le monde, son lot de connaissances déclaratives (1). Ces

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le monde, son lot de connaissances déclaratives (1). Ces
APPRENDRE A PENSER
PENSER POUR APPRENDRE
Josette HENIN
Animatrice au C.A.F
Si l’on demandait à quelques personnes de citer la dernière information ajoutée à
l’ensemble de leurs connaissances, on obtiendrait vraisemblablement des
réponses très variées. D’aucuns évoqueraient le règlement d’un jeu de société,
d’autres, l’aptitude à reconnaître un arbre à sa silhouette hivernale, d’autres encore,
le nom - et le goût - du dernier cocktail à la mode, d’autres enfin leurs récentes
recherches sur l’apprentissage du «savoir-lire»...
Ainsi, nos champs de connaissances se diversifient à l’infini. Chaque jour nous
apporte, par l’observation, l’expérience, la lecture... son lot de savoirs nouveaux sur
le monde, son lot de connaissances déclaratives (1). Ces connaissances sont
stockées dans notre mémoire à long terme en «fichiers» qui à chaque instant se
modifient, se complexifient, construisent entre eux de multiples connexions. Ces
fichiers sont mobilisés au cours des actes intellectuels, soit pour s’enrichir de
nouvelles informations, soit pour nous aider à résoudre un problème.
Les connaissances mobilisées, confrontées aux données de la réalité extérieure,
subissent différents traitements: elles sont classées, organisées, comparées,
hiérarchisées, elles sont l’objet de synthèses, elles sont à la base de l’élaboration
d’hypothèses... Ces opérations mentales font également partie de notre «bagage
1
intellectuel». On les appelle connaissances procédurales .
Connaissances déclaratives et connaissances procédurales sont stockées dans
notre mémoire à long terme tandis que les activités de traitement s’effectuent dans
l’«espace» de notre mémoire appelé mémoire à court terme ou mémoire de travail.
On pourrait dire, en résumé, qu’au cours de tout acte intellectuel - qu’il soit orienté
vers le traitement des informations ou la résolution de problèmes - un travail
intense s’effectue dans la mémoire à court terme: connaissances délarétives
(savoirs sur le monde) et connaissances procédurales (savoir comment traiter les
informations) sont en totale synergie.
Connaissances
Déclaratives
"sur"
Connaissances
procédurales
"comment"
Pensée
Actes intellectuels
Traitement de
l’information
Mémoire à long terme
Mémoire à court terme
Résolution de
Problème
Nous appuyant sur ces données apportées par la recherche en sciences
cognitives, nous pourrions accorder aux verbes qui sont à la base de notre
réflexion les significations suivantes:
1
Consulter à ce sujet: Michel Delevay, De l’apprentissage à l’enseignement,
PARIS, EST, 1992 (pp. 36 à 43).
1
PENSER, c’est mobiliser, dans un acte intellectuel, un ensemble
de connaissances déclaratives et procédurales afin de traite une
information ou de résoudre un problème.
APPRENDRE, c’est s’approprier de nouvelles connaissances
déclaratives et/ou procédurales, c’est gérer ses savoirs en se
constituant des «fichiers» de plus en plus larges et de plus en
plus complexes.
Dans cette perspective, on ne peut isoler les activités qui permettent à l’élève de
développer sa pensée des activités d’apprentissage destinées à alimenter cette
pensée. Apprendre à penser, penser pour apprendre ne sont pas dissociables.
Notre rôle de pédagogue consistera donc à aider l’élève
• à s’approprier le stock de connaissances le plus vaste et le mieux organisé
possible,
• à mobiliser les connaissances (déclaratives et/ou procédurables) adaptées à
une situation précise de traitement d’informations ou de résolution de
problèmes.
