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RICHESSESDEL’ARTSACRÉCATHOLIQUE
© CRÈS
Saint-Victor,
égliseinférieure,
cryptedeLazare
PANORAMADELASCULPTURE
D’ÉGLISEÀMARSEILLE
DUSARCOPHAGEPALÉOCHRÉTIENÀL’ARTDUXXIeSIÈCLE
ParBrigitteFÉRET
Conservateur du Patrimoine
LeséglisesdeMarseille Néanmoins, la présentation
proposentauvisiteur, des éléments les plus maroutrelestrictmobilier quants de manière chronologique fournit un bel itinéraire
liturgiquerituelissu
aussibiendel’histoire des manières sculpturales.
propredecellesqui
AntiquitéetMoyenÂge
subsistentdanslacité Les pièces les plus caractérisquedeleursconsoeurs tiques de cette période sont
disparues,unvéritable conservées et, c’est bien légitime, dans le plus ancien édivoyagedansla
fice religieux de la ville,
statuaireaufil
l’église Saint-Victor, ancien
dutempsqu’ilest
monastère créé par Jean Casimpossible,tant
sien vers 416, développé au
lesélémentssont
Xe siècle ; elles sont constiabondants,d’analyser tuées d’un certain nombre de
pièceàpiècefaute
sarcophages antiques ou paléochrétiens préservés dans
detemps.
ouvrage qui peut être daté du
IIe siècle, à une représentation
biblique schématisée. Cette
volonté de rapporter cette
image à un thème chrétien
identifiable prouve à quel
point le répertoire des formes
de l’antiquité s’est vidé de tout
sens et ne conserve plus
© CRÈS
l’église basse.
La première pièce est connue
de la tradition sous le nom de
sarcophage des «Saints Innocents», interprétation simpliste d’une iconographie devenue incompréhensible au
monde chrétien assimilant le
relief figurant des putti forgeant les armes de Mars,
qu’un intérêt plastique intrinsèque par la mise en
œuvre du travail de sculpture
et sa maîtrise.
Le deuxième dit sarcophage
de Saint-Mauront est conservé dans la chapelle qui porte
aujourd’hui son nom vraisemblablement depuis la fin
Saint-Victor,
églisesupérieure,
sarcophageduVesiècle
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du VIIIe siècle, puisque Mauront est nommé évê- comme les deux sarcophages dits respectivement
que en 780. Ce travail de fort belle qualité datant de saint Maurice et de ses compagnons. Exécutés
du IIIe siècle, qui abritait la dépouille d’une fem- vers la fin du IVe siècle, ils adoptent le modèle à
me, a reçu sans une seule modification les restes arcature, architecturale ou végétale, mettant en
de l’évêque. Il est vrai que pendant toute cette scène les personnages de part et d’autre du Christ
période, le réemploi est une pratique absolument qui forme la figure centrale. Cette facture triomadmise qu’il s’agisse, dans un premier temps, phante connaît un réel succès et de nombreuses
d’un réemploi brut comme ici ou, dans un variantes. De l’usage régulier du réemploi atteste
deuxième temps, d’un réemploi comme ma- également la dalle funéraire d’Isarn, abbé de
tériau, support d’une nouvelle sculpture. L’ico- Saint-Victor jusqu’à sa mort en 1047, sculptée à
nographie de ce tombeau est résolument païen- même le fond d’un sarcophage de marbre. Elle
ne. Le bas-relief adopte une composition symé- constitue un des rares exemples de la sculpture
trique par rapport au motif central, un clipeus funéraire du milieu du XIe siècle conservé en
porteur des traces
France, formule interde l’inscription fumédiaire entre le sarDe l’usage régulier du réemploi atteste
néraire initiale. De
cophage et la simple
également la dalle funéraire d’Isarn,
part et d’autre de ce
dalle scellée dans le
abbé de Saint-Victor jusqu’à sa mort
panneau circulaire,
pavement de l’église à
en 1047, sculptée à même le fond
deux captifs assis,
un moment où les mod’un sarcophage de marbre.
