont pas forcément liées à
l’emplacement géographique car certaines Églises de Man nord e retrouvent
géographiquement derrière celle de Man sud. Les communautés des Quartiers
Thérèse et Grand gbapleu par exemple.
666
Rodrigue KAYA, entretien du 26-03-2013 à 15h.
Rivalités Dan et Wê
365
africains où l’on adhère non à cause de la pertinence de
l’idéologie, mais par affinité ethnique » 667.
667
Entretien avec le pasteur Agée en 2009.
14
LES RIVALITÉS DAN ET WÊ :
INSUFFISANCE DE LA CONVERSION OU
ÉCHEC DE LA CHRISTIANISATION
Les différents motifs cités plus hauts donnent lieu souvent à de
véritables querelles qui traduisent, d’une part, l’échec de la
christianisation du sud-ouest par la Mission biblique et, d’autre part,
l’insuffisance de la conversion chez les croyants Dan et Wê.
14.1 Les rivalités entre les Dan et les Wê, un échec de
la christianisation
Les rivalités Dan et Wê à l’UEESO-CI traduisent un échec de la
christianisation de l’ouest ivoirien, entreprise par la MBCI et poursuivie
par les pasteurs et évangélistes locaux. Si l’objectif de la mission
chrétienne est d’aboutir à une Église dans laquelle il n’y a ni Juif, ni
Grec, ni Wê, ni Dan, au regard des nombreuses crises ethniques que
traverse l’UEESO-CI, l’on est en droit d’affirmer que la MBCI a échoué
dans cette mission.
D’emblée, la forte présence de ces deux ethnies à l’UEESO-CI a fini
par donner à cette Église un caractère régionaliste et ethnique. Cette
situation va engendrer des conséquences néfastes empêchant une bonne
pratique religieuse. Le premier impact du caractère régionaliste de
l’UEESO-CI, c’est l’impossibilité d’étendre l’action missionnaire. On
entend souvent dire, comme le remarque Rubin POHOR, telle Église est
368 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« L’église des Yacouba, l’église des Baoulé, l’église des Gouro »
668
et
non plus l’Église de Jésus Christ. Aujourd’hui, après près de cent ans
d’existence, l’UEESO-CI reste inconnue de plusieurs Ivoiriens. C’est
seulement quelques chrétiens des Églises sœurs et des personnes ayant
fait l’ouest du pays qui en ont une connaissance, souvent vague
669
.
Le partage tacite de la colonie de Côte d’Ivoire entre les sociétés
missionnaires a créé dans le protestantisme ivoirien ce que Daniel
BOURDANE appelle le dénominationnalisme
670
qui a plusieurs
impacts sur la vie de l’Église.
« On s’est trouvé devant des églises ethnicisées et exclusivistes.
En Côte d’Ivoire par exemple, la CMA sera liée à l’ethnie Baoulé
au centre, et l’UEESO-CI aux ethnies Dan et Wê à l’ouest. Au
Tchad, les Assemblées chrétiennes(ACT) sont liées à l’ethnie
Mbaye
et
Gambaye. »
l’Église
Évangélique
au
Tchad
à
l’ethnie
671
L’une des conséquences est de voir chaque dénomination traîner
derrière elle toutes les tares du groupe ethnique dont elle est le reflet
672
.
Une affection filiale naquit alors entre les missionnaires et les
communautés et les Églises qui les soutenaient et auxquelles ils
rendaient compte. De ce paternalisme naquit donc le sentiment
d’appartenance à une œuvre commune et le souci de préserver
jalousement les rapports filiaux. D’où le protectionnisme des
668
Rubin POHOR, cité par Rodrigues KAYA, op.cit, p. 66.
Au tout début de ce travail, nous avons procédé à une petite enquête en vue
déterminer le degré de popularité de l’UEESO. Moins de 10 % des peronnes
interrogés en avaient une connaissance, d’ailleurs souvent erronées. Certains
l’assimilait « ces ministères chrétiens qui naissent partout aujourd’hui », d’autres
l’assimilaient à une société.
670
Daniel BOURDANNE, Les évangéliques d’Afrique qui sont-il ?, Abidjan,
PBA, 1998.
671
Daniel BOURDANNE, op.cit, p. 20.
672
Idem.
669
Rivalités Dan et Wê
369
missionnaires qui encouragèrent la création d’association nationales
sous forme de dénominations. « Ainsi, au delà de l’unité prônée,
l’évangile fut prêché aux Ivoiriens avec les particularismes issus des
querelles et des divisions des églises d’origine des missions »
673
.
A l’UEESO-CI, l’une des caractéristiques de ce paternalisme est la
forte dépendance de l’Église vis-à-vis de la Mission Biblique. Déjà en
1970, 10 ans après l’autonomisation de l’UEESO-CI, Jean GLAO, alors
président de cette communauté, dans une lettre à la Mission Biblique
écrit :
« L’église
africaine
a
encore
grandement
besoin
de
missionnaires…son développement est freiné faute de personnel
qualifié. C’est avec le cœur serré et les larmes aux yeux que nous
constatons la rareté de vocations missionnaires pour la Côte
d’Ivoire »
674
.
Dès lors, la formation reste longtemps aux mains des missionnaires
blancs qui agissent sous la direction de l’UEESO-CI. Au niveau
financier, tous les projets de développement sont financés par la MBCI,
les traitements des pasteurs sont en partie assurés par la Mission. En
contrepartie, l’UEESO-CI ne peut rien décider sans l’accord de la
Mission Biblique, de peur de perdre son soutien. Une décision
importante, pour qu’elle soit applicable, doit être approuvée par la
Mission Biblique. Ainsi, la base doctrinale de l’UEESO-CI de 1982,
avant sa mise à la disposition des chrétiens, a du être approuvée d’abord
par les comités européens de la MBCI
675
.
C’est pourquoi, en 1981, à la suite de la grave crise qui allait
entrainer la naissance de l’Église du Réveil, Jean GLAO, dans sa lettre
de démission dénonce ce paternalisme qu’il présente comme « le
673
Kognon KEO, op.cit, p. 87.
Jeanne DECORVET, p.249.
675
Voir la déclaration du 21 septembre 1982 de Jaques BLOCHER relative à la
base doctrinale de l’UEESO, archives de l’UEESO, non datées.
674
370 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
téléguidage des autres (comités européens) »
676
avant de conclure :
« Je ne veux pas être une photocopie d’une mission ou d’une
organisation, mais une copie de Jésus-Christ et de sa parole »
677
.
Le caractère régionaliste de l’UEESO-CI n’a pas favorisé son
extension. Elle est restée une Église dénominationnelle avec deux
ethnies majoritaires toujours en opposition. La mainmise officieuse de la
mission-mère ou la forte dépendance de l’UEESO-CI de la MBCI ne la
rend pas suffisamment responsable d’où son manque d’ambition.
Aussi, l’incapacité de la Mission de bouter les rivalités entre les
peuples Dan et Wê hors de l’Église constitue une véritable preuve de
son l’échec. En effet, ces rivalités sont des rivalités locales anciennes
que la Mission n’a pas su ou pu éteindre. Elle a même souvent favorisé
son embrasement à travers des prises de position ou des déclarations
partisanes comme celles de ce missionnaire : « Le pasteur fautif et les
gens de sa tribu accusèrent violemment les Dan de s’être alliés aux
Blancs pour faire complot injustement »
678
.
L’autre responsabilité des missionnaires se situe au niveau de la
formation et de la gestion des communautés et des serviteurs de Dieu.
Pendant 35 années d’activités missionnaires dans le sud-ouest ivoirien,
la MBCI n’est jamais parvenue à inculquer aux fidèles UEESO-CI une
mentalité chrétienne caractérisée par une communion fraternelle
sincèrement vécue.
Quant au niveau des serviteurs, la qualité de leur formation reste à
désirer. Entrés dans les écoles bibliques avec un niveau élémentaire pour
la plus part, ils en ressortent sans une véritable connaissance de la Bible.
676
Jean GLAO, Lettre de démission adressée aux membres de l’assemblée des
responsables de la région d’Abidjan, 24 avril 1981. Cf. Archives de l’Union, non
classées.
677
Idem.
678
HUSSER, cité par Gilbert GOUENTOUEU, op.cit, p. 54, à propos du
problème des pagnes du jubilé de 1977.
Rivalités Dan et Wê
371
Le bas niveau d’instruction les oblige à ne travailler que parmi les gens
de leur ethnie pour éviter les difficultés de communication.
En définitive, la Mission a plus mis l’accent sur la quantité que sur la
qualité des convertis, c’est fondamentalement, ce qui explique cet échec.
Si les missionnaires n’ont pas pu jouer convenablement leur rôle
comme nous l’avons vu plus haut, quelle est cependant la responsabilité
des convertis eux-mêmes dans cette situation conflictuelle ?
14.2 Une insuffisance de la conversion
Etant majoritairement composé de Wê et de Dan, peuples guerriers,
l’Église se trouve sur une sorte de braises, facilement attisées par
n’importe quel différend
679
.
« Si tel est le cas, il se pose un problème existentiel et identitaire.
Existentiel parce que la vie, le quotidien et les collaborations
sont entourés de contingences qui biaisent l’harmonie et donnent
d’avoir une mauvaise lecture des événements. Facilement un
problème individuel est vu comme un problème de groupe ».
Le problème existentiel relève impérativement la question de la
nouvelle identité du chrétien. Qui est-il en réalité et que devient-il après
sa conversion ? Peut-on vraiment attester que la conversion est sincère
chez les chrétiens Wê et Dan ?
En vérité, en considérant l’ampleur des conflits qui opposent ces
deux peuples, l’on est en droit d’affirmer que leur conversion est une
conversion superficielle.
Lors des oppositions entre les chrétiens des ethnies Dan et Wê à
l’UEESO-CI, des fidèles se sont livrés à des injures, à des bagarres, ils
ont préféré l’esprit partisan et de division au lieu de l’unité prônée par
l’Église. Des groupements sur la base ethnique sont nés au sein de
679
Rodrigues KAYA, op.cit, p. 58.
372 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’Église et les choix des leaders ne se font plus sur la base de la
compétence mais plutôt sur celle de l’appartenance ethnique et de
l’esprit d’agressivité et de combativité
680
. L’harmonie de la vie
chrétienne a cédé la place aux calomnies, aux critiques, à la jalousie, à la
haine, à toutes sortes de pratiques contraires aux prescriptions
bibliques
681
. Les conflits ont aussi instauré un climat de méfiance entre
responsables Wê et Dan, ce qui constitue un véritable frein à la
communion fraternelle. L’image de l’Église est ternie aux yeux du
monde bloquant ainsi l’avancée de l’évangile. Puisqu’il n’y a pas
d’entente, il n’y a aussi aucune politique de développement de l’Église
véritablement concertée et tout l’héritage missionnaire est tombé en
ruine. Certains dirigeants cherchent à s’enrichir à tout prix, soit en
procédant à des détournements de fonds, soit en vendant ou en
confisquant des biens de l’Église. Ces nombreux problèmes empêchent
l’Église de se développer normalement.
« Si ces problèmes réussissent à gangrener une telle communauté
l’on est en droit de se demander si la vision de la vie
communautaire est bien perçue par l’ensemble des fidèles et de
l’autre côté, si elle est bien enseignée par les pasteurs. En effet la
nouvelle communauté à la quelle appartient tout enfant de Dieu a
des préalables.
La chair prend le dessus dans la résolution des conflits et des
préjugés liés à l’appartenance ethnique refont surface : les Bété
aiment palabres ; les Yacouba sont hypocrites ; les Wê aiment
l’argent… » 682
680
Gilbert GOUENTOUEU, Les conflits tribaux dans les Églises africaines, cas
de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, op.cit, p.
50.
681
Idem.
682
Rodrigues KAYA, op.cit, p. 58.
Rivalités Dan et Wê
373
Concernant les Dan et les Wê, une opposition quasi permanente a
lieu. Une lutte qui ne dit pas son nom persiste et se fait constater par des
paroles et actes. Il s’agit d’une lutte qu’il faut repérer dans le domaine
existentiel et identitaire. Là où l’un existe, l’autre n’est pas le bienvenu
et vice-versa. Les procédures souvent engagées dans la résolution des
conflits placent les frères d’emblée dans des postures antagonistes qui
réduisent les chances pour une réconciliation vraie
683
. La notion de la
communauté étant brisée, le leadership règle les conflits avec des
démarches qui diabolisent autrui dès le départ.
En somme, la conversion des Dan et des Wê à l’UEESO-CI est loin
d’être sincère. Loin d’avoir abandonné les anciennes mauvaises
pratiques, ils constituent de véritables pierres de chute pour les autres
frères.
La présence permanente aux programmes de formation et aux cultes
n’est pas suivie par une véritable communion fraternelle. Chacun a
conservé sa vieille nature et la vieille rivalité ethnique s’est transposée
sans difficultés dans l’Église.
Ce chapitre que nous venons de développer nous a conduit au cœur
des crises ethniques qui opposent dans l’Église UEESO-CI les chrétiens
issus des ethnies Wê et Dan. Nous avons interrogé l’histoire vécue de
ces deux peuples et avons compris qu’il s’agit d’un conflit très ancien
que ni la colonisation, ni la mission chrétienne n’ont pu éradiquer
définitivement. Même devenus chrétiens, les Dans et Wê se sont
toujours regardés en chiens de faïence.
Au sein de l’église ils se sont livrés à des campagnes de
dénigrement, à des oppositions farouches sur des petits détails, ont
fragilisé la communion fraternelle et terni l’image de l’Église. Toutes
choses qui porte à croire que ces deux ethnies n’ont rien compris de la
notion de conversion qui prône l’unité constructive en Christ au
683683
Idem.
374 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
détriment du sentiment ethnique ou tribal qui ne fait que l’apologie d’un
groupuscule de la grande famille humaine.
QUATRIÈME PARTIE
DE LA CRISE DOCTRINALE LATENTE DE
1974 A LA RUPTURE DE 1982
En 1973, un événement pourtant externe à l’UEESO-CI va jeter les
graines de la division au sein de cette communauté encore très fragile, à
cause de la non qualification des responsables. Il s’agit de la croisade de
GIRAUD. Son mouvement, qui s’étendit de manière brusque, atteignit
toutes les dénominations évangéliques. L’UEESO-CI en fut finalement
le premier bénéficiaire. Mais les pratiques de GIRAUD, d’obédience
pentecôtiste, vont faire l’objet de mésentente entre les responsables.
Dès lors commence une crise doctrinale, d’abord latente, qui va
éclater en 1982.
15
L’ACCUEIL MITIGÉ DU MOUVEMENT
PENTECÔTISTE EN CÔTE D’IVOIRE
L’aventure du pentecôtisme en Côte d’Ivoire, qui connut un essor
particulier au lendemain des indépendances politique, fera l’objet d’une
véritable controverse. Mais son pragmatisme et sa conformité aux
aspirations des populations ivoiriennes vont accroître son aura et lui
permettre de s’implanter solidement.
15.1 Le mouvement pentecôtiste et son implantation
en Côte d’Ivoire
15.1.1 Bref aperçu du mouvement pentecôtiste
Le pentecôtisme
684
est apparu aux États-Unis au début du XXe siècle
et trouve son origine dans deux « réveils »
684
685
religieux vécus par
Il est difficile d’établir avec précision des contours de ce mouvement
protestant. C’est donc à raison que Jean-Paul WILLAIME affirme que : « le
pentecôtisme est un monde religieux dont il n’est pas facile d’établir les
contours. Les églises et groupes religieux qui dans les cinq continents, s’en
réclament et / ou que l’on peut ranger sous ce vocable sont d’une extrême variété
et chaque cas mérité une étude approfondie » Cf. Jean-Paul WILLAIME, « Le
pentecôtisme, contours et paradoxe d’un protestantisme émotionnel », Archives
des Sciences Sociales des Religions, n°105, Janvier-février 1999, pp.5-28, p. 5.
685
Le terme « réveil » est fréquemment utilisé pour signifier la re-naissance
vécue suite au baptême de l’Esprit Saint.
378 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Charles F. PARHAM et William J. SEYMOUR
686
. Il se rattache aux
enseignements de John WESLEY et aux pratiques méthodistes sur la
sanctification comme expérience subjective de la conversion. Mais il se
distingue au sein de la grande famille des protestants évangéliques par sa
doctrine du baptême dans l’Esprit et son insistance sur la réactualisation
des charismes de l’Église primitive »
687
. La volonté des premiers
pentecôtistes était de revenir aux sources de l'Église primitive et de
revivre l'expérience des temps apostoliques, plus particulièrement du
jour de la Pentecôte.
La particularité théologique des pentecôtistes est de penser qu'en
plus de la présence du Saint Esprit dans le croyant à travers la nouvelle
naissance, il y aussi un revêtement de puissance communiqué lors d'une
expérience particulière appelé baptême de l'Esprit. Gabriel TCONANG
remarque à cet effet :
« Il reste avéré que le baptême dans l’Esprit reste et demeure la
clé de voute du mouvement. Ce baptême se déploie et s’actualise
dans des manifestations charismatiques. L’individu se voit investi
de dons surnaturels se manifestant à l’extérieur par des signes
visibles, souvent d’ordre extraordinaire. C’est à l’Esprit Saint
que revient ce rôle. Tout est ici d’ordre pneumatologique. Sans
cette expérience du baptême dans l’Esprit, le pentecôtisme
n’aurait pas sa raison d’être. Il s’agit d’un investissement du
Saint Esprit dans le croyant qui le rend capable d’opérer de
686
Chiarella MATTERN, Approche transversale des Églises Pentecôtistes :
Introduction et perspectives, Université catholique de Louvain Faculté de
sciences économiques, sociales et politiques Année académique 2007 – 2008 ;
p. 2.
687
Laurent AMIOTTE-SUCHET, Pratiques pentecôtistes et dévotion mariale :
Analyse comparée des modes de mise en présence du divin, thèse de Doctorat de
sociologie, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes,
Section des sciences religieuses, 2006, p. 138.
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
379
manière peu ordinaire des actes de puissance. Le Saint Esprit en
est l’agent principal 688. »
Celui-ci confère au croyant des dons particuliers comme le parler en
langue, la prophétie ou la guérison divine. Ces dons de l'Esprit ou
charismes sont énumérés dans la première Epître de Paul aux
Corinthiens
689
. TCHONANG conclue que :
« Le pentecôtisme est une religion de l’expérience : l’expérience
du transcendant qui se donne à percevoir. La doctrine des
œuvres est ici de retour, mais aux antipodes de la doctrine des
œuvres avant la Réforme. Les œuvres sont ici celles du Christ par
et dans l’Esprit Saint et non celles du croyant. L’on part des
promesses du Christ au croyant, d’opérer comme lui des
prodiges et l’on déduit le caractère ordinaire de cette opération.
L’extraordinaire est du point de vue de celui qui se situe à
l’extérieur de la promesse. »
690
Relevons que cette approche purement pneumatologique du
pentecôtisme n’est pas partagée par l’ensemble des chercheurs. Ainsi
Steven A. Gritzmacher, Brian BOLTON et RICHARD H Dana, dans un
travail sur les traits psychologiques des pentecôtistes, trouvent dans la
glossolalie, élément essentiel du pentecôtisme, un défoulement
émotionnel et exutoire pour l’anxiété et l’angoisse :
« Les frustrations émotionnelles, écrit GRITZMACHER, sont
pratiquement inhibées jusqu’à ce qu’elles émergent dans le
comportement glossolalique. Dans l’histoire de ceux qui se
convertissent au pentecôtisme, l’on peut très souvent trouver des
688
Gabriel TCHONANG, L'essor du pentecôtisme dans le monde: Une
conception utilitariste du salut en Jésus-Christ dans le monde, Paris,
l’Harmattan, 2009, 446 p.., p. 153.
689
Voir 1Corinthiens 12 v1ss.
690
Idem. p. 177.
380 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
traits d’aliénation personnelle ou sociale concomitamment avec
des sentiments de culpabilité qui peuvent être soulagés pendant
la catharsis glossolalique. D’autres avantages thérapeutiques
incluent l’amélioration de l’estime de soi et la réduction de
l’anxiété en plus avec le facteur groupal qui joue un rôle dans le
processus de guérison en lien avec des actes individuels de
glossolalie 691. »
Pour Jean-Paul WILLAIME le pentecôtisme doit être conçu comme
une nébuleuse, « un concept régulateur à travers lequel divers groupes
expriment leur appartenance à un même monde religieux », « un réseau
d’Églises locales dépourvues d’autorité centrale et qui se regroupent au
sein d’organisations supralocales », « un protestantisme émotionnel qui
privilégie l’expérience religieuse hic et nunc par rapport aux énoncés
doctrinaux et liturgiques d’une quelconque tradition
692
». L’approche de
WILLAIME semble la plus complète et la plus objective surtout
lorsqu’il affirme que :
« Le pentecôtisme est un protestantisme émotionnel soulignant
l’immédiateté de l’action divine et son efficacité, offrant une
certaine plasticité doctrinale et liturgique et présentant une forte
capacité d’interaction avec les cultures religieuses. Une
expression
religieuse
qui,
en
fonction
des
moyens
de
communication qu’elle privilégie (hymnes, parlers en langues,
rêves, formes spontanées de cultes) s’avère particulièrement apte
à se couler dans des cultures et des langues très diverses
permettant à des individus d’être pleinement eux-mêmes, tout en
691
S. GRITZMACHER et alii, Psychological characteristics of Pentecostals, a
literature review and psychodynamic synthesis, in : Journal of psychology and
theology, 16, (1993), p. 238. cité par TCHONANG, op.cit, p. 166.
692
Jean-Paul WILLAIME, « Le pentecôtisme, contours et paradoxe d’un
protestantisme émotionnel », in Archives des Sciences Sociales des Religions,
n°105, Janvier-février 1999, pp.5-28, p. 14.
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
381
étant pentecôtistes. Une religion de l’émotion et de la puissance
à laquelle s’applique fort bien cette remarque de Durkheim dans
"Les formes élémentaires" (1912) : "Le fidèle qui a communié
avec son dieu n’est pas seulement un homme qui voit des vérités
nouvelles que l’incroyant ignore ; c’est un homme qui peut
davantage. Il sent en lui plus de force soit pour supporter les
difficultés de l’existence, soit pour les vaincre. Il est comme élevé
au dessus des misères humaines parce qu’il est élevé au dessus
de sa condition d’homme ; il se croit sauvé du mal, sous quelque
forme d’ailleurs qu’il conçoive le mal. Le premier article de toute
foi, c’est la croyance au salut par la foi" 693 ».
Ce mouvement religieux se situe dans les prolongements du
protestantisme
avec
lequel
il
partage
les
trois
affirmations
fondamentales : l’autorité souveraine de la Bible en matière de foi, le
salut par la foi qui est le don de Dieu et la force du témoignage intérieur
du Saint-Esprit
694
. Les Églises pentecôtistes se font les témoins de
« l'Evangile aux quatre angles » : Jésus sauve, baptise, guérit, revient.
695
Le pentecôtisme est rapidement marqué par une expansion mondiale et
un caractère transnational touchant d’abord l’Afrique et l’Amérique
Latine, pour se déplacer ensuite vers l’Asie et l’Europe
696
. Suivant les
sources, le nombre de Pentecôtistes classiques varie de 150 millions à
230 millions dans le monde. En ajoutant les Églises charismatiques et
néo-pentecôtistes et les Églises indigènes non blanches qui sont souvent
d'origine pentecôtiste, le recensement de juin 2000 avance le chiffre de
500 millions de fidèles.
On
remarque
697
donc
que
ce
nouveau
mouvement
touche
principalement les pays du Tiers-monde et connaît actuellement une
693
Jean-Paul WILLAIME, op. cit, p. 15.
Chiarella MATTERN, op.cit, p. 2.
695
www.protestants.org, consulté le 05-07.2012 à 16h.
696
Chiarella MATTERN, op.cit. p. 6.
697
International Bulletin of Missionary Research, in www.protestants.org.
694
382 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
réelle expansion le rendant aujourd’hui également présent au sein des
pays dits « développés ». A travers le temps, on remarque que les
Églises dites de Réveil ont toujours trouvé essentiellement écho auprès
des populations immigrées, paupérisées, analphabètes et souvent
victimes d’une série de mécanismes d’exclusion
698
. N’est-ce d’ailleurs
pas pour cette raison que Lalive D’ESPINAY affirme que :
« Le pentecôtisme est, d’une part, l’expression de la misère réelle
et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. C’est le
soupir de la créature accablée, le sentiment d’un monde sans
cœur, comme l’esprit des temps privés d’esprits 699. »
En Côte d’Ivoire, l’implantation de ce mouvement dès l’aube des
indépendances ne va pas être appréciée de la même façon par les
communautés religieuses déjà en place.
15.1.2 L’implantation du pentecôtisme en Côte d’Ivoire
« Si l’on excepte quelques efforts de missionnaires pentecôtistes
indépendants qui ont tous plus ou moins échoué (…) ce sont les
Assemblées de Dieu françaises qui furent les premiers
pentecôtistes à prendre pieds en Côte d’Ivoire » 700.
L’Église des Assemblées de Dieu s’implante en pleine période de
mise en valeur de la colonie de Côte d’Ivoire, d’après le pasteur
KOUDOU Zama Jérémie :
« En 1950, à la demande du Commandant Français Poupel et sur
convocation de Ino Gnepa, chef canton de Kpatokla, toute la
population se mobilise pour bâtir un pont sur la rivière Hana.
Après la fin de ces travaux, Gabriel Gnawé Gnepa de Beoué
(village de la sous-préfecture de Grabo) sera victime d’un
698
Chiarella MATTERN, op.cit. p. 2.
Lalive D’ESPINAY, cité par Chiarella MATTERN, op.cit, p. 2.
700
Charles Daniel MAIRE, op.cit, pp. 217-218.
699
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
383
empoisonnement. Voyant qu’il n’obtenait pas la guérison malgré
tous les soins qui lui étaient administrés, son entourage lui
conseilla d’aller au Libéria pour se faire soigner. Il s’y rendit
donc et rencontre son meilleur ami, Victor Teké Nowan, pasteur
à l’Église des Assemblées de Dieu du Libéria. Celui-ci, voyant
son état critique, lui parla de Jésus. Gabriel Gnepa confesse ses
péchés et reçoit le Seigneur Jésus-Christ comme son sauveur
personnel. Ensuite, le pasteur Nowan prie pour la guérison de
son corps. Rien d’apparent ne se produit. Mais le Seigneur Jésus
qui exauce toujours les prières touche Gabriel pendant son
sommeil. Le matin, il est guéri de son mal. Après sa guérison,
Gnepa revient dans son village natal pour rendre témoignage. Il
parle de sa guérison à Dibo Gbolé. Celui-ci accepte de se joindre
à lui. Dibo Gbolé avait une femme qui ne concevait pas. Mais
suite à la prière de Gnepa, elle conçoit et enfante une fille. Suite
à cela, plusieurs villageois abandonnent leurs fétiches et
viennent à Jésus-Christ. L’Église des Assemblées de Dieu en
Côte d’Ivoire venait ainsi de naître » 701.
A Abidjan, il semble que c’est grâce à des voltaïques, vivant en Côte
d’Ivoire, que l’Église a pu s’implanter, comme le relève le pasteur
SORO Michel :
« Entre 1956 et 1957, un frère du nom de Gédéon venu du
Burkina Faso, a évangélisé un groupe de personnes dont le vieux
Abraham, le frère N’guessan Emmanuel et d’autres.
Ceux-ci avec le frère Gédéon commencent des moments de prière
à Katadji où ils se trouvaient. Selon un témoignage, un jour
qu’ils étaient en prière, ils entendirent les anges chanter dans les
cieux preuve que Dieu était réellement avec eux. Quelques temps
701
Jérémie KOUDOU Zama, « L’Église des Assemblées de Dieu (origine de
l’Église) », Nos racines racontées, op.cit, pp.247-248.
384 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
plus tard ils créent par le biais de l’évangélisation porte à porte,
une cellule de prière à Adjamé, chez le vieux Abraham » 702.
Parmi ces premières communautés, travaillaient les missionnaires
français, M. et Mme Pierre LARQUERE
703
.
En 1973, à l’occasion de l’inauguration de leur nouvelle chapelle
d’Adjamé, les Assemblées de Dieu organisèrent une semaine
d’évangélisation avec le pasteur Jacques GIRAUD
704
. L’ampleur pris
par ce programme dépassa toutes les attentes et bouleversa l’ordre au
sein du protestantisme ivoirien
705
.
La réaction de l’Église catholique fut vigoureuse :
« Nos fidèles assistent en très grand nombre aux réunions
publiques du pasteur GIRAUD. Nous sommes donc parfaitement
au courant de tout ce qui s’y passe (…). Certains catholiques
commencent à dire que nous sommes des égoïstes. Vous avez,
nous disent-ils, le pouvoir d’en faire autant et vous attendez que
ce soit un étranger qui vienne guérir nos malades. Devant un tel
engouement, il est nécessaire que les fidèles fassent preuve d’un
sens critique d’adulte. (…). En l’absence de l’archevêque
d’Abidjan, Mgr YAGO, et de l’évêque auxiliaire Mgr YAPI (…),
j’ai demandé aux prêtres d’expliquer dans toutes les églises de
Côte d’Ivoire, le vrai sens des miracles (…), L’Église catholique
s’est toujours montrée prudente à l’égard des miracles. (…) "Les
malades, avant d’aller à Lourdes, passent au préalable des
702
Michel SORO, « Les Assemblées de Dieu, Histoire, Structures projets et
défis », in Nos racines racontées, op.cit, p. 248.
703
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 218.
704
Il y a une petite polémique sur les motifs de la présence de GIRAUD à cette
semaine d’évangélisation. Pour Charles Daniel MAIRE, GIRAUD était juste de
passage (Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 218), tandis que Michel
SOUMAHORO soutient que ce dernier a été invité spécialement pour organiser
des croisades vue l’affluence à cette cellule (Michel SORO, op.cit, p. 248).
705
Supra, 129.
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
385
consultations, sont suivis et fichés (…). Nous sommes dans une
époque où la science s’efforce d’expliquer rationnellement tous
les faits. L’Église doit suivre ce courant de pensée et elle croit de
moins en moins aux miracles. Je ne dis pas pour au moins que le
pasteur GIRAUD n’arrive pas à guérir certains malades » 706.
Les musulmans sont plus nuancés. Pour El Hadj Diakité, Iman d’une
mosquée de Treichville :
« Dieu peut se manifester sous différentes formes. Il peut se
manifester à travers cet homme dont on parle tant à travers la
ville. Je n’irais certainement pas me confier personnellement à
lui, mais je ne peux pas non plus dire aux musulmans de ne pas
aller le voir. Un homme qui parle de Dieu et de la foi, de l’amour
entre les hommes, a toujours droit au respect » 707.
Il semble que les méthodistes n’étaient pas portés à encourager le
mouvement. Mais comme beaucoup de méthodistes se rendaient au
stade, les responsables s’abstinrent de réagir jusqu’à ce que le pasteur
MABILLE de la paroisse du Plateau dans une prédication affirme sa foi
dans les miracles. Le message fut diffusé dans les Églises méthodistes et
de nombreux responsables de cette communauté purent se rendre à la
croisade
708
.
C’est surtout dans les milieux évangéliques et plus particulièrement à
l’UEESO-CI que la croisade va occasionner de graves problèmes. Ces
problèmes sont nés du fait que le mouvement GIRAUD n’a pas été
apprécié de la même façon par tous les responsables de l’Église.
706
Abbé COTY, vicaire apostolique, cité par J. KOUAME, I.D, n°119 du 20 mai
1993, p. 6.
707
El Hadj DIAKITE, cité par J. KOUAME, I.D, n°119 du 20 mai 1993, p. 7.
708
Voir Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 230.
386 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
15.2 Le succès du pasteur GIRAUD et la naissance
d’une fraction divergente à l’UEESO-CI : 1974-1980
La première attitude des missionnaires de l’UEESO-CI fut le
scepticisme voire la méfiance vis-à-vis du mouvement
709
. Mais très
vite, ce scepticisme fit place à une approbation surtout quand les
missionnaires se rendirent au stade et constatèrent que : « l’évangile est
prêché, le péché vivement dénoncé et la guérison à la seconde
place »
710
et comprirent que le mouvement d’opinion créait des
occasions inespérées pour la prédication de l’évangile. Et lorsque, par la
suite, des villages jusque là réfractaires à l’évangile arrivaient des appels
sur les stations missionnaires, les réserves furent mises à l’écart
711
.
Mais lorsque GIRAUD accepta d’étendre la croisade aux principaux
centres du pays, les problèmes commencèrent. Lorsqu’il se rendit à
Man, le malentendu entre GIRAUD et les responsables locaux de
l’UEESO-CI se produisit au grand jour. D’après un responsable local
interrogé par Charles Daniel MAIRE :
« Le Président de l’UEESO-CI désirait que M. GIRAUD ait
l’occasion de faire profiter nos serviteurs de Dieu de son
expérience. Ainsi, quand M. GIRAUD m’a proposé d’avoir une
étude biblique avec les responsables de la région de Man, j’ai
accepté et averti ces responsables qui étaient d’accord. Les deux
premières études se passèrent très bien (…) c’est quand M.
GIRAUD a abordé la nécessité de pratiquer la guérison dans
l’évangélisation que le désaccord s’est fait sentir. M.
BLEUKEUHOUA a exprimé ouvertement son désaccord et M.
GIRAUD lui a brusquement coupé la parole. (…) La réunion
s’est terminée par des prières fort bruyantes, des jeunes des A.D.
709
Idem.
Ibidem.
711
Plus de 40 villages se seraient ouvert à l’évangile pour le compte de
l’UEESO selon les responsables de cette église.
710
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
387
qui accompagnaient GIRAUD. Cela ne m’a pas plu et je suis
sorti ». 712
Deux éléments essentiels apparaissent comme les motifs du
désaccord.
Premièrement,
la
nécessité
de
pratiquer
la
guérison
dans
l’évangélisation. Deuxièmement, les prières bruyantes. Ces deux
éléments essentiels sont au cœur des crises qui minent l’UEESO-CI
jusqu’aujourd’hui. Les malentendus de 1974 à Man allaient provoquer la
naissance de deux tendances diamétralement opposées et ce malgré les
efforts de conciliation : les conservateurs ou l’Union et les progressistes
ou réformistes
713
ou encore appelés charismatiques.
Pour les conservateurs, il faut rester attacher à l’enseignement donné
par les missionnaires, au risque de les décevoir, vu les efforts qu’ils ont
consentis pour la naissance de l’UEESO-CI et rester fidèle aux textes de
l’Union.
Pour les réformistes, l’enseignement donné par les missionnaires est
incomplet. Plusieurs vérités bibliques sont restées cachées et il faut les
retrouver et les mettre en application.
En effet, d’après les propos d’un partisan recueillis par Charles
Daniel MAIRE :
« Nous avons vu
avec GIRAUD
des choses qu’aucun
missionnaire de la Mission Biblique ne nous avait jamais fait
voir. Il est impossible de rester indifférent devant ces foules de
gens attentifs et les transformations incroyables qui s’opèrent.
(…) GIRAUD est entièrement disponible et désintéressé. Il
travaille avec une certaine ardeur que je n’arrivais plus à le
suivre partout. (…) Quand il est quelque part, il se passe
toujours quelque chose. Nous étions invités à Siably pour
712
713
Voir Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 231.
Les termes de conservateurs, progressiste et réformistes sont de nous.
388 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
manger, une foule s’est immédiatement rassemblée. Une femme
possédée s’est approchée et M. GIRAUD a immédiatement
chassé le mauvais esprit. Cela se passe constamment. Sa foi en la
puissance de Jésus est bouleversante, sa façon de prendre les
promesses au mot, bouleversante. » 714 « Les leaders (laïcs,
pasteurs ou évangélistes) les plus pentecôtisants étaient aussi
ceux qui acceptaient le plus difficilement le contrôle plus ou
moins direct des missionnaires » 715.
Après le passage de GIRAUD, les charismatiques introduisirent ses
pratiques dans des Églises de l’Union (prophéties, parlers en langue,
prières d’ensemble…) au grand dam des conservateurs, d’où
l’éclatement d’une crise ouverte. Les charismatiques étaient soutenus
par le Pasteur GLAO, alors Président de l’Union et était quasiment
d’accord avec les pratiques de GIRAUD : « Sur le plan doctrinal, il est
vraiment biblique car il prend la parole de Dieu au pied de la lettre.
Selon lui, tout ce qui est consigné dans la Bible est la parole de Dieu,
donc il n’y a rien à négliger »
716
.
Sous son mandat, les charismatiques jouissaient donc d’une certaine
liberté d’action malgré l’opposition de certains pasteurs :
« En 1977, Il organisa en 1977 le jubilé de la Mission Biblique
qui, par les défilés au son des fanfares et les pagnes uniformes,
eut un retentissement dans tout le pays. En effet on distinguait les
chrétiens de la MBCI des autres dénominations et amenait les
païens à se donner au Seigneur. Il organisa aussi une
commission appelée C3 (commission des comités charismatiques
de Côte d’Ivoire). Cela provoqua les murmures selon lesquelles
714
Charles Daniel MAIRE, op.cit, p. 233.
Idem.
716
Jean GLAO, La campagne de M. J. GIRAUD, (appréciation de M. J.GLAO),
multigraphié, s.l.s.d.2 p.
715
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
389
il introduisait des pratiques anti-statutaires ainsi on l’ôta de la
tête de l’UEESO-CI » 717.
Il est clair que cette affirmation manifeste beaucoup de zèle à l’égard
de la thèse servie, mais il faut tout de même reconnaître que c’est à
partir de cette période que la crise à l’UEESO-CI a pris une dimension
inquiétante qui aboutira au schisme de 1982.
15.3 Le jubilé de 1977 et le début des tensions entre
l’Union et les charismatiques
L’année 1977 fut pour l’UEESO-CI une année mémorable. Cette
année là marquait le cinquantième anniversaire de la Mission Biblique
dont l’UEESO-CI est la « fille ainée
718
». L’année précédente, en 1976,
la Mission Biblique avait décidé de s’effacer définitivement devant
l’UEESO-CI qui devenait propriétaire de tous les biens de la mission.
Elle devait désormais gérer pour son propre compte les écoles primaires,
le collège protestant de Daloa, la pouponnière de Man, les foyers,
l’institut…
719
Le pasteur Jean GLAO, en accord avec les autres
responsables et la mission, organisa une grande fête pour célébrer « 50
ans de combat, d’épreuves, de victoire et de joie »
720
. Car en fait selon
GUENEMAN, J.C,
« Que de chemins parcourus ! Des vagues écumeuses et des
bourrasques s’étaient jetées contre la frêle embarcation qu’était
l’UEESO-CI. Elle avait tangué, oscillé mais elle était restée
solide, aussi solide qu’une citadelle ! C’était un miracle. Il fallait
marquer cela par de grandes réjouissances populaires : c’était le
jubilé du cinquantenaire, l’heureuse occasion pour les chrétiens
717
James KRABILL (Dir.), op.cit, p.251.
La MBCI a aussi des missionnaires ailleurs et particulièrement en Haïti.
719
Cf. Convention de Janvier 1976.
720
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit p. 147.
718
390 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
de témoigner de leur reconnaissance envers le Seigneur, le ToutPuissant qui, malgré les vents et marées, a tenu solidement et
jalousement dans ses mains les Églises de l‘UNION » 721.
La cérémonie d’ouverture placée sous la haute présidence du
Président de la République, était présidée par Mathieu EKRA, alors
Ministre d’État chargé de la réforme des sociétés d’État. Dans toute
l’Union, la fête débuta par un défilé grandiose. La Mission Biblique était
représentée par le Pasteur Marc ADGET de Paris. Le lendemain, la
cérémonie proprement dite débuta par l’importante et magistrale
allocution du Pasteur GLAO, mettant en exergue la foi audacieuse de
RICHARD et de sa femme
722
, la fidélité et la puissance de Dieu
723
.A
l’issu de ce jubilé, plusieurs problèmes se signalèrent. Le premier
concerne la gestion des pagnes uniformes du jubilé. Des hauts
responsables de l’UEESO-CI furent accusés d’avoir détourné l’argent du
pagne
724
.
