8. Jean-Paul II et la miséricorde
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8. Jean-Paul II et la miséricorde
8. Jean-Paul II et la miséricorde Même si Jean-Paul II n’a pas été le plus grand apôtre de la miséricorde, et même si la miséricorde ne revient pas aussi souvent dans ses paroles que dans celles du pape François, sans le saint pape polonais, l’amour miséricordieux du Père serait resté un don de Dieu quelque peu oublié. 1. La miséricorde à l’épreuve de sa vie Karol Wojtyla a vécu des temps difficiles. Les années de la Seconde Guerre Mondiale puis celles du communisme en Pologne, puis encore lors de son pontificat, il a été confronté aux problèmes les plus graves et les plus divers de ce bas-monde. D’où le fait que ses discours sur la miséricorde ne sont pas ceux d’un théoricien, mais d’une personne qui sait ce qu’est de souffrir, d’expérimenter le drame du péché humain et de la misère humaine. Conscient des menaces existantes, il écrit en 1980 : « Une exigence aussi importante, dans ces temps critiques et difficiles, me pousse à découvrir encore une fois dans le Christ lui-même le visage du Père, qui est le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (Cf. 2 Co 1, 3) » Dives in misericordia (1). Être miséricordieux, c’est apporter Dieu dans les drames humains. Et même si nous-mêmes nous n’expérimentons pas directement de si grandes difficultés, il n’est pas besoin de s’aventurer bien loin pour rencontrer des gens pour lesquels la miséricorde est l’unique salut. 2. Miséricorde et patience Avant de devenir pape, Karol Wojtyła a vécu à Cracovie. Il a ainsi pu observer, et plus tard encourager le développement du culte de la Divine Miséricorde naissant autour de la vocation de sœur Faustine. On notera particulièrement sa vive résistance contre l’interdiction de diffuser le culte de la Divine Miséricorde alors en vigueur dans l’Église - entre 1959 et 1978, soit pendant la période de son épiscopat à Cracovie. Comme évêque, puis comme cardinal, il n’a jamais critiqué la décision du St Siège sur ce sujet, mais dans les limites de ce qu’il pouvait faire, et avec le soutien d’autres évêques polonais, il s’est efforcé de faire lever l’interdiction. Être miséricordieux signifie savoir attendre. Savoir comprendre ceux qui n’auraient pas encore compris. Faire confiance à Dieu, qui en définitive, décide du temps et du lieu de son action. 3. La miséricorde dans ses paroles St Jean-Paul II n’a pas si souvent parlé de miséricorde. Mais deux ans après son élection sur le trône de St Pierre, il publie la première encyclique consacrée à ce mystère. Dives in misericordia qui a pour sous-titre « sur la miséricorde divine ». C’est une lecture obligée pour qui veut comprendre la miséricorde. Il faut également lire l’homélie de canonisation de Sœur Faustine en 2000, et les paroles du dernier voyage de Jean-Paul II en Pologne en 2002. Dans l’encyclique, on peut lire à divers endroits : Je désire donc que les considérations présentes rendent ce mystère plus proche pour tous, et qu'elles deviennent en même temps un vibrant appel de l'Eglise à la miséricorde dont l'homme et le monde contemporain ont un si grand besoin. Ils en ont besoin, même si souvent ils ne le savent pas. (2) La miséricorde se manifeste dans son aspect propre et véritable quand elle revalorise, quand elle promeut, et quand elle tire le bien de toutes les formes de mal qui existent dans le monde et dans l'homme. Ainsi entendue, elle constitue le contenu fondamental du message messianique du Christ et la force constitutive de sa mission.(6) Des théologiens affirment que la miséricorde est le plus grand des attributs de Dieu, la plus grande de ses perfections; la Bible, la Tradition et toute la vie de foi du peuple de Dieu en fournissent des témoignages inépuisables.(13) Pour la canonisation de Sœur Faustine, le pape Jean-Paul II nous dit : Jésus nous a ensuite indiqué les multiples voies de la miséricorde, qui ne pardonne pas seulement les péchés, mais répond également à toutes les nécessités de l'homme. Jésus s'incline sur toute forme de pauvreté humaine, matérielle et spirituelle. Mais la lumière de la miséricorde divine, que le Seigneur a presque voulu remettre au monde à travers le charisme de Sœur Faustine, illuminera le chemin des hommes du troisième millénaire. Et encore en 2002 au cours de son dernier séjour dans sa Patrie: Face aux formes modernes de pauvreté qui, comme je le sais, ne manquent pas dans notre pays, nous avons besoin aujourd'hui d'une "imagination de la charité", dans un esprit de solidarité envers le prochain, afin que l'aide soit un témoignage de "partage fraternel" […] Une "imagination de la charité" est nécessaire, pour pouvoir aider un enfant démuni matériellement et spirituellement; pour ne pas tourner le dos au jeune garçon ou à la jeune fille happé par le monde des diverses dépendances ou du crime; pour apporter conseil, réconfort, soutien spirituel et moral à ceux qui entreprennent une lutte intérieure contre le mal. » Être miséricordieux, c’est également savoir parler de la miséricorde. Jean-Paul II nous apprend comment en parler pour que cela ne soit pas de simple palabres humaines, ce dont le bon Dieu n’a pas besoin, ni une discussion stérile sur Dieu qui n’aide pas les hommes. 