adossés à un paldalités du dispositif fumier, vêtus de manière similaire, tunique et néraire ne sont pas encore strictement figées. La
braies, les mains liées, ploient sous son poids préservation de ce monument funéraire s’exalors que deux victoires chargées de palmes de- plique par la grande renommée d’Isarn dans la
bout de part et d’autre s’y appuient. Deux scènes cité. Abbé de Saint-Victor de 1020 à sa mort, il
se déroulent en symétrie par rapport au joue un rôle important dans la vie de l’abbaye.
médaillon : d’un côté, Bacchus appuyé sur un Après les épiscopats de Pons Ier et de Guifred qui
thyrse figure dans un char tiré par un centaure redonnent prospérité à l’institution, la reconsbarbu portant lyre et plectron que conduisent un truction de l’église ruinée par des raids barbares
amour et une centauresse tenant une corne réitérés, Isarn redonne à l’abbaye le lustre perdu
d’abondance, de l’autre, une femme vient au de- et, en 1040, le pape Benoît Ier vient consacrer
vant du dieu, un centaure imberbe mène le char l’édifice. Il est probable que son monument fuet porte sur son dos un amour ailé muni d’un néraire ait été réalisé rapidement, vraisemblablefouet.
ment sous l’archiépiscopat de Raimbaud d’Arles
Auprès de ces pièces antiques réemployées coha- qui passa commande de la «vita» d’Isarn, unique
bitent des productions véritablement chrétiennes source dont nous disposons aujourd’hui pour ap-
Saint-Victor,
Gisantd’Isarn
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préhender la vie de ce moine catalan promu à la
charge d’abbé et rapidement proclamé «saint» eu
égard à ses mérites. Son monument présente
l’évêque gisant sous une dalle centrale gravée
d’une longue épitaphe à la graphie très soignée
selon une disposition apparentée à la mandorle.
On ne voit de lui que son visage figé dans le sommeil et ses pieds. Au flanc de l’évêque repose le
bâton pastoral, symbole de sa dignité. Deux inscriptions complètent cet ensemble, l’une nimbant sa tête et la seconde à ses pieds.
Outre ces témoins de l’Antiquité et du haut
Moyen Âge, l’église Saint-Victor conserve une
vierge noire du XIIIe siècle connue sous le vocable de Notre-Dame de Confession. Cette Vierge
de noyer polychromé et rehaussé d’or se présente
assise frontalement en majesté et porte l’enfantroi qui tient le globe d’une main et bénit de
l’autre. Elle apparaît comme une digne représentante de cette Vierge-reine si chère au XIIIe et objet d’une si profonde dévotion que les représentations fleurirent dans tout le royaume adoptant
toutes les formes de l’art alors à la mode, statues
de bois, de pierre, d’ivoire, de métal sur âme de
bois.
LaRenaissance
Peu représentée à Marseille, cette période compte
pourtant deux rares témoins de sa diversité préservés dans la Vieille Major.
Cette ancienne cathédrale de Marseille, réduite
à une seule travée après l’amputation répétée de
deux travées, l’une au XVIe siècle, puis l’autre,
lors de l’édification de la nouvelle Major, n’est
plus qu’un pâle reflet de l’édifice prestigieux
construit au XIe siècle sur l’emplacement d’un
groupe cathédral initial et d’une première église
détruite par les Sarrazins en 923.