Je développe, dans un dossier CAF, que l’on m’a demandé de présenter ici,
quelques pistes permettant au professeur (de français) d’associer aux objectifs
énoncés par le programme du secondaire inférieur, des objectifs de «compétences
transversales»: la gestion des informations (comment les prendre, les organiser,
les mettre en mémoire), la résolution de problèmes (comment traiter un problème
plus ou moins complexe).
Ces questions seront envisagées selon trois perspectives différentes:
• ce que nous devons savoir à ce sujet,
• ce que nous pouvons faire pour aider les élèves dans ce domaine,
• quelques propositions d’activités pédagogiques dans le cadre du cours de
français.
I.
I.1.
LA GESTION DES INFORMATIONS
PRENDRE LES INFORMATIONS
Ce que nous devons savoir à ce sujet:
Les procédures mentales qui sous-tendent toute
prise d’informations
La prise d’informations est la compétence-clés de toute acte intellectuel.
Elle est le point de départ de la représentation que nous nous faisons du
monde. Son domaine est particulièrement vaste. Contact permanent avec
la réalité extérieure, elle mobilise tous nos sens (vue, ouïe, odorat, goût,
toucher). Elle concerne toutes les disciplines scolaires à travers les
2
, d’exploration de documents
opérations de lecture de consignes
historiques, d’observation d’expériences. La prise d’informations est
toujours liée à un besoin de savoir souvent subordonné lui-même à un
problème concret. Le lecteur du texte informatif opère toujours une lecture
«orientée» vers la satisfaction de son besoin. Il choisit la stratégie de
lecture la plus adéquate et la plus satisfaisante.
On a décrit ces stratégies: il s’agit de la lecture repérage, de la lecture
écrémage, de la relecture sélective.
2
Le manuel Energie 6, édité chez Magnard, propose un nombre important de
réflexions et d’activités autour de la lecture de consignes.
2
L’opération la plus sollicitée au cours de ces stratégies de lecture en vue
d’une prise d’informations est l’EXPLORATION du texte, qui s’appuie sur
différents traits, linguistiques ou autres.
Par exemple:
− le langage iconique et graphique,
− le langage de présentation (typographie, gestion de la page),
− le tire, le chapeau, les intertitres,
− les organisateurs textuels.
Ce que nous pouvons faire
pour aider élèves à prendre des informations
Deux attitudes pédagogiques me paraissent
l’apprentissage de la prise d’informations:
prioritaires
dans
• créer le besoin de s’informer.
Il est très rare qu’un lecteur sit spontanément attiré vers le texte
informatif. Ce que l’on appelle «la plaisir du texte» est souvent lié au
récit frictionnel et repose sur l’affectivité du lecteur. S’y mêlent des
phénomènes d’identification, de rejet de l’ici et maintenant. Le plaisir
que procure le texte informatif est plutôt lié à la satisfaction d’une besoin
de savoir, à la découverte qui stimule la curiosité et, au-delà, à l’activité
créatrice.
Efforçons-nous donc de motiver l’entrée du texte informatif dans la
classe: «mettons-le en scène», en l’insérant par exemple dans un projet
élargi où la lecture trouve sa signification: recherche en vue de la
rédaction d’un article destiné au journal scolaire (ou local), constitution
d’un dossier, préparation d’un spectacle, d’une exposition...
• orienter les activités de recherche.
Ne perdons jamais de vue, lorsque nous organisons nos activités, que
le questionnement doit précéder la lecture: la curiosité doit être éveillée,
le besoin créé, pour que la lecture soit vraiment une activité de
recherche orientée.
Pistes pédagogiques
Nombreuses sont les pistes qui peuvent être ouvertes dans cette
perspective: activités organisées à partir de l’interprétation du titre, du
langage de présentation, du cadre de communication: activités de lecture
repérage (au cours d’une visite de bibliothèque, explorer index et/ou tables
des matières afin de choisir le(s) livre(s) à emprunter pour obtenir des
informations sur un sujet précis); activités de lecture écrémage (à partir du
titre et du chapeau, opérer une recherche des mots-clés d’un texte), de
lecture sélective (reformuler les intertitres effacés d’un texte)...
