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Fonds ancien et Archives de la Ville de Provins Villa Garnier Contacts : Tél. : 01.64.00.59.60. Mél. : [email protected] Bourreaux de Provins LA FIGURE HISTORIQUE DU BOURREAU EN FRANCE Marquée d’infamie, la fonction d’exécuteur des Hautes Œuvres marque l’imaginaire jusqu’à la caricature. Cependant, il faut voir cette fonction comme l’ultime rouage d’une justice qui voyait le châtiment comme nécessaire à l’ordre et qui s’appuyait sur l’exemplarité de la peine comme leçon aux impétrants criminels. C’est au XIIIe siècle parallèlement à l’émergence d’une justice qui relève de l’autorité établie, qu’elle soit noble, royale ou franche, apparaît en occident la figure du bourreau ou exécuteur, agent professionnel de la ritualisation et de l’exécution du châtiment. Le bourreau est aussi à cette période celui qui soumet à la question (ordinaire ou extraordinaire), c’est-à-dire qui torture pour obtenir l’aveu. Il est le seul personnage non soldat qui peut tuer légalement hors temps de guerre, sous l’autorité d’un seigneur, du roi, d’une assemblée rendant la justice. Si son rôle est nécessaire et en fait un auxiliaire indispensable du système judiciaire, le bourreau n’en souffre pas moins de l’hostilité de la population dans son ensemble envers sa personne, à de rares exceptions près. Condamné à demeurer hors les murs de la cité (d’où les fréquentes « tours de bourreau »), il est aussi considéré, lui et sa parentèle, comme exclu du champ social acceptable, frappé d’infamie avec toute sa famille. Cette marginalisation sociale, pour terrible qu’elle soit, n’empêche pas certains criminels de choisir la terrible profession, en guise de grâce ou de pénitence, quand cela leur est proposé. Symbole de cet ostracisme institué, le vêtement du bourreau est bien souvent distinct, même si la typologie de ces distinctions est loin d’être uniforme, relevant des autorités ou coutumes locales. L’exclusion du champ social a un autre impact sur le bourreau et sa famille : la quasi impossibilité de se diriger vers une autre fonction ou métier, et la réduction du cercle des « relations humaines normales » aux autres membres de la corporation. Par le jeu des alliances matrimoniales, de véritables Pour l’anecdote, on notera que « dynasties » d’exécuteurs se Louis-Cyr-Charlemagne Sanson, constituent aux XVIe et XVIIe exécuteur de Provins, se maria en siècles, tels les Jouenne (Jouanne, première noce avec sa nièce, etc…), les Férey, les Sanson, les Marie-Madeleine-Geneviève Hérisson, et autres Deibler. On Hérisson (elle était la fille de sa aboutit ainsi, selon une vision demi-sœur Madeleine-ClaudeGabrielle Sanson, qui était l’épouse réductrice mais assez juste, à une de Pierre Hérisson, exécuteur de dynamique voulant qu’on soit Melun, lui-même probablement presque toujours bourreau de père apparenté à Antoine et Jean en fils et femme de bourreau de Hérisson, exécuteurs à Provins). mère en fille. Contrairement à ce qui apparaît Ce ne sera qu’à la Révolution que, dans certains ouvrages, sa légalement au moins, l’exécuteur première femme ne lui donna ne sera plus marqué d’infamie, qu’une seule fille, morte à 21 mois, considéré comme un citoyen et non trois enfants morts en bas comme les autres (suivant un âge. Louis-Cyr-Charlemagne Sanson processus législatif entrepris par convolera en seconde noce avec l’Assemblée Nationale entre le 24 Marie-Fare-Marguerite Gendron, décembre 1789 et le 7 avril 1791), fille d’un meunier de Provins, qui devenant par la suite un simple lui donnera un fils, Louis Gabriel… contractuel de l’Etat. Dans le même temps, en 1791, la Source : registres paroissiaux question disparaît et la peine de (Archives municipales de Provins) mort est administrée par décapitation. S’ouvre alors le long processus qui amène à la suppression de la peine de mort en France, et qui commence dès cette époque par une réduction des effectifs des exécuteurs, puis à la nomination d’un seul exécuteur en chef pour le territoire national. La loi supprimant tout d’abord l’échafaud, puis les exécutions publiques, et le nombre de plus en plus restreint d’exécutions aboutissent à la loi de 1981 abolissant la peine de mort et son corollaire : la disparition des exécuteurs. LES BOURREAUX DE PROVINS Les manuscrits du Fonds ancien et des Archives de la Ville de Provins ont permis d’établir une liste quasi quasiexhaustive des exécuteurs des sentences criminelles du bailliage