Ces deux ouvrages de la fin du XVe siècle et du
début du XVIe témoignent mieux que tout commentaire ou toute analyse livresque de
l’importance de l’édifice au commencement de
la Renaissance, du niveau de culture des clercs
et, enfin, de l’ouverture d’esprit du milieu marseillais. En cette extrême fin du Moyen Âge, le
haut clergé local recourt aux services de sculpteurs étrangers pour produire le décor de deux
ouvrages importants, non pas par le volume de
la réalisation, mais par l’iconographie choisie qui
met en scène les saints essentiels du panthéon
local. Ils font réaliser ce qu’on nomme aujour-
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d’hui la chapelle Saint-Lazare, par un sculpteur
dalmate et quelques années plus tard, dotent la
chapelle Saint-Serenus d’un décor de majolique,
tout à fait novateur. Ces sculpteurs italiens font
leur apparition dans le royaume à l’instigation du
roi René vers 1461, l’usage de faire appel à ces
praticiens trouve sans doute son origine dans
l’expédition de Naples en 1442 pendant laquelle
les belligérants sont confrontés à des horizons et
des manières qu’ils ignoraient pour la plupart.
Francisco Laurana, un Dalmate formé en Italie,
n’est pas un inconnu en Provence lorsqu’il vient
à Marseille de 1477 à 1483 puisqu’il a déjà travaillé pour René d’Anjou. Il est sans doute l’auteur
du tombeau de Charles IV d’Anjou, le frère du roi
René, lequel ouvre la voie des grands tombeaux
royaux avec une double thématique : le gisant les
mains à plat sur l’abdomen comme autrefois et
héroïsation du défunt en un cartel supporté par
des enfants nus. Ce sculpteur itinérant, qui parcourt tout le bassin méditerranéen, produit des
ouvrages en Sicile, à Naples, en Provence. A Marseille, il propose un autel de marbre de Carrare
pour la chapelle de Saint-Lazare qui se caractérise
par une double arcature portée par deux pilastres
de part et d’autre relayée par une colonne centrale,
mais laisse la part belle à son atelier comme à Sain-
Saint-Victor,
égliseinférieure,
Notre-DamedeConfession,
diteViergenoire
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te-Marthe de Tarascon pour l’exécution du tombeau de la sainte. Les chapiteaux représentent respectivement saint Victor, saint Lazare et saint
Cannat et un petit édicule abrite le reliquaire de
saint Lazare facilement identifiable grâce à son
buste en saillie. L’ensemble de cette structure cantonnée de pilastres cannelés porte sur un culot
sculpté d’une tête d’angelot. Ce monument, l’une
des premières manifestations de l’art de la Renaissance dans le royaume de France, constitue l’un
des signes avant-courriers de cette esthétique
comme l’avait si finement dénommé et analysé
Erwin Panofsky(1).
De la même façon, quelques décennies plus tard,
la cathédrale de Marseille choisit l’atelier des Della Robbia pour orner la chapelle de Saint-Serenus
tit ouvrage attendrissant qui doit dater du dernier
quart du XVe siècle. Sous une arcade trilobée, la
Vierge couve du regard l’enfant-Jésus.
© C.CRÈS
LesXVIIeetXVIIIesiècles
VieilleMajor,
ChapelledesaintSerenus.
Àgauche,miseautombeau
(écoledesDellaRobbia)
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à laquelle ils fournissent un bas-relief présentant
une mise au tombeau. Cette commande montre
à quel point la cité est au fait des modes artistique
puisque la majolique, céramique vernissée, est le
décor de façade qui sera choisi par Francois Ier
en 1527 pour son château de Madrid dans le bois
de Boulogne.
Pour ce siècle, à ces deux éléments, il faut ajouter
le bas-relief de marbre dit Notre-Dame de
l’Adoration conservé à l’église Saint-Philippe, pe-
NOTE
Période d’abondantes productions dans la ville
bien que les années 1680 à 1730, de la fin du règne de Louis XIV à la grande peste de 1720, constitue une rupture faute d’argent, tout d’abord et,
ensuite, faute de personnel. Il faut attendre les
années 1740 pour que se reconstitue un véritable
marché comportant clientèle et fournisseurs potentiels.