I.2.
SAVOIR PRENDRE DES NOTES
Ce que nous devons savoir à ce sujet
La prise de notes accompagne généralement la collecte des informations.
Elle exige des processus intellectuels complexes et qui ne peuvent être
acquis que progressivement.
3
On peut considérer que l’on prend des notes avec un double objectif:
sélectionner l’essentiel des informations d’un texte ou d’un exposé,
organiser ces informations en une structure cohérente.
Selon le thème et son mode de traitement, différents schémas
d’organisation des données sur la page sont possibles. En voici quelquesuns:
Le tableau :
Le schéma en arbre :
Le schéma en tiroirs : xxxxxxxxx
xxxxxxx
Le réseau notionnel
xxxxxxx
xxxxxxxxxx
xxxxxxx
xxxxxxx
Ce que nous pouvons faire
pour aider nos élèves à prendre des notes
Il me paraît important, pour aborder ce problème, de distinguer la prise de
notes à la lecture - qui peut être introduite dans la classe dès la première
année - et prise de notes à l’écoute, qui exige des élèves des compétences
procédurales plus complexes.
Prises de notes à la lecture
Dès la première année du secondaire inférieur, il est possible d’introduire
dans la classe, des activité de prises de note à la lecture de textes
informatifs. Ces activités sont alors placées dans des situations
fonctionnelles de prise d’informations et s’inscrivent dans un projet (exposé
oral, préparation d’une exposition, visite, écriture...).
Les objectifs visés par le professeur pourraient être les suivants:
• rendre les élèves capables de retrouver dans les textes les réseaux
notionnels en pratiquant une relecture au cours de laquelle les
informations-clés sont «surlignées»,
• les rendre capables de choisir la représentation (tableau,
graphique, schéma) la mieux adaptée à la situation,
• les rendre capables d’utiliser à bon escient les principales
abréviations et les symboles graphiques qui, tout en permettant un
gain de temps appréciable, aident à la visualisation.
4
Dans le document dont je rends compte ici, je propose différents textes
organisés autour d’un projet: la réalisation d’un dossier, et d’un thème:
l’espace. Les élèves sont invités à questionner ces textes et à présenter les
informations selon différentes mises en pages.
Prises de notes à l’écoute
La prise de notes à l’écoute est beaucoup plus complexe. Elle demande
une attention soutenue, l’aptitude à sélectionner spontanément les
données essentielles, la maîtrise des différents schémas de présentation
possibles, une bonne connaissance des abréviations et des signes
symboliques.
Elle peut être introduite dès la seconde, mais il ne devrait pas s’agir de
«prendre des notes de cours», pendant que le professeur «fait sa leçon».
Le cours est un dialogue: c’est par les échanges avec le professeur, par les
échanges entre eux, c’est par les digressions aussi que les élèves
accèdent aux connaissances. La prise de notes, dans ce cas, est
beaucoup trop difficile et, si même elle était tentée, elle entraverait, dans la
classe, toute communication.
Pistes pédagogiques
Certaines situations, cependant, peuvent créer le besoin de prendre des
notes à l’écoute. En voici deux exemples:
− L’interview de personnes ressources
Dans le cadre d’une exposition sur les métiers du livre, libraires,
éditeurs, bibliothécaires sont interrogés. Dans ce cas, le questionnaire a
été rédigé au préalable, la feuille préparée (questions recopiées en
abrégé). Les élèves ont pour consigne d’inscrire les réponses en regard
des questions. Si des informations non prévues apparaissent, elles
3
seront notées en bas de page .
− L’organisation de la visite d’une exposition
La visite prochaine d’une exposition motive l’écoute d’un enregistrement
radiophonique la présentant aux auditeurs. Dans cette perspective, on
propose aux élèves un schéma préalable dans lequel ils pourront
inscrire les informations qui leur sont apportées.
