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Sports
20décembre 2015 | Le Matin Dimanche
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ç Gaël Suter Un leasing moins cher grâce à la pub
Maxime Schmid
A bien regarder sa voiture, Gaël Suter
est formel: «Non, elle n’est pas moins belle
avec ces autocollants.» De toute manière,
sans la marque de ses soutiens sur la carrosserie, le pistard vaudois n’aurait jamais
vu son véhicule qu’en vitrine. «Je n’aurais
pas pu me l’offrir sans l’aide de mes sponsors», concède-t-il.
Quatre entreprises ont participé au
leasing, en pure perte. «On ne s’y retrouve
pas financièrement. Mais ce n’est pas le
but, témoigne Laurent Schmitt, patron du
garage éponyme de Clarens, d’où la voiture
a laissé sa première empreinte de pneu.
Notre but est de soutenir un garçon qui a du
potentiel en lui permettant de se déplacer
aux entraînements et sur les courses (ndlr:
il fait environ 25 000 km par saison) avec un
véhicule peu onéreux et fiable.» Un break
diesel d’une petite centaine de chevaux.
Une bénédiction. «Mon ancienne voiture
arrivait au bout, et je dois absolument être
motorisé», glisse le coureur, reconnaissant.
Gaël Suter vit toujours chez ses parents.
«Ils me soutiennent bien. Je n’ai pas grandchose à payer à la maison.» Il travaille
à 20% comme assistant en cyclocross
au siège de l’Union cycliste internationale
(UCI), sort peu et voyage le plus souvent
avec son équipe (Hörmann). Quand on lui
demande son salaire, il réfléchit, emprunté.
«C’est un peu compliqué…» Puis il avoue:
«Je tourne, mais je ne mets pas d’argent
de côté.»
Avec ses autocollants sur la carrosserie,
Gaël Suter estime bénéficier d’un rabais
de 20% sur son véhicule (achat et services).
«Entre 20 et 30%», rehausse Laurent
Schmitt en habitué du sponsoring. «Passablement de jeunes sportifs viennent au garage pour demander des soutiens.
C’est malheureux que, en Suisse, un espoir
doive trouver des fonds pour être compétitif.» Il y a une dizaine d’années, le garagiste
vaudois avait déjà «filé un coup de main»
à Steve Bovay. «Laurent m’avait fait
un geste sympa sur un contrat de leasing,
se souvient l’ancien pro. J’étais encore amateur à Mendrisio et j’avais un problème
pour me déplacer. J’avais besoin d’un véhicule.» Bovay était reparti en BMW série 1.
Une entrée de gamme. Une bénédiction.
«Il y avait la place pour un vélo, c’est tout
ce dont j’avais besoin.» J. Cz
Sebastien Anex
Tire-bouchons, sets de
table et autres trouvailles
ä Ludovic Chammartin Un double en chocolat
«Je suis
fière de mes
parents. J’ai
vraiment
de la
chance.
Tout
le monde
ne ferait
pas ça»
Priscilla Morand,
judoka
Contrôle qualité
Ludovic Chammartin reste
modeste, mais quand même:
le judoka fribourgeois a un lapin
de Pâques qui porte son nom («Le
Lapin Ludo») et sa ceinture, faite
en chocolat noir par Joël Grandjean,
un boulanger philanthrope de Romont. «Nous avons créé cette pièce
pour la première fois avant les Jeux
de Londres il y a trois ans, explique
l’artiste aux doigts sucrés. Cela avait
vraiment bien marché.» Le sportif
et le boulanger se sont donc à nouveau
associés en avril dernier. «Ludo était
un peu serré financièrement», souffle Grandjean, dont le coup de main
a permis au judoka de recevoir
un chèque de 7000 francs. «Nous
avons vendu plus de 600 pièces
à 26 francs. Ludo en touchait 10
par vente, mais certains ont donné
un peu plus…» La cagnotte a terminé
dans les caisses de la Fédération suisse
de judo. «J’avais des factures
en retard», avoue Chammartin.