Le second problème fut celui des charismatiques. A cause de ce que
pendant le jubilé de 1977, le Président de l’UEESO-CI, favorable au
mouvement avait favorisé la création d’une commission dénommée C3
ou Commission des Comités Charismatiques
725
. Selon le pasteur du
Réveil, Etienne O. : « Cette commission regroupait les différentes
dénominations pentecôtistes telles que les Assemblées de Dieu, la
721
Idem.
Il s’agit du couple RICHARD, pionniers français de l’UEESO.
723
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit,p 148.
724
Cette question est souvent évoquée par les responsables UEESO, mais aucun
d’entre eux n’ose citer des noms et expliquer clairement les faits. Même dans les
rapports des comités de l’Union, on évoque le problème sans commentaires.
Voir par exemple le rapport du Président du comité (1982), archives de l’Union,
non datées.
725
Etienne OULOUZI, L’Église Évangélique de Réveil en Côte d’Ivoire
(EERCI), in Nos racines racontées, op.cit, p. 252.
722
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
391
Mission Biblique, la WEC, les baptistes et les méthodistes qui
organisaient chaque année de retraites spirituelles »
726
.
Cette initiative mal acceptée provoqua des murmures comme quoi,
Jean GLAO introduisait dans la dénomination des pratiques antistatutaires
727
. Ce remous est aggravé par la crise économique des
années 1980 qui exposa l’Église à des problèmes financiers très sérieux,
donc à d’énormes difficultés dans le fonctionnement des œuvres.
L’enseignement protestant UEESO-CI était l’un des domaines les plus
touchés par cette situation d’où une régression inquiétante dans la
marche
des
écoles.
Les
difficultés
qu’elles
rencontrent
sont
nombreuses :
« L’appauvrissement des recettes d’écolages, faibles effectifs,
taux d’écolage très bas, Insuffisance et retard des subventions
octroyées par l’État, personnel payé au-dessus des moyens de
l’Union (salaires exorbitants), découverts et agios bancaires
importants, charges sociales et impôts trop élevés, paiement des
loyers des enseignants, manque de fonds de roulement, nombre
pléthorique d’enseignants déchargés et payés gratuitement » 728.
À cela s’ajoute l’épineux problème de la gabegie financière et du
favoritisme. En 1983, le comité de l’UEESO-CI donne des
avertissements à plusieurs responsables soupçonnés de mauvaise
gestion
729
. Trois années plus tard, ces derniers sont demis de leurs
fonctions pour fautes lourdes
730
.
Du côté des enseignants, les grèves se multiplièrent soutenues par
des actes de vandalisme. Des jeunes enseignants de Man en ce début des
726
Idem
Ibidem.
728
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit,p 219.
729
Voir rapport de la rencontre du comité de l’Union 1983, Archives de l’Union,
non classées.
730
Voir rapport de la rencontre du comité de l’Union 1986, Archives de l’Union,
non classées
727
392 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
années 80, bâtèrent copieusement un pasteur, leur directeur financier
pour sept mois de salaires impayés :
« Des quinze inculpés qu’ils étaient dont deux absents à
l’audience,
dix
instituteurs
de
l’enseignement
protestant
évangélique de la direction de Man, ont été reconnus coupables
des faits à eux reprochés. Ils ont, en association, frappé à sang
un pasteur, leur directeur financier. Ils ont en outre exercé sur
lui, violences et voies de faits avant de le détenir arbitrairement
dans une « cachette », une maison inachevée au quartier
Domoraud de Man. Chacun des dix coupables a écopé d’une
peine de six mois de prison avec sursis, assortie d’une amende de
30.000f. » 731
Au même moment, des problèmes ethniques et de leadership
s’intensifient. En 1984, une grave querelle entre responsables de Man
conduit à une scission. Les raisons de cette « décentralisation » sont
diverses. Pour M. Elie KOH, représentant de Man I (Yacouba),
« La décentralisation de la région n’est pas le fait du hasard,
mais c’est à partir d’un vieux problème linguistique auquel
s’ajoute celui des collectes et des cotisations. Il y a toujours une
faible participation de Man II (Facobly, Kouibly, Bangolo) 732 ».
Pour SOHOU Maurice, « le problème de Man n’est pas purement
d’ordre linguistique comme le présentent les rapports de Man I
et II. C’est un problème assez profond, c’est une querelle de
personnes qui s’est dégénérée en guerre intertribale. La guerre
entre Yacoubas Wobés y trouve son expression la plus horrible ;
vidant ainsi le message biblique de son contenu qui est l’amour
731
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit,p 214.
Intervention de M. KOH Elie, voir PV A.G. de 1984, Archives de l’Union
non classées.
732
L’accueil mitigé du movement pentecôtiste en Côté d’Ivoire
393
du prochain » 733, avant de proposer : « il faut que ce problème
trouve sa solution pour sauver nos églises qui meurent de
refroidissement dû à cette situation. 734 »
Pour Paul GUEHI, cette crise est un rebondissement du vieux
problème des pagnes du jubilé, et ce rebondissement ne vient pas des
Yacouba et des Wobé des campagnes mais plutôt des responsables de la
ville
735
.
En somme, la période des années 1980 fut une période de crise
généralisée avec pour conséquence la fragilisation de l’Église. Mais si
les aspects financiers et sociaux de la crise ont pu être contenus, ce ne
fut pas le cas pour l’aspect doctrinal. La volonté du pasteur GLAO
d’introduire des pratiques pentecôtistes dans les Églises UEESO-CI ne
rencontra pas l’adhésion de ses pairs. La grave crise opposant l’Union et
les charismatiques conduisit à la scission en 1982.
733
Intervention de M. SOHOU Maurice, voir PV A.G. de 1984, Archives de
l’Union non classées
734
Idem.
735
Intervention de M. GUEHI Paul, voir PV A.G. de 1984, Archives de l’Union
non classées
16
L’IMPOSSIBLE RAPPROCHEMENT
ENTRE L’UNION
ET LES CHARISMATIQUES
ET LE SCHISME DE 1982
C’est après le jubilé de 1977 que le fossé entre l’Union et les
charismatiques va s’élargir notamment avec la fin du mandat du
président Jean GLAO en 1978
736
. Si sous le président GLAO, la
question des charismatiques a pu être gérée sans grand dommage, c’est
en raison de son adhésion au mouvement charismatique. Mais dès la fin
de son mandat, le problème ressurgit, envenimé par l’affaire des pagnes
du jubilé.
16.1 Le point de départ, la fin du mandat de Jean
GLAO en 1978
La gestion des pagnes uniformes du jubilé avait été confiée au
président GLAO. Au sortir des festivités, formellement accusé de
détournement « d’une partie de l’argent du pagne uniforme du jubilé »,
il est mis sous discipline, une décision qu’il qualifie d’injuste, pour
l’écarter des instances de décision
736
737
.
Jean GLAO fut l’un des présidents de l’UEESO à avoir le plus long mandat
(8 ans), de 1970 à 1978.
737
Cf. sa lettre de démission ci-dessous.
396 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
En tout cas, en 1982, la tension entre UEESO-CI et charismatiques
est à son comble ; chaque partie prétendant détenir la vérité, le
rapprochement devient impossible. Les deux versions qui suivent
contiennent les arguments des uns et des autres. Le premier est de
GUENAMAN Jean Colbert, ancien de l’Église UEESO-CI et, le second,
d’Emile TROH, pasteur de l’Église du Réveil.
Texte 1 : De GUENAMAN J.C.
« Qu’il croisse et que moi je diminue » était son slogan. Pour
nous, il était rempli du Saint-Esprit. A vrai dire, il marchait selon
l’Esprit de Dieu. Pendant plus de dix huit ans de ministère béni,
il percevait un salaire mensuel de 10. 000 FCFA ! Il ne s’en
plaignait pas. Mais pourquoi parler de dix huit ans alors que le
pasteur Jean GLAO était entré dans l’Union en 1956 et en était
parti en 1982 ? La réponse est la suivante.
Huit ans durant, c’est-à-dire à partir de 1974, le Pasteur Jean
GLAO menait une campagne de dénigrement contre l’Union et la
Mission Biblique ; il osait dire publiquement que le missionnaire
Daniel RICHARD n’avait pas enseigné toute la vérité biblique ;
que l’enseignement était incomplet ! La Mission Biblique dont est
issue l’UEESO-CI était passée au crible des critiques des plus
acerbes !
Huit ans durant, Le pasteur Jean GLAO enseignait une doctrine
contraire à celle de l’UEESO-CI !
Huit ans durant, tous ses collègues Pasteurs de l’UEESO-CI se
plaignirent
de
lui,
se
méfiaient
de
son
enseignement,
intercédaient pour lui, essayaient, vainement, de le dissuader, et
de le ramener sur la voie de la raison ….Quelques-uns de ceux
qu’il a amenés à Christ ont abandonné malheureusement la foi,
trouvant contradictoire son acte !
L’impossible rapprochement 397
Huit ans durant, le Pasteur Jean GLAO considérait qu’être mis
sous-discipline était une punition ! Il se perdait dans des
terminologies telles que : organisation, dénomination, esclavage,
prisonnier, copie conforme, liberté !...
Huit ans durant, le Pasteur Jean GLAO faisait l’apologie de la
division, citant, pour se justifier, Paul et Barnabas ! 738
Texte 2 : de TROH Emile
Depuis 1972-73, le mouvement du Saint-Esprit a gagné toute la
Côte d’Ivoire à la suite d’une campagne d’évangélisation menée
par le pasteur GIRAUD. Beaucoup de chrétiens dans les églises
évangéliques
telle
que
l’UEESO-CI,
l’Église
Baptiste
méridionale, l’Église de la WEC, etc., se sont engagés dans ce
mouvement et ont fait l’expérience du baptême dans le SaintEsprit.
Comme il fallait s’y attendre, ce mouvement, dénommé
« mouvement charismatique », fut fortement combattu. Mais les
tenants de ce mouvement n’ont pas baissé les bras. Des cellules
de prières ont été mises sur pied partout à travers le pays. Au
sein de l’UEESO-CI, après sa fête de jubilé en 1977, le combat
contre le mouvement fut particulièrement rude. Ce combat avait
pour cible principale le pasteur Jean GLAO, premier président
de l’UEESO-CI, qui a accueilli le mouvement à bras ouverts.
En 1979, à la suite d’une affaire banale relative à l’organisation
du Jubilé susmentionné, le pasteur GLAO fut mis sous discipline
par ses pairs. C’est ainsi que quelques frères (12 personnes à la
première rencontre de mardi, le 5 février 1980) mirent sur pied
738
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, pp. 157-158.
398 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
la cellule dénommée les « compagnons de Corneille » chez l’un
de ces frères du nom de DJAKO Memel Jacques » 739.
Cette divergence caractéristique fut appuyée par des actes dont
la seule intention était d’aboutir à la rupture. En 1979, soit un an
après la fin de son mandat, GLAO est mis sous discipline par ses
pairs 740. La raison évoquée est le détournement d’une partie du
prix des pagnes du jubilé. 741 Cette décision n’est pas du goût des
charismatiques. En 1981, précisément le 24 avril, Jean GLAO, se
sentant de plus en plus frustré et rejeté démissionne de l’Union.
« Après avoir rendu grâce à Dieu pour les années passées dans
l’UEESO-CI, et béni le Seigneur pour les joies et les peines
partagées dans l’amour et la compréhension, le pasteur GLAO
justifia sa collaboration impossible avec l’UEESO-CI » 742.
Il ressort de ces versions que les détracteurs de Jean GLAO
l’accusent d’avoir dénigré l’enseignement des missionnaires, jetant ainsi
un discrédit sur ces derniers, d’enseigner une doctrine différente de celle
de l’UEESO-CI. Il est aussi accusé d’orgueil et de rébellion, devenant
ainsi une pierre de chute pour les fidèles. Toutes ces accusations
faisaient de GLAO un homme indésirable à l’UEESO-CI.
Du côté des partisans de GLAO, ils accusent l’UEESO-CI de
négliger certaines vérités bibliques telles que le baptême du Saint-Esprit,
et de manifester la haine et l’égard du Pasteur GLAO. Le Pasteur GLAO
lui-même présente en sept points les injustices vécues à l’UEESO-CI et
à cause desquelles il décide de démissionner :
739
Emile TRO, « Église Évangélique de Réveil de la Côte d’Ivoire (EERCI),
Histoire et méthodes d’évangélisation », in Nos racines racontées, op.cit, p. 254.
740
Idem.
741
Entretien avec X un ancien responsable de l’UEESO, Daloa, le 11 juillet
2012.
742
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, pp. 166-167.
L’impossible rapprochement 399
• ses convictions charismatiques pour lesquelles il était traité de
« faux prophète et diviseur des Églises » ;
•
la haine, la violence, le manque d’amour et l’injustice à l’égard
de certains serviteurs de Dieu renvoyés ou mis sous-discipline de
manière arbitraire au sein de l’Union ;
• deux mesures disciplinaires, dont l’une était rigoureuse pour les
charismatiques, et l’autre, souple, pour les non charismatiques
qui le plus souvent, étaient épargnés de sanctions méritées ;
• l’Union, selon le pasteur GLAO, était devenue une dictature et
non un moyen d’entraide et de collaboration entre les Églises ;
•
sa conviction du travail d’évangélisation qui était d’établir des
Églises dans toutes les villes importantes du pays et en dehors, ce
qui ne concordait pas avec les principes de l’Union ;
• le manque de vision des priorités et des buts à atteindre dans
l’Union, le téléguidage des autres (comité d’Europe), la totale
confusion dans la pratique des dons et des ministères au sein de
l’Union ;
• enfin, beaucoup n’étaient pas à leur place, ainsi d’autres étaient
devenus de véritables planteurs au lieu de paître le troupeau du
Seigneur… 743
Les positions tranchées des uns et des autres et l’inexistence d’un
organe de médiation capable de gérer les crises à l’UEESO-CI rendaient
impossible le rapprochement. L’Union ne pouvait céder aux exigences
des charismatiques de peur de perdre le soutien des missionnaires, tandis
que les charismatiques, convaincus d’être sur la bonne voie, ne voulaient
pas lâcher prise.
Mais voyons de plus près les arguments des uns et des autres. Les
questions essentielles au cœur de la crise sont celles de la prière
743
Cf. Lettre de démission du pasteur GLAO ci-dessous.
400 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
« houleuse » et de la manifestation des dons spirituels. Elles sont
amplifiées par le manque d’amour.
Concernant la prière dite houleuse, GLAO et ses partisans croient
qu’elle est biblique et plus authentique. D’ailleurs plusieurs passages
bibliques soutiennent ce point de vue : Jug. 21 : 2 ; 2Chr. 20 : 19 ; Act.
4 : 24 ; 12 :12 ; 16 :25 ; 20 :36-37 ; 21 :5...
En plus de ces passages bibliques, ils avancent les arguments
suivants :
• Les résultats de ces prières sont toujours favorables, elles sont donc
efficaces ;
• La prière simultanée est celle qui glorifie le mieux Dieu ;
• Elle met celui qui prie en contact avec Dieu ;
• Elle est dépourvue d’hypocrisie, car chaque personne est libre
d’exprimer ses réelles pensées à Dieu sans complaisance ni gène.
Celui qui prie n’est pas contraint de bien formuler les mots et
expressions pour avoir l’approbation de ceux qui l’entourent ;
• Elle évite également le favoritisme qui consiste, selon le contexte
africain, à considérer certaines personnes comme des saints, des
détenteurs de bénédictions, qui doivent toujours prier pour les
autres ;
• Cette forme de prière est authentique et illustre bien les réalités de la
prière des Églises primitives, qui s’opérait sous l’onction de l’EspritSaint. Elle perce les cieux et touche « le cœur » de Dieu. Elle a le
pouvoir d’intimider Satan et de libérer celui qui prie ;
• Les personnes qui prient ensemble, peuvent présenter autant de
sujets à la fois et cela en très peu de temps.
Face aux convictions et pratiques des charismatiques, et pour
marquer une nette démarcation d’avec eux, l’Union élabora une position
doctrinale 744 pour définir clairement sa position sur la question des dons
spirituels. Dans ce document, l’Union affirme qu’elle croit aux dons
744
Voir Annexe III-3, p. 384.
L’impossible rapprochement 401
spirituels comme faisant partie des pratiques de la vie de l’Église de
Jésus- Christ.
Toutefois, elle recommande de la prudence dans l’exercice de ces
dons en vue d’éviter des déviations susceptibles de discréditer l’Église.
Ainsi, concernant le don de prophétie, l’UEESO-CI croit aux dons et
à l’exercice de la prophétie selon l’enseignement biblique (1 cor. 14 :
29, Eph. 4 : 11) ; mais ne croit pas aux prophètes comme pendant la
période de la naissance de l’Église. Compte tenu de toutes les déviations
et la prolifération des fausses prophéties par des pseudo-prophètes,
l’UEESO-CI exige que toute révélation soit au préalable présentée au
conseil de l’Église qui en examinera l’authenticité selon les trois critères
suivants : la qualité de la vie du prophète, le contenu de la révélation et
la
réalisation
de
la
révélation.
Ceci
éviterait
les
désordres
qu’occasionnent les prophéties ou révélations motivées par les
calomnies, les désirs d’accusation et même les règlements de compte.
L’UEESO-CI croit que selon le principe biblique, à défaut lapider les
faux prophètes pendant ce temps de grâce, il faudra néanmoins prendre
les sanctions disciplinaires contre les faux prophètes et prophétesses
(avertissement, mise sous-discipline, suspension des responsabilités
dans l’Église et même l’excommunication) 745.
Pour ce qui est du don de langue, l’UEESO-CI n’adhère à aucune
pratique de parler en langues sans interprétation ni possibilité de
compréhension par les auditeurs du message émis (1 Cor. 14 : 28).
L’UEESO-CI accepte comme principe biblique et praticable par les
chrétiens, le parler en langue dans une prière individuelle et privée car
elle peut édifier. Aussi, l’UEESO-CI croit-elle au ministère de
délivrance qui consiste à libérer un homme ou une femme lié(e) par les
mauvaises esprits (Marc 16 : 17). Elle croit que le ministère de
délivrance n’est pas l’apanage des spécialistes mais tout disciple de
Christ entièrement consacré à Dieu, vivant dans sa crainte peut prier
745
Voir Position doctrinale de l’UEESO de 1981.
402 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
pour toute personne possédée et obtenir du tout-puissant la libération.
Toutefois, ce ministère doit être confié aux pasteurs qui pourront être
aidés par des chrétiens engagés.
L’UEESO-CI croit que c’est Jésus-Christ qui délivre des liens du
diable et de tout péché. La séance de délivrance doit donc se faire par la
prière. Les supplications, la louange et la prédication de la parole. Elle
exclut l’usage des formules particulières considérées comme efficaces,
des objets dits sacrés.
Compte tenu de la prière dans la vie du croyant et des influences des
nouvelles pratiques dans la vie de l’Église, conduisant aux hérésies, il
est souhaitable que l’enseignement sur la doctrine de la prière fasse
partie du programme de l’Église et que la formation des responsables
incluse l’enseignement sur la prière. Parmi toutes les interprétations
faites à propos des prières simultanées, L’UEESO-CI adhère à celle qui
permet à tous les chrétiens d’élever la voix s’ils le désirent pour
prononcer ensemble une seule formule de prière telle que l’enseigne
Jésus dans Mt. 6 :9.
L’UEESO-CI rejette par conséquent toute forme de prières
simultanées houleuses qui sont parfois source de désordre.
L’UEESO-CI n’admet pas de prières simultanées houleuses dans le
culte de dimanche et tous les grands rassemblements de cette
dénomination.
L’UEESO-CI adhère totalement aux principes des prières faites à
haute voix et à toue de rôle.
L’UEESO-CI croit au Saint- Esprit en tant que personne divine de la
trinité. Elle croit que tout chrétien authentique, c’est-à-dire régénéré,
ayant fait une expérience personnelle avec Dieu par Jésus-Christ, est
baptisé du Saint- Esprit. Celui-ci habite en lui, pour toujours. L’UEESOCI rejette toute action par laquelle des chrétiens s’exercent à recevoir le
Saint-Esprit en ayant recours à des pratiques douteuses. En fait, la
position de chacune des parties est valable et les arguments qui la
L’impossible rapprochement 403
soutiennent sont solides. Mais par manque d’un organe susceptible de
régler les problèmes et surtout, faute d’un enseignement cohérent sur le
sujet, aucune alternative de rapprochement n’était envisageable. Les
charismatiques suivaient à la lettre, les enseignements de la Bible sur la
question des dons, et tous le reconnaissait. Mais, la violence avec
laquelle le pentecôtisme commençait à s’exprimer au sein de l’Union
exigeait de la part des responsables beaucoup de méfiance.
La certitude d’être dans le vrai avait entrainé des débordements dans
la pratique des charismes par les charismatiques. N’importe qui pouvait
se lever en plein culte, interrompre la prédication par une prophétie ou
un parler en langue sans aucune interprétation. Les prières d’ensemble
se transformaient souvent en véritables brouhaha dont le contrôle
échappait souvent au dirigeant du culte. Cet abus faisait que ces
charismes qui devaient édifier le peuple de Dieu devenaient finalement
des occasions de troubles et de désordre excessif.
Le dimanche suivant sa démission, le pasteur GLAO convoque une
réunion de l’Église avec pour un seul point à l’ordre du jour : le retrait
de l’Église d’Adjamé de l’UEESO-CI, demandant aux chrétiens de se
prononcer par un vote. Malgré l’opposition de quelques membres 746, le
vote eut lieu avec une écrasante victoire des charismatiques.
Comme pour
marquer leur indépendance, les responsables
« charismatiques » de l’Église d’Adjamé, de Williamsville, de
Trechville, et de Locodjro, au nombre de treize dont huit jeunes,
envoyèrent la lettre que voici aux Églises de l’Union 747 :
« Nous rendons grâce au Seigneur pour les nombreuses années
passées au sein de l’Union et pour tous les bienfaits reçus au sein
de cette association, notamment, le salut en Jésus-Christ.
Pourtant, depuis 1975, date à laquelle nous avons expérimenté le
746
Il s’agit de BLE Lami, de MONGUEI Paul de TOME Victor et de
GUENAMAN Jean Colbert. Cf, Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 165.
747
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, pp.166.167.
404 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
baptême dans le Saint-Esprit et reçu des dons spirituels, nous
ressentons un véritable malaise au sein de l’Union.
En effet, la doctrine du baptême dans le Saint-Esprit et surtout
la pratique des dons spirituels (parler en langue, prophétie,
prière de délivrance, prière simultanée, veillée), ne sont pas
acceptées par l’Union. Plusieurs serviteurs de Dieu dont Séa
Denis de Soakpé, Kpan Bla Celestin de Danané, Gouéi Gondo
David, Blé Daniel de Biankouma, Baba Daniel de Man, ont été
licenciés par le comité de l’Union parce qu’ils pratiquent les
dons charismatiques. De nombreux groupes de croyants
(Tiéssan, Gbéhibly, Soakpé, San-Pedro, Gbapleu, Mahébly,) et
des communautés ou régions entières (Duékoué, Biankouma) se
sont retirés de l’Union pour les mêmes raisons. Nous, chrétiens
de l’église évangélique d’Adjamé et annexes (Treichville,
Williamsville et Lokodjro) :
- Convaincus que le baptême dans le Saint-Esprit et les dons
charismatiques sont entièrement bibliques et demeurent vrais
pour l’Église d’aujourd’hui.
- Désireux de mettre ces dons en pratique pour la croissance
spirituelle de l’Église.
- Par deux votes organisés sous le contrôle effectif des membres
du conseil, l’un, le 10 Juillet 1981 avec pour résultat : 71 pour
quitter l’Union, 12 abstention et 2 contre et l’autre, le 20
Septembre 1981 avec pour résultat 75 pour quitter l’Union, 15
contre et 12 abstention : avons décidé de nous retirer de l’Union,
conformément à l’article 17 du chapitre I des statuts de l’Union
qui stipule :
"Toute Église peut se retirer de l’Union à tout moment."
L’impossible rapprochement 405
Notre décision de nous retirer prend effet à compter de ce jour.
Toutefois, nous pouvons à l’avenir revenir sur la décision
présente, si nous constatons un véritable changement dans
l’attitude de l’Union à l’égard des dons spirituels (parler en
langue,
prophétie,
veillée,
prière
simultanée,
prière
de
délivrance) et des croyants qui les pratiquent, (réintégration des
Pasteurs licenciés, des communautés et groupes rejetés) 748. »
16.2 L’Assemblée Générale de 1982 à Man consacre la
rupture
L’étape décisive de cette marche vers la rupture fut l’Assemblée
Générale de 1982
749
. Elle eut lieu à Man, précisément à Zlanwopleu, du
19 au 23 juillet 1982. Les principaux points de l’ordre du jour étaient :
Démission du Pasteur GLAO et affaire charismatique. Il a fallu une
journée entière pour adopter l’ordre du jour.
750
Les débats commencèrent par l’affaire du Pasteur Jean GLAO. La
parole lui fut donnée. Il reprit les termes de sa lettre, et confirma en
conclusion sa démission :
« Je prends la parole en tat que serviteur de Dieu depuis 1957 et
non pas en tant que charismatique. J’ai demandé une Assemblée
générale extraordinaire en Août 1981 pour trancher une question
très importante. Mais cela n’a pas été possible. Après le passage
du comité de l’Union à Abidjan, j’ai décidé de rendre ma
démission des églises de l’Union. A partir d’aujourd’hui, ne me
comptez plus parmi les serviteurs de l’Union. Je vous dis au
revoir. Mon temps avec l’Union est arrivé à son terme. Je n’ai
748
Décision de retrait l’Église d’Adjamé et de ses annexes, cité par Jean Colbert
GUENAMAN, op.cit, p. 165.
749
Voir Annexe III-4, p. 388, pour les différentes interventions à cette A.G.
750
Jean COLBERT GUENAMAN, op.cit, p. 169.
406 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
pas de préavis à demander. Qu’on reste des frères. Si un jour il y
a possibilité de former une fédération avec l’Union, alors je serai
présent. S’il y a encore des questions en suspens concernant le
pagne du jubilé, posez les-moi, je vous donnerai des
éclaircissements » 751.
La démission de GLAO fut acceptée par un vote presque à
l’unanimité
752
. On passa ensuite au vote de la base doctrinale de
l’UEESO-CI. VE, alors président de l’Union, expliqua le sens de l’acte
important que les délégués aillaient accomplir :
« Ecoutez bien, dit-il. Si le oui l’emporte sur le non, cela veut
dire que c’est l’enseignement de l’Union qui sera appliqué dans
toutes nos Églises. Si c’est le contraire, alors ce sera celui des
charismatiques, ce qui signifie que personne n’aura plus le droit
de s’opposer à la prière simultanée houleuse, aux prophéties et
aux parlers en langues à la manière charismatique. » 753
Après cette mise au point qui ressemblait à une campagne électorale,
on passa au vote tant attendu, par région. Abidjan fut la première à
voter. La majorité était charismatique. Ce fut le tour de Daloa, Danané,
Duékoué, Gagnoa, Guiglo, Man, San-Pédro, Tabou et Toulépleu.
Partout l’UEESO-CI obtint la majorité écrasante. A Danané, le vote fut à
l’unanimité en faveur de l’Union. La base doctrinale fut acceptée
754
. Du
compte rendu de ladite Assemblée Générale qui consacre la rupture
signé par le Président en exercice le pasteur VE Nathanaël il ressort
que :
751
Jean GLAO, intervention à l’AG de l’UEESO de 1982, voir Procès-verbal, de
l’Assemblée Générale de 1982 rédigée par Albert BLEUKEUHOUA. Archives
de l’Union, non classées.
752
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 169.
753
Nathanaël VE TOKPA, cité par Jean Colbert G, op.cit, p. 170.
754
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 170.
L’impossible rapprochement 407
•
la prière simultanée houleuse est rejetée ;
•
la démission du pasteur GLAO est acceptée ;
•
les biens matériels de l’Union restent acquis à l’Union
755
.
Dans cette crise, les missionnaires eurent une attitude bien ambigüe,
jouant parfois le double rôle d’arbitre et de joueurs. C’est surtout à
travers leurs messages et leurs interventions lors des Assemblées
générales que cette attitude se révélait.
Rappelons que depuis 1976 la Mission Biblique s’était totalement
effacée au profit de l’UEESO-CI, que depuis 1962, l’Union était gérée
par les Ivoiriens, les missionnaires se contentant de l’enseignement et de
la gestion des œuvres.
Quand surgit la crise au tout début des années 1980, les
missionnaires, embarrassés par la situation, adoptèrent d’abord une
attitude d’arbitre. En 1982, lors de l’Assemblée Générale de Man, on
demanda au missionnaire BLOCHER de dire si les charismatiques et les
non charismatiques pouvaient cohabiter dans une même Église
756
. A
cette question délicate, le missionnaire répondit :
« Le cas de l’Afrique est différent de celui de l’Europe. Les
églises d’Europe sont vieilles et le phénomène charismatique se
manifeste dans les églises endormies. Les charismatiques sont
toujours restées dans leurs églises. Rares sont ceux qui se sont
constitués en églises indépendantes » 757.
755
CF. procès-verbal de la résolution définitive de la crise entre l’Union et les
charismatiques.
756
Cela traduit encore pleinement le paternalisme dont souffre jusqu’aujourd’hui
l’Église vis-à-vis de la Mission Biblique. On croit toujours que la vérité vient
des missionnaires. On a du mal à se décider sans leur point de vue. On fait de
leur enseignement parole d’évangile. On exprime une quasi-totale dépendance
vis-à-vis d’eux.
757
M. BLOCHER, intervention à l’Assemblée Générale de Man en juillet 1982,
procès-verbal de l’AG de 1982, in Archives de l’Union, non classées.
408 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
A travers cette réponse très nuancée, le missionnaire voulait dire
qu’il maîtrise mieux les problèmes de l’Église européenne, ce qui n’est
pas le cas pour les Églises africaines. Il attendait ainsi de l’Église
africaine de prendre ses responsabilités face aux crises internes.
Bien avant, à l’ouverture de l’Assemblée Générale, dans son
message d’ouverture, M. BLOCHER avait présenté les crises intérieures
dans l’Église naissante de Jérusalem, notant que « les problèmes que
traversent les églises de l’Union ne leur sont pas particuliers ».
Il a présenté trois crises
758
auxquelles les solutions trouvées n’ont
pas cassé l’Église, même si la dernière a occasionné une séparation
géographique
759
. Ce message fort apprécié par les participants semble
exposer la vérité biblique aux frères ivoiriens qui ont le choix et la
liberté de déterminer eux-mêmes la nature de leur crise et d’en trouver
les solutions.
Si pour M. BLOCHER, il est important de laisser l’Église africaine
gérer ses crises elle-même, certains missionnaires avaient décidé de
prendre ouvertement position. C’est ainsi que pour M. HUSSER, l’un
des missionnaires les plus en vue dans l’UEESO-CI, il est impossible de
collaborer avec les charismatiques. Pour lui, les pratiques des
charismatiques sont inadmissibles. Concernant la prière « houleuse »,
voici ce qu’il en dit : « Il faut que les cœurs de ceux qui prient soient
758
La première crise, selon l’auteur, est due aux lacunes de l’administration. Elle
a eu pour solution, la décentralisation des services (les apôtres sont chargés de
l’enseignement et les diacres gèrent les affaires administratives). Voir Actes
chapitre 6.
La deuxième crise survient au moment où l’Église s’est considérablement
développée. Des gens d’origine diverses y ont adhéré. Mais des Judaïsants
veulent imposer la circoncision aux non juifs. Comme solution, Paul et Barnabas
s’opposent énergiquement à cet enseignement. Voir Actes chapitre 15.
La troisième concerne les oppositions entre Paul et Barnabas au sujet de Jean
Marc. Comme Solution, les deux hommes se séparent. Voir Actes 15v37.
759
M. BLOCHER, message d’introduction à l’Assemblée Générale de Man en
juillet 1982, procès-verbal de l’AG de 1982, in Archives de l’Union, non
classées.
L’impossible rapprochement 409
d’accord ; et pour être d’accord, il faut avoir entendu ce que l’on a dit
afin de dire "Amen" qui signifie je suis parfaitement d’accord »
760
.
Pour M. HUSSER, le problème des charismatiques étant un grain de
sable qui, entrant dans l’œil, l’a irrité
761
. Il fut le premier à proposer une
commission paritaire de partage des biens après le divorce
762
.
Au regard de cette attitude des missionnaires, une interrogation
s’impose ; pourquoi la Mission Biblique a-t-elle laissé faire jusqu’au
schisme sans entreprendre des démarches efficaces en vue d’une
réconciliation ? Pourquoi la Mission Biblique n’a-t-elle pas organisé des
rencontres en vue de mieux éclairer cette question doctrinale délicate
objet de la crise ?
En tout cas, aucune solution concertée ne fut trouvée et il fallut
l’intervention du temporel pour régler cette affaire purement religieuse.
16.3 Le dénouement honteux de la crise
Les résolutions de l’Assemblée Générale de juillet 1982 ne purent
mettre fin à la crise. D’ailleurs, cette Assemblée Générale s’acheva en
queue de poisson, d’autant plus que les charismatiques s’étaient retirés
bien avant la fin des assises. A la suite de cette Assemblée Générale de
la rupture, allait se poser la question de savoir à qui devait revenir les
temple d’Adjamé, de Yopougon, de Duékoué et de Biankouma, qui
furent revendiqués par chacune des parties. Selon J.C GUENAMAN,
« De retour à Abidjan, après l’Assemblée Générale, le président
de l’Assemblée Régionale, le Pasteur DAN Joseph, procéda à la
réorganisation en installant des conseils dans l’Église d’Adjamé,
760
M. HUSSER, intervention à l’Assemblée Générale de Man en juillet 1982,
procès-verbal de l’AG de 1982, in Archives de l’Union, non classées.
761
Idem.
762
Ibidem.
410 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
et de Yopougon, en remplacement des anciens conseils. Il fut
traité de tous les noms par les Charismatiques révoltés.
L’opposition fut très vive. Nous fûmes empêchés de célébrer les
cultes les dimanches. C’est ainsi que l’un des leurs, Gnanté
Valentin porta l’affaire à la connaissance du secrétaire d’État à
la Sécurité Intérieure. Celui-ci lui donna une lettre pour le
Directeur Général de la Sûreté Nationale. Ce dernier avertit
aussitôt les renseignements Généraux » 763.
L’UEESO-CI informa à son tour, par une correspondance datée du 2
Septembre 1982, le ministre de l’Intérieur d’alors, Léon Konan KOFFI,
des agissements des charismatiques.
Quelques jours après,
charismatiques et UEESO-CI
furent
convoqués par voie de presse au Ministère de l’Intérieur. Après les avoir
entendus, le Ministre confia l’affaire à Ipaud LAGO, Directeur Général
de l’Administration Territoriale. Toutes les tentatives de réconciliation
échouèrent, personne ne voulant céder. Le Directeur général décida tout
de même que les cultes soient célébrés de manière alternative. Mais le
24 octobre, de violents incidents survirent entre les deux parties à
l’Église d’Adjamé
764
.
Les protagonistes furent à nouveau convoqués par voie de presse
pour le 3 Novembre 1982 à 16 heures pour une réunion à la salle de
conférence du Ministre de l’Intérieur
765
. Voici les décisions importantes
arrêtées à l’issue de cette rencontre :
• Il est formellement interdit à GLAO tout culte publique ;
• Les biens reviennent ;
763
Jean Colbert GUENAMAN, op.cit, p. 73.
Idem.
765
Ibidem.
764
L’impossible rapprochement 411
• Les charismatiques sont libres de créer leur Église et d’adresser
une lettre de demande d’agrément au Ministre de l’intérieur
766
.
Que retenir au terme de ce dernier chapitre ?
Dès 1974, l’Union est confrontée à une crise doctrinale d’abord
latente mais qui va s’aggraver pour provoquer un schisme en 1982. En
1974, la croisade de GIRAUD, un pasteur pentecôtiste de passage en
Côte
d’Ivoire,
va
occasionner
la
naissance
d’un
mouvement
charismatique à l’UEESO -CI. Pendant 4 ans ce mouvement bénéficie
du soutien moral du président national, le pasteur GLAO, lui-même
favorable au pentecôtisme.
Mais à partir de 1979, avec la fin du mandat de ce dernier (un an
plutôt), les pentecôtistes, encore appelés charismatiques, deviennent
indésirables à l’UEESO-CI. Une crise ouverte éclate alors entre l’Union
et les charismatiques dirigés désormais par le pasteur GLAO. Des
troubles éclatent dans les Églises contrôlés par les charismatiques,
contraignant les responsables de l’union à recourir au pouvoir temporel.
En 1982, la collaboration devient impossible et le schisme est
consommé à partir du mois de novembre.
Cette crise venait ainsi de dévoiler toute la fragilité de la question
doctrinale à l’UEESO-CI.
16.4 Conclusion partielle
Trois constats essentiels couronnent cette partie conclusive de notre
travail. D’abord nous avons remarqué que les chrétiens UEESO-CI
manifestent un zèle important pour les programmes d’édification. Ils
s’efforcent d’y prendre part malgré les nombreuses contraintes. Il
apparait aussi évident qu’ils ont totalement rompu avec les croyances
traditionnelles. Cela se manifeste à travers le non-respect et la
766
Pour consulter l’entièreté du procès-verbal de cette rencontre voir Annexe
III-5, p. 397.
412 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
profanation des lieux sacrés et des interdits de la communauté, attitude
qui leur a souvent coûté rejet et persécution de la part des leurs. Ils
accordent également un grand intérêt à la formation et surtout aux
assemblées. Tout ce qui est lié au groupe, à l’émotion tient une place de
choix dans leur vie. Cependant, lorsqu’il s’agit de certaines exigences
telles la vie de sanctification et la pratique de la libéralité, les chrétiens
UEESO-CI, se montrent souvent « décevants ». Toujours confrontés au
péché sexuel et au manque d’amour, ils manifestent aussi très peu de
libéralité compte tenu de leur situation financière précaire.
Ensuite, il nous a été donné de noter que depuis l’autonomisation de
l’UEESO-CI, cette communauté est confrontée à une crise ethnique
opposant permanemment les deux ethnies majoritaires, les Dan et les
Wê. Cette situation soulève le problème des relations avec le prochain.
Ici, Autrui n’est pas forcément un frère ; il parfois un inconnu et bien
souvent un adversaire ou un ennemi à combattre. Le sentiment ethnique
prévaut sur celui d’appartenance à une même communauté chrétienne, et
l’Église reste confrontée à une perpétuelle crise entre les Dan et les Wê.
Cette crise qui tire ses origines des relations anciennes entre ces deux
peuples prouve que la communion fraternelle n’est pas bien vécue à
l’UEESO-CI. Les discriminations faites entre les chrétiens par certains
pasteurs et missionnaires, ne laissent aucune chance à un éventuel
règlement de cette situation.
Enfin il est à noter que depuis 1974, une crise doctrinale d’abord
latente a affaibli l’UEESO-CI jusqu’en 1982 où elle s’est soldé par
schisme. La conquête pentecôtiste de la Côte d’Ivoire qui débuta à la
veille des indépendances politiques a été, contrairement aux attentes, un
véritable facteur de fragilisation de l’Union. Avec la croisade de
GIRAUD (1973-1974), plusieurs chrétiens et responsables ont trouvé
nécessaire d’adopter des pratiques pentecôtistes jusque là inconnues
dans les Églises UEESO-CI. Or l’Église n’avait pas de base doctrinale
bien élaborée et les pasteurs ne maitrisaient pas suffisamment les
L’impossible rapprochement 413
questions de doctrine. Dans un tel contexte, il était difficile, voire
impossible de faire face à cette situation délicate.
