Title Une scène de rupture entre mère et filsdans la chanson de

Transcription

Title Une scène de rupture entre mère et filsdans la chanson de
Title
Author
Publisher
Jtitle
Abstract
Genre
URL
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
Une scène de rupture entre mère et filsdans la chanson de Raoul de Cambrai :la démesure de la
mère entraîne la mort du fils
小川, 直之(Ogawa, Naoyuki)
慶應義塾大学フランス文学研究室
Cahiers d'études françaises Université Keio (慶應義塾大学フランス文学研究室紀要). Vol.8, (2003.
) ,p.1- 13
Raoul de Cambrai est une épopée composée en ancien Françaiss vers l'an1200 dans la version
qui nous est parvenue. Cette chanson sanglante chante larévolte de Raoul, baron dû Cambrésis,
centre le roi de France, les hostilitésinjustes que ;e héros commence contre le Vermandois, sa
mort dans un conflitcruel avec son meilleur ami Bernier et de multiples actes guerriers de sa
famillequi tire vengeance du défunt. Ainsi, te héros trouve la mort à la fin de lapremière partie
occupant 3500 vers sur l'ensemble (8500 vers), mais lesconflits qu'il évoque contre les gens du
Vermandois demeurent le sujetdirecteur du poème.Raoul est extraordinairement démesuré et sa
démesure est le moteur du récittragique. Fait singulier, cela s'exprime, entre autres, dans une
scène de querelleentre sa mère Aalais et lui : là, le fils injurie la mère qui essaie de le
détournerd'une entreprise imprudente ; d'autre part, Aalais, aussi démesuré que son fils,maudit
enfin celui-ci, ce qui le conduit, affirme le poète, à la mort. Notre objetsera de mettre en lumière
cet épisode particulier en expliquant comment ladémesure de Raoul incite Aalais à la
malédiction.
Departmental Bulletin Paper
http://koara.lib.keio.ac.jp/xoonips/modules/xoonips/detail.php?koara_id=AA11413507-200300000001
Une
scène
dans
de rupture
la chanson
la démesure
entre
de Raoul
de la mère
entraîne
mère
et fits
de Cambrai
la mort
:
du fits
Naoyuki
OGAWA
Raoul de Cambrai est une épopée composée en ancien Irançars vers l'an
1200 dans la version qui nous est parvenue. Cette chanson sanglante chante la
révolte de Raoul, baron dû Cambrésis, centre te rot de France, res hostilités
injustes que te héros commence centre te Vermandois, sa molt dans un con flit
cruel avec son meilleur amt Bernier et de multiples actes guerriers de sa famille
qui tire vengeance du défunt. Ainsi, te héros trouve la molt à la fin de la
première partie occupant 3500 vers sur l' ensemble (8500 vers), mats res
conflits qu'il évoque centre res gens du Vermandois demeurent te sujet
directeur du poème.
Raoul est extraordinairement démesuré et sa déme sure est te moteur du récit
tragique. Fait singulier, cela s'exprime, entre autres, dans une scène de querelle
entre sa mère Aalais et lui : là, te fits injurie la mère qui essaie de te détourner
d'une entreprise imprudente ; d'autre part, Aalais, aussi démesuré que son fits,
maudit enfin celui-ci, cc qui te conduit, affirme te poète, à la molt. Notre objet
sera de mettle en lumière aet épisode particulier en expliquant comment la
déme surede Raoul incite Aalais à la matédiction.
1. La déme sure de Raoul
L'origine de la guerre de Raoul de Cambrai centre te Vermandois repose
certainement sur une sétie d'injustices commises par te rot envers Raoul et son
-1-
lignage : au moment de la molt de Raoul Taillefer, comte de Cambrai, te rot
Louis donne l'investiture de la ter re du défunt, non à son fits, mats à un de ses
chevaliers ; et, alors que te fits Raoul, devenu majeur, rédame te fief paternel,
Louis ne lui reconnaît que te droit de la première ter re vacante. Lc narrateur
attribue, en effet, la cause de la guerre longue et sanglante à cette injustice du
suzerain : « par malvais rot est mains trans hem honnis(». » (v. 650)
Par ailleurs, te poète suggère, au début de la chanson, une autre source de la
tragédie. Dans la scène de l'adoubement de Raoul par te rot, tout en célébrant
la belle physique du jeune chevalier, il déplore :
S'en lui n'eüst un poi de desmesure
mieudres vasals ne tint onqes droiture,
mats de cc fu molt pesans l'aventure:
hem desreez a molt painne dure. (vv. 320-323)
La « déme sure», te détaut unique mats fatal de noire héros.
