Notes de lectures de Georges Leroy Mai 2013 1/2 - Reseau
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Notes de lectures de Georges Leroy Mai 2013 1/2 - Reseau
Notes de lectures de Georges L e r o y Mai 2013 1/2 HIHIH L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs… le diable porte pierre. Si l’appréciation privilégie le fond à la forme, elle n’en constitue pas moins un jugement de synthèse avec sa part de subjectivité… mais non de relativisme. Note : La qualité de ce document permet l’impression sur une imprimante de bureau. Appelle-moi Stendhal HHHII Gérard Guégan Stock, 170 p., 18 €. Les biographies officielles ont toujours raconté que l’auteur du Rouge et le Noir, diplomate de son état, sortait d’un rendez-vous avec son ministre de tutelle, Guizot, lorsqu’il fut fatalement foudroyé par une crise d’apoplexie, à deux pas de la place Vendôme, le 22 mars 1842. Mais chacun le sait, tout ce qui s’est écrit sur la mort d’Henri Beyle, alias Stendhal, relève de l’invention. Même son cousin Romain Colomb a biseauté les cartes. Même Mérimée, ami de longue date, a cherché le scandale en déformant les faits. L’événement a pourtant eu un témoin direct, Joseph Lingay. Éminence grise de la monarchie de Juillet, cet élève de Fouché, qui se disait « le plus corrompu des cor- rupteurs », régnait sur les fonds secrets de cinq ministères. Il en fit ainsi profiter Gautier, Nerval, Heine. Et, fort de son pouvoir, il était sur le point en mars 1842 d’envoyer à l’Académie son cher Stendhal, avec qui il avait partagé plus d’un plaisir. Tous les deux, d’ailleurs, sortaient d’un bordel le soir où, foudroyé par l’apoplexie, l’écrivain manqua s’écraser sur le pavé parisien. Dans les heures, les jours suivants, Lingay s’employa à assurer sa légende, en s’aidant d’Old Nick, le découvreur de La Chartreuse, du jeune Gobineau, Ultra rallié à la cause de Mathilde de La Mole, et de Balzac, pas des plus rigoureux quand il y allait de l’argent. D’ailleurs Balzac a anobli Lingay sous les traits du comte des Lupeaulx dans ses Illusions perdues. manière désinvolte à tutoyer l’Histoire et l’écrivain, le temps d’une dernière valse. La dernière valse du romantisme. Les femmes y sont audacieuses et les hommes L’auteur ne s’embarrasse pas du Code, qui n’a que trop servi, mais, se mettant à la place de Stendhal, faisant parler à Stendhal ou de Stendhal divers personnages, il propose, sous couvert de révélations sur la mort de Beyle, un traité romanesque du style. Parce qu’il a pu consulter les carnets secrets de Lingay, réputés perdus, et un inédit de Gobineau connu du seul Aragon, Gérard Guégan s’est autorisé d’une Et si, derrière nos inquiétudes quant aux dérives du pouvoir, derrière nos craintes pour la démocratie, se cachait une question plus profonde sur la forme du pouvoir ? Et si notre désir de fraternité était contrarié par les batailles politiques qui divisent les Français tous les deux ans ? Et si notre angoisse devant la mondialisation était d’autant plus forte que la France n’est plus très sûre de son héritage ? brillants. C’est la vie. La vraie. 10 bonnes raisons de restaurer la monarchie HHHII R. Dozoul et LL d’Aumale Muller éditions, 100 p., 10 €. Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 1/16 Insolentes et efficaces, ces « 10 bonnes raisons » font jaillir l’évidence : la monarchie constitutionnelle, où le roi soutient la démocratie au-delà des clivages politiciens, est sans nul doute le meilleur des systèmes. Livre à la fois léger, bourré de blagues de potache, et sérieux, puisqu’il traite du problème de la démocratie. Car, même si plus personne n’en parle, il y a bien un problème de la démocratie. Ce problème, c’est naturellement que nous sommes en permanence en campagne électorale. Et cette situation s’est encore aggravée depuis que nous sommes passés du septennat (d’ailleurs voulu par