En abordant cette troisième partie de notre travail nous avons signalé
que la formation des guides religieux (pasteurs et évangélistes) UEESOCI demeure un problème crucial car c’est de la vie et des enseignements
de ces derniers que dépend la qualité de la pratique religieuse des
chrétiens. Et nous nous sommes proposé de chercher à comprendre si
ces guides spirituels parvenaient à encadrer convenablement les fidèles
afin d’en faire des chrétiens authentiques ayant tourné le dos au monde
et vivant une vie communautaire exemplaire.
Au terme de notre raisonnement, nous pouvons affirmer que les
guides religieux UEESO-CI ne parviennent pas à édifier une foi solide
chez leurs croyants. Acteurs principaux des crises doctrinales et de
leadership, ils sont aussi souvent à la base des rivalités entre les Dan et
les Wê dans l’Église. Ce volet de l’étude a démontré que s’il y a des
crises dans l’Église, c’est à cause d’une insuffisance de la conversion et
la faiblesse de l’encadrement des chrétiens (pasteurs et fidèles) qui
ignorent souvent les principes de base de leur religion.
17
CONCLUSION
Par « L’union des Églises évangéliques du sud-ouest de la Côte
d’Ivoire (1927-1982) dynamisme d’implantation et pratique religieuse »,
nous nous sommes proposé d’étudier le processus d’implantation de
l’Église UEESO-CI et d’apprécier la pratique religieuse au sein de cette
communauté. Il était donc question d’expliciter la rencontre entre le
christianisme et les populations du sud ouest ivoirien dans ses
différentes étapes, mais aussi la transformation des mentalités, des
croyances, qui aura pour effet de transformer, à son tour, la manière
d’être, de se comporter et de vivre désormais des convertis.
Dans un premier temps, nous avons étudié le processus
d’implantation de l’UEESO-CI en vue de comprendre si la qualité des
acteurs et les méthodes utilisées pouvaient permettre d’avoir de bons
chrétiens. Nous avons montré que la naissance de l’UEESO-CI est le
résultat final de plusieurs années d’activités missionnaires entamées par
des précurseurs africains, relayés par les missionnaires européens puis
reprises et poursuivies par des responsables locaux.
William Wade HARRIS, un prédicateur libérien est le premier
pionnier du protestantisme en Côte d’Ivoire et par ricochet de l’UEESOCI. Son œuvre qui s’étend le long de la côte - bien que de moindre durée
- est d’une grande envergure. Elle entraine des conversions massives
dans le sud de cette colonie. En 1915, Wade HARRIS est expulsé par
416 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’administration coloniale devenue tatillonne à l’égard des prédicateurs
sujets anglais.
Quatre années plus tard en 1919, Mark Christian HAYFORD, un
noble ressortissant de la Gold Coast, arrive en Côte d’Ivoire pour
poursuivre l’œuvre entreprise par HARRIS son prédécesseur. Durant
trois ans, de 1919 à 1922, il s’évertue à rassembler les convertis
d’HARRIS et parvient à rallier 14 des Églises de ce dernier à sa Baptist
and Church Mission implantée en Gold Coast. Mais, très vite, lui aussi
subit les mêmes pressions de l’administration coloniale, ce qui le pousse
à se rendre en France pour solliciter le service de missionnaires français.
C’est à Paris à l’institut de Nogent où il a des contacts importants, qu’il
recrute Laure MARZOLF et Daniel RICHARD qui arrivent en 1927 et
fondent la MBCI. La période des précurseurs, bien que très courte est
fructueuse
767
. C’est d’elle que naît la Mission Biblique qui connait un
grand succès dans le sud-ouest ivoirien.
Laure et Daniel RICHARD, arrivés suite à la demande du Docteur
HAYFORD, parviennent à asseoir de manière effective les bases de
l’UEESO-CI. En effet, arrivé sur un terrain déjà occupé par la Mission
Méthodiste, ces jeunes missionnaires doivent défricher un nouveau
champ de mission avec le soutien de leur Église d’origine, l’Église du
Tabernacle. Ils sont rejoints plus tard par plusieurs autres missionnaires
pour accentuer l’œuvre d’évangélisation. Les missionnaires, pour
atteindre efficacement leur cible, adoptent une stratégie qui consiste à
mettre en place des structures socioéducatives et caritatives, et à recourir
aux autochtones pour la diffusion de l’évangile. Le rôle joué par ces
autochtones dans l’atteinte de l’objectif missionnaire reste des plus
importants. Leur maîtrise du milieu naturel, des langues, des us et
coutumes leur permettent de jouer un rôle de premier plan. L’école mise
767
En quelques mois HARRIS a amené plus de 200.000 personnes à la fois
chrétienne. Cf. J. KRABILL, op.cit, p. 155. Nous nous demandons ce qu’aurait
été l’ampleur du mouvement harristte si HARRIS n’avait pas été extradé aussitôt
par l’administration coloniale.
Conclusion
417
en place par la mission forme les premiers évangélistes et les premiers
cadres chrétiens qui deviennent de véritables propagateurs de l’évangile.
L’utilisation des œuvres sociales et caritatives comme appâts
missionnaires favorise de nombreuses conversions, facteur précurseur de
la naissance d’une Église ivoirienne.
En 1960, le vent des indépendances souffle aussi sur l’Église. La
Mission procède à l’autonomisation de l’Église ivoirienne. L’œuvre
d’implantation est poursuivie et connait un succès sans précédent sur la
période 1962-1982. Des nouvelles stratégies d’évangélisation voient le
jour et connaissent quelques succès. C’est surtout la conquête
pentecôtiste avec la croisade du pasteur GIRAUD, qui va occasionner de
nombreuses conversions. En effet, Giraud, par ses délivrances et
guérisons spectaculaires, va se présenter comme une réponse aux
problèmes angoissants de la sorcellerie et de la maladie qui minent la
société autochtone.
Ici, il convient de retenir que l’évangélisation du sud-ouest ivoirien,
qui aboutit à la naissance de l’UEESO-CI, est une initiative d’abord
purement africaine qui connait sa véritable réalisation avec l’arrivée des
missionnaires français et l’implication des premiers convertis locaux
768
.
Les facteurs de succès de cette initiative sont avant tout d’ordre matériel.
La stratégie missionnaire basée sur le soutien aux démunis comme
moyen d’évangélisation a été très fructueuse. La plupart des conversions
sont liées à la recherche d’un mieux-être social. Le développement des
structures sociales et caritatives a ainsi entrainé de nombreuses
conversions pendant la période missionnaire. L’Église se présente aussi
comme un asile. On y va non seulement pour échapper à la misère mais
aussi pour se mettre à l’abri de certaines contraintes coutumières.
De même, au temps de l’Église autonome, avec la conquête
pentecôtiste, la recherche de guérisons miraculeuses de maladies
incurables et la protection contre les sorciers constituent les véritables
768
Évangélistes improvisés et pasteurs souvent mal formés.
418 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
motivations des conversions. Les pratiques pentecôtistes caractérisées
par les transes, les parlers en langues cadrant bien avec la mentalité
religieuse africaine, favorisent de nombreuses conversions. Au total, ce
n’est pas toujours par conviction religieuse que les conversions se sont
faites à l’UEESO-CI, mais souvent par la recherche d’un intérêt
particulier.
Dans un second temps, nous avons étudié la rencontre entre le
christianisme et les croyances des peuples du sud-ouest de la Côte
d’Ivoire pour essayer de comprendre si le modèle religieux proposé par
la MBCI pouvait vraiment déboucher sur des chrétiens ayant tourné le
dos aux superstitions et au tribalisme pour former le peuple de Dieu. Et
nous avons démontré, dans une analyse comparative, que la rencontre
entre le christianisme et les croyances des peuples concernés ne se fait
pas sans difficultés. Elle se pose même en termes de conflits. En effet,
ces peuples parmi lesquels la mission biblique travaille ont leurs
coutumes, leur religion, leurs divinités, bref, ils ont une civilisation qu’il
faut détruire, balayer et remplacer par la « civilisation chrétienne ».
La conception du monde selon les peuples du sud-ouest ivoirien est
bien différente de celle que propose la religion chrétienne. Ces peuples
restent fortement attachés au culte des ancêtres, qu’ils croient en
permanence parmi eux, et autres divinités assurant la sécurité et veillant
sur l’harmonie de la communauté. A l’inverse, la religion chrétienne
présente Jésus Christ comme seul chemin menant à la vie éternelle et
proscrit toute autre pratique religieuse qu’elle considère comme de
l’idolâtrie. Dès lors, le dialogue devient compliqué voire impossible
entre ces deux conceptions religieuses. L’existence de l’une exige la
disparition de l’autre.
Les populations, soucieuses de la survie de leur religion s’opposent
vigoureusement à ce projet de christianisation en dressant plusieurs
barrières à son évolution. Dans un tel contexte, le succès du message
chrétien est forcément lié à son éloquence et à la qualité des solutions
Conclusion
419
qu’il propose aux problèmes posés par les populations. L’efficacité de la
stratégie missionnaire adoptée par la MBCI lui permet alors de
surmonter toutes ces difficultés et d’implanter la première Église
baptiste d’origine française en Côte d’Ivoire. Les insuffisances des
religions et croyances locales y ont aussi contribué.
Les premiers convertis, considérés par leur communauté d’origine
comme des traitres, font l’objet de rejet et sont soumis à la persécution
sous toutes ses formes. Pour permettre au chrétien UEESO-CI de résister
à ces pressions et demeurer dans la foi, des programmes d’enseignement
sont institués et des structures mises en place pour la formation de
pasteurs
et
évangélistes
locaux,
en
vue
aussi
de
faciliter
l’autonomisation et garantir la poursuite de l’œuvre. Mais la formation
de ces pasteurs est très vite confrontée à un véritable problème, celui de
la qualité. Les vocations venant le plus souvent de personnes peu ou non
instruites, cela pose le problème de l’assimilation de la doctrine
chrétienne et de la fidélité dans sa transmission au peuple de Dieu. Cette
situation n’est pas favorable à une bonne pratique religieuse des
chrétiens UEESO-CI.
Dans un troisième temps nous nous sommes proposé de chercher à
comprendre comment les chrétiens UEESO-CI vivent leur foi. Il
s’agissait de montrer si le vécu de ceux-ci était en adéquation avec les
prescriptions bibliques. Et nous avons vu que si la rupture avec la
tradition est totale et la volonté de connaitre la Bible, constante,
plusieurs aspects de la vie chrétienne restent loin d’être parfaits, freinant
ainsi leur épanouissement spirituel. Les chrétiens UEESO-CI ont du mal
à se détacher de la chair et donnent difficilement les offrandes et les
dîmes à cause de la pauvreté ; leurs relations avec leurs frères ne sont
jamais au beau fixe. Les Dan et les Wê, peuples majoritaires à
l’UEESO-CI, sont parvenus à transposer dans l’Église leurs vieux
conflits ethniques bloquant ainsi la communion fraternelle. Le niveau de
connaissance approximatif des pasteurs entraine toujours des problèmes
420 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
de compréhension et d’interprétation de la Parole (Bible), d’où la
permanence des crises doctrinales et des schismes.
L’un des acquis de ce travail est d’avoir présenté le dynamisme
d’une mission protestante dans la christianisation du sud-ouest ivoirien.
Ici nous avons montré que c’est de manière harmonieuse que
prédicateurs et évangélistes africains et missionnaires européens ont
entrepris et mené ce projet d’évangélisation. « Conquérir avant de
convaincre » était la stratégie de la MBCI. Par la qualité des appâts
utilisés, les missionnaires sont parvenus à susciter des conversions
massives et à réussir l’implantation. Mais un évangile basé sur le
matériel pouvait-il produire de bons chrétiens ? La réponse est
évidemment non et nous sommes en mesure d’affirmer que le premier
handicap à la pratique religieuse et au développement harmonieux des
Églises africaines et précisément de l’UEESO-CI vient de cette stratégie
missionnaire qui consiste à présenter un évangile de type « assurance
tout risque ». Il exclut de son horizon même la possibilité de souffrir.
Perçu comme le lieu du bien-être spirituel, moral et surtout matériel, cet
évangile devait prémunir le croyant contre toutes sortes de difficultés. Il
va de soi qu’une foi issue d’un pareil évangile ne peut être qu’un feu de
paille. La moindre difficulté suffit pour l’éteindre ne laissant à l’individu
d’autres alternatives que les groupes ésotériques, sectaires, ou tribaux, si
ce n’est le syncrétisme. Il est à peine besoin de relever l’incohérence
d’une pareille foi ; à ceux qui viennent vers lui, le Christ n’a jamais
promis une illusion de bonheur fondé sur le quiétisme. Il leur a toujours
franchement indiqué que l’aventure avec lui est étroitement liée à la
croix : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive… » et
ailleurs : « celui qui veut marcher à ma suite qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix et me suive… ». Il est donc clair que « la foi sans
l’aventure et les risques de la croix libératrice est une foi morte »
769
769
.
E. J. PENOUKOU, « Avenir des églises africaines » in 2000 ans de
Christianisme, Aufadi, Paris, 1976, p. 86.
Conclusion
421
L’étude a aussi montré que le modèle religieux proposé par la
mission ne pouvait pas déboucher sur des chrétiens de qualité ayant
véritablement tourné le dos au péché pour former le peuple de Dieu.
L’ampleur des rivalités ethniques et des guerres de leadership traduisent
que la christianisation a été moins profonde. Les chrétiens sont mal
formés et les leaders sont souvent loin d’être des modèles, sel de la terre
et lumière du monde
770
. L’autonomisation précipitée des Églises a
provoqué la naissance d’une Église prématurée
771
.
Il aurait donc été important pour la mission de prendre le temps
nécessaire pour former des pasteurs capables d’assurer la relève. Par
ailleurs, l’unité prônée par l’Église aurait dû être enseignée en vue
d’éradiquer les problèmes ethniques et susciter le respect des préceptes
bibliques, gage de paix et de concorde entre croyants.
L’étude permet enfin de montrer que les croyants UEESO-CI euxmêmes manquent de sincérité dans leur conversion. Ils font preuve
d’une conversion superficielle et se montrent incapables de respecter les
prescriptions bibliques et devenir de vrais témoins du Christ
772
. Ils
ignorent que « La conversion (…) c’est aussi un acte social
d’engagement dans une communauté marquée par un itinéraire
"initiatique" et des gestes rituels appropriés, le tout témoignant d’un
changement d’identité sociale »
773
. Ce changement doit avoir une
répercussion positive sur la société car tel devra être le rôle de l’Église.
770
Voir Mathieu Chapitre 5 v13 à 14.
Ce terme, bien que péjoratif, désigne bien les réalités de l’UEESO en 1962.
772
Cette réalité commune aux Églises africaines a amené les évêques
camerounais à se poser la question suivante : « Nos églises sont pleines, nos
célébrations liturgiques si belles, mais la vie chrétienne ne reflète pas assez
notre foi au Christ, Prince de la justice et de la vérité. La corruption et la
gabegie sont aussi le fait des chrétiens, de tant d’hommes et de femmes sortis
des écoles catholiques. D’où notre interrogation pourquoi les fidèles chrétiens
n’arrivent-ils pas à se distinguer et à opérer le changement de la société ? » Cf.
Message des évêques du Cameroun, 10 janvier 2009, la documentation
catholique N°2419, 1er mars 2009, p. 257.
773
André MARY, cité par Laurent AMIOTTE-SUCHET, op.cit, p. 589.
771
422 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
La question ethnique reste dans l’UEESO-CI un grand défi. Une
prise en compte de critères plus objectifs qu’ethniques pourrait
favoriser davantage de sérénité au sein de cette communauté
chrétienne. Les racines du mal sont à rechercher dans le cœur même
de chaque chrétien. « Car c’est du dedans, du cœur des hommes que
sortent les desseins pervers 774 ». Le tribalisme a conduit à des prises
de position égoïste, au repliement des groupes ethniques sur eux-
mêmes. Les liens de parenté étant privilégiés, l’exploitation du
sentiment ethnique n’est pas au service du bien de la communauté.
L’idolâtrie de la tribu a conduit à exclure les autres, à opposer un
groupe à un autre. L’amour de sa tribu a mis en définitive en lumière
un état d’esprit pervers au service des déchirements.
La diversité ethnique qui caractérise la composition sociologique
de l’UEESO-CI ne devrait pas constituer un problème pour la vie de
cette communauté si elle était présentée comme une richesse. Ce qui
suppose un respect mutuel et une noble découverte de la grandeur
des autres pouvant déboucher sur un partage des valeurs
culturelles. Accepter la richesse et la variété des cultures peut se
traduire par un engagement à bâtir ensemble une communauté
stable et pacifique. Pour atteindre le bien commun, réussir un vivre
ensemble au-delà de la simple tolérance de la présence des autres à
ses côtés, il convient de dépasser les clivages ethniques et tribaux et
cultiver le dialogue contre l’esprit de division.
Cela doit passer par une éducation ou une rééducation du peuple
de Dieu. Pour y parvenir, un bon niveau d’instruction des pasteurs
est plus que nécessaire. L’Église devra former des pasteurs capables de
comprendre puis d’interpréter la doctrine chrétienne en vue d’éviter les
amalgames. Elle devra revoir la formation des fidèles en vue de les
rendre capables d’aller au-delà des considérations ethniques pour former
774
Marc 7v21.
Conclusion
423
une Église ou il n’y a ni Grec, ni Juif, ni Wê, ni Dan, ni Kroumen, ni
Bété, ni Niamboua, et qui soit véritablement le sel de la terre.
775
Il est vrai que tous les auteurs ont tendance à défendre la cause d’une
Afrique victime d’une agression culturelle qui l’empêche de s’épanouir
spirituellement et plaident tous en faveur d’une reconsidération des
valeurs africaines en vue de leur participation effective à la civilisation
universelle. Mais il ne faut pas jeter du revers de la main cette mentalité
africaine parfois hostile au changement. L’objectif de la mission
chrétienne en Afrique n’était certainement pas de créer des Églises à
problème, mais c’est l’incapacité des convertis d’intégrer les principes
de leur nouvelle religion qui est à la base des difficultés de l’Église
africaine et principalement de l’UEESO-CI.
Membre de l’Église UEESO-CI, nous voudrions que cette thèse soit
perçue comme un regard de l’intérieur, une autocritique objective qui
n’est pas une autodestruction. La prise en compte des critiques, mêmes
les plus acerbes permettrait à l’Église de corriger certaines imperfections
et se rendre de plus en plus utile à Dieu et à la société. Les nombreuses
crises qui continuent de fragiliser cette communauté peuvent toujours
être corrigées. Les solutions se trouvent dans la richesse de sa diversité
culturelle et idéologique jusque là mal exploitée.
L’UEESO-CI devra jeter un regard rétrospectif sur son histoire ;
considérer ses acquis, estimer sa contribution non moins importante à la
naissance et au développement de la nation ivoirienne. Avec ses 34
écoles primaires, son prestigieux collège protestant de Daloa, sa
pouponnière de Man qui continue de donner le sourire à des milliers
d’orphelins,
son
institut
biblique,
ses
centres
de
formation
professionnelle, ses motels..., elle constitue un acteur important du
développement économique, social et spirituel du pays. Les crises
d’aujourd’hui ne doivent pas étouffer la gloire d’hier ; encore moins ne
doivent-elles l’arrêter.
775
Lire Mathieu 5, sermon sur la Montagne.
424 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Aujourd’hui, à l’heure même où la Côte d’Ivoire sort de la plus
grave crise de son histoire et amorce une nouvelle ère, celle de sa
reconstruction, la contribution de toutes les composantes sociales
s’avère nécessaire. L’Église dans sa grande composante y est très
attendue. L’UEESO-CI ne doit donc pas rester en marge de ce noble
projet. Elle devra donner l’exemple de la confession, du pardon et de la
réconciliation vrais.
Tel qu’il se présente, ce travail n’a pas la prétention d’être exhaustif.
D’ailleurs, vu la richesse de l’histoire de l’UEESO-CI, il faudra encore
plusieurs thèses pour pouvoir cerner les différents contours de l’histoire
de cette Église bientôt centenaire. Cette thèse, comme toute œuvre
humaine d’ailleurs, présente certainement des limites, voire des
faiblesses. Cependant nous pensons que son apport à l’édification de
l’histoire religieuse de la Côte d’Ivoire n’est pas négligeable.
Les limites se trouvent dans un premier temps, au niveau des sources
d’information et de leurs traitements. Face à l’insuffisance voire au
manque d’écrits historiques sur le sujet et faute d’archives bien
organisées à l’UEESO-CI, nous nous sommes souvent limité à des
lectures parfois générales et à quelques documents d’archives fournies
par des régions de l’Union ou par des particuliers, en privilégiant plutôt
les enquêtes orales. Or, nos informateurs étant pour la plupart des
responsables de l’Église UEESO-CI, l’objectivité des informations
fournies pourraient être objet à contestation. Il y a aussi le problème de
l’exactitude des dates, des noms, des lieux et des personnages étant
donné que certains de nos informateurs sont très âgés et sont en train de
perdre la mémoire. Quant à l’analyse de ces informations, elle a
certainement été influencée par notre subjectivité et nos partis pris du
fait de notre appartenance à l’Église.
Nous reconnaissons aussi que la thèse n’a pas abordée en profondeur
tous les aspects du sujet. Par exemple, la biographie de certains
missionnaires et pionniers africains de l’UEESO-CI est incomplète ou
Conclusion
425
inexistante. Cela s’explique par le manque de documentation sur le
sujet. Les statistiques sur les conversions et l’évolution du nombre des
membres de l’Église sont discontinus. Car, depuis la fin de l’ère
missionnaire, il n’y a plus eu de véritables recensements des chrétiens
UEESO-CI.
C’est volontiers que les relations entre la MBCI et les autres
missions chrétiennes et celles entre l’UEESO-CI et les autres
communautés n’ont pas été profondément abordées car nous voulions
éviter une étude trop large qui risquerait d’être superficielle.
À toutes ces limites s’ajoutent les faiblesses d’écriture. Nous
sommes conscients que ce travail contient certainement des fautes au
niveau de la syntaxe, et le style n’est pas peut-être élaboré. Nous restons
ouvert donc aux critiques et suggestions des éventuels lecteurs et des
chercheurs. Néanmoins, nous pensons avoir apporté une part, aussi
modeste
soit-elle,
à
l’édification
de
l’histoire
religieuse
et
particulièrement celle de la Côte d’Ivoire qui reste à écrire. Nous avons
aussi apporté un éclairage historique aux problèmes liés à l’Église
africaine issue de ce vent missionnaire qui a soufflé sur le continent
africain pendant ces deux derniers siècles, à partir du cas de l’UEESOCI.
Toutefois, pour l’Histoire, le champ d’investigation reste encore très
vaste pour comprendre la totalité des faits relatifs à la naissance et à
l’évolution de l’UEESO-CI. Plusieurs autres aspects très intéressants de
ce sujet restent encore en friche. Cette thèse pourrait être un prétexte
pour d’autres chercheurs d’étendre la recherche sur ces aspects en en
faisant une étude plus poussée. Par exemple, un travail sur le regard
croisé entre missionnaires blancs et évangélistes africains pourraient
permettre de mieux comprendre les relations entre ces deux catégories
bien distinctes de serviteurs de Dieu. Il serait alors question de
comprendre qui était le missionnaire pour l’évangéliste et vice-versa.
426 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Aussi, les relations entre chrétiens et adeptes des religions
traditionnelles, légèrement abordées dans cette thèse pourraient faire
l’objet d’études plus approfondies. Cela permettrait par exemple de
comprendre pourquoi malgré l’expansion de la religion chrétienne, les
peuples du sud-ouest ivoirien restent toujours solidement ancrés dans les
religions et croyances traditionnelles.
ANNEXES
Annexe 1 : Guide d’entretien et questionnaires
Le guide d’entretien que nous présentons ci-dessous a été utilisé
dans nos échanges avec les pionniers. Dans la plupart des cas, ces
entretiens prévus dans la perspective d’un entretien directif, se sont
transformés en récits autobiographiques que nous avons enregistrés
intégralement à cause de la richesse des informations qu’ils contenaient.
Quant aux questionnaires, ils ont été adressés aux anciens convertis
qui ont été contraints d’y réponde selon l’ordre imposé. Cependant, dans
la plupart des cas. Cette exigence n’a pas empêché d’autres échanges
plus développés après le remplissage des questionnaires.
1.1-Guide d’entretien
Identification de l’informateur
Présentez-vous : nom, prénoms, âge, ethnie, situation familiale, lieu de
résidence, profession :
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Thème I : cursus scolaire et formation
Parlez-nous de votre cursus scolaire et de vos formations puis dites-nous
si ces formations ont une incidence sur votre conversion :
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
428 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Thème II : Le passé religieux du converti ainsi que celui de sa famille
Parlez nous de vos croyances religieuses avant votre conversion :
....................................................................................................................
Renseignez-nous sur la religion de votre famille :
....................................................................................................................
Thème III : L’expérience de conversion
À quel moment avez-vous décidé de devenir chrétien ?
....................................................................................................................
Quelles en sont les motivations ?
....................................................................................................................
Comment la rupture s’est-elle faite ?
....................................................................................................................
Comment s’est faite votre conversion et à quelle période ?
....................................................................................................................
Quelle fut la réaction de votre famille et de votre entourage après votre
conversion ?
....................................................................................................................
Thème IV : La vie pastorale. Parlez-nous de votre choix d’être
évangéliste ou pasteur ?
....................................................................................................................
Quelles en sont les véritables motivations ?
....................................................................................................................
Quelles ont été vos plus grandes satisfactions dans ce ministère ?
....................................................................................................................
Annexes
429
Quelles ont été vos déceptions ?
....................................................................................................................
Thème V : Crise dans l’Église
Parlez nous des crises dans l’Église UEESO-CI. Quelles en sont les
raisons, les manifestations et les impacts sur la vie de l’Église ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
1.2- Questionnaires
Questionnaire adressé par voie électronique à la mission biblique à la
suite d’échanges avec M. Reynaud, président du comité.
Mission biblique
1. Quelles sont les raisons qui ont motivé la naissance de la MBCI en
Côte d’Ivoire ?
....................................................................................................................
2. Qui étaient Daniel et Laure RICHARD ? (Avoir une photographie
d’eux et d’autres missionnaires si possible).
....................................................................................................................
3. Comment se fait la formation missionnaire à l’institut de
Nogent (critère de sélection, niveau d’étude, durée de la formation ?
....................................................................................................................
4. Peut-on avoir la liste (avec la période de service et des fonctions
exercées) des différents missionnaires de la MBCI de 1927 à 1976 ?
....................................................................................................................
Préciser si possible si tous ont subi une formation missionnaire.
430 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
5. Pourquoi créait-on les stations missionnaires ?
....................................................................................................................
6. Pourquoi étaient-elles généralement décalées de la ville ?
....................................................................................................................
7. Quelles sont les difficultés rencontrées par ces missionnaires sur le
champ de mission ?
....................................................................................................................
8. De quoi les missionnaires vivaient-ils (salaire, dons…) ?
....................................................................................................................
9. Comment la MBCI était-elle organisée (gestion, les différentes
responsabilités).
....................................................................................................................
10. Quels sont les différents responsables successifs de la MBCI de
1927 à 1982 ?
....................................................................................................................
11. Pourquoi la MBCI commence-t-elle l’œuvre à Sassandra et finit par
concentrer son travail dans l’ouest montagneux ?
....................................................................................................................
12. Quelles furent les relations de la MBCI avec l’administration
coloniale ?
....................................................................................................................
13. Quelles furent ses relations avec les autres missions et avec l’Islam ?
....................................................................................................................
14. Quand « L’appel » a-t-il été créé et quel était son objectif ?
....................................................................................................................
Annexes
431
Évangélisation
1. Quelles sont les méthodes utilisées par la MBCI dans le cadre de
l’évangélisation ?
....................................................................................................................
2. Quels sont les moyens utilisés (appâts…) ?
....................................................................................................................
3. Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’évangélisation (d’ordre
culturel, social, en fonction des peuples…) ?
....................................................................................................................
4.
Quelle
était
l’apport
des
premiers
convertis
dans
cette
évangélisation ?
....................................................................................................................
5. Les missionnaires blancs étaient-ils parfois opprimés ? Comment ?
....................................................................................................................
L’Église
1. Peut-on avoir la chronologie de la création des Églises jusqu’en
1963 ?
....................................................................................................................
2. Comment l’Église était-elle gérée (le rôle des frères ivoiriens ou
Africains et celui des missionnaires)
....................................................................................................................
3. Comment la formation des évangélistes se faisait-elle (critères de
sélection, durée de la formation, contenue de la formation) ?
....................................................................................................................
4. De quoi les évangélistes vivaient-ils (salaire, dons…) ?
432 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
....................................................................................................................
5. Quelle appréciation faites-vous de la pratique religieuse des premiers
convertis ?
....................................................................................................................
6. D’où est venue l’idée d’autonomisation de l’Église ?
....................................................................................................................
7- L’Église était-elle préparée à cette autonomisation ? Comment la
relève a-t-elle été préparée ?
....................................................................................................................
Questionnaire adressé entre 2011 et 2012 à une vingtaine d’anciens
chrétiens dans les différentes régions UEESO-CI
Ce questionnaire vous est adressé dans le cadre d’un travail de
recherche sur l’UEESO-CI. Veuillez y répondre en fonction des
informations en votre disposition.
Identification et ancienneté et responsabilité dans l’Église
Nom et prénom (facultatif) .............................................................
Age
………………
Nationalité
………………
Ethnie
………………
Fonction
………………
Année de :
Conversion
………………
Baptisé
………………
Fonction
………………
Responsabilité dans l’Église ………………
Annexes
433
Milieu d’origine
Je suis :
de parents UEESO-CI
de parents non chrétiens
de parents d’autres églises
Participation à la vie de l’Église
La moyenne de votre offrande par dimanche
....................................................................................................................
J’ai payé au moins une fois la dîme
Je le fais quelques fois
Toujours
Combien de fois participez-vous en moyenne aux programmes de la
semaine…………………
Combien de fois avez-vous participé déjà à une convention ?
à un camp
à un rallye
ailleurs
Pensez-vous que les chrétiens UEESO-CI participent souvent aux
conventions ?
Si non pourquoi ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
......................................................................................
434 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Arrière-plan culturel et degré d’abandon de la vieille nature
Avez-vous des totems au niveau de la famille ?
....................................................................................................................
Les respectez-vous encore ?
....................................................................................................................
Croyez-vous en la sorcellerie ?
....................................................................................................................
Pour vous, le chrétien doit-il se méfier des sorciers ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Participez-vous aux cérémonies traditionnelles de funérailles ou de
mariage…………………
Selon-vous, est-ce normal pour un chrétien de participer aux cérémonies
traditionnelles, funérailles, sacrifice ou libation ?.........
Pourquoi? ...................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Opinion sur la vie de la communauté
Je pense que le processus de baptême à l’UEESO-CI est :
Bien
un peu long
difficile et épuisant
Je pense que le processus de mariage à l’UEESO-CI est :
Bien
Long et coûteux
un peu long
Annexes
435
Que pensez-vous de la communion fraternelle à l’UEESO-CI ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Croyez-vous qu’il y a des conflits ethniques à l’UEESO-CI ?
Lesquels ......................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Quelles en sont les causes ? .......................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
La sanctification et la vie de prière
Avez-vous une fois confessé un péché à un responsable ? ........................
Quel est le péché qui fatigue le plus les chrétiens selon vous ?
....................................................................................................................
Combien de fois priez-vous en moyenne par jour ? ..................................
....................................................................................................................
Citez quelques sujets pour lesquels vous priez souvent .............................
....................................................................................................................
Qu’est ce qui peut empêcher un chrétien de prier ? ...................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
436 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Opinion sur le pentecôtisme
Que pensez-vous des prières d’ensemble ? ...............................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Que pensez-vous du parler en langues ? ....................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Opinion sur les conflits dans l’Église et la gestion de l’héritage
missionnaires
Pensez-vous qu’il existe un problème Wê et Dan à l’UEESO-CI ? ..........
....................................................................................................................
Selon vous, quelles en sont les causes ? ....................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Que pensez-vous des conditions de vie des pasteurs à l’UEESO-CI ? ......
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Pensez-vous que les pasteurs UEESO-CI s’entendent bien ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Si non quelles sont les causes des mésententes ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Pensez-vous que l’UEESO-CI est une Église missionnaire ? ....................
Annexes
437
....................................................................................................................
Justifiez votre point de vue .........................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Pensez-vous que l’UEESO-CI gère bien les biens laissés par la mission
(écoles, pouponnière, instituts ? ................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Regard critique sur la marche de l’UEESO-CI
Selon vous quels sont les plus grands problèmes de l’UEESO-CI ?
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
Bref récit de conversion
Quelques mots sur votre conversion :
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
....................................................................................................................
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438 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Annexe 2 : Les textes de l’UEESO-CI
Cette catégorie présente dans un premier temps les statuts et
règlement intérieur de l’UEESO-CI. Cette présentation suit un ordre
chronologique en vue de permettre au lecteur d’apprécier les différentes
modifications juridiques intervenues au sein de l’Union. Nous avons
présenté l’intégralité des premiers statuts et règlements intérieurs puis un
extrait de la version actuelle qui met à jour les différentes modifications.
Dans un second temps, nous avons retenu un extrait de la position
doctrinale et des extraits de débats autour de la question doctrinale à
l’Union.
Les textes fondateurs de l’UEESO-CI
Statuts de l’union des Églises evangeliques du sud-ouest de la Côte
d’ivoire
CHAPITRE I
Principes Généraux
Article 1
Les Églises issues de la Mission Biblique, fondées sur la base de la
confession de foi des Églises Évangéliques dites « Baptistes » se
constituent en une Association.
Article 2
Cette Association prend pour titre : « L’UNION DES ÉGLISES
EVANGELIQUES DU SUD-OUEST ».
Article 3
Cette Union a pour but d’assurer la célébration du Culte Évangélique en
facilitant la tâche de chacune des Églises et en développant entre elles
une véritable unité de pensée et d’action chrétienne.
Annexes
439
Article 4
Tout en respectant la liberté de chacun, l’Union s’interdit tout but, toute
discussion, toute action politique.
Article 5
Le siège de l’Union est établi à l’adresse du Président du Comité de
l’Union. Il pourra être transporté ailleurs par décision de l’Assemblée
Générale.
Article 6
L’organisation générale est la suivante :
Les Églises locales et les œuvres qui s’y rattachent,
Les Assemblées Régionales,
Une Assemblée Générale,
Un comité de l’Union.
CHAPITRE II
Assemblées, régionales
Article 7
Les Assemblées Régionales réunissent au minimum une fois par an les
délégués des Églises et des Œuvres dépendant de l’Église locale ou de la
Région.
Elles s’organisent et délibèrent conformément aux règles établies par les
Règlements Intérieurs.
Elles règlent les questions particulières qui leur sont soumises et
prennent toutes décisions dans l’intérêt général des Églises et des
Œuvres de la Région.
Elles étudient l’Ordre du jour proposé par le Comité de l’Un1on.
Elles choisissent leurs délégués à l’Assemblée Générale.
Elles établissent la liste de leurs candidats au Comité deb l’Union.
440 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
CHAPITRE III
Assemblée générale
Article 8
L’Union elle-même délibère en Assemblée Générale suivant les règles
établies par les Règlements Intérieurs de l’Union.
Les décisions sont prises à la majorité absolue des votants sauf
exceptions prévues aux différents Chapitres,
La présence des deux tiers des délégués est nécessaire pour délibérer,
Article 9
L’Assemblée Générale se compose de délégués choisis au sein des
Assemblées Régionales et nommés par celles-ci.
Des observateurs peuvent être invités, ils n’ont pas voix délibérative.
Seuls les délégués ont droit de vote.
Le mandat des délégués expire à la fin de la session pour laquelle ils ont
été nommés.
Article 10
L’Assemblée « Générale se réunit régulièrement tous les deux ans ; elle
peut être convoquée en session extraordinaire par le Comité de l’Union ;
d’autre part, celui-ci devra la convoquer à la demande du tiers au moins
des Églises ».
Article 11
L’Assemblée Générale délibère sur les sujets d’intérêts généraux des
Églises et des Œuvres qui s’y rattachent.
Elle prend toutes décisions utiles pour le bon ordre et la sauvegarde de
l’Union
Elle vote sur l’admission de nouvelles Églises après avis du comité de
l’Union ; cette décision est prise à la majorité des deux tiers des voix des
membres présents.
Annexes
441
Elle décide de l’adhésion à des Unions ou Fédérations Évangéliquesayant le même objet. Cette décision est prise à la majorité des deux tiers
des voix des délégués présents, après avis du Comité de l’Union. En cas
de vote favorable. Afin de garantir son autonomie, les présents Statuts
continueront de régir l’Union elle-même.
L’Assemblée délimite géographiquement les Régions.
Elle se prononce sur les difficultés et les questions que lui présentent
volontairement les Églises ou Œuvres intéressées.
Elle élit, au scrutin secret, les membres du comité de l’Union, parmi les
candidats présentés par les Assemblées Régionales.
CHAPITRE IV
Comité de l’Union
Le Comité de l’Union
Article 12.
Le Comité de l’Union est composé de sept à quinze membres ; il y a en
outre trois suppléants.
Son Bureau comprend un président, un vice-président, un secrétaire et
un trésorier élus au sein du Comité et par lui pour quatre ans.
Le Bureau ainsi composé forme le « Conseil d’Administration » officiel
de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest. .
Le Bureau peut être renouvelé totalement ou partiellement si les deux
tiers des délégués à l’Assemblée Générale le demandent.
Les autres membres du Comité sont renouvelables à chaque session de
l’Assemblée Générale régulière.
Ce Comité se réunit au minimum une fois par an sur convocation du
président en exercice ou, en bas d’empêchement, du vice-président.
442 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Il ne siège valablement que si les deux tiers de ses membres sont
présents.
Article 13
Les attributions du Comité de l’Union sont les suivants :
Il administre toutes les affaires concernant l’Union gère les biens,
meubles et immeubles.
Il représente l’Union vis à vis des Autorités de la République, et peut
déléguer un de ses membres pour remplir et signer Valablement toutes
les formalités administratives édictées par les Lois et règlements,
entreprendre toutes démarches d fixées par l’Assemblée et représenter
l’Union devant les tribunaux.
Il veille à l’exécution des décisions prises par l’Assemblée Générale.
Il convoque l’Assemblée Générale en session ordinaire ou extraordinaire
et en prépare les travaux.
Il reçoit et examine les demandes d’admission et de réadmission
d’Églises.
Entre les sessions de 1’Assemb1ée Générale ; il a qualité pour prendre
les décisions urgentes qui s’imposent.
Il est responsable devant 1’Assemblée Générale à laquelle il fait un
rapport de la gestion.
CHAPITRE V
Divers : Finances
Article 14
Les frais généraux du Bureau du Comité de L’Union sont couverts par
les contributions des Églises et des Œuvres qui s’y rattachent suivant un
barème établi à chaque Assemblée Générale.
Annexes
443
Le trésorier reçoit et gère les fonds mis à sa disposition.
Conseillers
Article 15
Les Églises et les différentes Œuvres ainsi que le Comité de l’Union
peuvent faire appel à des conseillers pour toute aide spirituelle et
technique.
Admission -Radiation
Article 16
Pour faire partie de l’Union, chaque Église ou Œuvre doit :
I° Adhérer à la confession de Foi mentionnée à l’Art.