Cependant, la qualification de « démesuré » n'est pas toujours négative dans
la tradition épique ; Roland et Vivien sent res meilleurs exemptes. Lc grand
héros épique pent se caractériser par sa déme sure.Or, pour présenter res traits
d'un personnage, l'épopée a pour nature de recourir à cc que nous voyons et à
cc que nous entendons, au lieu de multiplier res commentaires : « la plupart du
temps, la construction du personnage s'effectue par te moyen des "actes" qu'il
accomplit et des "paroles" qu'il pron once on que d'autres profèrent à son
suret(2). » La déme sure de Raoul s'exprimera done dans ses actes et dans ses
paroles.
N'est-il pas surprenant que te trait épique à éclairer chez Raoul s'extériose
dans une querelle entre mère et fits ? Ce n'est pas, en effet, dans te grand
champ de bataille comme Roncevaux on Aliscans, mats dans la dispute avec sa
mère, que noire héros apparaît dans tout l'édat de sa déme sure.
Certes, il se montre déjà démesuré dans res débats avec te rot. Mats Huguette
-2-
Legros re marqueque, si Raoul est démesuré, cc n'est pas parce qu'il ne
respecte pas, comme res autres barons révoltés, l'autorité royale qui dolt
établir l'ordre social « plus grave sans doute est l'attitude du héros à l'égard
de sa mère(3)». Et, comme l'affirme Reta Bezzola, la déme sureque Raoul
manifestedevant sa mère domine tout te poème : « cette déme suredicte [...]
toutes res actions ultérieures: la destructiond'Origny, l'offense à Bernier,te
tier re futopposé aux off resréitérées de paix des fits d'Herbert, l'invasion de
leur territoire ; enfin,elle est la cause de sa molt tragique(4).
»
De fait, on se rendra compte, à l'issue de cette scène, que Raoul pale cher
son extrême brutalité envers sa mère. Nous allons done voir comment la
déme surede Raoul prendfor medans sa discussionavec sa mère.
2. L'opposition de la mère au fits
Quand Raoul prétendau fief de son père, te rot lui pelmet l'investiture de la
première ter revacante au lieu du Cambrésis qu'il avait donné à un de ses
barons, Giboin du Mans.Blentôt Herbert de Vermandoismeurt laissantquatre
fits ; Raoul entreprendalors de s'emparer du Vermandois.Mise au courant de
l'intention de son fits, Aalais se met à te supplier de ne pas partir pour
l'invasion.
D'abord, au début de son discours (vv. 811 et 827) et au milieu de ses
dernièresparoles(v. 939),Aalaismet l'accent sur sa maternité; entre autres,au
v. 827 elle soulignequ'elle l'a « norri del lait de [sa] mamele. » Commeil est
rare, chez res nobles de l'époque féodale, qu' une mère allaite elle-mêmeses
enfants(s),sa positionde maternitépourraitjustifier mieux cc qu'elle développe
vis-à-visde son fits.
La deuxièmeraison de son opposition à Raoul consiste dans un autre lien
humain aussi importantque la maternité ; elle évoque une amitié profonde
entre son marl et te comteHerbert:
-3-
« R[aous] tes pères, cit qt fengenuï,
et quens Herbers furent tos jots amt.
