Actualité - La Gazette du Palais

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Actualité - La Gazette du Palais
Ac tu a l it é
262c6
262c3
La phrase
“ Il était utile de renforcer
[l]e contradictoire en permettant
la présence de l’avocat dans la
procédure et de permettre de
créer des mesures renforçant
la possibilité d’exercer des
recours.
”
Le garde des Sceaux, Jean-Jacques
Urvoas, le 22 mars dernier, lors de son
audition par la commission sénatoriale
sur le projet de loi de lutte contre le
crime organisé, le terrorisme et leur
financement.
262c6
262c2
Le chiffre
L’indiscret
713
C’est le nombre d’affaires
introduites en 2015
devant la Cour de justice
de l’Union Européenne,
soit une augmentation de
près de 15 % par rapport
à 2014 et un record
absolu dans l’histoire
de la cour, comme celui
du nombre de pourvois
(215) qui a quasiment
doublé en un an.
(Source : CJUE)
Le bâtonnier de Paris, Fréderic
Sicard, a proposé au ministre de
la Justice, Jean-Jacques Urvoas,
de prendre en charge le coût
financier des forces de sécurité
pour permettre l’accès du Palais
de justice par le 7 rue Harlay,
à défaut du 36 quai des orfèvres.
Une proposition refusée pour le
moment par le ministère.
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Professions
Le secret de l’avocat victime des vapeurs toxiques du bismuth 262c5
Par trois arrêts rendus le 22 mars dernier, la Cour de cassation a notamment validé les écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qui ont conduit à la mise en examen
de l’ancien président en juillet 2014 pour corruption et trafic d’influence. En revanche, elle a annulé
les écoutes intervenues entre Thierry Herzog et le bâtonnier de l’époque, Pierre-Olivier Sur.
Selon les chimistes, il faut se garder des vapeurs du
bismuth car elles sont toxiques. Les avocats viennent de
l’apprendre à leurs dépens ! Le 22 mars dernier, la Cour
de cassation a validé la quasi-totalité des écoutes entre
Nicolas Sarkozy (alias Bismuth sur la ligne écoutée)
et son avocat Thierry Herzog. Dans cette affaire,
Nicolas Sarkozy est mis en examen pour corruption
et trafic d’influence pour avoir tenté d’obtenir des
informations sur un procès en cours auprès d’un
magistrat de la Cour de cassation. L’ancien chef de
l’État contestait la validité des écoutes ayant révélé les
faits incriminés, au motif qu’il s’agissait d’échanges
entre lui et son avocat. Il n’a pas convaincu les hauts
magistrats. Dans son arrêt, la Cour souligne qu’aucune
disposition ne s’oppose à la captation, l’enregistrement
et la retranscription des propos d’un avocat sur la
ligne d’un tiers régulièrement placé sur écoute « dès
lors que (…) cet avocat n’assure pas la défense de la
personne placée sous surveillance, qui n’est ni mise en
examen ou témoin assisté, ni même placée en garde
à vue dans la procédure en cause ». Cette partie de la
motivation met le bâtonnier de Paris, Frédéric Sicard,
en colère : « la Cour de cassation a trouvé nécessaire
de dire que la conversation entre l’avocat et son client
pouvait participer à l’administration de la preuve
et qu’en aucun cas il n’existait de statut particulier
protégeant cette conversation téléphonique dès lors
que le client n’est pas l’objet d’une procédure pénale.
Cela revient à affirmer qu’il n’y aurait donc aucun
secret dans le conseil et la défense civile. Or le conseil
représente 70 % de l’activité du barreau de Paris ». Et
le bâtonnier d’ajouter : « le secret a la même valeur
en matière pénale, qu’en divorce ou en droit des
affaires. Soutenir le contraire c’est témoigner d’une
régression de la démocratie ». Réagissant sur Twitter
à l’annonce de la décision, le pénaliste Éric Morain
résume la situation en une formule choc : « quand
je conseille, je défends. Quand je propose, suggère,
analyse, émets une opinion, envisage, je conseille, donc
je défends ». La Cour ajoute qu’en l’espèce « ses propos
(NDLR : ceux de l’avocat), (…) révèlent des indices de
sa participation à des faits susceptibles de qualification
pénale », ce qui constitue une deuxième raison de
valider les écoutes. « Dans ce cas, pour Frédéric Sicard,
« il ne s’agit plus d’un avocat, mais d’un délinquant » »
note un article du Mondedu 22 mars dernier (J.B.