de Provins, et cela dès le XVIe siècle : On peut mentionner JeanFrançois HEIDENREICH, exécuteur de Paris, qui officia Place Saint Ayoul le 22 décembre 1853 à Provins suite au jugement de l’affaire Moreau, rendu le 21 novembre 1853 (condamné, Pie-Nicolas Bony). Il reviendra une seconde fois pour exécuter FrançoisSerein Voyer, toujours Place Saint Ayoul, le lundi 22 juin 1863, à 6h05 du matin. Ce sera la dernière exécution ayant lieu à Provins. Nicolas VION : (1566 - ?) le premier Maître des Hautes Œuvres de Provins connu Jehan BERTHELOT : (? - ?) Robert SENECART : (? Ŕ 1571), venant de Normandie, il épousa la femme de Jehan Berthelot Pierre LEDOUX : (1571 - ?), venant pareillement que son prédécesseur de Normandie, il épousa la fille de Jehan Berthelot Nicolas DOUBLOT (Père) : (1648-54 - ?) Pierre LESCLOU : (1666 Ŕ 1675) Nicolas DOUBLOT (Fils) : (1675 - ?) Louis LEBRAN : (1681 - ?) PIERROT : (1684 - ?) Nicolas VALLOT : (1685 - ?), marié à Martine LeRené, parente du Maître des Hautes Œuvres de Troyes, Jacques LeRené Antoine HERISSON : (1685 Ŕ 24 janvier 1710) Jean HERISSON : (1710 Ŕ 1740), marié toute d’abord à Louise Pollette (ou Paulé), morte le 26 novembre 1720, puis à Edmée Porée le 12 décembre 1720 (morte le 14 décembre 1726), et remarié le 30 janvier 1727 à Françoise Gosson, veuve Bocheret (ou Bocherel). Il n’aura épousé que des veuves. Jean-Baptiste LOGRE : (1740 Ŕ 1742) Jean PICHON : (1742 Ŕ 1762), mort le 12 juillet 1762 à 42 ans. Jean-Rémi PICHON : (1762 Ŕ 1768) âgé de 8 ans lors de sa commission, pendu par effigie pour vol le 5 mars 1768 Louis-Cyr Charlemagne SANSON, demi-frère du « Grand SANSON (Charles-Henri) » : (1768 Ŕ 1788), gendre du bourreau de Melun. André Thomas FEREY : (1788Ŕ1792), dernier bourreau de Provins, issu de la dynastie des Férey exécuteurs depuis le XIIIème siècle, devient par la suite aide de l’exécuteur de Melun. LA TOUR DU BOURREAU OU LA TOUR DU MARTROY La Tour du Bourreau de Provins, sise sente du Bourreau, à michemin entre Ville-Basse et VilleHaute, s’élève toujours à son emplacement d’origine. Datant du XIVe siècle, la Tour du Bourreau est d’abord connue sous la dénomination « Tour du MartroySaint-Nicolas » (mentionnée sur le Manuscrit 167, le « martroy », en question serait le cimetière attenant à la collégiale Saint-Nicolas). Il faut noter que le dernier exécuteur qui l’habite est Louis-Cyr Charlemagne Sanson en 1788. André Thomas FEREY (1788 Ŕ 1792), dernier exécuteur résidant à Provins, habita quant à lui une maison rue aux Juifs. FEREY quitta la ville vers 1792, après avoir enfoui dans le jardin de sa maison, l’instrument destiné à rompre vif. Cette masse à rouer a été retrouvée par le propriétaire de la maison rue aux Juifs, M. COUTROT, qui l’a offerte au musée en décembre 1863. Les propriétaires de la Tour du Bourreau Edme-François Maximilien MICHELIN est né à Provins le 3 août 1788, mort le 19 juillet 1863, médecin archéologue. Ses ascendants paternels étaient imprimeurs à Provins. Il écrira entre autres pour La Feuille de Provins : « Les Revenants de la Tour du Bourreau », 1849-52. Georges-François-JulesDalmas MICHELIN fils du précédent, est né à Provins le 30 octobre 1814, et mort en 1891. Il fut magistrat, et vice-président de la Société d’Archéologie du département de Seine-et-Marne (section de Provins). Il sera plus particulièrement l’auteur de « La Tour du Bourreau de Provins », Bulletin de la Société d’Archéologie de Seine–etMarne, 1865. Claude LEOUZON-LEDUC né à Paris le 11 octobre 1860, mort le 3 novembre 1932 à Paris. Avocat, il devient député à la Chambre en 1889. LA TOUR DU BOURREAU FUT LA PROPRIETE DE : Julien LAURENT, en 1840 Maximilien MICHELIN, décédé en 1863 L’épouse de Maximilien MICHELIN, décédée en 1866 Jules MICHELIN, son fils décédé en 1891 Deuxième femme de Jules née LEBCAN, décédée en 1920 Claude Charles Arthur LEOUZON LE DUC, décédé en 1932 La veuve et la fille LEOUZON LE DUC vendirent le 30 décembre 1937 à la Société d’Histoire et d’Archéologie de l’Arrondissement de Provins par l’intermédiaire de M. Georges FINON, membre du bureau de la SHAAP. Le prix en fut de 5ooo Frs On n’a pas connaissance des propriétaires de la maison avant 1840. On pourrait néanmoins penser que ce logement fut soit propriété du bailliage, de la ville ou de l’exécuteur lui-même. SUBSISTANCE DU BOURREAU ET TARIFS DES EXECUTIONS : Pour subsister, l’exécuteur exerce, jusqu’en 1721, date de sa suppression par ordonnances royales, le