les députés monarchistes en 1873…) au quinquennat. Désormais, nous avons au moins une élection tous les 2 ans. La première (et la plus grave) conséquence de cet état de fait, c’est qu’il est désormais impossible de mener une politique de long terme dans l’intérêt du pays. Imagine-t-on aujourd’hui un nouveau Colbert plantant la forêt de Tronçay pour disposer de bois de qualité pour la marine royale 300 ans plus tard ? Cette vision court-termiste est encore aggravée par l’électoralisme et la démagogie auxquels sont contraints les candidats. On ne peut actuellement être élu qu’en promettant monts et merveilles aux électeurs. « Demain, on rase gratis », semble être la seule doctrine politique solide et commune à tous les partis ! Et l’on peut toujours dire que les Français sont mûrs et capables d’entendre un discours de vérité, la réalité, c’est que chacun préfère en- tendre dire que sa situation va s’améliorer dans les années à venir. Jamais n’a été plus vraie la célèbre assertion de Frédéric Bastiat selon lequel l’État est cette grande fiction à travers laquelle chacun s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ! En tout cas, on peut certainement dire, comme on le chantait au début du siècle, que les rois ont fait la France et qu’elle se défait sans roi. Se referait-elle avec un roi ? Bonne question ! En tout cas il est certain qu’il faut au moins connaître – et combattre – les vices du système si l’on veut sortir de l’impasse où s’enferre notre malheureuse patrie. Et, pour cela, l’humour et le talent des deux auteurs sont d’une redoutable efficacité. Benoît XVI, un pontificat sous les attaques HHHII MM Rodari et Tornielli PG de Roux, 310 p., 25 €. Existe-t-il, oui ou non, une attaque généralisée contre l’Église, la papauté et plus particulièrement Benoît XVI ? L’enquête passe en revue diverses affaires. À Ratisbonne, la citation « politiquement incorrecte » qui heurte les musulmans. À Varsovie, le cas de l’archevêque Wielgus, récemment nommé, qui a présenté sa démission après avoir été dénoncé comme collaborateur des communistes. À Linz, le cas de l’évêque auxiliaire Wagner, qui s’est désisté avant même sa consécration, après avoir été accusé d’être trop conservateur. La réadmission du missel préconciliaire voulue par Benoît XVI qui a été vécue dans l’Église comme un retour nostalgique au passé. Le piège négationniste. La levée de l’excommunication prononcée à l’encontre des évêques lefebvristes et l’interview télévisée de Mgr Williamson qui niait l’existence des chambres à gaz. La polémique suite à la conférence de presse de Benoît XVI dans l’avion qui le transportait au Cameroun au sujet du préservatif. Pour quelle raison la doctrine de l’Église en matière de mondialisation, de lutte contre la misère et de protection de l’environnement fait-elle peur ? Les scandales pédophiles en Irlande, en Allemagne et aux ÉtatsUnis… Que se passe-t-il dans les hautes sphères de l’Église, où s’affrontent les cardinaux. Un règlement de comptes entre la vieille garde et la nouvelle garde dans les palais apostoliques ? Les dessous de la Constitution apostolique pour l’entrée de la communauté intégriste anglicane dans la communion avec Rome. Les prophéties mariales. Le secret de Fatima ne s’est pas accompli à travers l’attentat contre Jean-Paul II. L’évêque de Civitavecchia et le prodige de la statuette : les larmes de la Madone pleureraient la pédophilie du clergé. Le message pontifical ne passe pas. Benoît XVI est réduit à l’image d’un conservateur ennemi Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 2/16 de la modernité. Tout ce qu’il dit et qui dépasse ce cliché n’atteint pas l’opinion publique. Un complot contre le Pape ? Deux journalistes, deux vaticanistes, cette race de journalistes vraiment à part, qui suit et qui scrute les faits et gestes du pape et de son entourage et qui