Jacquin, « Le bâtonnier de Paris scandalisé par l’arrêt
de la Cour de cassation sur les écoutes Sarkozy » : Le
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A ct u al i t é
Monde, 22 mars 2016). La phrase a ému une partie
du Barreau qui y a vu une violation de la présomption
d’innocence. Contacté par nos soins, le journaliste du
Monde confirme qu’il s’agit d’une mauvaise lecture
de sa phrase et que le bâtonnier n’a jamais voulu dire
que Thierry Herzog était coupable de quoi que ce
soit. Le bâtonnier voulait simplement signifier que,
contrairement au premier argument de la Cour sur la
protection limitée à la défense pénale, celui-ci est hélas
classique. « Mon confrère Thierry Herzog est présumé
innocent et il est innocent. Aucune procédure n’est
ouverte à son encontre à l’ordre » martèle Frédéric
Sicard pour dissiper tout malentendu.
Il est temps de sonner la fin de la récréation !
Cela fait des mois que les avocats tirent la sonnette
d’alarme sur la protection des libertés, a fortiori depuis
que le Gouvernement a décrété l’état d’urgence. « Nous
sommes un des rares pays qui ne tient pas compte du
caractère indispensable du secret comme participant
de la bonne administration du droit et de la justice,
s’indigne le bâtonnier de Paris. Il est temps de sonner
la fin de la récréation et d’inscrire enfin les droits de
la défense dans la Constitution, comme le réclame en
ce moment le barreau de Paris devant le Parlement ».
Seul point positif dans la décision du 22 mars, la
reconnaissance du secret encadrant la relation entre un
avocat et son bâtonnier. « Attendu qu’il se déduit de
ces textes que, même si elle est surprise à l’occasion
d’une mesure d’instruction régulière, la conversation
téléphonique, dans laquelle un avocat placé sous écoute
réfère de sa mise en cause dans une procédure pénale
à son bâtonnier, ne peut être transcrite et versée au
dossier de la procédure, à moins qu’elle ne révèle un
indice de participation personnelle de ce dernier à une
infraction pénale ». Le bâtonnier en l’espèce, c’était
Pierre-Olivier Sur. Comme ses confrères, il s’indigne
de la validation des écoutes : « c’est la consécration
jurisprudentielle de la pratique des filets dérivants
dans laquelle on écoute sans savoir ce que l’on cherche
mais en pensant qu’on trouvera quelque chose ». En
revanche, il attire l’attention sur le progrès contenu
dans l’arrêt : « La Cour de cassation, en reconnaissant
un secret général et absolu dans les relations que
le bâtonnier entretient avec ses confrères, renforce
considérablement la fonction institutionnelle du
bâtonnier ». Un arrêt qui, pour Pierre-Olivier Sur,
résonne en écho avec une ordonnance du président
du TGI de Paris, Jean-Michel Hayat, statuant en tant
que juge des libertés et de la détention, qui a ordonné,
le 9 octobre 2014, la restitution de deux téléphones
portables à usage professionnel appartenant à un
bâtonnier, saisis lors d’une perquisition au cabinet et au
domicile de ce dernier (ordonnance reproduite infra).
« Grâce à ces deux décisions, le risque de perquisition
de l’ordre s’écarte, semble-t-il, définitivement » estime
l’ancien bâtonnier. Frédéric Sicard de son côté, tout
en reconnaissant l’avancée contenue dans l’arrêt,
est moins enthousiaste : « Qu’est-ce que c’est que ce
pouvoir de vérification qui s’exerce sur la conversation
pour conclure que le bâtonnier n’a pas participé
personnellement à la commission d’une infraction ? Il
suffisait de dire : c’est une conversation entre un avocat
et son bâtonnier, elle est donc couverte par le secret ».
Clin d’œil du destin, le 23 mars dernier, soit le
lendemain des arrêts, Claire Waquet, avocate au
Conseil d’État et à la Cour de cassation, plaidait devant
la haute juridiction judiciaire deux QPC relatives à la
question des écoutes d’avocat. La première s’interroge
sur le fait que les retranscriptions de conversations
entre un avocat et son client, dans le cas où il existe des
indices de participation de l’avocat à une infraction,
ne sont encadrées par aucune garantie, alors même
qu’elles constituent une atteinte au secret professionnel
de l’avocat (CPP, art.100-5). La deuxième critique la
possibilité, via l’article 100-7 du Code de procédure
pénale, d’écouter les avocats à la seule condition de
prévenir le bâtonnier, ce qui a pour effet de permettre
aux policiers d’écouter un avocat durant des mois sans
aucun contrôle ni aucune garantie. Réponse le 6 avril
prochain.