2° N’avoir soit dans ses usages, soit dans sa marche rien de contraire à
la dite confession ;
3. Adhérer aux présents Statuts ;
4° Etre admise par l’Assemblée Générale.
Article 17
Toute Église peut se retirer de l’Union en tout temps.
Les Églises qui ne rempliraient plus les conditions de l’Art. I6 seront
exclues sur un vote de l’Assemblée Générale.
Modification des Statuts
Article 18
Toute proposition tenant à modifier les présents Statuts ne peut être faite
que par le tiers d’une Assemblée Régionale ou Générale.
Ces modifications doivent être votées par la majorité des membres du
Comité de l’Union, ratifiées à la majorité des deux tiers par l’Assemblée
Générale et par les deux tiers des Églises.
Dissolution
Article 19
444 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Il est attribué tout pouvoir à l’Assemblée Générale pour prononcer la
dissolution de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest.
Toutefois, pareille décision ne pourra être valable que si la majorité des
deux tiers des membres présents 1’ont acceptée et qu’elle à été ratifiée
par la majorité de chaque Assemblée Régionale et des deux tiers des
Églises.
Règlements intérieurs de l’Union
CHAPITRE I
Confession de foi des Églises de l’Union
Paragraphe 1 -DU VRAI DIEU
Nous croyons qu’il y a un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, créateur
de toutes choses, infini, Eternel, Tout-puissant et méritant au plus haut
degré confiance, amour, obéissance, louange et adoration.
Paragraphe 2- DES SAINTES ÉCRITURES
Nous croyons que les Ecrits canoniques de l’Ancien et du Nouveau
Testament sont la Parole de Dieu et doivent être la seule infaillible règle
de foi et de vie chrétienne par laquelle nous serons jugés, et la seule
pierre de touche pour éprouver toute tradition, toute doctrine et tout
système religieux.
Paragraphe 5 DE LA CHUTE DE L’HOMME ET DES SUITES
DU PÉCHÉ
Nous croyons qu’Adam notre premier père fut crée innocent et bon,
mais qu’ayant volontairement violé le commandement de son créateur, il
perdit son état primitif ; de sorte que tous ses descendants, héritant de sa
nature, sont enclins au mal. Nous croyons aussi que tous ceux qui ont
transgresse la loi de Dieu son justement exposés à la mort éternelle.
Annexes
445
Paragraphe 4 DE JESUS-CHRIST ET DE SON OEUVRE
Nous croyons que Jésus-Christ, Je Verbe fait chair, né d’une vierge,
conçu par la vertu du Très haut, est le Fils de Dieu, et qu’après avoir été
tenté comme nous en toutes choses, il est resté saint, innocent, sans
souillure; qu’il a souffert et qu’il est mort sur la croix pour expier nos
péchés; qu’il est ressuscité et monté au ciel où il est seul médiateur entre
Dieu et les Hommes, et d’où il reviendra pour juger les vivants et les
morts.
Paragraphe 5 DU SALUT PAR LA FOI EN JESUS-CHRIST
Nous croyons que pour être sauvé, le pécheur doit se repentir de ses
péchés, accepter l’œuvre de Jésus et s’unir à lui par la foi. Cette union
produit la justification, la régénération et la sanctification sans lesquelles
nul ne verra le Seigneur. Nous croyons aussi que la vraie foi se
manifeste toujours par des œuvres agréables à Dieu.
Paragraphe 6 DE L’ŒUVRE DU SAINT-ESPRIT
Nous croyons que c’est le Saint-Esprit qui, appliquant au cœur les
vérités de l’Ecriture, produit en ceux qui sont élus selon la préscience de
Dieu, la vie chrétienne dans son principe et dans ses effets, et les rend
capable d’y persévérer jusqu’à la fin.
CHAPITRE II
Principes généraux
Paragraphe 14
Les Églises du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire sont composées de
membres qui font profession individuelle de la Foi. Elles ne connaissent
en matière religieuse aucune Autorité que celle de Jésus-Christ, l’unique
et Souverain Chef de l’Église. Ces Églises s’unissent entre elles pour
glorifier Dieu en manifestant l’Union de ses Enfants, pour travailler à
446 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’édification du Corps de Christ et pour s’occuper ensemble de
l’extension du Règne de Dieu.
Paragraphe 15
Dans
le
cadre
de
l’Union,
des
Régions
sont
délimitées
géographiquement par l’Assemblée Générale. Leurs limites et leur
nombre peuvent être modifiés pour le bon fonctionnement des
Assemblées Régionales.
Paragraphe 16
Les Églises locales, les Régions ou l’Union elle-même peuvent avoir la
responsabilité d’une ou plusieurs Œuvres particulières.
On entend par Œuvre particulière, soit l’œuvre d’évangélisation, soit
l’œuvre scolaire, soit l’œuvre médicale, soit une soit toute œuvre
semblable dépendant d’une Église, d’une Région ou de l’Union.
Paragraphe 17
Chaque Église règle ses propres affaires intérieures et considère les
Églises de l’Union comme des Églises sœurs, leurs membres jouissant
indifféremment des mêmes avantages.
Paragraphe 18
La règle est que chaque Église doit pourvoir à ses propres besoins par
les contributions volontaires de ses nombres et amis.
Elle ne compte sur aucune aide de l’État.
Chaque Serviteur de Dieu accepte le principe de la vie par la Foi.
Paragraphe 19
Dans les régions ou les ressources locales sont insuffisantes, aucun
travailleur ne sera rétribué sans l’assentiment du Comité de l’Union.
Les postes d’Évangélisation
et autres Œuvres s’efforceront de
contribuer le plus possible aux traitements de leurs Evangélistes et
autres responsables.
Annexes
447
Toute Œuvre particulière est rattachée soit à une Église locale, soit à une
Région, soit à l’Union elle-même.
Paragraphe 20
Pour faciliter la tâche des Églises et des Œuvres qu’elles décident de
faire en commun et aussi longtemps qu’elles le désirent, des
COMMISSIONS FINANCIÈRES REGIONALES gèrent les fonds
provenant des dons, dîmes et collectes qui leur sont confiées.
Elles comprennent les membres du Bureau de l’Assemblée Régionale, le
conducteur spirituel et au minimum un membre du Conseil de chaque
Église. Elles s’organisent et délibèrent sous la responsabilité du Bureau.
Le trésorier tient à jour les Comptes et les communique aux Églises et
Œuvres intéressées.
Paragraphe 21
Avec le consentement des Églises et des Œuvres qu’elles font en
commun, pour faciliter leur tâche et manifester leur solidarité, une
CAISSE CENTRALE D’ENTRAIDE alimentée par leurs contributions
volontaires aidera s’il y a lieu les Églises et Œuvres ne pouvant
supporter la totalité de leurs dépenses locales ;
Le trésorier de l’Union gère cette Caisse et assure la répartition des
fonds selon les directives du Comité d’après les besoins présentés par les
présidents des Assemblées Régionales.
Selon les disponibilités, la Caisse pourra en outre dépenses d’intérêt
général.
Le trésorier enverra périodiquement les Comptes dans chaque Région.
448 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
CHAPITRE III
Assemblée générale
Paragraphe 22
L’Assemblée Générale délibère sur les points de l’ordre du jour tel qu’il
a été établi par le Comité de l’Union compte tenu des suggestions des
Assemblées régionales.
Le Président du Comité de l’Union est responsable des débats.
Il doit rester neutre ; dans certains cas, il peut céder sa place au Viceprésident.
L’Assemblée choisit le mode de scrutin qu’elle désire.
L’Assemblée reçoit dans chacune de ses sessions ordinaires et de chaque
Région un bref, rapport, de préférence écrit, sur la marche générale de
l’Église et des Œuvres qui en dépendent.
Elle se prononce sur l’acception des anciens et des Evangélistes pouvant
assumer les charges pastorales ainsi que sur les cas particuliers qui lui
sont présentés.
Elle peut émettre les Vœux.
L’Assemblée fixe des règlements et la Consécration au Saint Ministère.
Elle fixe l’âge de la retraite, le barème des traitements, pensions etc.
Elle désigne deux vérificateurs des Comptes.
Si une Église se détournait de la Foi, ou s’il s’y omettait des désordres
graves, l’Assemblée Générale devra se prononcer avec le secours du
Saint-Esprit, sur le meilleur moyen de remédier au mal et pourra exclure
une telle Église de l’Union.
Sa réadmission sera soumise au vote de l’Assemblée Générale dans les
mêmes conditions que pour les admissions définies au Chapitre III.
Paragraphe 23
Nul ne peut être délégué
1- S’il n’a pas été baptisé au moins depuis deux ans ;
Annexes
449
2- S’il n’appartient pas à une Église ou Œuvre faisant partie de
l’union. Les frais de déplacement des délégués sont à la charge
des Églises ou des Œuvres qu’ils représentent.
CHAPITRE IV
Comité de l’Union
Paragraphe 24
Les différentes Régions devront être équitablement représentées dans le
Comité. Dans la mesure du possible, il sera tenu compte :
Du nombre total des baptisés, du nombre et de l’importance des Églises
locales ; toutefois, il ne pourra y avoir plus du tiers de ses membres
appartenant à la même Région.
La majorité des membres est choisie parmi les Conducteurs responsables
à l’Église et la minorité parmi les membres. La ‘même règle s’applique
pour le choix des suppléants.
Le Comité élit dans son sein, parmi ceux qui sont au service de Dieu
dans le ministère de la Parole (pasteur ou Evangéliste)
Un président et un Vice-président et indifféremment : un secrétaire et un
trésorier ; La composition du Bureau est soumise à la ratification de
l’Assemblée Générale.
Paragraphe 25
Le Comité de l’Union a en particulier les compétences suivantes :
Il veille à l’observation de la Confession de Foi.
Il exerce une surveillance fraternelle sur toutes les Églises et Œuvres.
Il assure la bonne marche de toute Œuvre particulière dépendant de
l’Union.
Il sert de lien entre les Églises de l’Union et entretient des rapports
fraternels avec toutes les Églises ou Assemblées qui, en Afrique ou hors
d’Afrique, vivent et professent la même foi.
450 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Il rend compte devant l’Assemblée Générale de la gestion des fonds qui
lui sont confiés et de la marche générale de l’Union.
Il contrôle le recrutement et s’occupe de la préparation de tous les
Pasteurs et Evangélistes de l’union ; il s’assure de la vocation des
candidats.
Il assiste les Églises pour trouver les Pasteurs, Evangélistes et autres
responsables d’œuvres dont elles auraient besoin et peut intervenir en
pas de différend.
Il se prononce sur le placement des proposants en accord avec eux et
avec leur Assemblée Régionale.
Il peut proposer une Assemblée Régionale le déplacement d’un
Serviteur de Dieu en faveur d’une autre Région.
Il invite un représentant de chaque Œuvre particulière dépendant de
1’Union à l’Assemblée Générale.
Il peut invite des Observateurs à l’Assemblée Générale.
Il envoie aux présidents des Assemblées Régionales, trois mois avant la
date prévue pour la session de l’Assemblée Générales l’ordre du jour
qu’il a établi.
En vue d’une éventuel1e adhésion, le Comité fait une en quête
approfondie sur les Unions et Fédérations avant que l’Assemblée
Générale ne vote, conformément aux dispositions prises au chap.III,
Article II des Statuts ; Il en est de même pour l’admission ou de la
réadmission d’Église.
Paragraphe 26
Le Comite repartit lui-même, s’il le juge nécessaire, sa tâche entre
diverses commissions qui préparent et suivent.les questions de leur
ressort et soumettent leurs conclusions au Comité qui statue.
Exceptionnellement, avec l’accord de l’Assemb1ée Générale, le Comité
peut élargir une Commission en choisissant d’autres membres ;
toutefois, la majorité des membres de cette Commission doit appartenir
Annexes
451
au Comité. Les membres ainsi adjoints ne siègent au Comité de l’Union
que pour l’examen des questions pour lesquelles ils ont été nommés. »
D’autres parts, le Comité peut s’adjoindre les membres représentatifs du
corps enseignant pour former une Commission Scolaire chargée
d’assurer la bonne marche de cette Œuvre. Elle s’organise et délibère
selon des règles qui lui sont propres. Les membres doivent appartenir à
l’Église, les observateurs peuvent être invités leur nombre est fixé par la
dite commission.
Entre les sessions du Comité, c’est le Président qui décide et agit à
condition d’obtenir au préalable - sauf cas d’extrême urgence- l’accord
de ses assesseurs.
En cas de décision importante, le Comité doit en informer les Églises et
Œuvres intéressées dans un délai de quinze jours.
Il peut déléguer un ou plusieurs de ses membres pour une enquête ou
visite dans les différentes Régions dépendant de l’Union.
CHAPITRE V
Assemblées régionales
Paragraphe 27
Entre les sessions de l’Assemblée Générale, des Assemblées réunissent
les délégués des Églises et des œuvres, par-Région, au minimum une
fois par an.
Le nombre des délégués à ces rencontres est proportionnel à celui des
membres des Églises constituées. La proportion est à déterminer par
chaque Assemblée Régionale.
Les délégués sont élus par l’assemblée de l’Église locale en se
conformant aux conditions énumérées au Paragraphe 23 du présent
règlement.
Les-postes d’Évangélisation
sont assimilés aux Églises pour leur
représentation aux Assemblées Régionales.
452 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
L’Assemblée Régionale détermine le nombre des délégués des Œuvres
particulières dépendant de l’Église ou de la Région.
Le responsable de chaque Église et de chaque Œuvre particulière
dépendant de l’Église ou de la Région est délégué de plein droit.
Dans un but purement fraternel, des Observateurs peuvent être-ils
invités ; n’ont pas voix délibérative.
Paragraphe 28
L’Assemblée choisi le mode de scrutin qu’elle désire. Les délégués
présents élisent parmi les Serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes,
un Président, un Vice-président et indifféremment un secrétaire et un
trésorier. Ceux-ci sont nommés pour deux ans ; ils sont immédiatement
rééligibles. Ils forment le bureau de l’Assemblée Régionale.
Outre ses fonctions au sein des Commissions Financières, le bureau
convoque et organise les Assemblée Régionales.
Entre les sessions, le Bureau peut prendre les décisions d’intérêt général
qui s’imposent.
Dans certains cas, avec l’accord de l’Assemblée Régionale, il peut
s’adjoindre au maximum trois membres choisis de préférence parmi les
Serviteurs de Dieu pour former une Commission chargée principalement
des cas de discipline. (Paragraphe 31)
Paragraphe 29
L’Assemblée Régionale désigne deux vérificateurs des Comptes.
Elle nomme ses délégués à l’Assemblée Générale parmi les membres
présents à raison de UN pour cinquante ou fraction de cinquante
chrétiens baptisés résidant dans la région. La majorité des délégués est
choisie parmi les serviteurs de Dieu, Pasteurs ou Evangélistes.
Elle peut désigner des Observateurs à l’Assemblée Générale ; leur
nombre ne doit pas être supérieur au tiers de celui de ses propres
délégués.
Annexes
453
L’Assemblée Régionale établit la liste des ses Candidats au Comité de
l’Union dans un ordre de préférence, en tenant compte des
considérations exposées au paragraphe 24 du présent Règlement.
Paragraphe 30
Les déglués examinent l’ordre du jour proposé par le Comité de l’Union
et étudient les questions qu’ils veulent y inscrire.
Ils délibèrent sur les sujets particuliers qui leur sont présentés et
prennent toutes décisions dans l’intérêt général des Églises et des
Œuvres de la Région.
L’Assemblée Régionale encourage et contrôle toute Œuvre ayant pour
but l’exécution du Commandement du Seigneur : Matthieu 28/I9—20.
Elle présente au Comité de l’Union ses Candidats au Saint ministère.
Elle-peut intervenir dans le placement des proposants.
Elle s’occupe du placement des Pasteurs, Evangélistes, Proposants et
autres Serviteurs que Dieu lui envoie.
Dans le cadre de la Région, elle se prononce sur toute demande de
déplacement présentée par les Églises, les Œuvres ou les Serviteurs de
Dieu eux-mêmes.
Elle peut demander un déplacement chaque fois que l’intérêt de l’œuvre
de recommande.
Concernant le déplacement en faveur d’une autre Région, l’Assemblés
se prononce : d’une part, sur toute demande présentée par un serviteur
de Dieu, d’autre part sur toute proposition du Comité de l’Union ; la
décision requiert l’accord de l’intéressé et s’il y a lieu, celui de l’Église
ou de l’œuvre dans laquelle il exerce son ministère.
L’Assemblée peut soumettre au Comité de l’Union les sujets particuliers
qui la préoccupent.
Un compte rendu des séances de l’Assemblée Régionale est envoyé au
président du Comité de l’Union.
454 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Paragraphe 31
Concernant les Serviteurs de Dieu en activité dans les Églises ou Œuvres
dépendant de 1’Eg1ise ou de la Région, la discipline est exercée par
l’Assemblée Régionale ou par une commission agrée par elle dans le cas
des fautes graves suivantes :
•
négligence persistante dans l’accomplissement de sa tâche ;
•
conduite en contradiction avec l’enseignement des Ecritures ;
• enseignement contraire au principe de la Parole de Dieu et de
l’Église.
Un Compte rendu est envoyé sans retard au Président du Comité de
l’Un1on. Si elle le désire, l’Assemblée Régionale ou la Commission
peut faire appel au Comité de l’Union pour juger certains cas
particuliers.
L’intéressé peut demander l’arbitrage du Comité de l’Union.
Concernant les serviteurs de Dieu en activité dans une Œuvre
particulière dépendant de l’Union, la discipline est exercée par le comité
de l’Union.
Paragraphe 32
Le Bureau de l’Assemblée Régionale peut convoquer les Serviteurs de
Dieu en activité dans la Région pour des rencontres particulières.
Des Assemblées groupant plusieurs Régions peuvent être convoquées
sur la demande du Comité de l’Union chaque fois que l’intérêt général
de l’œuvre l’exige.
Paragraphe 33
Dans un esprit de collaboration fraternelle, le Comité de l’Union ainsi
que les Églises et Œuvres de l’Église peuvent faire appel à la Mission
pour toute aide spirituelle et technique afin d’assurer la bonne marche
des différentes activités de l’Union.
Les missionnaires appelés comme conseillers sont admis au Comité
comme aux différentes Assemblées avec voix consultative.
Annexes
455
CHAPITRE VI
Divers : Modifications
Paragraphe 34
Toute proposition tenant à modifier les présents Règlements Intérieurs
ne peut être faite que par le tiers d’une Assemblée Régionale ou
Générale ; ces modifications doivent être votées par la majorité des
membres du Comité de l’Union, ratifiée à la majorité des deux tiers par
l’Assemblée Générale et par les deux tiers des Églises.
CONCLUSION
Paragraphe 35
Les Statuts et Règlements Intérieurs doivent être lus et appliqués sous le
regard de Dieu. Le Saint-Esprit doit inspirer les délibérations et les
décisions afin que TOUT soit fait POUR LA GLOIRE DE DIEU ET
qu’EN TOUTES CHOSES, CHRIST SOIT VERITABLEMENT EN
TOUT LE PREMIER.
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES
Pour manifester la communion fraternelle et permettre une collaboration
fructueuse entre la Mission, l’Église ct les différentes Œuvres, outre les
Conseillers choisis pour aider aux divers stades de l’organisation de
l’Union et pour une période transitoire, pourront assister.
1. Aux Assemblées Régionales
Les missionnaires
2. Aux Assemblées Générales
Les missionnaire chef de district.
Les responsables d’œuvres particulières,
Le Comité exécutif de la mission.
3. Aux Comités de l’Union
456 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le Comité exécutif de la Mission et un représentant de l’U.F.M. Les
missionnaires ont voix consultative. Les dispositions transitoires
pourront être modifiées ou prendre fin d’un commun accord.
UNION DES ÉGLISES ÉVANGELIQUES DU
SUD-OUEST
RÉGLEMENTS INTERIEUR
DE L’ÉGLISE LOCALE
Église : Généralités
Article I
L’Église est rattachée par Sa Foi aux Églises des temps apostoliques et
aux confesseurs de tous les siècles qui n’ont point posé d’autre
fondement que celui qui doit être posé, à savoir Jésus-Christ. I Cor. 3 : II
Article 2
L’Église locale reconnaît le besoin de s’associer avec d’autres Églises
locales identiques afin de manifester la solidarité chrétienne qui l’unit à
elles, pour agir en commun, donner ou recevoir de 1’aide, et pour avoir
une même représentation auprès des pouvoirs publics.
Cette association est l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest de
la Côte d’Ivoire.
Article 3
L’Église locale adhère à la Confession de Foi et aux Statuts de l’Union.
Les présents Règlements Intérieurs sont ceux de chaque Église de
l’Union.
Article 4
L’Eg1ise locale se compose uniquement de croyants baptisés après avoir
confessé leur foi.
L’Eglise reconnaît à chacun de ses membres une complète égalité de
droit, quelque soit son sexe ou sa nationalité.
Annexes
457
Article 5
L’Église locale, loyale à l’État, s’interdit tout but politique.
Article 6
Pour être constituée, une Église doit remplir les conditions suivantes :
1.
avoir au minimum 15 membres,
2.
avoir parmi ses membres des hommes capables de former un
3.
pouvoir couvrir ses propres besoins financiers.
conseil,
On appelle « Poste d’Évangélisation » une Église en formation ; il se
rattache à une Église ou à une Région.
Admission
Article 7
Pour être admis, les candidats doivent :
1.
donner des preuves satisfaisantes de leur conversion,
2.
être
instruits
des
Vérités
chrétiennes
par
des
cours
spécialement appropriés à leurs besoins.
3.
adhérer à la Confession de Foi et aux principes de l’Église,
4.
avoir I8 ans révolus, sauf décision particulière du Conseil,
5.
fréquenter l’Église, ou une Église de l’Union depuis au moins
un an.
Article 8
Le Candidat au baptême est présenté à l’Église parle Pasteur ou autre
conducteur spirituel sur avis favorable du Conseil.
Il rend témoignage de sa Foi et répond publiquement aux questions qui
pourront lui être posées lors d’une réunion ordinaire du Dimanche ou
une Assemblée d’Église.
Si après un délai de deux semaines, il n’est fait aucune opposition, le
Candidat sera baptisé et reçu dans l’Église.
Il suffit d’une opposition motivée pour ajourner une admission.
458 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Le Conseil devra se rendre compte de la valeur des motifs invoqués.
Article 9
Des membres d’une autre Église de l’Union munis d’une lettre de Congé
et de Recommandation pourront s’ils le désirent devenir membre de
cette Église tout en renouvelant les témoignages de leur Foi.
La lettre sera valable à condition qu’elle ne date pas plus de six mois.
Des personnes incapables de produire leur lettre de Congé et de
recommandation ne pourront devenir membres qu’après avoir donné
preuves de leur conversion et professé leur Foi.
Article 10
Des personnes membres d’Églises n’appartenant pas à l’Union, munies
ou non de lettre de Congé et de recommandation, peuvent devenir
membres d’une Église de l’Union à condition d’adhérer à la Confession
de Foi et aux principes de l’Église, de donner des preuves de leur
conversion et de rendre témoignage de leur Foi.
Article 11
Les Admissions mentionnées aux Articles 9 et 10 sont proposées à
l’Assemblée de l’Église par le Pasteur ou autre Conducteur spirituel sur
avis favorable du Conseil.
Transfert
Article I2
Les membres qui désirent changer de lieu de résidence recevront sur leur
demande une lettre de Congé et de Recommandation. Cette lettre sera
valable six mois.
Radiation
Article 13
En tout temps et sur simple déclaration, chaque membre est libre de se
retirer de l’Église.
Annexes
459
Discipline
Article 14
La discipline est exercée suivant le cas par le Conseil de l’Église ou par
l’Église elle-même.
Article 15
La discipline s’exercera sans acception de personne avec douceur et
franchise, mais aussi avec fermeté en faisant toutes les démarches
prescrites par la Parole de Dieu pour amener à la repentance le frère ou
la sœur qui s’égare.
II Tim. 2:25 , 26 ; 4:2 ; Tite 2:15.
Article 16
Lorsqu’un membre est répréhensible, soit qu’il se désintéressé de la vie
de l’Église, soit qu’il néglige ses devoirs de chrétien, soit qu’il rende un
mauvais témoignage par ses paroles ou ses actes;... un ou deux
avertissements seront donnés par le Pasteur, seul ou assisté par un ou
plusieurs membre du Conseil.
Jacq. 5-I9, 20 I-Thes. 5:14 - Mat. I8:I5 - Gal. 6-I - II OCT I3: I
S’il persiste dans son infidélité, il sera suspendu, c’est-à-dire privé pour
un temps de la participation à la Cène et de l’exercice de ses droits de
membre de l’Église.
II Thes. 3:14, I5.
Article 17
Dans les cas graves, particulièrement lorsqu’il y a scandale public, la
suspension sera prononcée immédiatement par le Conseil.
Article 18
La suspension est l’objet d’une déclaration à l’Église.
Elle est levée par le Conseil après un délai convenable permettant de
constater des marques non équivoques de repentir.
460 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dans certains cas dont le Conseil est juge, le coupable devra faire de son
péché une Confession publique.
Article 13
Si un certain temps après la déclaration de suspension, le coupable n’a
manifesté aucun signe de repentance mais s’est endurci au point de
n’écouter ni le Conseil, ni l’Église, il pourra être exclu par un vote de
l’Assemblée sur proposition du Conseil.
Mat. 18:16, 17 - 1 Cor. 5: II - 15 - (Gal. 549-21)
Article 20
Tout membre qui aura provoqué la division ou enseigner de fausses
doctrines en toute connaissance de cause sera exclu par un vote de
l’Assemblée sur proposition du Conseil, à moins qu’il ne se repente et
ne se rétracte publiquement.
Rom. I6:I7/- Tite 5:10, 11 - Actes 20:29,31 - Apoc. 2:20
Article 21
S’il arrivait qu’un membre du Conseil soit ré répréhensible, le Conseil
devrait le plus rapidement convoquer l’Assemblée de l’Église à laquelle
seule il appartient de se prononcer en pareil cas.
Il pourra être destitué de sa charge de membre du Conseil, rivé de ses
droits de membre de l’Église et même, s’il y a lieu, exclu de l’Église.
L’Intéressé peut faire appel à l’Assemblée Régionale.
Article 22
Aucune accusation contre un responsable de l’Église ou un membre du
Conseil ne sera reçue que (sic) sur la déposition de deux ou trois
témoins. I Tim. 5 : 19, 20.
Article 23
S’il arrivait que le Pasteur soit répréhensible dans sa conduite, agissait
contrairement aux intérêts de l’Église, négligeait ses devoirs ou cessait
de partager les vues de l’Union, le Conseil devrait, à la majorité des
Annexes
461
deux tiers de ses membres, prononcer, soit la Censure, c’est-à-dire un
blâme sévère, soit dans les cas graves, la suspension temporaire.si cette
dernière décision est prise, le Conseil en avisera sans retard le Président
de l’Assemb1ée Régionale; c’est à cette dernière, ou à une Commission
agrée par elle qu’il appartient de statuer.
Gal. 2 :11 -I4, I Tim. 5:20
L’intéressé peut demander l’arbitrage du Comité de l’Union.
Article 24
Concernant les Evangélistes et autres serviteurs de l’Église et de ses
Œuvres, la discipline est exercée par 1’Assemblée Régionale ou par une
Commission agréée par elle.
Les intéressés peuvent demander l’arbitrage du Comité de l’Union,
Réadmission
Article 25
Toute personne ayant d’être membre peut le redevenir sur sa demande
sur avis favorable du Conseil, par un vote de l’Assemblée.
Devoirs des membres de l’Église
Article 26
Le membre de l’Église doit :
1.
Rendre témoignage de sa Foi par tous ses actes et toutes ses
paroles, s’abstenir de tout ce qui serait contraire à la Parole de
Dieu et de nature à déconsidérer l’Église.
Eph. 5:8-11, Phil.2:I4, I5; Tite 2: II, I4; IP.2:11, 2
I Cor. I0:23, 24; 31, 32 — Rom. I2:9-2I 2.
Soutenir son Église selon son pouvoir en participant
régulièrement à ses réunions, particulièrement le Dimanche, en
s’intéressant à sa vie, en priant pour elle, en contribuant
462 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
libéralement à ses dépenses, en ayant pour son conducteur
spirituel amour et déférence.
Actes 4:52 - Héb. I0:24, 25 — Eph.6:I8, 9: I9 - Gal. 6:I Cor I6: 2, I6 -I Thes. 5 : I2, I3 (…) - Tite 5:14.
Article 27
Les membres de l’Église participent dans la mesure du possible aux
différentes activités organisées par l’Église.
Certains membres peuvent exercer bénévolement une activité dans les
Ecoles du Dimanche, les mouvements de jeunesse, la diffusion la
littérature, l’Évangélisation, etc. Ils secondent les Pasteurs et les
Évangélistes et exercent leur ministère sous le contrôle de l’Église ou de
l’Assemblée Régionale.
Avant de leur confier une tâche, il sera tenu compte en particulier de la
pureté de leur vie, de leur zèle pour le Seigneur et leurs aptitudes.
Les prédicateurs en particulier devront suivre de Cours appropriés. I
Thes. I : I9 I Pierre 4 :I0, II
Culte et Enseignement
Article 28
Le culte consiste en une élévation commune des cœurs à Dieu par la
prière les actions de grâces, le chant des cantiques, la lecture et la
méditation de la Parole de Dieu ainsi que par la célébration de la Sainte
Cène.
Jean 4:24 - Actes 2:42
Article 29
Outre les services réguliers du Dimanche, l’Église locale attache une
grande importance à l’Étude en commun de la Parole de Dieu, aux
réunions de prières, de chants et à tout autre moyen offert pour
l’instruction et 1’affermissement des chrétiens.
Les cultes et réunions sont ouverts à tous.
Annexes
463
Article 30
En respectant la liberté glorieuse des enfants de Dieu, à condition que
tout se fasse avec ordre et bienséance, les frères comme les sœurs ont la
liberté de prier et d’apporter un témoignage dans les réunions, selon que
l’Esprit les y conduit.
Col. 5 :I6, 17 - I Cor. 14:40
Les chrétiens étrangers à l’Église ne prendront la parole que s’ils y sont
invités ou autorisés.
Baptême-Sainte Cène
Article 31
Les Pasteurs, les Évangélistes, les Anciens dûment acceptés par
l’assemblée Générale et dans certains cas les proposants, avec l’accord
du Comité de l’Union, sont habilités pour administrer le baptême et
donner la Cène.
L’Assemblée Régionale peut autoriser certains autres Serviteurs de
l’Église qualifiés et expérimentés à donner la Cène notamment dans les
Postes d’Évangélisation.
Mat. 28: I9; I Cor. II: 25- 26
Article 32
La célébration de la Cène aura lieu au minimum une fois par mois.
Actes 20 : 7.
Article 33
Un chrétien étranger à l’Église peut, sous sa propre responsabilité
s’approcher de la table du Seigneur.
Le Pasteur ou le Conseil se réserve toutefois le droit d’intervenir, I Cor.
II : 27 - 31
Article 34
Tout membre de l’Église sous discipline ou ayant un différend avec un
autre membre est tenu de s’abstenir de la Cène.
464 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Col. 3:1; — Mt. 5:23,24 Marc II : 25,26
Les ministères
Article 35
L’Église demande et attend du Seigneur qu’il suscite du milieu d’elle
des Évangélistes pour porter la Bonne Nouvelle auprès et au loin, des
pasteurs et des Docteurs pour l’édification de l’Église, et des
responsables qualifiés pour ses différentes Œuvres.
Mat. 9:37, 38 — Rom. I0:14, 15 - Eph. 4: II, I2 — I Cor. I2:27, 28
Article 36
L’Église établit au milieu d’elle, dans la mesure de ses besoins des
diacres et des Diaconesses spécialement chargés des questions
matérielles, des sois aux pauvres, etc.
Actes 6: I-6; I Tim. 3V 8-I3; Rom. I6:1
Article 37
Outre les Pasteurs, dans la mesure de ses besoins, et quand des frères lui
paraissent doués du Seigneur, les charges d’Anciens peuvent être
confiées à des membres de l’Église ayant les qualifications requises par
la Parole de Dieu, particulièrement une sérieuse connaissance des
Écritures.
I Tim. 3:1-7. Tite I: /5-9.
Article 38
Par décision de l’Assemblée Générale, sur proposition de 1’Assemblée
Régionale, un Ancien peut dans certains cas assurer les fonctions de
Pasteur.
I Tim. 5 :I7 Il devra avoir une bonne instruction générale et se conformer aux
décisions du Comité concernant d’éventuelles-études.
Actes 18 :24—28 — 20 :20 ; 27, 28, 31.
Annexes
465
Conseil de l’Église
Article 39
L’Église est administrée par un Pasteur. Un Ancien ou un Évangéliste
peuvent en assumer les fonctions conformément aux Articles 38 et 79.
Le Pasteur est assisté par un Conseil composé de trois membres au
minimum.
Ce nombre peut varier selon les besoins et les circonstances.
Article 40
Les membres du Conseil sont nommés au scrutin secret, à la majorité
des deux tiers des voix, lors d’une Assemblée de l’Église prévue à
l’Article 61.
Article 41
Les membres du Conseil sont choisis parmi les membres les plus
recommandables par leur piété, leur esprit d’initiative, leur expérience et
la pureté de leur vie.
La liste en est établie par le Conseil et le Pasteur à qui tout membre de
l’Église peut proposer un nom, une semaine au moins avant le vote.
Article 42
Les membres du Conseil sont élus pour 535 ans et sont immédiatement
rééligibles.
Le Conseil est renouvelable par moitié tous les trois ans.
Un membre du Conseil peut quitter sa charge par démission.
En cas de départ d’un membre du Conseil pour les raisons énumérées
ci-dessus et à l’Article 21, le Conseil propose un autre membre à
l’Assemblée de l’Église. Il sera en fonction pour le temps qui
normalement restait au membre partant jusqu’aux élections.
466 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Article 43
Parmi les membres du Conseil ainsi élus, l’Église peut, en se conformant
aux conditions énumérées aux Articles 36 et 37 du présent Règlement
élire, pour les établir dans leur charge : Diacre, Diaconesse et Ancien.
Article 44
Le Pasteur est de droit le Président du Conseil.
Article 45
Le Conseil s’organise lui-même.
Il se réunit chaque fois que le besoin s’en fait sentir sur convocation de
son Président ou en cas d’empêchement d’un Ancien ou de tout autre
membre du Conseil.
Article 46
La convocation du Conseil est obligatoire si la moitié des membres en
fait la demande.
Article 47
Les décisions sont prises à la majorité des membres présents.
En cas de partage égal des voix, le Président décide.
Article 48
L’installation du Conseil se fait au cours d’un culte du Dimanche où les
charges et les devoirs de ses membres sont rappelés.
Article 49
Les membres du Conseil collaborent étroitement avec le Pasteur dans la
prière et l’action ; ils partagent ses joies et ses peines.
Ils sont surtout eux-mêmes des modèles de bonnes œuvres.
Article 50
Généralement, l’Ancien est chargé plus spécialement de seconder le
Pasteur dans le ministère de la Parole, de veiller sur le troupeau et de
remplacer le Pasteur en cas d’absence ou d’empêchement.
Annexes
467
Article 51
Le Conseil de l’Église a en particulier les compétences suivantes :
Il prépare et organise les efforts particuliers de l’Église, notamment
Conventions, Campagnes d’Évangélisation, Cours Bibliques, Camps de
jeunes, camps d’enfants etc.
Il encourage et participe à la diffusion de littérature évangélique.
Il reçoit et examine les demandes d’admission.
Il reçoit les démissions.
Il veille sur la discipline et l’ordre dans les Assemblées.
Il recuit et examine toute proposition et question qui lui sont soumises
par l’Assemblée Régionale.
Il encourage, contrôle et oriente l’activité spirituelle des membres de
l’Église.
Il entretient des relations fraternelles avec les Églises et postes
d’Évangélisation du voisinage.
Il convoque l’Assemblée de l’Église et prépare l’ordre du jour.
Il exerce une surveillance fraternelle sur les Œuvres de l’Église.
Il veille sur la situation financière de l’Église rappelant aux membres
leur responsabilité et leur devoir.
Il s’occupe de l’assistance des pauvres et des malades.
Il veille à ce que les choses enseignées soient conformes à la saine
doctrine
Il s’associe dans un esprit religieux aux solennités nationales.
Article 52
L’un des membres du Conseil ou le Pasteur - tient à jour les Registres
Ecclésiastiques, notamment celui des membres (admission, démission,
exclusion, lettre de Congé, décès, ...) si possible aussi celui des
bénédictions nuptiales et des présentations d’enfants.
468 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Article 53
L’un des nombres du Conseil, généralement un Diacre, est responsable
des fonds recueillis dans l’Église : dons, dîmes en espèces et en nature,
collectes.
Il ne peut en disposer pour son usage personnel ou pour celui d’un tiers.
Il peut avec l’accord du Conseil, ou simplement du Pasteur, faire des
dépenses dans les limites permises par la Commission financière à
laquelle il rend compte de sa gestion.
Il garde la Caisse de 1’Église en attendant la rencontre de la
Commission financière à laquelle il appartient de décider de l’utilisation
des fonds.
Article 54
Le Conseil ne peut prendre aucune décision importante sans l’accord de
l’Église.
Article 55
Tout membre de l’Église a le droit d’être entendu par le Conseil pour lui
présenter des observations ou des suggestions.
ASSEMBLÉE DE L’ÉGLISE
Article 56
L’Assemblée de l’Église se compose de toutes les personnes qui sont
inscrites sur le Registre des nombres de l’Église.
Article 57
Dans certains cas des membres d’une autre Église peuvent être admis
comme observateurs.
Annexes
469
Article 58
L’Assemblée ordinaire peut être convoquée aussi souvent qu’il paraît
nécessaire et en particulier si un quart de ses membres le demande.
Article 59
En cas d’empêchement du Pasteur, un Ancien ou tout autre membre du
conseil réside les délibérations de l’Assemblée.
Aucune question importante ne peut être présentée si elle n’a été
auparavant soumise au Conseil.
Article 60
L’Assemblée en particulier les compétences suivantes :
Elle choisit les délégués qui représenteront l’Église soit à l’Assemblé
Régionale, soit ailleurs la majorité des délégués est choisi parmi les
membres du Conseil.
Elle choisie, parmi les membres du Conseil, un ou plusieurs délégués
aux Commissions financières.
Elle prononce sur l’admission de nouveaux membres, sur les cas de
discipline qui lui sont présentés.
Elle se prononce sur les propositions de modifications des Statuts et
Règlements Intérieurs de l’Union et de l’Église locale.
Article 61
Lors d’Assemblées annoncées deux dimanches consécutifs,
1.
l’Église se prononce sur l’acceptation du Pasteur qui lui a été
proposé par l’Assemblée Régionale ou le Comité de l’Union ;
2.
l’Église élit les membres de son conseil.
Article 62
Tous les votes, en dehors des cas spécifiés par le présent Règlement, ont
lieu à la majorité absolue, à main levée.
470 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Article 63
Les délibérations et votations de l’Assemblée, sont constatées par des
procès-verbaux inscrits dans un Registre spécial.
Pasteur
Article 64
Le Pasteur doit être agréé par l’Assemblée Générale.
Il doit adhérer à la Confession de Foi, aux Statuts et Règlements de
l’Union et à ceux de l’Église locale.
Article 65
Le Pasteur devra servir l’Église pendant six mois à titre d’essai.
Article 66
Le Pasteur sera accepté - comme Pasteur de l’Église - s’il obtient au
scrutin secret, la majorité des deux tiers des voix lors d’une Assemblée
d’Église prévue à l’Article 61.
Article 67
Le Pasteur est membre de l’Église où il exerce son ministère.