tente de les interpréter. Forcément, ils sont Italiens, on ne fait pas mieux en la matière. Depuis leurs postes d’observation, les auteurs étaient bien placés pour sentir et analyser les attaques contre Benoît XVI, en remarquant d’ailleurs que dès le départ certains parmi la curie ne prédisaient pas une longue durée au pontificat du pape Ratzinger. Un fait est certain : d’aucuns ne lui ont pas pardonné d’avoir accepté le suprême pontificat. À ce sujet, les auteurs relèvent un peu plus de dix cas qui montrent les attaques dirigées contre Benoît XVI. Au bout du compte, on ressort avec une synthèse intéressante sur des faits que la mémoire finit par évacuer. Reliés ensemble, ils prennent une certaine épaisseur. Une certaine cohérence en ressort. Globalement, les auteurs sont restés au plan journalistique : des faits, encore des faits, une analyse, mais ils ne dévoilent pas vraiment les responsables de ces attaques. Pas de noms, surtout. Seulement trois cercles concentriques : les médias et les pouvoirs qui ont intérêt à discréditer l’Église, une partie de l’entourage incompétent, les adversaires de l’intérieur. En fait, respectueusement, délicatement même, les auteurs laissent entendre tout au long du livre qu’une grande partie des problèmes auxquels fut confronté Benoît XVI tient à un manque de gouvernance au sommet et à l’incapacité d’une partie de la curie, qui ne seconde pas correctement le Pape ou s’oppose à lui. C’est clair : nos deux vaticanistes en savent davantage qu’ils ne le disent dans ce livre. Mais déjà celui-ci dévoile un climat et indique les difficultés internes dans lesquelles se débat l’Église. À ce titre, il mérite vraiment d’être lu. Bleus horizons qu’à un soldat et attribuait à la protection de Dieu son invincibilité. Pourtant, il n’avait plus que deux mois à vivre. C’est quoi, deux mois ? Huit semaines, soixante jours, une broutille, un coup de vent, le temps d’un soupir, une éternité. » Après le révolutionnaire Hérault de Séchelles (C’était tous les jours tempête) et le capitaine Étienne Beudant (L’Écuyer mirobolant), l’écrivain poursuit, avec le poète Jean de La Ville de Mirmont, tué au combat en 1914, à l’âge de vingthuit ans, son roman historique des vies exemplaires et brisées, dans lequel par la voix d’un ami, il retrace sa vie et ses relations dont Mauriac. La Chine des Ming et de Matteo Ricci HHHII Jérôme Garçin Gallimard, 200 p., 19 €. Le 8 septembre 1914, Jean reçut sa feuille de route. Il la baisa, la caressa, la respira. Il pleura aussi, mais de joie en lisant et relisant sa convocation. Car il était attendu, deux jours plus tard, à la caserne de Libourne où il partit avec cette ferveur que mettent les pèlerins à rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle, cette naïveté des enfants qui rentrent chez eux après des vacances en colonie. Le garçon que je rencontrai pour la première fois était heureux et si plein d’idéal qu’on l’eût dit inconscient du danger. Il ressemblait plus à un chevalier des croisades HHHII Isabelle Landry-Deron Le Cerf, 260 p., 30 €. Comment s’est déroulée la première rencontre entre le monde européen de la Renaissance et le monde chinois de la dynastie des Ming ? Comment l’Occident a-t-il découvert Confucius ? Comment Euclide fut-il introduit en Chine ? « Lettré d’Occident », le jésuite Matteo Ricci fut le premier Européen à assimiler la culture chinoise et à transmettre à la Chine la foi ca- Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 3/16 tholique et le savoir occidental. Il s’efforça ainsi de mieux comprendre la pensée chinoise en s’immergeant dans les grands écrits de l’Empire du Milieu et de prolonger cette pensée de la science occidentale et de la connaissance du « Seigneur d’en Haut ». Dès son arrivée en Chine à l’âge de 30 ans, il comprit très vite que ses connaissances, notamment mathématiques, cartographiques et astrologiques se révéleraient être un formidable objet de curiosité intellectuelle pour les lettrés chinois et une manière, pour lui, de mieux révéler l’existence de Dieu. Chouan et espion du roi HHHII Stéphane Vautier Louve édition, 380 p., 25 €. 