Travail social et santé : Tutelle, Curatelle, Assistance à personnes

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Travail social et santé : Tutelle, Curatelle, Assistance à personnes
Travail social et santé :
Tutelle, Curatelle, Assistance à personnes en « danger »
Introduction :
Le droit luxembourgeois connaît plusieurs régimes juridiques visant à protéger des
personnes vulnérables. Ils instaurent soit l'assistance, soit la représentation de ces
personnes par une tierce personne.
Ces régimes trouvent leur base légale dans :
-
Le Code Civil Luxembourgeois (inspiré du CC Français/Napoléon de 1804 !) :
Articles 488 – 515 De la majorité et des majeurs qui sont protégés par la loi
(sommaire en annexes)
Nouveau Code de procédure civile : articles 1080 – 1107 Des régimes de
protection applicables aux majeurs
-
Le Code de la Sécurité sociale :
Article 437
-
Loi du 21 février 2013 portant incrimination de l’abus de faiblesse
Notion de contrainte :
Demande
Service d’assistance
Libre choix
Contrat bilatéral
Capables majeurs
Capacité décisionnelle
<->
<->
<->
<->
<->
<->
Signalement
Mesure judiciaire
Contrainte externe/publique
Ordonnance unilatérale
Incapables majeurs
Incapacité décisionnelle
Population cible/visée :
-
-
-
> 18 ans (âge de majorité/capacité « pour faire un acte valable, il faut être sain
d’esprit »)
Le majeur chez lequel il y à présence d’une altération (Verschlechterung)
occasionnelle ou continue
des facultés personnelles qui le met dans
l’impossibilité de pouvoir seul à ses intérêts
Le majeur qui s’expose à tomber dans le besoin ou qui compromet l’exécution de
ses obligations familiales en raison de sa prodigalité1 (Verschwendungssucht), son
intempérance2 (Unmäßigkeit) ou son oisiveté3 (Untätigkeit/ Müßigkeit)
Le majeur qui détourne une prestation sociale de son but naturel
Personnes en situation de faiblesse et de particulière vulnérabilité, due à l’âge, à
une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique et en état
de sujétion (Unterwerfung, Zwang) psychologique ou physique
1
La prodigalité se définit comme le fait pour une personne de dilapider ses biens et ses revenus, en risquant de
se mettre dans le besoin et/ou de ne plus pouvoir remplir ses obligations familiales.
2
L’intempérance est le fait pour une personne de mener une vie dissolue, de manquer de modération.
3
L’oisiveté est le fait de vivre sans travailler, d’être inactif.
Mike Schaltz juillet 2016
LES REGIMES DE PROTECTION PREVUS PAR LE
CODE CIVIL
Loi du 11 août 1982 portant réforme du droit des incapables majeurs prévoit plusieurs
régimes de protection recouvrant tous les cas d'incapacité. Il s'agit de:
-
la sauvegarde de justice
la curatelle
la tutelle
1. CADRE ET DEFINITIONS
Les régimes de protection ont des effets et conséquences sur les actes civils qu’une
personne majeure peut effectuer. Ces mesures n’affectent dons pas nécessairement « la
vie » ou le « quotidien » de la personne protégée !
Les actes d’administration
Les actes conservatoires
Les actes disposition
Actes d’exploitation ou de
gestion
courante
du
patrimoine.
Exemples : vente de meubles
d’usage courant, conclusion
d’un
bail
d’habitation,
ouverture d’un compte de
dépôt,
conclusion
d'un
contrat d'assurance
Actes par lesquels on
maintient
en
état
le
patrimoine
Exemples : réparation d’un
bien,
inscription
d’hypothèque garantissant
une créance de la personne
protégée, paiement des
charges de copropriété
Actes
modifiant
la
composition du patrimoine
Exemples : vente d’un
immeuble, conclusion d’un
emprunt, renonciation à une
succession, donation
La distinction entre ces trois catégories est particulièrement importante dans le cadre de la
définition des pouvoirs du tuteur ou du curateur.
2. LA SAUVEGARDE DE JUSTICE
Personnes concernées :
Le régime de la sauvegarde de justice concerne les personnes qui doivent être protégées en
raison d'une altération temporaire de leurs facultés mentales, sans pour autant avoir
besoin d'un régime permanent d'incapacité. Leurs facultés mentales ne permettent donc
pas, à un moment donné, l'expression de leur propre volonté.