L’opération «Lapin Ludo» devrait
être reconduite en 2016, selon le
même procédé: 12 coques d’œuf pour
une hauteur de 20 cm et un poids total
de 200 g. Le tout est livré dans un écrin
DR
avec une photo souvenir, estampillée Rio
2016. Il ne faut pas compter cependant
sur le modèle humain pour faire la promotion de son double en chocolat. «Je ne peux
pas trop manger de lapins, car je suis au régime. Mais j’en ai goûté un peu et c’est vraiment bon. Cela n’a rien à voir avec ce que
l’on peut trouver dans les grandes surfaces.» Les revenus permettront au judoka,
très bien placé dans la course olympique (il
est situé aux alentours de la 15e place, alors
que les 22 premiers sont qualifiés pour Rio)
de payer les factures de tous les jours. «J’ai
récemment été intégré au cadre «Grand
Chelem» de la Fédération, qui m’aide financièrement dans ma préparation pour
les Jeux, mais je dois toujours payer mon
loyer, ma voiture, mes déplacements
en Suisse pour les entraînements, etc.»
En dernier recours, Ludovic Chammartin peut compter sur le soutien
de sa mère et de sa compagne. «Elles
m’aident parfois pour le loyer ou les
commissions», dit-il, plein de reconnaissance pour celles et ceux
qui, chaque jour et à leur manière, nourrissent ses ambitions,
quand ce ne sont pas simplement les
clients de la boulangerie Dubey-Grandjean, à Romont. J. Cz
Au risque de décourager les vocations,
Swann Oberson l’affirme sans réserve:
«On n’a jamais assez d’argent quand on fait
du sport en Suisse.» La nageuse genevoise
(29 ans) estime cependant être «bien
soutenue». Le privilège des résultats
et de l’ancienneté, considère la championne
du monde du 5 km en 2011. Ce sont ses seuls
privilèges. «Je ne gagne pas d’argent grâce
à la natation. Cela me permet juste de vivre
du minimum.»
Comme elle, ils sont nombreux à percer au
royaume de la débrouillardise pour espérer,
un jour, percer au plus haut niveau. La judoka
Emilie Amaron vend des tire-bouchons.
«Et des bouteilles que mon coach, marchand
de vin, me propose à prix coûtant. Il y a
du blanc (chasselas) et du rouge (assemblage
de plusieurs cépages).» Les étiquettes sont
personnalisées avec, sur chacune d’elles,
la photo de la championne. Pour encourager
à la consommation, Emilie Amaron a de
surcroît imprimé des flyers avec en lettres
grasses un impératif «Soutenez-moi!»
précisant sur le prospectus que les bénéfices
lui permettront de «financer les tournois et
entraînements internationaux indispensables
pour progresser».
Sabrina Jaquet, elle, a déjà bien progressé.
Soutenue par sa fédération de badminton,
par Swiss Olympic et par son canton,
rémunérée pour des piges en France
(Issy-les-Moulineaux) et sponsorisée
par un équipementier (Victor Europe),
la Neuchâteloise gagne environ…
«50 000 francs par année». Presque rien. «Je
dois encore payer les trajets, les inscriptions,
mon logement, les factures courantes,
liste-t-elle sans pleurnicher. J’arrive à tourner.
Je me débrouille. Je vis simplement.»
En quelques mots comme en cent: «Je fais
tout pour pouvoir survivre de mon sport.»
Guillaume Dutoit et Jessica Favre en sont là
eux aussi. Ces deux espoirs du plongeon, qui
rêvent de s’immerger dans les Jeux de Rio, ont
touché 600 francs chacun lors d’un tournoi
de golf caritatif organisé par Alexandre
Coquoz, responsable du plongeon romand.
«Récolter si peu, cela m’a un peu découragé,
mais je vais quand même relancer l’opération
en 2016», affirme-t-il, pas rancunier, certain
qu’il faut «être motivé et croire en ce que l’on
fait». Pendant ce temps, une connaissance
de la vice-présidente du plongeon lausannois
sillonne les festivals de musique dans le cadre
de son travail avec, sur son véhicule, un appel
au soutien populaire en faveur des deux
espoirs. Les frais de ces derniers sont
toutefois couverts par diverses aides
financières, «mais on parle d’une exception,
rappelle Catherine Maliev, ex-plongeuse
internationale devenue entraîneur principale
au Lausanne Natation. Dans notre club, on
vend des fondues pour aider nos athlètes. On
prospecte à droite à gauche, on les acquiert à
prix coûtants et on les revend à prix normal.»