Maint grant ester ant ensamble forai ;
aine n'ot entr'ax ne noise ne hustin. » (817-820)
En plus, Herbert laisse des fits ayant te droit de leur ter re héréditaire. Pour
voir mieux cette troisième raison, constatons que cc n'est pas la simple réaction
émotionnelle
qui fait recourir Aalais à la filiation maternelle
et à la liaison
amicale. Elle ne s'oppose pas à toute guerre ; au contraire, elle incite Raoul qui
vient la retrouver
à ne plus tarder à accomplir
te devoir de reprendre
te
Cambrésis :
« Je me merveig qe tant l'as consenti
qe grant piècc a ne 1[= Giboin du Mans]'as molt on honni. » (803,4)
Si son fits s'engageait dans la guerre de justice, elle serait heureuse de
l'encourager. Voici un jugement qui résume te mieux res raisons qu'elle
énumère : « a si grant tort guerre ne commencier.» (vv. 856 et 901)
Toutes ses objections tiennent à l'illégitimité de la guerre qui a comme
origine l'injustice du rot : Aalais elle-même est une victime de l'injustice
royale. Joseph Bédiet explique te motif pro fond de ses oppositions, en disant
qu' « Aalais [... ] qui se souvient d'avoir souffert lorsque son fits fut dépouillé,
supplie Raoul de ne pas dépouiller, à son tour, des orphelins(6).» Cela révète
que te poète assigne à Aalais, non seulement te rôte maternel, mats aussi celui
du véritable conseiller à l'égard de Raoul : un des devoirs du conseiller
consiste à rappeler à son seigneur qu'un des principaux devoirs du chevalier est
de défend re res orphelins et res veuves'').
On ne s'accorde done pas complètement avec Pauline Matarasso qui insiste
sur « l'illogisme fémin in » d'Aalais : selon la critique, malgré res objections
-4-
sensées, « chez elle [= Aalais] la logique est subordonnée aux sentiments. [...]
tout argument est bon qui l[= Raoul]'empêchera de parti?). » S'il lui manquait
vraiment l'esprit logique, on comprendrait difficilement res deux questions
suivantes d'Aalais. D'abord, elle demande à son fits : « combien as gent pot
guerre commencier ? » (v. 862) ; ensuite, elle l'interroge sur cc que deviendra
Bernier que Raoul avait fait chevalier et qui est petit-fits d'Herbert : « Car me
di ore q'escera de Bernier ? » (v. 902) La femme « entièrement dom inée par sess
sentiments(9)» ne pourrait pas faire ces interrogations. Il s'agit là done d'un
conseiller qui s'efforce d'empêcher son seigneur d'entrer dans une guerre
injustifiée, plutôt qu'une mère aveuglée par l'amour pour son fits.
Aussitôt reçne la réponse de Raoul sur sa force militaire, elle s'écrie :
« Dex ! [... ] c'est mat acommencier » (v. 867) et décète la faiblesse du plan de
cette guerre. D'après elle, l'erreur fatale de Raoul est dans cc qu'il compte sur
res forces de l'Arouaise : res gens de l'Arouaise ne sent que des lâches. Certes,
elle ne donne aucune raison à sa méfiance à leur égard(1°, mats cc qui nous
importe est qu'elle res compare avec res forces ennemies ; res gens de
l'Arouaise ne méritent pas confiance, tandis que res fits d'Herbert sent
puissants et courageux. Après avoir développé cette comparaison dans deux
laisses (LII et LIII), elle en conclut la défaite de Raoul. Ses analyses fondées
sur res observations objectives paraissent convaincantes, cc qui renforce
l'impression qu'elle joue te rôte d'un conseiller.
Passons à la question qu'elle adresse à Raoul sur Bernier (supra v. 902) et
qui constituera la dernière raison de son objection. Elle lui rappelle que la
guerre risque de te confronter avec son meilleur amt, avec qui il avait grandi et
qu'il avait fait chevalier : leur liaison à la fois amicale et féodale pourrait, en
dernier ressort, empêcher Raoul de commencer la guerre. Mats il ose qualifier
son amt de « félon [...] et tier » (v. 904) et lui imputer res torts dent celui-ci
n'est pas responsable.
Jusqu'à cc moment-là, Aalais gardait son calme(12),cc qui servait à valoriser
-5-
ses conseils.