La sauvegarde peut également avoir un aspect provisoire/préparatoire. Dans ce cas, elle
représente une protection minimale pour les personnes pour lesquelles une enquête de
tutelle ou de curatelle est en cours. La sauvegarde couvre dans la période de l’investigation
pour le dossier curatelle/tutelle.
Procédure :
Le médecin traitant remet au juge des tutelles une déclaration expliquant qu'une personne
a besoin d'être protégée dans l'exercice des actes de la vie civile. Cette déclaration, qui est
en soi facultative, doit être accompagnée d'un avis conforme d'un médecin spécialiste.
Mike Schaltz juillet 2016
Durée :
La sauvegarde en justice est essentiellement temporaire et est proclamée pour la durée de
la procédure.
Les effets de la mesure :
La sauvegarde en justice en soi est une mesure « de surveillance » qui n'affecte pas
directement les capacités des personnes dans l'exercice des actes de la vie civile. Mais les
actes civils effectués pourront être annulés a posteriori par une action en rescision ou
réduction, si les effets ainsi crées s'avèrent nuisible pour la personne protégée (ex. signature
d’un prêt bancaire, achats démesurés, …)
Gestion d'affaires et mandataire spécial:
Si le malade se sent incapable de gérer ses propres affaires, il peut désigner un mandataire.
Ce mandat doit être ordonné par le juge des tutelles et ne peut être révoqué par celui-ci. Ce
juge exerce par ailleurs une surveillance sur la gestion. Le mandataire ne peut se libérer de
sa charge sans engager sa responsabilité.
A côté de cette gestion d'affaires par un mandataire, les personnes proches du malade4 sont
obligées à exercer les actes conservatoires concernant la gestion du patrimoine de la
personne malade.
Si un mandataire fait défaut, le juge peut désigner un mandataire spécial dans le cadre
d’une sauvegarde de justice pour des actes déterminés par ordonnance judiciaire.
Dans ce cas, la personne protégée sent très fortement les conséquences dans sa vie
quotidienne, car elle se trouve dessaisie de tout pouvoir de décision au profit du mandataire
spécial !
Fin de la sauvegarde de justice :
La sauvegarde prend fin s'il y a:
- ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle
- déclaration du médecin que la situation a changé
- radiation par le juge de tutelles
3. LA CURATELLE
Personnes concernées :
La loi prévoit l'ouverture d'une curatelle dans le cas où une personne atteinte d'une
diminution de ses capacités mentales (maladie, infirmité, affaiblissement dû à l'âge)
nécessiterait d'un régime de protection, sans qu'une tutelle la rende complètement
incapable.
Procédure :
Le juge des tutelles est saisie par une requête accompagnée d'un certificat d'un
médecin spécialiste (ou d’un médecin généraliste avec avis à compléter par un médecin
spécialiste). Le greffier donne avis au Procureur d'Etat de la procédure introduite qui
comporte l'audition du malade par le juge des tutelles, l'avis du médecin traitant et des
mesures facultatives (p.ex. enquête sociale, avis du conseil de famille, ...)
4
Conjoint, ascendants et descendants, frères et sœurs, ministre public et curateur
Mike Schaltz juillet 2016
Définition de la prodigalité :
Une curatelle peut être envisagée pour les personnes qui par leur prodigalité
(Verschwendungssucht), leur intempérance (Unmäigkeit) ou leur oisiveté (Müigkeit)
risquent de tomber dans le besoin ou risquent de devenir incapable dans l'exécution de
leurs obligations familiales.
La curatelle concerne donc essentiellement les personnes qui sont susceptibles de tomber à
charge de leurs familles et/ou de la collectivité.
Conséquences :
De façon générale, la personne sous curatelle n'est pas incapable. Elle s'engage elle-même et
elle n'est pas représentée par un représentant légal. Peuvent toujours être exécutés par la
personne sous curatelle les actes d'administration ou les actes conservatoires. Par contre
en ce qui concerne les actes de disposition, la personne doit être assistée par son curateur.
Désignation du curateur:
Le régime de la curatelle ne prévoit pas la formation d'un conseil de famille. Le conjoint est
curateur de droit en principe. En défaut du conjoint, des autres curateurs peuvent être
nommés par le juge des tutelles.
