Harry Roselmack : " Les journalistes ne doivent pas céder à la facilité "

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Harry Roselmack : " Les journalistes ne doivent pas céder à la facilité "
Date : 02 MAI 15
Journaliste : Pascal Landré
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 180176
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Harry Roselmack : " Les journalistes
ne doivent pas céder à la facilité "
Le Tourangeau d'origine et journaliste chouchou des Français s'est imposé à la télévision en dix ans
par son exigence du travail bien fait, ll nous parle de son métier et de la nécessité d'informer.
Harry Roselmack veut montrer la banlieue sous un éclairage positif.
(Photo NR, Pascal Landré)
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P
ull taille « slim » et pantalon de toile bleus, large
sourire, Harry Roselmack d é p l o i e son corps
d'athlète dans les couloirs de
TFI qui mènent au salon réserve
aux invités du JT, juste au-dessus du plateau. Le présentateur
du magazine d'informations
Sept à huit interrompt une réunion de débriefing du numéro
de la veille pour nous recevoir.
Il s'excuse des quèlques minutes
de retard sur l'horaire donné.
L'anti star du PAF est comme on
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l'attend, simple, proche, attentif
à ses interlocuteurs.
Racontez-nous vos
premières armes dans le
journalisme...
« J'avais travaillé bénévolement
à Radio Béton à Tours étant lycéen, et après l'IUT de journalisme de Tours et un Deug d'histoire, je suis entré à Media
Tropical à Paris, une radio qui
s'adressait à la communauté
d'Outre-Mer. J'y suis resté six
ans, puis j'ai commencé les CDD
pour Radio France. »
Et vous arrivez à la télé.
Vous en rêviez ?
« Non, je ne pensais pas du tout
à faire de la télé. Mais le patron
des rédactions de Canal + de
l'époque m'a proposé de rejoindre le groupe, d'abord pour
i-Télé, au journal de 18 heures.
Je passais de sept minutes d'info
sur France Info à une demiheure, ça m'a plu de tenter ce
challenge. »
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Date : 02 MAI 15
Journaliste : Pascal Landré
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 180176
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" La presse n'est
pas dans un camp
ou dans l'autre »
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C'est là que vous rencontrez
PPDA...
« Oui, je l'ai croisé avec Robert
Namias lors d'un dîner du club
Averroes qui milite pour la diversité dans les médias. Patrick
m'a dit qu'il aimait bien ce que je
faisais. Un an et demi plus tard,
il m'a fait rencontrer le patron
de TFI Patrick Le Lay, qui m'a
invité dans sa maison... pour me
proposer de faire les remplacements de PPDA au journal ! J'ai
appelé mon épouse mais, ma décision était prise. »
Comment avez-vous vécu
cela,à l'époque?
« Mon arrivée suscitait un remue-ménage que je me suis bien
gardé d'alimenter. J'étais le premier Noir à présenter le journal
télévisé... J'ai bien géré cela
grâce à la prise en charge de Robert Namias et de Catherine
Nayl, la directrice de l'info, qui
m'ont pris sous leur aile. »
Après le JT, vous semblez
vous êtes vraiment épanoui
avec « Sept à Huit » le
dimanche...
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« Le rythme hebdomadaire me
convient bien. Cette proposition, je l'ai acceptée avec une
immense joie et une grosse motivation. Le rythme avec le JT
est différent, pas la charge de
travail. Pour le JT, chaque matin, vous arrivez à 8 heures et
vous remettez tout sur la table
pour qu'à 19 h 55, tout soit calé.
Quand vous le présentez pendant quatre jours, vous en sortez
rincé ! »
Avez-vous l'œil sur les
résultats de Médiamétrie au
lendemain d'une émission ?
« L'audience c'est important,
mais je vous avoue que, parfois,
j'oublie de regarder les scores
qu'on a faits, le lundi matin...
Nous savons très bien que
quand nous partons sur des sujets très exigeants, par exemple
le conflit en Syrie, on ne fait pas
les meilleures audiences mais
on doit traiter ces actualités
lourdes. Autour, on place des
sujets plus fédérateurs pour récupérer l'audience. Mais je suis
content de ne pas céder à la facilité. »
Vous êtes le parrain de
l'école pilote
Alexandre-Dumas à
Montfermeil. Vous accordez
beaucoup d'attention aux
jeunes des banlieues...
« Oui, pour Sept à huit, nous
avons traité le thème des banlieues en écoutant les gens.
Notre vocation, c'est de montrer
quand ça ne va pas mais aussi de
mettre en avant ce qui fonctionne. Ces quartiers ne sont pas
faits que de violences et de délinquance ; la banlieue c'est
aussi de formidables parcours
de réussite, des initiatives posi-
tives, de grands sportifs qui en
sont issus... »
Les journalistes parlaient
mal de la banlieue avant ?
« Ce dont je suis sûr, c'est qu'on
parle davantage de la banlieue
sous ses aspects positifs aujourd'hui qu'il y a sept ou huit
ans... »
Parlez-nous de votre
engagement auprès de cette
école de Montfermeil...