Mats la déme sure
ton ; te narrateur
l'indique
in contrôtable
explicitement
de Raoul lui fait enfin changer
de
:
cit te [= Raoul] la dame, qide vive esraigier ;
a haute vols commença a huchier :
« Bren te savoie, a celer net vas qier,
cc est ll nom dent avras destorbier,
c'il en a arse, de la teste tranchier. » (913-915)
Il faudrait dinstinguer cette prédication nétaste des arguments démonstratifs
qu'Aalais avait déjà farts. Dans son article sur te rôte de la mère, dans certaines
oeuvres liftérailes médiévales, comme une dénonciatrice du crime de son
enfant eaché sort dans te passé sort dans te futur, Régine Colliot re marque,que,
dans Raoul de Cambrai, la mère du héros apparaît comme une « pro phétesse»
qui dénonce une vérité terrible relative à son fits(12): elle volt bien que son fits
n'aura aucune justice hi aucune chance dans la guerre qu'il entreprend ; et c'est
un désespoir mélangé d'exaspération qui la pousse à ex primer cela sous for me
de pro phétie.
Ensuite, Aalais supplie Raoul, une dernière fois, de se réconcilier avec res
fits d'Herber en lui rappelant son devoir de reprendre sa ter re héréditaire à
Giboin du Mans. Elle épulse ainsi toutes res objections possibles centre son
fits.
Par ailleurs, la scène pent êtie appelée celle d'Aalais : de la laisse XLVIII à
LIII, la mère demeure éloquente dans soixante-cinq vers, tandis que Raoul n'en
occupe que vingt et un. En plus, elle ne s'impose pas seulement sur la quantité
de mots ; saute aux yeux, en effet, une particularité stylistique de ces laisses.
Joseph Bédiet dit à cc sujet qu' « en plusieurs laisses dent la monotonie est
belle, la mère de Raoul reprend et prolonge sa prière obstinée(i3). » Et cela
s'expliquera par l'effet des « laisses similaires » que Jean Rychner met en
lumière dans son étude sur l'esthétique formelle des chansons de geste(14).Les
-6-
éléments principaux des objections d'Aalais sent récurrents dans deux on trots
laisses : sa maternité à l'égard de Raoul (XLVIII et XLIX), l'illégitimité de
l'invasion en préparation (de même), la puissance des fits d'Herbert (Ll, LII et
LIII) et la lâchefé des gens de l'Arouaise (LII et LIII).
Quant à Raoul, nous avons déjà vu qu'il ne manifeste, dans la brièveté de
son langage, que l'obstination à la guerre centre te Vermandois. Il incarne ainsi
la déme sure des héros (chiétiens) épiques, qui se définit, d'après Paul. Bancourt,
comme « une sorte de défi a la raison(15) » « consistant dans un espoir insensé
de succès(16).» Mats Raoul va plus loin ; sa véritable déme sure éelate dans sa
réponse à sa mère. Après avoir qualifié de « lanier » celui qui prend conseil
d'une femme au sujet de la guerre (v. 925-927), il injurie Aalais :
« Dedensvas chambresvas alez aaisier,
beveizpuison pot vo panceencraissier,
et si pensezse boiwreet de mangier,
car d'autrechosene devezmatsplaidier ! » (928-931)
Ces paroles sauvages et cruelles du fits ne font pas seulement renoncer la mère
à te détourner de ses projets, mats aussi l'incitent à prendre une attitude aussi
démesurée que son fits envers celui-ci.
3. La matédiction jetée par Aalais sur Raoul
Dans son dernier discours, Aalais maudit finalement Raoul, cc qui apparaît
te résultat de la déme sure de cc dernier. Or, seule peut-elle expliquer la
matédiction de la mère ?
3. 1. Un différent
La
séquence
immédiatement
un guerrier
survenu
que
nous
celle qu'une
et sa mère.
entre
mère et fits dans
étudions
dans
autre chanson
Dans la Chanson
-7-
Raoul
une autre
de
Cambrai
de geste présente
d'Antioche"
épopée
romane
rappellerait
de la dispute
7 , la plus ancienne
entre
d'une
sétie des épopées ayant pour sujet res croisades, la musulmane Calabre essaie
en vain de dissuader son fits Corbaran, rot d'Oliferne, de ses projets centre res
croisés. L'épisode se déroute sous la for me d'une querelle entre mère et fits et
se conclut par leur rupture comme dans Raoul de Cambrai. Mats Calabre ne
maudit pas son fits. Une référence à aet épisode permettrait d'éclairer mieux la
scène d'Aalais - Calabre, notamment la cause de la matédiction de la mère.