1793. La Convention décrète la levée en masse. L’Ouest se soulève. De nombreux paysans désertent alors l’armée de la République, prennent des armes de fortune et commencent à organiser la résistance à ceux qu’ils appellent les Bleus. Parmi ces hommes qui refusent de combattre pour la République et veulent rester fidèles au roi, se trouve Michel Moulin, fils d’artisan. Il se révèle habile meneur d’hommes et fin connaisseur de son bocage natal. Rapidement, celui que ses compagnons d’armes surnomment Michelot devient l’homme de confiance de Louis de Frotté, le jeune général de l’Armée catholique et royale de Normandie. Dans un style alerte, Moulin décrit de l’intérieur l’organisation de la chouannerie, l’âpreté des combats et les délicates relations humaines au sein de ce monde clos. Après l’exécution de Frotté, tandis qu’il tente de réintégrer la vie civile, il est rattrapé par son passé et emprisonné au fort de Joux, en FrancheComté, d’où il s’évade dans des conditions rocambolesques. Fugitif, il parcourt ensuite l’Europe pour échapper à la police impériale, puis trouve refuge à Londres. Là, il découvre un autre monde, celui de l’émigration et de ses royalistes intransigeants. Et c’est à Londres que va commencer pour lui une nouvelle vie, celle d’espion au service du roi. Ainsi, envoyé en France pour préparer le retour des Bourbons, il livre un témoignage de première main sur les milieux interlopes des passeurs, des réseaux plus ou moins fiables, entre gendarmes, policiers et gardes-côtes. Le regard de Michelot est original à plusieurs titres : il est rare d’avoir, sur la guerre civile qui a ensanglanté les années 1790, le témoignage d’un homme sorti du rang. Il est également peu fréquent qu’un roturier, adhérant à la cause royaliste, nous livre ses impressions – parfois amères – sur le milieu de l’émigration. Il est enfin précieux d’avoir en un même récit, sur plus de vingt années, les différentes fa- cettes de la contre-révolution. Un grand merci aux éditions de la Louve pour cette parution. Aux belles abyssines HHHII Bernard Bonnelle La table ronde, 190 p., 17 €. Longtemps Djibouti passa mieux pour une ville française d’Afrique que pour une ville africaine. Le bon temps des colonies. Quand Djibouti était la capitale des Somalis françaises. Le narrateur, Pierre Jouhannaud, officier de marine, vient prendre le commandement d’un patrouilleur, l’Etoile-duSud, en remplacement de son ami Alban de Perthes, retrouvé mort dans sa cabine, une balle dans la tempe. On est en 1939. La drôle de guerre se profile. Djibouti, au carrefour de l’océan Indien et de la mer Rouge, est à portée du feu teuton. Les fascistes italiens ceinturent la région. Les espions rôdent un peu partout. Les trafiquants ont la belle vie. Pierre Jouhannaud ne croit pas au suicide de son ami. Le commandant de la Marine locale lui assure qu’Alban de Perthes a refusé de mener à bien une mission risquée et s’est suicidé par poltronnerie. Impensable pour son ami. Il se sou- Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 4/16 vient de leurs années à l’école navale, de leur bourlingage autour du monde sur le croiseur Jeanne-d’Arc. Il réfute la version officielle. Il ne veut pas en rester là. L’enquête est périlleuse. Pour découvrir une vérité qui ne peut être dite, Pierre va devoir emprunter le chemin parcouru par Alban, traquant les indices, rencontrant des purs et des lâches, des ambitieux et des révoltés, des cyniques et des résignés, tous hantés par le souvenir d’une insaisissable silhouette féminine. Il y a ce singulier personnage, Potemkine, sorte d’homme à tout (dé)faire à bord du navire, qui semble se jouer de Jouhannaud ; un mécanicien russe peu recommandable ; l’éthiopienne Eyodora, beauté mystérieuse par qui le drame est sans doute arrivé. Jouhannaud joue une partie délicate. Même les charmes de la vie coloniale, comme ce bordel à marins, Aux Belles Abyssines, recèlent de troublantes vérités. L’officier se mue en détective et serait le héros. A l’intrigue policière savamment menée, s’ajoute le bonheur romanesque d’un récit restituant avec brio l’atmosphère du Djibouti de la Seconde Guerre mondiale. Ce roman d’atmosphère ressuscite avec une vérité criante la vie coloniale telle que la connurent les soldats envoyés aux confins de l’Empire. Mœurs locales, choses vues narrées avec un souci de réalisme que soulignent les détails exotiques. Évocation colorée d’une ville où la misère côtoie le luxe. Ainsi procédait un Henry de Monfreid. Vénéneux, languissant, ce roman de Bernard Bonnelle est un roman d’aventures et de mer, qui n’est pas sans rappeler les récits de Joseph Conrad ou de Pierre Loti. On retrouve aussi le rythme et le trouble du Désert des Tartares de Buzzati. Le ton est toujours juste ; le style, impeccable d’élégance classique. Ce roman est celui d’un amoureux de la mer et de la marine. Le luxe de détails dont il abreuve son lecteur garantit l’authenticité de son récit. Quant à la touche de romanesque, elle est la cerise qui sublime la saveur du gâteau. On goûte à la justesse d’une histoire qui convoque la mer, la mort, l’amitié, le mystère et l’amour. C’est ainsi qu’il entreprit avec l’aide d’un de ses plus brillants disciples Xu Paul, la traduction des Éléments d’Euclide alors même que les raisonnements et concepts déployés étaient totalement étrangers à la pensée chinoise. Certaines des expressions forgées par les deux traducteurs sont encore partie intégrante de la terminologie chinoise. Matteo Ricci comprit également que l’inculturation était une condition de l’évangélisation de la Chine. Il s’imprégna ainsi des écrits de Confucius, qu’il considérait comme un autre Sénèque, et essaya de démontrer que confucianisme antique et christianisme étaient tout à fait compatibles. Il traduisit ainsi pour l’Occident les Quatre livres du confucianisme. Wanli, insigne honneur. Sur le monument l’inscription suivante a été portée : « A celui qui est venu attirer par la justice et à l’auteur de tant de livres ». Un colloque international tenu à l’Unesco en 2010 s’est penché sur ces questions en suivant l’itinéraire du missionnaire jésuite italien Matteo Ricci (1552-1610). Ce volume rassemble les réponses de quatorze intervenants qui font le point sur les circonstances du premier échange entre l’Europe et la Chine. Ils se replacent dans la perspective de la mondialisation qui, aujourd’hui, remet en question les valeurs communes des grandes civilisations. Ricci a-t-il divulgué en Chine des conceptions et des méthodes étrangères ou bien a-t-il bouleversé le discours des lettrés ? Comment la tradition confucéenne de pluralisme culturel et religieux pouvait-elle accueillir le monothéisme occidental ? Ces questions d’actualité sont, en Chine, très débattues. Boccace HHHII Marina Marietti Après une vie d’évangélisation Payot, 280 p., 25 €. et d’immersion dans l’Empire du Avec ceux de Dante et de PéMilieu, cet intellectuel prodigieux meurt à Pékin le 11 mai 1610 sur trarque, ses aînés, le nom de Bocun terrain donné par l’Empereur cace (1313-1375) brille au firma- Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 5/16 ment de cette culture humaniste italienne qui influença toute la Renaissance européenne. Considéré comme le créateur de la prose italienne et du genre de la nouvelle, il est surtout connu pour son Décaméron, dont le succès ne s’est jamais démenti, mais son œuvre est étonnamment féconde. Bien que le droit et le commerce l’intéressent