Article 68
Le Pasteur peut être responsable de plusieurs annexes ou Postes
d’évangélisation.
Il s’efforce de trouver des collaborateurs et de confier une activité à
ceux qui en ont les capacités.
Article 69
Le Pasteur est chargé de l’organisation et du contrôle de l’enseignement,
de
l’enseignement,
de
l’assistance
spirituelle,
ainsi
l’avertissement et de répréhension au sein de la Communauté.
Il Tim. 1 :T6 ; I7.
que
de
Annexes
471
Article 70
Le Pasteur veille à ce que les membres de l’Église, les auditeurs
réguliers, les enfants et les jeunes soient instruits aussi soigneusement
que possible dans la Parole de Dieu.
Article 71
Le pasteur a le devoir de s’acquitter de sa charge dans un esprit de
désintéressement, de sagesse et d’amour.
Ne dominant jamais sur l’Église de Dieu, il doit se rendre lui-même le
modèle du troupeau, en veillant sur les âmes, comme devant en rendre
compte.
I PI. 5: 1-4; Héb. 13:17; 2 Cor. 4:1-5; 1 Tim. 4:12-16
Article 72
Au moins une fois par an, dans une Assemblée de l’Église locale, le
Pasteur présente un compte rendu sur la marche et la vie de l’Église.
Article 73
Le Pasteur ou l’un des membres du Conseil faisant partie de la
Commission Financière tient l’Église au courant des décisions prises,
après Chaque rencontre de cel1e-ci.
Article 74
Le Pasteur et le Conseil sont solidairement responsables de leurs actes.
Article 75
Le Pasteur peut quitter sa charge par démission ou mise à la retraite.
Article 76
Lorsqu’un Pasteur cesse d’assumer ses charges (Article 39) en
particulier. Pour les raisons énumérées aux Articles 25 et 75, un Ancien
ou tout autre membre du Conseil prend la direction de l’Église en
attendant une décision de l’Assemblée Régionale ou du Comité de
l’Union.
472 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Article 77
Il incombe à L’Église la responsabilité d’annoncer l’Evangile et de
veiller à ce que nul ne se prive de la Grâce de Dieu.
Héb. I2 : I5
Cette Évangélisation se poursuit par le témoignage individuel des
membres, par le témoignage communautaire de l’Église et par le
ministère de l’Évangéliste.
Article 78
Un Évangéliste peut être responsable d’un groupe de villages, d’un
secteur ou d’une Région.
Il exerce son ministère sous le contrôle de l’Église locale ou de
l’Assemblée Régionale.
II Tim. 2:I5 4:2, 5; I Cor. 9: I6 Article 79
Dans certains cas, et s’il a les qualifications requises, un Évangéliste
peut, par décision de l’Assemblée Générale, sur proposition de
l’Assemblée Régionale, assumer les fonctions de Pasteur.
Article 80
Outre les Pasteurs et les Évangélistes acceptés par l’Assemb1ée
Générale, avec l’accord du Comité de l’Union, l’Église locale ou
l’Assemblée Régionale pourra employer, pour une période transitoire et
dans la mesure de ses besoins, les Évangélistes auxiliaires instruits des
vérités chrétiennes en langues vernaculaire.
Recrutement
Article 81
La vocation du Candidat Pasteur ou Évangéliste doit être éprouvée.
Marc 5:13; II Tim. I : 9 ; I Tim. 5 : I 7 ; 10
Il devra avoir une bonne instruction générale.
Annexes
473
S’il est marié, sa femme devra donner des preuves satisfaisantes de sa
conversion.
I Tim. 2:9, 10 Tite 2:3-5; I Pierre 3: I-4
Pendant un temps indéterminé le candidat devra donner des preuves de
sa consécration et de ses aptitudes par une activité au service de Dieu
dans le cadre de l’Église locale ou de la région ;
Aucun traitement n’est assuré pendant cette période, Toute liberté est
laissée aux Assemblées Régionales pour aider le Candidat selon que
l’Esprit les y conduit.
L’Assemblée Régionale présente ensuite le Candidat au Comité de
l’Union qui décidera de sa préparation.
Préparation - Stage
La durée des études est fonction de l’école vers laquelle le candidat est
dirigé.
Les élèves sortant d’une Ecole de formation au ministère sont appelés
« proposant ».
Le placement des Proposants se fait par le Comité de l’Union, avec
l’accord des intéressés et de leur Assemblée Régionale respective.
Le Proposant devra être au travail pendant un an au minimum avant que
l’Assemblée Générale se prononce sur son acceptation comme Serviteur
de Dieu au sein de l’Union des Églises Évangéliques du Sud-ouest.
Acceptation - Consécration
Article 83
Pour l’acceptation du Proposant, l’Assemblée Générale tiendra compte
des appréciations des Directeurs de l’École ou le l’Institut Biblique où
les études ont été faites, et les observations apportées par l’Église où le
stage a été effectué.
474 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Article 84
Le Proposant ayant donné satisfaction pourra être consacré compte tenu
de sa vocation, de ses gong et de sa formation soit Évangéliste, soit
Pasteur.
Rom. 12:4-8; I cor. 12: 4-7; I Pierre. 4:10-11; Actes 13:2-3; I Tim. 4-14;
I Cor. 3:5-9; Eph. 4:7, 11-12
Article 85
Pasteurs et Evangélistes peuvent être appelés à faire des études
complémentaires.
Placement - Déplacement
Article 86
L’Assemblée Régionale s’occupe du placement de tous les serviteurs
que Dieu lui envoie.
Tout Serviteur de Dieu peut être déplacé sur la demande de l’Église ou
de 1’oeuvre dans laquelle il exerce son ministère.
L’assemblée Régionale à laquelle il appartient de décider peut
également chaque fois que l’intérêt de l’œuvre le recommande.
Article 87
Le déplacement de tout Serviteur de Dieu, en faveur d’une autre Région
peut être proposé par le comité de l’Union. Il requiert l’accord de
l’intéressé, celui de l’Assemblée Régionale, et s’il y a lieu, celui de
l’Église ou de l’œuvre dans laquelle il exerce son activité.
Tout serviteur de Dieu peut demander à l’Assemblée Régionale dont il
dépend son déplacement soit dans la Région, soit dans une autre.
Toutes ces décisions seront prises après réflexions et prières.
Divers - Traitement
Article 88
Les Pasteurs, Évangélistes, Proposants ct autres Serviteurs de l’Église
acceptent le principe de la « Vie par la Foi », c’est-à-dire qu’ils
Annexes
475
attendent de Dieu l’exaucement de leurs prières pour leurs besoins
personnels.
Dans chaque Région, la Commission Financière assure une répartition
équitable des ressources d’après un barème de base établi par
l’Assemblée Générale.
La Caisse Centrale d’Entraide aidera afin de maintenir dans la mesure
du possible une égalité des traitements dans les différentes Régions.
Modification
Article 89
Les règlements Intérieurs de l’Église locale étant les mêmes pour toutes
les Églises de l’Union, toute proposition tendant à les modifier ne peut
être prise en considération que si le tiers d’une Assemblée Régionale ou
Générale le demande. Ces modifications doivent être votées par la
majorité des membres du comité, ratifiées à la majorité des deux tiers
par l’Assemblée Générale et par les deux tiers des Églises.
Les Missionnaires
Article 20
Dans un esprit de collaboration fraternelle, les missionnaires exercent
leur activité dans l’Église et ses Œuvres.
Ils veillent en particulier à ce que les pratiques et l’enseignement soient
conformes à la Saine Doctrine.
Ils sont admis aux réunions d’Église et du Conseil.
Ils veillent au développement et à la bonne marche de l’œuvre de Dieu.
Aussi longtemps que les circonstances le permettent, les missionnaires
sont à la disposition des Églises et leurs Œuvres.
476 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Conclusion
Article 91
« Je t’écris ces choses afin que tu annonces... comment il faut se
conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la
colonne et l’appui Le la Vérité. »
I Tim. 3:15
« A Celui qui peut faire par la puissance qui agit en nous, infiniment au
delà de ce que nous demandons ou pensons, à Lui soit la Gloire dans
l’Église et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles !
Amen ! »
Eph. 3: 20,21.
Extraits des textes modifiés de l’Union (version actuelle)
CHAPITRE 11
Organisation et œuvres de l’Union
Article 8
Les organes de l’Union sont les suivants :
• L’Assemblée générale,
• Le Comité de l’Union,
• La Présidence de l’Union,
• Le Secrétariat Général,
• Les Assemblées régionales,
• Les Assemblées d’Églises locales,
• Le Conseil National des Anciens,
• La Pastorale.
Article 9
Leurs compositions, leurs règles de fonctionnement et leurs
compétences sont définies dans le Règlement Intérieur de l’Union.
Annexes
477
Pour atteindre son but, l’Union utilise les divers instruments de travail
que Dieu met à sa disposition. Certains de ces moyens d’action,
dénommés « Services » et « Œuvres », sont appelés à occuper une place
particulière dans le fonctionnement de l’Union.
TITRE II : VIE ET FONCTIONNEMENT DE L'UNION
CHAPITRE I
Ressources de l’Union
Article 10 : Les ressources de l’UEESO-CI sont constituées de :
• contributions des régions convenues à la conférence budgétaire
de l’Union ;
• dons, legs, etc.
• revenus provenant de ses œuvres et de ses biens
L’UEESO-CI peut recevoir des subventions de l'État, des organismes
publics ou privés, pour le fonctionnement de ses Services et Œuvres. Les
avoirs et ressources de l’Union sont destinés à couvrir ses besoins
financiers et matériels.
Article 11 : Les avoirs et ressources de l’Union sont gérés par le
Secrétariat Général qui en est responsable devant le Comité de l'Union
et devant l’Assemblée Générale.
CHAPITRE II : ADMISSION - RETRAIT – RADIATION
Article 12 : Pour faire partir de l’Union, une église candidate doit :
1-adhérer à la confession de foi de l'union ;
2-n’avoir dans ses usages et dans sa marche, rien de contraire à ladite
confession ;
3-adhérer aux présents Statuts et s’engager, par écrit à respecter le
Règlement Intérieur de l’Union et de l’Église locale ;
478 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
4-adresser une demande d’admission au Comité de l'Union.
5-être admise par l’Assemblée Générale à la majorité des trois quarts
(3/4) des délégués présents.
Article 13 : Toute Église peut se retirer de l'Union à tout moment.
Les Églises qui ne rempliraient plus les conditions de l’article 12 seront
exclues sur vote de l’Assemblée Générale. Cette décision est prise à la
majorité des trois quarts (3/4) des délégués présents.
Article 14 : En cas de retrait ou de radiation d'Église :
les biens et œuvres créés ou acquis par l’Union d’elle même, par la
Région ou par l'Église retirée ou radiée restent propriété de l'Union ;
la gestion d’une œuvre initialement confiée à l’Église qui se retire ou qui
est radiée est assurée par l’Union elle-même ou par un de ses organes.
CHAPITRE III : AIDE EXTÉRIEURE
Article 15 : Les Églises, Régions et le Comité de L’Union peuvent faire
appel à d'autres Églises ou missions (ou personne quelconque) pour
toute aide spirituelle, financière et technique qui leur est nécessaire ou
qui est nécessaire aux Services et Œuvres.
Toutefois, en ce qui concerne les Églises et ses Régions, cet appel doit
requérir l’accord du Comité de l’Union, conformément aux règles
définies par le Règlement Intérieur de l'Union.
CHAPITRE IV : DISSOLUTION
Article 16 :
Toute proposition de dissolution de l'Union des Églises
Évangéliques, Services et Œuvres de Côte d'ivoire ne peut être faite que
par tes trois quarts (3/4) des membres du Comité de l’Union ou des
Régions. Il est attribué tout pouvoir à l’Assemblée Générale
Extraordinaire convoquée à cet effet pour prononcer la dissolution de
L’Union. Toutefois, pareille décision ne pourra être prise que si la
majorité des quatre cinquièmes (4/5) des délégués présents à
l’Assemblée Générale l'ont acceptée après approbation préalable à la
Annexes
479
majorité des deux tiers (2/3) des membres de chaque Église locale et des
quatre cinquièmes (4/5) des délégués de chaque Assemblée Régionale.
Article 17 : En cas de dissolution de l’UEESO-CI, ses biens seront
légués à une association d’Églises ayant la même confession de foi.
TITRE III - RÉVISION ET AMENDEMENT
Article 18 : Toute proposition tendant à réviser, ou à amender les
présents Statuts ne peut être faite que par les deux tiers (2/3) au moins
des membres du Comité de l'Union ou d'une Assemblée Régionale.
Les révisions ou amendements doivent être votés à la majorité des trois,
quarts (3/4) par l'Assemblée Générale. Tout projet d’amendement ou de
révision doit être préalablement soumis à l’approbation des régions.
RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’UNION
CHAPITRE I : ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Article 1 : L’Union délibère en Assemblée Générale
I- COMPOSITION
Article 2 : l’Assemblée Générale se réunie régulièrement tous les deux
(2) ans.
Elle peut être convoquée en session extraordinaire soit par le Président
de l’Union après délibération du Comité, soit à la demande du tiers 1/3
des régions.
Article 3 : l’Assemblée Générale se compose
Des membres du Bureau de l’Union qui ont la qualité de délégués et ne
peuvent représenter une région,
Des délégués à jour de leur contributions financières à la caisse de
l’Union, à raison de un (1) délégué pour 100 chrétiens baptisés dans la
proportion maximale de 20 délégués dont 1/3 au moins de frères
engagés et 2/3 de serviteurs de Dieu en activités, les autres Serviteurs de
Dieu de la région ayant de plein droit un statut d’observateur à
480 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’Assemblée Générale. Les régions non à jour de leurs contributions
financières à la caisse de l’Union envoie des délégués au prorata de leur
contribution payée, elles ne peuvent qu’y envoyer les autres comme
observateurs.
La présence des 2/3 des délégués est obligatoire pour délibérer.
Le mandat des délégués expire à la fin de la session pour laquelle ils ont
été nommés.
Article 4 : nul ne peut être délégué
1) S’il n’a pas été baptisé depuis au moins quatre (4) ans.
2) S’il n’appartient pas à une Église de l’Union depuis au moins
quatre (4) ans.
3) S’il na pas participé à au moins deux Assemblées Régionales ;
4) S’il n’a pas sa carte de l’UEESO-CI.
Les frais de déplacement des délégués, des observateurs des
régions et ceux des représentants des services et œuvres sont à
la charge des organes qu’ils représentent.
Article 5 : le Président de l’Union préside l’Assemblée Générale. Il est
assisté du Secrétaire Générale et de son Adjoint. Ils constituent le bureau
de séance. Toutefois, lorsqu’un point de l’ordre du jour les concerne
particulièrement, l’Assemblée doit désigner un autre bureau de séance.
Article 6 : le Bureau de séance est tenu de conduire les débats dans
l’intérêt général de l’Union avec vigilance, sans passion ni partie pris.
Article 7 : il est tenu procès-verbal des débats de l’assemblée. Il doit être
écrit de façon claire et précise et signé des Secrétaires de séances qui
l’auront rédigé. L’impartialité et l’efficacité doivent être recherchées
dans la rédaction du Procès-verbal.
II-ATTRIBUTIONS
Article 8 : l’Assemblée Générale délibère sur les sujets d’intérêt général
des Églises et des œuvres de l’Union inscrits à l’ordre du jour. Celui-ci
est définitivement établit par le Comité de l’Union, compte tenu des
Annexes
481
suggestions des Assemblées régionales.
Article 9 : l’Assemblée générale choisit le mode de scrutin qu’elle
désire, sauf, exceptions prévues aux différents chapitres.
Articles 10 : l’Assemblée Générale prend toute décision utile pour le
bon ordre et la sauvegarde de l’Union. Elle entend le rapport moral écrit
du Président sur la marche générale des Églises, des Services et Œuvres
et se prononce sur le quitus à lui donner.
Elle entend le rapport financier du Secrétaire Général de l’Union et se
prononce sur le quitus à lui donner.
Elle
consacre
les
proposants
comme
Pasteurs,
Evangélistes,
Enseignants, ou Servantes du Seigneur selon leurs dons ou donne son
accord sur l’acceptation des Serviteurs de Dieu ou Missionnaires en
provenance d’Afrique ou hors d’Afrique qui désire collaborer avec
l’Union.
Elle fixe les règlements de la consécration au Saint ministère.
Article 11 : L’Assemblée Générale se prononce sur les projets de
délimitation
Des régions présentées par le Comité. Elle élit au scrutin secret :
Les membres du bureau de l’Union composé du Président de l’Union,
du Vice-président, du Secrétaire Général et du Secrétaire Général
Adjoint ;
Les frères engagés représentent 1/3 des Serviteurs de Dieu, membres du
Comité, parmi les candidats présentés par les Assemblées Régionales.
Article12 : l’Assemblée Générale désigne deux vérificateurs des
comptes pour une durée de deux (2) ans renouvelables.
Ceux-ci compte de l’Union, de ses œuvres et de ses services. Dans les
années intermédiaires, les vérificateurs font un rapport au Comité de
l’Union. L’Assemblée Générale nomme des commissions techniques
chargées d’étudier les questions qu’elle leur confie.
Article 13 : l’Assemblée Générale fixe pour les Serviteurs de Dieu
(Pasteurs, Evangélistes et Enseignants) l’âge de la retraite. Elle se
482 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
prononce sur l’aide à accorder aux Serviteurs de Dieu et les conditions
de mise à la retraite (mesures d’accompagnement).
Article 14 : l’Assemblée Générale exerce le pouvoir disciplinaire au sein
de l’Union. Elle vote sur l’admission de nouvelles Églises et sur la
radiation du Comité de l’Union. Cette décision est prise à la majorité des
trois quarts (3/4) des voix des délégués présents.
Si une Église se détournait de la foi ou s’il s’y commettait des dégâts
graves, l’Assemblée Générale devra se prononcer avec le secours du
Saint-Esprit, sur le meilleur moyen de remédier au mal et pourra, le cas
échéant, exclure une telle Église de l’Union. Sa réadmission sera
soumise au vote de l’Assemblée Générale dans les mêmes conditions
que les admissions d’Églises (Art. 12 des statuts).
Article 15 : l’assemblée Générale décide de l’adhésion à des Unions ou
Fédérations Évangéliques ayant le même objet. Cette décision est prise à
la majorité des trois quarts (3/4) des délégués présents, après avis du
Comité de l’Union. En cas de vote favorable, afin de garantir son
autonomie, les présents Statuts et Règlements intérieurs continueront de
régir l’Union elle-même.
CHAPITRE II : COMITÉ DE L’UNION
I.
COMPOSITION
Article 16 : le bureau du comité de l’Union ;
-
les Présidents de chaque région ;
-
les frères engagés élus parmi les candidats présentés par les
Régions
-
le premier responsable national de chaque service reconnu par
l’Union ;
-
le premier responsable de la plus haute structure de formation
de Serviteurs de Dieu de l’Union.
Chaque région a au plus deux (2) représentants au Comité.
Le premier responsable national de chaque service reconnu par l’union
Annexes
483
et le premier responsable structure de la formation des Serviteurs de
Dieu de l’Union ont voix délibérative au Comité de l’Union.
Article 17 : Le bureau du Comité comprend un Président qui est en
même temps Président de l’Union, un Vice-président, un Secrétaire
Général Adjoint, élus pour quatre (4) ans.
Le bureau du Comité prépare l’ordre du jour des sessions du Comité. Il
se réunit chaque fois que cela est nécessaire.
Le secrétariat du bureau du Comité est assuré par le Secrétaire Général
et son Adjoint.
Article 18 : Avant l’échéance, l’Assemblée générale peut démettre un ou
plusieurs membres du Comité de l’Union. La décision est prise à la
majorité des deux tiers (2/3) des délégués. Cette démission entraine celle
de tous les membres élus du Comité.
Les postes des frères engagées membres du Comité sont renouvelables à
chaque session de l’Assemblée Général ordinaire.
Le Comité se réunit au maximum deux fois par an sur convocation du
Président en exercice ou, en cas d’empêchement du Vice –Président, il
ne siège valablement que si les deux tiers (2/3) de ses membres sont
présents. Il peut inviter les observateurs en cas de nécessité, lorsqu’en
membre du Comité s’absentera deux (2) fois sans justes motifs, le
Président lui donnera un avertissement écrit et en informera les Régions.
Sous peine d’être démis par la majorité des autres membres du Comité,
tout membre de cet organe est tenu de respecter et faire respecter les
décisions du Comité dans la région, le service ou l’œuvre dont il est
responsable
II-ATTRIBUTION
Article 19 : Les attributions du Comité de l’Union sont les suivantes :
-
Il veille avec le Président de l’union, à l’observation de la
confession de foi.
-
Il exerce une surveillance sur toutes les Églises, les Services et
des Œuvres.
484 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
-
Il administre toutes les affaires de l’Union et donne son accord
pour tout acte de disposition concernant les biens meubles et
immeubles de l’Union ;
-
Il prépare l’ordre du jour de l’assemblée Général ;
-
Il assure l’exécution des décisions prises par l’Assemblée
Générale ;
-
Il
exerce le pouvoir disciplinaire au sein de l’Union, ses
services et ses œuvres entre les sessions de l’Assemblée
Générale ;
-
Il convoque en cas de défaillance du président et Vice –
Président de l’Union, l’Assemblée Générale en session
ordinaire ou extraordinaire et en prépare les travaux. Un bureau
de Crise mis en place à cet effet et comprenant le Secrétaire
Général préside la session ;
-
Il affecte le personnel des services et œuvres dépendants de
-
Il statue sur les cas particuliers qui lui sont soumis,
l’Union ;
conformément aux dispositions de l’article du présent
Règlement
Intérieur :
retraite
anticipée,
indisponibilité
physique, détachement et mise en disponibilité ;
-
Il reçoit et examine les demandes d’admission et de
réadmission d’Églises ;
-
Il a qualité pour prendre des décisions urgentes qui s’imposent
entre les sessions de l’Assemblée Générale ;
-
Il contrôle et assure la bonne marche de toute œuvre dépendant
de l’Union ;
-
Il reçoit les dossiers de candidature pour la formation au Saint
Ministère et s’assure de la vocation des candidats ;
-
Il assure le recrutement et le perfectionnement des Pasteurs,
Evangélistes et Enseignants et leur perfectionnement au moyen
de pastoral et de séminaires réguliers ;
Annexes
-
485
Il adopte le budget annuel de l’Union présenté par le secrétariat
Général
-
Il élabore le projet de vision décennale de l’Union et le propose
à l’Assemblée Générale pour adoption ;
Article 20 : Le Comité envoie aux présidents des Assemblées
Régionales, trois (3) mois avant la date prévue pour la session ordinaire
de l’Assemblée Générale, l’ordre du jour qu’il a établi.
Article21 : en vue d’une éventuelle adhésion, le Comité fait une enquête
approfondie sur les Unions et les fédérations avant que l’Assemblée ne
vote conformément aux dispositions des Statuts de l’union et du présent
règlement Intérieur. Il est de même, s’agissant de l’admission ou la
réadmission d’Églises.
Article 22 : le Comité repartit lui-même sa tâche, s’il juge nécessaire,
entre diverses commissions qui préparent et suivent les questions de leur
ressort et lui soumettent leurs conclusions.
Article 23 : entre les sessions du Comité, le Président de l’Union ou en
cas d’empêchement de celui-ci, le vice-président, décide et agit à
condition d’obtenir au préalable, sauf extrême urgence, l’accord du
bureau. La décision ainsi prise doit être soumise à l’approbation du
Comité lors de sa prochaine session. Le Comité peut approuver ou
réformer la décision.
Pour toute décision susceptible d’engager les Églises, le Comité doit
dans un délais d’un (1) mois, en informer et obtenir l’avis de toute les
régions ou au besoin, convoquer une Assemblée générale extraordinaire.
Le Comité peut déléguer un ou plusieurs de ses membres pour une
enquête ou visite dans les différentes régions.
Article 24 : des Assemblées groupant plusieurs régions
peuvent être
convoquées sur la demande du Comité de l’Union chaque fois que
l’intérêt général de ces régions l’exige.
486 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
CHAPITRE III : LA PRÉSIDENCE DE L’UNION
I. CONDITIONS D’ÉLIGIBILITE
DU PRÉSIDENT DE L’UNION
Article 25 : pour être élu président de l’Union, il faut :
-
Être Pasteur, Evangéliste ou Enseignant ;
-
Avoir exercé un ministère au sein de l’Union de façon continue
pendant les dix dernières années précédant l’élection ; Les
années de stage ne sont pas pris en compte ;
-
N’avoir jamais démissionné de l’UEESO-CI depuis son entrée
au ministère au sein de l’Union ;
-
Avoir déjà siégé au comité de l’Union pendant au moins un
mandat ou avoir exercé dans un organe de direction d’un
service ou d’une œuvre de l’Union ;
-
Faire présenter par une région les dossiers des candidatures au
plus tard un mois avant le début des travaux de l’Assemblée
générale, un dossier de candidature selon le modèle conçu par
le secrétariat général de l’Union et approuvé par le comité de
l’Union.
Le président sortant est d’office candidat à sa propre succession :
•
S’il n’a pas encore exercé deux (2) mandats ;
•
S’il a obtenu le quitus de l’Assemblée générale sur son rapport
•
S’il est proposé par une région au moins ;
moral ;
Si aucun des candidats ne satisfait aux conditions d’éligibilités, le
Président régional le plus anciens dans le ministère assure l’intérim
pendant 6 mois au moins au terme desquels une Assemblée générale
extraordinaire est convoquée.
Article 26 : Le président de l’Union est élu par l’Assemblée Générale
pour une durée de quatre (4) ans. Il est rééligible une seule fois.
Avant d’entrer en fonction, le Président de l’Union élu ou réélu
Annexes
487
renouvelle oralement à l’occasion d’un culte d’actions de grâce et de
consécration dans un espace de deux mois son adhésion à la confession
de foi et aux principes de l’Église tels qu’exprimés par les textes
régissant l’Union, les documents édictés par la commission théologique
et adoptés par l’Assemblée générale et son engagement à les appliquer et
à les faire appliquer. Il présente par la même occasion le programme
d’actions du Comité de l’Union et son évaluation financière, conçus sur
la base de la vision décennale de l’UEESO-CI. Doivent être conviés à ce
culte les membres du Conseil national des Anciens, du Comité de
l’Union, les premiers responsables des Missions partenaires, des
Services et Œuvres de l’Union. Les membres du conseil National des
Anciens présents à ce culte procèdent à la consécration du bureau de
l’Union par la prière avec imposition des mains.
Article 26 bis : au terme de son mandat, le président de l’Union qui n’a
pas été réélu ou n’est pas rééligible est affecté par l’Assemblée Générale
au chef lieu de la région dans laquelle il a tenu son dernier poste avant
son élection, à moins qu’il n’exprime le désir de commencer un nouveau
ministère selon une vision partagée par l’Union ou de servir dans une
autre région qu’il sollicite. Au cas où aucun poste ne serait vacant au
chef lieu de la région du dernier poste du président sortant, celui-ci sera
affecté dans la communauté du Serviteur de Dieu le plus jeune
dans la
fonction en complément d’effectif ; le plus jeune serviteur de Dieu
devient alors son adjoint. S’il est mis fin au mandat du président à la
suite d’une faute grave entrainant sa mise sous discipline, il est confié au
Conseil National des Anciens pour un encadrement purement spirituel ;
une aide révisable à la baisse au bout de six mois, inférieur ou égal à son
dernier traitement net de base lui est accordé pour une durée totale qui
ne saurait excédée un an.
488 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
I- ATTRIBUTIONS DU PRÉSIDENT DE L’UNION
Article 27 : - le Président de l’Union, en accord avec le Comité de
l’Union, veille à l’observation de la confession de foi :
-
Il convoque et préside l’Assemblée Générale en session
ordinaire et extraordinaire, et le Comité de l’Union ;
-
Il exerce la discipline au sein du Comité de l’Union ;
Il sert de lien entre les Églises de l’Union et entretien des
rapports fraternels avec toutes les Églises ou Assemblées en
Afrique ou hors d’Afrique, qui vivent et professent la même
foi ;
-
Il supervise l’action du Secrétariat général ;
-
Il exerce l’Autorité spirituelle sur l’ensemble des Églises
Services et œuvres de l’Union ;
-
Il rend compte à travers un rapport moral écrit et lu devant
l’Assemblée Générale, de la marche générale des Églises,
Services et œuvres de l’Union ;
-
Il représente l’Union devant les institutions et autorités de la
république et peut déléguer un ou plusieurs membres du comité
pour emplir et signer valablement toutes les formalités
administratives édictées par les lois et règlements ;
-
Il veille à l’exécution de toutes les décisions prises par
l’Assemblée générale de l’Union ;
-
En accord avec le Comité de l’Union, il peut inviter à
l’Assemblée Générale, des observateurs, des représentants
d’œuvres ou Missions ;
Article 28 : le président de l’Union est dans une position de détachement
pendant toute la durée de son mandat ; il cesse par conséquent d’exercer
son ministère dans une Église locale dès le lendemain de sa prise de
fonction. Il est pris en compte dans le budget de l’Union.
Annexes
489
II- LE VICE- PRÉSIDENT
Article 29 : il doit remplir les mêmes conditions d’éligibilité que le
Président.
Si le Vice-Président est élu Président d’une Région, celle-ci doit
procéder immédiatement à son remplacement au poste de président
régional. Il continue d’exercer son ministère au sein de sa Région.
Article 30 : Il aide le Président à remplir ses fonctions et le remplace en
cas d’empêchement, d’absence ou de vacances.
III-
LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
Article 31 : assure la diffusion de l'ordre du jour des sessions du
Comité et de l'Assemblée Générale ;
• Élabore le projet de budget annuel de l’Union qu’il soumet à
l’approbation du Comité ;
• Coordonne l’activité des commissions techniques nommées
par l’UEESO-CI-Cl et fait rapport de leur mission au Comité de
l’Union ;
• Assure la tutelle administrative et financière des Services et
Œuvres de l’Union ;
• Il reçoit les demandes formulées par les Régions pour le
déplacement ou pour l’envoi en leur sein des Serviteurs de
Dieu;
• Prépare les affectations interrégionales qu’il soumet à la
Commission nationale d’affectations ;
• Fait des propositions au Comité de l'Union concernant la vie et
la marche de l’Union à partir des rapports périodiques qu’il
reçoit des Régions, des services, des oeuvres et des Églises;
• Veille à l’utilisation des compétences oui se manifestent au sein
des Églises de l’Union ;
• Tient les archives de l’Union.
490 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
CHAPITRE IV - (BIS) : LA PASTORALE
Article 32-1 : La Pastorale est un organe de concertation de conseil et
de formation qui réunit les Serviteurs de Dieu en activité au sein de
l’Union. D'autres serviteurs de Dieu peuvent y être invités par le bureau
de l’Union.
Article 32-2 : La Pastorale étudie les questions d’ordre théologique
doctrinal et celle touchant à la vie spirituelle des Serviteurs de Dieu. Elle
fait des recommandations aux organes de l’Union. Ses avis ne lient pas
les organes délibérants do l’Union. Elle se réunit au moins une fois par
an sur convocation du Bureau de l’Union.
CHAPITRE V : ASSEMBLÉES RÉGIONALES
I - DÉLIMITATION DES RÉGIONS
Article 33 : Dans le cadre de L’Union, les Régions sont délimitées
géographiquement en tenant compte de l’intérêt de l’Union. Pour que
l’Assemblée générale puisse se prononcer sur !e projet de délimitation,
la demande doit émaner d’au moins cinq (5) Églises constituées,
regroupant en leur sein un minimum de cinq cents (500) chrétiens
baptisés et ayant atteint leur autonomie financière. Lorsqu'une région ne
répond plus aux critères précités, elle peut être rattachée à une autre
région par décision de l’Assemblée Générale, sur proposition du Comité
de l'Union. Le siège de la Région est situé au chef-lieu du : département
principal. Le président régional y exerce son ministère.
Annexes
491
II- COMPOSITION ET ATTRIBUTIONS DES ASSEMBLÉES
RÉGIONALES
A. COMPOSITION
Article 34 : L’Assemblée Régionale réunit :
Les membres du bureau de la Région qui ont la qualité de délégués et ne
peuvent représenter une Église ; les délégués des Églises locales ; des
représentants des Services et Œuvres des Églises locales ou de la
Région; ils ont la qualité d'observateurs ; des observateurs agréés par le
bureau régional ou envoyés par les Églises ou les organes de l’Union.
Article 35 : Les délégués sont élus par l’assemblée de l’Église locale en
se conformant aux conditions énumérées à l’article 4 du présent
Règlement Intérieur. Le nombre des délégués est proportionnel à celui
des membres de chaque Église constituée a raison de un (1) pour
cinquante (50) chrétiens baptisés dans la proportion maximale de dix
(10) délégués par Église. Les postes d’évangélisation pour leur
représentation, font partie des Églises locales auxquelles ils sont
rattachés. Le responsable (Pasteur, Evangéliste ou Enseignant) de
chaque Église de la Région est délégué de plein droit. Le mandat des
délégués expire à la fin de la session de l’Assemblée Régionale pour
laquelle ils ont été élus par leur Église.
Article 36 : Le bureau de l’Assemblée Régionale détermine le nombre
des représentants des œuvres dépendant des Églises locales ou de la
Région. Des observateurs peuvent être Invités à l’Assemblée Régionale.
Leur nombre ne peut excéder le tiers (1/3) des délégués de chaque
Église. Sous peine d’être démis par la majorité des délégués de
l’Assemblée Régionale, tout membre du bureau régional est tenu de
respecter dans la Région, le Service ou l’œuvre dont il est responsable
les décisions- de l’Assemblée Régionale.
Article 37 : N’ont pas voix délibérative à l'Assemblée Régionale :
-Les observateurs et les représentants des Services Œuvres ;
492 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
-Les délégués faisant partie des personnels des Services et des
Œuvres, lorsque la délibération concerne l’organe dont ils relèvent.
B. ATTRIBUTIONS
Article 38 :
L’Assemblée Régionale choisit le mode de scrutin qu’elle
désire. Les délégués présents élisent parmi les serviteurs de Dieu
(Pasteurs, Evangélistes ou Enseignants), un Président et un Viceprésident, et indifféremment parmi les délégués, un Secrétaire, un
Secrétaire Adjoint, un Trésorier et un Trésorier Adjoint. Ceux-ci sont
élus pour deux (2) ans ; ils sont rééligibles. Ils constituent le bureau de
l’Assemblée Régionale. Le Président de l'Assemblée Régionale est le
Président de la Région.
Article 39 : L'assemblée Régionale se réunit deux fois par an en session
ordinaire, sur convocation du bureau régional. Elle peut se réunir en
session extraordinaire, sur convocation du bureau régional. En cas de
crise grave, l’Assemblée Régionale peut être convoquée par les deux
tiers des Églises constituées de la Région. Le Président de la région
préside l'Assemblée Régionale ; il est assisté du Secrétaire Général et de
son Adjoint. Ils constituent le bureau de séance. Toutefois, lorsqu’un
point de l’ordre du jour les concerne particulièrement, l’Assemblée doit
désigner un autre bureau de séance. Le bureau de séance est tenu de
conduire les débats dans l’intérêt générai de l’Union et de la Région.
Article 40 : L'Assemblée Régionale règle les questions qui lui sont
soumises et prend toutes décisions dans l’intérêt général des Églises, des
Œuvres et Service qui sont dans la Région. Elle étudie l’ordre du jour de
l’Assemblée' Générale, proposé par le Comité de l’Union. Elle choisit
ses délégués à l’Assemblée Générale. Elle établit la liste de ses
candidats au nombre de quatre (4) au maximum, aux postes de membres
du Comité de l’Union, en tenant compte des attributions de celui-ci.
Article 41 : L’Assemblée Régionale nomme des délégués à l’Assemblée
Générale parmi les membres présents à raison de un.(1 ) pourcent (100)
Annexes
493
chrétiens baptisés résidant dans la Région dans la proportion maximale
de vingt (20) délégués dont un tiers de frères engagés et deux tiers de
Serviteurs de Dieu en activité, les autres Serviteurs de Dieu de la Région
ayant de plein droit un statut d’observation à l’Assemblée Générale.
L’Assemblée Régionale peut désigner les observateurs à l’Assemblée
Générale ; leur nombre ne doit pas être supérieur au tiers de celui de ses
propres délégués.
Article 42 : Les délégués à l’Assemblée Régionale, examinent l’ordre
du jour proposé par le Comité de l’Union.
L’Assemblée Régionale présente au Comité de l’Union les dossiers des
proposants et des candidats à la formation au Saint Ministère.
Elle s’occupe de l’affectation des Pasteurs, Evangélistes, Enseignants,
Proposants et autres serviteurs de Dieu mis à sa disposition par la
commission nationale d’affectations. Elle peut demander au Comité de
l’Union la mutation hors de la Région d’un ou de plusieurs Serviteurs de
Dieu et présenter des demandes pour l’envoi de nouveaux Serviteurs de
Dieu Elle peut également soumettre au Comité de l’Union les sujets
particuliers qui la préoccupent. Elle fait au Comité de l’Union au moins
deux (02) fois par an, un rapport des activités de la région. Toute activité
importante de la Région doit faire l’objet d’une information adressée au
Comité de l’Union.
Article 43 : L’Assemblée Régionale délibère sur les sujets particuliers
qui lui sont présentés et prend toutes décisions dans l’intérêt général des
Églises, des Œuvres, et des Services de la Région. Elle encourage et
contrôle tous les Services et Œuvres rattachés à la Région ou à l’Église
locale. Elle se prononce sur la constitution d’une annexe en Église locale
sur saisie de l’Église à laquelle cette annexe est rattachée.
Elle se prononce aussi sur toute demande présentée par un Serviteur de
Dieu.
Article 44 : Concernant les Serviteurs de Dieu en activité dans Églises
de la Région, la discipline est exercée par l’Assemblée Régionale ou par
494 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
une commission formée par elle, conformément aux articles 72, 73, 74
et 75 du présent Règlement Intérieur. Un compte rendu est envoyé au
Comité de l’Union. L’Assemblée Régionale ou Commission de
discipline peut faire appel au comité de l’Union pour juger certains cas
particuliers.
Article 45 : Le Bureau de l’Assemblée Régionale peu convoquer les
Serviteurs de Dieu en activité dans la région pour des rencontres
particulières dans un esprit de collaboration fraternelle.
Article 46 :
Des régions peuvent demander au Comité de l’Union de
convoquer des Assemblées regroupant plusieurs régions chaque fois que
l’intérêt général de la Région l’exige.
En accord avec le Comité de l’Union, les Régions peuvent faire appel à
des missionnaires africains ou non africains pour toute aide spirituelle et
technique ; ces missionnaires peuvent être admis aux assemblées avec
voix délibérative s’ils sont engagés dans les Églises de l’union en qualité
de membres. Dans le cas contraire, ils sont invités au Comité et aux
assemblées comme Serviteurs avec voix consultative.
Article 47 :
L’Assemblée Régionale doit constituer en son sein une
Commission financière chargée de gérer ses biens et ressources pour son
fonctionnement. Cette commission comprend un Trésorier Général, un
Comptable, deux vérificateurs des comptes, les pasteurs de la Région, et
les trésoriers des Églises locales. Les Églises locales participent à la
caisse de la Région.
Article 48 : Entres les sessions, le bureau de l’Assemblée Régionale est
chargé d’appliquer les décisions de l’Assemblée Régionale. Dans
certains cas, avec l’accord de l’Assemblée Régionale, il peut s’adjoindre
au moins trois membres, choisi de préférence parmi les serviteurs de
Dieu pour former une commission chargée principalement des cas de
disciplines.