Au moment où Corbaran part pour la reprise d'Antioche tombée dans res
mains des chiétiens, sa mère Calabre apparaît et s'efforce de te détourner de
combattre ceux-ci ; ainsi commence une discussion pénible entre res deux.
Dans l'attitude à l'égard de sa mère, Corbarant est démesuré comme Raoul.
Il ne lui répond pas seulement par des refus catégoriques, mats encore lui
adresse des injures : « Toute estes redotee, l'en vas devroit tuer. » (v. 5393) et
« Esperites malignes vas est et cots entrée. » (v. 6880)
En cc qui concerne Calabre aussi, nous avons l'impression de voir une autre
Aalais en elle. D'abord, comme Aalais, Calabre dit hautement qu'elle s'oppose
à son fits en tant que mère ; l'insistance sur sa maternité se trouve tout au début
de ses arguments :
« vas estes mes confers, mes cuers et mes pensés,
En vas est tos mes joies et tote m'amistés.» (6841-2)
Et puts, la mère présente res raisons de son opposition à son..fits : elle lui
explique combien te Dieu des chiétiens est puissant dans l'Ancien
Testament (vv. 6853-6873, 6894-6900) ; de plus, aptès avoir cité un pro phète
musulaman d' il y a plus de cent ans qui avait prédit qu'
« uns pules venroit de de versOccident
Qui conquerroit nos terres par lot tier hardement, » (6932-5)
elle affirme,
en lisant res astres, que te moment
-8-
est venu de voir la pro phétie
se
réaliser (vv. 6937-8) et fait, à propes de l'avenir de Corbaran, des prédictions
néfastes
« Se or estesvenous,vielsseréset honis
Onquesne lustestant ne amés ne cieris
Com vas serésadontblastengiéset laidis.» (6910-2)
La similitude est frappante entre aet épisode et celui de Raoul de Cambrai 8.
Cependant, ceux-ci se différencient par leurs dénouements. Calabre, prongée
dans un désespoir mêlé de « grant paor » (v. 6955), quitte Corbaran
tranquillement, tandis qu'Aalais ne s'en va pas sans laisser un long discours
qui se conclut par une matédiction à Raoulson fits. Nous verrons done d'où
provient cette sentense de molt qu'elle rend à son fits ?
3. 2. La matédiction causée par la déme sure d'Aalais
Dans cc discours que Jean Rychner cite comme exemple de « l'utilité d'un
rappel générat(19)», Aalais rappelle une suite de peines qu'elle avait subies
depuis la molt de son marl dans l'espoir que son fits se rétablirait dans ses
droits du fief héréditaire, et puts déplore qu'il est sur te point d' « aler tel ter re
chalengier / on [ses] ancestres ne prist ainz un denier » (v. 953-4) ; ainsi cc
passage « rappelle des événements antérieurs, rappel utile au moment où,
l'exposition du sujet term inée,la guerre va commencer (20).»