peu, il s’intègre facilement à la cour du roi Robert de Naples où il a l’occasion de se lier avec des nobles de la cour de la Maison d’Anjou. Là, il commence également à cultiver ses connaissances littéraires, il lit les classiques latins, la littérature chevaleresque française, Dante et Pétrarque. Il commence également à rédiger ses premiers textes d’inspiration courtoise, en prose, comme le Filocolo, ou en vers, comme le Teseida. Il compose également un poème épique sur la guerre de Troie : le Filostrato. Enfin, c’est à Naples qu’il vit sa première passion amoureuse pour une dame qu’il surnomme Fiammetta. À la fin de l’année 1340, il rentre à Florence en raison de la faillite des Bardi. Le retour est douloureux : Boccace est triste de quitter Naples et se retrouve dans une situation économique difficile. Cependant, il rencontre Pétrarque avec qui il se lie d’amitié. Dès sa jeunesse, il s’est occupé de poésie ; son admiration pour Dante ne lui permettant pas d’aspirer au premier rang parmi les poètes, il s’est flatté d’obtenir le second mais dès qu’il connaît les poésies italiennes de Pétrarque, il perd tout espoir et jette au feu la plus grande partie de ses d’arrêter et il meurt à Certaldo en vers lyriques, sonnets, chants et 1375, un an après la disparition de Pétrarque. autres poésies amoureuses. À l’occasion du septième centenaire de la naissance du conteur, cette première biographie française depuis un siècle met avant tout l’accent sur son rôle de passeur culturel. Passeur de la littérature chevaleresque en langue d’oïl, qui inspire ses premiers poèmes courtois lors de sa jeunesse napolitaine à la brillante cour du roi Robert d’Anjou. Passeur surtout dans l’Europe chrétienne de ces grands auteurs oubliés de l’Antiquité : Tacite, dont il redécouvre les manuscrits dans la célèbre bibliothèque de l’abbaye du Mont-Cassin et Homère qu’il traduit en latin avec l’aide d’un érudit grec. L’auteur souligne aussi l’engagement citoyen de ce fils de riche marchand, républicain convaincu de la libre commune de Florence, en butte à l’expansionnisme des Visconti, et ambassadeur de sa ville auprès du Pape. Interprète des aspirations de la nouvelle bourgeoisie intellectuelle à laquelle il appartient, Boccace est aussi l’interprète du réel quand il se fait le témoin de la terrible peste qui ravagea l’Europe en 1348 dans son chefd’œuvre, le Décaméron, ou quand il donne libre cours à ses pulsions amoureuses déçues dans le Corbaccio, violente satire misogyne. Retiré à Certaldo, il vit la fin de sa vie dans la misère. Enfin, en 13731374, il est invité par la ville de Florence à faire la lecture publique de la « divine comédie » de Dante dans l’église Santo Stefano di Badia. Mais sa mauvaise santé le contraint Des chrétiens contre les croisades HHHII Martin Aurell Fayard, 420 p., 24 €. Pour de nombreux historiens et écrivains, les croisades auraient été une pulsion unanime des Occidentaux pour conquérir les territoires des religions concurrentes et imposer partout leur culture. Encore récemment des films et des discours politiques ont véhiculé ce mythe. Ce livre rompt définitivement avec le fantasme d’un consensus autour des guerres des croisés, ces pèlerins armés partis conquérir les lieux saints, soutenir les royaumes chrétiens d’Orient, voire rétablir la foi catholique dans des provinces dissidentes, en particulier contre les Cathares. Au terme d’une enquête minutieuse à travers les archives et les chroniques médiévales, Martin Aurell fait resurgir les puissantes voix des chrétiens qui se sont élevés contre le pape et les princes prétendant libérer Jérusalem par la force, alors même que Jésus avait refusé à Pierre le droit de prendre le glaive pour se défendre en ce Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 6/16 même lieu. Il révèle comment des prêtres, des moines et même des troubadours