Voici, en exemple un tableau proposé à une classe de troisième en vue
d’une prise de notes à l’audition d’une séquence radiophonique extraite
de l’émission Point de Mire (RTBF).
CONTEXTE:
THEME:
Qui?
est...
fait...
Où?
Quand?
Dans quel but?
Comment?
Avec quels effets attendus?
3
Représentations complémentaires
Le dossier CAF Deux séquences autour du livre, J Henin, 1990, propose une
activité de ce type intégrée dans un réseau de compétences.
5
La consigne donnée est la suivante:
Au fur et à mesure de l’exposé, inscris les informations en regard
des principaux points (et non en suivant l’ordre choisi par le
conférencier)
I.3.
ENREGISTRER LES INFORMATIONS:
ETUDIER UNE LECON
Ce que nous devons savoir à ce sujet:
Le fonctionnement de la mémoire
4
La mémoire, «propriété de conserver et restituer des informations» , a été souvent
décrite comme un «placard» dans lequel seraient stockés les souvenirs.
Aujourd’hui, l’essor de l’informatique amène les scientifiques à concevoir la
mémoire à l’image de l’ordinateur: loin d’être homogène, elle est constituée de
deux mécanismes: la mémoire à long terme et la mémoire à court terme.
La mémoire à court terme
Au cours de l’acte intellectuel, la mémoire à court terme est le siège d’une intense
activité. Elle se caractérise cependant par une faible capacité de stockage et une
durée de conservation réduite. De nombreuses expériences ont montré
l’intervention des connaissances procédurales pour pallier la faiblesse de capacité
de stockage. Les informations sont regroupée en «tronçons» selon différents
modes d’organisation:
− la catégorisation: groupement de concepts par catégories,
− l’organisation mentale: construction mentale de phrases intégrant les différents
concepts,
− l’organisation imagée: représentation visuelle de concepts ou d’associations de
concepts,
− l’organisation subjective: groupements propres à chaque sujet.
La mémoire à long terme
La mémoire à long terme - ou mémoire permanente - peut être comparée à un
prodigieux magasin dont la capacité semble infinie et le contenu indissoluble. Tout
notre savoir y est entreposé en «fichiers». Ces derniers se sont généralement
constitués selon deux modes d’encodage: le mode verbal, qui aboutit à une sorte
de mémoire conceptuelle, le mode visuel qui aboutit à une sorte de mémoire
analogique de type visuo-spatial.
En résumé, on peut considérer que la «mise en évidence» doit passer par trois
étapes obligées. Les deux premières ont été décrites dans le chapitre précédent:
• L’appréhension, c’est-à-dire la saisie des informations,
• L’organisation, c’est-à-dire la gestion des informations (classer, organiser,
hiérarchiser, comparer...)
La troisième étape est une opération d’ancrage, d’enracinement des
connaissances neuves dans le réseau de connaissances acquises antérieurement.
Les données nouvelles viennent s’ajouter, sur les «fichiers», à des adresses
précises d’où elles seront aisément récupérées.
4
Alain Lieury, La mémoire, LIEGE, Ed. Mardaga, 1992.
6
Les styles cognitifs
La plupart du temps, on observe la prégnance d’un code d’entrée en mémoire.
C’est ce que l’on désigne sous l’expression «style cognitif». Nous sommes des
«visuels», des «auditifs». Pour le stockage ou le rappel des informations, nous
privilégions les images ou les mots.
5
Jean Berbaum distingue trois «styles» différents de mémorisation des données:
on peut apprendre «par tête», «par coeur» ou «par corps». On apprend «par tête»,
lorsqu’on attache la plus grande importance à la compréhension: on reformule
mentalement les informations, on les classe, on les réorganise. On apprend «par
coeur» lorsqu’on s’attache aux sonorités des mots, au rythme des phrases, des
textes... On apprend «par corps» lorsqu’on associe des mouvements (gestes,
écriture) aux mots et aux idées. Ces manières de procéder sont souvent
complémentaires. Dans l’étude d’une poésie, par exemple, on associe la
construction du sens (par tête) à la musicalité du vers (par coeur) ainsi qu’à la
gestuelle (par corps).