droit de havage, qui lui permet de prendre une certaine portion des denrées sur lesquelles il étend la main. De même il perçoit : Pour rompre vif en place publique : 60 livres Pour pendaison et strangulation : 30 livres Pour la question ordinaire : 15 livres Pour la question ordinaire et extraordinaire : 20 livres Pour marque et flétrissure sur les épaules avec le fer chaud aux lettres GAL : 15 livres (pour les galériens) (Cette peine remplacera la marque de la fleur de lys en 1724) Pour marque et flétrissure à la lettre V sur l’épaule dextre : 10 livres (pour les voleurs) Pour fustiger dans les carrefours et lieux accoutumés : 5 livres A chacun des huissiers qui accompagneront l’exécuteur le samedi, jour habituellement choisi pour toute espèce d’exécution : 3 livres Pour chaque condamné à assister et conduire aux exécutions : 6 livres Pour mettre et attacher au carcan pendant deux heures : 20 livres Pour pendre par effigie : 15 livres Pour le tableau représentant le condamné : 3 livres Pour la torche blanche du poids de deux livres : 4 livres Pour trois cuirs servant à attacher les écriteaux, portant blasphémateur du saint nom de Dieu : 3 livres Pour un échafaud, une roue, bois et façon : 133 livres Pour une potence à mort, et son échelle de 18 échelons : 24 livres Pour deux cordes de bois et un cent et demi de fagots, pour le bûcher sur lequel est brûlé un condamné à être perdu : 92 livres 5 sols ANECDOTE D’EXECUTEUR ou horrible aventure arrivée à Robert Sénécart en 1571 : Un gentilhomme protestant nommé SERELLE, que l’on accusait d’avoir tué son frère aîné, trouvé mort dans les bois de FLAIX, avait été condamné à être décapité sur un échafaud, devant la fontaine de Saint-Ayoul ; sa tête devait être ensuite attachée à une potence, tandis que son corps serait « suspendu à un arbre des champs ». Arrivé au lieu du supplice, il se laissa patiemment lier, et tendit le col fort Quels étaient les droits du bourreau en 1699 ? Doit recevoir par chacune semaines des meuniers du Moulin du Roi à ladite ville, un boisseau de grain, trois quarts froment, et l’autre quart de seigle et d’orge ; Plus pour les denrées qui se vendent les jours de marché et autres jours de la semaine, par les habitants des villages voisins de cette ville, marchands et autres. Savoir pour chaque panier, les dites denrées comme beurre, fromages, œufs, fruits de toutes espèces et légumes de toutes sortes : quatre deniers Pour chaque sachée de pruneaux au-dessus de trois boisseaux : un sol, et au-dessous : six derniers Pour chaque paquet de fil, chanvre et filasse : six derniers Pour chaque tonne d’huile : quatre sols Pour chaque baril d’huile : un sol Pour chaque voiture de faïence, poterie et verrerie : trois sols Pour chacune sachée de laine : un sol … proprement pour recevoir le coup d’épée. Mais le bourreau qui jamais n’avait coupé tête à hommes, n’ayant jusqu’alors fait que pendre, « s’était muni d’une épée trop légère, qui n’avait pesanteur pour faire le coup. » Il frappa trois fois le condamné sans résultat ; n’osant lui appliquer un quatrième coup, il tâcha de lui scier la tête, et « en tiraillant le fit tomber sur les échafauds. » Alors une lutte effroyable s’engage entre les deux hommes couverts de sang. SERELLE qui a les yeux bandés roule à terre; SENECART l’y poursuit « et avec un couteau lui coupe la gorge comme les bouchers font aux moutons ou veaux qu’ils tuent. » […] « Ledit bourreau fut tant battu du peuple qui était près de lui, et du patient que jamais depuis n’eut santé, non pour les coups qu’il reçut, mais du regret qu’il prit de s’être mis en cet état, auquel il n’était aucunement propre. Il mourut quelque trois mois après. » CL. Haton, Mémoires, Paris, Edition intégrale, 2003. COMMENTAIRE D’UN LITTERATEUR : Flaubert, dans sa Correspondance, faisant référence à l’exécution de Pie-Nicolas Bony en 1853, émettra ce commentaire : A Louise COLLET [Croisset] Lundi soir, 1 heure [janvier 1854] « […] Deuxième fait, et qui démontre comme quoi les hommes sont frères. On a exécuté ces jours-ci, à Provins, un jeune homme qui avait assassiné un bourgeois et une bourgeoise, puis violé la servante sur place et bu toute la cave. Or, pour voir guillotiner cet excentrique, il est arrivé dans Provins, dès la veille, plus de dix mille gens de la campagne. Comme les auberges n'étaient pas suffisantes, beaucoup ont passé la nuit dehors et ont couché dans la neige. L'affluence était telle que le pain a manqué. […]»