se sont dressés contre les exactions des hommes d’armes. Ils ont condamné les pogroms en Allemagne, les violences des chevaliers envers des populations désarmées, le pillage des villes, l’avidité des grands ordres militaires, dont les Templiers ou les Teutoniques. En réhabilitant les grandes consciences qui ont plaidé avec une étonnante précocité pour la tolérance, l’auteur réhabilite un humanisme ancré dans la foi. Ce livre constitue donc une première. Grâce aux auteurs critiques, il dévoile des pages méconnues de l’histoire des Croisades. Il modifie en conséquence notre regard sur la violence au Moyen Âge. Le congrès de Vienne que le Sénat proclame Louis XVIII roi. Le 23 avril, une convention signée par le comte d’Artois livre cinquante-trois forteresses que les troupes françaises tiennent encore en Allemagne, en Italie et en Belgique ramenant la France à ses limites d’avant janvier 1792. Elle est suivie du traité de Paris du 30 mai 1814 qui règle le sort de la France. Conformément à ce traité, un congrès doit se réunir à Vienne pour régler le sort des territoires repris à Napoléon, congrès qui est convoqué en septembre avant de débuter en novembre. Ce livre offre une analyse d’un événement fondateur de l’Europe contemporaine, le Congrès de Vienne qui tentera de réorganiser une Europe bouleversée par 22 années de guerre. Parmi les délégations, celle de la France est présidée par Talleyrand, personnage très apprécié pour son talent diplomatique. Perrin, 400 p., 24 €. De novembre 1814 à juin 1815, entre Restauration et Empire, se tient dans la capitale autrichienne la plus grande réunion diplomatique du XIX°siècle destinée à réorganiser une Europe bouleversée par des années de guerres. Elle fut bien plus qu’un tourbillon de fêtes, de bals et de spectacles. En 1814 se forme une alliance entre le Royaume-Uni de GrandeBretagne et d’Irlande, l’Empire russe, le royaume de Prusse et l’Empire d’Autriche. Malgré une série de victoires (batailles de Champaubert, Montmirail…) remportées par Napoléon, Paris tombe le 31 mars 1814 et les maréchaux forcent l’Empereur à abdiquer pendant Le congrès de Vienne est une conférence des représentants diplomatiques des grandes puissances européennes. Les pays vainqueurs de Napoléon Ier ainsi que les autres États européens se réunissent pour rédiger et signer les conditions de la paix et donc déterminer les frontières et tenter d’établir un nouvel ordre pacifique. Le congrès de HHHII Thierry Lentz Vienne permet également la discussion sur la libre circulation navale, l’abolition de la traite des Noirs (et non pas de l’esclavage), qui persiste cependant, et la mise en avant de la neutralité de la Suisse et de la neutralité de la Savoie. Dans cette ample machinerie de 300 délégations, le Français Talleyrand, représentant des vaincus, sut manœuvrer avec maestria. Mais l’épisode des Cent-Jours vint tout compromettre, et le congrès reste, pour les Français, un mauvais souvenir. Ont-ils raison ? « Mon but, explique l’auteur, a certes été de raconter l’événement ? ce qui vaut la peine ? mais aussi (…) d’évaluer l’importance de ses rebondissements, d’analyser ses décisions et leurs conséquences, sans me priver d’aller me promener dans ses coulisses ». Détaché du point de vue gallocentrique, cet ouvrage est en vérité le premier qui embrasse ce congrès dans toutes ses dimensions, en le rendant pleinement à son temps. Le congrès se poursuit pendant les « Cent-Jours » et prend fin seulement neuf jours avant la seconde abdication de Napoléon, les Alliés étant décidés à se défaire de lui définitivement. Après la bataille de Waterloo, qui marque la défaite définitive de Napoléon, la France doit accepter un second traité de Paris dont les conditions de paix sont plus rigoureuses qu’en 1814. Au congrès c’est la vision anglo-autrichienne qui l’emporte : recherche de l’équilibre