Les témoignages laissés par les artistes locaux sont
néanmoins encore fort nombreux dans les églises
marseillaises et cette variété contraint à des choix
relevant plus de l’humeur et du goût que de la
stricte analyse scientifique.
L’église paroissiale des Aygalades conserve un très
beau christ en bois d’olivier qui peut être daté du
XVIIe siècle mais pour lequel les sources sont totalement muettes. Son intérêt réside essentiellement dans le matériau utilisé et dans un traitement élégant et puissant.
A Saint-Victor, l’autel de la Madeleine est surmonté d’un relief de plâtre dû à Christophe Veyrier.
Ce sculpteur, neveu de Pierre Puget, est surtout
connu pour ses travaux aixois et pour son grand
décor de stucs et marbres pour la chapelle du Corpus Domini de l’église cathédrale de Toulon. Il
donne ici une œuvre de moindres dimensions
mais qui fournit un témoignage essentiel sur l’art
du relief en Provence à la fin du XVIIe siècle, art
finalement mal maîtrisé par la plupart des sculpteurs français mais où excellait Pierre Puget et
toute sa famille.
Du XVIIe datent la plupart des statues de façade
des Carmes et de Saint-Théodore, lesquelles
avaient pour mission de donner au passant le sentiment de la puissance et de la rigueur de l’église
catholique. Fort abimées par le temps, ces statues
aujourd’hui ne rendent plus compte de
l’harmonie des compositions initiales, altérées,
parfois reprises au XIXe sans tenir jamais compte
du programme de départ. Il reste tout de même
quelques éléments notables même si leur état apparaît précaire. Les Prêcheurs, dont la façade refaite au XVIIIe, puis amputée de ses superstructures pour des raisons de sécurité en 1926, conservent de part et d’autre des consoles du fronton
deux grandes statues subsistant du parti initial :
(1) Panofsky (Erwin), La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art occidental, Paris, Editions de Minuit, 1975
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le pape Pie V, grand pape dominicain qui affirmait
haut et fort la suprématie papale face au pouvoir
civil, et le pape Benoît XI, qui fut général des dominicains Si l’état des parties hautes de cette façade ne permet plus d’en saisir toute la finesse iconographique, il reste évident que cette composition, fidèle à l’esprit dominicain, adoptait un
choix très dogmatique. La manière, quant à elle,
appartient pleinement à cette grande sculpture
issue du baroque d’après le concile de Trente, postures affectées des personnages, amples drapés
mouvants. Aux Carmes, en revanche, la façade
présente en sa partie haute une élégante vierge
d’une façon toute différente, travail en retenue et
délicatesse, mise en valeur dans une niche en
plein cintre. Cette présence de la Vierge, placée
en protectrice de l’édifice, se justifie pleinement
par la dévotion particulière que lui portait cet ordre.
Deux beaux bustes respectivement du XVIIe et du
début du XVIIIe figurent également au rang des
fleurons de la statuaire marseillaise. Le premier
est conservé dans l’église Saint-Férréol, ancien
couvent des Augustins, pour lequel il aurait été
produit. Il donne une image frappante du saint
adoptant une iconographie assez habituelle, simple buste paré de l’habillement du soldat romain.
Dans cette œuvre de bois polychrome, l’accent est
mis par le sculpteur sur l’expressivité des traits et
le traitement de la chevelure. Le second, aujourd’hui dans la jolie petite église de ChâteauGombert mais conçu primitivement pour l’église
d’Aubagne, est attribué à Albert Duparc auquel il
aurait été commandé en 1717(2). Ouvrage plus
élaboré, il présente saint Mathieu sur un socle galbé peint à l’imitation du marbre vert antique sur
ViergeduRosaire
ÉglisedesChartreux
(XVIIIesiècle)
© C. CRÈS
© C. CRÈS
lequel s’appuient deux angelots de bois doré.