Curatelle simple, curatelle renforcée :
En nommant le curateur, le juge peut ordonner qu'il percevra seul les revenus de la
personne en curatelle, assurera lui-même, à l'égard des tiers, le règlement des dépenses et
versera l'excédent, s'il y a lieu, à un compte ouvert chez un dépositaire agréé par le
Gouvernement pour recevoir les fonds et valeurs pupillaires. Le curateur nommé avec cette
mission rend compte de sa gestion chaque année au juge des tutelles.
Fin de curatelle:
La guérison du malade peut mettre fin à une curatelle en rendant inutile la protection. Mais
la protection établie par le régime de curatelle peut également s'avérer insuffisante et une
tutelle doit être envisagée, en mettant fin à la curatelle.
4. LA TUTELLE
Personnes concernées:
Le régime de la tutelle convient pour les formes les plus graves de l'altération des facultés
mentales, lorsque l'intéressé doit être représenté d'une manière continue (malades
mentaux gravement atteints, personnes atteintes d'infirmités corporelles ne permettant
plus l'expression de leur propre volonté, atteintes dues à l'âge).
Procédure:
La procédure est la même que pour la curatelle.
Formes que peut prendre la tutelle:
Administration légale: Si les personnes proches s'intéressent au sort de l'intéressé, le juge
des tutelles peut désigner parmi eux des administrateurs légaux. Les règles concernant
l'administration légale5 sont de rigueur. Il y a alors un contrôle judiciaire, mais il n'y a plus de
subrogé tuteur ni conseil de famille.
5
Prévue pour les mineurs n'ayant plus qu'un de leur père et mère
Mike Schaltz juillet 2016
Tutelle légale: La tutelle est dite légale si l'époux est tuteur de son conjoint.
Tutelle dative: La tutelle dative concerne tous les autres cas de tutelle, c.à.d. que le tuteur
soit désigné par le conseil de famille.
Contrairement à la tutelle des mineurs, la tutelle des majeurs peut être exercée par une
personne morale (si le malade est pris en charge par une association privée).
Tutelle en gérance: Si la fortune à administrer est de peu d'importance (matérielle), le juge
peut désigner un gérant, sans que la formation d'un conseil de famille soit nécessaire. Le
gérant de la tutelle prend en charge seul les actes de la gestion courante. Pour tout ce qui
dépasse la gestion courante, l'autorisation du juge des tutelles est nécessaire. La gérance de
la tutelle pourra être confiée à un membre du personnel administratif de l'établissement de
traitement.
Conséquences :
Le majeur placé sous tutelle est en principe incapable et doit être représenté dans la vie
civile. Mais certaines dispositions peuvent permettre à l’incapable une capacité réduite et le
juge peut énumérer des actes bien déterminés que l'incapable peut faire seul ou avec
l'assistance du tuteur. Ces dispositions sont appliquées comme moyen thérapeutique ou
moyen d'insertion ou de réinsertion.
Fin de tutelle:
La tutelle prend fin pour les causes qui l'ont déterminées. Un jugement de mainlevée doit
être prononcé.
5. DISPOSITIONS COMMUNES À LA TUTELLE ET LA CURATELLE
Compétence :
Le juge compétent est le juge des tutelles du domicile de la personne à protéger.
La Requête :
L’instance débute par une requête énonçant les faits de nature à justifier l’institution d’une
mesure de protection. Elle doit être accompagné d’un certificat médical et énumérer les
proches parents de la personne à protéger.
L’ouverture d’une mesure peut être sollicitée par la personne à protéger, son conjoint, à
moins que la communauté de vie n'ait cessé entre eux, ses ascendants, de ses descendants,
de ses frères et sœurs, du curateur ainsi que du ministère public; elle peut être aussi ouverte
d'office par le juge.
Audition :
L’audition de la personne à protéger par le juge est obligatoire avant la prononciation du
jugement le cas échéant.
Nationalité :
Le juge des tutelles doit appliquer la loi nationale du majeur à protéger
Audiences :
Les audiences ne sont pas publiques.
Mike Schaltz juillet 2016
Notification des décisions :
Le jugement est notifié à la personne à protéger sauf si le juge estime qu’il n’y a pas lieu de
notifier en raison de l’état de santé de la personne.