Annexes
495
LE PRÉSIDENT RÉGIONAL
A. CONDITIONS D’ÉLIGIBILITÉ
Article 49 : Pour être élu Président de l’Assemblée Régionale, il faut :
Etre Pasteur, Evangéliste ou Enseignant ; être dans le ministère au sein
de l’Union depuis au moins six (6) ans ; les années de stage ne sont pas
prises en compte ; avoir exercé dans la Région pendant au moins quatre
(4) ans si le candidat n’a jamais été Président régional au sein d'une
autre région, et deux ans s’il a déjà exercé cette fonction ; si le
responsable d’une œuvre ou d'un service a exercé dans une région, Il
peut être élu Président Régional après 2 ans de service. Le Président de
l’Assemblée Régionale est élu pour un mandat de 2 ans renouvelables 2
fois. Le Vice-président de l’Assemblée Régionale est soumis aux mêmes
conditions d’éligibilité que le Président régional.
B. ATTRIBUTIONS
Article 50 : Le Président de l’Assemblée Régionale convoque et préside
l’Assemblée Régionale en sessions ordinaires et extraordinaires, et le
bureau Régional ; il est assisté du Secrétaire Général et de son adjoint.
Ils constituent le bureau de séance. Toutefois, lorsqu’un point de l’ordre
du jour les concerne particulièrement l’Assemblée doit désigner un
autre bureau de séance.
Le Président régional sert de lien entre les Églises de la Région.
Il rend compte tous les six (6) mois de la marche des Églises, Services et
Œuvres de la région à l’Assemblée Régionale et au Comité de l’Union.
Il veille à l'exécution dans la région de toutes les décisions prises par
l’Assemblée Régionale, le Comité de l’Union et l’Assemblée Générale.
Il veille à l’observation de la confession de foi ;
Il supervise l’action du Secrétaire régional et du trésorier régional ;
Il exerce l’autorité spirituelle sur les Œuvres et Services de la région ;
Il représente l’Union devant les Institutions, et Autorités de la Région et
peut déléguer un ou plusieurs membres du bureau pour remplir et signer
496 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
valablement toutes les formalités administratives édictées par les lois et
règlements.
Le
Vice-président
remplace
le
Président
en
cas
d’empêchement de celui-ci.
CHAPITRE VII : LES SERVICES ET ŒUVRES DE L’UNION
I - DEFINITION DES SERVICES
Article 51 : On entend par service, toute association, toute organisation,
tout regroupement, tout mouvement de membres des Églises de l’Union,
ayant pour objectif .d’accomplir un Ministère spécial à caractère
évangélique ou social au sein d'une Église, d’une région, d’une œuvre de
l’Union ou dans tout le champ de l’Union, en direction d’une frange
définie des membres des Églises de l’Union, ou de tous les membres des
Églises de l’Union.
Il - GESTION DES SERVICES
Article 52 :
Le Secrétaire Permanent de l’Union exerce la tutelle sur
les services, la nomination des organes directeurs nationaux des services
se fait en leur sein, selon un mode défini par leurs membres et leur
personnel, sous la supervision de l’organe de tutelle.
Article 53 : Les services peuvent se doter d’un Règlement Intérieur
spécial et d'un cahier de charges pour préciser les modalités de leur
fonctionnement et le cadre de travail de leurs membres. Ce règlement
spécial et le cahier de charges doivent être approuvés par le Comité de
l’Union, l'Assemblée Régionale ou ('Église locale, selon qu'il s'agit de
service opérant dans le champ de toute l'Union, d'une Région ou d'une
Église locale.
III - DÉFINITION DES ŒUVRES
Article 54 :
On
entend
par
Œuvre,
toute
organisation,
tout
établissement ou toute autre formation créés ou acquis par l’Union ou
dont la gestion lui est confiée, et qui ont au moins deux des quatre buts
Annexes
497
suivants :
1- Répandre la parole de Dieu ;
2- Contribuer à la croissance spirituelle des chrétiens ;
3- Soutenir matériellement ou financièrement l’Union ou les Églises
dans leurs missions énoncées ;
4- Contribuer au bien être social des chrétiens et des populations.
Article 55 :
L'œuvre de I' Union est celle qui est créée ou acquise soit
par l'Union elle même, soit par l'un de ses organes. De même, l'œuvre
qui n'est ni créée ni acquise par l'Union est dite confiée à celle-ci lorsque
l'Union ou l'un de ses organes assure la gestion sans en être propriétaire.
Article 56 : Toute œuvre est rattachée soit à une Église locale, soit à une
Région, soit à l'Union elle-même, après approbation des textes qui la
régissent par l'organe concerné.
IV - PERSONNEL ET GESTION DES ŒUVRES
Article 57 : Compte tenu de la fonction spirituelle et sociale des œuvres,
ne peuvent faire partie de leur personnel que des personnes converties,
baptisées, désintéressées, mues par le désir de Dieu et justifiant des
qualifications techniques appropriées.
Article 58 :
La nomination dans les fonctions importantes des œuvres
se fait par les organes de l'Union auxquels sont rattachées toutefois,
l'Assemblée Générale peut souverainement y procéder si l'intérêt général
de l'Union l’exige. Il en est de même pour les changements de fonction
et la révocation du personnel. Le changement de fonction et la
révocation interviennent en cas d'attitudes contraires aux dispositions de
l’article 51 ci-dessus, et de la confession de foi de l'Union ou du
Règlement Intérieur de l'œuvre. D'autre part, dans le cas des œuvres
créées en association avec des Églises sœurs ou avec l’état, l'Assemblée
Générale et les autres organes de l'Union sont tenus de se conformer aux
conventions ou protocoles d’accord signés par l'Union.
Article 59 Un Comité de gestion est formé au sein de chaque Œuvre,
498 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
et si cela est nécessaire, des branches d'œuvre il doit comprendre au
minimum quatre (4) membres dont la moitié au plus sera composée du
personnel de l'œuvre intéressée.
Article 60 : Le Comité de l'Union, l'Assemblée Régionale ou l'Église
locale nommera les membres du Comité de gestion selon qu’il s’agit
respectivement d'une œuvre dépendant de
L’Union, d'une Région ou d'une Église locale. Le Comité de gestion
rend compte à l'organe qui le nomme au moins une (1) fois par trimestre.
La Présidence de tout le Comité de gestion est assurée par une personne
extérieure au personnel de l'œuvre, le Comité de gestion est
généralement chargé d'orienter et de contrôler les activités; de l'œuvre
dans les directives prescrites par l'organe de l'Union dont cette œuvre
dépend, la composition, les attributions particulières et la durée du
mandat des Comités de gestion sont fixées par les organes
qui
nomment leurs membres. En général celles ci sont transcrites dans un
document soigneusement tenu ou dans les statuts ou Règlement Intérieur
de ses œuvres.
Article 61 :
Le conseil national des Anciens est un organe consultatif
dont les avis ne lient pas les organes délibérants de l'Union il est
consulté uniquement pour des questions d'ordre spirituel il à la
responsabilité des encadrements et de l'accompagnement spirituel des
serviteurs de Dieu en difficulté.
CHAPITRE VII (BIS)
Conseil national des anciens
I – COMPOSITION
Article 61-1 : Le Conseil National des Anciens est composé de Serviteur
de Dieu nommés par le bureau de l’Union pour une durée équivalente à
celle de son mandat.
Pour être membre du Conseil National des Anciens, la personne doit :
Annexes
499
1. Avoir été dans le service à plein temps au sein de l’Union
pendant au moins 15 ans ;
2. Avoir été membre d’un organe National ou Régional de direction
de l’Union
3. Avoir pris sa retraite du service actif
4. Être dans une bonne communion spirituelle avec l’Union et avec
le Seigneur Jésus-Christ ;
5. Jouir d’une bonne santé mentale.
Les membres du Conseil National des Anciens sont au nombre de dix au
maximum pour l’ensemble de l’Union et deux au maximum par Région
Article 61-2 : Le Conseil National des Anciens est un organe consultatif
dont les avis ne lient pas les organes délibérants de l’Union. Il est
consulté uniquement pour des questions d’ordre spirituel. Il a la
responsabilité de l’encadrement et de l’accompagnement des serviteurs
de Dieu en difficulté.
3- Extrait de la position doctrinale de l’UEESO-CI
Rédigé en 1981 en pleine crise doctrinale, cette position doctrinale a été
révisée et confirmée en 2001 à la veille de la deuxième crise doctrinale
qu’a connue l’UEESO-CI en 2002.
Ce document a été fourni par Gilbert GOUENTOUEU, l’un des
membres de la commission théologique de l’UEESO-CI.
L’Union des Églises Évangéliques Services et Œuvres de Côte d’Ivoire
(UEESO-CI ou Union) plonge ses racines dans l’enseignement doctrinal
de la Réforme du XVIe siècle avec comme principal initiateur Jean
Calvin. La Réforme est caractérisée par trois piliers : « L’Ecriture seule,
la foi seule et la grâce seule » elle souligne donc la centralité de la
Parole dans la foi et la conduite dans l’Église de chaque croyant. Elle
insiste sur la foi comme réponse à l’invitation de Dieu au Salut et sur la
grâce qui exclut toute idée de mérite. Les Églises évangéliques sont
issues de la Réforme sur le plan de l’enseignement.
500 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
L’UEESO-CI est également héritière des Réveils du XVIe et XIXe
siècles. Le nom de William Carey, mais aussi celui Hudson Taylor et
Charles STUDD, est étroitement lié au mouvement des réveils
caractérisés par l’éveil de la conscience missionnaire et l’importance de
l’expérience personnelle avec Dieu. A l’enseignement de Calvin sur
l’autorité suprême de l’Ecriture s’ajoutent l’invitation aux œuvres
missionnaires de Carry et l’exhortation à la communion personnelle
avec Dieu.
La Mission Biblique en Côte d’Ivoire fait partie des missions
évangéliques dites de foi « Faith missions » qui ont adopté comme pères
spirituels Carey, Hudson, et Studd. En Côte d’Ivoire les missions
suivantes sont de cette famille : Société Internationale Missionnaire
(SIM), Mission Évangélique de l’Afrique de l’ouest (WEC), Alliance
Missionnaire et chrétienne (CMA) et bien d’autres.
L’Église du Tabernacle Baptiste, est une Église de professant apparait
comme Église-mère des Églises de l’Union dans la mesure où elle lui a
fourni le plus grand nombre de missionnaires. Les liens de nos Églises
avec l’Église du Tabernacle sont donc fraternels. Nos racines nous
aident à rester stables sur le plan historique mais aussi sur le plan
doctrinal. Elles nous rappellent notre identité. En effet, revienne avec
force à la faveur d’une certaine soif de changement au détriment de ce
que certains appelle la « tradition ».
CHAPITRE 1
Le Saint-Esprit
Position doctrinale
• L’UEESO-CI croit au Saint- Esprit en tant que personne divine
de la trinité ;
• L’UEESO-CI croit que tout chrétien authentique, c’est-à-dire
régénéré, ayant fait une expérience personnelle avec Dieu par
Jésus-Christ, est baptisé du Saint- Esprit. celui-ci habite en lui,
pour toujours ;
Annexes
501
• L-UEESO-CI rejette toute action par laquelle des chrétiens
s’exercent à recevoir le Saint-Esprit en ayant recours à des
pratiques douteuses.
CHAPITRE 2
Les dons spirituels (…)
Positions doctrinales
• L’UEESO-CI croit au x dons spirituels comme faisant partie des
pratiques de la vie de l’Église de Jésus- Christ.
Le don de guérison
• Compte tenu de l’arrière-plan culturel et religieux africain des
chrétiens de l’UEESO-CI et pour ne pas tomber dans le dans le
syncrétisme qui créerait la confusion dans l’esprit des chrétiens ,
l’application sur le corps des malades des matières telles que
l’eau, la terre…doit être proscrite dans les séances de guérison.
• L’UESSO-CI reconnaît la pratique de l’onction d’huile dans les
prières de guérison comme l’atteste jacques 5 :14. Mais, elle met
engarde tous les chrétiens contre les dangers qui consisteraient à
croire que l’huile en elle-même à un pouvoir de guérisons. Car
c’est Jésus qui guérit.
Le don de prophétie
• L’UESSO-CI croit aux dons et à l’exercice de la prophétie selon
l’enseignement biblique (1 cor. 14 : 29, Eph. 4 : 11) ; mais ne
croit pas aux prophètes comme pendant la période de la naissance
de l’Église.
• Compte tenu de toutes déviations et la prolifération des fausses
prophéties par des pseudo-prophètes, l’UESSO-CI exige que
toute révélation soit au préalable présentée au conseil de l’Église
qui en examinera l’authenticité selon les trois critères suivants :
502 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
1. La qualité de la vie du prophète ;
2. Le contenu de la révélation ;
3. La réalisation de la révélation.
Ceci éviterait les désordres qu’occasionnent les prophètes ou
révélations motivées par les calomnies, les désirs d’accusation et même
les règlements de compte.
• L’UEESSO-CI croit que selon le principe biblique, à défaut
lapider les faux prophètes pendant ce temps de grâce que nous
vivons, il faudra néanmoins prendre les sanctions disciplinaires
contre les faux prophètes et prophétesses (avertissement, mise
sous-discipline, suspension des responsabilités dans l’Église et
même l’excommunication).
Don de langue
• L’UEESO-CI n’adhère à aucune pratique de parler en langues
sans interprétation ni possibilité de compréhension par les
auditeurs du message émis (1 Cor. 14 : 28).
• L’UESSO-CI accepte comme principe biblique et praticable par
les chrétiens, le parler en langue dans une prière individuelle et
privée car elle peut édifier.
CHAPITRE 3
Le Ministère de la délivrance
Position doctrinale
• L’UESSO-CI croit au ministère de délivrance qui consiste à
libérer un homme ou une femme lié(e) par les mauvaises esprits
(Marc 16 : 17)
• L’UESSO-CI croit que le ministère de délivrance n’est pas
l’apanage des spécialistes mais tout disciple de Christ
entièrement consacré à Dieu, vivant dans sa crainte peut prier
Annexes
503
pour toute personne possédée et obtenir du tout-puissant la
libération. Toutefois, ce ministère doit être confié aux pasteurs
qui pourront être aidés par des chrétiens engagés.
• L’UESSO-CI croit que c’est Jésus-Christ qui délivre des liens du
diable et de tout péché. La séance de délivrance doit donc se faire
par la prière. Les supplications, la louange et la prédication de la
parole. Elle exclut l’usage des formules particulières considérées
comme efficaces, des objets dits sacrés.
CHAPITRE 4
La prière
Suggestions
Compte tenu de la prière dans la vie du croyant et des influences des
nouvelles pratiques dans la vie de l’Église, conduisant aux hérésies, il
est souhaitable que l’enseignement sur la doctrine de la prière fasse
partie du programme de l’Église et que la formation des responsables
incluse l’enseignement sur la prière.
Parmi toutes les interprétations faites à propos des prières
simultanées, L’USSO-CI adhère à celle qui permet à tous les chrétiens
d’élever la voix s’ils le désirent pour prononcer ensemble une seule
formule de prière telle que l’enseigne Jésus dans Mt. 6 :9.
• L’UESSO-CI rejette par conséquent toute forme de prières
simultanées houleuses qui sont parfois source de désordre ;
• L’UESSO-CI n’admet pas de prières simultanées houleuses dans
le culte de dimanche et tous les grands rassemblements de cette
dénomination ;
• L’UESSO-CI adhère totalement aux principes des prières faites à
haute voix et à toue de rôle.
Décisions portant sur sanctions disciplinaires
504 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Décision N° 4/86 portant sanction disciplinaire à l’encontre de
Monsieur Y
Le président du comité de L’UEESO-CI
Vu le statut de l’UEESOCI, notamment ses articles 12 et 13 relatifs à la
composition et aux attributions du comité de l’Union,
Vu l’article 31 des règlements intérieurs de l’Union.
Vu les décisions de l’Assemblée Générale de l’UEESOCI. Tenue à
Daloa du 21 au 27 Juillet 1986, particulièrement celles relatives aux
écoles primaires et à la constitution de la « Commission de
Redressement des écoles primaires ».
Vu le rapport de la commission de redressement des écoles primaires.
Vu les décisions de l’Assemblée Générale extraordinaire de l’UEESOCI en date du 29 Septembre 1986 concernant l’avenir des écoles
primaires.
Décide
ART. 1 En application des décisions de l’Assemblée Générale du 29
Septembre 1986, notamment celle qui concerne la sanction disciplinaire
infligée à l’intéressé pour les motifs ci-dessous :
• Très mauvaise gestion de la Direction régionale
• Détournement de la somme de
3.195.967frs
environ
• Utilisation non justifiée de la somme de
1.200.000frs
• Emprunt non remboursé de la somme de
500.000frs
• Indemnité indûment perçu
10.000frs
• Prêts non recouvrés du fait de sa négligence
2.042.316frs
Monsieur Y Directeur régionale de l’EPP de Man, est invité à faire
valoir ses droits à la retraite ; faute de quoi il sera licencié pour fautes
lourdes.
Annexes
505
ART. 2 : Monsieur Y est également invité à restituer à la caisse de la
Direction Régionales les sommes détournées, utilisées et non justifiées
et empruntées, soit un montant total de 4.895.967 frs.
Ampliations
Directeur National de l’Enseignement
Protestant
1
Directeur régional de l’ens. Primaire protestant
1
Toutes "régions
10
Archives
2
Fait à Man, le14 octobre 86
P / le président du comité de l’UEESOCI
SAHI JONATHAN
Le secrétaire de L’UEESOCI
(Signature)
BLEUKEHOUA MAHAN
Décision N° 5/86 portant licenciement de Monsieur X comptable à la
Direction Régionale de l’Enseignement Primaire Protestant de Man.
Le président du comité de L’UEESO-CI
Vu le statut de l’UEESOCI, notamment ses articles 12 et 13 relatifs à
la composition et aux attributions du comité de l’Union,
Vu l’article 31 des règlements intérieurs de l’Union.
Vu les décisions de l’Assemblée Générale de l’UEESOCI. Tenue à
Daloa du 21 au 27 Juillet 1986, particulièrement celles relatives aux
écoles primaires et à la constitution de la Commission de Redressement
des écoles primaires.
Vu le rapport de la commission de redressement des écoles
primaires.
506 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Vu les décisions de l’Assemblée Générale extraordinaire de
l’UEESO-CI en date du 29 Septembre 1986 concernant l’avenir des
écoles primaires.
Décide
ART. 1 En application des décisions de l’Assemblée Générale du 29
Septembre 1986, notamment celle qui concerne la sanction disciplinaire
infligée à l’intéressé pour les motifs suivants :
• Très mauvais travail
• Détournement de la somme de …………4.571.063frs
• Utilisation non justifiée de la somme de……..4.888.820frs
• Intérêt
à
payer
aux
impôts
pour
le
retard
de
paiement ….1.484.700frs
Monsieur X, comptable à la Direction Régionale de l’enseignement
primaire protestant de Man, est licencié pour fautes lourdes.
ART.
2 : Monsieur X est invité à restituer des sommes d’argents
détournées
Ampliations
Direction Régionale de l’Enseignement
Protestant
1
Direction National de l’enseignement .P.P.
1
Archives
2
Fait à Man, le14 octobre 86
P / le président du comité de l’UEESOCI
SAHI JONATHAN
Le secrétaire de L’UEESOCI
(Signature)
BLEUKEHOUA MAHAN
Annexes
507
Lettre de démission du Pasteur Jean Glao
Abidjan, le 24 Avril 1981
Aux membres de l’assemblee des responsables de la région
d’Abidjan
Chers collègues et Frères en Christ.
Je rends grâce à Dieu pour les 15 années de service que mon épouse
et moi avions passées auprès de vous dans cette région d’Abidjan.
Je bénis Dieu, pour les joies et les peines partagées dans l’amour et
la compréhension avec vous.
Après la récente visite du bureau de l’Union qui est très révélatrice
pour moi, et après mûre réflexion, je suis arrivé à la conclusion que la
collaboration avec l’Union n’est plus possible pour les raisons
suivantes :
1°) - Mes convictions charismatiques pour lesquelles je suis traité
par l’Union comme un faux prophète et un diviseur des
Églises.
2°) - A cause de la haine, de la violence, du manque d’amour et
de l’injustice à l’égard de certains serviteurs de Dieu renvoyés
ou mis sous discipline de manière arbitraire au sein de
l’Union ;
3°) - A cause de deux mesures disciplinaires au sein de l’Union,
dont l’une très rigoureuse pour les charismatiques et l’autre,
souple pour les non-charismatiques qui le plus souvent sont
épargnés de sanctions méritées.
4°) - L’Union est devenu aujourd’hui une dictature et non un
moyen d’entraide, et de collaboration entre les Églises.
5°) - A cause de ma vision du travail d’évangélisation qui est
d’établir des Églises dans toutes les villes importantes du pays
et en dehors, ce qui ne concorde pas avec les principes de
l’Union.
508 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
6°) - Le manque de vision des priorités et des buts à atteindre
dans l’Union, le manque de prise de conscience des
responsabilités sans le téléguidage des autres (comités
d’Europe) la totale confusion dans la pratique des Dons et des
Ministères au sein de l’Union.
Conséquences : Beaucoup ne sont pas à leur place ; ainsi,
d’autres sont devenus de véritables planteurs au lieu de paître
le troupeau du Seigneur.
7°) - Je ne veux pas être une photocopie d’une mission ou d’une
organisation, mais une copie de JESUS-CHRIST et de sa
parole.
Eu égard à tout ce qui précède, je rends ma démission de serviteur de
Dieu au sein des Églises de l’Union, afin de pouvoir travailler en paix,
dans la liberté, partout où le Seigneur m’enverra.
Je tiens néanmoins à souligner que ma démission ne prendra effet
qu’après l’Assemblée Générale Extraordinaire de Man.
Recevez mes fraternels messages en Christ.
J. Glao
Rapport
du Président du Comité de l’UEESO-CI
à l’Assemblée Générale de 1982
« Mon corps n’était point caché devant toi, lorsque j’ai été fait
dans un lieu secret, tissé dans les profondeurs de la terre. Quand
je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient : et sur ton
livre étaient tous inscrits les jours qui m’étaient destinés, avant
qu’aucun d’eux existe » (PS. 139/15-16).
C’est en 1980 que j’ai été élu comme Président de l’Union à une
époque difficile, comme vous le savez tous. Aussi je n’ai pas besoin de
vous raconter ici ni pourquoi ni ce qui s’est passé depuis. De plus nul
Annexes
509
n’ignore les causes graves qui secouent et troublent en ce moment nos
Églises, et à cause desquelles nous sommes environnés d’une si grande
nuée de témoins en ce moment.
Veillez donc me faire la grâce de ne pas en parler ici. Que je puis
donc vous dire, c’est d’abord un grand merci à vous tous pour la
confiance que vous m’avez accordée pour présider aux assises du comité
pendant ces deux années. Je vous dis encore un autre grand merci pour
votre indulgence envers moi, suivie de votre grande patience à mon
égard ; car je reconnais mes nombreuses lacunes ainsi que ma grande
faiblesse dans l’exercice de toutes ces fonctions. C’est d’ailleurs à cause
de cette faiblesse que j’avais beaucoup hésité au début d’accepter ce
poste. Ce que j’ai donc pu faire pendant ce temps, c’était plutôt un
travail de sapeur-pompier comme cela amusait certaines personnes de
m’appeler ainsi. Or pour accomplir un tel travail il fallait souvent
beaucoup de courage et dextérité, de violence ou d’audace, ce qui,
souvent, m’a amené à blesser moralement des hommes ou des femmes
sans m’en rendre compte. C’est pourquoi je demande aussi pardon de
tout mon cœur à tous ceux que j’ai offensés ainsi, sans m’en rendre
compte et sans avoir pris garde à eux. Qu’ils veuillent bien me
pardonner.
Après le douloureux problème de pagnes, je me suis retrouvé
aussitôt face à celui, combien plus grave encore de la doctrine au SaintEsprit et de la prière dite simultanée qui nous a préoccupé tous depuis
neuf ans. Mais personne n’osait le soulever, de peur d’être mal vu or
vous savez que si une Église cesse d’avoir et de suivre la saine doctrine
du Seigneur et de ses apôtres, elle cesse en même temps de vivre et finit
par mourir complètement, et cela à cause de sa tolérance du péché ou
d’une fausse doctrine dans son sein. Et comme une devise dit en français
« Mieux vaut souffrir que mourir » (c’est la devise des hommes). Je me
suis senti obligé de vous faire prendre conscience du grave et grand
danger qui guette nos Églises, en y laissant pénétrer et enseigner une
510 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
doctrine et une voix de facilité. Alors que Jésus lui-même à dit :
« Etroite est la porte, resserré le chemin qui mène à la vie » (MTT.
7/14…). Car pour moi, les interpellations ci-dessous de la Bible
constituaient de véritables ordres auxquels je devais obéir. En apportant
dans toutes les régions de l’Union la lumière sur les faits et
enseignements en contradiction avec la saine doctrine que la Bible nous
enseigne, l’Union (a) donc essayé de faire tout ce quelle a pu pour :
1) Paître les agneaux du Christ-Jésus (Jn 21/15).
2) Prendre garde…à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit
nous a établit. (Actes 20/28-31) ; (col. 4/17).
3) Exhorter selon la saine doctrine et réfuter les contradicteurs
(T.1/9).
4) Car (ils les conducteurs) devront rendre compte des âmes
(Hebr. 13/17). Voilà les motifs profonds qui vous feront
prendre de grandes et importantes décisions devant le
Seigneur notre Dieu.
Nathanaël Tokpa Ve
Procès-verbal
de l’Assemblée Générale de 1982
ayant consacré le divorce entre conservateurs et charismatiques
à l’UEESO-CI
Assemblée Générale de l’Union des Églises Évangeliques du Sud-Ouest
de la Côte d’Ivoire
A Man du 19 au 24 juillet
Séance du matin
Le message d’ouverture est délivré par M. Jacques Blocher.
Annexes
511
Tous d’abord l’orateur nous transmet les chaleureuses salutations des
frères d’Europe qui ont beaucoup prié pour les Églises de l’union et qui
continuent de le faire pour l’Assemblée Générale.
Se basant sur le livre des Actes, Mr. Blocher nous conduit à
découvrir les crises intérieures de l’Église naissante de Jérusalem.
Les problèmes que connaissent les Églises de l’Union ne leur sont
pas particulier ; ceux des Églises de Jérusalem sur viennent au moment
où celles-ci était en pleine croissance.
Première crise : Actes 6
Les lacunes dans l’administration soulèvent des mécontentements et
provoquent des murmures.
Solutions apportées : décentralisation des services ; les apôtres ne
s’occuperont que de l’enseignement de la parole. Un autre organisme,
les diacres ne traiteront que les affaires administratives.
Deuxième crise Actes 15
L’Église s’est considérablement développée : beaucoup de Juifs et
païens se sont convertis à l’évangile. Des Judaïsants veulent imposer la
circoncision aux païens convertis à Christ.
Solutions : Paul avec Barnabas s’opposent énergiquement à cet
enseignement contraire à celui du salut par les œuvres.
Troisième crise : Actes15/37
Elle se situe au niveau de deux serviteurs, à savoir Paul et Barnabas ;
il y a ici problème de (…), une vive discussion s’engage entre eux au
sujet de Jean-Marc.
Solutions : les deux hommes se séparent mais pas pour casser
l’Église ; mais c’était une séparation géographique.
Après cette méditation forte appréciée par toute l’assemblée, un
moment de prière suit.
512 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Participants
Baptisés
Délégués
Observateurs
+SD
Serviteurs
Représentants
de Dieu
Abidjan
568
18
7
7
25
Daloa
874
14
2
4
16
Guilglo
216
6
1
3
7
Gagnoa
885
23
0
7
23
Tabou
225
2
0
2
2
Toulepleu
153
3
0
2
3
Man
2600
54
8
23
62
Danané
1046
21
1
10
22
Duékoué
413
8
4
5
12
Bouaké
19
1
0
0
1
Total
6999
150
23
63
173
Invités spéciaux : M. J.BLOCHER, J. MARE, R. RABEY, MORRIS.
Ordre du jour:
1- Rapport de la commission théologique
a-
Base doctrinale (Saint-Esprit)
b-
Prière simultanée (information)
c-
Ministère féminin
d-
Discipline ecclésiastique
2- Rapport des régions (statistiques) et ceux des œuvres
3- Rapports
a- Président de l’Union
b- Secrétaire
c- Trésorier
4- Révision des statuts
5- Finances de l’Union
a- Budget
b- Salaire
c- Retraite
Annexes
513
6- Proposants
7- Situation des écoles
8- Renouvellement des membres du comité
9- Divers.
Point 1 rapport de la commission théologique
Base doctrinale du Saint-Esprit
Abidjan : Les Églises d’Abidjan acceptent la base doctrinale sur le
Saint-Esprit élaborée par la commission théologique sauf les
communautés d’Adjamé et de Yopougon. Mais ces deux communautés
entendent collaborer dans la liberté avec les communautés sœurs de la
région d’Abidjan.
Daloa : L’Assemblée Régionale a accepté la base doctrinale par un vote
qui a donné le résultat suivant : pour 15 contre 0 Abstention 2.Elle
souhaite une large diffusion de cette base doctrinale pour prévenir les
confusions dans les régions.
Guiglo : Puisqu’il s’agit de la doctrine, Guiglo accepte cette
base
doctrinale.
Gagnoa : La région de Gagnoa accepte la base doctrinale à part quelque
point sur le ministère féminin.
Tabou : Accepte base doctrinale
Toulépleu : Accepte la base doctrinale
Man : Est d’accord avec la base doctrinale
Duékoué : Ceux qui sont avec l’union acceptent la base doctrinale les
séparatistes la rejettent.
Danané : accepte pleinement la base doctrinale
Biankouma : N’accepte pas la base doctrinale
514 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Prière simultanée
Abidjan : Résolution d’Abidjan ; 1 La prière simultanée n’est pas
satanique. 2 Elle peut être pratiquée dans les Églises qui l’ont adoptée,
mais avec un enseignement approprié pour que l’ordre règne. 3 Une
campagne d’information et de sensibilisation doit être faite au niveau de
toutes les régions où la prière simultanée a été traitée de satanique.
4 Dans les régions où cette prière pose des problèmes, la prière
individuelle doit être pratiquée au culte. Mais la liberté doit être donnée
de prier simultanément dans la semaine ; soit dans la chapelle soit dans
les celles.
Ministère féminin
Abidjan ; Les femmes peuvent exercer le ministère Pastoral dans les
régions où il n’y a pas d’hommes capables pour le faire. Dès qu’on
trouvera un homme, la femme doit s’effacer.
Discipline ecclésiastique
Que la sanction disciplinaire ne soit pas définitive. Mais qu’elle se fasse
dans l’amour pour corriger le coupable afin de le ramener sur le droit
chemin.
Daloa : La prière simultanée sème du désordre. Si un enseignement est
donné pour qu’elle se fasse dans le silence, nous ne la rejetons pas.
Guiglo : Nous rejetons la prière simultanée parce qu’elle nous gène dans
nos assemblée.
Gagnoa : Aucune forme de prière n’est imposée dans la Bible. La prière
simultanée peut être pratiquée, mais dans le silence. Nous ne voulons ne
voulons pas arracher un exaucement à Dieu le volume de la voix.
Tabou : Chez nous, il n’y a pas de prière simultanée nous ne pouvons
pas en parler.
Annexes
515
Toulépleu : Cette nouvelle forme de prière, nous l’appelons deuxième
prière simultanée et cette deuxième prière est rejetée chez nous.
Man : La prière simultanée n’est pas une nécessité. Nous acceptons tous
les dons sauf la prière houleuse.
Danané : Cette prière qui fait beaucoup de bruit est rejetée. Si l’union
l’accepte, nous quittons l’union.
Duékoué : I rejette la prière simultanée. Duékoué II la maintient parce
qu’elle a été pratiquée par les disciples de JESUS.
Biankouma : On est pour la prière simultanée pace que les disciples
élèvent la voix pour prière.
Bouaké : Nous sommes une nouvelle communauté, nous ne connaissons
pas encore ce phénomène de la prière simultanée.
Blekehoua : La prière simultanée n’est pas satanique, mais elle peut le
devenir suivant la disposition d’Eprit de celui qui la pratique.
Husser : Il faut que les cœurs de ceux qui prient soient d’accord ; et pour
être d’accord il faut avoir entendu ce que l’on a dit afin de dire Amen
qui signifie je suis parfaitement d’accord. Amen ne veut pas dire la
prière est terminée. Il faudrait qu’on soit claire là-dessus.
Débat sur le ministère féminin
Tia Dety Lazare : S’il ya des hommes capables, la femme doit pas
prendre la direction d’une Église, et s’il n’y en a pas, on peut valoir le
don que la femme a reçu.
Gbaou Maurice : Nous approuvons que la femme exerce les fonctions
énumérées dans le rapport. Mais il est trop tôt de confier la fonction de
pasteur à la femme.
Proposition : appuyée par Guéhi Etienne d’Abidjan.
516 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Débat sur la disposition ecclésiastique
Glao : La discipline est normale, elle est biblique, mais elle est fait pour
corriger et non pas pour rejeter définitivement. Il faut plutôt suivre
l’évolution du fauteur pour l’aider à revenir. Si le serviteur de Dieu est
réadmis dans l’Église, il faudrait qu’il reprenne son ministère ; à la seule
condition qu’il change de poste pour sauvegarder son témoignage.
Blai Laurent : Il set dit que le serviteur qui chute et qui doit quitter le
service peut percevoir trois mois de salaire. Mais pendant combien de
temps, peut-il rester dans la maison qu’il occupe ?
Doubouya Moise : La sanction suprême qu’on puisse infliger à un
serviteur de Dieu, c’est de lui retirer le droit de la parole. Si cela est
fait ? Il faudrait lui laisser la maison et son salaire.
Tahé Norbert : La parole de Dieu dit de chasser le méchant du milieu de
vous. Mais il ne faut pas condamner le fauteur à aller chez lui où il n’a
rien.
Seyo Anatole : S’il manque aujourd’hui de vocations parmi la jeunesse
c’est que discipline ecclésiastiques est trop sévère ... Je propose qu’on
donne la moitié du salaire pour que les enfants vivent.
Vé Nathanaël : Il est bien vrai que vous parlez en faveur des serviteurs
de Dieu don je fais partie ; mais un serviteur de Dieu doit être un
exemple. S’il cesse d’être un modèle pour le troupeau, il mérite d’être
bafoué comme il a bafoué son Dieu, son roi. Si un pécheur doit
bénéficier des mêmes avantages que celui qui sert fidèlement n’y a-t-il
pas là injustice ?
(Après ce débat : la séance est suspendue pour reprendre à 15h. À la
reprise de la séance, le Président autorise Mr. Guénaman à lire son
rapport sur les charismatiques).
D’Abidjan (voir rapport Guénaman).
Annexes
517
Ce rapport Guenaman a suscité une vive réaction chez les
charismatiques.
M. Vé N. nommons une commission pour étudier les décisions finales
sur le problème charismatique. Cette proposition a plu à l’assemblée.
Sohou M. propose un vote. Le vote donne les résultats suivants : pour
100 contre 42 charismatiques furent nommés. Cette commission a
travaillé de 22h30 à 3h30 du matin.
Conclusion :
De la commission : après de longues discussions de 20h30 à 3h30 la
commission spéciale est parvenue aux résultats suivants.
Concernant la base doctrinale du Saint-Esprit les charismatiques
souhaitent qu’un amendement soit apporté sur l’article du baptême de
l’Esprit page 3 et 4 du document de l’Union de la manière suivante (…)
naissance, régénération, baptême dans le Saint-Esprit désignent des
actes que Dieu accomplit par le Saint-Esprit et qui peuvent s’opérer en
même temps ou séparément. Ils souhaitent l’enseigner ainsi dans les
Églises.
Si cette proposition est refusée, les charismatiques proposent travailler
dans l’Union mais parallèlement. Les modalités de collaboration restent
à définir.
Les non charismatiques ont proposé aux charismatiques d’accepter la
base doctrinale de l’Union. Leur conviction sur le baptême du SaintEsprit doit être personnelle. Elle ne pas être enseignée comme une
doctrine dans les Église de l’Union. Les non charismatiques ont invité
leurs frères charismatiques à venir travailler avec eux sans faire entorse
aux principes de l’Union.
Prière simultanée : les charismatiques ont demandé que dans les Églises
où prière simultanée ne pose pas de problème, qu’elle soit pratiquée
518 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
librement. Dans les Églises où elle pose problèmes les chrétiens doivent
prier un à un le dimanche mais peuvent prier simultanément dans
l’Église ou en cellule au cours de la semaine. La prière simultanée est
publique.
Les non-charismatiques ont proposé que la prière simultanée soit
supprimée dans les Églises de l’Union à cause des divisions qu’elle
suscite.
Après la lecture du rapport de la commission, un débat s’engage :
Dah Sébastien : Y a-t-il un article dans les statuts de l’Union qui définit
les conditions de retrait d’une Église ?
Le secrétaire Bleukehoua. lit l’article 17 qui définit les modalités de
retrait d’une Église de l’Union. (Une Église qui se retire de l’Union doit
laisser les meubles immeubles et les véhicules).
Ipoté Jean-André. Selon le rapport de la commission, il y a des régions
ou des Églises où la prière simultanée ne pose pas de problème.
Pourquoi ne pose-t-elle pas de problème ?
Z. Raphaël : il faudrait demander à Jaques Blocher de nous donner les
conclusions de la rencontre des charismatiques et non-charismatiques en
Europe.
Kousso Doua Jean : pour beaucoup, la séparation est déjà consommée.
C’est avec amertume que j’exprime ma pensée. Nous sommes tous
charismatiques sinon nous ne serions pas chrétiens. L’Esprit de Dieu
n’est pas un esprit de division.
Diehi Jean : je remercie la commission qui a travaillé en vain parce qu’il
n’y a pas de concession de et d’autre. Le problème qui se pose est celui
de savoir le devoir de ceux qui partent.
Mr. Jaques Blocher : Le problème charismatique en Europe est tout à
fait différent de celui qui se pose en Afrique. Ensuite M. Blocher lit les
Annexes
519
conclusions de la rencontre des charismatiques et non charismatiques
d’Europe.
Bleukehoua : je demande à M. Blocher de nous dire si les
charismatiques et non charismatiques peuvent cohabiter dans une même
Église.
M. Blocher : Le cas de l’Afrique est différent de celui de l’Europe. Les
Églises d’Europe sont vieilles et le phénomène charismatique se
manifeste dans les Églises endormies. Les charismatiques sont toujours
restés dans leurs Églises. Rares sont ceux qui sont constitués en Églises
indépendantes.
Elie Tomékpa : Si les charismatiques vont à droite, nous irons à gauche,
et s’ils vont à gauche nous irons à droite parce que le phénomène
introduit par Giraud avec la bénédiction de Glao nous a vraiment
divisés.
Dan Joseph : je ne suis pas au courant de l’affaire de Kouambla
Celestin.
Vé N. Nous allons assister à une opération chirurgicale. Elle est
douloureuse, mais elle est nécessaire dans certains cas pour la survie du
corps. Il est vrai que nous serons amputés d’un membre que nous (ne)
retrouverons plus jamais. Nous serons même infirmes. Mais il faut
forcément en arriver là. Toute institution a une doctrine sans laquelle
elle ne peut pas fonctionner correctement. Ceux qui souscrivent à notre
base doctrinale peuvent rester avec nous ; et ceux qui ne le veulent pas,
peuvent s’en aller en paix.
Dagou Justin : Je n’aime pas la division ; mais il faut être sincère. Les
gens ont peur du règlement de compte. Il faut avoir le courage de dire
que nous allons.la coexistence n’est pas possible parce qu’il y a trop de
contradictions dans l’enseignement.
520 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Gué Victor : l’amendement de l’article 17 relatif, aux biens de l’Union
n’a pas été ratifié par les Assemblées régionales. Il faut que les principes
jouent clairement pour nous aider.