Mats Aalais ne se limite pas à reprendre son opinion ; son désespoir extrême
la pousse à maudire son fits :
« et qantpot mol ne te viex or laisier,
cit Damerdiexqt tout a a jugier
ne t'en remaintsain ne sautne entier ! » (955-7)
Malgré te repentir pro fond sur lequel se précipite Aalais, cette matédiction
-9-
avait déjà fixé la destinée du héros. Gaston Paris dit que « la matédiction une
fois laneée, [...] l'effet n'en pent plus êtie arrêté, et dès lots une destinée fatale
est suspendue sur la tête de Raoul 21)» ; Joseph Bédiet affirme, lui aussi, que
« L'exéarable parole une fois laneée ne pent plus êtie reprise : par une
conception semblable à celle des mythes grecs, la matédiction prend for me et
vie au sortir des lèvies maternelles(22)
.» Et te narrateur, lui, ann once cc
qu'apportera à Raoul cette matédiction :
Par eel maldit et il [= Raoul] tel destorbier,
con vas orez, de la teste trenchier ! (958-959)
William Carin, en soulignant l'importance de la conception du lignage dans
Raoul de Cambrai, re marque que « res membres du clan peuvent êtie
considérés comme des extensions de l'un des protagonistes(23).» Dans cc sens,
on pourrait reconnaîtie un attribut de Raoul qu'est la déme sureà sa mère et, de
surcroît, approuver te point de vue de Pauline Matarasso selon lequel la
matédiction provient, dans une certaine me sure,de la déme sured'Aalais, « te
pendant fémin in de son fits(24)». Ainsi, Matarasso traduit te rapport Aalais Raoul par l'expression « telle mère, tel fits(25) », expression justifiable mats
peut-êtie trop sévère à la mère. Justifiable, sous prétexte de « virilité, rudesse et
violence(26) » dent elle témoigne à travels la chanson ; trop sévère, parce
qu'elle n'est pas un monstre de la déme sure comme son fits : il faudrait tenir
compte de l'amertume qu'elle montre quand elle donne à celui-ci sa
matédiction.. En effet, c'est en larmes qu'elle fait son dernier discours (v. 932)
et, en plus, dès qu'elle te quitte, elle regrette son acte et passe ses jours dans
l'église.
Ainsi, poussée par sa prop re déme sure, Aalais maudit son fits. Son remolds
immédrat rappelle qu'elle est la mère de cc dernier, mats, bien qu'en un instant,
sa déme sure l'emporte sur sa maternité, cc qui détermine, selon te pôète, la
destinée fatale de Raoul.
-10-
Conclusion
La chanson
victimes
de geste
Irançarse
de la déme sure
du héros
d'innombrables
accable
insensés,
d'invectives
ressemblent,
douleur,
d'Antioche.
à une différence
mats aussi
fits, matédiction
la mère
éponyme.
pour
parler
Les deux
est
te monde
l'histoire
épique
si démesuré
qu'il
acharnement
de s'engager
dans
de dispute
entre
mère
près : tandis que la mère de Corbaran,
de la colère,
qui se conerétise
Aalais,
laisse
habitent
du personnage
scènes
tranquillement,
des
que deux : noire héros et Corbaran
au comble
échap per
non
une matédiction
par la molt de celui-ci.
est aussi dom inée par la déme sure,
la tragédie
Dans
nous ne connaissons
sort de scène
désespoir
de Cambrai
sa mère qui te déconseille
une geurre désespérée,
de la Chanson
mats,
de Raoul
et fits se
éerasée
de
seulement
du
centre
son
Dans cette chanson,
en quot consiste,
en fin de compte,
du héros.
NOTES
(1) Raoul de Cambrai : chanson de geste du XIle siède, éditée par Sarah Kay, an notée et
traduite par William Kibler, Paris, Librairie Génétale Françarse, 1996 (Lettres
Gothiques) ; voir aussi vv. 603-605.
(2) François Sward, La chanson de geste, Paris, Presses Universitaires de France, 1993
(Que sais-je ?), p. 42.
(3) Huguette Legros, « Raoul de Cambrai et Dom Juan : Héros lucifélien on personnage
écartelé entre deux ordres moraux ? », dans La chanson de geste et te mythe
carolingien : Métanges René Louis, 2 vol., Saint-Père-sous-Vézelay. 1982, t. II, p. 1022.
(4) Reta R. Bezzola, Les Origines et la formation de la liftérature courtoise en Occident
500-1200, t. Il : La Société féodale et la transformation de la liftérature de cour,
Champion, Paris, 1960, p. 511.
(5) Léon Gautier, La chevalerie, Paris, Sanard et Derangeon, 1895, réimpression,
Puiseaux, Pardès, 1988, p. 119. A cc sujet, Thelma S. Fenster indique la signification
symbolique que res gens du Moyen Age accordent à cc qu'une mère nourrit ses enfants
au sein ; voir son article : « The Son's Mother : Aalais and Marsent in Raoul de
Cambrai », dans Olifant, vol. 12, No. 2, 1987, p. 84, note 11.