européen et retour des rois légitimes, sans jamais donner satisfaction aux aspirations des peuples à l’unité natio- Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 7/16 nale, par le biais de l’indépendance (Belgique, Pologne, chrétiens des Balkans) comme de l’unification (Italie et en partie Allemagne), ou à un régime constitutionnel. Finalement, en consacrant les principes de légitimité et de restauration monarchique au mépris du droit des nationalités, les hommes de Vienne, à l’instar de l’Autrichien Metternich, jettent les bases des révoltes libérales qui, en 1848, secoueront l’Europe entière lors du Printemps des peuples. Intelligence économique, mode d’emploi HHHII Arnaud Pelletier et Patrick Cuenot Pearson, 280 p., 29 €. Pour obtenir un avantage compétitif décisif, il est indispensable de savoir délivrer l’information stratégique et utile au bon moment, à la bonne personne et dans le bon contexte. Pourtant, rares sont les entreprises qui pratiquent avec succès l’intelligence économique. Comment définir réellement l’intelligence économique ? Quel rôle joue-t-elle dans et pour l’entreprise ? Existe-t-il un mode d’emploi efficace pour maîtriser l’information stratégique de son entreprise ? C’est tout l’enjeu de cet ou- et professions libérales, ainsi qu’aux vrage. De la veille au lobbying, du étudiants en management. renseignement à la stratégie, de la L’éducation gestion des risques au benchmarà l’âge du « gender » king, de la gestion de crise au knowledge management, vous apprendrez à maîtriser, à travers quatorze outils fondamentaux, toutes les applications simples et concrètes pour entamer une démarche d’intelligence économique au sein de votre organisation grande ou petite. Une action indispensable dans une économie HHHII ouverte où l’information et la connaissance sont devenues des Collectif enjeux stratégiques. Salvator, 130 p., 15 €. L’intelligence économique n’est pas réservée aux institutions et aux grands groupes internationaux. Toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit se saisir de ce concept de management du XXIe siècle pour faire face à la mondialisation, gérer les aspects défensifs, quotidiens et offensifs, afin non seulement de ne pas perdre face à la concurrence, mais aussi de gagner des parts de marchés. Ce livre est destiné à éviter les crises et des problèmes, car l’évitement est un mode de management tout à fait adapté à la situation mouvante dans laquelle nous sommes. L’intelligence économique c’est aussi la capacité de gérer les crises et de rebondir. Cet ouvrage, très accessible et pratique, est enrichi d’une grille d’audit opérationnelle, de nombreux schémas explicatifs et de liens vers des sites internet pour aller plus loin. Il est destiné tant aux grandes entreprises qu’aux TPE/PME Dans le prolongement des controverses récentes sur l’introduction d’éléments des gender studies dans les programmes scolaires en lycée, ce petit livre propose un éclairage très critique mais nécessaire, afin de mieux comprendre les graves enjeux anthropologiques et éducatifs qui sous-tendent les débats autour du gender, et plus largement des nouvelles idéologies remettant en cause toute idée de nature humaine. Les six auteurs, philosophes confirmés ou théologien de renom, donnent tous les éléments souhaitables pour poser à frais nouveaux la question cruciale sans laquelle il n’y a pas d’avenir éducatif : Dans quelle vision de la personne voulons-nous nous inscrire – parents, enseignants, responsables de mouvements éducatifs – nous qui avons la mission d’accompagner les jeunes dans leur croissance ? Un livre utile et nécessaire à tous les parents et mêmes aux adolescents. Aller : à la SUITE des « Notes de lecture » du mois - au dossier d’origine Notes de lecture de Georges Leroy, mai 2013 – Aller => au dossier d’origine => à l’accueil du Réseau-regain 8/16