4. Miséricorde et gouvernement Les décisions de Jean-Paul II peuvent être qualifiée de grâce. Elles sont d’importantes bornes dans le développement du culte de la Divine Miséricorde. Déjà lorsqu’il est évêque de Cracovie, commence le procès en béatification de Sœur Faustine (faisant suite aux travaux du père Różycki). En 1993, sœur Faustine est béatifiée par Jean-Paul II. En 1985, il avait autorisé la célébration du dimanche de la miséricorde dans le diocèse de Cracovie, autorisation étendue en 1995 à toute la Pologne, et en 2000, lors de la canonisation de Faustine, il en fait une fête pour l’Église universelle. Être miséricordieux, c’est savoir prendre des décisions adéquates, tant dans la vie personnelle, que sociale, religieuse et même politique. Il n’est pas donné à tous un tel pouvoir, mais chacun à sa place, avec ses responsabilités peut prendre de telles décisions et rapprocher les hommes du Dieu miséricordieux. 5. Miséricorde et cohérence Ce qui m’a personnellement frappé chez Jean-Paul II, c’est l’harmonie entre l’amour et la vérité. Tous ceux qui l’ont rencontré ont probablement eu l’impression qu’il est une personne qui aime et qu’il est accessible pour tout le monde, même pour le plus grand des pécheurs. De chaque rencontre avec lui ressortira une personne plus « grande ». On ne trouvait en lui trace de méchanceté, de mépris ou même d’indifférence. Dieu miséricordieux était présent sur le visage et dans le cœur du pape. Et en même temps, il n’est jamais apparu que son attitude ait pu mettre en défaut les exigences de la vérité de la foi. Il se comportait de telle façon, dans une telle sereine harmonie, que tous voyaient que le pape aime son interlocuteur, même en étant parfois en désaccord fondamental avec lui. Être miséricordieux c’est savoir se comporter en cohérence avec l’amour et la vérité, qui peut parfois être difficile pour l’homme. Cependant, ni la miséricorde sans la vérité, ni la vérité sans l’amour ne peuvent servir l’homme. Ce qu’éclaire cet extrait de l’encyclique Dives in misericordia : Dans aucun passage du message évangélique, le pardon, ni même la miséricorde qui en est la source, ne signifient indulgence envers le mal, envers le scandale, envers le tort causé ou les offenses. En chaque cas, la réparation du mal et du scandale, le dédommagement du tort causé, la satisfaction de l'offense sont conditions du pardon. (14) 6. La consécration du monde à la miséricorde Un autre élément de grande portée fut l’acte de consécration du monde à la Divine Miséricorde que le pape a prononcé le 17 août 2002 au sanctuaire de la Divine Miséricorde à Cracovie. C’est par les mots suivants que le St-Père a remis l’humanité entre les mains du Père. Dieu, Père miséricordieux, qui as révélé Ton amour dans ton Fils Jésus-Christ, et l'as répandu sur nous dans l'Esprit Saint Consolateur, nous Te confions aujourd'hui le destin du monde et de chaque homme. Penche-toi sur nos péchés, guéris notre faiblesse, vaincs tout mal, fais que tous les habitants de la terre fassent l'expérience de ta miséricorde, afin qu'en Toi, Dieu Un et Trine, ils trouvent toujours la source de l'espérance. Père éternel, pour la douloureuse Passion et la Résurrection de ton Fils, accorde-nous ta miséricorde, ainsi qu'au monde entier! Amen. « Consacrer » signifie rendre à Dieu, c’est un acte public de foi, c’est affirmer que seul Dieu peut sauver le monde, aider ce monde et en faire un monde meilleur. Être miséricordieux commence toujours par la foi, sans laquelle l’homme n’est pas en capacité de se libérer de la pauvreté, de la misère et du péché. 7. La miséricorde et la mort Déjà en 1981, lorsque le pape a pardonné à Ali Agça (qui avait tenté de l’assassiner Place St Pierre), il s’est révélé comme un homme qui, malgré les immenses souffrances personnelles subies, savait que la miséricorde est la meilleure réponse à la misère et au mal. Cette bonté du pape s’est aussi manifesté dans le chemin de croix de sa maladie et encore au moment de sa mort. Il est parfois plus aisé d’être miséricordieux envers les autres qu’envers soi-même. Jean-Paul II a vécu ses dernières années plongé dans la miséricorde du Père, tant et si bien que le Père l’a rappelé en la vigile du dimanche de la miséricorde, le 2 avril 2005. A 21h37. Être volontaire de la miséricorde c’est aussi être volontaire de la miséricorde envers sa propre pauvreté, envers son propre péché et sa propre croix. Aujourd’hui déjà et jusqu’à l’heure de la mort. Amen p. Wojciech Węgrzyniak trad: HB