(6) Joseph Bédiet, Les Légendes épiques : Recherches sur ta formation des chansons de
-11-
geste, 4 vols., 3e éd., Paris, Champion, 1926-29, t. II, p. 342.
(7) Léon Gautier, op. cit. p. 52.
(8) Pauline Matarasso, Recherches historiques et liftérailes sur Raoul de Cambrai,
Nizet, Paris, 1962, p. 235.
(9) Op. cit., p. 234.
(10) On trouve, même chez Raoul, une certaine hésitation sur res habitants de cc pays
(v. 865-866). A cc sujet, Paul in Paris ramène « une aussi forte rancune » qu'Aalais
éprouve centre ces gens à celle du trouvère centre eux. Voir ses études sur Raoul de
Cambrai dans Histoire liftéraire de la France, t. XXII, Paris, 1895, p.713.
(11) Lc narrateur introduit la parole d'Aalais par des descriptions neutres. Cf. vv. 794,
853 : dist ere ; vv. 867, 868 : dist la dame ; vv. 826 : dist A[alais] la bête ; v. 855: dist la
dame au vis tier ; v. 844: Son fit apele, cc ll dist par contraire ; v. 810 : cit te la dame,
souspirant respondi.
(12) Régine Colliot, « Un rapport dramatique mère / enfant dans te récit médiéval : la
mère dénonciatrice du crime » : dans Sénéfiance, 26, p. 167.
(13) Joseph Bédiet, op. cit., p. 342.
(14) Jean Rychner, La Chanson de geste: Essai sur l'art épique des jongleurs, Droz,
Genève, 1955, p.62.
(15) Paul Bancourt, Les Musulmans dans res chansons de geste du cycle du rot. 2 vol.,
Aix-en-Provence, Université de Provence, 1982, t. 1, p. 207.
(16) Op. cit., p. 217.
(17) La Chanson d'Antioche I : Edition du texte d'après la version ancienne, éd. S.
Duparc-Quioc, Paris, Paul Geuthner, Documents relatifs à l'histoire des croisades
publiés par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, XI, 1977.
(18) La Chanson d'Antioche aurait été composée par un pèlerin poète nommé Richard
immédiatement aptès res événements qu'elle évoque, sort au lendemain de la première
croisade, ne nous est parvenue que sous la for me d'un remaniement qu'un certain
Graindor de Douai aurait exécuté à la fin du XII' siède. Lc fait que l'épisode en
question se trouve dans tolls res manuscrits de la version ancienne nous suggère qu'il
remonterait au poème original ; en effet, un chroniqueur anonyme, témein occulaire de
la première croisade en tant que vassal de Bonémend de Sicile, done presque
contemporain de Richard, rapporte que Kerbogha (te Corbaran de la Chanson
d'Antioche), émil de Mossoul, se dispute avec sa mère, non nommée, qui lui demande
de renoncer à toute guerre centre res Francs, juste aptès la chute d'Antioche. (Cf.
-12-
L'Histoire anonyme de la première croisade, éd. et trad. L. Bréhier, Paris, 1964 (1ereéd.
1924), p. 119-125.) Nous en concluons que l'entretien de Corbaran avec sa mère est
antérieur à celui de Raoul avec Aalais, dans son état primitif au mains.
(19) Jean Rychner, op. cit., p. 62.
(20) Op. cit., p. 63.
(21) Gaston Paris, son article sur Raoul de Cambrai, dans ses Métanges de liftérature
Irançarse du Moyen Age, publiés par Mario Roques, Paris, 1966, p. 155.
(22) Joseph Bédiet, op. cit., p. 343.
(22) Pauline Matarasso,
(23) William Carin, « Raoul de Cambrai : un univers en décomposition i> dans Actes
du vie Congrès de la Société Rencesvals, CUER-MA, Aix-en-Provence, 1974, p. 429.
(24) Pauline Matarasso. op. cit., p. 234.
(25) Op. cit., p. 235.
(26) Op. cit., p. 237.
-13-

Documents pareils