« Une élève de l'école avait
posté sur Internet un message
dans lequel elle disait qu'elle rêvait de me rencontrer. J'ai découvert ce projet éducatif et j'ai
accepté tout de suite d'en être le
parrain. Il y a une volonté de ne
pas abdiquer dans ces quartiers,
de s'en sortir par l'école, par
l'apprentissage. L'éducation est
la forme la plus basique de l'information, c'est le code-source.
Là, dans cette école, nous avons
un système qui s'adresse spécifiquement à ces jeunes-là, qui
prend en compte leur spécificité. »
Qu'avez-vous appris des
événements de janvier tels
qu'ils ont été traités par la
presse et notamment par les
chaînes d'info en continu ?
« Ça nous a appris des choses
sur notre métier. Sur Sept à huit,
on s'est rendu compte que le format d'un news magazine permet
de donner de la perspective à
l'information. A contrario, nous
avons vu les limites du traitement en direct sur les chaînes
d'info. Malgré tout, ils ont fait un
boulot de qualité, ils ont limité
la casse dans le flot d'info continue en direct qu'ils avaient à gérer, et qui évoluaient d'heure en
heure, de minute en minute...
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Date : 02 MAI 15
Journaliste : Pascal Landré
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S'il faut tirer des enseignements saient sur lui, et elle lui a aussi
de cela, c'est qu'on saura sans rendu hommage après sa mort,
doute faire mieux à l'avenir. »
pour son travail d'élu. Les deux
choses ne sont pas décorélQue pensez-vous des
lées.
»
critiques à l'égard de la
Vous avez vécu vingt ans à
presse après le suicide de
Tours. Y revenez-vous
Jean Germain à Tours ?
« Nous avions consacré un sujet souvent ?
aux mariages chinois dans Sept
à huit, il y a un an. Un drame individuel, aussi fort soit-il ne
peut pas remettre en cause un
système. Nous, journalistes, devons travailler en conscience et
respecter la présomption d'innocence. Si cette présomption a
été respectée, avec rigueur, les
journalistes ne sont ni fautifs ni
responsables. On ne peut pas attaquer la presse s'il n'y a pas eu
de faute commise, s'il n'y a pas
eu diffamation. Le secret de
l'instruction est un secret de polichinelle, mais c'est un secret
qui évite qu'on en dise trop. Cela
vaut mieux que d'enterrer les affaires ou de les passer sous silence, non ? »
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Certains, parmi les proches
de Jean Germain pensent
que l'affaire a été
surmédiatisée...
« L'information est un droit
pour tous et quand une personnalité publique, qui a été élue,
est suspectée, je ne trouve pas
ça inadmissible que ça se sache.
La presse n'est pas dans un
camp ou dans l'autre, elle fait
son devoir d'information. A propos de Jean Germain, la presse a
parlé des suspicions qui pe-
« Je n'ai plus de famille en Touraine, mais c'est une ville à laquelle je reste très attaché. J'y
retourne chaque année dans le
cadre de l'association Médias et
diversité. Mais je n'ai plus le
temps d'aller danser en boîte
avec mes amis, au Tropicana, a
l'Excalibur ou au Pym's. Quand
j'étais étudiant, nous étions un
groupe d'amis judokas. Il y avait
des Blancs, des Arabes, et deux
Noirs, mon frère et moi. On ne
pouvait pas toujours entrer en
boite, vous savez... »
bio express
Un Tourangeau dans le petit écran
> Harry Roselmack est né le
20 mars 1973 à Tours, d'un père
policier et d'une mère employée
de la Poste, ll débute sur Radio
Béton alors qu'il est en première
au lycée Choiseul.
> 1993. DUT de journalisme à
l'lUT de Tours, et pigiste sportif
à « La Nouvelle République».
> 1994-2000. Journaliste à la
radio Media Tropical.
> 2006-2011. Présentateur
remplaçant du JT de TFI. La
chaîne le présente comme le
« premier présentateur noir du
journal » et communique ainsi
sur la discrimination positive
après les émeutes.
> Depuis 2006. Présentation du
magazine « Sept à Huit » sur TFI.
> Avril 2015. Publication
d'« Espérance Banlieues », un
livre d'entretiens avec Éric
Mestrallet, président de la
Fondation Espérance Banlieues
et créateur de l'école
Alexandre-Dumas à
Montfermeil, dont Harry
Roselmack est le parrain.
> ll est marié et père de trois
enfants âgés de 5,7 et 8 ans. ll
est aussi ceinture noire de judo.
Vous avez souffert du
racisme ?
« Non. A vrai dire, les seuls moments où je me voyais comme
un Noir, c'est quand je me regardais dans une glace. D'ailleurs,
dans les années 80-90, on ne se
vivait pas comme membres
d ' u n e c o m m u n a u t é . Aujourd'hui, il y a une vraie tendance au communautarisme.
C'est négatif quand ça devient
un moyen pour repousser
l'identité nationale. Le jour où
on arrivera a une République
qui tiendra ses promesses d'égalité, on aura moins de mal à faire
respecter l'esprit républicain.
Mais ça va demander encore des
efforts... »
Recueilli par Pascal Landré
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