Recours :
Les seules décisions susceptibles d’un recours sont celles qui ouvrent la tutelle ou refusent
d’en donner mainlevée. Les seules personnes qui peuvent former un recours sont celles qui
peuvent provoquer l’ouverture dune tutelle
Publicité des décisions :
La publicité des décisions portant ouverture, modification ou mainlevée d’une tutelle est
réalisée par le répertoire civil tenu au Parquet Général.
La durée :
Aucune disposition ne prévoit de durée ni minimale ni maximale pour la curatelle et la
tutelle. En revanche, l’article 490‐3 du Code civil vise à empêcher que la mesure ne se
prolonge inutilement en permettant au procureur d'Etat du lieu de traitement et au juge des
tutelles de visiter ou faire visiter la personne protégée à tout moment.
6. DISPOSITIONS PARTICULIÈRES
Protection du logement :
Quel que soit le régime de protection applicable, le logement de la personne protégée et les
meubles meublants dont il est garni doivent être conservés à sa disposition aussi longtemps
qu'il est possible. Toute démarche à ce niveau devra être autorisée par le juge des tutelles.
Actes personnels :
Certains actes personnels tels que faire un testament, une donation ou se marier font l’objet
de procédures spécifiques en fonction du régime et des dispositions existantes.
Responsabilité civile :
La personne protégée reste civilement responsable.
Capacité juridique:
La capacité́ juridique désigne notamment la capacité́ d’être à la fois titulaire de droits et
sujet de droit. La capacité́ juridique d’être titulaire de droits garantit à la personne que ses
droits seront pleinement protèges par le système juridique. Les mesures de protection
n’entravent rien à la capacité́ juridique d’être titulaire de droits.
La capacité́ juridique d’être sujet de droit implique que la personne a le pouvoir d’effectuer
des opérations juridiques et de créer des relations juridiques, de les modifier ou d’y mettre
fin.
La personne protégée est limitée dans sa capacité juridique d’être sujet de droit en fonction
du régime appliqué. Les mesures de protection ne privent donc pas la personne de la
jouissance de ses droits mais de l’exercice de ses droits.
Seule exception : le droit de vote se perd sous le régime de la tutelle.
Mike Schaltz juillet 2016
Tutelle « quant à la personne « :
Les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre l'hospitalisation et
les soins à domicile, sont indépendantes du régime de protection appliqué aux intérêts civils.
Réciproquement, le régime applicable aux intérêts civils est indépendant du traitement
médical. Néanmoins, les décisions par lesquelles le juge des tutelles organise la protection
des intérêts civils sont précédées de l'avis du médecin traitant.
Remarque : la nation de tutelle sociale n’existe pas (encore) dans le Code Civil, la législation
actuellement en vigueur protège avant tout la fortune (« C’est pour ton bien !»)
LE REGIME DE PROTECTION PREVU PAR LE CODE LE
CODE DE LA SECURITE SOCIALE
L’article 437 du CSS stipule que :
« S’il est établi que le bénéficiaire d’une pension ou indemnité en espèces la détourne ou
pourrait la détourner de son but naturel ou que les intérêts de ses ayants droit sont lésés, le
juge de paix de sa résidence pourra désigner une tierce personne qui emploiera ladite
pension ou indemnité aux fins auxquelles elle est destinée.
Cette mesure, prononcée par le juge de paix, est limitée dans le temps et pourra être
prorogée. Les effets de gestion ne se limitent qu’aux revenus de la personne, pas au
patrimoine en général. La requête peut être présentée par le conjoint/partenaire, les
ascendants, le subrogé tuteur, le président de l’office social de la commune, ou bien par
l’institution « payeur » de la sécurité sociale concernée.
LOI DU 21 FEVRIER 2013 PORTANT
INCRIMINATION DE L’ABUS DE FAIBLESSE
Article unique. L’article 493 du Code pénal est modifié comme suit:
Art. 493. Est puni d’une peine d’emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende
de 251 à 50.000 euros l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse
soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une
maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, est apparente ou connue
de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant
de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son
jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou une abstention qui lui
sont gravement préjudiciables.
Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui
poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la
sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines
sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 250.000 euros d’amende.
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Mike Schaltz juillet 2016