Les phénomènes d’oubli
Des recherches récentes sur le fonctionnement de la mémoire ont montré
l’importance des phénomènes d’oubli: 40% des données sont déjà effacées après
20 minutes, au bout d’une semaine, il ne reste que 20% des éléments mémorisés.
Pour éviter ces fuites, il est primordial de prévoir des périodes de renforcement.
Selon les chercheurs, les renforcements les plus efficaces se situent entre la 6e et
la 10e minute qui suivent l’enregistrement et, ensuite, après plusieurs jours (les
données ayant subi une phase de maturation trouvent plus facilement leurs points
d’ancrage dans les «fichiers»). A plus long terme, nos connaissances se
renforcement s’il nous est possible de les rencontrer dans différentes situations (recadrage). Nous gardons alors les éléments communs (catégories, thèmes...)
rejetant dans l’oubli les détails qui les ont accompagnés. C’est la conceptualisation,
l’abstraction qui sauvent de l’oubli.
Ce que nous pouvons faire pour aider nos élèves à bien
étudier leurs leçons
Dans les classes du secondaire inférieur, une de nos tâches prioritaires devrait être
d’apporter aux élèves les moyens de s’approprier les nouvelles connaissances.
Ces quelques attitudes pédagogiques pourraient permettre la réalisation de cet
objectif.
• Rédiger des consignes explicites.
Les consignes d’étude, dans le journal de classe, sont souvent formulées en
termes de matière: titres ou intertitres des chapitres. L’élève est rarement
informé des attentes du professeur.
Rédigeons les consignes d’étude à partir des comportements que nous
souhaitons obtenir, des ACTES qui devront être exécutés au moment du
contrôle des connaissances.
Exemples de rédaction de consignes:
− définir, énumérer, réciter, écrire de mémoire...
− représenter, formuler, utiliser une règle, un trait linguistique dans un contexte
donné...
− repérer dans un texte un trait linguistique précis, justifier son emploi,
interpréter...
− produire un énoncé plus ou moins long témoignant de l’appropriation de la
connaissance...
5
Jean Berbaum, Pour mieux apprendre, Collection pédagogies, PARIS, E.S.F.
éditeurs, 1992.
7
• Observer l’élève au cours de l’étude d’une leçon pour comprendre son
style cognitif.
De temps en temps, proposons aux élèves d’étudier, en classe, une courte
leçon. Pendant cette pause, observons-les, tentons d’interpréter leur
comportement et de reconnaître leur style cognitif. Sont-ils des visuels? Dans ce
cas, ils se contentent de regarder la feuille tout en mémorisant. Sont-ils des
auditifs? Ils labialisent en étudiant. Ont-ils besoin de s’engager corporellement
dans leur étude? Ils écrivent, dessinent, tentent de donner d’autres formes aux
contenus de matière...
• Amener l’élève à découvrir ses propres démarches de mémorisation.
Nous ne connaissons pas toujours très bien nos propres processus d’étude, nos
«routines» nous suffisent généralement. Pourtant, la prise de conscience des
actes mentaux effectués peut nous permettre d’en évaluer l’efficacité.
Aider l’élève à découvrir ses propres «routines» est la première étape d’une
amélioration de sa méthode de travail. C’est d’abord prendre le temps de
s’entretenir avec lui après l’avoir observé dans son travail. C’est ensuite lui
proposer une introspection à l’aide d’un questionnaire qui pourrait servir de base
à un dialogue ou à un échange dans la classe. Demandons-lui de préciser la
représentation qu’il a de ses nouvelles connaissances (leur contenu global, leur
utilité). Invitons-le à évaluer le temps consacré à étudier, à expliciter les
difficultés qu’il a rencontrées, la méthode qu’il a utilisée pour étudier, pour
vérifier sa bonne mémorisation... Ce questionnaire devrait, dans une
perspective d’évaluation formative, être suivi d’échanges et de commentaires
6
largement développés .