Olivia Dufour
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Veille normative (du 22 au 25 mars 2016) 262a1
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ENVIRONNEMENT
D. n° 2016-333, 21 mars 2016 portant application de l’article L. 597-28 du Code
de l’environnement et relatif à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie
nucléaire : JO 22 mars 2016
PÉNAL
L. n° 2016-339, 22 mars 2016, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités,
contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les
transports collectifs de voyageurs : JO 23 mars 2016
PUBLIC
A. 21 mars 2016, fixant le modèle d’avis pour la passation des contrats de concession :
JO 24 mars 2016
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Actual ité
Extraits de l’ordonnance rendue par le président du TGI de Paris, J.M. Hayat,
le 9 octobre 2014
Nous, Jean-Michel Hayat,
président du tribunal de grande instance de Paris,
Vu les articles 56, 56-1, 92 et suivants du Code de procédure pénale,
Agissant par application de l’article 56-1 du Code de procédure pénale dans une procédure d’information ouverte contre
X […] du chef de destruction et dégradation de biens mobiliers et immobiliers appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, incendiaire ou de nature à créer un danger pour les personnes commis en bande organisée et autres.
Vu la note d’information adressée le 29 septembre 2014 par M[…] président instruction, au président du tribunal de
grande instance de Paris, l’avisant de son intention de procéder le lundi 6 octobre 2014 à… une perquisition au domicile,
au cabinet et dans les véhicules de maître […] bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau…
Vu le procès-verbal de transport sur les lieux du 6 octobre 2014,
Vu le procès-verbal de saisine de pièces à conviction du 6 octobre 2014,
Vu l’ordonnance du magistrat instructeur en date du 6 octobre 2014 saisissant le président du tribunal de grande instance
de Paris, exerçant les attributions de juge des libertés et de la détention au motif que le représentant de l’ordre des avocats […] s’est opposé à la saisie de deux téléphones mobiles Iphone 4S et Iphone 5S saisis respectivement au cabinet et
au domicile de maître […]
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Le législateur a entendu définir des règles protectrices à l’occasion de perquisitions effectuées dans les cabinets d’avocats afin de s’assurer qu’il ne soit pas porté d’atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et à celui des droits de
la défense.
S’agissant de perquisitions au cabinet et au domicile du bâtonnier, le législateur a entendu confier le contrôle de ces
règles protectrices au président du tribunal de grande instance.
En l’espèce il n’est pas contesté que les deux téléphones mobiles Iphone 4S et Iphone 5S saisis respectivement au cabinet
et au domicile de M. le bâtonnier […] étaient l’un et l’autre utilisés à des fins essentiellement professionnelles.
Il apparaît que la difficulté a été portée à la connaissance du représentant de l’ordre des avocats du barreau par le magistrat instructeur lors des opérations de perquisition ce qui a conduit le représentant de l’ordre des avocats à s’opposer à
leur saisie, comme toutes les parties présentes à l’audience de ce jour, l’ont souligné.
Par ailleurs, il n’a pas été porté à notre connaissance le document, la pièce, le courrier électronique, le « contact » dont
les coordonnées, les messages seraient détachables de l’activité d’avocat mais aussi de bâtonnier, afin de pouvoir être
saisis et exploités dans le cadre de l’information en cours.
En effet s’il est possible de comprendre ce qui est recherché, si l’on se réfère à la décision de perquisition du 2 octobre
2014, c’est bien « tous les éléments écrits, sur support papier ou informatique susceptibles de caractériser une participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme », il s’agit là essentiellement de
l’expression d’un souhait de découvrir une pièce de nature à orienter une enquête et non de rechercher un élément de
preuve clairement déterminé, à ce stade de l’enquête.
La seule recherche exprimée précisément concerne « tous les éléments écrits sur support papier ou informatique
concernant la vente et la location du […] »
Or, si l’on se réfère aux éléments du dossier portés à notre connaissance – non dans leur intégralité, en raison de l’interrogatoire de première comparution qui nous a conduit à ne pas le solliciter pour permettre à la défense de Monsieur le
bâtonnier […] d’avoir accès à l’original – sans reporter le présent débat au lendemain dans le seul souci de respecter le
principe essentiel de la présomption d’innocence – il semble bien que les investigations effectuées concernant la location
de ce […] ont été, à ce stade de la procédure, minutieusement conduites. Au surplus, il n’est aucunement démontré que
les téléphones portables utilisés par M. le bâtonnier […] ont été utilisés à des fins délictueuses ou criminelles, ou dans
la préparation des faits, objets de l’information en cours.
Dès lors, sur la base des éléments à notre disposition, le magistrat instructeur ne permet pas au président du tribunal de
grande instance de Paris exerçant les fonctions de juge des libertés et de la détention d’exercer un contrôle suffisamment
rigoureux de nature à éviter, sous quelque forme que ce soit, que soit portée une quelconque atteinte au libre exercice
de la profession d’avocat, au respect du secret professionnel et à celui des droits de la défense mais aussi au respect de
la confidentialité qui s’attache aux fonctions de bâtonnier en exercice, dans sa relation avec l’ensemble des confrères de
son barreau.
C’est au regard de ces principes qui fondent les libertés individuelles dans un état de droit, qu’il convient de ne pas procéder à la saisie des deux téléphones à usage professionnel appartenant à M. le bâtonnier […] d’ordonner leur restitution
[...];
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