RESOLUTION SUR LA DIFFAMATION PENALE

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RESOLUTION SUR LA DIFFAMATION PENALE
RESOLUTION SUR LA DIFFAMATION PENALE ET LOIS SUR LES INSULTES
Assemblée des délégués de PEN International, rencontre à son 80ème Congrès Mondial à
Bishkek en Kirghizistan du 29 septembre au 02 octobre 2014
Un certain nombre de pays ont des lois qui criminalise la diffamation, imposant des sanctions
sévères allant à l’emprisonnement pour ceux qui portent atteinte à la réputation d’autrui. Ces lois
sont quelquefois couplées avec d’autres lois qui rendent illégales la critique des présidents et
autres personalités publiques; ces lois sont connues sous le nom de lois sur les insultes. Ces lois
sont souvent utilisées pour faire taire les critiques.
Le droit civil existe pour fournir une exonération et une restitution quand une personne porte
atteinte ou menace de porter atteinte aux intérêts d’une autre personne sans raison. Un individu
ou une institution qui pense avoit été diffamé peut récourir à une action civile pour restorer sa
réputation et exiger des dommages-intérêts.
Criminaliser la diffamation a l’effet d’introduire des sanctions disproportionnées quant à
l’expression d’une opinion ou la publication d’une allégation, et cela restraint sévèrement la
possibilité à l’écrivain de publier une opinion, une allégation ou même un fait qui aurait le
potentiel de nuire à autrui par peur d’une accusation, un possible emprisonnement et un casier
judiciaire long-terme. Criminaliser la critique des autorités étouffe sévèrement le réportage et le
débat public.
Ces lois ont l’effet de criminaliser le travail quotidien des journalistes, par exemple faire des
réportages sur la critique des personalités publiques ou les allégations de leur mauvaise conduite
et un débat public autour de ces faits.
Bien que nous réconnaissons que chaque citoyen a le droit de prendre des actions légales pour
protéger sa réputation des diffamations malicieuses, nous croyons aussi qu’une réparation civile
est adéquate dans ces instances et la poursuite pénale étouffe la critique des personalités
publiques et empêche le débat public. Les personalités publiques doivent être ouvertes à la
scrutinie et même aux critiques s’ils doivent rendre compte de leurs actes au public.
Il y a de nombreux exemples de l’usage de ces lois pour étouffer la libre expression. Par
exemple:
*en Juillet 2013, les autorités dans le Somaliland ont utilisé les lois sur la diffamation pour
condamner Mohamed Ahmed Jama et Hussein Hassan Abdullahi, respectivement manager et
éditeur du quotidien Hubaal à un et deux ans de prison respectivement. Le quotidien avait
publié des articles qui impliquaient la Première Famille et le consulat Ethiopen dans une affaire
de corruption des produits d’approvisionnement et l’importation de marchandises illégales.
*Le 13 Décembre 2009, le bloggeur Iranien Hossein Ronaghi-Malerki a été arrêté pour avoir
discuté de la politique dans un nombre de blogs critiques qui avaient été bloqués par le
gouvernement. Il a été rétenu en détention provisoire dans un cachot pendant 10 mois, avant
d’être jugé et réconnu coupable des charges d’“Insulte au Guide Suprême”, “Insulte au
Président”, “Appartenance au groupe internet Iran Proxy”, un groupe contre la censure dont il
était le fondateur et la charge de “Faire la propagande contre le système”. Il a été emprisonné à
15 ans. Le bloggeur a développé la maladie des reins pendant qu’il était en prison, probablement
en raison de la torture. Brièvement permis une sortie médicale en 2012, il a été re-arrêté avant
les élections présidentielles. Il est toujours en prison et ses appels à l’accès à un traitement
médical sont ignorés.
*En Avril 2014, une court Thailandaise a formellement inculpé deux journalistes, Alan Morison
et Chutima Sidasathian du site Phuketwan de diffamation. Les accusations, portées par un
officier de la marine, proviennent d’un paragraphe dans un article que les deux journalistes ont
publiés concernant une allégation de traffic de musulmans Rohingya, personnes ayant fui les
persécutions en Burmanie, par des éléments incontrôlés de l’armée Thailandaise. Morison et
Chutima risquent un maximum de sept ans d’emprisonnement.