• Faire découvrir la grande diversité des processus d’étude.
La confrontation, en classe, des différentes réponses au questionnaire permet à
l’élève de prendre conscience que sa méthode n’est pas unique, qu’il en existe
beaucoup d’autres. On recherche, parmi les autres stratégies, celles qui
paraissent les plus économiques (temps), les plus efficaces (mémoire), les plus
riches (qui permettent aux connaissances nouvelles de s’ancre le plus
efficacement dans les champs de connaissances antérieures).
A l’occasion de l’étude d’une autre leçon, conseillons à l’élève d’expérimenter
d’autres stratégies, choisies parmi celles qui ont été présentées par leurs
camarades. Demandons-lui ensuite d’expliquer la manière dont il a conduit cette
dernière expérimentation, d’en évaluer, par comparaison, les résultats.
Ces moments d’évaluation formative, portant non sur les contenus de matière
mais sur la méthode utilisée pour mieux connaître sa leçon sont extrêmement
importants. De leur fréquence dans le cours dépend en grande partie
l’acquisition des compétences procédurales qui sont sources de réussite
scolaire.
6
Dans le document de travail, outil d’animation des journées pédagogiques autour
de ce thème, Apprendre à penser, penser pour apprendre, CAF, 1993, je propose
un modèle de questionnaire d’autoévaluation de son apprentissage (évaluation de
la nature et de l’utilité des connaissances, du temps consacré à l’étude, des
stratégies d’étude, des stratégies de vérification).
8
•
Encourager l’utilisation de moyens mnémotechniques.
7
Les moyens mnémotechniques sont destinés à aider la mémoire . Ils facilitent
l’acquisition et la restitution des connaissances par des procédés d’associations
mentales. Ce sont souvent des auxiliaires précieux au cours des études, tout
particulièrement lorsqu’il s’agit de retenir des nombres, des noms, des listes...
• Amener l’élève à choisir la stratégie la mieux adaptée à la situation.
Au fur et à mesure que s’élabore la réflexion sur les stratégies d’étude d’une
leçon, construisons avec la classe un répertoire des différentes stratégies.
Amenons les élèves à découvrir qu’elles ne sont pas nécessairement
interchangeables, que leur choix dépend non seulement de la matière mais des
conditions dans lesquelles le travail doit être accompli.
Il est évident que ce répertoire n’est pas apporté d’entrée de jeu par le
professeur. Il est construit à partir de l’expérience des élèves. Son contenu est
évolutif, susceptible de se modifier, de s’enrichir au fur et à mesure de la
complexification des leçons, des apports des autres cours.
On pourrait y trouver des conseils à appliquer avant l’étude (rappeler, de la
mémoire à long terme, le «fichier», dans lequel viendront s’ancrer les nouvelles
connaissances, se souvenir du contexte scolaire dans lequel elles ont été
introduites, choisir ses stratégies de mémorisation) et pendant l’étude (alterner
les stratégies selon différents modes d’appropriation: mode visuel, auditif,
kinesthésique...)
Pistes pédagogiques
Ces quelques exemples, choisis dans le cours de français, illustrent ce propos:
Etudier un poème
OBJECTIF:
Réciter un poème avec expression
TACHE CONSIGNEE AU JOURNAL DE CLASSE: Mémoriser le poème de
manière à pouvoir le réciter devant la classe (appliquer un ou plusieurs des moyens
mnémotechniques rencontrés)
Etudier une règle d’orthographe lexicale
OBJECTIF:
Mémoriser une règle d’orthographe lexicale afin d’être capable de
la restituer
TACHE CONSIGNEE AU JOURNAL DE CLASSE:Restituer oralement la règle des
verbes commençant par AP (savoir représenter cette règle dans un schéma et,
éventuellement, adapter ce schéma à d’autres règles).