Vé N. : Aucun amendement n’est fait sans consulter les assemblées
régionales. L’Assemblée Générale ne fait que statuer sur les décisions
des assemblées régionales.
Husser : Il faut nommer une commission paritaire, partager les biens
après le divorce qui est déjà consommé.
Un vote suit pour se prononcer sur le divorce. Pour la base doctrinale
dans sa totalité 122. Pour l’amendement de la base doctrinale (en
d’autres termes) contre 18. Abstention 12.
Tia Diéty Lazare : Si nous avions déjà des cachets et tout comme vous le
dites, nous ne serions pas venus ici pour dormir dans des conditions que
l’on sait. Il y a seulement une petite partie de la base doctrinale que nous
rejetons. Et nous croyons pouvoir travailler parallèlement avec l’Union.
Guénaman : je n’ai rien compris dans l’explication de Tia Diety Lazare.
Dion Lami : Il faut vous déterminer. L’union ne veut pas travailler
parallèlement avec vous.
Seyo : Nous voulons travailler sous le chapeau de l’union mais sous
forme de fédération.
Tia Dety L. : Nous voulons avoir du temps pour nous organiser.
Bah Samuel : Et les 8 élèves envoyés au Nigéria par les charismatiques,
qu’en dites-vous ?
Seyo : Ce sont là les problèmes de personnes. Je ne suis pas au courant
des 8 élèves envoyés au Nigeria. Je ne sais rien du cachet des
charismatiques.
Annexes
521
Vé N. : Citant Amos 3/3 deux hommes marchent-ils ensemble sans
s’être concertés ? Peut-on travailler avec l’union sans même base
doctrinale ?
M. Husser : Le problème charismatique a été comme un grain de sable
qui entrant dans l’œil l’a irrité. Laissez maintenant le temps faire son
œuvre pour que l’ordre et sérénité reviennent. Arrêtons- nous là pour le
moment.
Vé.N. : Il faut arrêter de discuter sur question comme l’a dit M. Husser.
Blai Laurent : Ce que le vote a décidé doit être respecté sans discussion.
Tia Déty L. : Nous avons voté sur l’amendement de la base doctrinale.
Gaou M. : Je regrette le temps perdu. Le vote à décidé la séparation.
Oué Victor : Il faut retenir la proposition de M. Husser qui consiste à
former une commission paritaire pour étudier le problème des locaux.
Luc : Je ne comprends pas le Français, mais je comprends la voix de
Jésus. J’accuse Déty Lazare et Gao qui ont introduit la prière simultanée
et qui continuent de nous fatiguer.
Glao Jean : Je prends la parole entant que serviteur de Dieu depuis 1957
et non pas en tant que charismatique. J’ai demandé une assemblée
générale extraordinaire en Août 1981 pour trancher une question très
importante, mais cela n’a pas été possible. Après le passage du comité
de l’Union, à Abidjan, j’ai décidé de rendre ma démission des Églises de
l’Union. À partir d’aujourd’hui, ne me comptez plus parmi les serviteurs
de l’Union. Je vous dis au revoir. Mon temps avec l’Union est arrivé à
son terme. Je n’ai pas préavis à demander qu’on reste des frères. Si un
jour il y a possibilité de former une fédération avec l’Union alors je serai
présent. S’il ya encore des questions en suspens sur les pagnes du jubilé,
posez-les moi et je donnerai des éclaircissements.
522 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Guénaman : Je souhaite que les autres charismatiques interviennent dans
le même sens que Glao. Prononcez-vous sur la séparation. C’est trop tôt
de parler de Fédération.
Tomé Victor : Nous avons trop souffert de cette situation à Abidjan. Il
n’est plus question de demander à l’Assemblée Générale de se
déterminer ; Vous vous êtes déjà déterminés avec une lecture à l’appui.
Kapeu Anatole : que ceux qui sont pour la formation de la commission
paritaire ou pas se prononcent. Il ne faut plus revenir sur la même
question de détermination.
Guédé : Nous voulons travailler avec vous malgré le divorce. Qu’en
dites-vous ?
Hans Dietter : la lumière est faite sur la question des pagnes du Jubilé.
Bine que certaines interrogations sur les pagnes restent encore sans
réponse, dans l’ensemble Glao a réglé ses dettes.
Vé. N. : Si les charismatiques veulent rester avec l’Union, qu’ils se
soumettent à elle. Et s’ils veulent rester en gardant leur position, nous
les rendons responsables de tous troubles qui se produiraient dans nos
Églises.
Jean Paul : Il faut voir au-delà des immeubles des hommes. Le problème
humain doit être pris en compte dans cette affaire. Que deviendrons
demain ceux à qui l’accès de la chapelle sera interdit ?
Seance du 23/7 /82 (Après la méditation de M. Maré).
Dagou Justin : Il faut maintenant former cette commission qui doit
régler le problème des locaux.
Elie Tomékpa : Je ne veux pas de cette commission paritaire.
Olivier de Tarragon : Nous avons rejeté hier la fausse doctrine des
charismatiques par 122 voix contre 18 et vous voulez faire des
concessions alors que les charismatiques n’en font pas du tout. Si le
Annexes
523
désordre continue, nous quitterons l’Union jusqu'à ce que l’ordre
revienne.
Blé Lami : Faire des concessions avec les charismatiques c’est ouvrir
des vannes au désordre. Je réfute catégoriquement ces concessions et je
demande un pasteur pour l’Église d’Adjamé pour le dimanche prochain.
Vé.N. : Notre frère Glao part comme l’enfant prodigue. Deux frères
parmi nous peuvent prier pour lui puisque nous ne pouvons pas le
retenir.
Guehi Etienne : Vé est en contradiction avec lui-même. Peut-on prier
pour quelqu’un qui va à sa porte ?
Zoué Joseph : Ne pouvons pas demander au moins pourquoi Glao s’en
va ?
Vé. N. : Le fils prodique est majeur et nous n’avons jamais entendu dans
que son père l’avait retenu.
Gbaou M : Glao a rendu sa démission à l’Assemblée Générale c’est à
elle de se prononcer et pas au Président Vé. N.
Bleukehoua A : Je ne suis pas d’accord de prier pour Glao. Il a enseigné
sa doctrine en cachette, elle fait des ravages et il n’a pas eu le courage de
présenter des excuses à l’Assemblée Générale.
Finalement Mouy Gaston et Vé.N. prient pour Glao.
Seyo : Il ne faut pas rattacher le problème charismatique à celui de Glao.
Définissez notre position avant notre départ.
Valet Pascal : Les charismatiques ne sont pas une Église. Il faut
considérer le problème séparément.
Zion Joseph : Vous les présidents de séance, vous êtes peureux. Vous
n’écoutez les instruits et vous nous réduisez au silence nous les vieux.
524 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
C’est nous qui avons souffert pour ces Églises. Je demande qu’on sépare
nettement les charismatiques d’avec les non charismatiques.
Vé.N. Si charismatiques pensent qu’on leur doit quelque chose, qu’ils en
face un calcul exact pour qu’on le leur rende.
Ipoté J.A : Je propose qu’une commission soit nommée pour informer
les Églises des décisions prises par L’A .G. Proposition appuyée et
soumise au vote.
Pour 128, contre 0, abstention 13.
Vote : pour 134, contre 1, abstention 5.
Vé .N : Président sortant soumet au vote la conférence de foi de l’union
et propose que postulant au service de l’union doit nécessairement la
signer.
Vé.N. : Tous ceux qui ne signeront pas cette confession foi seront
considérés comme démissionnaires.
Point : 2 : Rapports des régions (statistique) et ceux des œuvres
(voir ces rapports en annexes).
Point 4 : révision des statuts (reporté)
Point 5 : convention générale (reporté)
Point 6 : Finance de l’union : (voir compte en annexes)
Hans Dietter brosse un tableau assez sombre des finances de
l’union. Plusieurs régions n’ont pas payé leurs cotisations.
Point 7 : Proposants :
Daloa présente 2 proposants
Gagnoa présente 1 proposant
Tabou présente 1 proposant
Annexes
Man
525
présente 5 proposants
Danané présente 3 proposants
Après les témoignages des régions qui ont présenté ces jeunes
serviteurs de Dieu quelques observations ont été faites par l’assemblée.
Ensuite un vote a été organisé.
Procès-verbal
de la rencontre des responsables UEESO-CI
avec le Ministre Léon Konan Koffi
en vue d’un dénouement définitif de la crise de 1982
Sur convocation et sous la présidence effective de Léon Konan Koffi,
Ministre de l’Intérieur, une réunion de synthèse s’est tenue au cabinet
ministériel le mercredi 03 novembre 1982 à 16 h. Elle a eu pour objectif
de régler définitivement le différend opposant l’Union des Églises
évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire UEESO-CI) à quelques uns de ses propres adeptes qui sont constitués en un groupe dénommé
charismatique. En raison du caractère ultime de cette réunion, le
Ministre Léon Koffi était assisté de :
SORO Mamadou, Préfet d’Abidjan
AHOUA Kangha Michel, Directeur de Cabinet du Ministre de
L’Intérieur
Ipaud LAGO Michel, Directeur Général de l’Administration
Territoriale.
Quant à VE, Président de l’UEESO-CI, il n’a pas manqué d’inviter les
grands dignitaires des Églises évangéliques et méthodistes de la place :
Pasteur DIEKE Koffi Joseph, président des Églises protestantes
C.M.A. de Bouaké.
Pasteur YANDO Emmanuel, président des Églises Méthodistes
de Côte d’Ivoire.
526 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Dr. KOUADIO André, pasteur, professeur à l’Institut biblique de
Yamoussoukro.
Pasteur Coulibaly APONY, président des Églises Baptistes du
Nord.
Pasteur BOSSERT Charles, missionnaire, directeur de l’Institut
Biblique de Yamoussoukro.
Pasteur Jean ALAO, président des Églises AEECI de Bouaflé
Les représentants de l’UEESO-CI :
Pasteur VE, président de l’UEESO-CICI,
Pasteur BAH Samuel de Duékoué B. P. 16
GUENAMAN Jean B. P. V 93 Abidjan
Pasteur DAN Joseph 13 BP. 30 Abidjan13
BLE Lami, UEESO-CI
Pasteur Jean DAKOURY, 03 BP 806 Abidjan 03
TOME Victor
MONGUEI Paul Michel
Pasteur BLEUKEHOUA Mahan Albert, secrétaire général de
l’UEESO-CI
Le groupe charismatique, lui, sans chef, selon ses propres déclarations,
a été représenté par :
MAHAN Seyo Anatole, instituteur à l’école des sourds-muets de
Yopougon
TIA Deti Lazare, instituteur à l’école des sourds-muets de
Yopougon Oué Victor, université nationale de Côte d’Ivoire
GUEHI Gnenena Etienne, b. p. v 124 Abidjan Jean GLAO,
pasteur, 08 b. p. 20 Abidjan 08
TOGUEI Kpai Laurent, b. p. 215 Duékoué
Annexes
527
Ouvrant la séance, Léon Konan Koffi a souhaité la bienvenue
aux participants et les a remerciés de leur présence effective. Après
avoir déploré le comportement de certaines communautés religieuses du
pays et surtout celui qui prévaut actuellement au sein de l’UEESO-CI, le
ministre de l’Intérieur a exprimé ses vœux de voir cette réunion être la
dernière des séries de rencontres qui ont vainement tenté de régler
l’affaire charismatique, aussi a-t-il demandé aux ayant -droit à la
parole d’être brefs et clairs.
Vé, président de l’UEESO-CI, sur un ton calme, a fait la
présentation des dignitaires invités,
puis il a dit en substance au
ministre de l’Intérieur : « malgré les suggestions de vos collaborateurs
qui nous ont déjà reçus dans cette salle les 15 Septembre et 15 octobre
derniers, nous n’avons pu nous entendre, nous revenons vous saisir du
même problème, comme arbitre, car nous croyons que Dieu vous
donnera la compétence nécessaire pour le résoudre ».
TIA Deti Lazare, porte-parole du groupe charismatique, après
avoir fait l’historique et défini les divergences fondamentales du
différend qui oppose charismatiques et l’UEESO-CI, a déclaré que les
charismatiques veulent former une église à part.
Après cette réponse claire, le Ministre de l’Intérieur passe la
parole aux invités : Pasteur COULIBALY : « leur schisme est
consommé. Donc nous les reconnaissons comme tels » Pasteur
YANDO : « c’est une chance que nous soyons dans un État qui n’est pas
païen. Et je me permets de déclarer que dans un État qui se réconcilie,
les chrétiens qui se divisent ne sauraient être ni Ivoiriens ni chrétiens. »
Pasteur DIEKE Koffi : « Je suis venu en observateur. Pour moi les
Églises devraient être les prometteuses de la paix. J’avais souhaité que
ce différend fût réglé entre nous chrétiens. J’ai honte. Par ailleurs, ce
528 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
qui m’intrigue, c’est le silence de Jean GLAO à toutes les réunions alors
que c’est lui le meneur du groupe charismatique. Vraiment j’ai honte ».
Le ministre de l’Intérieur, après avoir remercié les invités et les
représentants de l’UEESO-CI et du groupe charismatique a décidé ce
qui suit :
Désormais seule l’UEESO-CI, agréée par l’État, est mandatée à
exercer son culte.
Les charismatiques sont libres de fonder leur
religion. Mais en attendant l’agrément de leurs statuts, il leur est
formellement interdit d’exercer un culte public. D’ailleurs, je ne connais
que Jean GLAO, le seul à avoir rendu sa démission de l’UEESO-CI. Les
autres non ! Je demande à l’UEESO-CI de me faire dans les meilleurs
délais l’inventaire et me fournir la liste des éventuels biens des
charismatiques.
Désormais, j’entends vous rencontrer en termes de Légalité.
Puis, séance tenante, le ministre de l’intérieur lit les deux lettres
adressées à ses collègues de la défense et de la Sécurité Intérieure pour
leur demander de fermer le temple charismatique d’Adjamé, puis il lit
une autre lettre adressée à Monsieur Jean GLAO pour lui notifier la
fermeture de ce même temple et l’interdiction formelle d’exercer tout
culte public 776.
776
Procès-verbal du règlement définitif du différend entre UEESO-CI et
charismatiques. Cité par Jean Colbert, GUENAMAN, op.cit, pp.173-176.
Annexes
529
Annexe 3 : Récits de conversions
Sept récits ont été retenus pour être présentés dans leur intégralité.
L’insuffisance du nombre des tout-premiers chrétiens nous a poussé à
recourir à des récits récoltés par des devanciers. En outre, concernant,
les récits recueillis par nous-mêmes, lorsque l’abondance des critères de
sélection étouffait une récolte qui ne se signalait pas par sa quantité,
l’arbitraire a finalement tranché.
Les sept récits sélectionnés, à l’issue de nos dépouillements, nous
semblent, refléter l’ensemble. Pour garder leur authenticité, nous avons
opté de rapporter ces récits sous la forme orale.
J’ai entendu la voix de Dieu (MOUY Gaston)
Né vers 1928 d’une famille assez modeste, GOHO Mouy Gaston a
reçu l’appel de Dieu vers les années 1947-1950 au cours d’un rêve.
Après plusieurs moments d’hésitation, il finit par être convaincu que
Dieu l’avait choisi pour porter le message du salut aux peuples Guéré et
Wobé de Côte d’Ivoire. Il fait partie des tout premiers élèves de l’école
biblique de Man, et a cumulé plusieurs postes de responsabilités. Dans
un entretien qu’il a accepté de nous accordé en 2010 à sa résidence de
deux plateaux (Abidjan), il nous relate sa rencontre et sa vie avec Jésus
Christ.
« D’abord, je fréquentais l’école de la mission. J’étais déjà grand.
J’ai été à l’école mais je n’ai pas duré à l’école parce que je n’avais
personne pour me soutenir, mon père étant décédé. Puis je suis venu à
Abidjan, en Basse Côte. J’ai servi en tant que boy chez les blancs. Puis
je suis retourné au village pour me marier. J’ai reçu l’appel lorsque
j’étais encore au village. Nous étions deux ; mon grand-frère et moi.
Un jour, j’ai fait un rêve et il y a quelqu’un qui m’a réveillé dans le
sommeil et m’a dit : vas prêcher dans la région de Bangolo où il y a de
un grand nombre là-bas il y a assez de fétiches. Et lorsque je me suis
réveillé, j’ai expliqué cela à mon grand-frère. Mais, en ce moment,
530 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
j’avais un seul souci, comment faire pour devenir riche. J’avais réalisé
des plantations de cacaoyers et de colatiers.
C’est à ce moment que Dieu m’a appelé. J’en ai parlé à mon frère.
Mon frère lui-aussi a eu l’appel de Dieu. J’ai dit : mais pourquoi Dieu
m’appelle puis appelle mon frère aussi ? Puis j’ai dit : puisque nous
sommes deux frères, si Dieu veut que je le serve, alors qu’il fasse
revenir mon frère. Et un an après, mon frère qui était allé à l’aventure
est revenu effectivement au village. Avec le retour de mon frère, j’ai
compris que Dieu m’avait vraiment appelé pour le servir. Et je me suis
rendu à Man pour expliquer cela aux missionnaires. Il y avait un
évangéliste sur la station missionnaire à qui j’ai expliqué la situation et
lui il l’a dit à son tour aux missionnaires.
Dès ce moment, chaque fois que je me rendais à Man, les
missionnaires me disaient : Dieu t’a appelé et tu ne veux pas venir.
J’étais donc embarrassé, et quand j’allais maintenant à Man, je prenais
soin faisais l’effort d’éviter les missionnaires. C’est dans cette situation
que nous étions quand le Seigneur a repris mon frère. Après cela, j’ai
décidé de répondre à l’appel de Dieu et je suis allé à Man, j’ai
dit : Dieu m’a appelé donc je vais aller à son service.
C’est ainsi qu’on m’a pris et on m’a envoyé sur le terrain à Bangolo
précisément dans le village de Gouénié. C’est là-bas que j’ai commencé
l’évangélisation. C’est moi qui ai commencé l’évangélisation dans la
grande région de Bangolo. C’est à ce moment qu’on a ouvert l’école
biblique à Man. Et après le service, on nous a dit d’aller à l’école pour
être formés. Après deux années de formation, on m’a réaffecté à mon
même poste. Lorsque nous sommes allés à l’Assemblée régionale de
Man, j’ai été élu président. C’est vers 1957 que nous avons fait cette
formation.
A cette époque, c’était encore l’idolâtrie, il y avait des fétiches, il y
avait des masques très puissants. Ce n’était pas facile pour que
l’évangile s’implante dans la région. Dans notre village, Souakpé, il y
Annexes
531
avait huit (8) masques puissants. Quand nous avons accepté l’évangile
dans ce village, nous étions haïs, méprisés, repoussées par les gens du
village.
Vous voyez, la mission qui est à Souakpé là, quand l’évangile est
arrivé, Dieu se manifestait beaucoup en notre faveur, cela gênait
beaucoup les masques. Ils ont dit : "bon voyez, prenez cet espace là, à
côté du village, vous pouvez y faire votre culte, vous pourrez y faire tout
ce que vous voulez." C’est comme cela qu’est née la mission à Souakpé,
et l’école qui y est implantée.
Lorsque l’évangile est arrivé, nous les premiers chrétiens étions
persécutés parce que ceux qui ne connaissaient pas le Seigneur, disaient
que ces chrétiens là, s’opposent à la coutume. A l’époque, on nous a
convoqués à Man, chez le blanc parce que selon eux, nous sommes
venus détruire la tradition, les masques. Quand l’évangile s’est
implanté, les gens du village ont dit au missionnaire : "Dans ce cas, il
faut nous envoyer aussi l’instruction, il faut nous envoyer l’école".
C’est ainsi, que dans la région de Facobly, l’école est partie de
Souakpé.
Mais ce qui est intéressant, c’est que ceux qui ne croyaient pas en
l’évangile, mais qui ont quand même envoyé leurs enfants à l’école, ont
vu l’évolution de ces enfants et certains se sont donnés au Seigneur.
C’est ce qui a bouleversé le village et beaucoup ont commencé à se
tourner vers l’évangile. Et les villages dans lesquels on a annoncé
l’évangile, on a aussi amené l’école y a été aussi amenée dans ces
villages là. Et tous les enfants qui partaient à l’école confessionnelle
réussissaient et tout le monde voulait y envoyer son enfant pour qu’il
reçoive une bonne instruction. C’est de là l’évangile est parti. Donc,
l’école et l’évangile étaient liés. Ça a été un tremplin, c’est Dieu qui les
a liés, ça a été un tremplin. Ça a été un moyen pour développer l’Église
et puis développer aussi l’enseignement.
532 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Et les premiers enseignants, avant de commencer les cours,
enseignaient d’abord la parole de Dieu. Voilà comment l’évangile a été
développé chez nous. Et aujourd’hui, la plupart de ces enfants sont de
grandes autorités dans ce pays.
Comme l’évangile rencontrait de grandes oppositions dans les
villages, nous avons décidé d’utiliser l’école, en implantant les écoles
dans les villages les plus difficiles ; et quand les enfants partaient à
l’école, on leur enseignait la parole de Dieu. Puisque cela fait partie du
programme, les parents ne pouvaient pas s’opposer. Ces enfants qui
fréquentaient l’école, à leur tour évangélisaient leurs parents, et c’est
ainsi que, l’évangile a pénétré nos régions qui étaient très hostiles au
départ. Et à la mission aussi, les premiers enseignants étaient vraiment
bien, ils enseignaient vraiment bien et avaient un bon témoignage. Voilà
pourquoi l’évangile a pu gagner du terrain.
Concernant les persécutions, lorsque quelqu’un devenait chrétien,
on le persécutait. Par exemple, il y a un jeune qui faisait masque
et
quand il est devenu chrétien, il a abandonné. Il a été frappé, châtié.
Mais, ce qui nous réjouissait dans cette persécution, c’est que les effets
de l’évangélisation étaient là et fermaient souvent même la bouche à
ceux qui nous maltraitaient. Les enfants qui fréquentaient l’école de la
mission allaient de succès en succès, ils réussissaient.
Il existe un masque royal puissant de chez nous dont le porteur qui
s’appelait Yoro a accepté l’évangile. Quand il a accepté l’évangile, on
l’a frappé. En fait, après sa conversion, il a profané le grand fétiche qui
était installé dans un palmier, donc les gens l’ont frappé. A Kiriao,
lorsque Yoro s’est converti et profané le fétiche, il a été frappé, puis les
masques ont empoisonné par deux fois la source que les chrétiens
buvaient avec la bile de caïman. Ils ont bu et rien ne s’est passé. Et c’est
comme ça que l’évangile est entré à Kiriao.
Annexes
533
(De manière particulière, ajoute l’interprète, le vieux a été
persécuté. Il a une Bible qui date de cette période et qui a encore les
traces de la persécution, elle est gardée au village.)
Quand je me suis converti, il y avait quelques chrétiens. Je partais
avec un ou deux chrétiens dans les villages pour annoncer l’évangile. A
cette époque aussi, les femmes qui étaient converties étaient remplies de
l’Esprit Saint, elles chantaient et elles nous accompagnaient pour faire
l’évangélisation. J’ai enseigné l’évangile à Gouéné dans la souspréfecture de Bangolo et les gens ont été convaincus. Vous connaissez
M. Sohou Maurice qui a été ex directeur du collège protestant de Daloa,
c’est là-bas qu’il l’a évangélisé. Ils ont été convertis, eux et leurs
enfants, ils ont envoyé ces enfants là à l’école et aujourd’hui sont
devenus tous des cadres.
Lorsque nous avons évangélisé à Gouéné, les gens nous ont donné
l’autorisation de construire notre lieu de culte. Nous avons donc
construit notre premier lieu de culte en bois et en banco puis nous
l’avons coiffé de papots. Au début, quand l’évangile est arrivé dans
notre village, on tenait les réunions de prière dans nos cases, c’est après
que nous avons commencé à construire des hangars en papots.
Quand je n’étais pas encore converti, je croyais en la puissance de
la sorcellerie, mais quand je suis devenu chrétien, je sais que la
puissance de Dieu dépasse celle de la sorcellerie. Quand je n’étais pas
encore chrétien, je croyais à la puissance de la sorcellerie, on nous
attachait des choses aux reins pour nous protéger contre les sorciers,
mais quand je suis devenu chrétien, je ne crois plus au pouvoir de la
sorcellerie. Quand l’évangile n’était pas encore venu, c’était les
fétiches, on plantait les fétiches partout, autour des cases, sur les pistes
des champs, des toilettes… Mais quand l’évangile est arrivé, on a vu
que tout cela n’était rien. » 777
777
Entretien avec Mouy Gaston, septembre 2010.
534 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
J’ai été effrayé par l’annonce du retour de Jésus-Christ
Voici le récit de la conversion de J. WANGOLO, sans doute le tout
premier converti de BONGA à Danané 778.
« On s’est servi de moi au temps des travaux forcés. On m’a ligoté
avec de grosses cordes jusqu’à Logoualé où l’on m’a enlevé les cordes
et habillé. Nous sommes partis à pieds jusqu’à Dimbokro pour couper
les rôniers pour construire de grands bâtiments. Ils entouraient les
maisons de palissades.
Après je suis allé comme militaire en France, puis à Dakar où j’ai
passé 7 mois. Puis à Marseille en1921. J’étais du 3e bataillon de la 9e
compagnie. Après 3 ans, retour à Danané en 1923, départ pour la
France par Guiglo et l’Algérie. J’ai fait la bataille du Maroc en 1925.
Le roi du Maroc a été saisi et envoyé comme esclave en France. Puis,
après avoir fait 6 ans dans l’armée, j’ai eu un congé et je suis retourné
au village.
Un commandant m’a appelé chez lui pour devenir son clairon. J’ai
été à son service pendant 4 ans pour un salaire de 25 F. par mois. Puis
comme la guerre recommençait, je suis retourné dans l’armée. Quand
j’étais clairon, quand quelqu’un fuyait (les travaux forcés), il mettait
une feuille à l’entrée de son campement, une feuille verte, n’importe
laquelle, et personne ne pouvait poursuivre le fuyard. Les gens venaient
chez moi de tous les cantons et construisaient une case derrière chez
moi. Même en chemin il suffisait de dire : “c’est pour Wangolo” et on
laissait passer. J’étais connu dans tout le pays, même jusqu’à
maintenant. Si je me déplace, on m’accueille.
Après, au temps du commandant Metesty, il était là où est la
gendarmerie actuelle, un jour François Bonga est venu le voir là-bas
pour lui parler de l’évangile. Il a dit : “il a compris”. Paul Tokpa, qui
était cuisinier, est venu et F. Bonga lui a parlé de l’évangile, il avait
778
WANGOLO deviendra le beau-père de BONGA. Ce récit a été recueilli en
juillet 74 des lèvres de W. par Charles Daniel Maire.
Annexes
535
dans la main un Nouveau Testament. J’ai demandé : “qui est JésusChrist?” Il m’a dit : “c’est le fils de Dieu qui va revenir”. M’a répondu
Paul Tokpa.
Autrefois, j’étais musulman, mais soudain j’ai été effrayé à cause du
retour de Jésus. En 1944, je me suis converti réellement. J’ai été baptisé
en 1946. En ce temps, j’avais 9 femmes. F. Bonga m’a dit : “tu as trop
de femmes”. Comme j’aimais beaucoup la parole de Dieu, j’ai dit, je
vais renvoyer quelques-unes. Ma femme actuelle était au champ ; je l’ai
fait venir et je n’ai gardé que celle-là parce que je l’aimais et qu’elle
avait une bonne conduite. C’était la troisième.
J’ai décidé de devenir évangéliste. On m’a demandé pourquoi. J’ai
beaucoup travaillé pour les français. Je veux aussi travailler pour Dieu,
J’ai répondu. M. Dupont, Fané et Bonga m’ont enseigné. Je ne pensais
pas à l’argent ; je ne pensais pas qu’on puisse m’en donner. Nous étions
16 nouveaux évangélistes. Parmi nous, plusieurs ne comprenaient pas
bien. J’ai été évangéliste pendant 20 ans.
J’ai évangélisé le canton calé, Koulialou, puis du côté de du Libéria
et Zouan-Hounien, le canton Blolou. J’ai terminé dans le canton Wa.
Quand j’étais évangéliste, c’est mon grand frère qui était devenu chef de
mon campement : Glanlou (sous le palmier). C’est quand j’étais clairon
que je suis devenu chrétien. J’avais autrefois entendu l’évangile, mais
c’était chez les catholiques. Je ne l’avais pas compris. Beaucoup de
ceux qui s’étaient joints à moi dans mon campement s’étaient convertis,
au moins 10 sur des centaines, une vraie tribu. Mais ils ont abandonné.
Après mon départ, le campement s’est vidé, la colonisation devenait
moins dure.
Après, je suis devenu malade, ça m’empêchait de continuer. J’ai dit
à M. Funé et Bonga : “je ne peux plus continuer.” “Si Bonga n’était pas
venu, ils n’auraient pas entendu l’évangile”. Presque tous les convertis
sont devenus évangélistes ou prédicateurs laïcs. Tous ceux qui sont
mentionnés à cette époque vivent à l’extérieur du milieu familial et ont
536 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
déjà passablement voyagé comme Bonga lui-même. Wangolo avait été
résistant avant de devenir militaire et s’était converti à l’islam.
Immédiatement après eux ce sont les membres de leur famille. La mère
et la sœur Bonga dont il dit d’ailleurs : “c’était pour m’encourager à ne
pas retourner en basse-côte”.
Wangolo eut une influence passagère sur les réfugiés qui profitaient
de son immunité de clairon du commandant. Ce furent ses fils et ses
frères qui suivirent sérieusement. IL n’y avait qu’une poignée de
convertis en 1946. C’est elle qui allait ouvrir le “nouveau chemin” à la
religion.C’est la réaction à la société Nè qui va déclencher le
mouvement. F. Bonga dira : “Nè, c’est Dieu qui a permis ce truclà !” 779. »
Il fallait sortir de cette emprise (Dan Marie)
Dan Marie est une femme centenaire. Pionnière de l’Église UEESOCI de Yéleu en 1953, elle s’est convertie au christianisme à la suite de la
lutte menée par les évangélistes contre la société secrète Nè. Pour Dan
Marie, ancienne praticienne et responsable de cette société, Nè ou
Ninhin est une forme d’esclavage à laquelle le diable soumettait les
femmes. Ayant pris conscience de la « laideur » de cette pratique, elle
n’avait que Christ pour la sortir de cette prison. Laissons Dan Marie
elle-même, nous relater les circonstances de sa conversion.
« Concernant l’arrivée de Ninhin, il faut dire que Ninhin est venu du
Libéria. C’était la femme d’un roi, comme les Gbagbo aujourd’hui, qui
a apporté Ninhin. Elle s’appelle Dheunun et son mari Toueuzama était
un grand chef en pays dan au Libéria. Un jour, de retour d’une visite
chez les siens au pays de Sanhan, elle rapporta le fétiche. Elle décida de
faire connaitre le fétiche dans tout le pays. C’est ainsi qu’elle forma une
équipe de femmes qu’elle dirigea elle-même. Le jour où Ninhin arriva
779
Ce récit a été recueilli en juillet 74 des lèvres de W. par Charles Daniel
Maire.
Annexes
537
chez nous à Boutoueu, quelle occasion pour celles qui aiment se faire
voir. On demanda qu’une femme marche devant Ninhin. Je répondis :
"c’est moi qui marcherai devant Ninhin".
Il s’agit des rasoirs traditionnels. Les rasoirs des ancêtres. Toutes
les femmes apportent les rasoirs de leur mari. Tous les rasoirs du
village sont ainsi réceptionnés dans un van porté par Ninhindhaadhieu
jusqu’au lieu de la cérémonie.
Une fois sur les lieux, le van rempli de rasoirs est placé au milieu de
toutes les femmes. Celles-ci se mettent toutes nues et s’assoient les pieds
tendus comme des excisées. Celles qui doivent prendre Ninhin posent, à
tour de rôle, la main sur les rasoirs dans le van. Puis on commence à
maudire en disant : "Si tu es sorcière et que tu le caches à Ninhin, que
ton cœur plonge dans le Ninhin ; mais si tu n’es pas sorcière, que tu sois
bien portante et que tu t’épanouisses." Puis, elle bouge les mains et on
reprend les mêmes paroles. C’était une ruse du diable pour maintenir
l’homme dans l’esclavage. C’est lorsque la parole de Dieu est arrivée
que j’ai abandonné. Aujourd’hui, Ninhin est devenu rare voire
inexistant dans nos régions. C’est maintenant l’évangile qui a gagné du
terrain.
Une fois qu’une femme finit l’étape cruciale de la pose des mains sur
le rasoir, on dit qu’elle à pris Ninhin. Lorsque toutes les femmes
concernées finissent cette étape, on passe au repas. On apprête du riz
qu’on fait cuire avec de l’eau dans laquelle toutes les femmes, une
centaine environ, se lavent les mains au préalable. C’est pourquoi j’ai
dit que c’était vraiment une ruse du diable. A ce riz qui cuit mal, on
ajoute une poudre de bois qui accompagne toujours le fétiche. Selon les
anciens, cette poudre provient de l’écorce de l’arbre dont on se sert
pour faire les ordalies.
Une fois le repas prêt, chaque femme tend la main et reçoit sa part.
Ce repas est pris avec des chants. Après quoi, toutes les femmes
538 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
s’habillent. On pose le van sur la tête d’une jeune femme après l’avoir
recouvert de pagnes. Puis on retourne au village en chantant.
Toutes les femmes sont obligées de prendre Ninhin, on n’attend pas
d’être accusée ou soupçonnée avant de le prendre. C’est obligatoire,
toutes les femmes à l’exception de celles qui sont enceintes le prennent
obligatoirement. Et c’est quand une femme prend le fétiche qu’on peut
savoir si elle est sorcière ou non. Quand elle est sorcière, Ninhin
l’attrape.
A l’époque, il n’y avait pas encore de chrétiens. Peut-être qu’il y en
avait quelques uns mais, c’était rare. Mais, c’est lorsque l’évangile est
arrivé, que Ninhin a disparu. L’arrivée de Ninhin était surtout due à la
recherche de sécurité de la femme du roi. La femme de Toueuzama
craignait d’être attaquée mystiquement par ses rivales.
Lorsque l’évangile est arrivé, des onze femmes d’un roi que nous
étions, j’étais la seule à accepter l’évangile. Toute petite, j’ai été donnée
au chef Wongbé pour être sa femme et il a payé ma dot.
Avant, à cause de la pauvreté, on mariait les filles très jeunes. Il
arrivait même qu’on prenne la dot d’un enfant encore dans le sein de sa
mère. Dans ce cas, on précisait que si à la naissance, l’enfant est une
femme, il devient immédiatement la femme de celui qui en a payé la dot.
Au cas où il était garçon, il devenait l’allié de ce dernier. » 780
GBEGBEHI Guédé François : D’une carrière de footballeur à celle
de moniteur d’école du dimanche, puis de pasteur
GBEGBEHI Guédé François est l’un des premiers responsables
formés au temps de l’Église autonome. Amoureux du football dont il
rêvait d’en devenir un spécialiste, Guédé François est l’un des enfants
d’une famille qui veut que ses progénitures soient des serviteurs de
Dieu. Partagé entre le vœu personnel d’une carrière footballistique et la
prière d’une mère qui veut voir son fils servir Dieu à plein temps, il finit
780
Entretien avec Dan Marie (24 avril 2010 de 17h à 18h) à Bingerville (Berlin)
Annexes
539
par céder à l’appel du Seigneur qu’il reçoit pendant un rêve. Il devient
alors l’un des tout premiers responsables dans le ministère parmi les
enfants avant de devenir pasteur à plein temps. Voici son récit :
« Pour ce qui me concerne, à propos du travail des enfants, on peut
oublier beaucoup de choses, j’ai commencé là, ma vocation est partie de
là. Et aujourd’hui je suis pasteur à plein temps. Tout à commencé à
partir de 1975. D’abord je m’appelle GBEGBEHI Guédé François.
C’est ma mère qui était chrétienne. Elle a prié pour nous, mon frère
et moi. Nous avons suivi sa foi. En ce qui me concerne, j’étais d’abord
footballeur. J’envisageais une carrière footballistique. A cause du
football, les études ne m’intéressaient pas trop. Pour moi, ma vie était
là. Depuis le village, et puis mon objectif était d’aller à l’Africa. J’avais
l’amour de ces deux grandes équipes : l’USC Bassam et l’Africa sport.
Mais le Seigneur m’a fait suivre une autre route. Donc quand je me
suis converti en 75, lors d’une visité d’un prédicateur de chez moi.
C’était un soir ; et ce même soir, j’ai accepté. C’était après un
entrainement. J’ai accepté l’évangile, ce même soir, je ne m’étais même
pas déshabillé, j’avais encore ma père de magre, et la conversation a
commencé. Et, vu tout ce qu’il avait dit, je me suis converti. Parce que
notre maman, je l’entendais toujours prier pour nous.
Et puis, j’ai continué à jouer au football. En novembre 1976, j’ai été
baptisé. Mais avant, bien sûr, il faut retenir qu’avant, on nous amenait à
l’école du dimanche. Les missionnaires, là, j’ai retenu le nom du vieux
HUSSER, qui était professeur au collège qu’on appelle aujourd’hui
CSP, je pense que c’est lui-même qui a créé ce collège. Et les
dimanches, Il avait une voiture, une 304. Il nous prenait dans une
bâchée, on nous amenait dans notre village, on rassemblait les enfants,
on nous parlait de Dieu, Jésus, et c’est là qu’après, la petite graine qui
a été semée a porté.
Mais comme je disais tout à l’heure, après ma conversion, pas assez
longtemps, 75, 76 j’ai été baptisé. Et déjà, à l’Église, quand le vieux
540 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Jonathan, prêchait, on nous demandait de l’interpréter. Parce que nos
parents, en ce temps là, ils voulaient vraiment que nous soyons des
serviteurs de Dieu. C’est ainsi que petit à petit, le Seigneur nous a
touchés, il m’a touché et en 1977, j’ai quitté le village pour continuer
ma carrière footballistique à Bouaké, à l’AC Bouaké. J’ai été accepté,
mais nous les nouveaux, on a eu du mal à nous intégrer avec
l’entraineur qui était là, Mamadou Kéita. Et les anciens joueurs, les
Kobénan Kouma, les Abé Séka, les Diallo Mamadou, tout ce monde là,
vraiment, ce n’était pas facile. Mais quand même, on s’entrainait.
Mon objectif était d’aller à l’alliance, puis aller à l’Africa pour
devenir un grand joueur. Mais en 1977, à la fin du championnat, je
n’étais pas encore qualifié, mais j’étais connu. Lors d’un entrainement,
j’ai eu une grave blessure au genou. C’était là la fin de cette carrière
footballistique. Et c’est là que le Seigneur m’a parlé une nuit ; qu’il faut
que je le serve ; qu’il a besoin de moi pour son service. C’était vraiment
difficile.
Après une résistance qui a duré trois années, alors je me suis décidé
à le servir, à partir de quatre années. Bien avant ça, quand je suis
revenu de Bouaké, il y a un missionnaire, du nom de Von Rashestein, il
a donc organisé, un cours de formation pour les moniteurs. Il fallait
qu’à l’UEESO-CI, les enfants soient pris à part et soient
particulièrement enseignés dans la parole de Dieu. Et c’est moi qui ai
été désigné.