*En Juillet 2013, le novelliste, essayiste et journaliste Turque Ahmet Altan a été rendu coupable
d’avoir commis une diffamation criminelle contre le Premier Ministre Turque Recep Tayyip
Erdoğan et s’est vu imposer une amende de €2800 commuée en un terme d’emprisonnement de
11 mois. Le cas était en rélation avec un article confrontant le Premier Ministre sur sa défense et
son réfus de s’excuser pour le massacre de Roboski pendant lequel 34 civils Kurdes qui
traversaient la frontière entre l’Irak et la Turquie ont perdu leurs vies à la suite d’une attaque
aérienne turque. Son appel est en cours.
*En Avril/Mai 2014, deux journalistes Brésiliens ont été réconnus coupables de diffamation.
Ricardo Boechat, animateur d’une émission d’information sur la chaîne de télé Bandeirantes a
été condamné à six mois et 16 jours de prison suspendu en faveur d’un service à la communauté
pour avoir accusé un sénateur local de corruption et de népotisme. Aguirre Talento, un
journaliste pour le quotidien A Tarde, a reçu un terme d’emprisonnement de six mois, suspendu
en faveur d’un service à la communauté et d’une amende pour avoir fait allusion à l’investigation
des autorités enquêtant sur un homme d’affaires accusé d’être en non-conformité avec les lois
environnementales sur un projet de construction.
*En Afrique du Sud, l’ancien journaliste du Sowetan, Cecil Motsepe a été condamné à 10 mois
de prison ou à payer une amende de 10 000 Rands suspendu à quatre ans après avoir été réconnu
coupable de diffamation pour avoir accusé un magistrat d’être lénient avec les coupables Blancs.
Il y a de plus en plus un consensus à l’échelle internationale que la diffamation viole les droits
fondamentaux à la liberté d’expression. Les Nations Unies et le OSCE réconnaissent la ménace
posée par les lois de diffamation et ont récommandé qu’elles soient abolies. Le Comité des
droits de l'homme des Nations Unies, l'organe indépendant d'experts qui fournit l'interprétation
définitive du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), a déclaré que «au
moins en ce qui concerne les commentaires sur les personalités publiques, il faudrait envisager
d'éviter de pénaliser ou de rendre de fausses déclarations qui ont été publiés dans l'erreur mais
sans méchanceté. ... Les États parties devraient envisager la dépénalisation de la diffamation et,
en tout état de cause, l'application de la loi pénale ne doit être tolérée que dans les cas les plus
graves et l'emprisonnement n'est jamais une sanction appropriée ".
L'Assemblée parlementaire de l'OSCE a appelé à l'abolition de toutes les lois qui prévoient des
sanctions pénales pour la diffamation de personnalités publiques ou qui pénalisent la diffamation
de l'État ou des organes de l'État. Les Mandats Spéciaux des Nations Unies, de l'OSCE et de
l'OEA sont allés encore plus loin en affirmant que “la diffamation n'est pas une restriction
justifiable à la liberté d'expression; toutes les lois pénales sur la diffamation devraient être
abolies et remplacées le cas échéant, avec des lois appropriées sur la diffamation civile".
La Déclaration de Table Mountain, adoptée par l'Association mondiale des éditeurs de journaux
et d’information et le forum mondial des éditeurs en 2007, a appelé les "Etats à abroger les lois
sur les insultes et la diffamation afin de promouvoir les normes les plus élevées de la liberté de la
presse en Afrique". La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a, en
Novembre 2010, décidé que “les lois pénales sur la diffamation constituent une atteinte grave à
la liberté d'expression et entravent le rôle des médias en tant que gardien, empêchant les
journalistes et les professionnels des médias à exercer leur profession sans crainte et avec bonne
foi ".
L’Assemblée Générale de PEN International appelle tous les gouvernements à:
*Abroger les lois sur les insultes et la diffamation
*Abandonner toutes les charges existantes contre les écrivains et les journalistes dans le
cadre des lois sur les insultes et la diffamation
*Libérer tous les écrivains et journalistes présentement détenus ou emprisonnés sur des
charges de diffamation