Etudier une règle d’orthographe de relation
OBJECTIF: Connaître et, à plus long terme, applique la règle générale d’accord du
participe passé.
TACHE CONSIGNEE AU JOURNAL DE CLASSE: Mémoriser la règle générale
d’accord du participe passé de manière à pouvoir la restituer en partant de
différents points de vue.
Exemples de questions:
Comment accorder le PP si le verbe est conjugué avec l’auxiliaire être?
Que se passe-t-il si le verbe est conjugué avec avoir n’a pas de complément
direct?
Dans quelles situations le participe passé s’accorde-t-il?
Dans quelles situations le participe passé reste-t-il invariable?
7
Pour un répertoire de ces procédés, cf. Patrick de Sainte-Lorette et Jo Marzé,
Comment développer sa mémoire, Editions d’Organisation Université, PARIS,
1990.
9
Etudier une synthèse de grammaire
OBJECTIF : Préparation de l’examen
TACHE CONSIGNEE AU JOURNAL DE CLASSE: Mémoriser la première partie du
sommaire du cours de grammaire de manière à pouvoir la restituer parfaitement et
dans l’ordre de présentation.
II.
RESOLUTION DE PROBLEMES
Au cours de la résolution de problème, l’acte intellectuel est orienté non seulement
vers la compréhension mais vers l’action: il s’agit de produire, de construire, de
transformer...
Souvent le problème se rattache à une catégorie de situations connues: nous
mobilisons alors des procédures qui nous sont familières (par exemple: appliquer
une règle dans une situation précise). Il peut arriver aussi que le problème soit
totalement nouveau et qu’il ne soit pas possible de le rattacher à une lasse connue:
il faut, dans ce cas, faire appel non seulement aux connaissances mais à
l’imagination, à la créativité, qui permettent de construire du neuf en combinant
les images stockées dans la mémoire à long terme. C’est l’imagination qui donne à
l’acte intellectuel mobilité, fluidité, adaptabilité, originalité. Comme les autres
procédures intellectuelles, elle peut être développée: le cours de français, grand
vecteur de l’imaginaire, contribue particulièrement à ce développement.
Cependant les tâches complexes de résolution de problème peuvent entraîner une
«surcharge cognitive»: trop de connaissances déclaratives et procédurales sont
sollicitées. L’inquiétude s’installe et l’imagination se bloque; il peut être intéressant,
dans ce cas, de mettre à la disposition des élèves des schémas procéduraux qui
rappellent les différentes étapes du travail à accomplir. Ainsi, on peut proposer aux
élèves le schéma procédural de la construction du résumé d’une histoire, de la
réalisation d’un dossier, de la rédaction d’un texte...
8
Voici inspiré d’un article de Michel Charolles , un modèle de schéma procédural
décrivant la succession des opérations nécessaires pour une activité de rédaction.
SAVOIR ECRIRE
I. Première étape: prévoir
I.1. Identifier les paramètres de la communication: Qui écrit? A qui? Dans quel
but?
I.2. Identifier le type de texte (narratif, descriptif, informatif, argumentatif)
I.3. Se représenter les caractéristiques linguistiques du type de texte identifié
en 1.2. (approche théorique).
II. Deuxième étape: écrire
II.1. Rédiger un texte conforme aux caractéristiques choisies en I. («premier
jet».)
II.2. Organiser les faits ou idées du texte.
II.3. Dilater la trame du texte.
II.4. Accentuer la cohérence du texte à l’aide de connecteurs et d’éléments
lexicaux.
II.5. Organiser le texte en paragraphes.
III. Troisième étape: s’autoévaluer
III.1. Relire le texte à partir des critères négociés avec le professeur.