La relique est mise en valeur par un cartel
doré. Le buste même est traité dans un
souci de réalisme mais non dénué
d’emphase par l’élégance du drapé du
tissu, la précision des galons et
l’insistance sur la chevelure et la
barbe. L’ensemble, tant par l’usage d’une
polychromie à visée naturaliste que par
l’emploi du bois doré, appartient bien à la
production de la fin du règne de Louis XIV.
Malheureusement, les sources manquent
et ne permettent pas de confirmer
l’attribution qui jouit néanmoins compte
tenu du style de la statue, du niveau des
sculpteurs en place à Marseille dans le
premier quart du XVIIIe siècle, d’une
présomption fort légitime en faveur
d’Albert Duparc. Il est plaisant de remarquer que la première manière d’Antoine Duparc, son fils, qui entame justement sa carrière
dans les années 1720 et ne travaille encore que le
bois, emprunte largement à l’esprit des travaux
de son père comme en attestent les angelots présents sur les consoles du maître-autel du couvent
des grands Carmes, aujourd’hui église NotreDame du mont Carmel. De la même période peut
être datée la Vierge des Calfats, vierge de
pitié de bois peint et doré, dans
l’église Saint-Laurent. Le christ gît
sur les genoux de sa mère dont
la robe s’évase en de multiples
plis auxquels fait écho le drapé
du périzonium, un putti baise
la main du Christ. Le recours
au bois est largement délaissé
à Marseille vers 1735-1740 au
profit de l’emploi du marbre
ou du stuc. L’église des Chartreux conserve un exemple
intéressant de la statuaire de
marbre du dernier quart du
XVIIIe, une Vierge dite Vierge
du Rosaire dont la tradition
veut qu’elle ait été offerte à
la chartreuse marseillaise
par celle de Villeneuve-lesAvignon.
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ViergedesCalfats
ÉgliseSaint-Laurent
(XVIIIesiècle)
BustedesaintMathieu
àl’église
deChâteau-Gombert
(XVIIIesiècle)
NOTE
(2) Féret (Brigitte), Le mobilier religieux marseillais à l’époque baroque et rococo, maîtrise sous la direction du professeur
André Bourde, université d’Aix-Marseille, 1982
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ses points forts. Pour le décor extérieur, il ne saurait être question de passer sous silence la Vierge
monumentale dessinée par Lequesne, cette
«bonne Mère» emblématique de la ville.
Très prolifique à Marseille comme ailleurs en matière de constructions et de statuaires, la Restauration tente de renouer les fils défaits par la Révolution. Il faut attendre le rétablissement du diocèse en 1823 et le renouveau catholique très actif LeXXe
dans les années 1850 pour que refleurissent les Ce siècle constitue une évidente rupture pour
campagnes d’aménagement sous l’égide de mon- l’art religieux puisque à partir de la promulgation
seigneur Mazenod qui fait édifier ou agrandir en- de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et
viron quarante églises dans la ville.
de l’état, l’Eglise si elle se libère de la tutelle de
Deux chantiers essentiels vont marquer définiti- l’Etat doit financer elle-même construction et
vement la ville. Le premier est l’édification d’une entretien de son patrimoine propre. Les années
nouvelle cathédrale, entre 1852 et 1893, dont les 1920 voient en France un renouveau de l’art replans sont donnés par l’architecte Léon Vaudoyer. ligieux dans un contexte jusque là inédit, liberté
Architecture inspirée du style romano-byzantin, face à l’Etat et, aussi, volonté d’évangélisation
l’édifice étonne tant par sa démesure que par son active des banlieues qui se créent un peu partout
décor foisonnant. La sculpture est omniprésente autour des villes. A Marseille, l’église Saintà la façade de l’édifice : au-dessus du porche, une Louis, commencée en 1935, est conçue dans cet
rangée d’arcades abrite sept statues figurant le esprit. Edifice novateur dans sa conception, il
Christ entre Pierre et Paul, Lazare, considéré associe une architecture techniquement fondée
comme le premier évêque de la cité, et la cohorte sur l’usage du béton à un recours aux arts décodes saints locaux, Marthe, Maximin et Marie- ratifs revisités par des techniques et des choix
Madeleine, objets consnouveaux. L’architecte
tants de la dévotion poJean Sourdeau, pressenti
La deuxième grande entreprise
pulaire. Aux tympans,
par le prêtre Gabriel
du siècle est l’édification
trois reliefs de marbre
Pourtal, doit trouver un
de Notre-Dame de La Garde.