Donc j’ai suivi la formation, je me rappelle encore les Yao André qui
sont là, Pasteur Ipoté Jean Lambert, Pasteur Kouya Gonto Jacob, et
puis il y a le Pasteur Kuiah Mardochée, tous les serviteurs de Dieu, ces
grands hommes de Dieu que je respecte aujourd’hui, c’est là que je les
ai connus. Nous avons suivi la formation ensemble. J’ai donc commencé
d’abord à l’école du dimanche, c’était encore l’AEE. C’était à partir de
1976 que le missionnaire est arrivé.1978, il va organiser la première
formation qui réunissait tous les jeunes à l’UEESO-CI qui avaient cette
Annexes
541
vocation là. Bien sûr, bien avant, il y avait eu quelques cours de base
mais, après, c’est cette formation qui allait réunir toutes les Églises
UEESO-CI.
C’est à partir de là que je suis devenu l’un des premiers moniteurs
de l’école du dimanche, à Daloa, et après, j’ai commencé à étendre
l’œuvre dans les autres Églises où il n’y en avait pas. J’étais de
Digbapia, après, Sébrégué, les autres aussi ont reçu la formation, je les
encadrais. On a eu à créer pas mal d’écoles de dimanche à la suite
desquelles certaines Églises sont nées dans le secteur.
Et de moniteur, je suis passé à un formateur de l’école, en attendant,
parce que le missionnaire ayant vu mes capacités, il m’a confié cette
partie de l’enseignement, c'est-à-dire la formation des moniteurs. Je
pouvais aider certains parce que j’avais la qualification avant mon
entrée à l’institut biblique de Man en 1980. Et c’est là ma formation a
été décelée, et recevoir cette formation théologique pour être vraiment
qualifié pour cette œuvre parmi les enfants spécialement.
Donc trois années après, on a reçu une autre formation de trois mois
qui réunissait en quelque sorte beaucoup de pays africains tels que le
Bénin, le Togo, le Nigéria, le Congo, le Gabon, le Burkina Faso, le
Mali, et sans oublier la Côte d’Ivoire. Et là, c’était une formation
psychopédagogique qui a duré trois mois. En on était deux pour la Côte
d’Ivoire ; le pasteur Kpan Zoh Bernard et moi. Il y avait aussi des gens
qui suivaient la formation à temps libre tel que le frère Gouantouo
Jacob. Il y avait d’autres Églises telles que l’Église CMA qui envoyaient
quelques candidats. Ils ont été formés pour pouvoir servir dans d’autres
Églises mais, en ce qui concerne l’œuvre même, pour le ministère à
plein temps, nous étions deux : Kpan Zoh Bernard et moi. Après le
stage, j’ai été le seul retenu, et De 1983-1984 j’ai été le premier agent
ivoirien.
Et après cinq années, donc de 84 jusqu’à 88 (c’est des choses qu’il
ne faut plus raconter, il y a eu des malentendus, ça il faut le dire)
542 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
l’incompréhension maintenant entre le missionnaire et moi, et j’ai laissé
l’œuvre. J’ai été appelé à l’Église et comme ça, j’ai été affecté comme
pasteur stagiaire pour le moment or depuis 83 j’étais le premier formé
de la région bété, mais il fallait revenir, parce que l’UEESO-CI a ses
principes, il fallait un stage et donc en 90, j’ai été consacré comme
pasteur, et c’est là mon ministère est parti, et avec pour premier poste
Zoukougbeu.
A l’AEE, il y a cette organisation. D’abord il y a des écoles du
dimanche. Ça c’est au niveau de l’Église. Les enfants qui ont les parents
chrétiens, venaient avec eux les dimanches. On recevait ces enfants dans
les classes comme cela se fait à l’école primaire. En tout cas, il y avait
un grand nombre d’enfants. Ça c’est les écoles de dimanche.
Ensuite, dans les familles, c’est ce qu’on appelle les clubs de la
bonne nouvelle. Il y a des enfants dont les parents ne sont pas chrétiens,
des enfants dont les parents sont musulmans. Donc tous ceux là, avaient
besoin de la parole de Dieu. Donc ils se retrouvaient dans ce club là, et
on leur enseignait la parole de Dieu. Et beaucoup sont gagnés.
Aujourd’hui, j’en connais beaucoup. On choisissait un ou deux jours
dans la semaine, ça dépend, mais avant, les jeudis étaient libres pour les
enfants donc on choisissait les jeudis et les samedis après midi, pour
recevoir les enfants. Çà c’était les clubs.
Et aussi, on a les écoles primaires publiques où on partait dispenser
la parole de Dieu avec la permission de l’inspecteur, qui couvrait un
certain nombre d’écoles. Alors avec cette permission de l’inspecteur ou
du Directeur, et les soirs, après la sortie, les enfants, ceux qui voulaient
rester restaient donc pour écouter la parole de Dieu, mais déjà on
annonçait en classe qu’on annoncerait la parole de Dieu après les
cours. On couvrait toutes les écoles de la ville en ce temps là, entre
1984 et 1988. On était partout et il y avait des moniteurs et des
monitrices qui étaient formés pour les clubs de bonne nouvelle et pour
les écoles primaires.
Annexes
543
Donc, et en ce temps là donc, il y avait un grand nombre d’enfants,
un grand nombre d’enfants. Aussi il y avait des camps d’enfants qu’on
appelait aussi les rallyes d’enfants. Un samedi soir, on rassemble tous
les enfants des clubs, des écoles de dimanches et des écoles en un lieu
donné qui est hors de la ville et là on leur donnait aussi la parole de
Dieu. Ou bien, ça pouvait s’organiser en club de cinq jours. Donc,
pendant cinq jours d’affilée, on les retenait dans un lieu donc à une
heure précise, et ça venait de partout, et on leur enseignait la parole de
Dieu. Alors c’est comme ça, avec l’AEE.
Et puis, pour ce qui concerne la formation des moniteurs, ça dépend,
il y a une formation, heu, appropriée pour ceux des écoles de dimanche
parce que ce n’est pas le même programme qu’on poursuit. Il y a une
série de leçons qu’on enseignait aux enfants de l’école du dimanche
qu’on enseignait aux moniteurs. Puis il y a un autre programme pour
les moniteurs des clubs de bonne nouvelle. Et ensuite, on pouvait
organiser des camps, des camps d’enfants au niveau de la ville.
Quand l’œuvre a commencé à s’étendre partout, on a organisé la
région secteur. Par exemple, à Daloa, j’avais quatre secteurs. A des
dates fixées, pour la même année, on pouvait organiser quatre camps
mais pas dans le même mois.
Aujourd’hui, j’ai un pincement au cœur, quand je vois ces enfants, je
n’ai pas perdu ma vocation. Chez moi, l’Église que je dirige, nous avons
deux grandes classes.
Si les enfants sont gagnés au Seigneur, ça assure l’avenir de l’Église
et ça freine beaucoup de choses parmi la jeunesse.
Aujourd’hui, je me réjouis, beaucoup de prédicateurs ou de
serviteurs de Dieu viennent des écoles de dimanche comme des clubs de
la bonne nouvelle. Si l’Église veut vraiment préparer la relève, il faut
544 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
que l’UEESO-CI à réveiller des gens pour s’intéresser à l’enseignement
des enfants 781. »
De l’Islam à la foi chrétienne : Récit d’Abel TIEMOKO
Dans la quarantaine d’ethnie dan, cet ancien musulman est aussi
devenu, par la force des choses, pasteur responsable de la région de Man
des Églises dan. Eloquent prédicateur dans la langue, Abel TIEMOKO a
consenti à relater son itinéraire dans la langue française 782.
« C’est mon oncle paternel qui m’a élevé ; c’est un musulman. Mon
père était mort quand j’étais petit. Mon oncle m’a mis à l’école
coranique. Je n’est passé là que quelques mois, après j’ai continué à
prier à la manière musulmane pendant six ans.
Un jour, quand j’étais à Duékoué, j’étais apprenti tailleur à ce
moment-là, j’ai été dans un campement où il y avait des chrétiens. L’un
d’entre eux qui avait été musulman aussi m’a parlé de l’évangile. Cette
nuit-là, j’ai accepté, j’ai brûlé ma peau de prière, c’était un samedi.
C’était en 1957. Le chrétien qui m’a parlé m’a dit que, ce qui l’a
persuadé de changer de religion, c’est que Mohamed n’est pas
ressuscité, alors que Jésus est ressuscité. Moi, j’ai dit : ″mais une
personne qui est ressuscitée, qui est vivante, passer par lui pour
demander pardon, c’est plus facile que de passer par celui qui n’est pas
encore ressuscité″. L’homme m’a dit que Jésus est fils de Dieu, alors
que Mohamed est seulement le prophète. Alors j’ai dit : ″mieux vaut
passer par le fils que le serviteur″. Après, quand j’ai lu la Bible, j’ai vu
que Jésus dit : ″je suis le chemin, la vérité et la vie″. C’est toutes ces
choses qui m’ont convaincu que la religion chrétienne est le vrai chemin
par lequel passer pour avoir la vie éternelle.
Dans l’islam on ne comprend pas ce qu’on dit, on récite ça comme
une récitation, n’importe qui a une bonne voix peut réciter. Et puis,
781
Entretien avec le Pasteur GBEGBEHI Guédé François le 30 septembre 2010
de 10h à 11h au motel de l’UEESO-CI Cocody.
782
Charles Daniel MAIRE op.cit, pp.248-250.
Annexes
545
quand j’étais musulman, j’avais très peur des esprits, parce chez les
musulmans il y a des esprits malfaiteurs ; je craignais cela, je n’avais
pas la paix. Bien que je priais 5 fois par jour et que pendant le mois de
carême je faisais mon carême du premier jusqu’au 30, jamais je n’avais
la paix car je ne savais pas qu’il existait la vraie, vraie paix. C’était
comme si je ne priais pas. Je me sentais coupable devant Dieu mais je
ne savais pas comment obtenir le pardon de mes péchés.
Après que suis retourné au village, j’ai dit à mon père (oncle), j’ai
changé de religion, je suis maintenant chrétien. Il n’avait pas cru et un
jour il y a eu un décès dans la famille et il a fait venir le charlatan pour
qu’on mange le kadi
Pour savoir qui a tué celui qui est mort. Le charlatan prépare un
certain médicament avec le riz et on mange et celui qui est coupable
doit, en peu de jours, tomber malade et doit avouer : ″c’est moi qui est
tué la personne″. L’homme est venu et il m’a dit de manger ce kadi. J’ai
dit : ″non, maintenant je suis chrétien, je ne mange pas ce kadi″. Mon
oncle m’a dit : ″il faut accepter, si tu n’es pas coupable, cela ne peut
rien te faire″. J’ai dit : ″moi, je sais que je suis chrétien, si je vais faire
le sorcier pour tuer les gens, Dieu va me punir, mais en tant que
chrétien je ne peux pas manger ce kadi.″ alors il a dit : ″si tu ne veux
pas manger ce kadi, tu n’es plus mon enfant et je ne m’occuperais plus
jamais de toi″. J’ai dit : ″bon, si tu ne t’occupes plus de moi, mon Dieu
est capable de s’occuper de moi″ et c’est ainsi qu’on s’est séparé en ce
jour-là. Pendant quelques années je suis resté seul dans ma famille
comme chrétien et un jour j’ai essayé de prêcher l’évangile à mon frère
aîné. Lui aussi s’est mis contre moi.
On a été aux champs. Lorsqu’on travaillait dans les caféiers, j’ai
essayé de lui parler. Il m’a frappé. Il a dit ″pourquoi est-ce que tu fais
de la propagande pour ta religion ?″. Alors, nous sommes revenus du
travail le soir, j’ai dit à ma maman et elle m’a donné tort : ″tu partir
546 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
faire le travail, tu ne devais pas lui prêcher l’évangile″. Ce qui fait
qu’ils étaient tous contre moi.
Trois ans après, mon frère qui m’avait frappé s’est converti à
l’occasion d’un mariage. Sa première femme qu’il avait l’avait quitté,
quand elle est partie, il a essayé de la réclamer, mais c’était impossible.
Je lui ai dit de garder patience, si Dieu permet que la femme parte, il
n’a qu’à venir, on va prier Dieu. Lui-même à essayé de plusieurs
manières en consultant les Kramoko, mais ça n’a pas eu d’effet : on lui
a mangé de l’argent et finalement il a dit ″bon, on va prier ton Dieu là,
si c’est vrai que ton Dieu existe″. C’est ainsi qu’il a commencé à prier.
Un mois après ma mère s’est convertie, elle a dit ″bon, si mes deux
enfants prient, moi je vais prier aussi pour ne pas partager la vie dans
la maison″. J’avais encore un jeune frère qui a tenu tête, qui ne voulait
pas se convertir, il a dit que lui, il veut pratiquer la coutume païenne.
On a continué à prier pour ce dernier, et après quelques mois lui aussi
s’est converti, c’était dans la même année. 783 »
D’autres récits de conversions
Récit de YE Samuel premier converti de Bouaglé relatant la
pénétration de l’évangile dans son village..
« Notre famille était reconnu dans le village. C’est d’elle que sortait
le grand juge Kpéa Zigbé qui jugeait à Danané du temps de la
colonisation. Il était chef du groupe de 5 villages qui se trouvent près de
Danané. Il avait été choisi à cause de son éloquence (c’est d’ailleurs
ainsi que tous les chefs étaient choisis chez les Dan de Danané : c’est
leur compétence, leurs faits d’armes, leur éloquence, et leur élégance
qui les faisaient choisir). Nous avions aussi une tante qui était très
renommée car elle avait été kwibo, c’est-à-dire la femme du Blanc.
Quand les colons ont débarqué, la région était dangereuse et ils
n’emmenaient pas leurs femmes avec eux. Ils disaient : « cherchez une
783
Charles Daniel MAIRE, op.cit, pp.248-250.
Annexes
547
belle fille et envoyez-la ». Comme cette tante était très belle, elle leur a
été envoyée, bien qu’elle fût déjà mariée. Elle a été plus renommée que
les hommes dans toute la région.
A l’époque de ma conversion, il y avait deux fétiches importants
dans le village. Le kwiga sin (éléphant), fétiche de force qui venait du
canton Goursé à la frontière de la Guinée. Ce fétiche devait nous
donner la force de faire de grands champs. Mais ce fétiche avait ruiné
beaucoup de gens (à cause du nombre de sacrifices qu’il réclamait). Si
quelqu’un le possède et qu’il est sorcier, s’il vient la nuit, il meurt.
L’autre kwiga se nomme Ifa. C’est un fétiche de protection. Si quelqu’un
veut t’empoisonner ou vient contre toi, ifa te défend.
J’avais été malade et j’étais allé à Danané pour être soigné à
l’indigénat. C’est pendant mon absence que ifa était entré dans le
village. Je n’étais pas au courant. Alors ma tante (celle qui avait été
kwibo) m’a dit : ″ce kwiga est très bon, va, mets-toi dedans, sinon tu
seras attaqué″. Sur le conseil de mon frère j’ai accepté. J’étais l’avant
dernier frère. J’avais un ami chrétien (protestant), Droh Etienne. Il me
parlait souvent de l’évangile. Elie Tomokpa (évangéliste) et Yo Paul
(laïc du village voisin) venaient aussi pour m’évangéliser. Un jour, j’ai
accepté (vers 1958). J’étais bandit ; je n’aimais pas ma femme. Quand
je me suis converti, tout le village s’est opposé parce qu’ils disaient : ″il
va gâter toutes les coutumes. Ma femme s’est convertie peu après. Un
dimanche, tout le village devait nettoyer la route. Je ne voulais pas
partir. Ils m’ont frappé et entraîné au lieu de travail, mais je n’ai rien
fait. Ils m’ont laissé, mais plus personne ne voulait manger dans ma
maison. Seuls les chrétiens des autres villages me soutenaient. Ma
conduite avait complètement changé.
On m’a appelé pour débrousser un endroit où il y avait tellement
d’abeilles, qu’il était impossible de nettoyer la route. J’avais accepté le
Seigneur nouvellement, alors les gens m’ont dit : ″comme ton Dieu est
puissant, viens nettoyer ici !″. Sans fermer les yeux, je priais le Seigneur
548 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
intérieurement. J’ai nettoyé sans qu’aucune abeille ne me touche. Les
gens étaient très étonnés ce jour-là. Après, je suis allé demander à un
jeune chrétien qui connaissait beaucoup mieux que moi la parole de
Dieu. Il m’a averti : ″pour cette fois, c’est bien, mais il ne faut pas
recommencer. C’est jouer avec le diable″.
Il y avait près du village une petite rivière. Au lieu appelé Diédi on
venait faire des sacrifices. Ce lieu était reconnu par plusieurs cantons.
Les poissons y étaient si apprivoisés qu’ils venaient manger dans la
main, des grains de riz. On venait sacrifier à ce lieu lors des
circonstances comme le mariage, la maladie. On s’aperçut que j’avais
tué des poissons en quantité. Je l’avais moi-même dit. J’avais vendu de
gros poissons à Danané. On me prit pour un criminel. ″il a tué nos
ancêtres″ disaient-ils. On priait ces poissons pour leur donner des
enfants, la santé, etc.
Les villageois sont allés se plaindre à l’administration : ″celui-ci a
tué nos ancêtres″. Le secrétaire qui les recevait leur dit : ″si vous voulez
aller devant le juge, dites que vous avez une société pour garder les
poissons, mais ne parlez pas d’ancêtres !″ Eux n’ont jamais voulu
parler de poissons. Le secrétaire a dit : ″je ne m’en mêle pas″. Alors les
villageois sont allés donner de l’argent à un grand féticheur pour
surveiller la rivière. Ce dernier leur a dit : ″il faut ‘envoyer’ des brebis
ou des moutons car c’est important″. Les villageois n’étaient pas
d’accord entre eux. La somme à payer était trop importante. L’un
d’entre eux qui avaient formé ce complot s’est converti et m’a tout
expliqué. C’était un de mes grands frères même père, même mère.
On m’a maudit de toutes sortes de malédictions. ″tu n’auras pas
d’enfants, tes enfants périront…″ cette même année ma femme a eu une
fille, je l’ai appelée Mékapeu (Me= vous, Kapeu= qui avez dit). J’ai
commencé à progresser dans les biens matériels, plantations et santé.
C’est mon champ qui donne le plus.
Annexes
549
Dès cette époque j’ai pris l’habitude de chanter et de prêcher dans
ma maison à 6 heures du matin pendant que les gens étaient encore chez
eux et pouvaient m’entendre.
Un jour les femmes du Nè m’ont appelé pour leur parler de
l’évangile car elles voulaient laisser Nè. Cela est venu d’elles-mêmes.
J’ai dit : ″ce n’est pas comme cela″. Mais elles ont tout laissé quand
même. Sans devenir chrétiennes. Celle qui s’occupait vraiment de cela :
Zolè, avait la maladie dans sa maison. Son mari lui a dit : ″à quoi ça
sert ?″ et ils ont tout jeté. Le mari n’a pas encore accepté, mais la
femme et les enfants ont accepté au moment du passage de GIRAUD.
Elle est allée à Man. Mais elle avait rejeté Nè depuis longtemps.″
(Flan F.) Vers 1960, la famille de mon père (Thieu) avait un couple
d’idoles (souba) qui venait du Libéria. Elles devaient apporter la paix et
la richesse dans la famille. En réalité elles ne donnaient rien ! Pour les
adorer, mon oncle Bah et mon papa Thieu devaient préparer du riz que
les femmes ne devaient pas manger. On versait le sang du poulet et le
plat était mangé par les hommes. Moi-même –encore enfant—Je devais
porter les idoles de la maison vers le soleil levant avec des flambeaux
allumés et le jour on leur offrait des noix de colas.
Mais c’était l’échec dans la famille. De tous les enfants, aucun ne
parvint au CM2. Mon père en a perdu plusieurs (4 ou 5). Deux ans
après, mon petit frère est mort et la mère devenait malade. Brusquement
elle est entrée en brousse. On disait qu’elle est emportée par les esprits.
Le soir, tous les féticheurs sont venus et faisaient tout sur elle pour
apporter la santé. ″prières aux idoles en tous sens″( !). Mais sans
résultat. La maladie s’est calmée un peu. Elle poussait des cris comme
les animaux, puis elle restait couchée sans respirer. Sans fièvre. On
disait qu’elle était possédée. Le lendemain elle reconnaissait les gens.
Après deux (mois) environ pendant lesquels on restait au village sans
travailler, Yé Samuel vint pour parler de la parole de Dieu. Elle a
compris, mais elle ne s’est pas décidée. Un dimanche, elle a décidé
550 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
d’aller au culte à Danané avec la femme de son oncle. Un soir, je voyais
ma maman fermer les yeux sans comprendre pourquoi. Elle était du côté
de Samuel sans en savoir beaucoup. Après un mois, mon papa a fait la
même chose. Il a dit : ″ce que fait Yé Samuel, c’est le seul chemin″. Les
deux (parents) sont allés à l’Église et ils ont décidé de m’emmener à la
Mission Protestante.
J’étais élève à la Mission Catholique à Drongouiné. C’était vers
1964. Ma grande sœur se décida. Après la conversion de mon papa, il
confia ses fétiches son frère Droh. Il n’a rien brûlé sur le coup. Quand
les quatre grands frères ont vu cela, ils se sont mis en colère (l’un d’eux
a le même père et la même mère que moi). Ils ont quitté le village. Leurs
femmes sont parties aussi à cause de la foi de ma mère qui avait des
droits sur elles. Je suis resté seul avec deux sœurs.
Jusqu’alors, seule notre famille était chrétienne. En 1967, notre
village a été déplacé. Il est maintenant installé au bord de la route.
Plusieurs ont refusé de suivre, dont le vieux Kpéa. En 1969 (21/6), mon
père Thieu est mort. Avant de mourir, il disait à mon oncle de continuer
à prêcher la parole de Dieu. Et quand, Droh, le vieux féticheur, petit
frère de mon père est mort, alors mon père a tout brûlé les fétiches qu’il
avait laissé chez lui. Quand mon père est mort, sa sœur qui était
chrétienne depuis le même temps que Yé Samuel a été avertie en rêve de
venir nous consoler. Maintenant, tout le monde pêche dans la rivière où
il n’y a plus beaucoup de poissons.
Je me suis converti moi aussi parce que j’aimais trop mon papa. Il
m’avait donné le conseil de prendre le même chemin, autrement nous
serions séparés. Quand il est tombé malade en 1969, il m’a appelé avec
ma petite sœur et ma grande sœur pour nous prêcher l’évangile : en
Crist, il y a la paix, restez attachés à l’évangile, autrement nous serons
séparés. Il m’a dit : occupe-toi de la maison.″ 784
784
Récit recueilli en 1974 par Charles Daniel Maire, op.cit, pp. 209-213.
Annexes
551
Récit de conversion de DIE Zobel, ancien secrétaire de l’Union des
Jeunes Chrétiens du Sud-ouest
« Tout a commencé en 1958. Là, j’ai pris contact avec l’évangile au
moyen de mon oncle paternel qui était instituteur.mes parents étaient à
la campagne. J’ai fais quatre années d’étude primaire chez cet oncle. Il
était un peu difficile de dire si j’ai compris quelque chose quand j’allais
à l’école du dimanche. Mais l’âge ne me permettait pas de saisir grandchose.
En 1962, mon oncle était affecté ailleurs. Là encore, des difficultés.
Je comprenais quelque chose de l’évangile, mais il y avait encore
beaucoup de points noirs dans ma vie à cause de la faiblesse dans mon
caractère. Il y avait des semaines, à la suite de bons messages, je
devenais un parfait jeune homme et des moments, surtout pendant les
grandes vacances, où je tombais au bas de l’échelle à cause de mes
parents, surtout mes frères et cousins et amis du village qui ne
connaissaient pas l’évangile et qui m’influençaient beaucoup.
Cependant, j’observais les grands commandements, à savoir : ne pas
manger la viande sacrifiée aux idoles, ne pas adorer les fétiches, etc.
En 1965, j’obtins le C.E.P.E. et passai mon concours d’entrée en 6e.
Je rentrai au lycée municipal de Bouaké. On me confia de nouveau à un
tuteur qui n’était pas chrétien et qui habitait très loin de l’école. Nous
étions 14 jeunes élèves dans la maison, chez ce tuteur qui avait deux
femmes et six enfants. Ce qui était un peu grave, c’est que le tuteur ne
gagnait que 14000 frs par mois, avec tout ce grand nombre à charge.
D’où une souffrance très pénible et qui a détruit en nous tout ce que
nous avions compris. Car nous étions livrés à nous-mêmes, pour
pouvoir manger et même dormir. Mes parents sont très pauvres et ne
pouvaient pas m’envoyer de l’argent. Voyez-vous déjà quelles sont les
conséquences que cela pouvait avoir sur moi ?
En 1967, alors que j’étais en 4e, j’ai été admis à l’internat. Je
rencontrai là une nouvelle société, avec de nouveaux comportements.
L’affrontement fut un peu difficile, mais j’eus la chance de rencontrer
552 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
un nouveau groupe, le GBC. C’est là aussi qu’a commencé pour moi
une réelle vie chrétienne. Le GBC, groupe dans lequel je suis vraiment
épanoui, m’a fait beaucoup de bien pour ma croissance spirituelle. Un
an plus tard, je devais être le responsable de ce groupe. L’aumônier,
Jean-Claude Schwab, fut un vrai conseiller pour moi, car il avait
beaucoup d’estime pour le sérieux de mon travail et surtout pour ma
personne. C’est aussi le moment où j’ai passé par de nombreuses
expériences dans la vie, où le Seigneur m’a réellement montré qu’il me
voulait à son service.
L’exemple le plus typique est un jour, alors que j’étais le
responsable de ce GBC, l’aumônier Schwab nous demanda 100 frs
chacun pour essayer d’imprimer les ″chœurs joyeux″ qui serviront au
GBC de recueil de chants. C’était trois mois après ma rencontre avec le
GBC, si bien que j’avais des amitiés avec un club de la ville auquel
j’étais affilé.
Le club, à la même date, nous demanda à chacun 200 frs pour une
soirée dansante. Là, j’étais partagé. J’allai à la maison et je demandai à
mon tuteur s’il pouvait me prêter 200 frs pour envoyer à mon aumônier
pour l’impression de ces cantiques. Mon tuteur qui, d’ordinaire, était
très sévère, sans trop discuter, me donna ces 200 frs. Au retour, j’étais
très partagé, où envoyer les 200 frs ? Au club ou au GBC ? Une lutte
interne commença en moi. Le soir venu, je me suis couché sur mon lit,
mais c’était vraiment difficile de résister. Deux voix combattaient, une
me disait d’envoyer les 200 frs à M. Schwab, parce que cet argent
servirait à l’œuvre du Seigneur, une autre me disait : ″écoute, Zobel, tes
idées sont souvent appréciées dans le club, si tu n’envoies pas ces 200
frs, tu seras bien malheureux″. Alors, de 20 h. jusqu’à 23 h. je me
débattais et lorsque mes camarades venaient autour de moi pour
m’inviter pour le repas, je leur répondais : ″ce soir, ça suffit, je ne suis
pas de bonne humeur″. Vers les 23 h.30, la voix de la ville l’emportait :
je pris les 200 frs, je m’habillai et je pris le chemin de la ville. Arrivé au
Annexes
553
beau milieu du chemin (ça, il faut bien le noter, je fus pris par un vertige
dont je ne savais même pas la provenance. Je croisai les bras, m’arrêtai
pendant au moins 15 minutes en fermant complètement les yeux, pour
voir ce qui devait arriver. Au bout de 15 minutes, j’ouvris les yeux et le
premier geste que je fis, fut de mettre la main dans ma poche pour voir
si les 200 frs. Etaient toujours là. Mais… une grosse surprise : les 200
frs étaient égarés. Alors j’ai commencé à trembler ; j’ai vraiment eu
peur. Et j’ai compris que vraiment le Seigneur ne voulait plus que j’aille
sur ce chemin. Le dimanche matin, j’en ai parlé à tous les camarades du
GBC et à l’aumônier Schwab.
Je vous raconte ça parce que cette année là j’ai eu beaucoup
d’expériences de ce genre qui m’ont vraiment aidé et montré que le
Seigneur ne voulait plus que je continue sur l’ancien chemin.
Jusque là nous allions dans les autres villes, comme Korhogo,
Bouaflé, Yamoussoukro, etc. pour la formation des autres groupes de
GBC. Cela m’aidait beaucoup, parce que chaque fois que nous sortions,
on me confiait des responsabilités pour lesquelles il fallait beaucoup de
sérieux, beaucoup de prière, afin de faire face. En dehors donc de tout
cela et de mes études, j’aidais Mme J.-Cl. Schwab à donner des cours
aux enfants, dans les écoles primaires de la ville. J’apprenais à prendre
contact avec les enfants et surtout à annoncer l’évangile au un autre.
C’est cette année là que j’eu le BEPC, je rentrais donc à Man pour les
grandes vacances. C’était l’année où il dut y avoir dans ma vie le coup
final de la rupture avec tout le passé. Car il y eu un soir où J.-P. Voltz
nous prêchait sur la traversée du fleuve Jourdain par les enfants
d’Israël. Là je compris que ma vie était comme celle des israélites et que
je ne devais plus retourner à mon passé. Après le message, très tard la
nuit, je le rencontrai et lui confiai toutes mes erreurs de la vie. Après le
camp, je rentrai à Logoualé où je passai une année, car il manquait
d’enseignants à L. et je trouvai bon de consacrer cette année à l’Église.
On m’utilisait comme prédicateur dans les villages et pour la présidence
554 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
au culte de la ville. A la fin de l’année, je pris congé des responsables de
l’Église, car je voulais aller à Abidjan poursuivre mes études ». 785
785
(C. D) MAIRE, op.cit, pp. 53-55.
SOURCES ET RÉFÉRENCES
Sources
Sources orales
N
°
Noms
prénoms
Lieux
Date
Gilbert
GOUENTOUEU
Abidjan
Octobre
2009
2
Dan Marie
Bingerville
avril
2010
98
ans
pionnière
3
LOH Philippe
Abidjan
Décembr
e 2009
Pionnier
/
évangéliste
4
LOH Michel
Abidjan
Septemb
re 2012
Pasteur
et
Secrétaire
Général
actuel
5
GNEPA Oberlin
Sassandra
Septemb
re 2012
Pasteur
et
Directeur de
l’école
biblique
de
Sassandra
6
HOUI Victor
Daloa
Septemb
re 2012
DRH
de
l’enseigneme
nt protestant
UEESO-CI
7
TOYE Théodore
Daloa
Juillet
2012
Directeur du
Collège Jean
Calvin
de
Daloa
1
et
Observatio
ns
Président
national de
l’UEESO-CI
Sujets
abordés
naissance et
expansion de
l’UEESOCI.
La pratique
de Ninhin et
ses effets.
Sa
conversion
et sa contribution
à
l’expansion
de l’évangile
Naissance
de
l’UEESO-CI
et pratique
religieuse.
Évangélisati
on des pays
Néyo
et
kroumen,
formation à
l’UEESOCI.
Les écoles
UEESO-CI
et
leur
contribution
à l’évangélisation
Création et
évolution du
collège
J.
Calvin
de
Daloa
556 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
8
DRO Joliman
Man
Août
2012
Directrice de
la
pouponnière de Man
9
GUEU Siméon
Man
Septemb
re 2012
10
Jean
Claude
REYNAUD
Par le Net
2010
Directeur de
l’Institut
Biblique
et
théologique
de Man
Président du
comité de la
Mission
biblique
11
DEROU Benjamin
Abidjan
Novemb
re 2009
Premier
secrétaire
national
UEESO-CI
12
VE Ebenezer
Bingerville
Septemb
re 2009
Fils
pionnier
13
M. YAO
Abidjan
Septemb
re 2009
Ancien
14
Yao André
Abidjan
Septemb
re 2010
Président
régional
15
GUEDE François
Abidjan
Septemb
re 2010
16
Kaya Rodrigue
Bingerville
Septemb
re 2010
Pasteur
et
ancien
responsable
AEE
Pasteur
et
auteur
sur
l’UEESO-CI
17
OULAÏ Abel
Abidjan
Aout
2008
de
Ancien
Secrétaire
général
de
l’UEESO-CI
Croissance
du nombre
de pensionnaires de la
pouponnière
de Man
Programme
de formation
à l’IBTM
Naissance
de
la
Mission
Biblique et
ses activités
en
Côte
d’Ivoire
Conversion
et
contribution à la
vie
de
l’Église
Echanges
sur la vie de
Nathanaël
VE.
Conversion
et contribution à la vie
de l’Église
Conversion,
évangélisation du pays
guéré,
formation et
pratique
religieuse
Conversion,
formation
des enfants.
Pratique
religieuse à
l’UEESO-CI
Naissance
de
l’UEESO-CI
Sources et references
18
MOUY Gaston
Abidjan
septembr
e 2010
Pionnier
/
évangéliste
19
GBOTO Narcisse
Danané
Décembr
e 2011
Tradipraticie
n
20
TOBO Bernard
Abidjan
octobre
2011
Pasteur
21
TIE Bi Diagoné
Daloa
juillet
2012.
Chrétien
22
Madame SAHI
Daloa
juillet
2012.
Ancienne
épouse
d’ancien
pasteur
23
KOULAI Pascal
Daloa
Juillet
2012
Chrétien
24
Madame BADE
Daloa
Juillet
2012
Ancienne
d’Église
25
M. NANDO
Yamoussou
kro
Juillet
2012
chrétien
26
M.GUENAMAN
Daloa
Juillet
2012
Ancien
27
GNAMBRO
Léonard
Yamoussou
kro
Juillet
2012
Chrétien
28
DOUMOU
YA Moïse
Octobre
2012
Ancien
Abidjan
et
557
Conversion,
le temps des
missionnaires,
le
temps
de
l’Église
autonome
Le rêve, les
fétiches et
les
totems
chez les Dan
Conversion,
pratique
religieuse et
formation à
l’UEESO-CI
Pratique
religieuse à
l’UEESO-CI
La vie des
anciens
pasteurs
UEESO-CI
Pratique
religieuse à
l’UEESO-CI
Schisme
à
l’UEESOCI, pratique
religieuse et
formation.
Pratique
religieuse à
l’UEESO-CI
Période missionnaire,
période de
l’Église
africaine,
schisme et
pratique
religieuse
Pratique
religieuse à
l’UEESO-CI
Rétrogradati
on
à
l’UEESO-CI
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Compte rendu de la réunion du comité de l’Union ; rencontre du 15 mai
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Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire à Man du 30 décembre
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Procès-verbal de l’assemblée générale de l’Union des Églises
Évangéliques du Sud-ouest de la Côte d’Ivoire à Man du 04 au 08
Janvier 1972
Compte rendu de la réunion du comité (très élargi) de l’Union à Daloa
le 21 février 1973
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Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Man 23 janvier
1976
Compte rendu de la réunion de la commission du cinquantenaire, Man
31 août 1977
562 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Man le 11 juillet
1977
Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Man le 10 mars
1981
Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Man le 06 déc
1982
Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Daloa 24 août
1982
Société ivoirienne de Croix Bleue à Tabou : rapport à l’assemblée
générale de l’UEESO-CI (non daté)
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Compte rendu de la rencontre du comité de l’Union à Man le 06-031983
Compte rendu de la réunion du comité de l’Union à Man 06 juin 1983
Procès-verbal de l’assemblée générale de l’UEESO-CI tenue à Man du
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Pouponnière de Man : rapport pour l’année 1983 ; Assemblée générale
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Sources et references
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Région d’Abidjan ; rapport à l’assemblée de 1988
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Rubrique 2 : Lettres et déclarations
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Ministre de l’Intérieur pour le règlement de la crise 04-11-1982.
Lettre de Jonathan SAHI à MOUY Gaston, Président de l’Assemblée
Régionale de Man.
Lettre de Jonathan SAHI à M. et Mme REAUX, 09-12-1969.
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Lettre à M. et Mme BREHM (non signé), Daloa, 14 janvier 1970.
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d’un de ses membres. 02-02-1972.
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580 Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Résumé
Cette thèse retrace 55 années d’Histoire de l’UEESO-CI, première
église baptiste d’origine française en Côte-d’Ivoire. Elle a pour
problématique la construction du lien entre la stratégie missionnaire et la
pratique religieuse des chrétiens de cette communauté. Pour mener à
bien cette réflexion, nous avons étudié le processus d’implantation de
l’UEESO-CI pour comprendre si la qualité des acteurs et les méthodes
utilisées pouvaient permettre d’avoir de bons chrétiens. Ensuite nous
avons étudié, par une approche comparative, la rencontre entre le
christianisme et les croyances des peuples du sud-ouest ivoirien pour
tenter de comprendre si le modèle religieux proposé par les
missionnaires de la MBCI pouvait vraiment déboucher sur des chrétiens
ayant tourné le dos aux superstitions et au tribalisme pour former le
peuple de Dieu. Enfin, nous avons fait une analyse critique du vécu des
chrétiens UEESO-CI. Il est ressorti de cette investigation que la stratégie
missionnaire de la MBCI a que très partiellement favorisé l’émergence
d’une communauté chrétienne au sein de laquelle les chrétiens vivent
pleinement leur foi.
Mots-clés : Mission, Missionnaire, Dan, Wê, Pratique religieuse,
Pentecôtisme, Religions traditionnelles.
Summary
This dissertation covers 55 years of history of the UEESO-CI
denomination, the first Baptist Church of French origin in Ivory Coast.
Its problematic is the construction of the link between missionary
strategy and religious practice of this Christian community. To complete
this discussion, we studied the processof implantation of UEESO-CI to
understand if the quality ofthe actors and the methods that had been used
couldafford to have good Christians. Then we studied the encounter
between Christianity and the beliefs of Ivory Coast people, using a
comparative approach, to try to understand if the religious model
Bibliographie
581
proposed by the missionaries of the MBCI could actually lead
Christians, who have rejected superstitions and tribalism to form the
people of God. Finally, we made a critical analysis of the experiences of
UEESO-CI Christians. It emerged from this investigation that the
missionary strategy of the MBCI has favored only very partially the
emergence of a Christian community in which Christians live fully their
faith.
Keywords:
Mission,
Mission,
Pentecostalism, Traditional religions.
Dan,
Wê,
religious
practice,
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Globalization, Violence, Gender and Disaster in Indonesia. 2014, 372pp. ISBN:
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L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres de Côte d’Ivoire 1927-1982
Alexis Lékpéa Dea
est né le 1er janvier 1980 à Zouan-Hounien (Côte d'Ivoire).
Il est titulaire d’un doctorat unique en Histoire des religions
de l’Université Félix Houphouët Boigny et d’un CAP / PL en
Connaissance du monde contemporain (CMC) de l’Institut
Pédagogique National de l’Enseignement Technique et Professionnel (IPNETP) d’Abidjan. Il est professeur certifié de C.M.C et
enseignant-chercheur à l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa. Alexis Dea est
auteur d’un livre et de plusieurs articles sur la rencontre occident chrétien-Afrique
noire animiste.
Évangélisation et pratique holistique de conversion en Afrique
Évangélisation et pratique holistique
de conversion en Afrique
Évangélisation et pratique
holistique de conversion
en Afrique
L’Union des Églises Évangéliques Services et Oeuvres de
Côte d’Ivoire 1927-1982
Alexis Lékpéa Dea
Évangélisation | Évangile Holistique | Autonomisatio
Rivalités Dan et Wê | Leadership | La Côte
Alexis Lékpéa Dea
Qu’est-ce que l’évangélisme ? À quoi reconnait-on une Église évangélique ?
Cette thèse veut rendre compte d’une rencontre et d’un changement global qui
se produit dans les croyances, les pratiques religieuses, voire la vie tout court des
populations Bété, Néyo, Kroumen, Guéré, Wobè et Dan de l’ouest ivoirien qui ont
embrassé le christianisme.
Il s’agit pour nous, dans un premier temps, de décrire leur conversion et de montrer
comment les missionnaires, étrangers pour la plupart, ont entrepris l’implantation
du christianisme, et dans un deuxième temps de montrer la manière dont ces conversions ont été perçues et vécues par les populations elles-mêmes.
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