III.2. Améliorer le texte en fonction de ces critères.
8
Michel Charolles, L’analyse des processus rédactionnels: aspects linguistiques,
psycholinguistiques et didactiques, Pratiques n°49.
10
IV. Quatrième étape: réaliser le document
IV.1. Choisir le support et la mise en page.
IV.2. Recopier le texte.
IV.3. Détecter – éventuellement à l’aide du dictionnaire - les erreurs
orthographiques.
Ce schéma pourrait être proposé dans une classe de troisième, les conditions suivantes étant
remplies:
− Les élèves doivent disposer de «fiches théoriques» élaborées, dès la première, au cours d’activité
de lecture. Ces fiches présentent les constantes structurales et linguistiques de chaque type de
texte.
− Comme pour tout travail de rédaction qui clôture une séquence pédagogique, les critères
9
d’évaluation ont négociés au préalable .
Grâce à ce schéma procédural, les élèves, libérés d’une certaine surcharge cognitive, peuvent, selon
le type de texte qu’on leur a demandé de produire, laisser libre cours à leur imagination ou rechercher
méthodiquement les informations nécessaires.
En guise de conclusion...
Il est évident que nous n’avons pu faire ici le tour du problème. Il reste d’autres voies à explorer,
d’autres hypothèses de travail à poser. Ce qui me paraît cependant primordial dans la démarche dans
laquelle nous nous sommes ici engagés, c’est la perspective que tout élève peut réussir si on lui
procure les outils, si on arme sa pensée, si on lui donne la possibilité d’accroître et de diversifier les
champs de se connaissances. Cette voie a été ouverte voici plusieurs années par Feuerstein, Antoine
de la Garanderie... Philippe Mérieu et son équipe de chercheurs travaillent dans ce sens, à l’université
de Lyon. Leur postulat ne peut que rassurer les enseignants inquiets que nous sommes aujourd’hui.
Le Q.I. n’est jamais définitif. Il est toujours possible de «sauver» le petit dernier du fond de la classe.
Josette HENIN
Animatrice CAF
9
Consulter à ce sujet le document CAF Du projet pédagogique à la construction de réseau de
compétences, J. Henin, 1993.
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BIBLIOGRAPHIE
Daniel Andler, Introduction aux sciences cognitives, PARIS, Gallimard, «Folio essais», 1992.
Jean Berbaum, Pour mieux apprendre, PARIS, ESF Editeurs, 1992.
Jacques Claret, Organiser la pensée, une formation méthodique au travail intellectuel, Ed. ESF, Coll.
«Formation permanentes en sciences humaines», 3ème édition, PARIS, 1989.
Michel Develay, De l’apprentissage à l’enseignement, PARIS, ESF, 1992.
Alain Lieury, La mémoire, Résultats et théories, LIEGE, Mardaga, 1992.
Ph. Mazet et S. Lebovici, Penser - Apprendre, La cognition chez l’enfant, Colloques de Bobigny,
PARIS, ESHEL, 1992.
Marc Romainville et Concetta Gentile, Des méthodes pour apprendre, Editions d’organisation, 1990.
Pierre Samson, Organiser son travail personnel, Editions d’organisation, 1992.
Francisco J. Varela, Connaître les sciences cognitives, PARIS, Seuil, 1989.
Patrick de Sainte-Lorette et Jo Marzé, Comment développer sa mémoire, PARIS, Editions
d’organisation, 1990, p.158.
Revues:
Sciences humaines, dossier: Le cerveau aux commandes, n°8, juillet 1991.
Sciences humaines, dossier: Les Sciences cognitives, n°17, mai 1992.
Cahiers pédagogiques, numéro spécial: Aide au travail personnel, 1989.
Publications:
Ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports, Pédagogie des gestes mentaux de
l’apprentissage, Expérimentation en collèges, CRDP Grenoble, 1990.
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