reprennent des thèmes
plan qui s’adapte à la
plus habituels de l’icoparcelle donnée en 1933
nographie chrétienne : le couronnement de la par une paroissienne. Il opte pour placer son bâVierge, le symbole de la résurrection, l’agneau timent en oblique face à la rue et choisit un parti
mystique et la fontaine de vie. Les sculpteurs em- architectural d’une grande simplicité mais dont
ployés ici appartiennent à l’académisme alors en les masses, la coupole et le décor sculpté tranvogue, que ce soit Allar, originaire de Toulon, qui chent nettement sur l’univers d’entrepôts et
réalise la Madeleine ou Guillaume. A l’intérieur, d’usines qui l’enserre. Construction et décor ne
Auguste Carli propose une sainte Véronique es- sont pas séparés puisque le maître d’œuvre fait
suyant la face du Christ, vaste relief qui par ses appel pour la sculpture à Carlo Sarrabezolles,
dimensions et son pathos, fournit un bon exem- spécialisé dans la sculpture sur ciment frais, qui
ple des productions du moment Enfin, Louis Bo- taille ses œuvres dans la masse avant que n’intertinelly donne les quatre évangélistes, figures mo- vienne la prise définitive. Il propose pour ce pronumentales, aux quatre angles formés par les re- jet un gigantesque ange Gabriel à la couronne
tombées des piles supportant la coupole centrale. d’épines sommant le clocher, quant à la façade
La deuxième grande entreprise du siècle est sur rue, elle porte un immense Christ en croix
l’édification de Notre-Dame de La Garde. Eglise encadré de reliefs de part et d’autre. Cette église
d’une grande richesse décorative par les ma- à propos de laquelle il est difficile de dissocier
tériaux mis en œuvre, elle fait paradoxalement construction et éléments sculptés ornementaux
une part minime à la statuaire finalement peu constitue un témoin fort à Marseille du mouveprésente dans son décor intérieur mais mise en ment de renouveau de l’art religieux et en partiœuvre d’une manière somptueuse. La Vierge culier de l’art statuaire qui parcourt la France de
d’argent réalisée par Chanuel constitue l’un de l’Entre-Deux-Guerres.
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Dans les décennies qui suivent, Louis Botinelly
fournit la majeure partie des éléments sculptés
un peu partout dans les églises de la ville : pour
l’église Saint-Louis, il sculpte le relief de SainteFortunée, à Saint-Férréol, une statue de Jeanne
d’Arc tandis qu’aux Réformés en 1943, il reprend
ce même thème de Jeanne d’Arc, alors fort en
vogue, pour le parvis.
Les années soixante voient se tarir comme un
peu partout en France la sculpture d’église et il
faut attendre presque quarante ans pour que de
nouveau fleurisse la sculpture dans l’église comme le prouve le Christ en tôle d’acier, œuvre
d’une grande force expressive, produit par
François Bouché pour l’église Saint-Georges de
Marseille. Cette production est révélatrice du
regain d’intérêt pour la statuaire dans l’église à
Marseille comme un peu partout en France et,
tout particulièrement, pour l’art du métal.
Bustede
saintFerréol
àl’église
Saint-FerréolLesAugustins
XVIIesiècle
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Christ,
parFrançoisBouché,
égliseSaint-Georges
XXesiècle
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Christ,parLouisBotinelly
églisedesRéformés
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